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      Doit-on se préparer à des black out ?

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 27 October, 2022 - 03:30 · 8 minutes

    Le réseau européen est fragile, et la guerre en Ukraine n’arrange rien mais n’en est pas la cause. Il le restera encore pour longtemps car le problème est structurel et découle directement de vingt ans d’incurie des dirigeants européens.

    Qu’est ce qu’un black out ?

    Comme son nom l’indique, un black out c’est la plongée dans le noir d’une zone géographique par une coupure générale du réseau électrique, avec une mise hors service de tout ou partie de l’appareil de production.

    C’est un évènement accidentel, dû à une perte de contrôle des procédures de sécurité. La question est de savoir, avec la situation actuelle des réseaux européens interconnectés, si la probabilité de survenue  d’un black out est importante, et quel serait son ampleur. Il faut aussi distinguer un délestage, même s’il est nécessaire sur une zone très large, qui est contrôlé et qui permettra de ce fait un retour assez rapide à la normale, et un black out , qui peut conduire à un véritable chaos.

    Historique

    De nombreux incidents ont été répertoriés dans le monde, avec des conséquences plus ou moins graves. Ci-dessous, quelques évènements caractéristiques. (d’après Wikipedia).

    1965, États-Unis

    La cause initiatrice de ce grand incident est la disjonction intempestive d’une ligne 230 kV acheminant l’électricité de la centrale de Niagara Falls vers l’Ontario à la suite du mauvais réglage d’une protection de distance . La presque totalité du nord-est des États-Unis et le sud de l’Ontario sont hors tension, plongeant dans l’obscurité 30 millions de personnes. Il faudra plus de treize heures pour reprendre la totalité du service.

    1977, États-Unis

    New York a été touchée par une panne d’électricité qui a déclenché des pillages et des émeutes entraînant l’arrestation de 4000 personnes. Ce grand incident est dû à un orage, dont les chocs de foudre successifs sur des lignes de transport provoquent la perte de ces lignes et de groupes de production. Faute de délestage effectué suffisamment rapidement , de nouvelles disjonctions surviennent en cascade. L’ensemble de New York est coupé, soit environ 6 GW. Il faudra une quinzaine d’heures pour réalimenter totalement la ville.

    1978, France

    Panne générale, le 19 décembre 1978, due à une cascade de disjonctions de lignes à très haute tension par reports de charge, à la suite de l’entrée en surcharge initiale d’une ligne dans l’est de la France, lors d’une situation de fortes importations d’électricité de l’Allemagne vers la France . Les trois quarts du pays sont privés de courant pendant quelques heures.

    1999, France

    Fin décembre 1999, deux tempêtes exceptionnelles par leurs intensités frappent de plein fouet l’Europe, en particulier la France, où pas moins de 3,6 millions de personnes se retrouvent sans courant. Paris échappe de peu au black-out , grâce aux équipes d’ EDF qui limitent les dégâts sur le réseau électrique français. À certains endroits, il faut 19 jours pour rétablir le réseau. Au vu de l’étendue des dégâts et des dommages causés, c’est la pire destruction subie par le réseau électrique français depuis sa création.

    Italie 28 septembre 2003

    Panne dans la totalité de l’ Italie et brièvement dans le sud de la Suisse . Avant cet incident, dû au contact entre un câble électrique et un arbre, car les lignes de transit nord-sud à travers la Suisse et l’Italie étaient très chargées et s’étaient dilatées . À 3 h 1, une importante ligne de transit entre le nord et le sud de l’Europe, la ligne du Lukmanier , disjoncte. Une charge d’environ 110 % est reportée sur la ligne de transit du San Bernardino . GRTN, l’exploitant du réseau n’a pas réagi. Par conséquent, 56 millions de personnes ont été touchées. Il faut attendre deux jours pour un rétablissement complet.

    2006, Europe

    Le 4 novembre 2006, vers 22 h 10, une panne de grande importance a touché le réseau européen connecté (UCTE ou ENTSO en anglais), privant d’électricité environ 15 millions de clients européens. L’origine serait la mise hors-service programmée puis différée de deux lignes 400 kV . L’opérateur RWE TSO appela son concurrent E.ON Netz à 22 h 8 pour demander une intervention urgente. L’intervention se produit à 22 h 10. Le résultat fut contraire à celui attendu : au lieu de baisser de 80 ampères, le courant augmenta de 67 ampères. La ligne fut déconnectée par les automatismes de sécurité pour surcharge. Par un effet domino de report de charge , de nombreuses autres lignes auraient décroché, entraînant pratiquement une scission du réseau de l’ UCTE en trois, suivant une ligne Nord-Sud, ainsi qu’une déconnexion du Maroc. La séparation du réseau a lieu à 22 h 10 min 28,7 s et 22 h 10 min 28,9 s et la séparation entre l’Espagne et le Maroc se produisit à 22 h 10 min 32 s.

    Les conséquences de cette panne d’électricité ont été aggravées par le comportement d’ensemble de la production décentralisée. Dans la plupart des pays européens, ce comportement a été marqué par le caractère aléatoire des déconnexions et des reconnexions des centrales éoliennes .

    L’Europe de l’Ouest étant alors en déficit de production, des délestages ont été nécessaires pour éviter un écroulement total du réseau. 10 % des clients ont dû être déconnectés. En France, 6400 MW de la consommation (12 %) soit 5 millions de foyers ont dû être déconnectés… L’ensemble des pays sont revenus à une situation normale en deux heures.

    Enseignements

    Un black out provient toujours de disjonction de lignes de transport à haute tension, soit par évènement météo, soit, cas le plus fréquent, par une surcharge et/ou une fausse manœuvre.

    Il se propage par une mauvaise réaction du réseau (en automatique ou par erreur humaine), liée à une mauvaise coordination entre les acteurs. La multiplicité des acteurs renforce ce risque.

    La rapidité de réaction des opérateurs est essentielle pour limiter le phénomène.

    Plus la zone concernée est vaste, plus il faut du temps pour remettre tout en service. Pour la panne italienne, l’essentiel du service a été rétabli en 24 heures, mais pour la totalité il a fallu deux jours.

    Le black out est plus fréquent en hiver, période où les moyens de production sont le plus sollicités, mais il peut survenir aussi en été. C’est parce qu’il provient du réseau, pas des moyens de production.

    Les moyens de production diffus et aléatoires compliquent à la fois la sauvegarde et la remise en état.

    Conséquences

    Elles sont multiples, et souvent dramatiques :

    • accidents de la route à cause de la coupure des feux de signalisation
    • blocages dans les trains, dans les ascenseurs
    • insécurité dans les villes (cf New York)
    • produits frais et congelés avariés
    • dommages dans l’industrie marchant en continu (métaux, verres, ciment…)

    Sans compter le risque, dans les activités secourues (hôpitaux…) que les diesel de secours ne démarrent pas.

    Panorama européen

    Le réseau électrique européen est à risque pour encore longtemps. Les raisons en sont multiples, et rien que pour la plateforme centrale européenne (Belgique, Allemagne, France) :

    Lobby antinucléaire

    En Allemagne, Belgique et Suisse il a conduit (ou va conduire) à fermer plus d’une dizaine de Gigawatts, même si les projets initiaux prévoyaient d’en arrêter beaucoup plus.

    Inconséquences électoralistes en France

    La fermeture de 2 Gigawatts nucléaires ( Fessenheim ) mais surtout la prévision de ramener le nucléaire à 50 % de la production, a conduit à désorganiser la filière et à ne pas prévoir sa pérennité.

    Fermeture des centrales à charbon en France

    Soit 2 Gigawatts, et quasi impossibilité, par manque d’entretien, de mobiliser les 3 Gigawatts restants de centrales à fuel.

    Tous les efforts portent sur l’éolien et le solaire

    Depuis vingt ans, dans les trois pays, on en a installé plus de 160 Gigawatts ! Or, il y a des nuits sans vent sur toute l’Europe. Pour ces moments là, qui arrivent plusieurs fois chaque année, ces Gigawatts ne produisent rien.

    L’Italie et la Suisse sont structurellement déficitaires

    Elles le sont depuis longtemps, pas forcément sur le papier mais on le constate en pratique. L’Espagne est quasiment autosuffisante en moyens pilotables, mais guère plus, avec du nucléaire, du fossile et de l’hydraulique qui en théorie suffisent à alimenter la pointe historique. Mais l’interconnexion est limitée avec la France.

    La gestion du réseau est plus compliquée

    Du fait de variations rapides (rafales de vent, cycle solaire, front de nuages) et des caractéristiques techniques des éoliennes et des panneaux solaires, qui n’ont pas d’inertie comme les gros turbo-alternateurs.

    Et cela va durer car pour l’instant, après la guerre en Ukraine, rien n’indique que les Belges, les Allemands, et même les Français ne changeront leurs programmes. Et même s’ils les changeaient, il faudrait dix ans pour le faire. Et quintupler les énergies non pilotables ne changera rien.

    Conséquences sur les probabilités d’un black out et ses dommages

    Depuis la dernière grande alerte, en 2006, la situation a empiré.

    Il y a moins de capacités pilotables et ça va durer.

    L’Europe est à la fois davantage interconnectée, mais pas suffisamment. Un black out proviendra probablement de la surcharge d’une ligne d’interconnexion.

    Il y a davantage de capacités diffuses et incontrôlables, éoliennes et panneaux solaires. La gestion des réseaux est plus difficile.

    Les marchés spots « libéraux » troublent les flux physiques.

    Les impacts seront plus graves, car notre société est beaucoup plus électrifiée et numérisée qu’en 2006. Les antennes relais n’ont que trente minutes de batterie en cas de coupure, et les boxes privées aucune. Et il n’y a pratiquement plus de téléphones filaires !

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      Électricité : des travaux d’Hercule surréalistes

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 8 February, 2021 - 04:30 · 11 minutes

    électricité

    Par Michel Negynas.

    L’électricité n’est pas un produit comme les autres : il se gère en temps réel, ne se stocke pas, comporte des aspects de souveraineté régionale et de sécurité. Compte tenu des niveaux financiers requis, il  doit se planifier à long terme pour éviter soit un surinvestissement, soit des ruptures d’approvisionnement.

    Le contexte initial

    On peut distinguer trois activités dans le secteur électrique : elles ont chacune des caractéristiques qui leur sont propres :

    • La production peut être sans problèmes majeurs libéralisée et soumise à la concurrence… à condition quelle le soit vraiment. On verra qu’il n’en est rien.
    • Le transport et la distribution, ainsi que la gestion et la conduite des réseaux, pour des raisons évidentes d’optimisation, gagnen à être centralisées. Les myriades de câbles dans les rues arrière des blocs d’immeubles aux USA et au Japon en sont l’illustration. Toutefois, cela ne veut pas dire que l’opérateur soit obligatoirement public .
    • La commercialisation peut parfaitement être un terrain de saine concurrence sans conditions particulières autres qu’une règle anti trust. Mais cela ne représente que quelques pour cent des coûts.

    En outre, qu’on le veuille ou non, l’importance de la sécurité d’approvisionnement fait intervenir des notions d’indépendance vis-à-vis d’entités qui pourraient tirer profit, sur un plan géopolitique, de leurs fournitures énergétiques. C’est le cas pour la France, et pour une partie de l’Europe, de l’approvisionnement en gaz et en pétrole.

    Rappelons aussi que la continuité du service exige des moyens pilotables à hauteur des besoins à la pointe de consommation.

    Mise à part cette contrainte, où la politique intervient, une libéralisation doit tirer les prix au consommateur à la baisse, et favoriser l’investissement et l’innovation. C’est pourquoi l’Union européenne, avec l’approbation des États, a lancé en 1996 une série de règles visant à libéraliser le marché de l’électricité.

    La situation réelle du marché de l’électricité

    En fait, pour des raisons à la fois inhérentes à la nature de l’électricité et à l’histoire des équipements en place, il y a des problèmes dans l’application, et même de gros problèmes.

    • On l’a vu, le transport et la gestion du réseau est un monopole « naturel », le saucissonner ne conduit pas à l’optimum.
    • La commercialisation ne peut jouer que très faiblement sur les prix.
    • La production pilotable (qui est absolument indispensable) et à des coûts optimisés nécessite des investissements lourds, que seuls de très gros investisseurs peuvent engager (centrales thermiques de grande puissance, barrages). Les vrais acteurs en Europe ne sont pas très nombreux : EDF, ENGIE, E. On, Wattenfal, RWE… La concurrence sur les coûts bruts (pas ceux qui sont artificiellement modifiés par les lois) se fait plus entre filières qu’entre producteurs.

    Enfin, la notion de « terrain de jeux » n’est pas simple à définir, car il y a une limite physique aux territoires historiques : les interconnexions. Et l’on a institué des règles concurrentielles abstraites avant de penser aux détails du monde réel, comme souvent.

    Où cela devient schizophrénique

    Au moment même où l’Europe mettait en place cette libéralisation, deux contraintes supplémentaires montaient en puissance :

    • La lutte pour « sauver le climat », qui nécessitait de pénaliser réglementairement les émissions de CO2 et de favoriser des énergies dites renouvelables.
    • Le nuke bashing rendant très difficile l’investissement en équipements et en recherche pour la production nucléaire.

    Cette prétendue libéralisation s’est donc accompagnée d’une foule de règlements anti concurrentiels :

    • Marché de quotas de CO2 pour pénaliser la production fossile.
    • Avantages incompréhensibles pour les énergies intermittentes, pourtant incapables d’assurer un vrai service : obligation d’achat pour les réseaux, prix de vente au réseau imposé ou subventionné, coûts induits pris en compte par la collectivité.
    • Arrêt prévu du charbon et du nucléaire en Allemagne sans considération des coûts
    • Programme étatique de passer de 75 % à 50 % de nucléaire en France, sans justification réelle autre qu’électorale.

    Le résultat ne s’est pas fait attendre : plus personne n’investit dans des équipements de production pilotables. Les grands producteurs privés allemands ont tous scindé leurs sociétés en deux parties : une pour les renouvelables, afin de récolter les subsides, et une pour les pilotables, en perte et promises au fiasco, anticipant peut-être des filiales de défaisance, afin de se retourner un jour vers les États.

    Même les pétroliers se mettent aux renouvelables : car il ne fait aucun doute que tout ça augmentera la part du gaz, et parce qu’ils ne voient pas pourquoi ils ne profiteraient pas eux aussi du fromage.

    Les États ont quand même pris peur en voyant cela… en créant un troisième marché réglementé, un marché de capacités ; les propriétaires de pilotables peuvent ainsi vendre des « capacités » aux renouvelables intermittentes, sommées réglementairement d’en acheter.

    Ou est donc le « marché libre » censé faire baisser le prix de l’électricité au consommateur ? Il a doublé en Allemagne, il doublera en France pour les mêmes raisons. La structure des vrais opérateurs de production n’a guère changé, elle a juste fait apparaître une myriade de producteurs opportunistes d’ENR guère en mesure d’orienter le marché, sauf à y semer le chaos : voir la volatilité des prix de gros…

    Coté commercialisation, c’est la même chose : on a vu apparaître des vendeurs aux méthodes douteuses, guère capables d’offrir de vraies alternatives, puisqu’ils n’investissent pas et préfèrent acheter aux historiques.

    Électricité : le cas d’EDF

    EDF a deux problèmes : c’est un monopole historique, et il a des coûts « trop bas ».

    La vraie libéralisation aurait été de privatiser EDF et de le vendre par appartements. Pour de nombreuses raisons faciles à comprendre (souveraineté, technologies duales, contrôle de la sécurité) l’État français n’a évidemment pas souhaité le faire.

    Et qui aurait donc acheté des centrales nucléaires à EDF, dans le climat anti- nuke ? Peut-être des investisseurs chinois, ils n’attendent que ça, mais pas pour faire vraiment du business.

    D’ailleurs, le seul autre opérateur nucléaire français, ENGIE, essaye sans succès depuis plusieurs années de se débarrasser de ses centrales belges.

    Et c’est là que la schizophrénie des règles est à son comble : pour qualifier EDF de monopole à démanteler, la Commission européenne choisit le territoire français ; mais pour toute autre considération (conditions de marché, prix…) c’est l’ensemble France plus Allemagne plus Benelux qui est considéré. Or sur ce périmètre, EDF a 30 % du marché, alors que la définition d’un monopole est de 40 %.

    La France a protesté. Un compromis qui devait être temporaire a été trouvé : on définirait un prix coûtant d’EDF, qui devra vendre à ce prix le quart de sa production nucléaire à ses concurrents. Cela devait permettre de construire un réseau de concurrents qui investiraient grâce à leur marge, artificiellement créée, dans de nouvelles unités de production. Le tarif en question s’appelle ARENH (Accès régulé à l’énergie nucléaire historique.)

    On peut déjà noter que compte tenu des remarques ci-dessus, la concurrence des vendeurs aurait du être illusoire, car elle ne joue en théorie que sur les coûts de commercialisation, négligeables devant le reste.

    Mais les « concurrents » n’ont pas joué le jeu, comme on pouvait s’y attendre. Pourquoi prendraient-ils des risques en investissant, alors qu’ils se faisaient des marges assurées avec EDF ? Pire, selon les conditions des marchés spot , volatils à cause des fluctuations du gaz et des ENR, ils pouvaient jongler entre achats spots et le quota d’ARENH qu’ils avaient réservé annuellement.

    Le comble est né de la crise du Covid : avec la baisse de la demande, ils avaient trop d’ARENH, à des prix supérieurs aux prix spots . Ils ont demandé l’annulation de leurs contrats annuels, pour « cas de force majeure »… C’est encore en jugement. S’ils gagnent, ils auront inventé le commerce qui gagne à tous les coups !

    Et leur seule innovation, c’est « l’électricité verte », alors que 80 % de leur fourniture vient d’EDF.

    Évidemment, le développement artificiel des ENR n’arrange rien puisqu’il dirige les capitaux vers un secteur grassement rémunéré aux frais des consommateurs et des contribuables, avec des rentabilités à court terme, des engagements sur seulement 20 ans, et des coûts unitaires d’investissement faibles.

    Tout est donc réuni pour faire mourir EDF, sans qu’on sache comment le remplacer. Il est vrai qu’EDF y a mis aussi du sien : frais internes exorbitants, investissements repris d’AREVA avec des ardoises énormes…

    Mais sur un marché vraiment libéralisé, EDF pourrait profiter du fait que son programme nucléaire est amorti. (il a été financé uniquement sur emprunt, sans aide de l’État, contrairement à un mythe assez répandu). Il pourrait alors assainir son bilan pour réinvestir  dans le Grand Carénage et le prolongement des installations à 60 ans, voire à un nouveau programme.

    La suite, Hercule arrive

    Le temporaire de l’ARENH prend fin en 2025. La Commission européenne revient donc à la charge : il faut briser le monopole d’EDF. Plus vraiment pour établir une concurrence qui baisserait le prix au consommateur : cet argument serait risible, vu les résultats de la précédente « libéralisation » !

    Il s’agit juste maintenant d’obéir à un dogme dépouillé de toute rationalité. Certes EDF a encore un « monopole » en France, mais dans un marché européen tellement éloigné des règles libérales que c’est juste une situation surréaliste parmi tant d’autres.

    La solution qui est sur la table, le projet Hercule , fait l’objet d’intenses discussions. La Commission veut scinder EDF en deux parties, le nucléaire et le transport haute tension d’une part (la part qui sera en perte et en besoin d’intenses financements) et la distribution et les ENR d’autre part, (c’est-à-dire ce qui gagne de l’argent aux frais du contribuable et du consommateur). Elle souhaiterait évidemment une privatisation importante et la rupture des liens entre les deux sociétés.

    La question des barrages hydrauliques fait aussi débat : ce n’est pas un détail, cela représente 25 GW en France, et c’est indispensable pour assurer la continuité de service, surtout avec des ENR. Ce qui limite le degré de liberté d’opérateurs indépendants, ou, à tout le moins, nécessite des règles de servitude. Et l’eau a des usages multiples, pour le bien commun, autres que l’électricité, qu’il faut assurer eux aussi.

    Le gouvernement met sur la table une organisation scindée en trois entités : EDF bleu (le nucléaire et RTE, le réseau haute tension), EDF vert (les ENR et Enedis, le réseau de distribution, et le commerce), EDF Azur (les barrages hydrauliques) avec des liaisons qui resteraient fortes entre les entités.

    Mais la question du nucléaire reste entière. Une proposition pourrait être que l’entité dédiée vende son GWh nucléaire à prix plus ou moins réglementés (en rapport avec les coûts) en totalité sur le marché, son entité commerciale étant un acheteur comme un autre.

    Le vrai enjeu c’est le financement du renouvellement du parc du nucléaire. Les conditions ne permettent plus, comme dans les années 1980, à EDF d’emprunter seul à des taux avantageux. Or, vu la longueur des emprunts les taux sont un élément capital dans les coûts du GWh.

    De plus, la rentabilité du parc nucléaire ne peut que baisser, avec le développement frénétique des ENR, si l’obligation d’achat perdure : les autres producteurs, les pilotables, ne peuvent que moins produire. Tout ceci amène à conclure que si la France veut poursuivre dans le nucléaire, cela ne pourra se faire sans l’État : horreur pour la Commission européenne !

    Au gouvernement, personne ne croit que l’on puisse se passer du nucléaire (sauf peut être l’ADEME et Mme Pompili, et encore.) Il faut donc trouver une solution pour sauver la face. Une option vraiment privée serait sans doute chinoise. Mais l’heure est à la souveraineté nationale.

    La décision du renouvellement du parc sera prise en 2023… si Hercule convainc la Commission. Le premier nouvel EPR sera couplé en 2030, au mieux. D’ici là, la France, et l’Allemagne (qui aura arrêté nucléaire et charbon) auront sans doute acheté en catastrophe des centrales au gaz pour éviter la pénurie.

    Épilogue

    Ceci n’est pas une fiction inspirée d’Alice au pays des merveilles. C’est notre monde, c’est notre avenir. On peut en rire, tellement c’est surréaliste, on peut aussi en pleurer.

    Tant que les conditions faites aux ENR perdureront, le « prix de marché » reflétera davantage la météo que les performances des acteurs. On ne peut baser un marché libre là-dessus.

    On échafaudera des « Hercule » de plus en plus compliqués, de plus en plus shadockiens, pour corriger sans fin les corrections des corrections des dysfonctionnements créés de toute pièce par un système que plus personne ne contrôle.

    Pendant ce temps là, la Russie pousse son gazoduc et la Chine vend ses centrales  nucléaires.

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      Rapport RTE : l’illusion du 100 % renouvelables

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 2 February, 2021 - 04:00 · 7 minutes

    RTE

    Par Michel Gay.

    Le gestionnaire du réseau d’électricité (RTE) a publié le 27 janvier 2021 une étude conjointe avec l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur les « conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 ». Chaque mot a son importance.

    Ce rapport a été commandé en octobre 2019 par le ministère de la Transition écologique qui, lorsqu’il lui a été remis, s’est arrêté sur le titre. Et il en a conclu un peu vite, par idéologie, qu’un système électrique avec 100 % d’énergies renouvelables était viable… alors que RTE annonce le contraire pour qui se donne la peine de lire les 180 pages du document !

    Le rapport de RTE et de l’AIE alerte même sur la dangereuse aventure d’un fort développement des énergies renouvelables « variables », voire intermittentes , qui nécessitent des conditions extravagantes. Tout cela sans évoquer le coût qui n’est pas abordé dans cette étude.

    Explorer n’est pas cautionner

    Il est normal d’explorer toutes les voies avant d’arrêter une décision engageant le pays pour des décennies.

    Cependant, l’avenir énergétique de la France ne doit pas être hypothéqué par des politiciens fous dansant la Carmagnole au bord du gouffre social en organisant méthodiquement le naufrage du système électrique français.

    Le Directeur de l’AIE (Fatih Birol) a même indiqué en langage nuancé que fermer des centrales nucléaires « serait une erreur ».

    Pour Bill Gates également, l’énergie nucléaire est nécessaire à l’avenir. Il déclare sur son blog :

    Le nucléaire est idéal pour faire face au changement climatique, car il s’agit de la seule source d’énergie évolutive, sans carbone et disponible 24 heures sur 24.

    Selon lui, ce moyen « idéal » fournira l’électricité qui permet aux voitures électriques de fonctionner sans combustible fossile et de faire fonctionner les pompes à chaleur qui remplaceront les chaudières au fioul et au gaz.

    Il déclare par ailleurs :

    La capacité de stocker l’énergie est si limitée que l’éolien et le solaire ne peuvent à eux seuls apporter une solution. Nous avons besoin d’un miracle de stockage ou d’une source d’énergie comme le nucléaire auquel nous pouvons faire appel à tout moment.

    La France s’est engagée à atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 afin de respecter ses engagements en matière d’atténuation du changement climatique dans le cadre de l’accord de Paris.

    Pour y parvenir, le gouvernement français a récemment publié une nouvelle loi énergie-climat et s’est doté d’une Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) qui vise à atteindre la neutralité carbone.

    Cette SNBC repose en grande partie sur l’efficacité énergétique et un recours accru à l’électricité qui, en France, est déjà décarbonée à 93 %, en grande partie grâce à son parc de production nucléaire.

    Toutefois, selon RTE, sa durée de vie étant aujourd’hui estimée à 60 ans , la plupart des réacteurs auront été déclassés en 2050.

    Pour maintenir au minimum les émissions générées par le secteur de l’électricité, deux options sont donc envisagées en France :

    1. Remplacer les réacteurs en fin de vie par de nouveaux réacteurs nucléaires.
    2. Substituer intégralement ces réacteurs par des énergies renouvelables (EnR).

    Attention aux Si !

    L’étude de RTE et de l’AIE conclut sur le papier qu’il serait techniquement possible d’insérer une forte proportion d’EnR dans le système électrique avec une sécurité d’approvisionnement assurée, mais uniquement si quatre ensembles de conditions strictes et cumulatives étaient remplies en même temps :

    1) si l’évaluation des impacts sur la sûreté du système électrique des systèmes comportant une part importante de photovoltaïque distribué est poursuivie.

    2) si les sources de flexibilité sont développées de manière importante, notamment le pilotage de la demande, le stockage à grande échelle, les centrales de pointe (au gaz ?), ainsi que des interconnexions transfrontalières.

    L’étude souligne que la maturité et la disponibilité, aujourd’hui incertaines, ainsi que… le coût exorbitant (« qui peuvent être substantiels » selon le langage feutré de RTE) de ces flexibilités ne sont pas traités car dépassant « le cadre du présent rapport ». Elle précise aussi que « l’atteinte de ces exigences a des implications techniques et sociales profondes ».

    3) si le dimensionnement des réserves opérationnelles, le cadre réglementaire définissant les responsabilités d’équilibrage, et la constitution des réserves opérationnelles sont sensiblement révisés.

    4) si des efforts substantiels sont consacrés au développement des réseaux d’électricité à compter de 2030, tant au niveau du transport que de la distribution.

    RTE publiera courant 2021 une évaluation complète des différents scénarios électriques permettant d’atteindre la neutralité carbone.

    Le rapport de RTE : prévision ou science-fiction ?

    Pour faire une prévision robuste à 30 ans, il est indispensable de s’appuyer sur les techniques qui fonctionnent aujourd’hui, quitte à infléchir les prévisions quand de nouvelles technologies apparaissent.

    Lorsque les prévisions s’appuient sur des hypothèses farfelues comme des moyens de stockage de masse à un coût acceptable (inexistants aujourd’hui) ou le pilotage massif de la demande (coupures de courant…), ce n’est plus une prévision mais de la science-fiction.

    Ce rapport fait bien entendu le bonheur des vendeurs de gaz (et des Russes !) qui savent que cette ambition gouvernementale échouera et que n’ayant pas anticipé le renouvellement de ses centrales nucléaires, la France aura alors besoin en urgence de centrales électriques au gaz !

    Il semble que les béotiens des ministères français, et notamment madame Barbara Pompili, ignorent les sept points suivants :

    1. Le nucléaire n’émet aucun gaz à effet de serre , ni aucune fumée nocive.
    2. Le nucléaire prouve tous les jours, en France, depuis quarante ans, qu’il est sûr et peu coûteux .
    3. Il est pilotable (accélère et ralentit selon les besoins).
    4. Un gramme d’uranium fissionné par an et par Français suffit à produire 75 % de l’électricité en France.
    5. Tous les déchets sont gérés et non pas dispersés dans l’environnement.
    6. L’uranium peut se recycler au sein d’un surgénérateur ce qui permettrait d’avoir 1000 ans de réserve mondiale pour produire chaleur et électricité. La France, qui était la plus avancée dans ce domaine avec Phénix et Super Phénix, possède déjà 8000 ans de réserve pour ce type de réacteurs.
    7. Dans l’histoire de l’humanité, aucune énergie n’a fait moins de morts que l’énergie nucléaire, que ce soit par accidents ou par pollution de l’air.

    Le « défaut » du nucléaire est qu’il ne rapporte rien aux grandes entreprises étrangères qui ont intérêt à casser les centrales nucléaires pour les remplacer par n’importe quoi d’autre, et surtout du gaz.

    Ainsi, en Allemagne, les associations écologistes ont passé un pacte faustien avec les puissants cartels du charbon et du gaz. Cette kolossale industrie se porte bien dans ce pays et personne ne semble s’en scandaliser.

    En France, sous la pression politique du parti écologiste, un programme de développement délirant d’éoliennes et de photovoltaïque est en cours. La Cour des comptes a écrit en 2018 que son coût était faramineux et son résultat dérisoire en termes de production d’électricité. Elle aurait pu ajouter que ce programme était nul du point de vue du réchauffement climatique puisque l’électricité française est déjà décarbonée à 93 %.

    Les gouvernements successifs de la France devraient en finir avec leurs prétentions ruineuses sur les énergies renouvelables que des mythes abusifs et chimériques opposent au bon sens et à la réalité, et qui conduiront à la catastrophe .

    Nos gouvernants sont-ils devenus fous et aveugles pour le plus grand malheur du pays ?

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      Énergie : le gouvernement lit-il les rapports de France Stratégie ?

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 29 January, 2021 - 03:40 · 12 minutes

    France Stratégie

    Par Michel Negynas.

    Le Premier ministre dispose d’un organisme de prospective, France stratégie .

    La dernière étude de France Stratégie

    France Stratégie définit ainsi ses missions :

    « France Stratégie contribue à l’action publique par ses analyses et ses propositions. Elle anime le débat public et éclaire les choix collectifs sur les enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Elle produit également des évaluations de politiques publiques à la demande du gouvernement. Les résultats de ses travaux s’adressent aux pouvoirs publics, à la société civile et aux citoyens. »

    Elle succède au Commissariat général à la Stratégie et à la prospective, et elle est un lointain successeur au Commissariat général du Plan.

    Beaucoup de ses analyses tombent dans un écologisme parfois quasi radical. Il est d’autant plus remarquable qu’en matière d’énergie, elle tranche avec le politiquement correct. Elle vient de publier une note d’analyse sur la sécurité de l’approvisionnement électrique en Europe à l’horizon 2030 .

    Et ce n’est pas rassurant, surtout qu’en matière industrielle, 2030 c’est demain. Il y a donc peu de chances que la situation puisse être significativement améliorée d’ici là.

    Quelques extraits

    Dès les premières phrases :

    « Dans la prochaine décennie, les nombreux arrêts de centrales pilotables, au charbon ou nucléaires, actuellement programmés et dont les conséquences concrètes semblent assez peu intégrées dans le débat public, pourraient renforcer l’importance de cette question. »

    Et le diagramme introductif dit tout : au niveau européen, la demande en pointe est supposée rester constante à 400 GW ; de 50 GW de surcapacité en 2020 (à condition que tout fonctionne à 100 %,) on passe à 25GW de sous capacité en 2035. Ces chiffres sont en plus optimistes car les puissances par nature sont inégalement réparties géographiquement, comme par exemple l’hydraulique. Or, les distances et les capacités d’interconnexion ne permettent pas de faire n’importe quoi.

    La première leçon est qu’il faut raisonner :

    • au niveau européen, alors que chaque État décide de diminuer ses capacités en espérant se faire dépanner au besoin par les autres.
    • en capacités pilotables, car les producteurs intermittents et aléatoires ne peuvent assurer une quelconque fourniture à la pointe d’hiver. Le soi-disant foisonnement du vent et du solaire sur toute l’Europe est une légende urbaine.

    Mais France Stratégie enfonce le clou :

    En France, on est déjà limite, même en raisonnant en capacité moyenne ; et la pénurie à 2035 est concentrée sur l’Allemagne, la Belgique et la France, c’est-à-dire le cœur du réseau européen.

    RTE essaie de chiffrer les probabilités que l’on soit en situation tendue compte tenu des scenarii de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). Elles sont loin d’être nulles. On peut donc s’attendre à des périodes d’extrêmes fragilités du réseau. Elles donneront lieu à des coupures coordonnées si tout se passe bien. Mais tout incident, même mineur, peut provoquer le black out en cascade dans une telle situation. La gravité  de cette éventualité est extrême. L’approche devrait donc être sécuritaire, et pas probabiliste.

    Mais ce n’est pas tout.

    « Par ailleurs de fortes proportions d’ENRi complexifient le pilotage des réseaux, comme l’a montré la première période de confinement. L’apparition de congestions de plus en plus fréquentes sur les réseaux, en particulier de distribution, oblige les GRT (les centres de contrôle)  à faire du « redispatching » et à déconnecter sélectivement un certain nombre d’installations (« écrêtement»). Ces opérations sont d’autant plus complexes que les ENR ont priorité d’injection sur le réseau, sont très réparties sur le territoire et peuvent connaître des variations de production très rapides. L’Observatoire Capgemini a rappelé dans son édition datée du 3 novembre 202029 que l’Allemagne et le Royaume-Uni ont subi pour ces raisons des quasi black-out respectivement les 21 avril et 23 mars 2020, en pleine crise de la Covid, les gestionnaires de réseau s’étant trouvés à court de moyens permettant de conserver l’équilibre du système. »

    Comme cela a été maintes fois signalé sur Contrepoints , l’éolien et le solaire , en plus de ne guère contribuer à la production, fragilisent le réseau.

    Sur le plan économique et ses conséquences sur l’investissement, France stratégie observe, comme tous les experts :

    « L’arrivée de quantités massives d’ENRi, avec des coûts marginaux quasi nuls, sans tenir compte des conditions d’intégration au système électrique, a entraîné une chute des prix de marché de gros, de plus en plus souvent négatifs. Ce marché ne permet plus de déclencher les investissements nécessaires à la transition énergétique, ou simplement au maintien d’un accès fiable à l’électricité. »

    Enfin, France stratégie met les pieds dans le plat :

    « Le nouveau cadre européen de gouvernance (de l’énergie) tend à valoriser les investissements vertueux d’un point de vue environnemental, en particulier avec la taxonomie verte. Cependant, pour assurer l’atteinte de ses objectifs, il est essentiel d’assumer ses implications politiques. »

    La taxinomie verte a fait l’objet d’un article ici .

    Traduite en langage clair, si l’Europe veut vraiment poursuivre sa fuite en avant vers les énergies éoliennes et solaires, il faudra dire aux citoyens qu’ils devront baisser leur consommation et au besoin, admettre des coupures d’électricité.

    En conclusion, parmi ses recommandations, France Stratégie ne peut que dire :

    « Les énergies renouvelables matures posent des problèmes spécifiques d’intégration au réseau alors même qu’elles devraient voir à court terme leur part en puissance dépasser celle des centrales conventionnelles. Au risque de rendre non pilotable le système électrique, elles doivent donc le plus rapidement possible être en mesure de contribuer à son équilibre technique (participation à la réserve, au traitement des congestions réseaux […] Au niveau européen, on observe qu’en contradiction avec les objectifs climatiques et d’indépendance énergétique, plusieurs pays européens ont décidé de compenser les fermetures de centrales au charbon ou nucléaires par la mise en service de centrales à gaz, un moyen de production flexible et peu capitalistique. Cela se fait dans l’urgence pour certains (Belgique), de façon plus planifiée pour d’autres (Italie, Allemagne, Espagne) ou de manière prévisionnelle pour d’autres encore (pays de l’est de l’Europe). »

    Il n’y a donc pas que sur Contrepoints qu’on peut lire ça.

    Il est possible que les propos alarmistes distillés depuis quelques mois soient consécutifs à cette étude, et que nos gouvernants découvrent le problème. Mais ce n’est pourtant pas la première fois que France Stratégie tire la sonnette d’alarme.

    Il y a des précédents

    En août 2017, elle a publié une étude sur la transition énergétique allemande , qui est le modèle de notre transition puisque comme eux, nous voulons atteindre plus de 90 GW d’énergie intermittente (ils en sont en fait, maintenant, à 110 GW)

    Une des conclusions est la suivante :

    « La facture présentée au consommateur est très élevée pour la montée en puissance des ENR déjà accomplie, environ 25 milliards d’euros par an sur une durée de vingt ans. Les ENR qui se développent aujourd’hui sont encore soutenues financièrement et des coûts annexes imprévus, mal quantifiés mais très importants, apparaissent pour la construction de lignes et le maintien de la sécurité du réseau. Mais le plus inquiétant à court terme est peut-être la sécurité d’approvisionnement, car le réseau est aujourd’hui fragilisé par des flux massifs non contrôlables et intermittents d’électrons lorsque le solaire et l’éolien tournent à plein. »

    C’était en 2017, peut-être faut-il du temps à un gouvernement pour réaliser… sauf que France Stratégie faisait déjà en 2014 les constatations suivantes dans une étude intitulée « La crise du système électrique européen ».

    Cette étude s’attache plutôt aux conditions de marché, qui sont elles aussi surréalistes. Mais on y trouve :

    « L’’intégration massive d’énergies renouvelables subventionnées et prioritaires sur le réseau conduit à une situation de surcapacité, déprime les prix de l’électricité sur le marché de gros (ils deviennent même parfois négatifs) et dégrade fortement la rentabilité des centrales thermiques à gaz : dans l’UE-27, près de 12 % des capacités thermiques fonctionnant au gaz pourraient fermer en l’espace de trois ans. Or ces centrales sont indispensables à l’équilibre du système qui doit faire face à l’afflux d’ENR intermittentes et aléatoires. Dans le même temps, d’importants investissements sont nécessaires au renouvellement des infrastructures vieillissantes. Plusieurs grands opérateurs, en graves difficultés financières – leur endettement net a doublé au cours des cinq dernières années –, auront du mal à y faire face .

    C’est-à-dire qu’à cause des caractéristiques des ENR, ces programmes de transition  sont tellement irréalistes qu’ils génèrent des conditions de marché qui éjectent les investissements nécessaires à la sécurisation du réseau ; en 2020, on en voit le résultat. On voyait déjà le problème dans les services du gouvernement en 2014.

    Et si on veut chercher les avis des vrais experts, il faut aller en 2012. En vue de préparer la Loi sur la transition écologique, une commission a été mise sur pied . Elle était dirigée par messieurs Grandil et Percebois, experts mondialement reconnus en collaboration avec France Stratégie.

    Elle a fait huit propositions dont la troisième :

    « Ne pas se fixer aujourd’hui d’objectif de part du nucléaire à quelque horizon que ce soit, mais s’abstenir de compromettre l’avenir et pour cela maintenir une perspective de long terme pour cette industrie en poursuivant le développement de Gen-4. La prolongation de la durée de vie du parc actuel paraît donc la meilleure solution (sous la condition absolue que cela soit autorisé par l’ASN) »

    En fait, la loi de Transition énergétique a pris l’exact contrepied des huit propositions !

    Est-ce que ça va changer ?

    Visiblement, les décideurs ont pris peur. Mais c’est juste pour 2023 ! Après ça ira mieux, on pourra arrêter 14 centrales nucléaires ! Pour l’instant, envers et contre tout, on en reste à la stratégie initiale décidée à des fins purement électorales. Contre l’avis de la Cour des comptes, de l’Académie des technologies, de France Stratégie…Un KW d’éolien et de solaire est toujours censé être équivalent à un KW gaz ou nucléaire !

    Évidemment, d’autres organismes gouvernementaux sèment le trouble : l’ADEME s’aligne plus ou moins sur Greenpeace, et RTE reste dans l’ambiguïté.

    RTE vient de publier, en liaison avec l’agence internationale de l’Energie, un rapport  faussement intitulé dans la presse : 100 % d’électricité renouvelable c’est possible.

    En réalité, les aspects économiques et sociaux ne sont pas abordés, et pour cause. Mais que dit le rapport ?

    « Ce nouveau rapport, Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050, met en avant quatre ensembles de conditions techniques strictes, qui devront être remplies pour permettre, avec une sécurité d’approvisionnement assurée, l’intégration d’une proportion très élevée d’énergies renouvelables variables dans un système électrique de grande échelle, comme celui de la France :

    • Même si elles doivent encore faire l’objet d’une démonstration à grande échelle, il existe un consensus scientifique sur l’existence de solutions technologiques permettant de maintenir la stabilité du système électrique sans production conventionnelle. Des difficultés spécifiques pourraient concerner les systèmes comportant une part importante de photovoltaïque distribué pour lesquels il est nécessaire de poursuivre l’évaluation des impacts sur le réseau de distribution et la sûreté du système électrique.
    • La sécurité d’alimentation en électricité (adéquation des ressources) — la capacité d’un système électrique à approvisionner la consommation en permanence — peut être garantie, même dans un système reposant en majorité sur des énergies à profil de production variable comme l’éolien et le photovoltaïque, si les sources de flexibilité sont développées de manière importante, notamment le pilotage de la demande, le stockage à grande échelle, les centrales de pointe, et avec des réseaux de transport d’interconnexion transfrontalière bien développés. La maturité, la disponibilité et le coût de ces flexibilités doivent être pris en compte dans les choix publics.
    • Le dimensionnement des réserves opérationnelles et le cadre réglementaire définissant les responsabilités d’équilibrage et la constitution des réserves opérationnelles devront être sensiblement révisés, et les méthodes de prévision de la production renouvelable variable continuellement améliorées.
    • Des efforts substantiels devront être consacrés au développement des réseaux d’électricité à compter de 2030, tant au niveau du transport que de la distribution. Cela nécessite une forte anticipation et un engagement public en matière de planification à long terme, d’évaluation des coûts et de concertation avec les citoyens pour favoriser l’acceptation des nouvelles infrastructures. Ces efforts peuvent néanmoins être partiellement intégrés au renouvellement des actifs de réseau vieillissants. »

    Autrement dit, c’est presque possible, à condition de résoudre des impasses technologiques et économiques dont tous les experts disent qu’elles ne seront jamais opérationnelles, en tout cas pas à l’horizon 2050.

    Avec des avis comme ça, on n’est pas prêts de changer de stratégie ! Sauf après un black out ?

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      Les énergies renouvelables handicapent-elles la Chine ?

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 26 January, 2021 - 03:50 · 8 minutes

    énergies renouvelables

    Par Michel Gay.

    Fin 2020, plusieurs provinces dans le sud de la Chine (Zhejiang, Hunan, Jiangxi…) ont connu des restrictions de consommation d’électricité et des délestages occasionnant des arrêts de production.

    La Chine manque-t-elle d’électricité à cause des énergies renouvelables ?

    Ce phénomène est aujourd’hui un sujet d’actualité brûlant en Chine. La capacité installée du parc électrique chinois croît pourtant rapidement, atteignant 100 gigawatts (GW) chaque année, dont 60 GW d’énergies renouvelables intermittentes (EnRI).

    Alors pourquoi cette pénurie d’électricité ?

    Deux explications :

    Les restrictions de consommation d’électricité sont provoquées artificiellement dans certaines provinces parce que leur administration doit respecter les normes définies par le gouvernement sur le contrôle de la consommation électrique. C’est le cas de la province du Zhejiang qui était sur le point de dépasser ses seuils en cette période de fin d’année.

    La pénurie d’électricité a obligé de nombreuses entreprises à acheter des groupes électrogènes diesel onéreux et polluants pour assurer leur fonctionnement.

    Un manque de production d’électricité , notamment dans le Hunan et le Jiangsu dû au déploiement massif et rapide des EnRI. Les causes résultent d’un vent et d’un soleil faibles pendant une période froide hivernale entraînant une production éolienne et solaire diminuée, alors que beaucoup d’entreprises rattrapaient leur retard causé par l’épidémie de Covid-19, et que la consommation d’électricité pour le chauffage a augmenté.

    L’éolien comme le photovoltaïque sont des sources d’énergies fatales subventionnées dont la part importante dans la production d’électricité diminue la rentabilité des autres filières conventionnelles. C’est en particulier le cas pour les centrales au charbon qui dominent dans la production d’électricité chinoise et fournissent une ressource électrique stable et pilotable.

    La Chine ne peut donc pas satisfaire en même temps sa sécurité d’approvisionnement en électricité, le développement des EnRI et la baisse de production des centrales au charbon qui permet de pallier les variations de l’éolien et du solaire.

    Le paradoxe chinois avec le développement des énergies renouvelables

    Assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité implique paradoxalement la construction de nouvelles centrales au charbon dans certaines régions chinoises alors qu’elles fonctionnent aujourd’hui seulement 4300 heures par an en moyenne à l’échelle nationale. L’équilibre financier estimé à 5500 heures ne peut plus être atteint avec l’essor des EnRI subventionnées prioritaires sur le réseau.

    Toutefois, le développement des EnRI atteindrait rapidement le maximum supportable pour la sécurité du réseau d’électricité si la filière au charbon ne disposait pas d’une capacité excédentaire pour compenser leurs absences et sécuriser l’approvisionnement.

    Dans cet objectif, la Chine envisage de subventionner les prix de l’électricité issue du charbon bien que la pollution atmosphérique soit devenue un problème politique important pour le pouvoir chinois.

    Préoccupations écologiques

    Le 19ème Comité central du Parti communiste chinois a souligné le besoin de nouveaux progrès dans le domaine de la « civilisation écologique ». La promotion de la croissance à faible émission de carbone et la réduction des rejets des principaux polluants ont été encouragés.

    Dans ce contexte, la mise en service d’une quarantaine de réacteurs nucléaires depuis dix ans dans le pays (dont 30 réacteurs ces cinq dernières années) a apporté une contribution importante à la protection de l’environnement.

    Pour une même puissance installée, le nucléaire produit en continu trois fois plus d’électricité que l’éolien et presque sept fois plus que le photovoltaïque.

    Le choix du type de réacteur à construire s’est porté sur le réacteur chinois de génération III Hualong 1, dont la mise en chantier de quatre nouveaux réacteurs a été autorisée en septembre 2020, annonçant leur déploiement pour les dix prochaines années.

    Le premier réacteur chinois tête de série Hualong 1 de génération III a été connecté au réseau le 27 novembre 2020 à Fuqing. Il avait été mis en chantier en novembre 2014.

    Le journal Le Quotidien du Peuple a souligné que ce couplage au réseau marquait ainsi l’entrée de la Chine dans les rangs des pays avancés en matière nucléaire en brisant le monopole de la technologie étrangère. Ce pays dispose dorénavant d’un tissu industriel complet dans le domaine nucléaire et dispose des compétences requises.

    Le Hualong 1 est appelé à jouer un grand rôle en renforçant la confiance de l’État dans la technologie chinoise ainsi que des pays concernés par la stratégie des nouvelles routes de la soie.

    De plus, son coût de construction en Chine ne représente que 60% du coût d’un réacteur importé.

    Le Président Xi Jinping a dit…

    Lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations-Unies en septembre 2020, le président chinois Xi Jinping a déclaré :

    « Nous visons à ce que les émissions de CO2 atteignent leur maximum avant 2030 et à ce que la Chine atteigne la neutralité carbone d’ici 2060 ».

    Dans cette perspective, le mécanisme de « développement propre » qui inclut le nucléaire sera appliqué.

    Au cours de la période du 13ème plan quinquennal, les EnRI ont connu un taux de croissance annuel moyen de 32 %, permettant à la Chine de se classer au premier rang mondial en la matière. Les parcs chinois représentaient 210 GW pour l’éolien et 204 GW pour le photovoltaïque à la fin de 2019, soit 20 % de la capacité installée électrique du pays (plus de 2000 GW). Ils ont fourni presque 10 % (700 TWh) de la production d’électricité chinoise (7500 TWh) en 2020.

    Mais une proportion élevée d’EnRI dans la production d’électricité crée une forte instabilité. En 2019, des fluctuations de puissances journalières ont dépassé 100 GW sans correspondre aux besoins nationaux. Ces gigantesques variations subites rendent difficiles la gestion de l’équilibre des systèmes électriques car les capacités disponibles de production flexibles au gaz et au fioul sont relativement faibles en Chine.

    À mesure que la part de production des EnRI augmente, les capacités de régulation de la puissance active, de la fréquence et de la tension diminuent, fragilisant ainsi les réseaux électriques qui risquent de plus en plus de pannes en chaîne de grande ampleur.

    Lors du Sommet des Nations Unies tenu le 12 décembre 2020 sur l’ambition climatique, le président chinois XI Jinping a déclaré que d’ici 2030, la Chine :

    1. Abaisserait ses émissions de CO2 par unité de produit intérieur brut (PIB) de plus de 65 % par rapport au niveau de 2005.
    2. Porterait environ à 25 % la part des énergies non fossiles dans la consommation des énergies primaires (les quatre sources non fossiles sont l’éolien, le solaire, l’hydraulique et le nucléaire).
    3. Porterait à 1200 GW au moins la capacité installée des filières éoliennes et solaires (moins de 450 GW aujourd’hui).

    Il s’agit d’un nouvel engagement sur la réponse de la Chine au changement climatique après avoir annoncé en septembre 2020 l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2060.

    Ces annonces montrent la volonté de la Chine d’utiliser toutes les sources d’énergie propre, notamment l’énergie nucléaire et l’hydroélectricité.

    Toutefois, le développement de la filière hydroélectrique reste limité. Déjà 90 % des ressources économiquement exploitables ont déjà été utilisées. Son potentiel est estimé à seulement 402 GW, et les dix prochaines années seront la période finale de son développement.

    En revanche, le nucléaire présente un fort potentiel de développement en Chine.

    Le Livre Blanc sur les énergies

    Le Livre blanc intitulé Le développement des énergies en Chine dans une nouvelle ère publié le 21 décembre 2020 prévoit un rythme de lancement atteignant six nouveaux réacteurs nucléaires chaque année. Le parc nucléaire chinois, aujourd’hui doté de 48 réacteurs, représente une puissance de 50 GW. Il classe la Chine au troisième rang mondial, juste derrière la France et les États-Unis.

    En parallèle, 14 réacteurs sont en construction, représentant une puissance de 15 GW. La capacité installée du parc nucléaire en service et en construction en Chine dépasse donc les 65 GW, ce qui le place au deuxième rang mondial devant la France.

    Et ce parc nucléaire devrait atteindre 150 GW en 2035, conduisant ce pays au premier rang mondial devant les États-Unis (100 GW).

    Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères (WANG Wenbin) a déclaré les 24 décembre 2020, dans une conférence de presse, que son pays avait aussi l’intention d’investir dans des centrales nucléaires de l’Union européenne .

    Malgré un passage difficile aujourd’hui dans sa production d’électricité, la Chine se donne les moyens de ses ambitions pour répondre à ses besoins, tout en visant la neutralité carbone en 2060.

    Toutefois, cet objectif n’est peut-être qu’un affichage politique à l’international pour l’image écologique de la Chine.

    Bien que la Chine se dote massivement de centrales nucléaires (moins de 5 % de la production actuellement) et d’EnRI (moins de 10 % de la production) pour remplacer partiellement les centrales au charbon, à gaz et au fioul qui représentent encore près de 85 % de sa production actuelle, cet objectif sera difficile à atteindre.

    Mais qui sait ce dont est capable la Chine ?

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      L’électricité en passe de devenir un bien rare

      Philippe Charlez · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 03:30 · 4 minutes

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    Par Philippe Charlez.

    Ce qui est rare est précieux et attise souvent toutes les convoitises. Un collectionneur recherche toujours les timbres ou les pièces de monnaie les plus rares. Une question d’ego chez l’être humain : si je détiens quelque chose de rare, il est peu probable que mon voisin possède le même objet. Détenir la rareté est donc socialement discriminant et pour beaucoup symbole de réussite et de pouvoir.

    Derrière la rareté, se cache aussi une logique économique . Plus un bien est rare plus l’offre est réduite par rapport à la demande et plus son prix augmente. L’origine de la rareté peut être purement naturelle. Ainsi, le prix des métaux contenus dans l’écorce terrestre dépend de leur rareté : alors que la teneur en cuivre est mille fois inférieure à celle du fer, ce chiffre monte à 750 000 pour l’argent et 14 millions pour l’or.

    La rareté conjoncturelle de l’électricité

    La rareté est aussi conjoncturelle : les aléas de la météo ou des périodes de guerre influencent le volume des récoltes, rendant les céréales plus rares et plus chères. Elle est géographique dans la mesure où ce qui est abondant à un endroit peut s’avérer rare à un autre. Enfin, la rareté peut être organisée artificiellement pour faire monter artificiellement les prix, une pratique récurrente au cours de l’Histoire.

    Parallèlement à la rareté, certaines commodités associées à notre société de croissance sont devenues des biens de consommation ordinaire. Tellement ordinaire qu’on ne peut dans notre inconscient en envisager la rareté. Ainsi en est-il de l’électricité. Invisible mais tellement commode, elle nous est délivrée aujourd’hui sans parcimonie.

    Pourtant sa rareté n’est pas si lointaine en Europe. À la fin du XIXe siècle, alors que les villes commencent à s’éclairer, les villages restent pour plusieurs décennies dans l’obscurité. Il faut attendre la fin des années 1930 pour que l’électrification rurale s’accomplisse avec 96 % de la population française raccordée au réseau. L’électricité reste aujourd’hui une rareté quotidienne pour beaucoup de Terriens : en 2020, seulement la moitié des Africains y avaient accès.

    Si la rareté des masques et des tests a accompagné la France durant la pandémie du Covid-19, en revanche l’Hexagone a pu compter sur l’abondance de son électricité nucléaire. Une électricité totalement décarbonée pourtant remise en question par les chantres de la « transition idéologique » préférant à l’abondance du nucléaire la rareté des renouvelables intermittents fournissant de l’électricité entre… 10 % et 20 % du temps. La fermeture purement politique des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en fut la déplorable expression le 29 juin 2020.

    Ce choix délibéré de la rareté se concrétise aujourd’hui dans les chiffres. Il a été anticipé par de nombreux spécialistes. Le 20 novembre 2020 Michel Negynas titrait dans Contrepoints : « Électricité : faut-il s’inquiéter d’un possible black-out ? » L’auteur y pointe que malgré une puissance théorique de 134 GW, on pourra durant l’hiver compter au mieux sur 90 GW, l’éolien et le solaire étant aux « abonnés absents » durant la majorité de la période hivernale : très peu de soleil avec des journées réduites à 8 heures et presque pas de vent durant les épisodes anticycloniques hivernaux.

    Sans en détailler les raisons, une campagne de communication des autorités a débuté début janvier incitant les Français à consommer moins d’électricité pour éviter un black-out potentiel. Et il y a effectivement de quoi s’inquiéter puisque depuis quelques jours, la consommation flirte régulièrement avec les 90 GW. Ainsi le 7 janvier deux pics à plus de 85 GW ont été observés à 8 heures 15 et à 19 heures.

    Le solaire aux abonnés absents

    Lors de ces pics le solaire photovoltaïque et l’éolien étaient comme prévu aux abonnés absents contribuant pour seulement 1,5 % de la production électrique. Bien décevant quand on compare aux 150 milliards d’euros investis par l’État dans les ENR.

    En choisissant pour des raisons purement démagogiques de réduire le nucléaire au profit des renouvelables intermittents, le gouvernement fait implicitement le choix de la rareté électrique. Une rareté qui comme toute commodité rare s’accompagnera inévitablement d’une flambée des prix du kWh.

    Ce choix est d’autant plus critiquable que l’ objectif de neutralité carbone en 2050 reposera sur une croissance très significative de la demande d’électricité. Pour être socialement acceptable cette électricité devra certes être propre mais aussi disponible et abordable. Seul le nucléaire pourra fournir cette abondance décarbonée.

    Arrêtons pendant qu’il est encore temps cette fuite en avant vers la rareté et relançons la filière nucléaire française en confirmant le plan de carénage des réacteurs existant ainsi que la construction des centrales EPR prévues au plan.

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      Les dégâts de l’éolien et du solaire : les coûts d’acheminement de l’électricité

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 29 December, 2020 - 03:45 · 9 minutes

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    Par Michel Negynas.

    L’éolien et le solaire bénéficient de règles complètement anti libérales dans le cadre européen de libéralisation de l’électricité : obligation d’achat de la production, quand il y en a, par le réseau électrique, quel que soit son besoin, et tarifs subventionnés garantis sur des périodes longues. En outre, il en existe une autre, moins connue : l’éventuel surcoût directement lié à leur développement est supporté par le réseau de transport et de distribution.

    Rappelons, de plus, que l’intermittence de ces moyens de production impose d’investir en double dans un réseau de production pilotable, nécessaire pour assurer la continuité du service les nuits sans vent. Cela réduit en fait à néant l’utilité de développer ces producteurs d’énergie aléatoire, qui sont en fait un doublon par rapport à ce qui est absolument nécessaire. Pire, leurs caractéristiques en font des perturbateurs du réseau, ce qui a des conséquences technologiques et financières.

    Quelques notions simples sur notre électricité

    Nous utilisons du courant alternatif au lieu de courant continu : il varie autour de zéro lors d’un cycle et cela 50 fois par seconde, c’est sa fréquence. Cela a plusieurs avantages :

    • il est plus facile à produire par des machines tournantes, et inversement peut faire tourner des moteurs très simples.
    • par le biais des transformateurs, on peut adapter la tension (les volts) et le courant (les ampères) au transport et à l’usage, pour limiter les pertes.
    • le passage à zéro 50 fois par seconde aide les disjoncteurs à couper le courant quand il le faut.

    Par contre, il présente quelques inconvénients.

    • gestion de deux types d’énergie : l’énergie active, qui seule peut se transformer en énergie mécanique, et l’énergie réactive, consommée par certains utilisateurs. C’est une composante importante des réglages du réseau, assez peu connue du grand public.
    • les lignes électriques très longues posent des problèmes de stabilité. C’est pour cela que pour des liaisons à longue distance, on revient à du courant continu au moyen de convertisseurs électroniques. Et c’est pour cela aussi qu’équilibrer géographiquement les puissances sur le réseau se fait de proche en proche. Ce n’est ni évident, ni instantané.

    Les gestionnaires de réseau doivent donc régler les puissances actives et réactives, la tension et la fréquence du réseau dans des limites contractuelles pour que tout fonctionne, avec des contraintes géographiques, et cela à la microseconde près.

    Heureusement, le réseau a la faculté de s’adapter un peu de lui-même lorsqu’il est alimenté par de gros turbo-alternateurs, lesquels ont une grande inertie mécanique et fournissent les deux types d’énergie. Les réglages se font par les régulateurs de ces machines, ainsi qu’avec des équipements assez simples, comme des condensateurs.

    Les dégâts collatéraux des énergies diffuses, intermittentes et aléatoires

    La production diffuse

    Dans des régions à forte densité de population comme l’Europe, centraliser la production d’électricité est une évidence. On montre en effet que les coûts énergétiques sont corrélés à la surface occupée par les moyens de production.

    En outre, plus un réseau est interconnecté, plus il est facile et peu onéreux d’assurer la continuité d’alimentation. (Si vous voulez que votre maison photovoltaïque soit réellement autonome en énergie, il vous faut un diesel de secours pour les jours sans soleil et les pannes). L’interconnexion exige la centralisation de la conduite du réseau.

    En outre, une production à l’aide de grosses unités est plus facile à gérer qu’une multitude de petites unités. C’est une des difficultés intrinsèque à la « production citoyenne » et à la couverture de la France d’éoliennes de 3 MW ou de champs photovoltaïques de 1 ou 2 MW ; ou pire, d’installations en toiture de quelques kW…qui modifient la nature même du réseau électrique de distribution, puisqu’il devient aussi réseau de production.

    Le réglage du réseau

    Une grande partie des petites éoliennes, installées en majorité sur le territoire, de 1 à 3 MW, sont incapables de régler quoi que ce soit. Elles ne participent pas à la stabilité du réseau, au contraire, elles le perturbent. Tant que leur puissance installée totale est assez faible par rapport au réseau, cela n’a pas grande importance.

    Mais les plans de développement de la Programmation pluriannuelle de l’énergie changent la donne. Les grandes éoliennes off shore , elles, doivent s’équiper pour participer à la stabilité du réseau car leur impact individuel n’est pas négligeable : c’est au prix d’une grande complexité des appareillages internes, sources de pannes et d’incidents, et d’équipements spécifiques sur le réseau..

    En ce qui concerne le solaire, qui produit du courant continu, l’injection dans le réseau nécessite de toute façon un convertisseur électronique plus ou moins complexe.

    Mais tout ça n’a aucune inertie : si on n’avait que des ENR sur un réseau, il serait impossible à régler et stabiliser. En outre, tous les équipements électroniques cités produisent un courant très haché, source de pertes et nécessitant eux-mêmes d’autres dispositifs pour le lisser.

    La variabilité instantanée de la production

    La prévision de la production des ENR aléatoires est en gros possible en gros à long et moyen terme. Les variations sur la journée sont moins prévisibles, mais le réseau peut s’adapter, même avec des centrales nucléaires, toutefois au prix d’usure prématurée et de surcoûts.

    Mais il existe une variabilité à très court terme : une rafale de vent, un train de nuages qui passe… Celle là est très perturbante pour le réseau. C’est particulièrement vrai pour l’éolien, on le voit sur la figure suivante (Puissance/vitesse) dans la zone des vents intermédiaires, qui peuvent être prépondérants à certaines saisons, et où une faible variation de vitesse entraîne une grande variation de puissance.

    l Source

    L’éloignement entre sources de production (régions venteuses) et lieux de consommation

    Ce problème est particulièrement vrai en Allemagne, entre mer du Nord et Ruhr ou Bavière. On a vu qu’en fait, l’électricité se transporte mal sur de longues distances, avec des pertes.

    Les remèdes

    Les ingénieurs ayant une créativité infinie, presque tous ces problèmes ont une solution technologique à base de batteries pouvant stocker quelques minutes de production, de condensateurs ou d’appareillages très sophistiqués à base de semi- conducteurs.

    Jusqu’à une certaine limite cependant. Par exemple l’Irlande, dont le mix est très riche en ENR, expérimente ces difficultés et n’aura de salut qu’en renforçant son interconnexion avec l’Angleterre et peut-être la France. Il va sans dire que toutes ces considérations rendent impossible techniquement un scenario tout ENR.

    Mais voilà, tous les gadgets précités ont un coût… pris en charge non pas par la production qui les rend nécessaires, c’est-à-dire l’éolien et le solaire, mais par les réseaux… En France, le raccordement des ENR est à la charge du réseau, peu de gens le savent.

    C’est ainsi que RTE (Réseau de Transport de l’Électricité) en charge du réseau Haute Tension et ENEDIS, en charge du réseau de distribution, annoncent des investissements faramineux : en tout, 102 milliards sur 15 ans. Et bien qu’ils s’en défendent, une grande partie est directement liée au développement du solaire et de l’éolien.

    RTE annonce 33 milliards : 13 milliards concernent l’adaptation du réseau , 8 milliards le renouvellement des ouvrages les plus anciens , 7 milliards le raccordement des énergies marines , 3 milliards le numérique et 2 milliards pour les interconnexions transfrontalières.

    Autrement dit, la maintenance représente 7 milliards : tout le reste c’est pour les ENR, c’est-à-dire pour les raccordements et pour sophistiquer une conduite du réseau rendue plus complexe.

    Comme l’admet François Brottes, président de RTE : « C’est un peu comme un athlète de très haut niveau qui pratiquait il y a quelques années le triathlon – nucléaire, hydraulique, thermique – et qui maintenant pratique le décathlon : il y a beaucoup d’énergies nouvelles, de modes de consommation nouveaux. » Sauf que le triathlon suffisait…

    ENEDIS annonce 69 milliards. C’est curieux, car la PPE ne prévoit pas d’augmentation de la consommation.

    Il y en a 5,7 pour le compteur Linky si on compte les dépenses totales. La rentabilité est basée sur les économies de personnel qui pourraient être faites sans le Linky. Il y a déjà des procédures permises via une photo du compteur envoyée par mail… En fait, le cœur du Linky, c’est son disjoncteur, qui ne remplace pas le disjoncteur de protection de l’installation. Il est là pour servir un jour, peut être… Il attend son heure, une nuit sans vent par exemple.

    Mais il y a d’autres postes importants : « On passe d’un réseau où l’électricité va dans un sens, du producteur au consommateur, à un système électrique conçu et exploité de manière totalement différente, avec des acteurs nouveaux », remarque Marianne Laigneau, nouvelle Présidente d’Enedis…

    L’entreprise doit ainsi raccorder actuellement 90 % des nouvelles installations renouvelables au réseau d’électricité. Soit 450 000 producteurs d’électricité en tout, pour une capacité de 26 gigawatts raccordés en dix ans… ( Les Échos )

    L’autre poste important, c’est la mobilité électrique : pour 2022, Enedis vise donc aussi 100 000 bornes raccordées au réseau, contre près de 30 000 aujourd’hui. Cela permettra de recharger un million de véhicules électriques environ. « Notre rôle est d’être un facilitateur de cette mobilité électrique. Nous ne vendons rien », insiste Marianne Laigneau.

    L’entreprise aide, par exemple, les collectivités à déterminer quel serait l’endroit le plus pertinent pour installer des bornes de recharge. « Après on tire des câbles » pour connecter ces bornes au réseau, explique la nouvelle dirigeante…( Les Échos )

    Eh oui, on l’oublie toujours, mais multiplier les sources de production et consommation de l’électricité, c’est tirer des câbles de cuivre et d’aluminium. Pas très écologique, et ruineux.

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      Photovoltaïque : vous avez dit État stratège ?

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 19 September, 2020 - 03:40 · 7 minutes

    Photovoltaïque

    Par Nathalie MP Meyer.

    C’est cocasse. Au moment précis où le gouvernement se pare des mille vertus de la planification étatique de long terme en nommant un Haut-Commissaire au plan qui lui-même se pare des mille vertus de l’intérêt général qui supplanterait à tous les coups les intérêts particuliers, on apprend via une « source gouvernementale » citée par le quotidien économique Les Échos que Bercy 1 envisagerait de revenir sur certains tarifs de rachat que l’État avait garanti par contrat, parfois pour 20 ans, aux acteurs de la filière photovoltaïque.

    Dirigisme et reniement. Vous parlez d’un État stratège !

    Si le marché est myope, selon la formule favorite mais ignorante des planistes, force est de constater que de son côté, l’État planificateur prétendument extra-lucide sur les développements du futur est aveugle.

    Ou, pour le dire plus exactement, aveuglé par son volontarisme idéologique, ainsi que l’exemple de l’énergie solaire électrique nous en apporte une nouvelle preuve.

    Les énergies renouvelables, pour l’intérêt général

    Dans le cadre de la transition écologique qui occupe – je ne vous apprends rien – le devant de la scène politique depuis le début des années 2000, la France s’est donné le double objectif aberrant 2 de baisser ses émissions de CO2 et la part du nucléaire dans sa production d’électricité. D’où la nécessité de mettre le paquet sur les énergies renouvelables, en pratique le photovoltaïque et l’éolien, l’hydraulique étant déjà bien implanté depuis longtemps.

    Tout ceci s’inscrivait bien évidemment dans le cadre de l’intérêt général – protection de la planète, santé, climat, bonheur parfait – que nos gouvernants se flattaient et se flattent toujours de connaître et de respecter scrupuleusement à tout instant.

    Le photovoltaïque très soutenu par l’État

    À ce titre, le photovoltaïque (c’est-à-dire le solaire électrique) a bénéficié de toutes les attentions gouvernementales par le biais de mécanismes de soutien incluant abondance de subventions et prix de rachat très incitatif garanti par EDF sur longue période.

    Inutile de dire que cet eldorado construit de toutes pièces a suscité de multiples vocations. D’où surchauffe de la filière. D’où, déjà en 2010, décision de geler provisoirement les nouveaux projets qui se bousculaient aux guichets de l’État afin de revoir à la baisse les prix de rachat qui leur seraient applicables dorénavant.

    Que s’était-il passé ? C’est simple, c’est classique et cela vaut pour tous les domaines d’intervention de l’État : les aides garanties se substituent au fonctionnement concurrentiel du marché et les acteurs de la filière aidée n’ont plus à leur disposition le mécanisme des prix pour évaluer si le secteur entre dans une phase d’excédent (prix en baisse) ou une phase de pénurie (prix en hausse) et ajuster le tir en conséquence.

    Les subventions sont là, les prix garantis aussi, sans oublier ce sentiment très agréable d’investir dans un projet évidemment citoyen et solidaire… et vogue la galère !

    Il est assez amusant de constater qu’en 2010, le gouvernement Fillon proclamait « vouloir mettre fin à la création d’une véritable bulle spéculative »… qu’il avait lui-même provoquée suite au Grenelle de l’environnement de décembre 2007.

    Mais à l’époque, si l’on voit bien que l’État se trouvait déjà contraint d’avaler son chapeau de grand planificateur, il ne s’agissait que de réviser les prix qui seraient garantis aux contrats à venir. Un moindre mal si l’on peut dire, même si la filière n’avait guère apprécié les changements de pied à répétition du gouvernement.

    L’État revient sur des contrats signés avec les acteurs du photovoltaïque

    Aujourd’hui, une nouvelle étape est en passe d’être franchie car il s’agirait de revenir sur des contrats effectifs, en l’occurrence ceux qui furent signés avant 2011 et dont certains stipulaient un prix garanti pendant 20 ans.

    Il se trouve que le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance chapeauté par Bruno Le Maire est en train de plancher sur le Projet de loi de finances pour 2021. On sait que le plan de relance consiste à déverser à nouveau un « pognon de dingue » dans l’économie, mais ce ne serait pas plus mal si l’on trouvait quelques petites économies à réaliser, histoire de montrer que les finances publiques sont gérées.

    Il se trouve en outre que dans son rapport sur le soutien public aux énergies renouvelables de mars 2018, la Cour des comptes signalait (entre autres remarques peu flatteuses) une disproportion manifeste entre les aides octroyées et la production de la filière :

    « Pour le photovoltaïque par exemple, les garanties accordées avant 2011 représenteront 2 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 (soit 38,4 milliards en cumulé) pour un volume de production équivalent à 0,7 % du mix électrique. »

    Mais la voilà, la bonne idée ! Qui pourrait reprocher au gouvernement de vouloir remédier aux petits défauts de gestion mis au jour par la Cour des comptes ?

    Les prix de rachat fixés il y a dix ans (par qui ? on se le demande…) étaient beaucoup trop élevés compte tenu de l’évolution ultérieure du secteur et ce ne serait que justice pour le contribuable que de revenir à des tarifs de rachat plus conformes au prix de marché actuel ! Après calcul, Bercy a évalué que cela pourrait représenter une économie de 600 millions d’euros par an.

    Instabilité permanente

    Comble du foutage de gueule étatique, la rupture des contrats pourrait même trouver une justification juridique au nom de l’intérêt général – exactement comme la décision initiale de subventionner lourdement la filière fut prise en son temps au nom de l’intérêt général !

    On se doute cependant que les termes des contrats ont joué dans les calculs des investisseurs privés et que toute modification revient à mettre en péril les entreprises du secteur, les emplois qui les accompagnent ainsi que les banques qui ont apporté leur concours sur la foi du soutien de l’État.

    Sans compter l’instabilité juridique permanente dans laquelle doivent naviguer les entreprises dont l’activité dépend comme on le voit du bon vouloir et des humeurs changeantes des pouvoirs publics.

    On pourrait penser à première vue que le gouvernement a parfaitement raison de vouloir remettre de l’ordre dans un dispositif beaucoup trop coûteux pour les finances publiques au regard de ce qu’il produit, mais il faut bien voir que la faute originale réside dans la décision « stratégique » de stimuler artificiellement les énergies renouvelables.

    Ce que l’exécutif envisage actuellement n’est jamais qu’une tentative de réparer ses mauvais choix au prix d’une remise en cause gravissime de sa signature.

    Mais il y a plus inquiétant encore. Car si le projet de renégocier à la baisse les prix de rachat du photovoltaïque aboutit, l’État stratège se sera renié en bonne et due forme pour dégager un peu de marge budgétaire afin de recommencer exactement la même manœuvre avec le plan de relance post-confinement dont on sait qu’il doit lui aussi être vert, vert et vert :

    « Nous avons fait le choix de relancer l’économie par l’écologie. Sur 100 milliards d’euros, 30 milliards sont destinés au financement de la transition écologique. Mais notre ambition va plus loin : chaque axe du plan de relance doit apporter une contribution à la transition écologique. » (Plan de relance, dossier de presse , page 12)

    Gageons que dans quelques années, la Cour des comptes nous informera une fois de plus du gaspillage irréfléchi qui a présidé à l’élaboration et à la mise en œuvre de ce « plan » tout bardé de volontarisme écologique.

    Autrement dit, l’État s’imagine être le seul capable de penser et d’agir à long terme, bien loin de la « dictature de l’instant » qui serait la marque indélébile d’un libéralisme forcément « impulsif » – comme disait Pierre Massé, ancien Commissaire général au Plan du temps du Général de Gaulle – mais sa parole ne l’engage à rien !

    Il peut d’autant plus facilement sautiller de plan A en plan B, se renier et se retourner au gré des nécessités politiques et/ou électorales du moment (dictature de l’instant !) qu’il dispose de l’arme de l’intérêt général, concept aimable et malléable très pratique pour faire taire les critiques, quels que soient les échecs qui jalonnent ses foucades et revirements successifs. Vous avez dit État stratège ?

    Sur le web

    1. Au moment où j’écris, le gouvernement n’a ni infirmé ni confirmé l’information des Échos , mais le procédé ressemble beaucoup à une fuite orchestrée pour imposer une future négociation.
    2. Aberrant car le nucléaire fournit une énergie décarbonée.
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      Le commerce honteux des indulgences renouvelables

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 May, 2020 - 02:45 · 3 minutes

    renouvelable

    Par Michel Gay.

    Comme au Moyen-Âge, le gouvernement a rétabli le commerce lucratif des indulgences pour enrichir les producteurs d’électricité renouvelables qui peuvent ainsi verdir l’électricité , quel que soit le « péché » de son origine fossile ou nucléaire.

    Financement du parc nucléaire français

    Le financement de la construction du parc nucléaire français actuel n’a bénéficié d’aucun apport de l’État.

    La société EDF a dû emprunter, y compris hors de l’Hexagone, et assumer le remboursement répercuté sur le prix de vente de l’électricité parmi la moins chère d’Europe. L’entreprise EDF a pris tous les risques industriels de l’investissement et de la construction des 58 réacteurs actuellement en fonctionnement dont profitent tous les Français depuis plus de 30 ans.

    Cependant, le marché de l’électricité ayant été ouvert à la concurrence en 2007, l’État a souhaité favoriser l’arrivée de concurrents afin qu’ils puissent trouver leur place sur le marché.

    L’État a donc imposé à l’entreprise EDF des tarifs réglementés de vente et l’a obligé à céder un quart de sa production nucléaire (100 térawattheures) à un « prix d’ami » aux nouveaux fournisseurs alternatifs souhaitant la concurrencer.

    De plus, EDF doit assumer « en même temps » tous les risques du système et de la production (dont l’intermittence des énergies renouvelables éoliennes et solaires).

    L’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) a ainsi été créé par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi NOME ) afin que chaque fournisseur alternatif concurrent d’EDF puisse bénéficier, s’il le souhaite, d’un accès à l’électricité nucléaire de 42 euros par mégawattheure, fixé depuis 2012.

    Ce droit « de tirage » est partagé entre tous les fournisseurs et couvre en moyenne 68 % de leurs besoins. Si la demande totale dépasse ce plafond, les droits de chacun sont revus à la baisse.

    Les fournisseurs alternatifs achètent la différence auprès d’autres producteurs ou sur le marché de l’énergie au prix du marché. Quasiment aucun fournisseur alternatif n’est producteur d’électricité. Le fournisseur n’est qu’un intermédiaire qui veut bien se servir chez EDF mais sans en prendre les risques !

    Le plafond de l’ARENH n’étant plus suffisant pour répondre à la demande, une plus grande quantité d’électricité est achetée sur le marché à un prix plus élevé que celui fixé par l’ARENH (sauf en périodes de prix négatifs dues aux surproductions intempestives éoliennes et solaires), et les factures des Français augmentent , alors que le prix de l’électricité nucléaire historique n’augmente pas.

    L’ARENH est-il obligatoire ?

    Non.

    Les fournisseurs sont libres d’exercer ce droit ou non pour leurs clients. Il est possible d’acheter la totalité de l’énergie nécessaire à l’approvisionnement des clients via d’autres canaux.

    Certains fournisseurs renoncent à leur droit d’ARENH pour des raisons politiques ou d’image (c’est le cas du fournisseur Enercoop).

    Ce dispositif appauvrit donc EDF en réduisant ses marges sur l’énergie du côté des clients (avec les tarifs réglementés de vente) et du coté des fournisseurs (avec l’ARENH).

    L’électricité peut-elle être vraiment verte ?

    Il n’existe qu’un seul réseau électrique en France qui mélange toutes les productions, qu’elles soient d’origine fossile, nucléaire, renouvelable, ou autres.  Il est donc impossible de certifier à un client que l’électricité est 100 % verte.

    Néanmoins, il existe un système de traçabilité via les Garanties d’origine afin de pouvoir suivre la quantité d’énergies renouvelables injectée dans le réseau électrique français (ou européen).

    Les fournisseurs d’électricité ( y compris EDF …) en achètent pour la consommation de leurs clients qui veulent acheter « vert ».

    Ainsi, un producteur d’électricité issue de sources d’énergies renouvelables peut vendre d’un côté son électricité à un acteur et de l’autre ses garanties d’origine…

    Un des deux acteurs pourra alors se revendiquer 100 % vert alors qu’il produit son électricité avec du gaz ou du charbon !

    C’est ainsi qu’un fournisseur d’énergie a le droit de dire qu’il est 100 % renouvelable car il a payé une Garantie d’origine, un impôt vert, une forme de racket institutionnalisé.