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      Il faut libéraliser le marché de l’électricité (1)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 1 February, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Un article de l’IREF

    Avec la guerre en Ukraine et la rupture des approvisionnements en gaz russe , les prix de l’électricité ont flambé. Mais l’ Ukraine n’a été qu’un déclencheur sur le marché électrique désormais si administré qu’il a perdu sa flexibilité et sa capacité de réaction. Après un état des lieux, ci-dessous, nous publierons le lundi 6 février une analyse de quelques voies et moyens pour remédier aux difficultés rencontrées.

    État des lieux

    Le marché électrique est compliqué à gérer parce que la demande électrique varie quotidiennement en fonction de paramètres incontrôlables, comme la température, et que ce produit n’est pas stockable.

    L’offre est assurée par des sources très variées (thermiques, nucléaires, hydrauliques, éoliens, etc.) qui proposent à chaque instant leur électricité à un prix différent selon leurs facteurs de production. Certaines sources comme le gaz peuvent être disponibles très rapidement tandis que d’autres sont moins réactives, comme le nucléaire qui a besoin de plusieurs heures pour établir le cycle vapeur. Ici les coûts fixes sont de loin les plus importants, là ce sont les coûts variables.

    L’électricité est un produit de première nécessité

    Elle est indispensable pour tous les services industriels, professionnels ou domestiques.

    Pour répondre à ce besoin, l’Europe a organisé un marché de gros de telle façon que chaque source de production propose en continu ses produits dont le prix est fixé au niveau du coût marginal du dernier des moyens de production classés par coût marginal croissant (ou merit order ).

    Par ailleurs, sur le marché court terme, un mécanisme de couplage de marché a été mis en place il y a une quinzaine d’années pour favoriser la meilleure disponibilité et les échanges au meilleur prix entre les pays au travers d’une étroite coordination entre différentes bourses d’électricité.

    Enfin, en aval, a été encouragée une libre concurrence entre fournisseurs pour que les consommateurs finaux bénéficient des meilleurs prix de distribution. Des gestionnaires du réseau de transport, comme en France RTE, filiale d’EDF, veille à la rencontre à tout moment de l’offre et de la demande, le cas échéant en commerçant avec les réseaux étrangers via les nombreuses interconnections établies.

    Sur le marché de gros, l’idée était que le prix de la dernière centrale permette aux autres fournisseurs de dégager des marges pour investir de façon à améliorer et augmenter leurs outils de production et tendre vers des prix plus bas en augmentant l’offre, contribuant ainsi à ce que le marché puisse se passer progressivement des centrales de production les plus onéreuses et les plus polluantes.

    Sauf que cette vision angélique n’a pas fonctionné notamment à cause de la montée en puissance des énergies renouvelables (EnR) qui a déstabilisé le système pour diverses raisons.

    Ces EnR intermittentes ont bénéficié de larges subventions publiques et de garanties de prix de vente qui ont empêché les marchés de délivrer les bons signaux prix. D’autant plus que ces énergies ont obtenu une priorité de délivrance de leur électricité sur les marchés pour s’assurer que leur production, intermittente et aléatoire, soit utilisée de manière optimale dans un souci écologique. Elles ont ainsi obligé à maintenir de nombreuses sources de production au gaz ou au charbon pour les suppléer et elles ont tout à la fois détruit les incitations à produire de manière plus économique et contribué à augmenter les prix.

    Les pouvoirs publics sont intervenus à tous les niveaux

    Parallèlement, l’électricité étant un élément de consommation très sensible, les pouvoirs publics sont intervenus à tous les niveaux de la production et de la distribution pour en gérer les prix et les moyens d’accès.

    La Cour des comptes observe qu’en France ont été prévus, notamment avec la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, une programmation pluriannuelle des investissements (PPI devenue PPE), des tarifs en obligation d’achat pour les énergies renouvelables (puis des compléments de rémunération organisés en guichet dans le cadre d’arrêtés tarifaires), un accès réglementé au réseau (TURPE) et ses principes de calcul (péréquation géographique, tarification « timbre poste »…), une compensation des surcoûts géographiques à l’approvisionnement (zones non interconnectées – ZNI)…

    Sur le marché de détail, dès avant les aides et plafonds décidés en 2022, ont été mis en place des soutiens aux clients précaires (tarif social ou de première nécessité devenu chèque énergie) et des tarifs réglementés de vente (TRV, dont les tarifs bleus). Sur le marché de gros, des facilités ont été accordées aux fournisseurs alternatifs, en particulier dans le cadre du Virtuel Power Plants de la Commission européenne en 2001), puis depuis 2011, avec le régime de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) créé par la loi NOME qui permet aux fournisseurs alternatifs d’obtenir auprès d’EDF de l’électricité d’origine nucléaire à un prix fixe et imbattable, 42 €/MWh depuis 2012.

    Un marché administré

    L’Europe avait voulu instaurer des mécanismes de marché mais à force de contraintes administratives auxquelles il est soumis, le marché électrique n’est plus que l’ombre d’un marché.

    L’Europe avait cru pouvoir instituer des règles pour que fonctionne un libre marché, mais dès le début se sont donc multipliées les entraves à la concurrence, le marché a été de plus en plus administré, en particulier en France où l’État, qui ne voulait pas laisser la main à d’autres, a transformé EDF en société anonyme de droit privé tout en continuant à détenir plus de 80 % de son capital et en lui imposant des contraintes diverses et variées en même temps qu’en la maintenant comme un quasi-monopole de fait. EDF assure près de 85 % de la production, suivie d’Engie (4 %).

    La position dominante d’EDF lui permet de gérer elle-même ses pointes de fournitures en disposant de moyens de production ou d’effacement nécessaires à la sécurisation de l’alimentation du réseau. Mais à l’effet de garantir l’équilibre des offres et des demandes d’électricité à tout moment, tous les fournisseurs d’électricité sont tenus de s’approvisionner en garanties de capacités pour couvrir la consommation de l’ensemble de leurs clients en périodes de pointe de consommation nationale.

    Ces garanties de capacité sont obtenues en investissant dans des moyens de production ou d’effacement ou auprès des exploitants de capacités. Elles font l’objet de règlements financiers incitatifs fixant des prix administrés et de référence des livraisons, ce qui est une atteinte de plus aux règles d’un libre marché. La gestion des pointes électriques est de plus en plus difficile à piloter au fur et à mesure que progressent les énergies renouvelables et volatiles. En témoigne le blackout électrique du Texas lors des grands froids du 14 au 19 février 2021, dû notamment à l’importance de l’éolien dans cet État américain pour couvrir la demande.

    L’Europe avait voulu instaurer des mécanismes de marché mais à force de contraintes administratives auxquelles il est soumis, le marché électrique n’est plus que l’ombre d’un marché. Les acteurs y sont publics et privés, mais tous, du moins en France, sont comme des marionnettes qui dansent au pas convenu par le marionnettiste qu’orchestre l’État avec l’Europe. Il existe une sorte de collusion entre les fournisseurs privés et publics et les autorités publiques, une sorte de capitalisme ou plutôt d’étatisme de connivence qui protège les intérêts des entreprises sans égard pour les consommateurs quitte à rattraper partiellement les dommages créés en surimposant les profits de ces rentes pour financer des subventions aux consommateurs. L’État n’en est pas mécontent puisqu’il reste au centre du jeu et en contrôle toute la filière.

    Mais cette opacité du marché est aussi sans doute une cause de ses dysfonctionnements en cas de difficultés comme la guerre d’Ukraine ou des vagues de froid ou de chaleur intenses. Alors comment y remédier ?

    Sur le web

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      La souveraineté absolue de l’Autorité de Sûreté Nucléaire en question

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 30 January, 2023 - 04:00 · 3 minutes

    On trouvera ci-après le sommaire compte rendu de l’audition, mardi dernier, du président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) par la commission parlementaire constituée à l’initiative du député Schellenberger. Après en avoir pris connaissance, il est vivement recommandé de lire l’article publié dans Telos rédigé le 26 novembre 2021 par Dominique Finon et Dominique Grenèche, deux experts nucléaires depuis longtemps sensibilisés aux problématiques évoquées lors de cette audition.

    On y découvrira la remarquable mise en garde développant ce que l’audition de Bernard Doroszczuk donne à comprendre aux membres de la force de rappel démocratique qui auraient dû siéger aux côtés de ladite commission ou en constituer la partie principale. Car, en la circonstance, la responsabilité première de cette commission devrait être de forcer notre ASN à se plier à un formalisme d’ accountability à l’américaine, dont on mesure aujourd’hui à quel point il fait gravement défaut dans celui de notre contrôle institutionnel de la sûreté nucléaire.

    De fait, mardi 24 janvier 2023, cette force de rappel n’aurait pas mis longtemps à comprendre que, selon Bernard Doroszczuk, la centrale la plus sûre est celle qu’on ne construit pas ou celle qu’on n’a pas ou plus les moyens de se payer.

    À l’évidence, une France menacée à court terme de disette énergétique ne peut plus s’offrir le luxe de répondre à toutes les injonctions de cet intouchable père Fouettard du principe de précaution, et il relève de la lucidité citoyenne d’exiger que soit mis rapidement un terme à sa souveraineté absolue.

    Audition du président de l’ASN par la commission parlementaire « Schellenberger »

    « Renforcer indéfiniment une sûreté nucléaire déjà très sûre » n’est probablement pas la conclusion qu’aura tiré le commun des mortels de plus de deux heures d’une déposition brillante et finalement assez convaincante de Bernard Doroszczuk , le patron de notre ASN.

    Pour autant, ce que les observateurs avertis auront retenu de cette irréprochable prestation tient dans la phrase suivante : durées et vicissitudes des instruction et réalisation du programme de construction envisagé de 6 EPR seront semblables à celles de l’EPR de Flammanville3 à l’échelle 6, et l’on peut considérer que la France a définitivement renoncé à la filière RNR. C’est regrettable mais c’est bien ainsi que les choses ont toutes les chances de se passer. En effet…

    • Pour être édifié sur la méthode consistant en un encadrement ASN strict desdites instruction et réalisation, il suffit d’écouter monsieur Doroszczuk de la minute 53 à la minute 54 ;
    • Pour être édifié sur l’intransigeance déterministe de la sûreté française, dont ce monsieur se porte garant – celle qui exclut la plus petite dose de probabilisme à l’américaine – il suffit de l’écouter de la minute 1h38 à la minute 1h42 ;
    • Quant au fait qu’il se passera très longtemps avant que la France ne songe seulement à renouer avec la filière RNR, pour s’en convaincre, il suffit d’écouter le patron de l’ASN et son collaborateur, de 1h31 à 1h34 et de 1h59 à 2h02 : à l’évidence l’intérêt industriel, les rendements technologique et économique d’un surgénérateur au sodium pèsent si peu à leurs yeux – devant le spectre d’une sûreté de l’instrument jugée intrinsèquement défaillante – qu’ils n’en font même pas état.

    Ainsi, non seulement le premier MWh des nouveaux EPR a-t-il très peu de chances de circuler sur le réseau national avant 2040 au plus tôt, mais on tire implicitement d’un tel catalogue de résolutions que d’ici là la disponibilité du parc existant devrait progressivement se dégrader à cause des programmes réguliers d’une remise à niveau sûreté indéfinie, auxquels il n’est pas question que ce parc échappe… La pérennité d’un approvisionnent électro énergétique suffisant du pays n’est manifestement pas l’affaire d’une Autorité supra-présidentielle et supra-gouvernementale de la Sûreté Nucléaire.

    En définitive, on se demande bien par quel miracle les constructeurs et les exploitants de nos quelque 60 réacteurs sont parvenus à gratifier leur pays de plus de 2000 années.réacteurs sans incident. À croire que ce pays l’a échappé belle !

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      La précarité électrique arrive

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 26 January, 2023 - 04:15 · 8 minutes

    L’irrecevabilité sera certes opposée à une classe politique au débit de laquelle doit être mis l’étiolement principalement industriel de notre économie mais elle le sera également à une population française par trop indifférente, au fait ou non de ce dont il est question dans ce live d’une heure.

    De même que, après avoir lu le remarquable compte rendu intitulé « Texas, février 2021 : faillite d’un réseau électrique », l’une et les autres ne peuvent d’ores et déjà arguer de l’ignorance pour méconnaître délibérément ce que leur fait pendre au nez la récente fuite en avant éolienne du programme énergétique gouvernemental.

    Je les exhorte donc à parcourir au moins partiellement ce que rapporte ce document d’une clarté et d’une exhaustivité étonnantes [ 1 ], dont les médias français ne se sont guère fait l’écho.

    Xavier Chavanne, l’auteur, est physicien à l’Institut de physique du globe de Paris. Il nous apprend qu’un froid polaire et une présence éolienne excessive dans le parc de production texan conduisirent le RTE de l’État américain à procéder à de massifs délestages tournants, responsables d’au moins 250 morts et indirectement de plusieurs centaines d’autres entre le 14 et le 19 février 2021. Là-bas, 140 GW électriques potentiels, dont 30 GW éoliens probablement prioritaires, étaient et sont toujours chargés de couvrir une demande rarement supérieure à 75 GW. Le dramatique blackout apporta donc une nouvelle démonstration du caractère rédhibitoire du dépassement des 30 % éoliens de la puissance appelée par les consommateurs ; un caractère rédhibitoire contesté par le SER (Syndicat des Énergies renouvelables) et dont n’a manifestement cure le gouvernement d’Élisabeth Borne.

    L’entrée en matière du live mentionné ci-dessus n’a par ailleurs que sommairement traité d’un des principaux handicaps dressés, année après année, sur le chemin de la pérennisation de notre industrie électronucléaire : le niveau de radioprotection toujours plus surréaliste que des décennies de propagande sont parvenues à faire adopter par les autorités civiles et militaires, tant pour les situations d’exploitation normale des installations que pour les situations accidentelles. Les considérables retours d’expérience de la radiothérapie et de l’imagerie médicale battent pourtant en brèche un aussi ruineux excès de précaution et de prévention contre toutes les formes de contamination radioactive.

    On n’en veut pour preuve que l’exemple suivant.

    Avant que, en 2013, la règlementation française ne transpose les directives Euratom de radioprotection, les limitations qu’elle imposait à la dose annuelle reçue par les professionnels fréquentant la zone dite contrôlée des INB (Installation Nucléaire de Base) étaient : 50 mSv en situation normale ; 120 mSv pour une intervention technique d’urgence ; 2 mSv/jour en pratique usuelle.

    Aujourd’hui, on ne dénombre pas la moindre victime de ce que les défenseurs de la « relation linéaire sans seuil (de nocivité) » considèrent sans doute comme un laxisme coupable.
    De fait, Euratom exigea de diviser ces seuils par 2,5 ce qui eut pour conséquence de multiplier par autant le nombre des intervenants en maintenance, en réparation et même en exploitation, par conséquent de multiplier par autant le coût de leurs interventions ; ce dont EDF se serait bien passé en ce moment.

    La démonstration est pourtant quasi faite depuis longtemps qu’un seuil de nocivité de la radioactivité s’établit autour de 100 mSv/an pour les plus pessimistes, les observations suivantes étant largement notoires : on a reçu 1 mSv après 6 aller-retour Paris-Tokyo ; une radiographie communique 1 mSv, un scanner abdomino-pelvien 15 mSv ; en France, on reçoit annuellement 2,5 mSv de dose naturelle (radon) et artificielle, quand certains pays comme le Kérala, en Inde, en reçoivent de 30 à 50 sans préjudice sanitaire connu sur les populations concernées.

    S’agissant maintenant de la dérive du prix de l’électricité, le live confirme que les Français la doivent à la création d’un marché UE fallacieusement vendue comme une ouverture à la concurrence libre et non faussée et à la ruine préméditée de notre parc électronucléaire en ayant résulté. Pour autant, nos compatriotes ne doivent pas gober le rêve selon lequel le retour immédiat au marché national leur rendrait de facto un KWh bon marché : les dégâts causés à notre potentiel d’approvisionnement électrique demeureront irréversibles encore longtemps et le principe de la facturation du KWh au coût marginal de production, plus connu sous le nom de « merit order », régit de façon intangible l’exploitation de tout système électrique. C’est le mode commercial qui avait cours chez nous avant la dissolution d’EDF dans le marché européen, un marché SPOT établi la veille pour le lendemain dont EDF-production-transport-distribution avait autrefois la responsabilité sans partage.

    Actuellement, tout marché de l’électricité est peu ou prou prisonnier de la marginalité gaz, y compris un marché qui redeviendrait national, auquel ne resterait que la négociation plus efficace du prix de ce gaz, la mise en concurrence de la marginalité de ce dernier avec les marginalités charbon et fuel pour atténuer la facture du consommateur. Car il est aujourd’hui impensable d’imaginer ajouter à ce qui précède une forme de redistribution de la rente nucléaire, tant EDF est endettée, tant les lois NOME et ARENH ont perverti le marché national à son détriment.

    Reste que le marché UE est bel et bien vicié par un marché dit à terme – la possibilité de réserver jusqu’à 200 TWh, une semaine à 3 ans à l’avance – pervertissant dangereusement un marché SPOT déjà dénaturé par la priorité éolienne , en spéculant sur l’accessibilité et sur les coûts à venir des différents combustibles, de même que sur la disponibilité des divers moyens de production et sur toutes sortes d’externalités comme l’effacement à prix d’or de certains industriels. Résultat : les contrats de ce type arrivant aujourd’hui à maturité sont à des prix exorbitants, même avec un prix du gaz ayant sensiblement baissé. Non seulement les Français ont ainsi peu de chances de jouir de la baisse probablement momentanée du prix du gaz, mais, double peine, leurs tarifs sont soumis au lissage permanent des dépenses gouvernementales en ruineux chèques énergie.

    Un heure de live n’aura pas suffi à épuiser les thèmes abordés, comme la stabilité des systèmes électriques gravement compromise par l’éolien, l’usage des STEP (Station de Transfert d’Énergie par Pompage), les Réacteurs à Neutrons Rapides (RNR) de quatrième génération dont Superphénix fut le plus célèbre précurseur, ASTRID et la loi NOME. À propos du scélérat dispositif ARENH, une nécessaire mise au point relative au financement du plan Messmer a pu néanmoins être exprimée.

    Pour finir, il convient donc plus que jamais de s’attarder sur la périlleuse fragilisation de notre approvisionnement électrique ourdie par une extension inconsidérée des interconnexions commerciales européennes, combinée à la relégation progressive de l’usage de notre nucléaire à la fonction de supplétif de l’éolien.

    Lundi 9 janvier 2023, la barre des 44 GW nucléaires disponibles fut franchie avec le retour de Tricastin 4 et, au total, 43 tranches en fonctionnement.

    Jusque fin janvier, la France aura ainsi 66 GW mobilisables à la pointe et 62 GW en février, ce qui est assez peu lorsqu’on songe aux 100 GW appelés en février 2012, même si notre hydraulique semble reprendre quelques couleurs grâce à une fonte des neiges précoce. Or, dimanche dernier, quelle ne fut pas notre surprise de voir un Tricastin 4 déconnecté du réseau à peine revenu à sa puissance nominale, de même que neuf autres réacteurs la semaine précédente. En y regardant de plus près, ont découvrit que les 44 GW nucléaires n’avaient délivré ce jour-là qu’une puissance de 34 GW avec des creux à 32,6 GW. Pourquoi ? Parce que grâce à un vent momentanément généreux nos prioritaires éoliennes étaient arrivées en force sur le réseau, pardi ! Ce qui, sans surprise, n’a pas duré.

    Peu importe à un RTE aux ordres qu’un suivi de charge servilement inféodé à une production éolienne aussi fantasque use prématurément des tranches certes modifiées pour ce faire, mais dans les limites raisonnables de l’erratique. Peu lui importe surtout que ce suivi de charge se traduise par la production abusive d’effluents liquides et de déchets (concentrats d’évaporateurs, résines échangeuses ions, filtres…) et finisse par nécessiter à terme la construction de stockages supplémentaires, avant rejet.

    Le discours largement convenu dans ce pays, y compris par RTE, est que conformément à la directive européenne concernée on a besoin de toutes les énergies, même des plus intermittentes. Cette directive pourtant en porte-à-faux avec l’ article 5 du traité de Lisbonne (principe de subsidiarité) impose une croissance des interconnexions commerciales assez débridée servant surtout à mutualiser les instabilités, notamment l’allemande.

    Aussi, étendre de plus en plus loin des échanges croissants d’énergie électrique – 10 % de la puissance de production en 2020, 30 % en 2030 ! – est-il confier notre sécurité d’approvisionnement à des secteurs de moins en moins sûrs… Ce qu’ont manifesement programmé les scénarios stratégiques esquissés par RTE en 2012, estimant que 35 à 50 milliards d’euros d’investissements sur le réseau de transport seraient à réaliser de 2012 à 2030 ; que, sur ce montant, 5 milliards d’euros porteraient sur le renforcement des interconnexions électriques avec les pays voisins et 5 à 10 milliards d’euros accompagneraient la transition énergétique.

    À l’évidence, il y a une urgence française à forcer le retour au format des interconnexions de systèmes nationaux autonomes, des interconnexions dont l’utilité exclusive doit redevenir de permettre à un ou plusieurs de ces systèmes de se sustenter momentanément, lors de difficultés ponctuelle ou périodiques desquelles aucun n’a jamais été et ne sera jamais à l’abri. En d’autres termes, le marché de l’électricité doit redevenir une prérogative nationale responsabilisant directement les gouvernements nationaux. Ce faisant, les Européens s’en porteraient sans doute beaucoup bien mieux qu’aujourd’hui…

    (1) La lecture de ce document va de 10-15 minutes à 35-40 minutes, selon qu’on en prend partiellement ou totalement connaissance.

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      La délicate gestion des réserves de gaz

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 26 January, 2023 - 04:00 · 1 minute

    Les températures clémentes jusqu’à la mi-janvier et le signal-prix associé aux facturations de l’énergie ont entraîné une réduction significative de la consommation de gaz ces derniers mois.

    En comparaison à janvier 2022 (du 1er au 22), la consommation de gaz sur la même période de janvier 2023 enregistre une variation de -25 % pour les industries (-22 % vs la même période de décembre 2022), de -28 % pour le grand public (-26 % vs décembre 2022) et -49 % pour la production d’électricité par gaz (-61 % vs décembre 2022). Pour comparaison, les températures moyennes se sont établies sur les trois semaines à 8,4° contre 5,4° en janvier 2022 et 3,4° en décembre 2022.

    Ces réductions de consommation constituent à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : d’une part elles limitent les risques de pénurie ; d’autre part elles constituent un indicateur de réduction de la production industrielle et donc des pertes de richesses collectives, voire de bien-être pour les ménages.

    Dans le même temps les réserves de gaz en France s’établissent à 72 %. Ce chiffre pourrait sembler faible par rapport à la moyenne européenne de 78 % même s’il reste élevé par rapport à la moyenne historique sur la période (55 %). Ces réserves françaises correspondent tout de même à 23 % de la consommation annuelle.

    Au-delà de la variation de consommation, le chiffre des réserves est appelé à diminuer pour des raisons techniques. En effet, le mode de stockage (à 75 % constitué de couches aquifères) a besoin de circulation (vidage régulier) pour être efficace. Le vidage va donc s’organiser dans les semaines à venir, probablement pour atteindre un niveau inférieur à 40 % en mars. Bien sûr, le précieux gaz ne va pas être « gaspillé » mais la réduction de volume va être entreprise via une moindre injection de GNL par méthanier (et qui se redirigera vers d’autres pays). D’après GRTGaz, au regard de la baisse de consommation observée et du caractère déjà avancé de l’hiver, et hors période de froid intense, les risques de pénurie associés à cette réduction sont limités.

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      Énergies renouvelables : la nouvelle dépendance minière

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 25 January, 2023 - 03:50 · 4 minutes

    Nous dirigeons-nous vers un « passionnant » avenir énergétique principalement fait d’énergies renouvelables ? Le Soleil et le vent alimenteront-ils la croissance de demain ? C’est ce que souhaite toujours ouvertement l’écologie politique et ce malgré les signes de plus en plus tangibles de l’impasse de la croissance verte.

    Les fossiles représentent aujourd’hui plus de 80 % du mix énergétique mondial soit à peine moins qu’il y a 40 ans. Le pétrole alimente près de 95 % des transports tandis que le gaz et le charbon représentent toujours les deux tiers de l’électricité mondiale. En deux décennies le monde a investi plus de cinq mille milliards de dollars dans les ENR . Et pourtant ils ne représentent aujourd’hui que 12 % de l’électricité mondiale et moins de 5 % de l’énergie primaire.

    Pourtant l’utopie d’une société 100 % renouvelable reste ancrée dans l’imaginaire collectif comme LA  solution, notamment en Europe où le catastrophique échec de l’ Energiewende allemand ne semble faire peur à personne. Peu importent les intermittences hivernales que nous vivons depuis début décembre en déphasage complet (abondance de vent en cas de faible demande, pénurie en cas d’anticyclone polaire et de forte demande) avec la demande d’électricité, peu importent les facteurs de charge de 14 % du solaire et de 23 % de l’éolien terrestre, les technologies de stockage combleront hypothétiquement leur vide abyssal. De plus, les ENR devraient nous libérer de notre dépendance des méchants pays pétroliers/gaziers et nous conférer une nouvelle indépendance énergétique. Contrairement au pétrole, au gaz et à l’uranium, le vent et le Soleil n’appartiennent-ils pas à tout le monde ?

    Des énergies renouvelables dépendantes des productions minières

    Pas aussi simple. Pour transformer le Soleil et le vent en électricité verte puis la distribuer aux consommateurs, les équipement renouvelables (éoliennes, panneaux solaires, batteries, électrolyseurs à hydrogène, piles à combustibles) et leurs complexes systèmes de distribution réclameront de nombreux métaux critiques (fer, cuivre, silicium, nickel, chrome, zinc, cobalt, lithium, graphite, platine, irridium et métaux de terre rares comme le néodyme ou le tantale).

    Comme l’indique un rapport récent de la Banque mondiale, les énergies vertes sont beaucoup plus gourmandes en matériaux que notre bouquet énergétique actuel.

    Il en résultera dans le futur un accroissement pharaonique de la production minière. Exploités dans d’énormes mines souterraines ou exploitations à ciel ouvert, ces métaux en faible proportion dans l’écorce terrestre doivent être purifiés puis introduits dans les équipements adéquats : des opérations fortement énergétivores. Ces matériaux représentent entre 60 % et 70 % du coût des panneaux solaires et des batteries. Se pose donc la question cruciale de leur origine. Et la réponse est quelque peu terrifiante. Car contrairement au vent et au Soleil, les métaux critiques n’appartiennent pas à tout le monde : encore plus mal distribués que le pétrole et le gaz à la surface de la planète, les pays qui les détiennent ne sont pas davantage démocratiques que les paradis pétroliers, loin de là.

    La Chine est aujourd’hui la principale source de terres rares tandis que les États-Unis et l’Europe en sont des acteurs totalement absents dépendant à 100 % de leurs importations. En choisissant les ENR nous favorisons implicitement de poids politico-économique de l’Empire du Milieu. À la dépendance au gaz russe, algérien, iranien ou qatari viendront s’ajouter une dépendance totale aux métaux critiques chinois, au cobalt congolais, au lithium argentin et au cuivre chilien.

    Un potentiel minier

    Pourtant, aux États-Unis comme en Europe, il existe un réel potentiel minier totalement inexploité. Ainsi, dans le nord de la Suède, la compagnie suédoise LKAB a récemment découvert un énorme gisement qui contiendrait plus d’un million de tonnes de terres rares.

    Si le projet est lancé rapidement, il faudra 15 ans avant de sortir le premier gramme de terre rare. Inacceptable selon certaines ONGs environnementales pointant du doigt une exploitation pénalisant… les éleveurs de rennes et nécessitant le déplacement de quelques centaines de personnes.

    En France, l’une des plus grandes mines européennes de lithium devrait être développée dans l’Allier d’ici 2027. Une exploitation que le magazine d’extrême gauche Reporterre qualifie de quadrature du cercle : « la technique d’extraction n’est pas sans conséquence pour l’environnement : elle est énergivore et demande de grandes quantités d’eau et de produits chimiques ». Reporterre semble découvrir qu’il n’existe pas d’exploitation minière propre ! Évidemment en important les métaux de Chine ou de RDC, on cache la poussière sous le tapis accusant après coup le consommateur européen d’importer du carbone. La « bonne morale escrologique » préfère probablement massacrer notre souveraineté énergétique et développer l’emploi chinois au détriment de notre emploi national ou de l’emploi européen.

    Comme son opposition au nucléaire, l’écologie politique milite depuis plusieurs décennies contre l’exploitation minière en Europe. Ceux-là mêmes vantant les bienfaits des ENR, des batteries et des voitures électriques s’opposent à l’ouverture de mines pour en extraire les métaux nécessaires. Un paradoxe de plus dénué de toute logique élémentaire, un non-sens pour un mouvement politique n’existant qu’à travers la peur, l’émotion et la morale.

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      Quel programme nucléaire d’ici à 2070 ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 23 January, 2023 - 04:30 · 3 minutes

    Le gouvernement débat actuellement sur un texte visant à accélérer le programme nucléaire par simplification des procédures.

    Le Sénat a apporté un amendement visant à pointer du doigt l’incohérence qu’il y a à vouloir accélérer le programme de nouvelles centrales tout en prévoyant une réduction du nucléaire de 75 à 50 % de l’énergie produite et l’arrêt de 14 réacteurs de 900 MW d’ici 2035, identifiés et proposés par EDF à la demande de l’État.

    Quel est le programme du nucléaire dans le mix prévu par les textes ?

    Franchement, on n’en sait rien. Y a-t-il (ou y avait-il) une corrélation entre les 50 % et les 14 réacteurs, y compris Fessenheim ? Avant l’arrêt de Fessenheim et en tenant compte de l’EPR (1600 MW) on avait 64 GW. En fermer 13 GW représente une baisse de 20 % de la puissance installée.

    On peut alors faire le calcul autrement.

    On a, avec l’EPR et Fessenheim, 54 réacteurs.  En fermer 14 représente une baisse de 25,9 %. DE 75 à 25% ? …Bon, c’est une blague, ça n’a aucun sens… encore que, dans la tête d’un sciences-po ENA, qui n’a pas vu une règle de trois depuis sa classe de seconde…

    On en conclut que cette baisse de 75% à 50% est probablement calculée en énergie, en kWh, et pas en kW. Pourquoi, dans ces conditions, arrêter des centrales nucléaires ? Il suffit de bourrer la France d’éoliennes et de panneaux solaires, cela collerait avec une baisse de 75% à 25% du nucléaire en énergie produite, il suffirait que les centrales nucléaires produisent moins sans être arrêtées.

    D’autant plus que nous aurons besoin de toute leur puissance (les kW) pour passer les pointes de consommation les nuits d’hiver sans vent.

    En réalité, c’est encore maintenant le chaos total dans le programme de production d’électricité malgré une loi, une Programmation pluriannuelle et trois consultations publiques.

    Alors, le gouvernement actuel a enfin compris que nous avons besoin du nucléaire et réagit vigoureusement : on en arrête 14, on va en construire 14. D’ailleurs, cela tendrait à confirmer qu’on raisonne en nombres de réacteurs et donc ni en puissance, ni en énergie… Ce n’était donc pas une blague ?

    On comprend les sénateurs qui pensent nécessaire de clarifier tout ça avant de « simplifier » les procédures de constructions de réacteurs.

    Examinons les programmes réalistes

    Nous disposons actuellement de 61 GW de nucléaire.

    Attribuons lui un taux de disponibilité en hiver de 90 %, ce qui est ambitieux compte tenu du grand carénage. Cela fait 54 GW. On peut aligner au maximum 10 GW de gaz, 17 GW d’hydraulique, 2GW de biomasse. On arrêtera définitivement le charbon et le fioul. Tout ça fait 83 GW. C’est insuffisant pour passer une pointe à 90 GW fréquemment atteinte ces dernières années par grand froid anticyclonique, donc sans vent. Il ne reste plus qu’à espérer que les Allemands développent leur lignite.

    Mais quid du futur ?

    On peut supposer qu’on va abandonner l’idiotie de fermer douze centrales supplémentaires et essayer de les prolonger à 60 ans, ce qui est courant aux USA, mais pas assuré en France avec la propension à trouver des fissures partout.

    Ci-dessous, la courbe d’évolution en puissance du nucléaire selon différentes hypothèses. Le scénario de prolongement à 60 ans a été revu par EDF (pointillés) pour tenir compte des contraintes industrielles. En effet, notre problème est paradoxalement la performance incroyable des constructeurs des années 1980 qui ont connecté tout le parc en un temps record. Cela nous oblige maintenant à anticiper et étaler les actions de remplacement quelles qu’elles soient.

    De l’avis général, en lançant un programme dès maintenant, le premier nouveau réacteur serait couplé vers 2035/2037. Or EDF prévoit d’arrêter déjà plus de 10 GW à cette date (pour raison technique sauf si on découvre qu’on peut monter jusqu’à 80 ans, ce qui n’est pas exclu aux USA).

    Non seulement la situation ne sera pas améliorée au fil du temps mais elle sera encore de plus en plus critique.

    Et l’échéancier d’EDF montre que ce ne sont pas 14 réacteurs qu’il faut programmer dès maintenant mais 45.

    En admettant qu’on arrive à coupler deux réacteurs par an, on aura fini en 2057/2059.

    Conclusion

    Malgré des hypothèses très volontaristes (construire 2 réacteurs par an dès maintenant et pendant plus de 30 ans), on n’arrive pas à la sécurité d’approvisionnement complète avant 2050/2060…et encore, sans prévoir d’augmentation de la consommation.

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      Nucléaire : le pilier du nouveau monde électrique

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 22 January, 2023 - 04:30 · 11 minutes

    Qui aurait pu imaginer il y a 20 ans que les pertes financières et la dette d’EDF (estimée à 67 milliards d’euros l’année prochaine) s’accumuleraient au point d’évoquer la perspective d’une faillite ?

    Les méthodes ayant permis les succès passés dans le formidable développement de l’énergie nucléaire pourraient bien se révéler utiles pour faire face aux défis de la transition énergétique afin de se passer des énergies fossiles.

    Les difficultés

    Les déboires actuels du réacteur nucléaire EPR incarnent les difficultés de la gouvernance du nucléaire et du « système » énergétique depuis 20 ans. La coopération ratée avec l’Allemagne, voulue exemplaire, et alors dénommée « l’Airbus du nucléaire » s’est achevée par le retrait unilatéral du partenaire allemand. Cet échec a abouti à un réacteur nucléaire hybride franco-allemand coûteux qui a discrédité la réputation internationale d’excellence de la France dans ce domaine.

    La responsabilité incombe principalement au partenaire d’Outre-Rhin plutôt qu’à EDF. L’incohérence de la politique énergétique allemande, non exempte de jalousie envers la France , a engendré une dangereuse dépendance au gaz russe et a abouti à la réouverture de centrales au charbon dans ce pays.

    De plus, un défaut d’autorité d’arbitrage a entrainé une surenchère des exigences des parties prenantes, des surcoûts et des retards dans la construction de l’EPR de Flamanville . Qui commande ?

    De 1973 à 1988, le programme nucléaire français avait été mené avec une autorité hiérarchique sans faille et une organisation quasi militaire contrastant aujourd’hui avec la pluralité des pôles décisionnels de l’EPR qui confine parfois à l’anarchie.

    La prolifération « d’autorités indépendantes », toutes jalouses de leurs prérogatives dans de multiples secteurs, entravent encore aujourd’hui l’efficacité de l’action publique, surtout quand elles se combinent aux effets du principe de précaution dont le nucléaire est devenu un champ d’application privilégié.

    EDF aurait-elle désappris le nucléaire après avoir spectaculairement réussi son apprentissage au siècle dernier ?

    Qui est responsable ?

    Les responsables de cette débâcle sont nombreux, principalement des « politiques ». Mais si « la victoire a cent pères, l’échec est orphelin ».

    Cependant, l’hebdomadaire Le Point a dressé une longue liste non exhaustive le 27 octobre 2022 des responsables (mais pas coupables ?) : Jospin, Voynet, Cochet, Hollande, Lepage, Brottes,…

    L’État défend-t-il avec suffisamment de conviction les intérêts d’EDF et de la France à Bruxelles, ou bien fait-il dire à l’Europe ce qu’il ne veut pas assumer, et que les traités n’imposent pas ?

    Le mécanisme d’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique ( ARENH ) en est une illustration exemplaire, alors que ni les traités européens, ni les normes de la concurrence ne l’exigent.

    EDF est aussi devenue la « Bête noire » des ayatollahs européens du droit de la concurrence à cause de son « monopole parfait » qui fonctionnait « trop bien ». L’Allemagne ne supportait pas d’avoir à sa porte une puissante entreprise produisant une électricité bon marché capable de concurrencer sa propre industrie.

    « Comment voulez-vous que ce pays qui a fondé sa richesse, son efficacité, sa crédibilité sur son industrie accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ? » ( Henri Proglio ).

    L’entreprise EDF est donc devenue un défi permanent pour l’Allemagne, et aussi une obsession pour les écologistes extrémistes. Les héritiers de la lutte antinucléaire fondatrice du mouvement écologique mondial en ont fait animal hybride issu du croisement d’un bouc émissaire et d’une vache à lait. Chacun tape sur la bête pour l’affaiblir et pour la culpabiliser avant de la traire. Jusqu’à ce qu’elle ne donne plus de lait…

    Ainsi, après avoir été conçue pour gravir des montagnes (l’extraordinaire construction de son parc nucléaire), EDF a dû apprendre à devenir une « entreprise rentière » qui vend son électricité nucléaire pour faire prospérer ses concurrents.

    Le président Marcel Boiteux

    Un des anciens présidents d’EDF, l’économiste Marcel Boiteux a exercé de hautes responsabilités entre 1949 et 1987. Il a témoigné de la foire d’empoigne institutionnalisée dans son livre intitulé Haute tension . Il mériterait de se voir décerner le titre de « Monsieur EDF » car cette entreprise d’électricité occupe aujourd’hui encore une place de premier rang mondial grâce à ses conceptions efficaces qui en ont fait un modèle de référence. Elles ont permis la construction à un rythme inédit de 60 réacteurs sur 20 centrales nucléaires en 15 ans, entre 1973 et 1988.

    Il a su naviguer sans se faire broyer entre les puissantes parties prenantes cherchant à capter la rente et à étendre leurs pouvoirs et leurs avantages (administrations de tutelle telles que Bercy, Matignon, l’Élysée, auxquelles sont venus se joindre l’Écologie, les syndicats, les baronnies internes, les gros clients, les industriels fournisseurs d’équipements et de combustibles, etc). Ces sangsues ont transformé EDF en une annexe de la direction générale des impôts et de puissants prédateurs financiers : le tarif d’électricité ne reflète plus aujourd’hui le prix de production d’EDF.

    Sous la direction de Marcel Boiteux, c’est la science économique qui dirigeait EDF. Ce n’était pas les traders et les consultants, ni les analystes de marchés financiers, ni les bureaucrates (nationaux et européens), ni les politiques, ni les profiteurs motivés davantage par la captation du pactole de la rente électrique que par le souci du bien public.

    Ses choix dictés par le calcul économique, parfois à contre-courant des modes, se révéleront généralement optimaux. Il en fut ainsi pour les barrages hydro-électriques au détriment du charbon qui avait la préférence du secteur privé avant la nationalisation. Et, bien sûr, du grand choix nucléaire.

    C’est en application de ce calcul de l’optimum économique qu’EDF doit son mix reposant largement sur le nucléaire, là où, ailleurs, domine la diversification avec beaucoup plus de gaz et de charbon. Il fallait alors oser le risque d’une telle concentration de moyens sur un choix aussi lourd.

    Lorsqu’en 1981 le Président François Mitterrand convoqua Marcel Boiteux pour fixer sa feuille de route, il lui indiqua que, conscient de l’intérêt national, le choix nucléaire lui paraissait le meilleur pour le pays. Toutefois, pour apaiser l’aile antinucléaire de sa coalition, il proposerait des compensations politiques. Ce fut l’arrêt de la construction de la centrale de Plogoff et la transformation de l’Agence pour les économies d’énergie en Agence française pour la maîtrise de l’énergie. Elle deviendra ensuite l’Agence de la transition écologique « ADEME » qui constitua un refuge d’antinucléaires.

    Ensuite, sous la présidence Hollande, le lobby antinucléaire (qui rassemble aussi les industriels du solaire et de l’éolien subventionnés) s’est doté de capacités d’études et a envahi les cabinets ministériels. Le transfert du secteur de l’énergie passant du ministère de l’Industrie au ministère de l’Écologie et du Développement durable aura une influence décisive. Le nucléaire deviendra alors « honteux » et le mot même sera prohibé dans les administrations.

    Qui veut tuer EDF ?

    Dans la régulation d’un monopole public, l’acte majeur est la fixation des tarifs. Là où, en économie de marché, le prix est déterminé par l’équilibre entre l’offre et la demande, le producteur abrité sous son statut de monopole définit son prix dans l’intérêt général du pays. Mais il peut être dès lors soupçonné de prédation exercée sur ses clients, ou d’abuser de sa situation.

    Pourtant, le consommateur domestique français a longtemps payé sa fourniture d’électricité nettement moins cher que son voisin allemand… avant l’ouverture à la concurrence qui devait faire baisser les prix !

    Mais les acteurs de l’ouverture du monopole ont confondu « développer la concurrence » avec « affaiblir EDF à tout prix » en faisant travailler cette entreprise à sa propre perte alors qu’EDF aurait dû devenir le « château d’eau » du nucléaire de l’Europe.

    EDF avait gagné le statut « d’entreprise bien-aimée des Français » et le choix nucléaire avait été adopté par l’opinion. Vu de l’étranger, cette situation unique où électricité et nucléaire étaient devenus un pléonasme apparaissait comme un mystère incompréhensible.

    EDF est donc apparue comme une véritable bête noire aux yeux de l’Internationale verte qui a fait du nucléaire sa bannière de combat pour rassembler ses partisans. L’écologie politique a érigé la lutte antinucléaire comme son acte fondateur.

    Le nucléaire constitue une cible idéale du fait de sa technologie difficile à expliquer et mystérieuse à bien des égards pour le grand public. Elle permet à ses détracteurs d’entretenir facilement un état d’inquiétude à cause de ses rayonnements invisibles et de son lien indélébile avec l’arme atomique.

    EDF a incarné la synthèse de l’État-providence et du progrès technique jusque dans les années 1980.

    Aujourd’hui, ses valeurs paraissent en décalage par rapport à deux tendances majeures de l’époque contemporaine : la dérégulation de l’économie globalisée dans un marché ayant une vision à court-terme, et l’écologie politique.

    Affronter à la fois le marché mondial et l’Internationale verte représente un immense défi pour EDF.

    Une décision démocratique

    Contrairement à la thèse d’une décision imposée hors du champ démocratique, un débat contradictoire au niveau politique a bien eu lieu dans les années 1970. L’ensemble des partis politiques y ont pris part, de la gauche à la droite, à l’exception de ceux de la mouvance écologique d’implantation plus récente. Tous ont confirmé le choix du nucléaire.

    Mais depuis 20 ans, jusqu’en 2022, une sortie du nucléaire semblait se dessiner presque par inadvertance , sans le dire explicitement, avec l’arrêt des deux réacteurs de Fessenheim, la fermeture prématurée prévue de 12 réacteurs, et une réduction à 50 % de sa part dans le mix électrique.

    Puis, dans son discours refondateur prononcé à Belfort en février 2022 , le président Emmanuel Macron affirme, dans un revirement politique spectaculaire, l’attachement indéfectible de la France au nucléaire et sa relance avec un programme de construction de six nouveaux réacteurs EPR.

    Peu après, avec la guerre en Ukraine et la crise du gaz, les Français ont eu l’occasion de mesurer la valeur stratégique de leur atout nucléaire qu’ils avaient quelque peu oublié depuis les chocs pétroliers il y a 50 ans.

    Oser le dire

    Ayant érigé les émissions de carbone en indicateur absolu du progrès écologique, les défenseurs de l’environnement devraient en principe tresser des couronnes à l’énergie nucléaire, seule capable de succéder au charbon et aussi, partiellement, au gaz dans le mix mondial.

    Ce n’est pourtant pas ou peu le cas.

    Le tournant historique qui semble amorcé depuis le choc de la guerre en Ukraine devrait conduire les écologistes à reconsidérer leur point de vue, tout comme la guerre du Kippour de 1973 eut pour conséquence directe le programme nucléaire français.

    De la machine à vapeur à l’électricité, de la voiture à l’avion, les mutations du secteur de l’énergie conditionnent l’ensemble de l’économie et de la société. L’électricité aura été, économiquement, technologiquement, socialement, et politiquement, au cœur du développement du dernier siècle. L’énergie nucléaire, et avec elle EDF, se situent au confluent des grandes lignes de force qui façonnent l’évolution du monde.

    Tout-nucléaire, tout-électrique

    Certains antinucléaires, notamment au sein de l’ADEME, se complaisent à imaginer l’idéal d’une économie « zéro carbone » en construisant des scénarios irréalistes à partir de 100 % d’énergies renouvelables intermittentes dans le but de contrer le nucléaire.

    Or, aujourd’hui et demain, le nucléaire peut être développé pour une production de masse ( EPR) comme pour une production modulaire ( SMR ) en répondant aux impératifs de sûreté et de traitement des déchets radioactifs . Il a des atouts décisifs comme l’abondance de son combustible uranium pour des millénaires dans les réacteurs de quatrième génération (RNR) , ses faibles émissions de CO 2 ( 4 gCO 2 /kWh en France , soit moins que l’éolien et le solaire) et l’occupation minimale de l’espace foncier.

    Bien plus encore qu’un choix économique, le choix du nucléaire constitue un véritable choix de société relevant évidemment du pouvoir politique.

    Pollutions de l’environnement, épuisement des ressources de la planète, développement et accès à l’énergie pour tous, mobilité électrique, tous ces défis convergent pour faire appel à l’électricité qui conquiert désormais l’immense secteur des transports dont elle était jusqu’ici restée exclue.

    Il n’y a pas à chercher loin la solution. La réponse aux défis énergétique est là, toute trouvée, et testée, c’est l’énergie nucléaire, même si encore peu de personnes osent l’affirmer avec conviction tant elle a été dénigrée.

    L’électricité nucléaire, une énergie propre tant pour ses usages que pour sa production, sera ainsi au cœur du futur. EDF aura un grand rôle à y jouer pour incarner la transition énergétique réussie vers le nouveau monde post énergie fossile.

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      Énergie : repères 2023

      Auteur invité · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 January, 2023 - 04:10 · 3 minutes

    Par Liam Fauchard.

    L’un des trois créateurs de la Démarche prospective, Gaston Berger , l’inventeur du mot « prospective », expliquait qu’il était bien de faire de la rétrospective mais qu’il fallait s’en servir pour se projeter et voir loin, large, profond, autrement et ensemble.

    Les médias mainstream ne nous informant que sur ce qui les intéresse, eux, abordons quelques données écoulées pour mieux cerner les enjeux des mutations en cours.

    Ainsi, une ONG environnementale a-t-elle produit une affirmation relayée par les médias : s’appuyant sur le cas caniculaire européen de l’été 2022, il y aurait 80 000 morts du fait des canicules futures en Europe dans les décennies à venir. Diantre ! Savent-ils que chaque année sur notre Terre, 7,6 millions d’enfants de moins de cinq ans (TMM5 de l’OMS), décèdent de sous-nutrition et d’absence de soins ?

    Dans le même ordre d’idée, durant les trois années 2020-21-22, l’OMS a recensé 6,7 millions de décès dus au Sars-Cov2, c’est-à-dire trois fois moins que pour les enfants de moins de cinq ans, durant la seule année 2022.

    Toujours pour les trois années considérées, la pandémie a contaminé 665 millions de Terriens et 640 millions en ont guéri, ce qui démontre une fois de plus l’efficacité des applications de la science, résultat concret du développement socio-économique engendré par l’ère industrielle que critiquent des contempteurs naïfs. Notons au passage que si l’Afrique est le continent le moins touché (aux erreurs de mesures près), cela provient du fait de la pyramide des âges : sur les 54 États, plus de la moitié compte 50 % de personnes âgées de moins de 20 ans.

    Au 31 décembre 2022, la Terre comptait 8 milliards habitants . Durant cette même année, 9 millions sont morts de faim et tandis de 850 millions de Terriens n’ont pas accès à une eau potable.

    Au-delà de ces réalités peu amènes, la vie courante continue.

    En 2022, ont été fabriquées 85 millions de voitures, 160 millions de bicyclettes, 250 millions d’ordinateurs personnels. Mais aussi 3 millions de livres nouveaux, soit un peu plus de 8000 chaque jour, preuve que les habitants de la troisième planète du système solaire ne se contentent pas de la médiocrité des réseaux sociaux.

    Et pour la seule journée du 31 décembre 2022, il s’est vendu 5 millions de téléphones cellulaires.

    Autre lunette pour mieux voir.

    En 1986, en Ukraine, à l’époque encore intégrée à l’URSS, a eu lieu la catastrophe de Tchernobyl.

    Du fait de la non-maîtrise de la réaction de fission nucléaire, le cœur d’un des réacteurs s’est mi à fondre et à répandre des nucléides radioactifs dans l’atmosphère qui se dissipèrent sur de longues distances et se sont répandus dans le territoire jouxtant la centrale.

    Les sauveteurs noyèrent la centrale sous des milliers de tonnes de sable au prix de leur vie (radiations). Puis, via une intervention internationale pilotée par l’AIEA, un sarcophage fut installé, isolant pour des siècles la source de production de radioélément nocifs.

    L’AIEA a fait des études in situ et a compilé des rapports venant de laboratoires de recherches officiels (publics et privés) ainsi que des rapports venant de quelques ONG considérées comme fiables. Résultat : entre 1986 et 2066, sur quatre-vingt ans, il y aura (aurait ?) 16 000 (seize mille) décès provenant directement ou indirectement des radiations/contaminations dues à la catastrophe.

    Seize mille, c’est exactement le nombre de morts, chaque année, dans les mines exploitées (charbon, métaux divers, métaux rares, terres rares…). Quels médias en parlent et comparent ces chiffres rudes avec ceux de Tchernobyl ?

    Bien entendu, il faut tout faire pour éviter des accidents industriels, quels qu’ils soient.

    Sources :

    ¤ www.iaea.org / Agence Internationale Energie Atomique (Vienne)

    ¤ www.who.int / Organisation Mondiale Santé (Genève)

    ¤ www.worldometers.info

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      La fin prématurée du pétrole condamne l’avion, mais aussi l’économie

      André Pellen · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 8 January, 2023 - 04:30 · 7 minutes

    Dans un article publié sur Atlantico en décembre dernier, Damien Ernst s’efforce de montrer que l’affirmation de Jean-Marc Jancovici selon laquelle la disparition du pétrole condamne l’avion n’est pas fondée.

    Hélas, un examen rationnel et lucide des conséquences de cette disparition ne peut déboucher sur une autre conclusion. Aussi, professer que le seul moyen de contrarier la marche funeste du climat est de sevrer l’économie de sa nourriture principale fait-il courir un risque considérable aux sociétés humaines.

    Pour Damien Ernst, à défaut de pétrole, la pérennisation de la circulation aérienne pourrait être assurée par un succédané du kérosène tiré du charbon par le procédé Fischer-Tropsch ou tiré par ce même moyen de l’hydrogène électrolytique et du CO 2 atmosphérique.

    Regardons ça de près.

    La première phase du procédé Fischer-Tropsch génère de l’hydrogène à partir d’une combustion incomplète du charbon produisant un mélange gazeux hydrogène-monoxyde de carbone suivant la formule CH4 + 1/2O2 –> 2H 2 + CO.

    La deuxième phase du procédé consiste à soumettre ce mélange à une liquéfaction catalytique passant par le reformage de l’eau et visant au dosage convenable de l’hydrogène, selon la formule : (2n+1)H 2 + nCO –> CnH(2n+2) + nH 2 O. Le carburant ainsi obtenu est notoirement moins stable et de moins bonne qualité que le kérosène, notamment à cause de la faiblesse de son indice d’octane.

    État des lieux de la circulation aérienne

    La circulation aérienne mondiale consomme actuellement de l’ordre de 360 milliards de litres de kérosène par an, soit environ 300 milliards de kg ou 0,3 milliard de tonnes. Évaluons l’énergie produite par la combustion d’une telle masse de carburant sachant que le pouvoir calorifique inférieur ou PCI du kérosène est 10 300 kcalories/kg et que 1 Wh = 860 calories, amenant un PCI du kérosène de 12 kWh/kg ou 12 MWh/tonne.

    Partant, le PCI de 0,3 milliard de tonnes de kérosène est de 3,6 milliards MWh ou 3600 TWh.

    C’est donc une énergie de 3600 TWh annuels que Damien Ernst pense raisonnablement possible de produire à partir du carburant de charbon ou d’hydrogène-CO 2 fourni par le procédé Fischer-Tropsch. Pourquoi pas ?

    La filière charbon tout d’abord

    Avec un r endement énergétique global du Fischer-Tropsch de l’ordre de 50 %, il est nécessaire de prévoir la fourniture charbonnière de 7200 TWh/an, soit d’extraire la quantité suivante de ce combustible dont le PCI est 9,25 kWh/kg : 7200 milliards/9,25 = 778 milliards de kg de charbon ou 778 millions de tonnes annuellement consacrées à la seule aviation.

    La filière hydrogène – CO 2 ensuite

    Étant donné qu’on est ici dispensé de passer par la phase combustion charbon du Fischer-Tropsch, concédons un généreux rendement de 65 % à la seule seconde phase de ce dernier. En revanche, pour évaluer le rendement global des productions préalables d’H 2 et de CO 2 à l’aide de la seule électricité, on ne peut que se livrer à la grossière estimation suivante : lui affecter la généreuse valeur de 45 % tirée de l’altération du rendement de 65 % de l’électrolyse par le rendement difficile à estimer mais sans doute médiocre de la captation, du stockage et de la réduction en CO du CO 2 .

    Ainsi, le rendement électrique global de la production de kérosène à partir de H 2 et de CO 2 ne peut-il être guère différent de R = 0,65 x 0,45, soit 0,3.

    Compte tenu que ce kérosène doit produire annuellement une énergie de 3600 TWh, l’énergie électrique requise par la synthétisation ne peut être inférieure à : 3600/0,3 = 12 000 TWh. Pour être cohérent avec l’approche du Fischer-Tropsch au charbon – une énergie primaire – ajoutons que ces 12 000 TWh électriques font 30 000 TWh d’énergie primaire essentiellement nucléaire après application d’un généreux rendement de production de 40 %.

    La production mondiale d’électricité nucléaire et renouvelable ne parviendrait pas à faire voler plus des trois quarts de la flotte actuelle !

    Le besoin Fischer-Tropsch filière H 2 -CO 2 serait donc de 12 000 TWh électriques/an… quand la production mondiale des renouvelables hors hydraulique est actuellement de 5670 TWh, celle du nucléaire de 2710 TWh, la totalité de ces deux seules productions soit 8380 TWh, ne parvenant à faire voler que 70 % de la flotte mondiale… et à quel prix ?!

    Une circulation aérienne étriquée et néanmoins hors de prix

    À quel prix, justement, produire de la sorte du carburant aéronautique synthétique, à commencer par celui de l’électricité ? On laisse au lecteur le soin de calculer combien seraient aujourd’hui payés les 12 000 TWh annuels à raison de quelque 300 euros le MWh et même à 50-60 euros le MWh.

    Et ce n’est pas tout, car personne n’imagine que le coût de la production d’un H 2 se vendant aujourd’hui entre 4 et 7 euros le kilo se réduise à celui de la consommation d’électricité, sachant que le prix d’un électrolyseur est donné de 800 à 1000 euros/KW selon le mode de raccordement au réseau. Et ne parlons pas des nécessaires captage et séquestration du CO 2 à des coûts compris entre 80 et 180 euros la tonne, selon Les Échos .

    Il en va de même du coût de la production du carburant issu du charbon, ne se limitant pas à celui sans doute incomplet de 70 à 80 euros le baril : la nécessité de traiter annuellement 778 millions de tonnes de charbon avec des installations Fischer-Tropsch coûtant 250 millions d’euros pièce et capables de n’en traiter que 100 000 tonnes commence par l’obligation d’investir quelque 750 milliards d’euros.

    Regarder lucidement l’avenir ou s’exposer au pire

    Eu égard à ce qui précède, qui peut croire possible de voir un jour nos territoires jonchés de terrils et de monceaux de charbon pulvérulent pour le seul usage de la circulation aérienne ? Qui peut même croire qu’un pays, un industriel ou un quelconque groupement coopératif s’avisent de faire voler des avions au carburant synthétique avec un pétrole se tenant sous la barre des 150 à 200 dollars le baril ?

    Or, ce qui est à reprocher à Jean-Marc Jancovici et aux adeptes de la croisade climatique – dont, hélas, beaucoup trop de chefs d’États – est précisément d’amener ce cours à s’envoler artificiellement. Ils portent l’essentiel de la responsabilité de ce qui commence à peine à découler du dramatique constat ci-après.

    En décembre de l’an dernier, avant la guerre d’Ukraine donc, le ministre saoudien du Pétrole, Abdulaziz ben Salman, alertait déjà contre un risque majeur de crise énergétique dans les prochaines années du fait de l’effondrement des investissements pétroliers. Il estimait que la production mondiale pourrait baisser de 30 millions de barils par jour – d’environ 30 % – d’ici à 2030 ; et cela même si dans les prochains mois l’offre devait demeurer supérieure à la demande, ce qui ne durera pas. Les investissements dramatiquement insuffisants dans l’exploration de nouveaux gisements et dans le développement des plus récents ne permettent plus de renouveler les capacités de production. Or, le pétrole et le gaz assurent encore pour longtemps 57 % de la consommation d’énergie dans le monde. Ainsi, avec un déclin de 4 à 8 % par an de la production des champs existant aujourd’hui dans le monde, non seulement les considérables investissements nécessaires à stabiliser la production ne sont-ils plus au rendez-vous, mais selon l’agence Bloomberg, en 2020, ils ont plongé de 30 % dans le pétrole et dans le gaz.

    En résumé, selon le ministre saoudien, il manquera 20 millions de barils/jour à la fin de la décennie 2050, soit plus que la consommation annuelle d’un pays comme les USA et encore dans le scénario de développement durable sobre de l’AIE le plus optimiste, c’est-à-dire le plus improbable.

    Dans ces conditions, continuer de prôner l’abandon progressif du transport aérien et l’adoption d’un mode de vie de plus en plus sobre est non seulement avouer que la fin du pétrole est bien la fin de l’économie moderne, mais c’est délibérément provoquer l’une et l’autre. Certes, la fin des hydrocarbures arrivera bien un jour, mais aux dires des vrais spécialistes, dans un délai suffisant pour permettre aux Hommes de trouver le substitut énergétique sans lequel ils savent leur économie en perdition dans tous les cas. Or, ce substitut ne peut qu’être les nucléaires de fission et de fusion, y compris pour la circulation aérienne. Il y a donc d’autant moins de temps à perdre à mettre le paquet dans les R&D de ces deux secteurs que les besoins énergétiques des substituts encore à inventer de la pétrochimie pourraient se révéler considérables.