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      Intérêt et limites de la retraite par capitalisation

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 19 January, 2023 - 03:30 · 7 minutes

    Le débat sur la réforme des retraites bat son plein. Les partis de droite et de gauche avancent des arguments contradictoires. Les libéraux , qui ne sont pas spécifiquement représentés au Parlement, estiment qu’il faut quitter le système par répartition pour aller vers la capitalisation.

    Est-ce une piste sérieuse pour régler le problème des retraites ?

    Les arguments libéraux pour la capitalisation

    Les libéraux préfèrent la capitalisation pour des raisons de principe qui sont bonnes et des raisons techniques qui le sont moins.

    Je rappelle qu’il s’agit en gros d’épargner toute sa vie active et de recueillir le fruit de cette épargne si possible augmenté de placements fructueux pour vivre pendant la retraite.

    Ces raisons de principe découlent de la primauté de la liberté : on épargne ce que l’on veut, on le place comme on veut et on prend sa retraite quand on veut.

    En deuxième rang vient la responsabilité : si la retraite est insuffisante on ne peut s’en prendre qu’à soi-même et on n’a pas à revendiquer que l’État vienne à notre secours.

    En troisième rang vient l’idée que ce système est d’une plus grande efficacité : un bon placement bénéficie à l’économie alors que distribuer immédiatement l’argent des cotisations aux retraités n’apporte rien.

    Ces arguments libéraux ont des limites

    Le premier argument, la primauté de la liberté, est un choix philosophique. S’il était seul, il rallierait la grande majorité.

    En sens inverse, la responsabilité effraie beaucoup de gens et il est probable qu’une majorité préférerait une retraite médiocre à une retraite risquée, même si en moyenne elle était meilleure, ce qui n’est pas le cas, comme nous le verrons plus loin.

    Et le risque est réel : c’est illustré par le cas des emprunts russes qui ont ruiné les épargnants français il y a un siècle et qui ruinent depuis quelques semaines beaucoup d’épargnants américains porteurs d’obligations qui chutent au fur et à mesure de la remontée des taux d’intérêt.

    Enfin le troisième argument, une meilleure efficacité, est discutable. En effet :

    • En répartition l’argent des cotisations est immédiatement distribué aux retraités. Il est en général rapidement dépensé par les intéressés ou leurs petits-enfants qu’ils soutiennent (un retraité moyen gagne plus qu’un jeune). Cet argent passe donc très vite dans une grande variété d’entreprises (les fournisseurs) qui l’affectent en partie à la consommation (salaires par exemple) et en partie à des investissements. Le choix de ces entreprises est fait par le marché.
    • En capitalisation, l’épargne va directement à des entreprises a priori plus importantes (une compagnie d’assurance plutôt qu’un boulanger) et est en général utilisée quelques temps après de la même façon. La seule différence est que l’arbitrage consommation/investissement est fait par une grande entreprise financière, ce que certains, dont moi, estiment un peu moins efficace que par le marché.

    Finalement, le circuit de l’argent est très semblable et il n’est pas évident qu’il soit plus efficace dans le cas de la capitalisation, contrairement à ce que je lis habituellement.

    Par ailleurs la préférence pour la capitalisation de la part des libéraux a une raison « culturelle » : les libéraux ont l’habitude des circuits financiers et de l’économie monétaire, par opposition au rationnement administratif et plus généralement aux décisions étatiques pesant sur les particuliers.

    Inversement, les tenants de la répartition se méfient de tout ce qui est entreprises financières, comme les fonds de pension et compagnies d’assurances, notamment par idéologie.

    Mais il faut oublier ces préjugés de sens opposés et se pencher sur le vrai problème.

    Quel est le vrai problème ?

    À mon avis, l’erreur du gouvernement et des oppositions, libéraux compris, est de considérer la retraite comme une question financière alors que c’est une question purement physique : l’offre sera-t-elle suffisante pour soigner, nourrir et servir l’ensemble de la population, retraités compris, aux standards actuels ?

    Car l’argent des pensions ne sert à rien s’il ne permet pas d’acheter suffisamment de biens et de services, sachant que leur production doit nourrir l’ensemble de la population , des enfants aux retraités.

    C’est facile à expliquer en répartition où les producteurs sont aussi en général les cotisants.

    C’est plus indirect en capitalisation où les intérêts, dividendes et ventes d’actions supposent des entreprises prospères alors qu’elles sont de plus en plus entravées par le manque de main-d’œuvre .

    Dit autrement, cet argent des pensions ne se transforme pas automatiquement en boulangers, infirmières, et autres prestataires. Car ceux qui fournissent cette offre de biens et de services, ce sont les actifs au travail.

    La vraie valeur des pensions dépend donc de leur travail en quantité et en efficacité.

    En efficacité ?

    La productivité a une évolution autonome qui dépend de qualité de l’enseignement, du progrès scientifique, technique et organisationnel, toutes questions certes très importantes mais indépendantes du choix du système de retraites.

    En quantité ?

    C’est le problème principal car en France et dans la plupart des pays du monde en dehors de l’Afrique subsaharienne, on constate que « les travailleurs » sont une proportion de plus en plus faible de la population totale.

    Cela est dû au cumul de deux raisons démographiques : la baisse de la fécondité qui diminue le nombre des adultes et l’augmentation de l’espérance de vie, très forte depuis des décennies, qui augmente le nombre de retraités.

    Tout ce qui augmente cette quantité de travail va donc dans le bon sens et c’est pour cela que l’on pense d’abord à augmenter l’âge de départ à la retraite, ce qui diminue le nombre de retraités et augmente le nombre de personnes susceptibles de travailler. « Susceptibles de travailler », mais de fait futurs chômeurs, disent certains. L’expérience montre que cet argument est inexact : augmenter l’âge du départ a un effet prouvé sur le maintien en activité professionnelle .

    Il y a d’autres moyens d’augmenter cette quantité de travail :

    Une immigration massive

    Mais les gouvernants n’en parlent pas car cela effraie l’opinion même si les pays ayant une situation pire que la France sont maintenant obligés d’y recourir alors que leurs dirigeants s’y opposent officiellement : c’est le cas de l’Europe méridionale et orientale que les pays en question fassent ou non partie de l’Union européenne. D’autres y sont ouvertement favorables comme le Canada, ou moyennement, comme les États-Unis.

    Le travail après la retraite

    Qu’il soit bénévole ou non, le principal bénévolat est les soins que les enfants (souvent sexagénaires) apportent à leurs parents. Nos gouvernants ont commencé à appuyer financièrement ces « aidants ».

    À ce stade, nous voyons que tous ces facteurs n’ont rien à voir avec les avantages ou inconvénients de la capitalisation.

    D’où mon affirmation que cette dernière dépend de la démographie de la même façon que la répartition, du moins globalement à l’échelle d’un pays, et non individuellement.

    Les libéraux devraient se borner à défendre la liberté

    En tant que libéral, je pense que si le libéralisme doit mettre l’accent sur le principe de liberté et non pas plonger dans des questions techniques dans lesquelles on peut parfaitement se tromper, comme ce fut le cas pour la question climatique pendant longtemps. Et en cas d’erreur, cela retombe sur le libéralisme .

    Les libéraux ne devraient donc pas se plonger dans les techniques de retraite mais se contenter d’insister sur le libre choix, comme la fixation par chacun de sa date de départ ou la liberté totale de cumul de la retraite et d’un emploi.

    Ou encore de jeter un œil neuf sur l’immigration , terme qui ne devrait pas exister car il mélange des producteurs (où en serions-nous sans les médecins, les nounous et les ouvriers du bâtiment nés à l’étranger ?) et des perturbateurs.

    En conclusion

    Il ne faut pas déduire de tout cela que je suis opposé à la retraite par capitalisation.

    Par exemple je trouve rationnel d’acheter sa résidence principale qui est un bien dont l’utilité est permanente et souvent plus solide qu’une action ou une obligation. Sans parler du fait que l’économie de loyer est déjà un début de pension.

    Je dis simplement que la capitalisation n’est pas un remède contre l’évolution démographique, du moins au niveau national. À titre individuel, il n’y a que des cas particuliers.

    Une démographie défavorable, ce qui est le cas de la plupart des pays développés, amènera probablement de nombreux retraités ayant choisi la capitalisation à constater qu’ils n’ont pas le montant de pension prévu à l’âge souhaité.

    Ils continueront donc à travailler et à épargner. À moins qu’ils ne se contentent d’une retraite plus faible…

    Bref la démographie s’imposera à tous !

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      Retraites : généraliser la capitalisation collective et provisionner

      Institut Economique Molinari · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 January, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    Par Cécile Philippe et Nicolas Marques.

    Si la réforme 2023 des retraites ne tue pas toute velléité de préparer la réforme structurelle qui reste nécessaire, on pourra conclure que le jeu en valait la chandelle.

    La réforme actuelle va dans le bon sens, avec le recul de l’âge de la retraite ou l’abandon du projet gouvernemental qui visait à contrôler l’Agirc-Arrco, en l’empêchant de collecter ses cotisations. Mais elle passe à côté du vrai défi, la démographie . La baisse de la natalité rend insoutenable le financement de nos aînés par la seule répartition qui représente plus de 98 % des retraites.

    À l’origine de la répartition, en 1941 et 1945, il y avait un choix contraint par les circonstances du moment, à savoir l’érosion du capital par l’ inflation consécutive à la guerre. Pour autant les autorités savaient que la répartition a un coût élevé. Son efficacité dépend de la fécondité qui baisse structurellement. Aussi le gouvernement de la Libération a hésité à mettre en place un système mixte combinant répartition et capitalisation. Les spécialistes ne pensaient pas que le temps verrait le tout répartition gravé dans le marbre. Il était évident que le financement des retraites s’adapterait progressivement aux réalités démographiques.

    Malheureusement, les générations suivantes ont fait de la répartition un totem indéboulonnable , tout en diminuant l’âge de départ à la retraite ce qui a rendu l’édifice encore plus instable.

    La loi du 14 mars 1941 qui a introduit la répartition précisait :

    Lorsque le nombre des retraités croît avec l’élévation de l’âge moyen de la population, le service massif des pensions impose un fardeau insupportable aux éléments productifs.

    C’est la raison pour laquelle, sous Vichy comme à la Libération, l’âge de départ à la retraite a été fixé à 65 ans alors que certains rêvaient d’un départ plus précoce à 60 ans.

    L’ordonnance du 19 octobre 1945 ajoute :

    L’insuffisance de la natalité entraîne un vieillissement lent et progressif de la population. Or, les retraites sont supportées par les travailleurs en activité ; la fixation d’un âge trop bas de l’ouverture du droit à la retraite ferait peser sur la population active une charge insupportable.

    Il y a bien longtemps qu’il aurai fallu épauler la répartition d’une dose de capitalisation collective pour diminuer le coût exorbitant du financement du système actuel, comme nous avons eu l’occasion de le défendre dans une étude publiée en 2019 en partenariat avec Contrepoints .

    Mais il n’est pas trop tard pour bien faire. La baisse de fécondité doit être prise en compte. Il s’agit d’un défi qui concerne toute la société française, privé comme public, jeunes comme vieux. Pour réduire ce risque systémique, il va falloir faire preuve une intelligence collective.

    Ce sera d’autant plus important que nos sociétés regorgent de risques collectifs mal appréhendés (pandémie, santé, énergie, éducation…)

    Les problèmes ne sont pas identiques dans le privé et le public

    Il faut donc les appréhender avec des méthodes différentes.

    Dans le secteur privé

    Comme l’indiquent les chiffres du Conseil d’orientation des retraites, les comptes sont quasi équilibrés voire excédentaires. C’est grâce notamment à des institutions vertueuses comme l’Agirc-Arrco . Depuis 1947 elle gère de manière paritaire les retraites des salariés sans recours à l’endettement. Cependant, le taux de rendement de la répartition s’érode avec la fécondité et les cotisations retraite ont atteint des niveaux parmi les plus élevés au sein de l’Union européenne (28 % du salaire brut vs 22 % dans l’UE).

    Par conséquent, il est urgent d’introduire – sur le modèle du fonds de pension des fonctionnaires (ERAFP) – une capitalisation collective. Elle épaulera la répartition et donnera accès à tous les salariés de France aux rendements des marchés financiers, ce qui permettra de généraliser le partage des profits par le haut. Il faudrait aussi profondément réformer la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Contrôlée par un État qui ne comprend pas le temps long, elle ne dispose pas de réserves permettant d’amortir les chocs, à l’opposé les régimes par répartition bien gérés en France (Agirc-Arrco…) ou à l’étranger (Suède, États-Unis…)

    Dans le secteur public

    S’agissant des fonctionnaires, l’État ne dispose pas de caisse de retraite puisqu’il a fermé celles des ministères en 1853 et n’a rien fait depuis.

    Il se contente d’assurer le paiement des retraites des fonctionnaires, selon l’adage « l’État est son propre assureur ». Dans les faits le budget, donc le contribuable, est garant d’un régime de retraite à prestations définies informel, sans aucun mécanisme permettant d’éviter l’envolée des coûts. Pas de points, de réserves ou provisions, de gestion paritaire permettant de responsabiliser les parties… L’État a besoin tous les ans de 57 milliards d’euros pour payer les pensions dont 33 milliards s’apparentent à une subvention d’équilibre. L’État « finance » les pensions avec des « cotisations » de 85 % du traitement indiciaire (et même 135 % pour les militaires), contre 28 % dans le privé, en raison d’une pyramide des âges particulièrement déséquilibrée (0,9 actif/retraité).

    Cette situation, qui appauvrit les contribuables comme l’État, doit évoluer.

    La meilleure piste est de provisionner progressivement des retraites des personnels publics au sein du Fonds de réserve des retraites (FRR) en commençant par les nouveaux fonctionnaires. Cette méthode est employée depuis plus d’un siècle par la Banque de France ou le Sénat. Elle permet de créer de la valeur sur les marchés et de limiter le recours aux prélèvements obligatoires pour financer les retraites.

    Ces changements structurels ne sont pas à l’ordre du jour de la réforme actuelle. Il faudrait qu’ils le soient lors de la prochaine. Souhaitons-nous que la réforme 2023 passe le plus rapidement possible et ne dissuade pas les volontés réformatrices : le défi reste à relever.

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      Retraite à 60 ou 65 ans : le faux débat

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 8 January, 2023 - 03:30 · 13 minutes

    Dans le concert des pays développés et dits libres, la France tient une place à part : voilà qui devrait satisfaire les souverainistes de tous bords. La place est celle des élèves au bonnet d’âne dans un coin de la classe.

    Car il est dramatique d’observer que l’âge de la retraite a été au cœur des projets des partis en présence et se situe déjà au cœur des débats sur la cohabitation et la réforme des retraites que le président a promis de « boucler à l’été 2023 ».

    Je ne veux pas m’étendre sur le sujet puisque je n’ai cessé d’écrire depuis quelque trente ans sur l’avenir des retraites 1 , et sans jamais être écouté en haut lieu. Mais les décideurs français n’ont pas davantage eu la curiosité de s’informer sur la façon dont les retraites sont organisées dans les autres pays de l’OCDE et n’ont pas eu connaissance des multiples rapports internationaux publiés par l’ONU, l’OCDE, l’OIT, etc.

    La réalité vécue ailleurs qu’en France est toute simple : les systèmes publics de retraites ont abandonné le tout répartition, système dans lequel les jeunes actifs cotisent pour payer les pensions des personnes âgées retraitées. Ce système est intenable dans des pays où la population est vieillissante . Repousser sans cesse l’âge de la retraite est une réforme dite paramétrique : on change les paramètres tout en restant dans le système. Après 65 ans, ce sera 70, puis au-delà. Voilà pourquoi la plupart des pays étrangers ont tantôt abandonné totalement le système par répartition, tantôt lui ont laissé un rôle mineur de filet social financé non par des cotisations mais par des impôts : l’ensemble des citoyens prenant en charge les personnes âgées en difficulté. Et l’essentiel du système sera en capitalisation, légalement organisée ou laissée à l’initiative privée.

    Pourquoi un système public de retraites ?

    C’est là le plus important : la gestion de la retraite est-elle un service public ?

    Pour revenir à l‘histoire de France, il faut se rappeler que c’est le gouvernement de Vichy qui en mars 1941 a créé le système de la retraite des vieux travailleurs . Le ministre René Belin, ancien dirigeant de la CGT, va réaliser ce que le Front populaire n’avait pu faire : substituer les assurances sociales aux assurances privées auxquelles on reproche d’avoir ruiné les assurés (en fait c’est l’inflation galopante qui a détruit toutes les positions créditrices entre 1932 et 1940) 2 .

    Tout le monde oublie ce détail historique, on croit comme Xavier Bertrand l’a dit, que « la répartition est un acquis social chèrement obtenu par les luttes syndicales », et on se réfère au Conseil National de la Résistance alors que cet organisme dominé par les communistes n’a fait que reprendre le système créé par Vichy.

    Ce rappel historique est nécessaire pour comprendre que la gestion de la retraite n’est entrée dans le droit public français que par hasard et ne correspond à aucune nécessité économique, financière, sociale. Le système par répartition géré par un organisme centralisé n’est qu’un choix politique et un choix coûteux pour une population vieillissante. En gros, les cotisations versées pour les assurés soumis au régime dit général pourraient être diminuées d’au moins un tiers de leur montant actuel et permettre de servir des pensions supérieures de 40 % à ce qu’elles sont aujourd’hui ; et ces pensions seraient garanties pour un très long terme alors qu’elles sont en voie d’effondrement aujourd’hui.

    L’explication est bien simple : le régime général ne laisse aucune place à la capitalisation, qui est le système alternatif à la répartition . Avec la capitalisation, les cotisations actuelles ne sont pas immédiatement dépensées pour payer les pensions des retraités actuels, elles sont placées dans des investissements qui rapporteront beaucoup en longue période. C’est le « miracle des intérêts composés ». Avec un taux de rapport réel de 5 % l’an la valeur du capital placé est doublé en 15 ans. Rien de tel avec la répartition, de sorte que le smicard soumis au régime général perd en ce moment la modeste somme de 250 000 euros.

    Ces chiffres sont connus de tous les spécialistes des retraites mais sont inconnus du grand public et évidemment de la classe politique – puisqu’elle rejette la capitalisation pour des raisons purement idéologiques. On peut notamment consulter le rapport rédigé par Nicolas Marquès pour Contrepoints et l’Institut Molinari.

    La gestion collective des retraites

    Pour illustrer le choix répartition/capitalisation , il n’est qu’à observer ce qui se passe en France.

    Voyons la gestion des retraites des professions libérales, qui ne sont pas soumises au régime général et n’ont donc rien à voir avec la Sécurité sociale. La Caisse de retraites des Pharmaciens (CAPV) fonctionne avec un plein succès et à coûts minimes pour les assurés 3 . Mais chose encore plus surprenante, nous trouvons la capitalisation dans la fonction publique avec la Préfon (ERAFP) 4 , et dans plusieurs instances publiques comme la Banque de France, le Sénat.

    Une autre piste intéressante est l’accumulation de comptes d’épargne qui ont été autorisés par le législateur, avec des traitements fiscaux plutôt avantageux. Ces comptes ont en général pour caractéristique de lier l’assuré et l’entreprise qui l’emploie. Ils s’inscrivent dans la logique de la « participation » imaginée par les hommes politiques (et Michel Debré le tout premier dès 1959) pour réconcilier travail et capital. Les fonds capitalisés par le salarié sont destinés à permettre à l’entreprise d’investir et de valoriser les retraites. En 2003, la réforme Fillon va instaurer le PERCO (Plan d’Épargne retraite Collectif) et le PEE (Plan d’Épargne Entreprise). Ici encore la capitalisation a droit de cité.

    J’observe cependant les faiblesses de ces percées de la capitalisation :

    1° S’agissant de la capitalisation professionnelle, elle n’est autorisée que pour les professions libérales admises par le législateur.

    2° Pour la plupart de ces comptes, il s’agit de compléments de retraites. La répartition demeure le système de base.

    3° L’avantage des comptes et des retraites complémentaires est plus sensible dans les professions et secteurs d’activité prospères – la masse des salariés ne peut en bénéficier ailleurs, cette inégalité est très mal vécue. Si la capitalisation est un cadeau, pourquoi la réserver à quelques privilégiés ?

    4° Même capitalisés totalement ou partiellement, ces systèmes lient l’assuré à son entreprise, sa profession, même s’il est prévu de conserver une partie du capital accumulé en cas de changement d’emploi.

    5° Enfin et surtout, comme c’est la règle en France, c’est à la puissance publique de définir le fonctionnement de tous ces comptes et de doser les privilèges entre les divers régimes. J’en déduis qu’il n’y a pas de liberté véritable pour les assurés : ils ont perdu le choix de leur retraite.

    S’il y avait un doute sur le pouvoir monopolistique de l’administration étatique appelée Sécurité sociale, on peut se rappeler que l’État n’a pas hésité à faire main basse sur certaines caisses de retraites complémentaires quand le déficit du régime général (par répartition) est devenu trop important. D’ailleurs la Loi de Finances de la Sécurité Sociale est soumise au Parlement en parallèle de la Loi de Finances de l’État.

    La gestion individuelle des retraites

    Le système français de retraites, en répartition mais aussi en capitalisation, ne laisse pas de véritable choix à ceux qui voudraient gérer leur retraite.

    Ou, plus précisément, avant de prendre des décisions sur leurs retraites, ils doivent avoir satisfait aux obligations que leur enjoint l’État. Existe-t-il une possibilité de libre gestion de son patrimoine ? La question se pose depuis le rapport du Centre d’Analyse de l’an dernier dont les responsables éminents ont été Jacques Blanchard et Olivier Tirole 5 . Ces économistes ont soutenu que l’héritage était contraire à l’égalité des chances , de sorte que les impôts sur les successions devraient permettre de redistribuer 19 milliards d’euros pour doter tous les jeunes d’un capital financier qui leur permettrait d’investir dans leur capital humain.

    Sans aller jusqu’à ces analyses extrêmes, force est de constater que les Français qui, individuellement, veulent gérer leur patrimoine de manière à vivre en seniors sans soucis financiers majeurs ont beaucoup de mal avec les administrations publiques :

    Veulent-ils constituer une épargne liquide ? On sait que le livret A est leur placement préféré. Mais d’une part il est d’un rapport ridicule, aujourd’hui négatif par l’effet de l’inflation, d’autre part cette épargne n’est capitalisée que dans le cadre de la Caisse des Dépôts et Consignations , qui ne finance que la Banque Publique d’Investissement elle-même guidée par France Stratégie , nouveau nom du Commissariat au Plan . On est évidemment loin de la gestion habituelle d’un fonds de pension !

    Veulent-ils se couvrir avec une assurance-vie ? Après avoir longtemps encouragé les épargnants, le législateur a inversé la tendance, puisqu’il y avait une matière fiscale importante et possédée par des Français en général aisés : l’égalitarisme exigeait un statut moins favorable, de sorte que les rapports des contrats sont soumis à un prélèvement forfaitaire de 12,8 %.

    Veulent-ils investir dans la pierre pour ne pas avoir un loyer à payer plus tard ou pour percevoir les revenus d’une habitation louée ? Mais le montant des loyers est contrôlé et parfois bloqué dans certaines métropoles et les charges nouvelles engendrées par les normes écologiques rendent la propriété immobilière ruineuse.

    Je fais le tour des questions que peuvent se poser les Français de tout âge quand ils commencent à penser à leurs vieux jours. Il apparaît qu’ils peuvent difficilement échapper à la vindicte fiscale et réglementaire.

    Quels choix dans les autres pays ?

    Cette situation tranche avec les choix qui ont été faits dans un grand nombre de pays vraiment libres, parce que des retraites par capitalisation sont offertes par le marché à tout individu (ou tout ménage) qui demande des placements rentables et assurés.

    Pour comprendre la place de la capitalisation dans la gestion des retraites, on peut faire la comparaison de la proportion occupée globalement par ce qu’on appelle en général les trois piliers : en répartition, en capitalisation contrôlée, en capitalisation libre 6 .

    D’après les observations faites il y a quelques années 7 mais qui, à mon sens, ne peuvent qu’être confirmées avec le temps, voici l’éventail des pays pour chacun des piliers évoqués.

    Les observations concernent 33 pays.

    Pour le premier pilier, il est presque toujours en répartition. Mais plusieurs pays garantissent le montant des pensions : quelques pays baltiques et scandinaves (Pologne, Finlande, Suède, Danemark, Lettonie) et les pays à système dits notionnels (Allemagne, Italie). Ce qui est commun à tous ces pays est que le premier pilier presque toujours géré par l’État ou l’une de ses administrations est un simple filet social qui garantit un minimum vieillisse et qui est financé non par des cotisations mais par des ressources budgétaires, au nom de la solidarité nationale (impôt sur le revenu en général). L’essentiel des retraites provient du deuxième pilier.

    Le deuxième pilier existe dans tous les pays 8 . Dans 20 pays il est obligatoire. Dans 13 pays il est volontaire et totalement libre (Australie, Estonie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède) ou établi après des négociations collectives (Australie, Belgique, Danemark, USA, Finlande, Irlande, Pays Bas). Dans ces pays le deuxième pilier est en capitalisation. Ce n’est pas le cas dans les pays où le deuxième pilier est obligatoire : totalement organisé par la loi (nationale ou régionale) le deuxième pilier est en répartition (Belgique, Canada, Japon, France)

    Le troisième pilier est en capitalisation et volontaire. Il existe dans 22 pays sur les 33. C’est l’assuré qui choisit son fonds de pension ou sa compagnie d’assurance, la concurrence est ouverte, même si les financiers doivent présenter des garanties effectives. Si les employeurs abondent aux retraites de leurs salariés, ils doivent avoir l’accord du salarié pour le gestionnaire retenu.

    Comme le montrent les études sur les coûts et rapports des différents piliers, il est incontestable que la balance penche du côté des pays où le second et surtout le troisième pilier sont dominants. Le système français apparaît parmi les tout derniers rangs du classement pour la plupart des critères retenus : montant des cotisations, taux de reversement, montant des provisions.

    Faut-il s’étonner de ces résultats ?

    Certainement pas pour ceux qui croient aux vertus de la liberté et de la responsabilité. Quand la retraite devient une affaire personnelle qui varie avec le tempérament, l’âge et la situation de famille, les choix sont les mieux adaptés. Encore faut-il que le choix soit possible, d’où la nécessité d’une concurrence en matière de retraites. Or, le monopole des assurances sociales interdit toute initiative au futur retraité. La preuve a été faite que des individus de toutes conditions peuvent prendre les meilleures décisions, surtout lorsqu’ils bénéficient d’une information permanente sur la tenue de leur compte – ce qui est facile avec la capitalisation. On a vu très souvent des individus ayant plusieurs comptes d’épargne ouverts dans différents fonds de pension ou sociétés d’assurance privées.

    Il est donc temps d’amorcer une réforme qui ne s’est pas encore produite en France. Mais, évidemment ce n’est pas en discutant de l’âge de la retraite et en ignorant toute perspective de capitalisation dans des piliers libérés que l’on résoudra quoi que ce soit. La réforme annoncée va s’ouvrir sur un champ de bataille miné, et l’explosion ne fait pas de doute.

    Un article publié initialement le 23 juin 2022 .

    1. Mon travail le plus important a été fait en collaboration avec feu mon ami Georges Lane, dans les trois tomes de Futur des retraites et Retraites du futur : tome 1 Le futur de la répartition (mai 2008) tome 2 Les retraites du futur : la capitalisation (novembre 2008) tome 3 La transition (mai 2009). J’ai fait la synthèse de ce travail assez récemment dans mon ouvrage Comment sauver vos retraites Libre é change éd.2018
    2. Cf. la thèse de Nicolas Marquès sous ma direction Évolution des protections sociales et de la sécurité sociale , Aix-en-Provence 1995
    3. Monique Durand « Mixer répartition et capitalisation : ça marche ! L’expérience des pharmaciens », Journal des libertés , N°7, hiver 2019, 167-174.
    4. Le taux de rendement interne des placements faits par l’ERAFP au nom des fonctionnaires était, fin 2020, de 5,4 % par an depuis 2006. Depuis sa création l’établissement a fait gagner de l’ordre de 15 milliards d’euros grâce à ses placements (source Nicolas Marquès, Journal des Libertés , n° 17 juin 2022.
    5. Jacques Blanchard et Olivier Tirole  « Les grands défis économiques », rapporteurs de la Commission Internationale
    6. On fait parfois allusion à un quatrième pilier constitué par la gestion du patrimoine, telle que je viens de l’évoquer dans les lignes précédentes. C’est dire que le quatrième pilier français est assez branlant
    7. On peut trouver le tableau détaillé des pays dans le deuxième tome de notre ouvrage Jacques Garello et Georges Lane Futur des retraites et retraites du futur , Les retraites du futur : la capitalisation » Librairie de l’Université d’Aix-en- Provence, 2008 pp.65-71
    8. Y compris la France, avec les comptes épargne et les retraites complémentaires
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      Débat sur les retraites : revenons aux fondamentaux !

      Yves Montenay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 1 January, 2023 - 04:30 · 12 minutes

    Préparons-nous pour la discussion sur les retraites. Depuis bientôt trois ans, la presse grand public est remplie d’analyses contradictoires avec un déluge de chiffres. Laissons les partis échanger des arguments et revenons aux fondamentaux économiques et démographiques .

    Nous ne parlerons pas des arguments financiers qui ne sont que la conséquence de phénomènes plus profonds que nous allons décrire.

    Je suis ces discussions depuis des dizaines d’années, comme employeur démarché par toutes sortes d’organismes financiers me promettant monts et merveilles pour les futurs retraités de mon entreprise et parallèlement en tant qu’économiste enseignant à Sciences-po .

    Il y a eu des progrès dans l’analyse et la compréhension des enjeux mais on est très loin d’une vue claire des fondamentaux. La politique n’arrange rien.

    Les retraites : une histoire assez récente

    Après les dotations en terres des légionnaires romains à la fin de leur temps de mobilisation, l’accueil des clercs âgés dans les institutions religieuses médiévales et la création de la Caisse des Invalides de la Marine par Colbert, il faut attendre 1889 et Bismarck en Allemagne pour voir l’apparition d’une caisse générale de retraite.

    En France, des Caisses de secours mutuel existent depuis 1804 et à partir des années 1850, les caisses du Comité des Forges (le patronat de la sidérurgie) et celles des fonctionnaires, conçues sous Napoléon III, empereur socialiste d’après les critères de l’époque.

    Mais, la retraite d’État ne voit le jour qu’en 1910, avec un départ à 65 ans.

    L’ignorance des fondements économiques de la retraite

    Quand on interroge le grand public on se rend compte que la nature économique de la retraite n’est pas bien connue.

    Certes pour les modalités, on se renseigne auprès de sa caisse ou de son syndicat mais à propos du principe c’est « on ne sait pas » ou « c’est un droit » en ajoutant éventuellement « arraché par les syndicats ». Arraché à qui ?

    Une idée reçue est que la retraite est le versement différé des retenues effectuées sur les salaires au fil de la carrière, après bonification par l’employeur (je n’entre pas ici dans la discussion de savoir si la contribution de l’entreprise est ou non un prélèvement indirect sur le salaire). Cette idée renforce celle « d’un droit ».

    Or c’est un « droit à » c’est-à-dire qui ne s’appliquera que si c’est possible par opposition au « droit de » qu’il suffit de promulguer, comme par exemple droit de vote.

    En effet la retraite ne provient pas du tout de sommes déjà versées et qui auraient été mises de côté, mais d’un prélèvement sur les actifs, c’est-à-dire sur leur travail actuel.

    Les sommes versées ne sont qu’un élément du calcul qui permet de déterminer la pension de quelqu’un. C’est maintenant plus ou moins bien compris dans le cas de la retraite par répartition mais ne l’est pas du tout dans le cas de la retraite par capitalisation. Nous y reviendrons.

    Complication supplémentaire : la généralisation des retraites et la mauvaise compréhension de leurs mécanismes en ont fait une arme électorale redoutable.

    François Mitterrand s’est fait élire en 1981 en abaissant de 65 à 60 ans d’âge de la retraite, ce qui est une des sources des problèmes actuels.

    Aux objections des démographes qui prévoyaient une catastrophe à partir de 2006, début de la période où la génération du baby boom d’après-guerre atteindrait les 60 ans, il répondait : « nous sommes en 1981. Et nous avons des élections à gagner ! »

    Les régimes spéciaux

    Il s’agit de catégories de personnel, principalement de la RATP et de la SNCF dont la date de départ est précoce, surtout pour le personnel en catégorie active.

    Le cas extrême est celui des conducteurs de train qui peuvent partir entre 50 et 52 ans, alors que les sédentaires de la SNCF peuvent partir entre 55 et 57 ans. Le coût financier est donc très important même si diverses dispositions complexes font qu’une partie du personnel part plus tard.

    Mais le coût humain l’est peut-être encore davantage avec la sortie du système productif de personnes qualifiées. Ce dernier point peut évoluer avec la mise en concurrence des réseaux de transport public, les éventuels nouveaux gagnants pouvant embaucher ces jeunes retraités.

    Il s’agit bien entendu d’un privilège , même si le mot est mal vu.

    Mais il est âprement défendu et une grève de la SNCF ou de la RATP peut prendre le pays en otage, comme vient de l’illustrer une fois de plus la grève des contôleurs à la veille de Noël.

    Ces privilèges étaient ciblés dans la précédente version de la réforme menée par Jean-Paul Delevoye et selon l’IFOP, une majorité de Français soutient l’idée de réformer ces régimes spéciaux.

    Mais tous les gouvernements reculent devant les menaces de blocage du pays. Et pourtant ce sont en grande partie ces régimes spéciaux qui induisent le déficit des retraites en France.

    François Bayrou rappelle qu’en plus de payer ses charges patronales pour 25 milliards par an et de régler les retraites des fonctionnaires pour 90 milliards, l’État finance à hauteur de 30 milliards la RATP et la SNCF pour leurs retraités.

    Ces données étant rappelées, comment s’y retrouver dans les nombreuses propositions et contre-propositions ?

    Pour une analyse démographique

    À mon avis, le problème principal est que la question présentée comme financière alors qu’ elle est démographique : si l’on ne change rien, il n’y aura pas assez d’actifs pour s’occuper à la fois d’eux mêmes, de leur famille et des personnes âgées.

    Et par « s’occuper » je pense d’abord aux fonctions basiques : nourrir, habiller, soigner, se déplacer etc.

    Je vois venir le moment où il n’y aura pas assez d’électriciens pour dépanner l’ascenseur d’un immeuble de grande hauteur, laissant sans nourriture et sans soins les faibles et les vieux des étages élevés ! Et cela alors qu’une partie des électriciens auront pris leur retraite à un âge où ils pourraient parfaitement faire le travail !

    On voit bien que ce n’est pas une question d’argent.

    Répartition contre capitalisation, un faux problème

    Certains libéraux professent que la seule solution au problème des retraites est le passage à la capitalisation. Or, la capitalisation ne permet pas de contourner le problème démographique .

    J’avoue avoir été profondément choqué il y a quelques années par ce que j’appelle une publicité mensongère du genre : « épargnez, placez à 5 % et vous verrez que vous aurez une retraite plus importante que dans le système actuel ».

    Or, financièrement personne ne peut promettre un rendement de 5 % (hors inflation sinon il ne signifie rien) pendant 40 ans.

    Certes l’investissement en actions d’entreprise permettra de financer leur croissance. Mais pour que lesdites entreprises soient prospères et distribuent des intérêts des dividendes et soutiennent le cours de leurs actions, il faut suffisamment d’actifs pour cela. Et on retombe sur les problèmes démographiques .

    Comment résoudre ce problème démographique ?

    Aujourd’hui, un retraité a très grossièrement le même revenu qu’en étant actif car si l’on part avec 60 à 75 % du dernier salaire, ce dernier est en général le plus élevé de la carrière. Cela ne fait donc que ramener le revenu d’un retraité au salaire moyen français qui sont tirés vers le bas par des difficultés d’une partie des jeunes.

    On peut le vérifier sur le plan national, ce qui est recoupé par la constatation que ce sont maintenant souvent les aînés qui aident les jeunes. Mais bien sûr « rien n’est plus menteur qu’une moyenne » et les disparités individuelles sont considérables.

    Restons dans le domaine des moyennes nationales. Si on voulait maintenir ce niveau de pension par rapport aux salaires, alors qu’on se rapproche démographiquement d’un retraité pour un actif, il faudrait que chaque retraité prélève la moitié des revenus de chaque actif !

    L’actif ne garderait donc que 50 % de son revenu pour sa famille et notamment ses enfants. On imagine sa réaction électorale, les protestations, voire l’émigration qui ne ferait qu’aggraver le problème ! Il faut donc empêcher par tous les moyens de s’approcher de ce ratio de un pour un.

    Or ce ratio se dégrade continûment : il est passé de plus de deux en 2004 à 1,65 en 2000.

    Ratio Actifs Cotisants - Retraités INSEE 2020

    Mais attention, ces données ne sont pas restées « toutes choses égales par ailleurs » puisque pendant cette période des réformes ont été appliquées qui ont augmenté la durée de cotisation !

    Autrement dit, si on n’avait rien fait le rapport serait beaucoup plus proche de un aujourd’hui.

    À l’horizon 2070, ce rapport tomberait à 1,3 selon les projections du COR, en raison du vieillissement de la population.

    Ratio nombre de cotisants sur nombre de retraités - Rapport annuel du COR juin 2019 Ratio nombre de cotisants sur nombre de retraités – Rapport annuel du COR juin 2019

    Cela montre que les réformes ont été insuffisantes et qu’il faut passer à la vitesse supérieure.

    Remarquons une fois de plus qu’il ne s’agit pas d’une question d’argent mais d’un nombre de personnes.

    Il est donc nécessaire de changer certaines règles du jeu, voyons lesquelles.

    Changer certaines règles du jeu

    Le recours à l’immigration de travail

    Le premier moyen de garder plus d’un actif par retraité est l’immigration mais il faudrait qu’elle soit massive.

    En tout cas, les immigrés actifs sont bien vus et le projet de loi actuel permet de régulariser ceux qui travaillent dans « les métiers en tension », de plus en plus nombreux vu les difficultés de recrutement en France.

    Mais l’opinion est tellement réticente que le ministre essaie de minimiser le nombre de personnes concernées alors que le problème est tel qu’il faudrait au contraire en régulariser un très grand nombre ou faciliter l’immigration officielle.

    Dans ce domaine, on se heurte à deux visions caricaturales de l’immigration , l’une angélique et l’autre diabolique.

    Augmenter l’âge du départ en retraite

    Le deuxième moyen est l’augmentation de l’âge de départ , qui a le double avantage d’augmenter le nombre des actifs et de diminuer celui des retraités, ce qui est excellent pour s’écarter du rapport un pour un.

    Nos voisins européens l’ont quasiment tous relevé ces dernières années :

    &&

    Le cumul emploi retraite

    On peut également jouer sur d’autres paramètres, comme le cumul emploi retraite, la durée de la cotisation ou tout autre permettant de laisser aux actifs une part raisonnable de leurs revenus.

    Le cumul emploi retraite me parait avoir beaucoup d’avantages puisqu’il permet à des personnes expérimentées d’apporter leur travail avec une grande liberté de choix notamment en matière d’horaires.

    Mais je ne suis pas certain que cela suffise.

    Le taux d’activité des seniors dépend étroitement de l’âge légal de départ en retraite

    Je ne veux pas préjuger des discussions en cours sur ces sujets. Mais je signale simplement à ceux qui estiment qu’on va tout simplement augmenter le nombre de chômeurs sexagénaires que cette idée très répandue est fausse : le nombre de sexagénaires chômeurs est important durant les quelques années qui précèdent l’âge légal de départ, et donc diminue à un âge donné au fur et à mesure que l’âge de départ augmente.

    L’examen des chiffres de la DARES montre que le passage de l’âge légal de départ de 60 à 62 ans et les autres mesures dans le même sens (allongement de la durée de cotisation) a fait passer le taux d’emploi des 55 ans et plus, de 42 % en 2010 à 56 % en 2021.

    Et l’âge effectif de départ à la retraite remonte rapidement depuis 2009.

    À l’étranger, ou l’âge de la retraite est plus élevé qu’en France l’emploi à un âge donné lui est supérieur.

    Par ailleurs, dans presque tous les métiers la pénurie de main-d’œuvre amène à faire appel plus ou moins discrètement aux retraités ou au noir ou grâce a des prête-nom pour les « chômeurs » ou des sans-papiers.

    Le lien entre fécondité et vieillissement de la population

    Un dernier point démographique est très mal connu : le vieillissement de la population vient en grande partie de la fécondité mais cette baisse de la fécondité est justement la conséquence de l’existence d’un système de retraite.

    En effet, depuis toujours ce sont des enfants qui soutiennent les parents durant leur vieillesse. C’est toujours vrai aujourd’hui mais par l’intermédiaire des caisses de retraite qui coupent le lien direct entre parents et enfants.

    Autrement dit on peut maintenant être retraité sans avoir eu d’enfants, c’est-à-dire grâce aux enfants des autres et en prélevant une partie de son niveau de vie sur ceux qui se sont donnés du mal pour les élever.

    Je pense qu’il était bon de rappeler ces fondamentaux avant de se lancer dans les discussions qui commencent.

    Chacun va vouloir maintenant changer le paramètre qui l’arrange. Je ne parle évidemment pas des irresponsables qui veulent ramener le départ à 60 ans pour des raisons purement électorales, comme Mitterrand l’a fait en son temps.

    En conclusion

    Ne vous laissez pas embrouiller par les chiffres, pensez démographie, c’est-à-dire immigration ou au relèvement de l’âge de la retraite. Et ajoutez une aide aux parents qui se donnent le mal d’élever des enfants dont vous aurez grand besoin pendant vos vieux jours que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’un système financier.

    Sur le web

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      Le système de retraite par répartition est profondément injuste

      Pierre Allemand · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 27 November, 2022 - 03:30 · 8 minutes

    Évidemment, en France, ce titre risque d’être considéré comme une provocation. C’est un peu comme si on ouvrait un parapluie à l’intérieur d’un logement, ou si on proférait des injures à l’égard d’un défunt dans la chambre mortuaire.

    La répartition est injuste

    Aussi, dois-je m’efforcer de présenter immédiatement, non pas les excuses que certains lecteurs attendent peut-être, mais des arguments sur ce que j’avance.

    Les voici :

    Le système de retraite par répartition consiste à payer les retraites des pensionnés en prélevant les sommes versées sur les revenus des salariés actifs. Si la proportion des pensionnés devient plus importante que le nombre des actifs, ces derniers auront une charge de plus en plus grande à assumer, ou encore seront forcés de quitter de plus en plus tard la période travaillée.

    Cette situation est profondément injuste, car elle n’a pas été choisie ni par ceux qui payent, ni par ceux qui perçoivent.

    Il y aurait bien une solution à ce problème : diminuer le montant des pensions au prorata du rapport du nombre de retraités. Mais c’est une situation au moins aussi injuste que la précédente, car en plus d’être subie par ceux qui verraient leur pension diminuée, ces personnes n’ont même pas la possibilité de changer de situation comme lorsqu’elles étaient actives.

    Remarquons au passage que c’est la situation dans laquelle un certain nombre d’entre elles (les cadres) ont été placées par le président Macron puisque leur pension est diminuée d’année en année par le jeu de l’inflation…

    Dans un système que nous pourrions qualifier de naturel, la personne active met de côté de l’argent en prévision des temps où elle ne sera plus en mesure de travailler. C’est ce qu’on peut nommer le système « fourmi ».

    Dans le système par répartition , il n’y a pas à se préoccuper de l’avenir. On peut et on est d’ailleurs encouragé à avoir un comportement de « cigale ».

    Constatons que ce comportement a les faveurs de ceux qui se classent plutôt à gauche. Le comportement « fourmi » est lui, plutôt un comportement de droite.

    Pourquoi la capitalisation est la solution

    Le système par capitalisation est calqué sur le système naturel.

    Chaque salarié met chaque mois de côté une certaine somme qui est gérée par un organisme spécialisé intitulé fonds de pension. Cette somme est comptabilisée sous la forme de points.

    Au moment de sa retraite, le compte du salarié en contient un certain nombre déterminant le montant de sa retraite. Pour le salarié, l’intérêt de la gestion de ses économies par un fonds de pension est que sa retraite lui est versée jusqu’à sa mort, alors que s’il a mis cet argent de côté, il risque, s’il vit « trop » longtemps, de le voir disparaître avant lui…

    Techniquement, la capitalisation a un gros avantage sur la répartition : en effet, dans le système par répartition, les fonds sont au moins théoriquement reversés  immédiatement.

    Dans le système par capitalisation, au contraire, ces fonds, qui peuvent être considérables, sont placés et produisent des intérêts pendant toute la durée de travail du salarié, et lui sont reversés à partir du moment où il est à la retraite. Le montant de cette dernière est donc théoriquement plus élevé que dans le cas de la répartition puisque les intérêts s’y ajoutent, et que le temps d’immobilisation est en moyenne élevé.

    Tout cela, évidemment si les fonds ont été correctement gérés, ce qui est en général le cas dans les pays où le système est appliqué .

    Évidemment, il existe des exceptions, que les adversaires de la capitalisation montrent toujours du doigt…

    Une autre différence fondamentale entre les deux systèmes réside dans la période de démarrage.

    Pour schématiser, mettons-nous à la place des organisateurs, en face de deux populations : une population de salariés et une population de retraités.

    Le système de retraite par répartition peut être immédiatement mis en place, sans rien y ajouter. En effet, les cotisations prises sur le salaire des salariés sont disponibles et peuvent être immédiatement distribuées aux retraités sans qu’il en coûte rien.

    En revanche, avec le système par capitalisation, la population des retraités ne percevra théoriquement rien au démarrage. C’est seulement lorsque les seniors de la population active auront atteint l’âge de la retraite qu’ils commenceront à percevoir la faible retraite que leur permettra le petit nombre de points acquis pendant la courte période où ils auront cotisé.

    La répartition, choix de facilité

    La situation globale s’améliorera ensuite progressivement, mais il faudra que le dernier actif de la population initiale de salariés soit en âge de prendre sa retraite pour que le système atteigne son régime de croisière.

    Pour que le système soit acceptable par tous depuis le début, il faut donc que les organisateurs compensent le manque à gagner des premiers retraités.

    Ne cherchons pas une autre raison pour laquelle les premiers députés de la Quatrième République ont choisi la répartition : il n’y en a pas.

    Et c’est aussi pour  vendre ce système aux intéressés qu’il a été sanctifié au point que encore aujourd’hui le système par répartition est considéré comme sacré. Il est interdit d’y toucher, il fait partie des mythes constructeurs de notre République.

    Malgré ses difficultés de démarrage, remarquons que la capitalisation possède un énorme avantage : les sommes distribuées aux pensionnés sont toujours proportionnelles au nombre des intéressés (sous réserve, toujours, d’une bonne gestion) puisque c’est l’argent qu’ils ont placés eux-mêmes dans le système qui leur est reversé.

    Ce n’est pas le cas de la répartition qui est soumise aux aléas de la pyramide des âges .

    Pour résoudre ce problème de démarrage de la retraite par capitalisation, il faut emprunter au début de celle-ci les sommes nécessaires pour payer les retraités n’ayant pas cotisé, ce qui, bien entendu, obère les capacités d’emprunt des organisateurs ; soit en France, l’État.

    Revenons à nos députés du début de la Quatrième République. Ils avaient le choix entre :

    • la capitalisation, un système nécessitant un lourd emprunt à son démarrage, mais qui trouverait ensuite tout seul son équilibre pour l’éternité
    • la répartition, un système qui permettait de satisfaire d’un seul coup tout le monde et qui ne coûtait au moins théoriquement pas un centime, mais qui pouvait conduire, dans le futur, aux difficultés liées au mauvais rapport entre le nombre de cotisants et le nombre des retraités que nous connaissons aujourd’hui.

    Évidemment et comme toujours, ils ont choisi la facilité.

    Remarquons encore qu’en France, ceux qui rejettent actuellement le plus fermement le système de retraite par capitalisation sont précisément ceux qui en bénéficient . En effet, les retraites des anciens fonctionnaires sont payées par l’État au moyen d’emprunts.

    L’État éternelle cigale n’a en effet pas pu mettre ces sommes de côté. Il emprunte donc sur le marché financier, et ce faisant, il s’engouffre dans le système de la capitalisation.

    Mais il s’agit d’une capitalisation subie, l’État n’étant pas le préteur, mais l’emprunteur, avec tous les aléas générés par l’évolution des taux d’emprunt. Il y a quelques années, les fonctionnaires grecs retraités en ont fait l’expérience : leurs pensions ont été amputées de 30 ou 40 %.

    Ce système consistant à payer les pensions via des sommes empruntées revient à faire payer les retraites par les générations futures, puisqu’il faudra bien continuer à payer les intérêts et rembourser le principal.

    Éternellement d’ailleurs, puisqu’on ne voit absolument pas comment en sortir 1 .

    En résumé

    Dans le système de retraite « naturel » par capitalisation, les retraités reçoivent une
    retraite correspondant à l’argent qu’ils ont épargné. C’est un système terrible qu’il
    faut absolument pour la majorité des Français.

    Dans le système par répartition, les salariés reçoivent leur retraite payée par les
    cotisations des salariés actifs. En cas de déficit comme aujourd’hui, le complément est payé par les générations futures.

    C’est un système qu’il faut absolument conserver pour la majorité des Français, car il est fondé sur ce qu’on nomme la solidarité, sachant que la partie « solidaire » n’a pas donné son accord puisqu’elle n’existe pas encore, ce qui est bien pratique…

    Un article publié initialement le 15 juillet 2020.

    1. Monsieur Mélenchon, lui, a trouvé un moyen de s’en sortir : il consiste tout simplement à considérer que ces emprunts ne sont que des écritures et qu’il suffit donc de ne pas les rembourser. Il néglige les conséquences concernant les futures capacités d’emprunt de l’État qui se hasarde à faire défaut.
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      Les banques centrales défient Einstein

      Simone Wapler · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 11 February, 2021 - 03:40 · 9 minutes

    banques centrales

    Par Simone Wapler.

    Les banques centrales manipulent les taux d’intérêt à la baisse et, pire encore, les forcent en territoire négatif. Ce faisant, elles vont à l’encontre d’un grand principe qui a prévalu durant cinq millénaires : la capitalisation par les intérêts composés, instrument de développement de l’épargne et donc du développement économique.

    Albert Einstein aurait conclu que « les intérêts composés sont la plus grande force de l’univers » après avoir étudié la Summa de arithmetica, geometria, de proportioni et de proportionalita du mathématicien Luca Pacioli . Ce document de 1494, écrit par un moine franciscain, est un traité de 600 pages qui rassemblait la somme des connaissances mathématiques de l’époque, mais aussi des éléments de comptabilité en partie double et une table des monnaies, poids et mesures italiens.

    Cet ouvrage de vulgarisation donnait aussi de magistrales recettes financières telles que la règle de 72, une façon rapide de mesurer l’effet des intérêts composés :

    « Si vous voulez savoir, pour un taux d’intérêt annuel fixé en pourcentage, dans combien d’années vous reviendra le double du capital initial, alors gardez à l’esprit le chiffre 72 et divisez-le par le taux d’intérêt, ce qui vous donne en combien d’années il sera doublé. Exemple : quand l’intérêt est de 6 pour 100 par an, j’affirme qu’en divisant 72 par 6, il vient 12 donc le capital sera doublé en 12 années. »

    • Douze ans de rémunération à 6 % suffisent pour doubler un capital.
    • Dix-huit ans de rémunération à 4 % suffisent pour doubler un capital.
    • L’éternité ne suffira pas à 0 %.

    La capitalisation, un cercle vertueux

    La boutade d’Einstein résumait la puissance de ce que nous appelions encore récemment la capitalisation.

    Il s’agit d’ un cycle vertueux qui récompense l’épargne : celui qui renonce à une dépense immédiate, s’il met son argent à disposition de quelqu’un d’autre, est gratifié d’un taux d’intérêt lui permettant de retrouver par la suite plus que son capital initial. Durant sa durée d’indisponibilité, son épargne est utilisée par des entrepreneurs afin de développer une offre de produits ou services qui, sans ce financement, ne pourrait pas voir le jour aussi vite.

    Il existe évidemment un risque, celui de la faillite de l’entrepreneur et donc de ne pas revoir son épargne. Le taux d’intérêt récompense donc à la fois le sacrifice que représente la durée d’indisponibilité et le risque pris.

    En forçant les taux d’intérêt à la baisse, les banques centrales punissent les épargnants . Elles faussent aussi les deux plus importants indicateurs économiques qui sont :

    • L’abondance ou au contraire la rareté de l’épargne. Plus il y a d’épargne disponible, plus il y a d’argent à prêter, plus les taux d’intérêt vont baisser. Inversement, moins il y a d’épargne, plus les taux d’intérêt vont monter.
    • Le coût du risque pour une entreprise donnée. Par exemple, dans un environnement économique où le taux moyen à 10 ans est de 5 %, une entreprise qui se lance dans une aventure risquée empruntera à 10 % tandis qu’une entreprise solide dégageant de solides bénéfices empruntera à 3 %.

    La plus grande force de l’univers au service des retraites

    Si en France la retraite par répartition prévaut, dans la plupart des pays les systèmes de retraite s’appuient surtout sur la capitalisation . Lorsqu’elle existe, la répartition ne fait qu’assurer un minimum vieillesse, juste de quoi survivre.

    C’est un choix rationnel car « À prestation égale, la capitalisation permet au futur retraité de cotiser moins qu’en répartition pure puisque les versements produiront des intérêts. » comme l’explique l’institut Molinari dans son étude publiée en partenariat avec Contrepoints .

    Lorsqu’il arrête de travailler, le retraité consomme un capital qu’il a accumulé et qui s’est accru par l’effet des intérêts composés durant sa vie active. Le nombre important d’adhérents aux fonds de pension permet de diversifier les investissements et de lisser les risques.

    Au contraire, dans un système de retraite par répartition comme en France, le retraité ponctionne les actifs. En pratique, la répartition dépend d’un « taux d’intérêt biologique » équivalent au taux de croissance de la population.

    Un tel système de retraite par répartition est adapté aux pays dotés d’une population en croissance et/ou aux pays dont l’économie a été ruinée. Notons au passage que c’était le cas de la France après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, dès que ceux dont l’épargne a été détruite ou ceux qui n’ont pas eu le temps de la constituer ont disparu, le système par capitalisation est évidemment préférable.

    Car pour le cotisant, les performances d’un système de retraite par répartition sont toujours inférieures à celle d’un système de retraite par capitalisation, justement en raison de la magie des intérêts composés. Que les fonds de retraite par capitalisation soient privés ou publics ne changent rien à la donne. De surcroît, les pays pratiquant la retraite par capitalisation profitent d’une masse d’épargne qui vient irriguer les besoins d’investissement de l’économie, ce dont se privent les pays pratiquant le système par répartition.

    La politique monétaire actuelle, conduite depuis plus de dix ans par la banque centrale européenne, tue les systèmes de retraite par capitalisation aussi sûrement qu’une démographie déclinante tue les systèmes de retraite par répartition.

    La plus grande force de l’univers au service de la croissance économique

    Du temps de la finance de grand-papa, les banques et les fonds d’investissement assuraient un service dit d’intermédiation de l’épargne. Ils agrégeaient de multiples petits dépôts d’épargnants qu’ils rémunéraient d’intérêts et prêtaient – à des taux d’intérêt supérieurs – à des investisseurs-entrepreneurs qui avaient besoin de beaucoup de capital.

    La différence entre les taux servis par la banques aux épargnants et les taux demandés par la banque à ses emprunteurs s’appelait la marge de transformation. Elle permettait à la banque de mettre des bénéfices en réserves, ce qui venait augmenter ses fonds propres, nécessaires pour couvrir la casse si un emprunteur venait à défaillir.

    L’épargnant profitait ainsi de la plus grande force de l’univers pour faire grossir son pécule. Il engrangeait sa récompense pour accepter l’immobilisation de son argent. Les banques mesuraient soigneusement leurs risques et engrangeait des bénéfices sur les risques pris. Les entrepreneurs trouvaient des financements.

    Bien sûr, la finance de grand-papa n’était pas le pays des bisounours. Des entrepreneurs pouvaient entraîner des banques dans leur faillite. Des épargnants pouvaient voir une partie de leur pécule s’évaporer. Mais dans le pire des cas, c’était l’épargne déjà existante qui était détruite. C’est-à-dire une partie du passé.

    Au temps de la finance de grand-papa, les gens parlaient de capacité d’épargne et non pas de capacité d’endettement.

    Jusqu’à l’arrivée de la finance moderne, la plus grande force de l’univers était naturellement à l’œuvre. En dehors des périodes de guerre et de destruction, le développement économique s’appuyait sur cette force ainsi que sur la démographie.

    La force destructrice des banques centrales

    Le système monétaire et bancaire moderne n’est plus adossé à l’épargne mais à la dette et surtout à la dette publique garantie par un État au travers de sa capacité à lever l’impôt, autrement dit à prendre de force à ses administrés.

    Dans la finance moderne, on ne parle plus de capacité d’épargne, on parle de capacité d’endettement. On ne dit plus que « les dépôts font les crédits » , on dit que « les crédits font les dépôts ».

    Dans la finance moderne, les banques prêtent de l’argent qui n’existe pas encore. Les banques commerciales achètent ce privilège auprès d’une banque centrale en empruntant l’argent du futur au taux directeur arbitrairement fixé par cette dernière.

    Que se passe-t-il si les banques ont trop prêté et que de nombreux emprunteurs ne peuvent rembourser parce que les bénéfices escomptés ne sont pas là ?

    Selon les cas la banque centrale :

    • permet aux emprunteurs (banquiers ou grandes entreprises) d’emprunter encore moins cher et de rééchelonner leurs prêts,
    • rachète les créances pourries des banques,
    • paye les banques pour prêter l’argent qu’elle crée.

    Quant aux États, ils empruntent toujours plus (l’argent du futur qui sera pris aux contribuables) et dépensent prétendument pour améliorer l’économie au gré des lubies des fonctionnaires et des politiques électoralistes. Les talents entrepreneuriaux de la bureaucratie et des politiciens étant toutefois modérés (pour ne pas dire nuls), l’argent du futur est abondamment gaspillé.

    Que se passe-t-il de nos jours lorsque les États risquent de se trouver confrontés à une crise de leurs finances publiques ? La banque centrale achète leurs émissions de dettes pour masquer la déconfiture.

    État, banque centrale et banques commerciales constituent la triade maléfique du capitalisme de connivence . Cet état de fait est parfois qualifié de néolibéralisme ou d’ultralibéralisme par ceux qui n’ont aucune culture économique et financière. Il n’y a rien de libéral au monopole étatique ou supra-étatique de la monnaie, de la création monétaire et au contrôle des taux d’intérêt.

    La dernière innovation dans les cartons des banques centrales consiste désormais à éliminer les banques commerciales grâce à la « monnaie banque centrale digitale ». L’euro numérique devrait ainsi voir le jour dans cinq ans, selon les vœux de Christine Lagarde.

    La création monétaire sera donc centralisée et bureaucratisée, distribuée en direct par la banque centrale, les banques commerciales devenant dès lors inutiles. Votre compte de dépôt sera entre les mains d’une banque centrale en état de monopole européen et au pouvoir discrétionnaire. Il s’agit d’une étape de plus dans la centralisation de ce qui n’est qu’une escroquerie.

    Mais on ne défie pas impunément la plus grande force de l’univers. On ne défie pas non plus le principe de base de l’économie qui veut qu’on échange quelque chose contre autre chose et non pas contre du vent. Or, la monnaie ou le crédit créés à partir de rien ne sont que du vent.

    Cette ultime escroquerie se terminera donc évidemment par une monstrueuse crise monétaire généralisée. Et si vous croyez que l’État vous en protégera , vous faites fausse route, il est au contraire complice.