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      Les centres du progrès (20) : Vienne (musique)

      Chelsea Follett · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 20 November, 2022 - 03:40 · 11 minutes

    Un article de Human Progress.

    Notre vingtième Centre du progrès est Vienne, surnommée la « Ville de la musique ». De la fin du XVIIIe siècle à la majeure partie du XIXe siècle, la ville a révolutionné la musique et produit certaines des plus grandes œuvres des époques classique et romantique. Le parrainage de la dynastie des Habsbourg, alors puissante, et des aristocrates de la cour impériale de Vienne a créé un environnement lucratif pour les musiciens, attirant ces derniers dans la ville. Certains des plus grands compositeurs de l’histoire, dont Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms, Joseph Haydn, Franz Schubert et Wolfgang Amadeus Mozart, ont vécu et créé de la musique à Vienne. Nombre des symphonies, concertos et opéras les plus importants de l’histoire ont ainsi vu le jour à Vienne. Aujourd’hui encore, les pièces composées pendant l’âge d’or de Vienne continuent de dominer les représentations de musique orchestrale dans le monde entier.

    Aujourd’hui, Vienne est la capitale et la ville la plus peuplée d’Autriche, avec près de deux millions d’habitants. La ville est célèbre pour ses icônes culturelles, notamment ses nombreux palais et musées historiques, ainsi que pour ses cafés, ses magasins haut de gamme et sa qualité de vie élevée. Le centre historique de la ville est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. La ville s’affiche toujours comme la « capitale mondiale de la musique » et accueille de nombreux concerts. En plus de son rôle historique dans la révolution de la musique, Vienne a continué à inspirer les musiciens à une époque plus récente. Le site officiel du tourisme de Vienne indique que la ville a fait l’objet de plus de trois mille chansons, dont deux des anciens Beatles et le tube éponyme de Billy Joel.

    Le site situé près du Danube, où se trouve aujourd’hui Vienne, est habité depuis au moins 500 avant J.-C., lorsque des preuves suggèrent que d’anciens Celtes vivaient dans la région. Vers 15 avant J.-C., le site a accueilli un fort romain. L’emplacement de Vienne le long du Danube en a fait une plaque tournante naturelle pour le commerce. Des pièces de monnaie de l’Empire byzantin sont arrivées à Vienne au VIe siècle de notre ère, ce qui indique que la ville pratiquait un commerce de grande envergure. En 1155, Vienne est devenue la capitale du margraviat d’Autriche, qui a été élevé au rang de duché l’année suivante. Au fil des siècles, la richesse et l’importance politique de la région n’ont cessé de croître. Au milieu du XVe siècle, Vienne est devenue le siège de la dynastie des Habsbourg et la capitale de facto du Saint-Empire romain germanique. Les Habsbourg faisaient autrefois partie des familles royales les plus influentes d’Europe. Bien que son pouvoir ait considérablement diminué, la famille reste active en politique jusqu’à aujourd’hui (pour la petite histoire, l’actuel chef de la famille Habsbourg a été la première personne de la famille royale à contracter le covid).

    En tant que centre de commerce et de culture de plus en plus important, la ville est devenue la cible d’attaques militaires et vulnérable aux maladies étrangères. Vienne a subi l’occupation hongroise au XVe siècle, des tentatives d’invasions ottomanes aux XVIe et XVIIe siècles et une épidémie dévastatrice (probablement la peste bubonique) en 1679 qui a tué un tiers de ses habitants. Aujourd’hui encore, on peut voir dans le centre-ville une colonne ornée de sculptures célébrant la fin de l’épidémie. En 1804, alors que les guerres napoléoniennes font rage, Vienne devient la capitale du nouvel Empire autrichien. Malgré les guerres et les maladies, le statut de Vienne en tant que haut lieu de la culture n’a fait que croître.

    La famille Habsbourg et la cour impériale ont cherché à accroître leur prestige en finançant les arts, en particulier la musique. Grâce à leurs liens étroits avec l’Italie et l’Église catholique, les Habsbourg ont fait venir à Vienne plus d’une centaine de musiciens italiens dès le XVIIe siècle et ont introduit dans la ville des innovations musicales italiennes de pointe telles que l’opéra et le ballet ainsi que des productions de plus en plus extravagantes de musique sacrée. Dans le cadre de la contre-réforme, l’Église catholique a encouragé les grands projets musicaux et artistiques.

    En 1622, le chef de la famille Habsbourg, l’empereur romain germanique Ferdinand II (1578-1637), épouse une mélomane, Eleonora, la princesse de Mantoue (1598-1655). On attribue au mécénat artistique de l’impératrice Eleonora le mérite d’avoir fait de la cour de Vienne un centre de musique baroque et de formes théâtrales naissantes comme l’opéra. Alors que les Habsbourg finançaient des spectacles musicaux de plus en plus somptueux pour célébrer des occasions familiales telles que des anniversaires et des spectacles de musique religieuse grandioses, l’incitation financière attirait dans la ville de plus en plus de musiciens de toute l’Europe. Dans les années 1760, la musique était tellement ancrée dans la culture viennoise que les membres de la noblesse mais aussi de la classe moyenne prospère ont commencé à agir en tant que mécènes.

    Le compositeur autrichien Joseph Haydn (1732-1809), souvent appelé le « père de la symphonie » et le « père du quatuor à cordes », est parti d’origines modestes, fils d’un charron et d’une cuisinière, pour devenir le compositeur le plus célèbre d’Europe pendant un certain temps. Il a fait ses premières armes comme musicien de cour pour une riche famille dans un domaine éloigné, mais il a finalement été attiré par Vienne où il a reçu de nombreuses subventions et a été traité comme une célébrité. L’ opus magnum de Haydn, La Création , un oratorio célébrant le livre biblique de la Genèse, a été créé lors d’une représentation privée pour une société de nobles mélomanes viennois. La Création a été présentée en public au Burgtheater de Vienne en 1799 et a affiché complet bien avant la représentation. Pendant son séjour à Vienne, Haydn est devenu le mentor de Mozart (1756-1791) et le tuteur de Beethoven (1770-1827).

    Fils d’un professeur de musique de Salzbourg, Wolfgang Amadeus Mozart se produit pour la première fois au château de Schönbrunn à Vienne alors qu’il n’a que six ans, aux côtés de sa sœur de dix ans. L’impératrice des Habsbourg, Marie-Thérèse (1717-1780), a payé 100 ducats d’or au frère et sa sœur et leur a offert des vêtements coûteux en remerciement. Mozart est largement considéré comme l’un des plus grands compositeurs de tous les temps. C’est à Vienne qu’il a connu la plus grande réussite financière de sa carrière. Là, lui et sa femme louaient un appartement élégant, achetaient des meubles coûteux, avaient plusieurs domestiques, envoyaient leur fils Karl dans une école prestigieuse (à Prague) et menaient un style de vie luxueux. Le fils et successeur de Marie-Thérèse, Joseph II (1741-1790), nomma Mozart au poste de compositeur de musique de chambre de la cour, lui donnant un salaire en plus des revenus qu’il tirait de ses concerts et d’autres mécènes.

    Cependant, Mozart a souffert financièrement durant ses dernières années. Alors que la guerre austro-turque (1788-1791) fait rage et réduit la prospérité de Vienne et de ses aristocrates, il devient plus difficile d’obtenir des fonds pour les musiciens. Alors même que ses revenus diminuent, ses dépenses restent élevées et il s’endette. Il avait commencé à se rétablir financièrement en trouvant de nouveaux mécènes en dehors de Vienne lorsqu’il meurt brusquement à l’âge de 35 ans d’une maladie qui pourrait être une grippe ou une infection à streptocoque (certains avoquent du poison). L’un de ses plus grands chefs-d’œuvre, le Requiem , est resté inachevé. Pour ajouter au caractère mystique de l’œuvre, sa veuve a affirmé qu’un mystérieux étranger l’avait commandé et que Mozart avait l’impression de composer la messe de sa propre mort.

    Beethoven compte également parmi les compositeurs les plus aimés de l’histoire. Il quitte Bonn pour Vienne à l’âge de 21 ans. Il acquiert rapidement une bonne réputation en tant que pianiste et devient un des favoris de la cour impériale. L’archiduc Rodolphe (1788-1831), cardinal de l’Église catholique et membre de la famille Habsbourg, est l’un de ses plus éminents mécènes. Les concerts les plus rentables de Beethoven sont les reprises de son œuvre célébrant la défaite de Napoléon par le duc de Wellington (opus 91) et de sa Septième Symphonie (opus 92), également inspirée des guerres napoléoniennes. Les réalisations de Beethoven sont d’autant plus impressionnantes qu’il est devenu pratiquement sourd à la fin de sa vie mais a continué à composer de la musique innovante. Sa plus grande est sa Neuvième Symphonie (opus 125), créée à Vienne en 1824. Elle reste l’une des pièces musicales les plus jouées dans le monde entier.

    Schubert (1797-1828), originaire de Vienne, a produit un ensemble d’œuvres acclamées dans sa courte vie grâce au patronage de l’aristocratie de la ville. Sa plus grande œuvre, Winterreise (voyage en hiver), dont les paroles sont tirées d’une série de poèmes de Wilhelm Müller, explore les thèmes de la solitude et de la souffrance. Il est mort à l’âge de 31 ans, probablement de la fièvre typhoïde ou peut-être de la syphilis.

    Brahms (1833-1897), né à Hambourg, a également travaillé pendant la majeure partie de sa vie professionnelle à Vienne. Sa Quatrième Symphonie est souvent citée parmi ses meilleures œuvres. Brahms croyait en la « musique absolue », c’est-à-dire une musique qui ne « parle » de rien en particulier et qui ne fait pas explicitement référence à une scène ou à un récit spécifique. Certains spécialistes pensent cependant que la Quatrième Symphonie pourrait avoir été inspirée par la pièce de Shakespeare, Antony and Cleopatra.

    Après les époques de la musique classique et de la musique romantique, Vienne a continué à jouer un rôle majeur dans l’innovation culturelle. Elle a été au centre du mouvement Art nouveau au XXe siècle et a produit des artistes célèbres tels que Gustav Klimt (1862-1918), né à Vienne. Mais Vienne reste surtout connue pour ses réalisations musicales aux XVIIIe et XIXe siècles.

    La musique anime l’existence humaine depuis la préhistoire

    La datation au carbone suggère que les flûtes excavées en Allemagne et sculptées dans de l’ivoire de mammouth, ont entre 42 000 et 43 000 ans. La plus ancienne mélodie écrite, conservée sur une tablette cunéiforme en argile, est une ode à une ancienne déesse des vergers, composée pour la première fois aux alentours du XIVe siècle avant Jésus-Christ. La plus ancienne composition musicale entièrement intacte et traduite, comportant à la fois des paroles et une mélodie, pourrait remonter à 200 avant J.-C. et est écrite en grec ancien. Elle est gravée sur une colonne de marbre marquant la tombe d’une femme nommée Euterpe (littéralement, « bien se réjouir »). Elle portait comme il se doit le nom de la Muse de la musique. Les paroles de la chanson, que l’on pense avoir été écrites par le veuf d’Euterpe, se lisent comme suit :

    « Tant que tu vis, brille
    N’aie aucun chagrin
    La vie n’existe que pour un court instant
    Et le temps exige son tribut ».

    L’air est joyeux, une célébration de la vie d’Euterpe. Vous pouvez entendre une interprétation grecque de cet air ici.

    Des siècles plus tard, à Vienne, Beethoven a lui aussi cherché à transmettre le sentiment de joie dans le mouvement symphonique le plus aimé et le plus joué de l’histoire, l’ Ode à la joie de la Neuvième Symphonie . En tant que moyen puissant d’exprimer et de susciter des émotions, la musique a toujours joué un rôle important dans la vie des Hommes, élevant les esprits à travers les générations. L’humanité n’a cessé de créer de nouvelles techniques et de nouveaux styles musicaux. Mais l’exploit culturel de Vienne est considérable. En produisant tant de compositions musicales qui ont révolutionné le domaine et continuent de résonner auprès du public des siècles plus tard, Vienne a mérité son surnom de « ville de la musique ».

    L’héritage musical de Vienne a enrichi l’humanité. La ville a également démontré le rôle de la prospérité dans le financement des grandes œuvres d’art. Vienne a radicalement changé la façon dont la musique est interprétée, a donné au monde plus de compositeurs révolutionnaires que n’importe quelle autre ville et a été le lieu de naissance de compositions qui, pour beaucoup, représentent le sommet de la réussite musicale. Vienne a donc mérité sa place de vingtième Centre du progrès.

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      Centres du progrès (18) : Edimbourg (Les Lumières écossaises)

      Chelsea Follett · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 6 November, 2022 - 03:50 · 10 minutes

    Notre dix-huitième Centre du progrès est Édimbourg. La ville était au cœur des Lumières écossaises , une période essentielle de l’histoire intellectuelle qui s’est étendue du XVIII e au début du XIX e siècle. Les penseurs des Lumières écossaises ont fait d’importantes percées en économie, mathématiques, architecture, médecine, poésie, chimie, théâtre, ingénierie, portrait et géologie.

    Aujourd’hui, Édimbourg reste le centre intellectuel et culturel de l’Écosse ainsi que sa capitale. Le nom de la ville vient d’un vieux mot celtique, Eidyn, qui est un nom pour la région, et burgh qui signifie forteresse. Ville vallonnée située sur la côte est de l’Écosse, Édimbourg abrite un célèbre château datant au moins du XII e siècle. Le château d’Édimbourg est l’attraction touristique la plus visitée d’Écosse, attirant plus de deux millions de visiteurs rien qu’en 2019. La ville abrite également l’université d’Édimbourg, l’une des plus prestigieuses d’Écosse. Parmi les surnoms d’Édimbourg, citons Auld Reekie (Old Smoky) pour les cheminées enfumées de la vieille ville, parfois aussi appelée l’Athènes du Nord en raison de son rôle de centre de la philosophie. La vieille ville médiévale et la nouvelle ville néoclassique d’Édimbourg forment un seul et même site du patrimoine mondial de l’UNESCO.

    Des preuves archéologiques suggèrent que la zone où se trouve aujourd’hui Édimbourg est habitée depuis au moins 8500 ans avant Jésus-Christ. Les principaux habitants étaient des tribus celtiques. Au fil des siècles, la région a été gouvernée par divers peuples, dont les Celtes brythoniens de langue galloise. Édimbourg est passée sous domination écossaise vers 960 après J.-C., lorsque le roi Indulf l’Agresseur s’est emparé de la colonie. Édimbourg est devenue la capitale écossaise en 1437, en remplacement de Scone.

    Au XVIIIe siècle, l’Écosse venait de traverser des décennies de troubles politiques et économiques. Les perturbations ont été causées par l’éviction de la Maison Stuart par la Maison d’Orange, les rébellions jacobites, l’échec du coûteux projet colonial Darien, la famine et l’union de l’Écosse et de l’Angleterre en 1707. Pourtant, l’Écosse et plus particulièrement Édimbourg allait s’engager dans un nouveau voyage passionnant.

    Si vous pouviez visiter Édimbourg à l’époque des Lumières écossaises, vous pénétriez dans une ville froide, compacte et fortifiée, aux rues sinueuses et pavées. L’auteur écossais James Buchan a décrit la ville de l’époque comme « incommode, sale, démodée, alcoolique, querelleuse et pauvre » . Mais à travers le brouillard on pouvait voir la chaude lueur des lumières aux fenêtres des bâtiments universitaires, des maisons accueillant des sociétés de lecture et des réunions de clubs et des tavernes servant du haggis et du whisky à des clients discutant de philosophie. La ville était animée par l’énergie des nouvelles idées et l’esprit de la recherche scientifique. Bien qu’Édimbourg n’ait compté alors que 40000 habitants, elle était peuplée de grands esprits s’attaquant aux grandes questions.

    La culture religieuse de la ville était favorable aux nouvelles idées. L’Église presbytérienne dominante venait d’entreprendre une campagne d’alphabétisation couronnée de succès. L’Écosse, qui était alors l’un des pays les plus pauvres d’Europe occidentale, affichait peut-être le taux d’alphabétisation le plus élevé du monde. La faction dominante au sein de l’Église presbytérienne était composée d’ecclésiastiques modérés et ouverts d’esprit qui ont noué des liens étroits avec de nombreuses figures clés des Lumières écossaises et ont encouragé leurs travaux. Il existait également une faction plus conservatrice au sein de l’Église presbytérienne qui dédaignait les travaux des savants des Lumières et avait même tenté d’excommunier le philosophe David Hume (1711-1776) pour hérésie. La partie modérée de l’Église, mieux connectée, a protégé Hume de l’ex-communication.

    Le révérend William Robertson (1721-1793), presbytérien modéré, devint le directeur de l’université d’Édimbourg et fonda en 1750 l’une des sociétés intellectuelles les plus importantes du siècle des Lumières écossais. La Select Society d’Édimbourg de Robertson comptait parmi ses membres des sommités comme Hume, le philosophe et historien Adam Ferguson (1723-1816) et l’économiste Adam Smith (1723-1790).

    Les Lumières d’Édimbourg

    À l’instar des salons parisiens du siècle des Lumières, les nombreuses sociétés de lecture et les clubs d’hommes intellectuels qui ont vu le jour à Édimbourg ont contribué au succès de la ville.

    Contrairement à Paris, où les femmes tenaient souvent des salons, les normes culturelles sexistes excluaient les femmes des rassemblements intellectuels d’Édimbourg, à de rares exceptions près, comme la poétesse et mondaine Alison Cockburn (1712-1794). Une femme moderne ne souhaiterait pas vivre dans l’Édimbourg du XVIII e siècle, mais les hommes de l’époque trouvaient inestimables les possibilités de réseautage et de débat offertes par les différents clubs de la ville. L’écrivain français Voltaire affirmait en 1762 que « c’est aujourd’hui d’Écosse que nous [les Européens] tenons les règles du goût dans tous les arts, depuis la poésie épique jusqu’au jardinage. »

    L’Écosse a laissé sa marque dans le domaine littéraire, produisant des personnalités telles que l’inimitable poète Robert Burns (1759-1796) et le romancier édimbourgeois Sir Walter Scott (1771-1832). L’Écosse est également à l’origine de nouveaux goûts en matière d’aménagement paysager, d’architecture et de décoration intérieure, en grande partie grâce à l’architecte Robert Adam (1728-1792), élevé et formé à Édimbourg. Avec son frère James (1730-94), ils ont développé une nouvelle approche de l’architecture connue sous le nom de « style Adam » qui a influencé de nombreuses résidences dans l’Angleterre du XVIII e siècle, en Écosse, en Russie et aux États-Unis après l’indépendance, où il a évolué vers le « style fédéral ». L’Écosse a également ouvert la voie en matière de peinture de portraits grâce à des peintres édimbourgeois de bon goût tels qu’Allan Ramsay (1713-1784) et Sir Henry Raeburn (1756-1823).

    Si le siècle des Lumières écossais a apporté de nombreuses contributions aux arts et aux lettres, il a également donné lieu à des travaux révolutionnaires dans le domaine des sciences.

    Thomas Jefferson , en 1789, a écrit :

    « En ce qui concerne la science, aucun endroit au monde ne peut prétendre rivaliser avec Édimbourg. »

    Le géologue édimbourgeois James Hutton (1726-1797) a redéfini son domaine en développant bon nombre des principes fondamentaux de sa discipline.

    Le chimiste et physicien Joseph Black (1728-1799), qui a étudié à l’université d’Édimbourg, a découvert le dioxyde de carbone, le magnésium et les importants concepts thermodynamiques de chaleur latente et de chaleur spécifique.

    Le médecin William Cullen (1710-1790) a contribué à faire de l’école de médecine d’Édimbourg le principal centre d’enseignement médical du monde anglophone. Il y a contribué à la formation de nombreux scientifiques de renom, dont Black et l’anatomiste Alexander Monro Secondus (1733-1817). Ce dernier a été le premier à détailler le système lymphatique humain. Sir James Young Simpson (1811-1870), admis à l’université d’Édimbourg à l’âge de quatorze ans, a ensuite mis au point l’anesthésie au chloroforme. Cette invention a grandement amélioré l’expérience des patients en chirurgie. Elle a également sauvé la reine Victoria et d’innombrables autres femmes de souffrances inutiles pendant l’accouchement.

    Le siècle des Lumières écossais a également fait progresser les mathématiques et l’ingénierie.

    Le mathématicien et professeur de l’université d’Édimbourg Colin Maclaurin (1698-1746), un enfant prodige entré à l’université à l’âge de 11 ans, a apporté des contributions notables aux domaines de la géométrie et de l’algèbre. L’ingénieur civil Thomas Telford (1757-1834), qui a travaillé un certain temps à Édimbourg, était si prolifique qu’il a été surnommé le Colosse des routes (un jeu de mots sur l’une des sept merveilles du monde antique, le Colosse de Rhodes). L’ingénieur et inventeur écossais James Watt (1736-1819) a grandement amélioré la conception de la machine à vapeur et a ainsi contribué à la révolution industrielle.

    L’auteur américain Eric Weiner a affirmé que la clé du succès soudain et inattendu d’Édimbourg était le sens pratique écossais. L’Encyclopædia Britannica, fondée à Édimbourg en 1768 et donc une invention des Lumières écossaises, affirme également que les diverses réalisations de la ville reposent sur plusieurs évolutions notables de la philosophie écossaise, qui ont toutes un caractère pratique. Il s’agit du scepticisme à l’égard de l’école de pensée dite rationaliste (selon laquelle toutes les vérités peuvent être déduites par le seul usage de la raison), de l’accent mis sur les méthodes empiriques de recherche scientifique, de l’émergence d’une philosophie du « bon sens » et des tentatives de développement d’une science de la nature humaine.

    La popularisation de l’empirisme est l’une des plus grandes contributions des Lumières écossaises au progrès humain. Dans le même ordre d’idées, le « réalisme du bon sens », mis en avant par des penseurs tels que Ferguson, mettait l’accent sur les observations du monde réel plutôt que sur la théorisation abstraite et considérait que l’homme ordinaire sans instruction était l’égal d’un intellectuel en matière de bon sens élémentaire. Le réalisme du bon sens a influencé la pensée des pères fondateurs des États-Unis, Thomas Jefferson et John Adams, entre autres. Le Traité de la nature humaine de Hume (1739), qui compte parmi les ouvrages philosophiques les plus influents de l’histoire, est le texte fondateur des sciences cognitives.

    Le désir de comprendre le comportement humain a donné naissance non seulement aux sciences cognitives mais aussi à l’économie.

    Adam Smith est largement considéré comme le fondateur de l’économie moderne. Son ouvrage intitulé An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations (1776) a été l’un des premiers à aborder des sujets tels que la division du travail et les avantages des économies de libre-échange (par opposition au mercantilisme et au protectionnisme). Non seulement cet ouvrage a influencé la politique économique peu après sa publication, mais il a contribué à définir les termes du débat économique pendant des siècles. Tous les grands penseurs économiques depuis Smith, y compris ceux qui étaient en profond désaccord avec lui, comme Karl Marx, ont néanmoins cité l’Écossais et se sont penchés sur ses idées.

    En créant le domaine de l’économie, Smith a aidé l’humanité à réfléchir aux politiques favorisant la prospérité. Ces politiques, y compris la liberté économique que Smith préconisait, ont depuis contribué à élever le niveau de vie à des hauteurs inimaginables pour Smith et ses contemporains ( explorez les preuves par vous-même).

    Édimbourg était un improbable centre de progrès. Un lieu relativement petit, négligé et inhospitalier a émergé d’un siècle d’instabilité pour prendre le monde d’assaut. L’alphabétisation généralisée, l’ouverture d’esprit, les débats intenses lors des rencontres intellectuelles et une base pratique ont contribué aux succès de la ville. Édimbourg était essentiellement une petite ville universitaire qui s’est distinguée par ses réalisations humaines.

    Le père fondateur américain Benjamin Franklin a noté :

    « L’université d’Édimbourg possédait un ensemble d’hommes vraiment grands… comme il n’en est jamais apparu dans aucune époque ni aucun pays ».

    Pour ses innombrables réalisations, et en particulier pour avoir donné à l’humanité l’empirisme et l’économie, Édimbourg, à l’époque des Lumières, est à juste titre notre dix-huitième Centre du progrès.

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