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      Confinement : entre prudence collective et espérance de vie

      Hadrien Gournay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 2 February, 2021 - 03:40 · 10 minutes

    Covid-19

    Par Hadrien Gournay.

    La cause était entendue. Les confinements ont des effets pervers mais sont nécessaires. Le modèle suédois aurait échoué. Quant au Brésil de Bolsonaro et aux États-Unis de Trump, les reportages et commentaires ont insisté sur l’hécatombe qu’ils subissaient. Mais le plus grand nombre de morts est-il le seul critère pour juger de l’échec des mesures ?

    Aujourd’hui, le ton a légèrement changé. Certaines chaines d’information en continu permettent d’exposer les arguments contestant le confinement et non simplement d’évoquer leurs effets pervers.

    La notion de prudence collective

    En tant qu’humains, nous sommes confrontés à des choix. Certains de ces choix présentent une configuration particulière. Une des branches de l’alternative, celle de l’action, nous laisse espérer un agrément de nature matérielle ou spirituelle, mais nous expose également à un risque grave d’événement négatif, risque pouvant parfois aller jusqu’à la mort. L’autre branche, celle du renoncement ou de l’abstention, nous prémunit du risque mais ne nous promet aucun agrément.

    Pour un choix éclairé, nous devons bien sûr prendre en compte l’intensité de l’agrément escompté et du mal redouté. Mais cela est insuffisant. Nous devons également intégrer à notre réflexion la probabilité de survenance des événements. Ainsi, face à un risque grave mais très peu probable, un agrément modéré mais très probable peut justifier de prendre le risque.

    Toute activité humaine comporte un danger. À titre d’exemple, aucune activité sportive, qu’il s’agisse de courses (de vélo, de cheval), de sport collectif ou de combat n’en est dépourvue. À ne considérer que l’intensité des risques que nous courons, nous devrions nous dispenser de vivre.

    Pouvons-nous transposer ce raisonnement que chacun pratique intuitivement à l’échelle individuelle à l’échelon d’une société ? Dans ce cas, la probabilité devient une fréquence. La société laisserait les individus faire des choix de vie créant pour d’autres un risque d’événement négatif grave à condition que la fréquence de ces évènements soit minime. C’est d’ailleurs ce qui est fait.

    Qui peut dire que le respect des limites de vitesse supprime le risque d’accident ? La circulation automobile n’est pas interdite pour autant. Nous avons à notre disposition à domicile des substances et des dispositifs capables de faire naître des incendies ou de provoquer des explosions (gaz, electricité).

    Pour l’individu, le déséquilibre des probabilités justifie le choix et pour la société, le déséquilibre des fréquences. Lorsque le choix concerne la société, nous avons la certitude que l’événement négatif se réalisera pour certains même lorsque nul ne sait au juste pour qui.

    Puisque pour l’individu la faculté de discernement à l’égard des risques à accepter et à éviter se nomme prudence, appelons prudence collective celle qui s’applique à une société entière. La prudence collective est voisine de l’utilitarisme mais complète ce dernier en considérant le risque de mourir que celui-ci ignore par nature.

    Covid-19 et prudence collective

    Dans un contexte de pandémie telle que la covid-19, la prudence collective implique qu’éviter des décès ne soit pas toujours la logique prioritaire. Le quoi qu’il en coûte , principe de protection maximale contre les événements négatifs adopté par le gouvernement et le chef de l’État, affirme exactement l’inverse. Le risque que l’on craint, la mort, oblige à préserver la vie humaine au prix au besoin de la liberté individuelle et des activités au cœur de la vie économique et sociale de chacun.

    En réalité, ce choix affiché dans la lutte contre le coronavirus n’a pas été total. Nous n’avons pas été confinés en permanence.

    Or, le quoi qu’il en coûte macronien ne s’oppose pas seulement à la doctrine de la prudence collective mais également à la conception classique des droits de l’Homme exprimée dans la déclaration de 1789. Selon cette tradition un simple risque de contagion même mortel ne légitime pas de porter atteinte à la liberté, l’autonomie ou l’indépendance individuelle. Le partisan du quoi qu’il en coûte affirme au contraire que si. Mais au nom de quoi sinon au nom de l’importance qu’a une chose pour chaque vie humaine ?

    Ce faisant, il croit possible, contrairement à la conception classique des droits de l’Homme, une comparaison inter-individuelle de ce qui a de l’importance pour chacun. Il estime pouvoir mesurer l’importance relative de l’agrément prohibé pour les uns et du risque de décès annihilé pour les autres. Dès lors, il devra aussi comparer la somme des agréments et des décès empêchés par la mesure coercitive. Comment justifier de ne pas évaluer aussi la fréquence des événements ? Forcé finalement de considérer cette fréquence, il reconnaîtra le principe de la prudence collective.

    Par conséquent, le principe de protection maximale ou quoi qu’il en coûte n’offre pas une doctrine cohérente ou défendable. Si elle était supérieure aux droits de 1789, la prudence collective lui serait alors préférable. Une autre manière de réfuter le quoi qu’il en coûte est de pousser sa logique à l’absurde. Faudrait-il confiner les Français à chaque épisode contagieux ?

    Aussi, la doctrine que nous avons présentée, la prudence collective, offre la seule possibilité de défendre le confinement . Or le confinement est censé réduire le nombre de décès et préserver notre espérance de vie. Tâchons de mesurer l’importance de l’espérance de vie au regard de la prudence collective.

    Prudence collective et espérance de vie

    Diverses considérations désignent l’espérance de vie comme un bon outil de mesure des effets positifs du conditionnement.

    Tout d’abord, nous donnons régulièrement la priorité au risque de décès.

    Ensuite, la notion de prudence collective exige de ramener à l’échelle d’un individu moyen les biens et les maux qui touchent les sociétés et qui résultent de leurs choix. Or, une approche statistique prend mieux en compte les fléaux associés à la maladie que le ressenti personnel. Notre expérience quotidienne ne nous permet guère de les appréhender. Ce n’est pas tant en raison de leur diversité (décès, séquelles durables du virus, passage en réanimation), que de leur répartition inégale. Le porteur asymptomatique du virus ne fait pas l’expérience de la réanimation.

    Pour mieux comprendre l’intérêt de l’espérance de vie, partons d’une population fictive. Dans la situation de départ, tous les habitants meurent à 85 ans. Apparaît un virus tuant toutes les personnes âgées de plus de 80 ans. Lorsque le virus arrive, les personnes âgées de 80 à 85 ans forment 1 % de la population et il leur restait en moyenne 2,5 années à vivre.

    Avec un virus présent une seule année, de combien d’années en moyenne chaque habitant a-t-il vu sa durée de vie amputée ? La réponse est simple nous devons diviser 2,5 ans par 100 ce qui nous fait aux alentours de neuf jours.

    Qu’en serait-il si le virus devait durer 100 ans ? La réponse est évidente : 5 ans.

    De combien serait affecté le calcul de l’espérance de vie de la population après la première année ? La réponse est 5 ans.

    Le calcul de l’espérance de vie permet d’anticiper les effets de certaines conditions sanitaires présentes une année sur la toute la durée de vie d’une population.

    Autrement dit, il est parfaitement légitime de comparer dès la première année une vie de confinement au gain d’espérance de vie lié au confinement. Il serait faux d’additionner les gains annuels d’espérance de vie les uns après les autres.

    Confinement et espérance de vie

    Le gain d’espérance de vie lié au confinement dépend :

    • de la perte d’espérance de vie des français en fonction d’un nombre de morts donné du covid ;
    • du nombre de morts que le confinement aurait permis d’éviter.

    Cet article répond à la première question.

    La première vague épidémique qui avait tué 30 000 personnes avait fait perdre aux Français six mois d’espérance de vie. Ils perdraient donc deux mois d’espérance de vie tous les 10 000 morts au cours de l’année.

    Certes, l’Insee estime que les Français ont perdu six mois d’espérance de vie au cours de 2020. Cependant les confinements contribuèrent également à la baisse des accidents de la circulation. De semblables effets ont atténué les effets de la maladie sur la baisse d’espérance de vie globale.

    Dans l’allocution télévisée destinée à annoncer et justifier le deuxième confinement, Emmanuel Macron retenait une hypothèse de 400 000 morts si rien n’était fait. Le confinement nous aurait ainsi permis de préserver six années et demi d’espérance de vie.

    Cependant, certaines données relativisent ces prévisions pessimistes. Régulièrement présentés comme particulièrement laxistes, les pays comparables qui n’ont pas confiné, n’ont guère fait pire que la France.

    Les chiffres pour 100 000 habitants :

    • États-Unis : 135
    • France : 113
    • Suède : 113
    • Brésil : 107

    La différence entre la France et le pire de ces pays, les États-Unis, représente 22 morts pour 100 000 habitants. Cela équivaut à un mort, âgé en moyenne de 85 ans, tous les 4545 habitants.

    Si nous devions attribuer cette différence à notre gestion plus rigoureuse de la pandémie, nous aurions évité 14741 décès sur 67 millions d’habitants. Nous aurions sauvé près de trois mois d’espérance de vie. Le développement de l’épidémie à Mannhaus semble cependant corroborer le pessimiste scenario macronien. Conservons ces deux modèles pour encadrer notre réflexion.

    Premières conclusions

    Faut-il s’imposer toute la vie les contraintes que nous avons connues cette année pour gagner trois mois d’espérance de vie ? Peu de personnes feraient un tel choix. Sans doute, un plus grand nombre accepterait ces contraintes pour gagner 6 ans et demi d’espérance de vie. Toujours est-il que l’arbitrage entre qualité et durée de vie ne parait plus si déraisonnable.

    Rappelons les bases.

    Si le gain d’espérance de vie dû au confinement était de trois mois cette année, cela ne signifie pas qu’il serait de trente mois au bout de dix ans. Un tel gain de trois mois cette année signifie donc que si les mêmes conditions sanitaires devaient perdurer, nous vivrions simplement deux mois de plus en moyenne avec un confinement permanent que sans.

    La plupart des Français estiment aujourd’hui qu’il faut savoir se priver de cinéma, théâtre, sports, restaurant et rassemblements de toute nature pour sauver 15 000 vies. Accepteraient-ils de se priver toute leur vie de ces aspects de l’existence pour gagner 15 000 vies par an ? C’est en tout cas la conséquence logique de leur choix initial.

    Notre évaluation reste pourtant incomplète. Le confinement a d’autres effets positifs, liés ou non au covid-19 (baisse des passages en réanimation, des cas de covid longs, des autres maladies contagieuses et accidents de la circulation). Il nous faudrait décrire plus précisément les effets négatifs du confinement pour lesquels nous avons implicitement fait appel au ressenti personnel de tout un chacun. Nous n’avons d’ailleurs pas la prétention d’être exhaustif ni dans n’avoir la possibilité.

    Peut-être celui qui mènerait cette réflexion jusqu’au bout conclurait aux effets globalement positifs du confinement. Nous voulons simplement insister sur le fait que lorsque l’on met toutes les données sur la table en vue d’un examen attentif, elles ne confirment pas toujours une impression première ou les fausses évidences.

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      Éviter le reconfinement en nous prenant nous-mêmes en charge

      Jean-Paul Laplace · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 1 February, 2021 - 04:45 · 8 minutes

    reconfinement

    Par Jean-Paul Laplace.

    Nous vivons une situation paradoxale, tiraillés entre des contraintes sanitaires de précaution, et un désir de plus en plus violent de retrouver la liberté . Les uns sont plus sensibles à la peur du virus et à la logique des médecins, et respectueux des règles ; les autres, pleins d’une espérance factice, narguent les risques et les recommandations, et sont oublieux des gestes barrière élémentaires.

    Réagissant de manières très diverses aux contraintes imposées par la pandémie, ou en son nom, les Français se répartissent selon des gradients où pèsent à l’évidence l’âge et la catégorie socio-professionnelle, mais sans tout expliquer.

    Le ras-le-bol gagne la rue

    Il a fallu du temps pour que le masque soit adopté, mais au final une large partie de la population s’est montrée très disciplinée. Les enfants et les jeunes sont remarquablement dociles face à cette contrainte, alors que bien des adultes rechignent à masquer leur nez, ne couvrant que le bas de leur visage.

    Mais, progressivement, les comportements ont évolué . L’agacement a conduit à la forfanterie et multiplié les actes ostentatoires d’indiscipline, masque autour du cou ou porté au poignet. Puis les incivilités se sont multipliées, entraînant la dispersion dans la nature de masques rageusement jetés au sol avec un mépris libérateur.

    À ces mouvements épidermiques ont succédé des actes plus réfléchis de contournement des mesures de couvre-feu. Les restaurateurs se sont beaucoup exprimés, de manière contenue ; certains ont évolué vers la préparation de plats à emporter ou à livrer, mais d’autres ont déverrouillé le désespoir ou la colère qui les ont conduits à la provocation, en ouvrant leur établissement , en cachette ou au grand jour.

    Enfin, certains ont choisi la désobéissance aux règles visant à limiter les rassemblements, et pris part à diverses formes de fêtes nocturnes , au mépris de leur propre santé, indifférents aux risques qu’ils imposaient aux autres.

    Ainsi des comportements de plus en plus transgressifs, attestés par des sondages, témoignent de la montée d’un rejet des contraintes sanitaires et de l’état d’urgence sanitaire renouvelé . L’idée même d’un troisième confinement devient source de détresse.

    Si l’acceptabilité du premier confinement était de 93 % (18 mars), elle n’était plus que de 67 % (29 octobre) pour le second , et n’atteint que 48 % pour la perspective d’un troisième confinement , selon le récent sondage L’Opinion en direct réalisé par l’institut Elabe pour BFMTV.

    La construction d’un consentement

    L’épidémie gonfle, lentement mais sûrement. L’hypothèse d’une troisième vague a été envisagée au vu de l’évolution dans certains pays. Puis on a constaté un plateau et l’on a cru éviter cette nouvelle vague. Mais au lieu d’une décrue, c’est un plateau régulièrement ascendant qui s’impose.

    Il n’est que d’écouter les différents médias pour constater qu’ils battent le tambour de guerre depuis deux semaines au moins. Il est urgent de restaurer du consentement à la perspective d’un troisième confinement.

    Il faut créer une situation de communication très asymétrique, dans laquelle les politiques pourront exprimer la force de décisions difficiles mais jugées nécessaires, à moins qu’ils ne soient eux-mêmes piégés par l’idée d’un troisième confinement assénée par les médias. Mais la rumeur enfle et prépare les Français inquiets à accepter comme inéluctables des décisions peut-être salvatrices mais très contraignantes.

    En quelque sorte une mise en condition des uns et des autres. La révélation de l’ existence de variants très contagieux, leur faculté de passer d’un pays à l’autre, ont ajouté à l’inquiétude ambiante. Le discours médiatique sur la détection de ces variants sur notre territoire est devenu omniprésent. On en vient à parler d’épidémies dans l’épidémie !

    Cette mise en condition prend toute son importance lorsqu’est annoncée une intervention du chef de l’État. Mais la date n’est pas arrêtée ; on le dit hésitant tant la difficulté est grande. Voilà qui en ajoute dans la montée de l’anxiété, d’autant qu’abondent les contradictions entre membres du gouvernement.

    Le 28 janvier, le ministre chargé de la Santé vient développer les raisons d’être inquiets .

    Dès le lendemain, le premier Ministre évoque quelques jours de délais . La préparation de l’opinion est à point, offrant une majorité de personnes favorables ou résignées à un troisième confinement considéré comme sans doute nécessaire.

    Le dilemme : le tout sanitaire ou la vie

    Toutes les raisons sanitaires ont été analysées qui incitent bien des experts à recommander un confinement long et sévère. Nul ne peut l’ignorer. Mais d’autres éléments seront nécessairement pris en compte dans le mix d’où sortira la décision.

    Le deuxième confinement a comporté quelques assouplissements, mais comment envisager un troisième confinement dur alors même que les effets délétères du premier m’avaient conduit à écrire dès le 19 juin 2020 qu’il n’était « pas envisageable d’imposer un nouveau confinement généralisé impliquant l’arrêt des activités économiques ».

    À ce jour la situation générale est à l’origine d’un grand désarroi : endettement de la France, licenciements de masse , fermetures d’entreprises, espoirs déçus par des vaccins qui peinent à être livrés, logistique incertaine opposant élus locaux et administration perçue comme un édredon, flambée boursière et stock options autour d’une grande société pharmaceutique, contre-performance dans la course au vaccin de Pasteur et Sanofi , assortie de licenciements de chercheurs.

    Ces difficultés économiques induisent des difficultés sociales, de la précarité, de la pauvreté, des problèmes de scolarité à tous les niveaux, des violences souvent intrafamiliales.

    Des oppositions intergénérationnelles se font jour. Pourtant les anciens se confinent spontanément et leur éviter l’hospitalisation par la vaccination vise davantage à délester les hôpitaux fragilisés qu’à prolonger des vies chancelantes.

    Aurions-nous oublié que la mort est inéluctable et que sa probabilité augmente avec l’âge ? Selon les données de Santé publique pour la période mars 2020 à janvier 2021 la Covid-19 change peu de chose à la règle : l’âge médian des décès est de 85 ans avec des co-morbidités dans 65 % des cas ; 92,6 % des décès surviennent à plus de 65 ans. À rapprocher de l’espérance de vie à la naissance (données INED) pour les personnes nées en 1950, soit 63,4 ans pour les hommes et 69,2 ans pour les femmes.

    En somme, rien d’extraordinaire. On assiste en fait à l’émergence d’une prise de conscience généralisée des effets désastreux des mesures sanitaires sur l’environnement socio-économique. Le remède ne serait-il pas pire que le mal ?

    Un mal-être profond a gagné toute la population, terreau d’une authentique souffrance morale qui conduit aux extrêmes du lâcher prise ou à l’inverse de la rébellion. Certes, le contexte ne se prête ni à une résurgence du mouvement des Gilets jaunes, ni à une ré-édition de mai 68.

    Il est impératif de préserver l’école, et il est urgent de rouvrir les universités. Je crois les étudiants plus proches de la désespérance que de la rébellion ; ils ont besoin de contacts humains, de transmission culturelle et d’enseignements motivants. Les suicides sont une alerte terrible. Faut-il rappeler la décision du 21 mars 2019 du Conseil constitutionnel (n° 2018-768 QPC) selon laquelle la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant est une obligation constitutionnelle ?

    Je crois les policiers plus affectés par la lassitude et le découragement. Mais ne seront-ils pas tentés à brève échéance de baisser les bras et laisser faire ? Verbaliser pour défaut de masque ou circulation pendant le couvre-feu n’est pas une raison d’être quand l’essentiel fout le camp pour eux comme pour tous les autres.

    Choisir la vie en sachant qu’elle inclut la mort

    Difficile de trancher devant ce télescopage des exigences sanitaires, économiques, sociologiques, psychologiques ! Nous sommes prisonniers d’un flipper géant. Ce jeu peut-il continuer encore longtemps, comme un jeu malsain d’étranglement : confiné, déconfiné, reconfiné… etc. ?

    L’autre solution est de reprendre pied, d’ évaluer son propre niveau de risque et ses exigences de précaution. Les variants sont très contagieux ? Peut-être, mais les armes restent les mêmes : masque, distanciation et hygiène des mains.

    Il serait idiot de détruire durablement notre société, son économie et sa culture, juste parce que nos mouvements d’humeur nous conduiraient à ne pas user de ces moyens simples. En d’autres termes il serait suicidaire de décréter un troisième confinement sévère, juste parce que les mesures barrière sont de moins en moins bien respectées, et que la facilité est de réclamer le vaccin comme des enfants gâtés devant le magicien.

    Pour une fois l’État doit accepter de rendre une part essentielle de la responsabilité aux individus. Dit autrement il faut que chacun ré-apprenne à se prendre en charge sans attendre des décisions qui  pourront être critiquées.

    Quant à la mort, pour les plus inquiets, relisons Sénèque ( Consolation à Marcia , titre XX) :

    Rien de plus inégal que la mesure des destinées ; nul ne meurt trop tôt, dès qu’il n’était pas créé pour vivre plus. Le terme à chacun est fixé : il restera toujours au même point ; il n’est soins ni faveur qui puissent le reculer.

    Rien n’a changé depuis 2000 ans.

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      Reconfinement : Emmanuel Macron face au défi de l’acceptabilité sociale

      Jonathan Frickert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 30 January, 2021 - 04:30 · 6 minutes

    Par Jonathan Frickert.

    Reconfinera ? Reconfinera pas ? La question semble désormais tranchée à quelques heures d’une probable nouvelle allocution présidentielle.

    Le chef de l’État envisageait jusqu’alors trois hypothèses : un confinement le week-end, un confinement dur comme au printemps ou un confinement souple comme à l’automne.

    Après une semaine d’incertitudes et de consultations, Emmanuel Macron devrait trancher ce week-end en faveur d’ un reconfinement préventif . Ces hésitations ajoutées à la fin de la mission d’information parlementaire sur la Covid-19 votée ce mercredi laisse apparaître une certaine panique au sommet de l’État.

    Alors que la contestation prend de l’ampleur partout dans le monde, le chef de l’État a-t-il enfin pris conscience de la colère sourde qui frappe le pays ?

    L’Élysée ménage l’opinion

    Ce week-end, le bruit d’un confinement annoncé dès cette semaine par le chef de l’État s’est fait de plus en plus sentir. En début de semaine, l’Élysée a pourtant joué l’apaisement en reportant ces annonces sine die , laissant à Olivier Véran le soin de préparer le terrain par un nouveau point de situation ce jeudi. Après un an de restrictions, le président de la République s‘est laissé le temps de la réflexion en reportant à ce week-end l’annonce d’un probable troisième confinement.

    Si, officiellement, ce report serait dû à l’évaluation du couvre-feu dont l’efficacité « s’estompe » , d’autres raisons semblent peser dans le choix de l’exécutif : les inconnues entourant les variants du virus, mais surtout l’acceptation d’un nouveau confinement par les Français.

    Emmanuel Macron a semble-t-il décidé de ne plus se laisser déborder par les médecins tirant la sonnette d’alarme depuis plusieurs semaines. Parmi eux, outre les propos hallucinants de Jean-François Delfraissy sur un virus « diabolique et beaucoup plus intelligent que ce qu’on pense », l’infectiologue Karine Lacombe a évoqué la semaine dernière un mois de mars « très dur » . Des éléments amenant l’idée d’un confinement préventif afin d’éviter une troisième vague.

    Seulement, là où le gouvernement avait l’habitude de s’interroger sur quels lieux fermer, il s’interroge aujourd’hui sur la meilleure manière de ménager une opinion désormais défavorable à 56 % à un nouveau confinement.

    Ces derniers jours, la détresse des PME s’est encore accentuée avec la double-peine de la fermeture contrainte et de la fin de la doctrine du « quoiqu’il en coûte ». À ce désespoir s’ajoute désormais l’exaspération des Français craignant aujourd’hui davantage le contre-coup social que le virus lui-même.

    Face à cela, la réticence de l’exécutif est d’autant plus justifiée que les manifestations commencent à se multiplier partout dans le monde et en Europe en particulier.

    Une flambée de violence dans plusieurs pays du monde

    Pour cause, plusieurs pays connaissent d’importantes manifestations pour protester contre les mesures prises par leurs gouvernements.

    Au Moyen-Orient, plusieurs pays connaissent une flambée de violence depuis lundi, en particulier au Liban ainsi qu’en Israël, où le troisième confinement en place depuis décembre dernier provoque ces derniers jours des échauffourées dans plusieurs quartiers de Jérusalem.

    L’Europe n’est pas épargnée, notamment en Espagne, mais également au nord de la région. Ainsi, le mouvement « Men In Black Danemark » né, comme les Gilets jaunes, sur Facebook, mène depuis le début du mois de janvier l’opposition à « la dictature du semi-confinement », alors que le pays connaît depuis décembre une fermeture des bars et des restaurants.

    L’escalade de violence est montée d’un cran ces derniers jours. Des poupées à l’effigie de la Première ministre du royaume arborant des menaces de mort ont été régulièrement incendiées ces derniers jours.

    Mais l’État le plus scruté est sans doute les Pays-Bas, revenu au calme mercredi après près de trois soirées d’émeutes où les pillages ont succédé aux affrontements dans les principales villes du pays.

    Ces derniers jours, la Hollande est devenue le symbole de la contestation contre les restrictions sanitaires.

    En cause : la mise en place d’un couvre-feu à compter du 23 janvier. Une première depuis 75 ans entraînant une flambée de violences que le Premier ministre peine à juguler, alors que le bourgmestre d’Eindhoven, réputée pour son club de football, n’a pas hésité dimanche à évoquer un risque de guerre civile .

    Difficile de ne pas voir dans ce qui se passe dans ce pays de longue tradition libérale l’expression d’un mécontentement. Le royaume hollandais n’est pourtant pas connu pour sa propension à la contestation, à l’inverse de la France.

    Une contestation qui monte

    L’Hexagone est étonnamment épargné par ces mouvements alors que le pays est soumis à des mesures similaires à celles que connaissent nos voisins et ce depuis un an.

    Les frictions semblent toutefois prendre de l’ampleur ces derniers jours, avec l’émergence du hashtag #JeNeMeReconfineraiPas puis de #DésobéissanceCivile depuis ce week-end.

    Loin des gazouillis twitterresques, c’est le secteur de la restauration qui a ouvert la voie, et en particulier Stéphane Turillon. Ce restaurateur a décidé de rouvrir son établissement à compter du 1er février pour dénoncer la surdité des autorités sur le malaise de la profession. Son appel devrait être suivi, alors que plusieurs réouvertures clandestines se multiplient partout dans le pays.

    Du côté du monde universitaire, dont la détresse a récemment été rappelée , ce sont les étudiants d’une trentaine de facultés qui envisagent désormais une occupation des amphithéâtres et appellent à reprendre au plus vite les cours en présentiel.

    Le pays des contestations égalitaires

    La France est un pays de contestations. Une réputation que les nombreux mouvements du quinquennat Macron n’ont guère démentie. Comment alors expliquer cette lenteur dans la contestation ? Un des arguments les plus probants est sans doute la question de l’égalité.

    Une propension que rappelait Tocqueville dès 1856 dans L’Ancien Régime et la Révolution :

    « [Les Français] veulent l’égalité dans la liberté et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage. »

    Les Français sont davantage attachés à l’égalité qu’à leur liberté, de l’égalité devant la loi en 1789 à l’égalité fiscale des Gilets jaunes canal historique en passant par l’égalité sexuelle en mai 1968.

    L’Histoire aime les symboles. La nation qui a vu naître l’auteur du Discours de la Servitude Volontaire n’a pourtant contribué qu’à une infime partie de celui de La Désobéissance civile , Henry David Thoreau n’étant d’origine française que par son grand-père.

    Cette impression de passivité n’est toutefois que factice tant l’appréhension semble avoir frappé la macronie durant une semaine de tergiversations.

    Reste à savoir si le chef de l’État aura la décence d’en tenir compte.

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      Reconfinement : remettre la liberté au cœur de l’équation

      Olivier Maurice · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 30 January, 2021 - 04:00 · 10 minutes

    reconfinement

    Par Olivier Maurice.

    Folle journée que ce mercredi 27 janvier 2021, où tout a basculé en quelques heures.

    Pendant que se tenait un énième conseil de défense, infusaient un peu partout les échos de la colère d’un président de la République qui aurait été passablement énervé par la position du conseil scientifique et son manque de solution, ou plutôt son acharnement à vouloir imposer la seule et unique solution connue, à savoir un reconfinement dur pour combattre sa peur d’une nouvelle flambée épidémique .

    Il faut dire aussi que depuis la veille, les médias avaient commencé à évoquer les émeutes qui se produisent maintenant chaque soir depuis plusieurs jours dans toutes les villes des Pays-Bas, pour s’opposer, non pas à un confinement, mais à la mise en place d’un simple couvre-feu après 21 heures. Ces violences font écho à d’autres, au Danemark, en Espagne, en Italie, en Israël ou au Liban où les forces de l’ordre débordées ont fait usage de leurs armes.

    Toute la matinée, les réseaux sociaux ont bouillonné de déclarations comme #JeNeMeConfineraiPas, la petite moitié du pays opposée aux mesures sanitaires et au reconfinement voulant faire entendre sa voix.

    L’ombre du en même temps flottait sur le pouvoir, et le pronostic était clairement au statu quo.

    Quand soudain, le vent s’est mis à souffler dans l’autre sens. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, annonçait en effet, à la sortie dudit conseil, que différents scénarios étaient désormais à l’étude, allant du maintien du couvre-feu à celui d’un reconfinement très serré.

    Le signal était très clair : le gouvernement allait essayer de verrouiller le maximum de soutiens en tout genre et il se donnait juste le temps de préparer le discours qui viendrait annoncer les modalités d’un nouveau ruissellement d’interdits et de formulaires.

    C’est ce moment-là qu’a choisi un restaurateur de Nice pour signifier son ras-le bol de la situation en décidant tout simplement de braver les interdits et d’ouvrir son restaurant, sous les applaudissements et les cris de « liberté, liberté » d’un bon nombre de clients venus l’encourager.

    La réaction a été immédiate. Sur les réseaux, #JeNeMeConfineraiPas à fait place à #DesobeissanceCivile.

    Le restaurateur a été mis en garde à vue . Son cuisinier, étranger, va être expulsé. La machine médiatique s’est tout de suite efforcée de sortir les énergumènes les plus folkloriques pour expliquer que ce que l’on pouvait prendre pour une bouffée de révolte citoyenne était en fait un phénomène isolé provenant de la mouvance complotiste des adorateurs du grand spaghetti volant avec des casques à cornes.

    Pendant ce temps-là, à l’Assemblée nationale, le gouvernement poussait sa majorité à dissoudre purement et simplement la commission d’enquête parlementaire sur la Covid le concernant, provoquant la fureur de l’opposition.

    Pendant que le ministre de la Santé, Olivier Véran, tentait d’expliquer aux parlementaires que si les rapports du conseil scientifique n’étaient pas rendus publics, c’est qu’ils étaient trop techniques pour eux .

    Devant un tel flottement au plus haut niveau de l’État, la question n’est plus de savoir s’il y aura un reconfinement, ni de savoir si celui-ci sera suivi d’une explosion de colère.

    La question est de savoir quelle ampleur l’un et l’autre vont prendre. Il reste en effet très peu de chance que l’on évite le scénario du pire, économiquement, socialement et politiquement.

    Reconfinement : la montée des oppositions

    La France est clairement coupée en deux et cette fracture montre les limites du et-de droite-et-de-gauche qui tient lieu de politique gouvernementale et qui, plutôt que de réconcilier le pays, n’a fait que le diviser encore plus profondément.

    De folklorique qu’elle a pu paraître au début de la crise, l’opposition à la réponse politique et sociale au problème médical et surtout organisationnel de l’État français n’a fait qu’enfler, pour être maintenant quasiment à jeu égal avec le parti de la peur et de l’interdiction.

    De plus en plus de voix se font entendre pour dénoncer la fausse évidence d’une solution présentée comme étant la seule possible. Malgré le lynchage moral permanent et l’avalanche de qualificatifs dégradants dont sont systématiquement affublés les moindres opposants à la sainte parole, ce message commence malgré tout à être compris et porté par de plus en plus de Français.

    Nous sommes passés en quelques mois de Didier Raoult à François de Closets … en quelques jours de Francis Lalanne à Laurent Ruquier .

    En parallèle au débat d’idées, l’ineptie des mesures, la désorganisation manifeste des autorités et l’arrogance des responsables politiques, des experts et des médias sont de plus en plus mal supportées par toute une partie de la population qui se voit de plus en plus touchée par les mesures de restrictions.

    Le couvre-feu ciblé ne marche pas ? Il faut instaurer un couvre-feu national. Le couvre-feu à 20 heures ne marche pas ? Il faut instaurer un couvre-feu à 18 heures. Le couvre-feu à 18 heures ne marche pas ? Il faut confiner.

    Quelle sera donc la prochaine étape de cette escalade dans l’absurdité ?

    Un dialogue de sourds

    Cela dit, il semble que la population accepte cette rhétorique ridicule depuis quarante ans : le socialisme ne marche pas , il faut davantage de socialisme et c’est forcément la faute du libéralisme. Il n’est que trop évident qu’en termes de politique sanitaire, nous avons droit exactement au même sophisme : si les restrictions ne marchent pas, c’est parce que les Français ne respectent pas les restrictions . Il faut donc davantage de restrictions.

    Un réel bras de fer s’est engagé entre l’appareil d’État et une partie de la population, cette dernière de plus en plus exaspérée par le manque d’effets malgré les efforts consentis et l’État incapable de se remettre en cause et rejetant le manque de résultats sur les supposés mauvais comportements des citoyens .

    Combien de temps encore les Français vont-ils accepter d’être tenus responsables des défaillances d’un système qui est supposé les servir et non l’inverse ?

    Depuis le début de la crise, le gouvernement cumule les erreurs et ce qui pouvait à l’époque paraître des choix ou des décisions malencontreuses prises devant l’urgence de la situation s’est révélé avec le temps de totales absurdités dont de plus en plus de personnes voient maintenant l’évidence.

    Remettre de la raison dans ce chaos de peurs

    On ne soigne pas les malades en punissant les bien-portants.

    Ce n’est pourtant pas très compliqué comme principe ! Il n’y a aucun calcul, aucun égoïsme ignoble à déclarer une telle banalité !

    Ce serait plutôt l’inverse : les irresponsables, les nuisibles qu’il faudrait mettre sous contrôle, ce sont les politiciens, les experts et les anonymes qui nous expliquent du matin au soir que leur comportement est irréprochable, mais que ce sont les autres qui leur voudraient du mal en faisant n’importe quoi.

    Bien sûr, ces angoissés maladifs sont de bons clients pour le spectacle de l’information. Mais on ne combat pas une épidémie avec des émotions et des leçons de morale.

    C’est cette musique qu’il faut faire taire de toute urgence en remettant les choses à leur place, en contredisant non seulement les politiciens qui en font l’écho, mais surtout tous ces donneurs de leçons du quotidien qui ont clairement besoin qu’on leur remette les pendules à l’heure et qu’on leur dise les yeux dans les yeux qu’il y en a assez de leur narcissisme exacerbé qui les pousse à blâmer les autres en permanence et sans aucun complexe.

    L’excuse de la sidération ne fonctionne plus : cela fait maintenant un an que nous vivons dans cette situation. Cette psychologie inversée sonne de plus en plus faux…

    Il est vraiment temps de prendre les choses au sérieux : apporter une réponse concrète et non pas émotionnelle au problème que la surréaction et la surévaluation ont largement contribué à exacerber.

    L’impasse du reconfinement

    Les innombrables ratés dans la communication, la stratégie, l’organisation, sur les masques, les tests, l’équipement des hôpitaux, puis maintenant sur les vaccins ne font en fait que cacher le fond du problème et celui-ci est d’un ordre bien plus grave.

    Pour quels résultats sommes-nous en train de sacrifier le pays tout entier, la jeunesse et les entrepreneurs en premier lieu ?

    Clairement pas pour investir dans le futur. Le monstrueux coût économique , budgétaire et social est tout entier consacré au colmatage du navire qui fuit de partout et en premier lieu sert à honorer un contrat dont toute une partie de la population est exclue.

    Plus grave, il paraît de plus en plus évident que le poids des défaillances du système de santé est justement supporté par ceux n’y ayant pas accès ou qui ne l’utilisent pas : les lycéens, les étudiants, les indépendants, les précaires, les commerçants…

    Le pays découvre dans la douleur que la solidarité nationale ressemble en réalité à une distribution savante de privilèges destinés à certaines catégories : les salariés des grosses entreprises, les retraités aisés, les fonctionnaires, voire les écoliers… tous ceux pour qui la question de la fin du mois ou de l’avenir n’est pas une source d’angoisse permanente. Les mêmes qui réclament à tue-tête un reconfinement, car quatre semaines de reconfinement, ce sont quatre semaines de vacances payées aux frais de la princesse.

    La précarité des autres trouvait jusqu’à présent sa compensation dans la liberté : la liberté d’être son propre patron, de diriger son travail comme on le veut, celle de pouvoir découvrir le monde à l’adolescence, de choisir son avenir, celle de réaliser ses passions, de créer, de vivre…

    Que reste-t-il de ces libertés ? Quel avenir ont-ils devant eux ? Quand tout cela s’arrêtera-t-il ?

    Ceux-là sont en train de se demander si vraiment tout cela pourra s’arrêter un jour sans qu’ils ne fassent entendre leur voix. Et dans ce pays, on a énormément de mal à exprimer son désaccord calmement…

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      Covid-19 : apprenons à vivre avec pour avancer

      Rafael Guenoun · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 30 January, 2021 - 03:40 · 4 minutes

    Par Rafael Guenoun.

    Aujourd’hui, alors que j’allais acheter des planches de bois à mon magasin de bricolage local afin de réparer des étagères, j’ai été frappé par les produits placés en tête de gondole dès le premier rayon : des masques de différentes tailles, couleurs, design, ainsi que du gel hydroalcoolique et d’autres produits utiles dans la période actuelle ; au cas où vous auriez été plongés dans un coma il y a un an et venez à peine de vous réveiller, nous entrons bientôt dans la deuxième année d’une pandémie tout droit venue de chez nos amis communistes chinois .

    Sur le chemin du retour, petit arrêt dans une épicerie pour y acheter du lait pour mon fils. Masques obligatoires et disponibles à l’entrée pour les personnes n’en possédant pas, distributeurs automatiques de gel hydroalcoolique dernier cri, et joli balisage au sol pour rappeler aux clients les distances socialement appropriées.

    Pizzeria et ordre spontané

    À trois minutes de la maison, j’ai l’opportunité de voir la toute nouvelle fenêtre de ramassage installée par la pizzeria locale sur la façade est de l’établissement, qui permet aux clients de récupérer leur repas commandé par téléphone, depuis leur voiture, en quelques secondes à peine. Dans le silence de l’habitacle de ma Jeep, je bénis le capitalisme et ce que Hayek a nommé l’ordre spontané .

    En effet, ici, tous ces établissements privés ont recueilli une information de terrain (qu’attendent d’eux les consommateurs pour continuer à venir acheter leurs produits) et l’ont utilisée pour trouver des solutions à la frilosité des clients, en pleine pandémie.

    Certes, là où j’habite, le port de masque en espace clos est obligatoire. Cependant, toutes ces entreprises ont effectué des investissements durables, dont la fenêtre de pick-up est la plus parlante, et qui dépassent largement les obligations réglementaires.

    Pourquoi ? Hé bien, simplement parce que, d’une certaine manière, l’absence de visibilité économique actuelle est une forme de visibilité. Les hommes politiques feraient d’ailleurs bien de s’en inspirer. Pour faire simple : nous pouvons parler d’un monde d’avant le Covid, mais pas du monde d’après, car le monde d’après est le monde de maintenant .

    Ce qu’a compris Mélenchon

    Alors que Bruno Le Maire claironne depuis l’année dernière que reviendront les beaux jours et la croissance après la crise, il est triste de voir que seul un Jean-Luc Mélenchon semble avoir compris que le virus est là pour rester et qu’il s’agit maintenant d’apprendre à vivre en parallèle de lui.

    Au passage, il profite de l’occasion pour nous vendre une sorte de planisme sous stéroïdes, la « société de roulement », qui ferait sans doute pâlir d’envie les mêmes gouvernants chinois qui nous ont mis dans cette panade.

    Imaginez un instant vivre dans un monde où vous pouvez vous rendre chez le boulanger de 16 h 15 à 16 h 30, mais que les portes vous seraient fermées dès 16 h 31. Et quid du petit, qui avait école de 15 h 12 à 17 h 27, mais que vous n’avez pas pu récupérer, car vous n’avez pas le droit de circuler en voiture, sauf entre 15 h 32 et 16 h 08… Je caricature, mais vous comprendrez que l’idée, mise en pratique, tend à une imbuvable expansion des pouvoirs publics. Si le confinement est une prison, la société par roulement est une prison plus grande encore, et à ciel ouvert.

    Cela étant dit, même Stéphane Bancel, le PDG de Moderna, l’admet : ce virus est là pour longtemps (voire pour toujours), et l’inéluctable apparition de variants successifs doit nous amener à penser la vie avec le Covid, plutôt que cachés de ce dernier. Le prochain confinement, qui semble arriver à grands pas, sera vraisemblablement le dernier, car – je reconnais à Mélenchon ce point – on ne peut pas continuer à vivre en stop-and-go .

    Comme je le précisais dans mon dernier billet , je fais partie des personnes les plus précautionneuses en temps de pandémie, et je m’auto-confine volontiers, notamment du fait de comorbidités dans ma petite famille.

    Pourtant, je reconnais aux autres l’envie de sortir le bout de leur nez, et je pense qu’il serait dès à présent préférable que nous apprenions à vivre maintenant, peut-être masqués, de préférence vaccinés, certes à distance, mais – en tout état de cause – que nous nous adaptions à la nouvelle situation, plutôt que d’attendre une résolution magique ou providentielle du problème.

    Comme le dit Stéphane Bancel (peut-être aussi pour prêcher pour sa paroisse) : nous allons « vivre avec ce virus comme on vit avec la grippe » . Une fois la vaccination mise en place efficacement, il faudra multiplier les rappels, en fonction des nouvelles souches, chaque année. Oubliez donc l’après-Covid.

    Bref, il est temps pour toutes et tous de construire sa propre fenêtre à pizza.

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      Et maintenant, le confinement à titre préventif

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 29 January, 2021 - 04:30 · 7 minutes

    confinement

    Par Nathalie MP Meyer.

    Le porte-parole du gouvernement l’a confirmé hier 27 janvier 2021 à l’issue du Conseil de défense sanitaire, il est bel et bien question de confiner la France un peu, beaucoup, passionnément, à la folie – mais plutôt à la folie – pour la troisième fois depuis moins d’un an, le tout dans une cacophonie de « paroles d’experts » sur fond de variant anglais, de peur préventive et de principe de précaution qui n’éclaire pas vraiment la prise de décision.

    Le Président de la République a certes fait savoir qu’il attendait de disposer d’études sur les résultats de la mesure de couvre-feu avancé à 18 heures ainsi que sur l’impact des mutations du coronavirus avant de décider. Mais tout indique maintenant qu’à ce stade de la pandémie où la vaccination de la population est encore trop limitée pour contrarier son évolution, on s’avance à brève échéance vers des mesures restrictives supplémentaires qui pourraient même prendre la forme d’un « confinement très serré ».

    Confinement : faire le bilan, excellente idée

    Faire le bilan de ce qu’on a fait plutôt que de se lancer tête baissée dans une nouvelle couche de coercition sans savoir si c’est le moins du monde efficace : en voilà une bonne idée ! Car si vous vous rappelez, le couvre-feu à 18 heures a été appliqué dans certains départements à partir du 2 janvier 2021 puis étendu à quelques autres le 10 et le 12 et déployé sur la France entière le 16 sans aucune analyse préalable, si ce n’est par conformisme avec ce qui se faisait en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Israël au même moment. Confidence d’un proche d’Emmanuel Macron :

    On ne s’en sort pas si mal, mais on est à la merci d’un reconfinement : tout le monde ferme autour de nous.

    C’est l’un des drames du politicien – drame pour les citoyens, naturellement : il doit montrer qu’il « fait quelque chose », surtout si son concurrent s’agite de son côté, quitte à faire n’importe quoi, à l’aveuglette, à la va-vite et « quoi qu’il en coûte » . Avec l’argent des autres, cet argent des autres qui seul finance les idées géniales de nos dirigeants et fonctionnaires, rien de plus facile, rien de plus enivrant… et rien de plus illusoire et destructeur à terme.

    À quoi s’ajoute un second drame découlant du premier : à force de vouloir « faire quelque chose » pour ses concitoyens, à force de vouloir les aider, les protéger, bref, à force de vouloir baliser tous les instants de leur vie au nom de son sens tout personnel de ce que doit être la vie des autres, le voilà de plus en plus convaincu qu’il est investi d’une mission quasi divine qui ne souffre ni contestation ni exception.

    Si l’on applique ceci à la gestion du Covid-19, force est de constater que les décisions de confinement et autres couvre-feux sont loin de se limiter à répondre aux nécessités de la situation sanitaire. J’en veux pour preuve ce que déclarait la préfète des Hautes-Alpes, très professeur des écoles, alors que son département faisait partie du lot des quinze départements assignés à un couvre-feu dès 18 heures à partir du 2 janvier :

    Il s’agit d’une mesure permettant de freiner un peu plus la propagation virale, mais surtout de faire prendre conscience à chacun que ce sont nos comportements qui doivent faire inverser les courbes, en respectant le port du masque, les gestes barrière ou bien les consignes d’isolement qui, par leur non-respect, engendrent des contaminations multiples.

    Rétrospectivement, on s’aperçoit que dans les quinze départements concernés, la baisse des contaminations avait commencé avant la date où l’on pouvait espérer voir un effet de la mesure. On constate en outre, comme on pouvait le prévoir, que cette idée qui a consisté in fine à entasser les gens dans les magasins et les supermarchés entre 17 et 18 heures pour contrer ce que certains élus ont appelé de façon complètement hors-sol et méprisante « l’effet apéro » n’a finalement pas eu le résultat escompté.

    Mais peu importe puisque, comme le dit madame la Préfète, il s’agissait « surtout » d’enfoncer dans nos crânes de Gaulois réfractaires forcément irresponsables que notre santé est directement proportionnelle à notre obéissance aveugle à toute décision étatique, aussi absurde soit-elle. Et Dieu sait que si le monde entier applique des mesures de restrictions anti-Covid à plus ou moins grande échelle, le monde entier qualifie aussi la France d’Absurdistan en ce domaine.

    Gageons donc que dans le rapport qui sera remis à Emmanuel Macron, la mesure de couvre-feu à 18 heures sera jugée très insuffisante (le porte-parole du gouvernement l’a d’ailleurs déjà laissé entendre) alors qu’elle était surtout idiote. Mais qui dit « insuffisant » dit évidemment qu’il faut faire plus, plus haut, plus fort, d’où le « confinement très serré » qui nous pend au nez.

    Pourtant, on est loin du consensus médical

    On a d’abord l’inénarrable Delfraissy , alarmiste en chef et chef du Conseil scientifique. Qualifiant le variant britannique de « virus diabolique et plus intelligent qu’on ne le pense » , il préconise un confinement préventif séance tenante, autrement dit même si la situation à l’instant T ne le justifie pas. Oui, on est dans une situation de plateau avec une faible progression de l’épidémie, mais cette « impression de stabilité est trompeuse » , justifie-t-il. J’espère que vous voyez la force de l’argument.

    Devant l’agacement que ses propos ont réussi à susciter à l’Élysée, il a déclaré ensuite dans un entretien à Libération qu’on n’était pas « à une semaine près » . Mais cette idée du confinement préventif contre le variant anglais, confinement qui sera d’autant plus court qu’on le mettra en place rapidement, et éventuellement le « der des der » à condition que la vaccination suive, est néanmoins soutenue par de nombreux médecins. Par le professeur Philippe Juvin , chef de service des urgences de l’hôpital Georges Pompidou et par ailleurs maire LR de La Garennes-Colombes, par exemple.

    Il faut certes que la vaccination avance, d’autant que les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna semblent efficaces contre les nouveaux variants, et pendant ce temps les gestes barrières restent de mise si les circonstances l’exigent.

    Mais quant au reconfinement préventif, d’autres médecins comme l’urgentiste Gérald Kierzek (voir ici) ou l’épidémiologiste Martin Blachier s’en inquiètent.

    Ce dernier fait remarquer (vidéo, 10′) qu’on en sait encore peu sur la contagiosité réelle du variant anglais, qu’il n’est pas forcément le seul facteur explicatif de la hausse des contaminations que le Royaume-Uni a connue et surtout qu’on voit mal comment on pourrait sortir un jour du confinement si l’on décidait de confiner en dehors de toute accélération significative de la pandémie, sans critère médical spécifique, mais juste parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait :

    C’est tellement grave un confinement que ça doit être justifié par des chiffres épidémiologiques et pas uniquement par l’hypothétique présence d’un variant.

    J’avoue que je suis très sensible à cet argument. Car oui, c’est grave, un confinement. Les répercutions psychologiques, économiques, sociales et familiales sont immenses. Après deux confinements et une flopée de mesures intermédiaires, nous sommes bien placés pour le savoir.

    Il est certain que si l’on ne sort, ni ne bouge, ni ne rencontre plus jamais personne, on ne tombera jamais de vélo, on n’aura jamais d’accident de voiture et on ne croisera probablement pas de coronavirus. Mais on ne vivra pas non plus ; on mourra à petit feu sans avenir ni perspective. L’Homme n’est pas fait pour rester dans sa caverne, éternellement paralysé par des éventualités. Il est fait pour répondre intelligemment à des réalités.

    On peut toujours espérer que dans ses évaluations, Emmanuel Macron prendra en compte l’ensemble des destructions liées directement ou administrativement au Covid-19, pas seulement la peur d’avoir à faire face, peut-être, au déjà célèbre variant anglais qui agit sur nos esprits comme un épouvantail.

    Mais à entendre le porte-parole du gouvernement, cela semble assez peu probable, sauf à ce que la lassitude croissante d’une part croissante de Français vis-à-vis d’une vie masquée, enfermée, fossilisée et destructrice ne parvienne à réorienter quelque peu la gestion anti-Covid du gouvernement.

    Sur le web

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      Le confinement ciblé n’est pas discriminatoire

      Maxime Kristanek · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 29 January, 2021 - 03:50 · 5 minutes

    confinement ciblé

    Par Maxime Kristanek.

    La crise sanitaire place le gouvernement français entre le marteau et l’enclume : du côté du marteau sanitaire, il faut restreindre les activités économiques et les rapports sociaux ; du côté de l’enclume économique et sociale, il faut permettre aux entreprises de fonctionner et aux individus d’avoir un minimum de contacts sociaux. Est-il possible de limiter le nombre de morts du à la pandémie sans sacrifier nos entreprises et notre vie sociale ?

    Concernant les chiffres français, nous savons que 89 % des patients en réanimation présentent des co-morbidités et que 90 % de ceux qui décèdent ont plus de 65 ans, et/ou présentent des comorbidités. Nous ne sommes donc pas égaux face au virus : les individus âgés avec des co-morbidités sont beaucoup plus vulnérables que les autres.

    La mise en place d’un confinement ciblé

    L’infectiologue Odile Launay a suggéré de mettre en place un confinement ciblé . Il s’agit de confiner seulement les individus vulnérables, ce qui signifie que ceux en bonne santé pourraient reprendre leurs activités. Dans un tel cadre, les universités, les salles de sport, les stations de ski, les restaurants, les bars et les lieux culturels réouvriraient.

    L’argument en faveur du confinement ciblé est d’ordre utilitariste. L’ utilitarisme est la doctrine éthique selon laquelle nous avons le devoir de choisir les actions qui maximisent le bien-être du plus grand nombre. En adoptant ce confinement ciblé limité à certaines parties de la population, on maximise les intérêts du plus grand nombre : les individus non vulnérables travaillent et retrouvent une vie sociale et les individus fragiles sont protégés du virus en étant confinés.

    À plusieurs reprises, le président de la République et des membres du gouvernement ont écarté cette solution, jugée éthiquement problématique. Plus précisément, ce type de mesure serait discriminatoire : certains seraient confinés sur des critères d’âge et de santé, tandis que d’autres pourraient jouir de leurs libertés. La discrimination est moralement condamnée parce qu’elle est un traitement désavantageux injustifié visant un certain groupe. Elle constitue une violation du principe d’égalité, énonçant que les individus doivent être traités de la même manière.

    Un confinement ciblé serait-il discriminatoire ?

    L’argument du gouvernement consiste à énoncer que toute rupture du principe d’égalité constitue une discrimination. On peut pourtant douter de la vérité de cette affirmation car dans certaines situations, il n’est pas discriminant de traiter les individus de manière inégalitaire. Si la différence de traitement, même désavantageuse, repose sur des justifications valables, alors elle n’est pas considérée comme une discrimination.

    Par exemple, il ne paraît pas discriminatoire de taxer davantage ceux qui ont des revenus élevés. Il semble injuste qu’un milliardaire paye les mêmes impôts qu’un travailleur payé au salaire minimum. Le traitement différentiel désavantageux est justifié par l’écart de revenu.

    Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement français ne traite pas de la même manière les citoyens sans que cela apparaisse discriminatoire. Par exemple, les professionnels de discothèques ont l’interdiction de travailler, contrairement aux employés de supermarché. Cette différence de traitement est justifiée : les discothèques sont des lieux de forte contamination, et ne remplissent pas un rôle essentiel, contrairement aux supermarchés.

    On peut justifier le confinement des individus vulnérables car du fait de leur âge ou de leur état de santé ils ont davantage de risques de développer une forme grave de la maladie. Pour cette raison et afin d’être protégés, ils doivent être confinés. Il apparaît en revanche injustifié de confiner les personnes en bonne santé de moins de 65 ans qui ne développent pas de forme grave dans l’immense majorité des cas.

    Une deuxième raison de pratiquer un confinement ciblé est que la majorité des individus fragiles (retraités et personnes ayant de graves problèmes de santé) ne travaille pas, contrairement à la majorité en bonne santé. Rappelons que les hôpitaux et les retraites sont financés principalement par le travail des individus non vulnérables. Il est donc avantageux pour les plus fragiles que les autres continuent de travailler afin de financer leurs retraites.

    Critère biologique et critère économique

    On pourrait objecter que traiter de manière différente des individus sur la base de critères économiques ou professionnels n’est pas la même chose que traiter de manière différente à partir de critères biologiques, la vulnérabilité étant ici considérée comme la fragilité biologique d’un organisme humain pour se défendre face au virus. Le critère économique serait acceptable, contrairement au biologique, sur lequel on n’exerce aucune prise : on ne décide pas d’être âgé ou d’être diabétique.

    Pourtant, l’État traite déjà différemment les individus sur la base de critères biologiques. Par exemple, les personnes présentant des handicaps physiques ou mentaux importants perçoivent des aides publiques auxquelles n’ont pas accès les non-handicapés. On pourrait rétorquer qu’il ne s’agit pas là de discrimination, car le traitement différentiel est avantageux.

    Mais on pratique aussi des traitements différentiels désavantageux sur la base de critères biologiques sans que soit évoquée une discrimination.

    Par exemple, pour exercer certaines activités professionnelles (pompier, policier, pilote, etc.), il faut passer des épreuves physiques, et ceux qui échouent à cause d’un handicap biologique, inné ou acquis, sont disqualifiés.

    Autre exemple : les personnes non-voyantes ne peuvent détenir un permis de conduire. Si le traitement différentiel sur la base d’un critère biologique est justifié, alors il ne s’agit pas de discrimination. On voit mal ainsi pour quelle raison le critère de différenciation biologique serait, en soi, discriminatoire.

    Ainsi, en situation de crise sanitaire, il n’est pas discriminatoire de traiter différemment les individus avec un organisme vulnérable. Ainsi, il n’est pas discriminatoire de seulement confiner les personnes fragiles en vue de les protéger et permettre à celles en bonne santé de travailler et reprendre une vie sociale.

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      Pandémie : l’échec des États, pas de la liberté

      Diego Taboada · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 28 January, 2021 - 04:15 · 6 minutes

    pandémie

    Par Diego Taboada
    Un article de Podcast Liber-thé

    Dès les premières semaines de la pandémie, il y a bientôt un an, bon nombre de commentateurs, par conviction ou intérêt, ont vu dans ce virus la manifestation des « excès du néolibéralisme ». La croissance et le libre-échange auraient engendré le Covid, les frontières ouvertes favorisé sa prolifération et les coupes budgétaires et les politiques « d’austérité » mis à nu les systèmes de santé.

    Un regard rapide en arrière confirme que les épidémies n’ont pas attendu la mondialisation pour sévir. Si un monde globalisé accélère la propagation d’un virus, il ne faut pas oublier qu’il a surtout rendu les sociétés plus résilientes à travers la création de richesses qui a permis l’amélioration des systèmes de santé dans le monde entier.

    De plus, la circulation de l’information a par exemple catalysé le développement de tests et de vaccins à une vitesse record . Les pourfendeurs de la liberté et de l’échange se trompent sur les causes, mais ont toutefois raison quand ils affirment que cette crise met en évidence les limites du système. Non pas celles du libéralisme, mais celles des États, en particulier en Occident.

    L’échec des États, pas de la liberté

    Une année après le début de l’épidémie le constat est clair : les États ont échoué. Tant l’absence de stocks de masques , l’échec systématique du traçage de contacts et les difficultés à mettre en place un processus de vaccination massif ont dévoilé les failles de l’État au grand jour.

    Les confinements généralisés, qui ont été présentés comme une décision courageuse d’un « État qui protège », sont en fait la matérialisation de ses limites . Ils s’imposent comme solution de dernier recours quand on a perdu le contrôle de l’épidémie. C’est un aveu d’impuissance majeur.

    C’est bien la faillite des États comme institution à laquelle nous assistons depuis bientôt une année. Bien qu’ils interviennent dans de plus en plus de domaines de notre vie, ils n’ont manifestement pas été à la hauteur de ce qu’on attendait d’eux. En effet, un État tentaculaire qui croit devoir s’occuper de tout, ne finit par s’occuper de rien. Cet échec met alors en exergue l’impossibilité structurelle pour une seule institution, aussi puissante et monopolistique soit-elle, de prévoir et d’organiser une société de manière centralisée.

    Cet échec est encore plus frappant si l’on considère, à l’instar des mouvements collectivistes, que l’État serait capable de prévoir le temps long, car il serait indépendant des contraintes de court terme qui paralysent les individus et les entreprises. Il n’en est rien.

    Par ailleurs, cette crise a permis de rappeler un problème de fond : les citoyens placent des attentes démesurées en l’État , alors que celui-ci est par essence incapable de remplir les missions en question, ou du moins pas de façon plus efficace qu’une entité privée. En mettant les différents aspects de leur vie (éducation, retraites ou encore santé) dans les mains de l’État, les citoyens ne peuvent qu’être déçus.

    Dans sa critique du projet socialiste et centralisateur, Hayek mettait déjà en cause le principe de planification d’une société . Non pas seulement pour des aspects moraux ou politiques qui vont de soi pour toute personne attachée à la liberté, mais à cause des limites cognitives humaines.

    Peut-on vraiment attendre qu’une poignée de hauts-fonctionnaires ou de ministres anticipe et planifie chaque événement qui pourrait potentiellement surgir ? Comment prétendre être capable d’appréhender l’information dans toute sa complexité ?

    Après tout, les responsables politiques ne sont pas des surhommes éclairés, mais des individus comme les autres. Cette incapacité à réunir les informations nécessaires et représentatives des désirs individuels explique à elle seule pourquoi la préférence pour des solutions centralisées est une approche vouée à l’échec.

    Ainsi, les limites de l’État sont avant tout des limites humaines ; l’arrogance de croire qu’un groupe d’individus est capable de rassembler tout le savoir et l’information qui circulent dans nos sociétés afin de pouvoir la diriger n’est que rarement pointé du doigt.

    Or, comme l’explique Pierre Bentata dans un récent pamphlet , avec la débandade à laquelle on assiste, c’est le mythe de l’État omnipotent et protecteur qui s’effondre. Les responsables politiques ont échoué, car l’État ne peut pas tout.

    La liberté a de beaux jours devant elle

    À première vue, il serait légitime de craindre que la liberté soit toujours davantage remise en question à la suite de cette crise. Elle a en effet beaucoup été restreinte , noyée dans des états d’urgence exceptionnels qui semblent se prolonger sine die . Il est d’ailleurs frappant d’observer comment la liberté est désormais considérée comme un obstacle à la bonne gestion de crise, plutôt que comme la valeur cardinale de nos sociétés.

    Nous subissons probablement les frais de notre lâcheté collective qui a consisté à abandonner la liberté comme projet et comme tradition durant les dernières décennies, comme le dit si bien François Sureau.

    Toutefois, la liberté a de beaux jours devant elle, n’en déplaise à ses critiques. Il y a d’une part fort à parier qu’après avoir été privé de presque toutes nos libertés, nous assistions à un sursaut du désir de liberté que nous chérirons à nouveau à sa juste valeur.

    Par ailleurs, l’événement qui était censé sonner le glas de la mondialisation et du « néolibéralisme », a prouvé son efficacité.

    La course aux vaccins en est un exemple parlant : la mondialisation des échanges a accéléré la transmission des savoirs et la mobilisation des intelligences pour développer un vaccin en moins d’une année. C’est aussi la recherche du profit qui a poussé les entreprises à développer ce vaccin. Une belle illustration de la main invisible : des acteurs privés qui, en cherchant leur propre intérêt, agissent pour le bien de tous.

    Il est alors essentiel de tirer les bonnes conclusions de cette crise. La liberté est au fondement des échanges et de l’esprit d’entreprise. Le « monde d’après » ne doit donc pas consacrer la subordination des individus au service du collectif. Ceux-ci doivent cesser de chercher le salut dans l’action de l’État, car la stratégie du plus d’État est vouée à l’échec.

    Les États modernes doivent au contraire réapprendre à se recentrer sur leurs tâches essentielles de garants des libertés individuelles. Seul un État agile sera capable de faire face aux défis du XXIe siècle.

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      Covid-19 : évaluation des stratégies contre la pandémie

      Gabriel Lacoste · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 28 January, 2021 - 03:30 · 10 minutes

    stratégies

    Par Gabriel Lacoste

    Le 5 janvier 2021, le Journal de Montréal diffuse la nouvelle suivante :

    Submergés par des cas de Covid-19 qui battent des records depuis plusieurs semaines, les services d’urgence de Los Angeles ont commencé à rationner l’oxygène et les lits.

    Le réflexe de la majorité ? « Il faut respecter les mesures. »

    Pourtant… Voici, chronologiquement, l’histoire des infections en Californie :

    • du 3 au 25 novembre 2020 : croissance modérée des infections.
    • le 14 novembre 2020 : l’État de la Californie décrète un couvre-feu.
    • du 25 novembre au 2 décembre 2020 : les infections atteignent un plateau.
    • le 3 décembre 2020 : l’État de la Californie ordonne un confinement dans les zones les plus touchées.
    • du 3 au 21 décembre 2020 : les infections explosent.
    • du 21 décembre 2020 au 14 janvier 2021 : deuxième plateau.
    • après le 14 janvier : baisse des infections.

    Un esprit observateur peut en conclure que les restrictions gouvernementales ne fonctionnent pas. En effet, même s’il existe un temps d’incubation de sept jours avant d’en voir les effets, entre le 3 et le 21 décembre, il y a 18 jours. Ensuite, aucune mesure gouvernementale ne peut expliquer la baisse du 14 janvier. Une autre variable est donc clairement en jeu. Manifestement, le couvre-feu du 14 novembre n’a pas empêché le drame des hôpitaux.

    Ce dernier ne suffit pas à justifier les mesures, il faut démontrer leur efficacité. Or, le cas de la Californie nous donne des raisons d’en douter. De telles observations, il y en a d’autres :

    • Durant le printemps et maintenant depuis le 10 janvier, la Suède a réussi à courber les infections sans jamais ordonner de restrictions comparables aux autres pays européens.
    • À partir du 4 novembre, les infections en Espagne ont baissé de façon comparable à la France, en suivant sensiblement la stratégie modérée de la Suède. Elles sont reparties à la hausse depuis le 6 janvier ; mais en général, les pays d’Europe suivent tous une évolution en trois vagues.
    • Le Japon et la Corée du Sud n’ont pas adopté nos restrictions, ni éradiqué le virus et ne vivent aucun drame sanitaire.

    Ce sont les « cygnes noirs » de la pandémie ; c’est-à-dire ces faits qui falsifient nos hypothèses . Que devons-nous en penser ?

    Les stratégies disponibles

    Nos choix sont confus. Ils ne se résument pas à « tout ce que le gouvernement nous demande » ou « vivre comme avant ». En fait, les stratégies suivantes peuvent être distinguées, avec un code couleur indiquant leur sévérité :

    stratégies Éradication du virus par des moyens non-pharmaceutiques

    Tuer le virus avec des restrictions, ça se fait ? Un groupe de chercheurs hautement évalué par les médias le pense. Leurs études s’appuient sur les cas de l’Australie, de la Chine et de la Nouvelle-Zélande . Si eux l’ont fait, nous pouvons le faire.

    Le « risque » associé à cette stratégie n’est pourtant jamais questionné. Tenter de tuer le virus, échouer, s’acharner à essayer plus fort, échouer de nouveau, se justifier devant des médias qui s’impatientent, etc. est dangereux.

    Une étude détaillée de la stratégie chinoise , publiée dans Science , nous permet d’illustrer les limites de ce raisonnement. Ils ont retracé les contacts de 1178 personnes avec 15 000 autres, ils les ont testés, puis les personnes infectées ont été contraintes à l’isolement en milieu hospitalier.

    De façon surprenante, les mesures de confinement ont augmenté les infections au domicile, alors qu’il est, de loin, le principal facteur de contagion (7,2 % de risque vs 0,9 % pour nos amis). Des chercheurs ont suggéré que durant les confinements les plus stricts,une telle dynamique peut avoir causé les clusters dans les établissements pour personnes âgées .

    Ma conclusion ? C’est le traçage des cas contact et l’isolement contraint des personnes exposées qui a fonctionné en Chine, pas le confinement généralisé. Or, cette stratégie ne peut être répétée que si le ratio infectés/population ne dépasse pas un certain seuil , que nous avons dépassé. Voilà pourquoi citer la Chine, la Nouvelle-Zélande et l’Australie comme modèles mérite le scepticisme.

    Les stratégies d’atténuation non-pharmaceutiques

    L’étude la plus citée pour démontrer l’efficacité des interventions non-pharmaceutiques compare les infections dans un monde alternatif où rien n’est fait avec le monde réel, pour conclure que des millions de vies ont été sauvées. Elle contient de nombreux problèmes de méthode . Elle s’oppose aussi à des études qui préfèrent calculer les corrélations entre les taux de mortalité et différentes variables, pour en conclure que la sévérité des mesures n’a pas d’impact observable ( ici et ici ).

    L’amalgame « interventions non-pharmaceutiques » embrouille la réflexion. Ce n’est peut-être qu’une partie de nos changements de comportements qui est responsable de la majeure partie de la diminution des infections. Les défenseurs de cette stratégie vont donc évaluer la contribution d’interventions séparément ( ici et ici ), pour montrer que les politiques les plus brutales ajoutent peu d’efficacité face à celles qui encadrent simplement la vie normale.

    Les cas hautement controversés de la Suède , puis maintenant de l’Espagne , ainsi que de différents États américains, mais aussi du Japon et de la Corée du Sud constituent les contre-exemples empiriques déployés contre la stratégie sévère dominante. La Suède a connu une deuxième vague particulièrement intense, mais ses infections baissent et le pays a donc réussi deux fois à les courber. L’Espagne a réussi à le faire après le temps des fêtes. Les cas sont maintenant en hausse, mais la situation va peut-être se re-stabiliser sans resserrement. Cela reste à voir.

    Jay Bhattacharya et John Ioannidis ont produit récemment une étude sur cette question . Ils ont observé que les populations européennes ont modifié leurs comportements au printemps avant que leur gouvernement le leur ordonne. Donc, la menace d’amendes et l’intervention policière comptent peu. Ensuite, il y a un impact observable entre le taux de reproduction, au début de la crise, puis après les changements de comportements initiés par les populations. Cependant, la sévérité gouvernementale n’aurait contribué que pour 5-10 % de cette réduction, ce que les auteurs estiment « ne pas être significatif ».

    Cette étude porte sur le printemps. Pour en avoir une meilleure idée, il faudra voir comment l’Espagne et la Suède performeront d’ici à la fin de cet hiver.

    La protection focalisée

    Pouvons-nous construire une bulle autour des personnes à risque pendant que le reste de la population s’expose ? Les politiciens et les experts de la méthode fortes disent que non . Deux arguments sont invoqués. Premièrement, l’observation nous montre que les infections passent rapidement des jeunes aux populations fragiles . Ensuite, il est difficile de distinguer les groupes .

    Pourtant, intuitivement, cette stratégie m’apparaît être la stratégie naturelle des populations informées en situation de liberté . Une personne à risque et son environnement vont la déployer indépendamment des directives gouvernementales, car ils y sont motivés à titre personnel. Ils vont porter méticuleusement des équipements de protection, respecter les deux mètres de distance physique, installer une trajectoire libre d’infection, etc. Le rôle de l’État se réduit alors à la simplifier. Cette hypothèse mérite d’être testée plus rigoureusement.

    En fait, les succès de la Suède et de l’Espagne s’expliquent peut-être par le fait que les personnes fragiles et leur environnement s’adaptent spontanément à la situation, lorsqu’elles sont adéquatement informées, indépendamment des directives de leur gouvernement. Combiné aux facteurs saisonniers , il se peut même que cela fonde scientifiquement la structure en trois vagues de la pandémie.

    Les interventions pharmaceutiques

    La vaccination a été largement comprise comme la stratégie ultime qui mettra fin à toute cette affaire. Pourtant, rien n’est encore acquis. Des chercheurs s’inquiètent du variant sud-africain , qui résistera peut-être à notre vaccin. Un groupe de travail Israélien redoute que la vaccination puisse favoriser des mutations qui y résisteront. Le variant britannique, qui se transmet de 30 à 70 % plus facilement , serait vulnérable au vaccin. Cependant, il risque de se diffuser au sein de la population bien avant que le vaccin soit disponible, rendant ce dernier inutile.

    Et le pire ? La méthode utilisée pour tester l’efficacité du vaccin était insuffisante , car le nombre de personnes de l’échantillon susceptible de développer des formes sévères était trop petit.

    De plus, pour évaluer correctement cette stratégie, il faut considérer les souffrances endurées à l’attendre, ainsi que la déstabilisation subséquente de nos sociétés comme étant ses effets secondaires, par opposition à l’acquisition rapide de l’immunité naturelle.

    La non-intervention

    Elle est l’épouvantail agité par les autorités pour taire la critique. C’est la position la plus controversée. Elle est mise en avant par la mouvance Qanon et aurait été pratiquée par les habitants de Manaus, selon une autre étude .

    C’est le calcul des coûts et bénéfices de l’intervention, par rapport à la non-intervention, qui supporte cette approche . Il y a différentes façons de résumer ce calcul :

    1. Le Covid-19 n’est pas aussi dangereux que les médias nous le présentent.
    2. Les conséquences des interventions sont et seront beaucoup plus graves que nous le pensons.
    3. Bien que le Covid-19 soit réellement dangereux, les interventions valorisées pour le combattre échoueront, elles constitueront donc un mal sans bénéfices.

    La mouvance Qanon invoque le premier argument. Selon moi, les meilleurs arguments pour la non-intervention sont une combinaison du second et du troisième.

    À partir du cas de Manaus, certains extrapolent que 400 000 personnes mourraient en France sans interventions . Est-ce que ces morts en valent la peine, si c’est pour sauver la normalité de la vie des 66 millions autres humains ? La question elle-même est moralement odieuse. L’idée de réduire la vie de personnes à un simple moyen de veiller au bien-être des autres est répugnante.

    Il faut nuancer. Dans l’histoire de l’humanité, il y a régulièrement eu des appels à risquer sa vie pour la liberté, la démocratie ou des principes supérieurs. Certains le faisaient volontairement, par sens du devoir. De plus, une personne âgée peut parfois préférer mourir que d’être un fardeau pour ses proches. Les individus ne sont pas seulement motivés par leur propre survie.

    Si la menace qui pèse sur la normalité de nos vies jouissait d’une couverture médiatique aussi généreuse que celle du Covid-19, une partie des personnes à risque accepterait peut-être l’éventualité de mourir de ce virus. Elles le feraient par sens du devoir. Le respect n’exige pas de sauver leur vie, mais de leur présenter le dilemme de façon transparente et complète, puis de les impliquer dans la décision.

    L’efficacité de la stratégie d’atténuation légère et de la protection focalisée constituent un argument contre cette position. S’il est possible de ralentir la progression du virus et de vacciner les personnes fragiles à temps, tout en préservant l’essentiel de la normalité de la vie et protéger les personnes fragiles, ce choix tragique est un faux dilemme.

    Cependant, plus le virus devient contagieux, moins il semble contrôlable et plus les doutes entourent la vaccination, plus la non-intervention devient une stratégie envisageable. Plus la stratégie de mitigation sévère s’éternise, plus elle devient oppressante. Si la stratégie de vaccination qui l’accompagne échoue, les autorités pourraient bien être confrontées à des troubles civils de plus en plus difficiles à contenir.

    Je finirai cet article en attirant le lecteur sur mon intention : défendre rigoureusement la stratégie de mitigation légère contre le conspirationnisme ET le radicalisme sanitaire.

    Si vous ne l’avez pas compris, relisez-moi plus attentivement.