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      Covid : quel degré de dommages collatéraux sommes-nous prêts à accepter ?

      Reason · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 19 October, 2020 - 03:20 · 8 minutes

    dommages collatéraux

    Par Billy Binion.
    Un article de Reason

    La semaine dernière, trois épidémiologistes ont publié une lettre dans laquelle ils dénoncent la stratégie de lutte contre la Covid-19, axée sur le confinement. Leur alternative : un modèle baptisé Focused Protection , présenté donc dans leur déclaration de Great Barrington .

    Ce modèle permettrait de redynamiser la société en permettant aux jeunes de vivre leur vie normalement tout en mettant en place des mesures de protection pour les personnes vulnérables.

    Comme on pouvait s’y attendre, les réactions ont été divisées, comme ont pu l’être chacune des propositions relatives au coronavirus. Elle a été saluée comme le « meilleur conseil » et condamnée comme « grotesque » . Alors, qui a raison ?

    Voyons d’abord le contenu de la déclaration. Selon les Dr Martin Kulldorff de l’université de Harvard, Dr Sunetra Gupta d’Oxford et Dr Jay Bhattacharya, professeur à Stanford :

    « Les mesures de confinement ont des effets dévastateurs sur la santé publique à court et à long terme. […] Parmi les conséquences, on peut citer, entre autres, une baisse des taux de vaccination chez les enfants, une aggravation des cas de maladies cardio-vasculaires, une baisse des examens pour de possibles cancers ou encore une détérioration de la santé mentale en général. Cela va engendrer de grands excès de mortalité dans les années à venir, notamment dans la classe ouvrière et parmi les plus jeunes. »

    Il est certain que le confinement lié au coronavirus a provoqué une série de dommages collatéraux. Une étude publiée en juillet dans The Lancet a conclu que le Royaume-Uni devrait s’attendre à « une augmentation substantielle du nombre de décès par cancer évitables » car « les tests de dépistage du cancer ont été suspendus, les diagnostics de routine ont été reportés et que seuls les cas symptomatiques urgents ont été traités en priorité afin d’être évalués. »

    Un récent rapport d’Oxfam estime que 12 000 personnes pourraient mourir de faim chaque jour en raison des interruptions de la chaîne d’approvisionnement causées par les mesures de confinement.

    Les chercheurs ont également noté une « baisse préoccupante » des taux de vaccination des enfants « en raison des perturbations dans la distribution et le suivi des services de vaccination causées par la pandémie de Covid-19 » , comme l’a expliqué l’Organisation mondiale de la santé et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF). Aussi, les problèmes de santé mentale semblent s’aggraver .

    Bien que l’on puisse s’attendre à ce que les mesures de confinement aient un coût, nous ne voudrions pas que celui-ci soit supérieur aux avantages. Telle est la notion au cœur de la déclaration de Great Barrington, et elle est pertinente.

    Ses auteurs proposent une autre voie à suivre :

    « Une approche à la fois compassionnelle et prenant en compte les risques et les bénéfices consiste à autoriser celles et ceux qui ont le moins de risques de mourir du virus de vivre leur vie normalement afin qu’ils acquièrent de l’immunité au travers d’infections directes, tout en protégeant celles et ceux qui ont le plus de risques de mourir. »

    Toutefois, les recommandations du groupe sur la manière de procéder pour atteindre cet objectif sont quelque peu obscures.

    Voici par exemple l’une des revendications fondamentales de la déclaration :

    « Nous savons que toutes les populations vont finir par atteindre l’immunité collective, c’est-à-dire le point où le nombre de nouvelles infections est stable, et que ce processus peut s’accompagner (sans pour autant dépendre) de l’existence d’un vaccin. Par conséquent, notre objectif devrait être de minimiser la mortalité et le mal fait à la société jusqu’à ce qu’on atteigne l’immunité collective. »

    Bien qu’il soit possible d’obtenir une immunité collective par une contagion de masse, il est assez difficile de trouver une maladie infectieuse majeure qui permettrait d’atteindre une immunité collective durable sans vaccination. Qu’il s’agisse de la rougeole, des oreillons, de la rubéole, de la variole, de la polio et de la coqueluche, toutes ces maladies n’ont été maîtrisées, ou éradiquées, dans le cas de la variole, qu’au moyen d’un vaccin.

    Selon le Dr Christelle Ilboudo , spécialiste des maladies infectieuses à l’université du Missouri :

    « Nous n’avons jamais atteint une immunité collective par un procédé de transmission naturelle contre la plupart des grandes maladies infectieuses à cette échelle. Toutes les principales infections que je connais ont nécessité une vaccination. »

    Pour Bhattacharya, tout cet accent mis sur l’immunité collective et la réaction hostile qui s’ensuit n’est qu’une pure diversion. Il confie au magazine mensuel Reason :

    « La stratégie actuelle de confinement en attendant un vaccin est aussi dans un même ordre d’idées une stratégie d’immunité collective, car vous dites essentiellement : Attendons d’avoir un vaccin et cela donnera à la population l’immunité que nous voulons pour une activité protégée […] Le problème de la stratégie actuelle est qu’elle est absolument mortelle pour les personnes qui ne sont pas exposées à un risque important de Covid-19. »

    Pour certains détracteurs, tels que l’épidémiologiste de Yale Gregg Gonsalves, la déclaration vise même à « éliminer du groupe les malades et les handicapés ».

    Néanmoins, Bhattacharya rejette cette idée :

    « L’objectif est de minimiser la mortalité . Si vous voulez minimiser les décès, vous devez prendre en compte les décès issus des confinements ainsi que du Covid lui-même. Les critiques se concentrent uniquement sur les décès liés au Covid et ignorent les décès liés aux confinements. C’est inadmissible. »

    Alors, comment permettent-ils aux jeunes de continuer à vivre normalement tout en protégeant les personnes à risque ? La déclaration est un peu vague sur ces points.

    « Une liste de mesures, complète et détaillée, incluant des approches pour les foyers comprenant plusieurs générations, peut être mise en œuvre. C’est largement dans la capacité et les prérogatives des professionnels de la santé publique. »

    Cette liste détaillée n’apparait nullement dans la lettre elle-même. Au cours de notre conversation, Bhattacharya mentionne la possibilité de mettre en quarantaine les personnes âgées et les personnes vulnérables dans les hôtels si elles vivent avec des personnes plus jeunes, bien que la faisabilité de cette mesure reste incertaine.

    Et lorsque je lui demande si les masques font partie de la solution, il me répond que « cela dépend du contexte » , en mentionnant les hôpitaux comme lieu où ils devraient être utilisés. Et la distanciation sociale ? Même refrain : « Dans certains milieux, oui. Dans d’autres, ce n’est pas possible ».

    Les écoles sont un exemple typique de ces milieux impossibles. Il dit : « Fermer des écoles parce qu’on ne peut pas rester à deux mètres de distance est criminel. Le mal induit par la fermeture des écoles est si important. »

    Ces fermetures ont notamment eu un impact négatif sur les familles défavorisées disposant de moins de revenus pour la garde de leurs enfants et qui sont souvent peu en mesure de travailler à distance. Aussi, la santé mentale des adolescents en a souffert .

    Il est à noter que les écoles américaines qui ont rouvert n’ont pas encore connu d’épidémies majeures, peut-être en raison des taux de transmission plus faibles de Covid-19 chez les jeunes et de la probabilité moindre qu’ils développent la maladie.

    Une partie de la résistance de Bhattacharya à aller plus en détail avec moi semble être motivée par un ressentiment envers les mesures unidirectionnelles que nous avons subies au cours des sept derniers mois. C’est normal. Mais aucune alternative viable n’a encore émergé à ce jour. « Nous parlons d’une infinité de combinaisons, n’est-ce pas ? » me demande-t-il.

    Leur modèle ne semble pas non plus inclure de contre-mesures à mettre en œuvre à grande échelle. Par exemple, un programme de tests fiables et peu coûteux a souvent été suggéré comme un moyen possible d’échapper aux directives qui portent atteinte à nos libertés, avec la possibilité de cibler les cas positifs avant que l’un d’eux ne devienne un super-diffuseur. Rien de cela dans la déclaration.

    Selon Dr. Bhattacharya, de telles mesures devraient en fait être éloignées de la société dans son sens large. Mieux, il ajoute :

    « Tout notre modèle consiste à rediriger ces différentes ressources – les  tests, les masques, les interventions non pharmaceutiques, les thérapies – vers les différents services de protection des personnes vulnérables. »

    Pour terminer, Bhattacharya a mis le doigt sur ce qui mettra tout le monde d’accord : la politisation de la Covid-19 :

    « Les masques sont devenus un débat politique où d’un côté, l’un vous regarde et vous dit : « Oh, vous portez un masque. C’est que vous êtes donc trop peureux et que vous ne défendez pas les libertés individuelles ». Alors qu’en face, un autre vous regarde et vous dit : « Vous ne portez pas de masque. Vous détestez certainement les autres parce que vous êtes en train d’essayer de les tuer » »

    Cet animosité mutuelle va bien au-delà des masques et explique en partie le soutien massif dont Bhattacharya et ses collègues ont bénéficié pour leur déclaration. Cette dernière n’est pas parfaite, et elle a certainement quelques lacunes à combler. Mais elle pose une question cruciale : quelle est l’ampleur des dommages collatéraux ?

    Traduction par Brice Gloux pour Contrepoints de A Group of Scientists Wants To Reopen Society. Here’s What Everyone Is Getting Wrong About What They Said.

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      L’instauration du couvre-feu : un pari risqué

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 17 October, 2020 - 03:30 · 5 minutes

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    Par Sylvain Brouard 1 et Martial Foucault 2 .
    Un article de The Conversation

    Bien que les deux-tiers des clusters identifiés de l’épidémie de Covid-19 en France concernent les entreprises, les établissements d’enseignement ainsi que ceux de santé, le président de la République a choisi de lutter contre la deuxième vague de l’épidémie par une nouvelle limitation , nocturne plutôt que géographique, de la liberté d’aller et venir.

    Juridiquement empêché par le Conseil constitutionnel de limiter à 6 personnes les convives autorisés dans un espace privé, l’exécutif a choisi de rendre difficile toute forme d’interactions sociales directes, hors écoles et entreprises, en instaurant un couvre-feu. Ce choix est politiquement risqué.

    En effet, à la veille de son adoption, une enquête Ipsos-CEVIPOF menée du 9 au 12 octobre 2020 auprès de 2060 répondants pour le projet « Attitudes des citoyens pendant la pandémie de Covid-19 » indique clairement qu’une telle mesure est loin de faire l’unanimité.

    41 % défavorables au couvre-feu

    Ainsi, si 35 % des répondants se déclarent favorables à « l’instauration d’un couvre-feu et d’un contrôle des déplacements par la police, la gendarmerie et l’armée », 41 % y sont défavorables (dont 22 % tout à fait défavorables) et 24 % ni favorables ni défavorables.

    Géographiquement, les répondants défavorables (40 %) constituent également le groupe le plus important dans les régions et métropoles concernés par le couvre-feu. Politiquement, les sympathisants des Républicains et du Rassemblement national sont, à ce stade initial, les plus favorables à cette mesure, (respectivement à 47 et 48 %). À gauche, la majorité, au minimum, des répondants y est défavorable. Enfin, moins d’un jeune sur cinq âgé de 18 à 24 ans est en faveur du couvre-feu (19 %).

    La communication gouvernementale est bien évidemment susceptible de faire évoluer ces équilibres en offrant un cadrage approprié justifiant l’initiative prise. Le couvre-feu devrait aussi recueillir l’adhésion plus large des sympathisants de la majorité. À l’opposé, parmi les sympathisants des oppositions, le soutien à la mesure pourrait sensiblement s’affaiblir, particulièrement si les attitudes des leaders des oppositions sont critiques sur la mesure.

    En outre, pendant le confinement, le couvre-feu mis en œuvre dans certaines communes et dont la généralisation avait été discutée, a régulièrement perdu des soutiens à mesure que le confinement durait , passant de 80 % d’opinions favorables à la fin de la première semaine à 52 % fin avril 2020. Il y a donc un vrai risque qu’il n’y ait pas d’adhésion large autour du couvre-feu dans un contexte de fatigue vis-à-vis des mesures de restriction.

    Par ailleurs, le choix d’avoir recours à une mesure aussi exceptionnelle (la quatrième fois depuis la Seconde Guerre mondiale) implique qu’aucune autre alternative n’est possible. Cela pose donc la question de son respect, au vu de la faible adhésion initiale à la mesure. De ce point de vue, les résultats des études sur le suivi, en France, des préconisations gouvernementales pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 sont éclairants. Ils mettent en exergue plusieurs facteurs déterminants.

    Respect du couvre-feu : trois facteurs à prendre en compte

    Premier facteur, les émotions : plus la peur de la Covid-19 est forte, plus les préconisations sanitaires sont respectées. Or, depuis la rentrée, la peur de la Covid-19 est à son niveau plancher.

    Second facteur, le consentement des citoyens concernés. Or celui-ci dépend du niveau de confiance dans les autorités publiques et leurs actions ainsi que dans les scientifiques, mais aussi de la perception d’un respect réciproque des règles sanitaires au sein de la population.

    Sur ce plan, les indicateurs sont de nouveau inquiétants : la satisfaction vis-à-vis de la gestion de la crise du coronavirus par l’exécutif a retrouvé son niveau le plus faible (38 %) et la confiance dans les scientifiques a décliné de 15 points depuis mars 2020. De même, en moyenne, les répondants de notre enquête considèrent que moins de 60 % des Français ont respecté les consignes sanitaires durant les deux dernières semaines.

    Enfin, dernier facteur, le rapport coût-bénéfice informe les comportements sanitaires. Pendant le confinement ou pendant les périodes de télétravail, le respect de la distanciation physique a par exemple été plus répandu, les occasions et incitations à ne pas la respecter étant moins nombreuses.

    Dans cette même perspective, l’objectif du couvre-feu est de rendre plus probable le respect des mesures sanitaires dans l’espace privé en diminuant les interactions sociales… à condition qu’il soit suivi.

    Les bénéfices attendus du respect du couvre-feu seront-ils supérieurs aux coûts associés au refus de s’y plier ? Seule une minorité de répondants (33 %) pensent probables d’être contaminés s’ils reprennent leur mode de vie habituel. De même, 28 % des répondants considèrent les conséquences du coronavirus en France très graves alors qu’ils étaient 56 % fin mars 2020.

    Une situation perçue comme différente du confinement

    Les citoyens semblent donc majoritairement considérer, à tort ou à raison, que ni le pays ni eux-mêmes ne se trouvent dans une situation comparable à celle vécue lors du confinement. Les effets bénéfiques possibles des sacrifices apparaissent donc mécaniquement moindres.

    Les fermetures des bars, restaurants et salles de spectacle à 21 heures vont bien évidemment diminuer les occasions de sortie, rendant plus facile le respect des mesures de distanciation sociale.

    Néanmoins les amendes de 135 euros, puis 1500 euros et les peines allant jusqu’à six mois d’emprisonnement en cas de récidive seront-elles suffisamment dissuasives pour les personnes souhaitant passer leur soirée avec des amis ou de la famille ? En effet, il est peu probable que les contrôles soient suffisamment nombreux pour assigner à résidence nocturne, sans leur coopération a minima passive, près de 20 millions de personnes, à moins de transformer l’État d’urgence sanitaire en État d’urgence tout court ou en loi martiale.

    Les prochaines semaines apporteront des réponses à ces interrogations ainsi qu’à la plus importante de toutes, celle de l’efficacité sanitaire du confinement nocturne. Elle seule justifie en effet cette nouvelle remise en cause des libertés publiques alors que, depuis le 13 novembre 2015, les citoyens français ont vécu autant sous État d’urgence que selon les règles démocratiques normales…

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

    The Conversation

    1. Sylvain Brouard, Directeur de recherche à Sciences Po, Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques, Sciences Po – USPC
    2. Professeur des universités à Sciences Po et directeur du CEVIPOF (UMR CNRS), Sciences Po – USPC .
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      Couvre-feu : la Liberté, cette coquetterie d’un ancien monde…

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 October, 2020 - 03:50 · 7 minutes

    Par Nathalie MP Meyer.

    Oui, je sais, les Français sont très majoritairement favorables aux couvre-feux et autres restrictions de la vie sociale annoncés par Emmanuel Macron dans son interview télévisée de mercredi 14 octobre dernier pour lutter contre la propagation du coronavirus : 73 % des personnes interrogées approuvent les mesures , 94 % sont prêtes à les respecter, 60 % ont trouvé le Président convaincant et 56 % le jugent courageux.

    On dirait que la posture de l’homme fort et chef de guerre a fait encore une fois merveille ! Car rappelez-vous, dès son intervention du 16 mars, à la veille du début du confinement, le chef de l’État nous l’affirmait : « Nous sommes en guerre ! »

    Or comme je l’écrivais l’an dernier à propos de « la guerre contre la fin du monde » dans laquelle l’écologie radicale nous entraîne à marche forcée, la guerre a ceci de bien pratique qu’elle autorise tous les états d’urgence, tous les couvre-feux, tous les rationnements et toutes les mesures d’exception.

    C’est du reste l’une des raisons pour lesquelles l’action politique se décline de plus en plus souvent sous forme d’une guerre impitoyable contre toutes sortes de maux épouvantables contre lesquels le dirigeant promet de protéger son peuple en échange d’une obéissance absolue à tout moment et en tous lieux.

    Emmanuel Macron n’allait certainement pas rater les possibilités offertes par la crise sanitaire pour étendre les filets du paternalisme et de l’État providence sur les Français. Il ne lui reste plus maintenant qu’à faire durer l’affaire jusqu’à la présidentielle de 2022 et le voilà réélu. Il a du reste vendu la mèche sans le vouloir en affirmant qu’on en avait encore jusqu’à l’été prochain avec la pandémie – et ensuite, c’est la campagne électorale qui commence, réunions, meetings, bains de foule, etc.

    À ce stade, objections nombreuses, bruyantes, méprisantes : pures spéculations que tout cela, chère Madame, complotisme, même ! Vous semblez oublier qu’un virus mortel court nos rues et nos poumons, qu’il court même de plus en plus vite – voyez les contaminations chaque jour plus nombreuses – et qu’il faut y mettre un terme radical pour endiguer le flot des victimes sanitaires et économiques.

    Ras-le-bol des délicatesses prétendument libertariennes d’individus tout bêtement égoïstes qui n’ont pas compris que le virus se transmettait. Et les autres ? Et la so-li-da-ri-té ?

    Ah, certes, le virus se transmet, mais « l’infantilisation » – comme dénoncé dans le récent rapport sur la gestion du Covid-19 en France – la mise au piquet, l’interdiction unilatérale de sortie constituent-elles la meilleure méthode pour s’en sortir ?

    Il y aurait beaucoup à dire sur les incohérences et les ratés qui jonchent le parcours anti-Covid du gouvernement, d’abord sur les masques dont le manque a entraîné chez nous un confinement extrêmement sévère et souvent ubuesque de deux mois, et maintenant sur la gestion brouillonne des tests et des cas contacts qui débouche sur un nouvel assaut prolongé d’autoritarisme et de mise en danger économique.

    Que penser, par exemple, d’une mesure qui consiste à demander aux restaurants, théâtres, cinémas, etc. qui s’échinent depuis la sortie du confinement (avec succès d’ailleurs) à se mettre en conformité avec des règles sanitaires changeantes, de fermer purement et simplement leurs portes pour le service ou les séances du soir, compte tenu du couperet de la permission de 21 heures ? Quelle différence pour eux et pour leurs clients entre ce qui se passe la journée et ce qui se passe le soir ?

    Mais plus fondamentalement – et c’est là que les délicatesses libertariennes sont furieusement alertées – la gestion de la pandémie de Covid-19 telle qu’elle est menée par Emmanuel Macron apparaît de plus en plus comme un simple élément d’un projet de société qui joue le collectivisme imposé contre les libertés individuelles .

    Voyez la fin de l’interview. Alors que le journaliste Gilles Bouleau fait remarquer que les perspectives qui se profilent pour les Français sont « assez sombres » et demande en conséquence au Président s’il y a quand même une raison d’espérer, voici la réponse :

    « La raison d’espérer, je vais vous dire : c’est que nous sommes en train de réapprendre à être pleinement une nation. C’est-à-dire qu’on s’était progressivement habitués à être une société d’individus libres. Nous sommes une nation de citoyens solidaires. » (minute 43′ de la vidéo)

    Autrement dit, avant la pandémie, nous vivions dans la fausse idée que la liberté se déclinait au niveau des individus et signifiait que ceux-ci, dès lors qu’ils ne portaient atteinte ni aux biens ni aux personnes, étaient souverains dans leurs choix de vie. Une fausse idée propagée bien à tort par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui figure inexplicablement dans notre bloc de constitutionnalité !

    Heureusement, depuis la pandémie et les courageuses décisions que le gouvernement a dû prendre pour enrayer sa progression, on sait qu’il existe quelque chose qui supplante largement les libertés individuelles et qui transforme une société informe en Nation et des individus en roue libre en Citoyens conscientisés et surtout dociles : la solidarité !

    Mais attention, pas n’importe laquelle ; uniquement la solidarité organisée et imposée par l’État. Ce que vous pouvez faire de votre côté pour « vivre avec le virus » , on s’en fiche, c’est couvre-feu de 21 heures à 6 heures pour tout le monde.

    Quand Emmanuel Macron déclare ensuite :

    « Nous ne pouvons pas nous en sortir si chacun ne joue pas son rôle, ne met pas sa part. Voilà la clef. […] J’ai besoin de chacun d’entre vous, nous avons besoin les uns des autres pour trouver des solutions, pour inventer »

    il ne s’agit nullement de s’en remettre à l’esprit de responsabilité et d’inventivité des personnes ni à leur désir de venir en aide aux autres, mais de demander à chacun d’obtempérer à l’injonction supérieure imposée à tous, dans le plus pur esprit de la propagande de guerre, comme l’atteste l’utilisation de la formule éculée : « J’ai besoin de vous » . Non pas que j’aie besoin de vos idées – les idées, c’est moi et mon administration qui les apportons – mais j’ai besoin de votre obéissance pour qu’advienne le nouveau monde que j’ai dessiné pour vous.

    Bref, c’est seulement à partir du moment où chacun se plie d’un seul mouvement aux obligations et interdictions émises par le pouvoir (ici le couvre-feu) que s’exprime la liberté façon Macron, tandis que les objections relatives à la réduction des libertés individuelles deviennent autant d’attaques contre la solidarité et contre le peuple. Difficile de faire mieux en fait de détournement du sens des mots.

    Imposer la solidarité, c’est exactement comme dire à quelqu’un : « Je t’oblige à m’aimer ». Joli amour que celui qui viendrait d’un individu non libre de ses choix.

    Mais ne nous étonnons pas de cette dérive rampante de notre vie en société. Cela fait longtemps que le mot solidarité qui nous est rabâché en toute occasion a perdu tout sens d’entraide directe et spontanée entre des personnes libres et responsables.

    Il n’est plus qu’une façade démagogique, un maquillage flatteur utilisé par les collectivistes enragés (de quelque horizon politique qu’ils viennent) pour imposer de façon collective, à travers l’impôt par opposition aux dons notamment, leur propres fins sociales et il n’est jamais in fine qu’une expression très révélatrice de leur haine de la liberté des autres.

    Alors oui, un virus mortel court nos rues et nos poumons et il faut s’en protéger. Mais faudra-t-il aussi qu’il tue jusqu’à l’idée de libertés individuelles, ces libertés qui font la beauté du mode de vie occidental ? Faudra-t-il qu’il aille jusqu’à nous transformer en créatures dociles et malléables aux mains de politiciens de plus en plus décidés à organiser la société selon leurs conceptions collectivisées de l’existence ?