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      Maîtriser les dépenses publiques demande d’enrayer l’inflation législative

      François Facchini · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 30 January, 2021 - 03:50 · 13 minutes

    vaccins

    Par François Facchini.
    Un article de l’Institut économique Molinari

    La dépense publique en France est un thème récurrent des campagnes électorales depuis la prise de position de Valéry Giscard d’Estaing , alors troisième président de la Cinquième République, qui affirmait qu’au-delà d’un ratio de 40 % de prélèvements publics obligatoires sur la production (produit intérieur brut), le régime économique pouvait être qualifié de socialiste.

    Elle a aussi été au cœur des débats de l’élection présidentielle de 2017 et indirectement au centre du mouvements des Gilets jaunes de novembre-décembre 2018 qui se plaignaient à la fois d’une trop forte pression fiscale et d’une dégradation des services publics.

    Comme la raison de l’impôt est la dépense, si la dépense est inutile, l’impôt ne se justifie plus. En mai 2018 1 et cela depuis 2014, une majorité de Français estime, de plus, qu’il faudrait réduire la dette publique en engageant une baisse significative des dépenses publiques. Le rapport des Français aux finances publiques : dépenses, impôts et dette apparaît ainsi extrêmement ambiguë voire contradictoire.

    Généralement, la sociologie des finances publiques développe l’idée que la croissance du secteur public et des dépenses en particulier est la conséquence de l’incapacité des marchés à s’autoréguler. La croissance des dépenses publiques et plus généralement de l’intervention de l’État dans l’économie aurait été rendue nécessaire par les défaillances du marché et le caractère nécessairement conflictuel des rapports sociaux en économie capitaliste. On trouve dans cette proposition deux traditions : le néo-keynésianisme et le marxisme.

    La théorie de la croissance endogène permet d’affirmer que pour avoir de hauts niveaux de croissance, il faut mettre à la disposition des entreprises des citoyens éduqués et en bonne santé, des routes, des palais de justice, des chercheurs, etc. La théorie de la régulation développe une idée similaire à partir de la théorie de la lutte des classes.

    Les dépenses publiques sont un moyen de produire de la cohésion sociale. L’État est l’organisation qui permet de produire tout ce qui n’est pas profitable. Il sert la reproduction du capitalisme . Il est une organisation au service du capital. Par exemple, par les dépenses sociales il abaisse les coûts de reproduction de la force de travail.

    Il retarde par son système éducatif et parfois son soutien aux religions la lutte finale et la chute du capitalisme. L’État est l’instance qui socialise les pertes pour permettre aux capitalistes de privatiser les profits. L’augmentation de la dépense publique participe de la forme structurelle de régulation du mode de production capitaliste et plus particulièrement de la gestion de la dévalorisation du capital.

    C’est parce que la consommation privée ne peut pas gérer seule le rapport salarial que l’État met en place des salaires différés qui permettent de mettre en phase l’accumulation du capital et la consommation, c’est-à-dire d’équilibrer une croissance par nature déséquilibrée dans un régime capitaliste sans État.

    Dans ces conditions, la croissance des dépenses publiques ne se fait pas contre le capitalisme, mais à cause de lui. La dépense publique pallie les défaillances du marché et pacifie les relations sociales. Elle achète la paix sociale.

    La conséquence analytique est que c’est dans la logique du capitalisme que de générer de la dépense, car sans ces dépenses le système serait inefficace ou trop conflictuel et ne pourrait pas survivre. On est proche de la loi de Wagner . Le capitalisme favorise le développement et ce dernier induit la dépense publique. Dans le même esprit, on pourrait citer la loi de Baumol .

    La dépense publique augmente relativement à la production parce que la productivité dans les services publics augmente moins vite que dans l’industrie. Là encore, les choix politiques n’ont pas leur place dans l’explication de la croissance de la taille du secteur public.

    Ce sont ces explications qui sont privilégiées par les publications officielles des gouvernements français à travers les Cahiers Français (documentation française) ou le site du ministère de l’Économie et des Finances 2 .

    Ces explications sont mécaniques et ignorent totalement le jeu des compromis politiques dans la formation des choix publics. Elles lavent de tout soupçon les classes politiques et administratives qui, au pire, sont obligées de dépenser plus pour éviter la révolution et au mieux sont dans la nécessité de le faire pour répondre aux besoins des populations en détresse en l’absence de toute intervention de l’État.

    Cette vision radicale et paternaliste de l’État et de la dépense publique n’est pourtant qu’une interprétation de l’Histoire. Elle ne repose ni sur une théorie individualiste des choix ni sur une méthodologie solide et de nature hypothétique comme peut le proposer le travail économétrique.

    Lorsque l’approche individualiste de la dépense publique est adoptée, la dépense publique n’est plus une nécessité, mais la conséquence d’un choix. Le choix est fondamentalement de nature paternaliste et intéressé. Le paternalisme justifie la production de lois et de règlements pour protéger les citoyens. Ce sont ces lois et ces règlements qui génèrent de la dépense.

    Les propos de Benjamin Constant sur l’État mettent sur la voie d’une telle explication. En effet, il identifie deux sources d’intervention de l’État : la redistribution et le danger. La redistribution est une raison parfaitement identifiée par la théorie économique contemporaine des choix publics . Le danger est aussi présent avec le thème de la sécurité et de la protection. On peut sur ces deux termes construire une explication.

    À l’origine, il y a un même constat. L’homme politique ne produit rien. Pour agir, il doit trouver de l’argent. Il agit pour lui-même ou au nom des autres afin de justifier son existence. La conséquence est qu’il est obligé de convaincre les citoyens de son utilité. Il est utile s’il permet aux citoyens d’externaliser les coûts de leurs choix sur les autres (redistribution) ou s’il protège d’un danger.

    Le meilleur argument pour se rendre utile aux yeux de ses concitoyens est de les convaincre qu’il peut les protéger contre les dangers de la vie. Qui dit danger dit demande de protection. Le danger rend l’intervention de l’homme politique utile.

    Historiquement, le principal danger avancé par les hommes politiques fût la menace d’invasion. L’impôt était légitime parce que la guerre était imminente. Ensuite, tous les types de danger ont été avancés pour justifier l’intervention de l’État : la tyrannie du père, l’aliénation religieuse, l’exploitation seigneuriale, la spoliation patronale, la malhonnêteté des marchands, la toxicité de certaines marchandises, l’addiction (alcool, sexe, jeu, drogue, etc.), le crime, la pollution, la pauvreté, le réchauffement climatique, etc. Le danger est lié au risque, mais il ne relève pas d’un calcul.

    Le danger fait peur et la peur justifie le vote de règlements qui, une fois votés, doivent être appliqués. Leur mise application crée une pente glissante qui conduit à la dépense publique et à l’impôt.

    La loi et les règlements induisent deux types de coûts : des coûts publics et des coûts privés de mise en conformité. Ce sont ces coûts qui expliquent le lien très étroit qui existe entre production de lois et de règlements et dépenses publiques.

    Il y a, tout d’abord, les coûts de production de la loi proprement dit qui conduit à une augmentation du budget affecté au Parlement.

    Il y a, ensuite, les coûts d’application de la réglementation. Ces coûts d’application correspondent aux coûts d’administration, aux coûts des délais de réponse des administrations et aux coûts de contrôle. Ils sont initialement à la charge des agents qui sont censés respecter la réglementation et des administrations publiques. Chacun cherche cependant à les faire supporter par la collectivité, à transformer ces coûts en dépenses publiques financées par l’impôt.

    Les coûts d’administration correspondent à l’ensemble des ressources affectées par les administrations publiques et privées pour mettre en œuvre les lois et les règlements. Ils sont associés au concept de paperasserie ( red tape ). Les coûts de celles-ci peuvent être nommés des coûts jumeaux. Les coûts supportés par les agents le sont aussi par l’administration publique.

    Les agents affectent du temps pour :

    • connaître la loi ;
    • remplir des formulaires administratifs ;
    • suivre la procédure ;
    • stocker ces documents ;
    • les faire parvenir à l’administration.

    L’administration publique reçoit ces documents. Elle doit les viser, les stocker et les retourner à l’envoyeur s’ils ne sont pas conformes. Lorsque tout semble en règle, l’administration publique donne son accord.

    Aux coûts administratifs s’ajoutent les coûts des délais réglementaires. Ces coûts correspondent aux coûts induits par les délais d’approbation et/ou les délais de traitement des demandes de permis. Moins il y a d’agents publics et plus ces coûts sont élevés.

    Les entreprises arbitrent entre baisser les coûts de mise en conformité ou baisser les coûts d’administration. De hauts coûts d’administration accélèrent la mise en conformité, car il y a beaucoup d’agents publics et cela accélère les délais d’approbation.

    Moins les agents publics sont compétents et nombreux et plus les délais sont longs. Là encore des agents publics mieux payés peuvent favoriser l’embauche d’individus plus talentueux et capables de réduire les délais d’approbation. Les entreprises sont prêtes à payer davantage pour réduire les délais d’autorisation et de mise en conformité, car sans l’approbation de l’État, ils n’ont pas l’autorisation de commercer ou de reprendre la production ou sont obligés dans certains cas de payer des amendes. Ce qui s’ajoute aux coûts de mise en conformité et aux coûts administratifs.

    Les coûts de contrôle sont les plus visibles. Ils correspondent à l’ensemble des agents publics qui sanctionnent les agents qui ne respectent pas la règle, qui fraudent.

    Par exemple, l’obligation légale de porter une ceinture de sécurité dans une voiture impose l’embauche de gendarmes pour contrôler l’application de la règle. Le gendarme doit s’assurer que les conducteurs attachent leur ceinture. Si les règles se multiplient, il doit aussi s’assurer qu’ils ne téléphonent pas au volant, placent leurs enfants dans des sièges adaptés, possèdent un certificat attestant que leur véhicule a passé le contrôle technique, etc. Plus le nombre des règles est élevé, plus celui des contrôleurs est grand.

    Réglementer n’est donc pas sans coût budgétaire. Réglementer s’apparente, de plus, à une forme d’impôt déguisé qui provoque des stratégies d’évitement.

    La réglementation est une extension de l’impôt.

    Lorsque l’État oblige la scolarisation des enfants, cela n’est pas sans coût pour les familles qui doivent se priver d’une part du travail domestique de leurs enfants. Cela a d’autant plus de conséquences que les familles sont pauvres.

    Imposer l’école conduit logiquement à rendre l’école gratuite, mais cette gratuité n’est qu’apparente, elle exige de lever l’impôt pour financer la nouvelle dépense d’éducation. L’impôt et la réglementation sont ainsi deux manières de financer l’obligation légale, le goût du pouvoir pour certaines pratiques.

    L’école obligatoire et payante fait supporter le coût de l’obligation aux familles. L’école obligatoire et gratuite met les frais de scolarité à la charge des contribuables et ouvre la voie à toutes les formes de marchandages politiques, chacun cherchant à faire peser la charge de la dépense, de l’obligation sur les autres.

    Comme pour l’impôt, les agents vont tenter d’éviter les coûts de l’obligation légale, de cet impôt déguisé qu’est la loi et le règlement. L’obligation légale a donc un coût de même nature que l’impôt que les ménages cherchent à éviter. Cela les conduit à investir en politique, ces ressources investies en politique sont improductives. Elles limitent la progression des revenus et rendent le financement public de la mise en conformité au règlement encore plus nécessaire.

    Lorsque l’impôt est utilisé pour mettre en œuvre la loi, il engage de plus de nouveaux coûts, les fameux coûts de perception de l’impôt. Ceux-ci sont d’autant plus grands que la hausse des impôts favorise aussi des stratégies d’évitement de l’impôt (répercussion sur les prix, fraude et évasion fiscale) qui sont coûteuses pour les contribuables et l’administration fiscale.

    On peut en conclure que le fait générateur de la dynamique des dépenses publiques en France est l’instrumentalisation des dangers par les hommes politiques et la classe administrative qui se proposent de protéger la population contre elle-même par des mesures d’interdiction et/ou des contraintes légales. Une telle décision place alors les finances publiques sur une pente glissante, elle génère des dépenses publiques et un processus d’auto-renforcement loi-dépense.

    C’est d’ailleurs ce que l’on observe en France sur longue période (1871-2015 Figure 1). La dépense publique n’est ni une nécessité sociale ni la réponse aux défaillances du marché. Elle participe d’une chaîne de décision politique fondée sur une forme ou une autre de paternalisme. Elle débute par la croyance en la capacité des hommes politiques à protéger l’homme contre les dangers de la vie.

    Cette croyance acquise, l’homme politique utilise tous les instruments dont il s’est arrogé les droits (la loi, la dépense, la monnaie et l’impôt) pour les gérer. Si rien ne vient contester la bienveillance et l’omniscience paternelle de l’État, la dépense n’a plus de limites. Si on souhaite sur le long terme limiter la dépense publique, il faut donc s’attaquer à sa racine, l’inflation législative.

    Source: François Facchini, Elena Seghezza 2020. Legislative production and public spending in France. Public Choice , Springer Verlag, In press, ⟨10.1007/s11127-020-00858-7⟩ . ⟨hal-03051879⟩ et Facchini, F., 2021. Les dépenses publiques en France , Bruxelles, de Boeck (consulté le 29/01/2021).

    Sur le web

    1. ELABE : site consulté en décembre 2018.
    2. La direction de l’information légale et administrative reprend largement les travaux de l’école de la régulation et les explications données par André et Delorme, mais aussi Pierre Rosanvallon, de la croissance des dépenses publiques et de la crise de l’État-providence débutée à la fin des années 1970. Voir le site Vie publique , les entrées dépenses publiques et État-providence par exemple.
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      La France libérale ? Une inversion du sens des mots et des valeurs

      Claude Goudron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 26 January, 2021 - 04:30 · 5 minutes

    la France

    Par Claude Goudron.

    « L’inversion du sens des mots et des valeurs » : une perversion dénoncée par Mathieu Bock-Coté dans un de ses articles publiés par Le Figaro .

    Cela s’applique parfaitement au détournement, en France, du sens du mot libéralisme.

    La France serait un pays libéral

    Selon le dictionnaire , le libéralisme est « l’ attitude de ceux qui s’attachent à la défense des libertés individuelles des citoyens, doctrine hostile à l’intervention de l’État dans la vie économique et respect de la liberté d’autrui, tolérance ».

    C’est-à-dire l’inverse de ce que fait notre pays.

    Selon Valéry Giscard d’Estaing , au-delà de 40 % de prélèvements obligatoires, un pays devient socialiste.

    Avec un taux de prélèvements obligatoires de 46 % en 2018, nous ne pouvons pas nous considérer en économie libérale. C’est 7 points au-dessus de l’Allemagne, et 17,5 points d’écart avec la Suisse.

    Les dépenses publiques sont là encore en totale contradiction avec cette hostilité à l’intervention de l’État : avec 56 % du PIB (64,3 % en 2020 à cause du Covid) la France est championne du monde (OCDE) des dépenses publiques. L’Allemagne est à 43,9 % et la Suisse 32 %.

    Dans un pays libéral, le budget serait en équilibre, les impôts seraient faibles ainsi que les dépenses publiques et la dette.

    Il s’agit donc une utilisation abusive du mot libéral. Et lorsque cette affirmation est utilisée à tort dans une campagne électorale, ça devient une malhonnêteté.

    Il est urgent de redonner son vrai sens au mot « libéral »

    Vaste programme, comme aurait dit le général de Gaulle, répondant à un ministre qui voulait « s’occuper des cons » . En effet, on peut discuter des heures, arguments à l’appui, une majorité de Français pense toujours que la France est un pays libéral voire ultra-libéral.

    Avec raison, Albert Camus a écrit que « m al nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde ». En l’occurrence ici, c’est le malheur de la France.

    Une majorité de nos enseignants se déclarent de gauche et sont assez souvent d’extrême gauche, ce que j’ai pu constater lors de mes études ; ils ont donc une grande responsabilité dans la confusion plus ou moins orchestrée du dénigrement du libéralisme.

    Il est impératif que l’Éducation nationale prenne le sujet à bras-le-corps et révise son approche du libéralisme.

    « Le plus pressé, ce n’est pas que l’État enseigne, mais qu’il laisse enseigner ». Frédéric Bastiat

    En attendant il nous faut réagir vite.

    Dénoncer la malhonnêteté intellectuelle de nos responsables politiques

    Lorsqu’un dysfonctionnement flagrant apparaît, il est facile pour nos hommes politiques de se dédouaner de toute responsabilité en rejetant la faute sur un autre, par exemple l’Europe.

    En France, le libéralisme est accusé de tous les maux , il est devenu une forme de dédouanement de ses propres erreurs : pour la gauche, le centre mais malheureusement aussi trop souvent la droite , le libéralisme est un putching ball bien pratique. Et l’extrême droite en fait son tabou absolu.

    La France est un pays étatique, à l’opposé du libéralisme, ce que nous devons rappeler régulièrement et dénoncer, comme l’affirmait Frédéric Bastiat : « L’État c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ».

    La France est un pays socialiste voire même communiste par certains côtés, tout le mal provient de là. Elle est l’un des rares pays à ne pas l’avoir admis en s’enfermant dans cette fausse certitude que notre malheur viendrait d’ailleurs.

    « Puissent-ils [les hommes politiques] se préserver longtemps de cette peste du socialisme ». Frédéric Bastiat

    C’était il y a bientôt 200 ans, pourquoi ne l’avons-nous pas écouté ?

    Il faut le crier haut et fort : ce n’est pas le libéralisme qui mettra la France en faillite mais bien le socialisme .

    La France et son « libéralisme » vus de l’étranger

    Voici un témoignage qui résume bien nos contradictions. Il s’agit d’un article du journaliste suisse Fathi Derder rédacteur en chef du quotidien économique romand l’ Agefi :

    « D’accord, d’accord…

    Nos amis Français sont venus lundi à Bern. Une délégation du Sénat en visite, on s’attendait à du lourd : on a été servi, la totale. Ce ton, ce style inimitable : Ne jamais parler, toujours expliquer.

    Au repas déjà, chez l’ambassadeur, une sénatrice explique à ma table que la France est un pays ultralibéral. Oui, Madame nous raconte les us et coutumes des habitants de cette terre lointaine, inconnue. Je lui fais remarquer que si la France est un pays ultralibéral, la Suisse est alors un club d’échangistes sous ecsta.

    Quelques minutes plus tard, en séance, un sénateur nous explique que nous ne connaissons pas la France et sa fiscalité. Il faut savoir que, pour un élu français en tournée en province, si on n’est pas d’accord c’est qu’on ne l’a pas compris. Alors il réexplique plus lentement, il articule. C’est inintéressant mais joli à entendre.

    Puis devant notre lenteur toute helvétique, une sénatrice admet alors que, dans le fond, nous ne pouvons pas comprendre la question fiscale française, car la Suisse est, je cite, en retard en matière de dépense publique. La preuve : les crèches. Je n’invente rien.

    Désarmante France, quarante ans de déficit, une dette abyssale, mais qui fait la leçon. Elle donne un cours de gestion de faillite au pays le plus riche du monde, le cancre fait la nique au premier de classe. Le panache laisse coi, admirable encore.

    Moralité, la crise française est plus grave que prévu. On se trompe complètement sur sa cause. La France ne souffre ni de son chômage ni de sa dette : elle est malade de son aveuglement, incapable de remettre en question le fameux déni : L’Allemagne a tort, la Suisse a tort, tout le monde a tort.

    Et la France, elle, a raison, d’accord, d’accord et pendant ce temps elle coule, encore et encore, c’est que le début d’accord, d’accord… »

    Tout est dit.

    Conclusion

    Cet article a été écrit il y a deux ans et la France coule , encore et encore.

    Allons-nous attendre le naufrage les yeux fermés ou allons-nous nous réveiller et enfin faire les réformes indispensables connues de nos gouvernants ?

    La France devra devenir rapidement libérale ou elle ne sera plus.

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      Le « quoiqu’il en coûte » de Bruno Le Maire va précipiter notre faillite

      Simone Wapler · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 23 January, 2021 - 04:15 · 10 minutes

    contreparties black friday

    Par Simone Wapler.

    Nouvelles annonces de Bruno Le Maire jeudi 14 janvier 2021 et nouvelles aides publiques aux secteurs délibérément mis à l’arrêt par le gouvernement (hôtellerie, restauration, fournisseurs de ces activités) auquel s’ajoute désormais le secteur viticole touché par des sanctions douanières américaines.

    Un mois auparavant, Christine Lagarde, qui préside à la destinée de la Banque centrale européenne, avait averti :

    « Les conditions de financement resteront exceptionnellement favorables aussi longtemps que nécessaire ».

    Autrement dit : « dépensez sans compter », message que tous les gouvernements cigales reçoivent cinq sur cinq.

    Le programme d’achat d’urgence en cas de pandémie (PEPP) de 1350 milliards d’euros d’obligations prévu jusqu’en juin sera augmenté et il sera prolongé dans le temps. Les opérations de refinancement des banques à long terme (TLTRO) devraient aussi être reconduites.

    Puisque le robinet de l’argent gratuit reste ouvert en grand et pour très longtemps, pourquoi se gêner ?

    L’illusion de l’argent gratuit

    Rappelons trois grands principes économiques :

    1-  L’économie consiste à échanger quelque chose contre autre chose. La monnaie est une étape transitoire. L’échange n’est vraiment soldé que lorsque la monnaie reçue par le vendeur en échange de quelque chose a été transformée en autre chose par ce même vendeur. Il peut exister un décalage temporel plus ou moins long entre la vente et l’achat mais la monnaie seule ne solde pas l’échange.

    2-  Mettre davantage de monnaie ou de crédit dans le système ne multiplie pas les marchandises, biens ou services. Le croire reviendrait à penser que créer des emballages permet de créer de la marchandise.

    3-  Quand vous ne savez pas vraiment qui paye pour cet argent tombé du ciel, alors c’est vous, peut-être tôt ou peut-être plus tard, mais toujours VOUS, votre argent, vos économies…

    Que la monnaie soit des espèces sonnantes et trébuchantes comme autrefois ou un système de débit-crédit comme maintenant ne change rien à ces trois principes qui peuvent aussi se résumer par  : « l’argent gratuit n’existe pas » ou encore « le crédit gratuit n’existe pas ».

    Évidemment, le personnel politique aimerait faire croire que l’argent gratuit ou le crédit gratuit existent. C’est d’ailleurs le principe du recours à la dette publique : l’argent sans les impôts. Pourtant, si on présentait la facture immédiate aux contribuables, il est probable qu’ils diraient « non merci ».

    Le ministre de l’Économie multiplie les mesures censées compenser les pertes consécutives à des décisions administratives malheureuses. Dès le début de l’épidémie, l’exécutif a souscrit aux prévisions les plus alarmistes, celles du professeur Niel Ferguson , prévisions par la suite heureusement démenties. Personne au sein du gouvernement ne se soucie du coût et du financement d’aides rendues nécessaires par une mauvaise décision initiale. Il est acquis que le financement de la dette est la solution et qu’il sera toujours temps de se pencher sur la question quand les choses iront mieux.

    Jusqu’ici, tout va bien. Le 19 janvier, notre pays a emprunté 7 milliards d’euros sur 50 ans au taux d’intérêt de 0,59 % seulement. La France emprunte à taux négatifs jusqu’à 16 ans.

    Un « observatoire de la dette » vient d’être créé mais il ne s’agit que d’un bidule poudre aux yeux supplémentaire qui permet de recycler dix people en mal de mandat ou de renvoyer des ascenseurs.

    Le poids de la dette, le choc des intérêts ? Pas grave…

    Pour le moment, la pensée dominante se résume à « peu importe la dette, les taux d’intérêt resteront bas puisque les banques centrales s’y emploient » . Variante : « en période d’incertitude, rien de plus sûr qu’une dette d’un grand État dont les contribuables ne sont pas miséreux ».

    Voici d’autres arguments souvent avancés à l’appui de cette pensée dominante :

    1-  La dette peut grossir, les intérêts resteront supportables. Au pire, si la situation l’exigeait, on pourrait relancer la vieille lune de la « dette perpétuelle » : le principal ne sera jamais remboursé et remplacé par un intérêt versé à vie…

    2-  Au besoin, on cantonnera la dette du Covid dans une structure cache-poussière-sous-le-tapis, comme celle de la dette de la Sécurité sociale . Peu de gens s’intéressent au « hors bilan » des comptes publics. La France est un grand pays développé peuplé de riches contribuables et sa note de crédit reste excellente.

    3-  Oui, avec un taux de dette sur PIB similaire à celui de la France, la Grèce a fait faillite (défaut de paiement et effacement partiel de sa dette publique) mais le pays avait menti sur ses déficits, les Grecs ne payaient pas assez d’impôts et les taux étaient bien plus hauts.

    4-  Le Japon survit très bien avec un fort taux d’endettement , nettement supérieur à celui de la France.

    5-  Ce n’est pas grave, tout le monde doit quelque chose à tout le monde.

    Quelques contre arguments :

    1-  La dette ne peut grossir éternellement car il deviendra un jour impossible de prétendre que le capital pourrait être remboursé. La dette perpétuelle constituerait dans les faits un défaut puisque le contrat initial (retour du capital) ne serait pas respecté. Notre pays ne trouverait donc plus de prêteurs étrangers à de bonnes conditions et l’État se trouverait rapidement en crise financière aiguë.

    2-  Il arrive toujours un moment où la situation du débiteur semblant devenir hors de contrôle, les prêteurs commencent à s’intéresser aussi au hors bilan et à réviser leur estimation du risque. Les contribuables français étant les plus taxés des pays développés, la France ne pourra augmenter sa pression sans déclencher une fuite des contribuables solvables. Ceci augmente le risque des prêteurs.

    3-  La Grèce avait certes menti et sa situation réelle était pire que celle qui était avouée. Mais c’est aussi le cas de notre pays qui multiplie les structures cache-dette (CADES, notamment) et dont le hors-bilan représente presque le double de la dette officielle .

    4-  La dette japonaise est presqu’intégralement entre les mains des Japonais. Le Japon est un pays vieillissant. Les Japonais ont décidé de mourir entre eux sur leur île en déflation et cela ne regarde qu’eux… Ce n’est pas le modèle français. Notre dette est entre des mains étrangères. La redistribution représente le gros des dépenses publiques. Elle sert à acheter la paix sociale pour compenser une immigration mal digérée.

    5-  Parmi les pays à finances publiques délabrées, il y a ceux dont la balance commerciale est aussi déficitaire depuis des années (ces pays importent plus de choses qu’ils n’en exportent). La France en fait partie. Nous devons de l’argent à des gens qui ne nous doivent rien en retour et nous sommes incapables de leur proposer en quantité suffisante des produits et services qu’ils souhaiteraient acheter.

    Lorsque tout le monde pense la même chose, personne ne pense

    Lorsque la pensée unique tient lieu de consensus, alors personne ne pense plus. La pensée unique est en réalité l’absence de pensée faute de débat. La dette est de l’impôt en devenir qui n’a donné lieu à aucune délibération publique, à aucun vote, si ce n’est année après année des lois de finance très techniques entérinant des déficits.

    La dette est préoccupante . Avec un peu de recul, les agissements des banques centrales pour la rendre indolore conduisent à de graves anomalies :

    1-  Les taux négatifs sont une monstruosité signalant que le système monétaire est très malade. Le temps est la limite de tout mortel. Un taux d’intérêt valorise le temps durant lequel un prêteur se prive de son argent. Personne, y compris une organisation humaine, ne peut nier la valeur du temps.

    2-  Dans tous les pays développés où la retraite par capitalisation prévaut, les taux nuls ou négatifs mettent à terme en danger le niveau de vie des retraités et futurs retraités. Les pays locomotives de l’Eurozone, qui n’ont pas de problème de gestion de finances publiques, voudront sortir de ce piège. On pourrait assister à un réflexe de fuite devant la monnaie des fonds de pension. La Banque centrale européenne qui en détient déjà 30 % deviendrait seule acheteuse des obligations souveraines émises par les pays nécessiteux. L’euro imploserait alors de lui-même.

    3-  Les durées d’emprunt dépassent deux générations (on lève de la dette à 50 ans, 75 ans, 100 ans). Or les démocraties ne sont pas éternelles et jamais une génération n’a accepté de payer les dettes de la génération précédente. Toutes les réparations de guerre trop importantes ont débouché sur une nouvelle guerre. Les successions ne s’acceptent que sous bénéfice d’inventaire et si le passif dépasse l’actif, les héritiers déclinent.

    4-  Enfin, on n’a jamais vu dans l’histoire de l’humanité un système monétaire crédit-dette sans limitation de la dette. Dès Sumer et l’empire babylonien, les Anciens avaient compris qu’un défaut de limite à l’endettement entraînait de graves crises sociales, des émeutes et des renversements de régimes.

    Le FMI s’inquiète pour la dette de la France

    Le mardi 19 janvier, le jour où la France plaçait de la dette à 50 ans, l’agence Reuters relayait cette dépêche :

    PARIS ( Reuters ) – « La France doit travailler dès maintenant à un plan qui lui permettra d’assainir ses finances publiques dès que l’économie aura surmonté la crise due au coronavirus, a déclaré mardi le Fonds monétaire international (FMI). […] La dette en France est élevée et nous pensons que le moment est venu d’élaborer et d’approuver un plan d’assainissement budgétaire crédible à moyen terme » , a déclaré le chef de la mission du FMI en France, Jeffrey Franks, lors d’une conférence téléphonique.

    Le « nous » de la dépêche est inquiétant, comme si le FMI était déjà partie prenante dans l’élaboration du plan. Le FMI aurait-il l’ambition d’apprendre à nos politiciens de compter avant de dépenser plutôt que de dépenser sans compter ?

    Toujours selon Reuters , Bruno Le Maire a indiqué lorgner du côté des retraites « au nom de l’assainissement des comptes publics et de la justice sociale ». Mais rien du côté des dépenses publiques !

    Les mythes ont toujours succombé aux faits

    Nous vivons en France bercé par des mythes et des croyances absurdes, notamment en ce qui concerne le pouvoir de l’État qui serait stratège, visionnaire, protecteur. Des gens incapables de gérer des masques, du gel, des lits d’hôpitaux et des vaccins seraient capables de soigner gratuitement, de gérer le climat, d’éradiquer la pauvreté et bien d’autres miracles encore.

    En réalité, l’État prend et donne. Il donne toujours moins que ce qu’il prend puisqu’il faut qu’il se serve au passage pour payer la bureaucratie . L’État ne doit donc prendre qu’à bon escient, parcimonieusement et ne donner que ce qui est utile et profite à tout le monde et non pas à tel ou tel groupe d’intérêt.

    La dette publique est seulement un moyen de maintenir le mythe de l’État protecteur et nourricier. Mais lorsque la facture sera présentée, il faudra se rendre à l’évidence : nous aurons été rackettés. Nous aurons payé pour des protections illusoires. Depuis bien longtemps L’État ne nous protège plus et il nous conduit à la ruine.

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      Pour 2021, il faut réduire de 30 % le nombre de fonctionnaires

      Claude Goudron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 03:40 · 4 minutes

    fonctionnaires

    Par Claude Goudron.

    En ces temps bouleversés de l’économie, principalement en France, nos dirigeants ne doivent pas se tromper dans les mesures à prendre pour relever notre économie en 2021.

    Au préalable, il est indispensable de faire un état des lieux sans concession de notre situation, principalement de notre industrie. Je connais bien ce domaine pour en avoir subi les délires fiscaux et administratifs en créant en 1972, ULTRALU, une entreprise maintenant référente dans la fabrication de matériel d’accès en hauteur en aluminium.

    Le plus crédible est de nous comparer, sur une période suffisamment longue, à des pays qui ont réussi, en l’occurrence l’Allemagne et les États-Unis.

    Un constat évident

    En premier lieu, faisons la comparaison, souvent occultée, de l’évolution des valeurs boursières sur le long terme, disons de 2000 à 2020 avec la valeur du CAC 40 qui représente les quarante premières entreprises françaises.

    En 2000 nous étions à environ 7000 points (j’arrondis volontairement à la centaine), le DAX pour l’Allemagne à 8100 points et le Dow Jones aux États-Unis avec 12 000 points.

    Nous constatons que proportionnellement à notre positionnement mondial nous étions dans les clous.

    En 2016, à 4400 points nous avons perdu, par rapport à 2000, -37 % alors que le DAX augmentait de +21 % à 9800 points (les réformes Schroeder étant passées par là), et le Dow Jones de +34 % à 16 000 points : donc un delta de 58 % avec l’Allemagne et 71 % avec les États-Unis !

    Nous pouvions déjà constater un décrochage inquiétant.

    En 2020, avec 5500 points, nous avons repris un peu de couleur en réduisant la perte, toujours par rapport à 2000, à -21 %.

    Mais là où le décrochage devient catastrophique, c’est en continuant la comparaison du delta. En effet nous passons à 86 % d’écart avec le DAX (13 300 points) et 170 % avec le Dow Jones (29800 points).

    La raison de cette Bérézina est évidente : faute de compétitivité la part de l’industrie dans le PIB a été divisée par plus de deux, passant de 22 % à 10 %.

    Un résultat prévisible

    Autre comparaison, financière cette fois-ci, celle de la valeur du PIB par habitant ; elle est là aussi sans concession :

    France 40 494 dollars, Allemagne 48 196 dollars (+19 %), États-Unis 62 641 dollars (+55 %)

    À qualification égale, cela nous amène à avoir un salarié allemand qui gagne 25 % de plus qu’en France dans un pays où le coût de la vie est de 15 à 20 % moins élevé !

    Une analyse assurée

    Ces deux comparaisons nous prouvent que nous n’avons pas fait le bon choix économique. Vouloir privilégier l’embauche de fonctionnaires à la mise en place d’un environnement pro entreprise, c’est a minima une méconnaissance de l’économie, voire de la lâcheté.

    Cela aboutit à ce que malheureusement l’on constate aujourd’hui, une pléthore d’administratifs d’une inefficacité indéniable et, hélas, pas uniquement dans les services de santé.

    En privilégiant le nombre de fonctionnaires, dont on peut affirmer aujourd’hui qu’il est plutôt signe de désorganisation, à un investissement dans les moyens mis à leur service (moins coûteux, plus efficaces et limité dans le temps), nous sommes arrivés à en créer six millions, soit un sureffectif de deux millions qui, pour se protéger et se rendre indispensables, s’inventent de nouvelles fonctions. Déjà Georges Pompidou, avec alors seulement trois millions de fonctionnaires, disait devant la prolifération des créations administratives : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! »

    Un gaspillage monstrueux

    Il est reconnu que de son embauche à sa mort, un fonctionnaire coûte 3,5 millions d’euros. Avec deux millions de fonctionnaires en trop sur les  cinquante dernières  années, nous avons donc gaspillé 7000 milliards d’euros, un pactole que nous aimerions bien avoir aujourd’hui pour soutenir notre économie durant la crise du Covid-19 et réduire de moitié les charges sur les entreprises pour retrouver notre compétitivité et damer le pion à nos amis allemands en retrouvant le rang qui devrait être le nôtre.

    Cette somme peut paraître colossale mais elle est en dessous de la réalité car selon l’adage reconnu, « un fonctionnaire en plus, c’est la perte de deux emplois privés » . Inverser la tendance ferait baisser de deux millions le nombre des chômeurs et donnerait du travail pour le reclassement des deux millions fonctionnaires remerciés.

    Nous comptabiliserions alors moins de 5 % de chômeurs, c’est-à-dire un gain annuel sur les indemnisations de 25 milliards d’euros, et pratiquement 10 % de rentrées de cotisations sociales supplémentaires soit… une centaine de milliards par an.

    Ces chiffres pourront vous sembler ahurissants, mais c’est la stricte réalité. Ceci démontre bien l’absence totale de culture économique de nos dirigeants, à moins que ce ne soit la concrétisation de notre dernière place européenne en mathématiques dénoncée dans la dernière enquête TIMSS !

    Une décision plus qu’urgente

    Pour 2021 l’alternative est claire : réduire rapidement de 30 % le nombre de fonctionnaires afin de se donner les moyens de baisser charges et contraintes sur nos entreprises, ou continuer notre inexorable descente aux enfers.

    L’entreprise industrielle française est capable d’exploits… mais pas de miracles !

    Sources : Indices boursiers officiels 2000, 2016 et 2020 et inpots.gouv.fr

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      Comptes publics 2019 : Non, M. Darmanin, nos finances n’étaient pas saines

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 30 April, 2020 - 10:18 · 7 minutes

    Par Nathalie MP Meyer.

    Je vous le disais dans un précédent article , le ministre du budget Gérald Darmanin s’est félicité récemment de ce que le gouvernement pouvait « dépenser quasiment sans compter » en temps de Covid-19 « parce que nos finances publiques étaient saines » ( vidéo , à partir de 10′ 10″).

    Or la Cour des Comptes a publié mardi 28 avril dernier son rapport sur le budget de l’État en 2019, c’est-à-dire la période précédant immédiatement l’épidémie. Fait marquant : le déficit de l’­État s’est creusé plus que jamais et sa dette a continué à grimper. Vous avez dit « sain » ?

    L’État central flanqué de sa foultitude d’agences constitue de loin le plus gros morceau de notre puissance publique. Aussi, la tendance à la détérioration budgétaire qu’on observe chez lui en 2019 est un excellent indicateur de la décadence globale de nos finances publiques.

    Mais les transferts fréquents qu’il entretient avec les deux autres composantes de nos comptes publics que sont les collectivités territoriales (régions, départements, communes, etc.) et les administrations de sécurité sociale tendent à fausser la situation de chaque entité prise séparément. En 2019 justement, l’État a transféré une portion supplémentaire de TVA aux administrations de sécurité sociale afin de compenser l’effet de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales.

    C’est pourquoi il me semble préférable de s’intéresser à l’ensemble des comptes publics plutôt qu’à la part État seule pour se faire une idée tangible de la santé effective de nos finances nationales et pour se comparer utilement à nos voisins de l’Union européenne.

    Fin mars, l’INSEE a justement divulgué sa première évaluation des comptes publics 2019, sachant qu’une publication révisée portant sur la période 2017-2019 interviendra à la fin du mois de mai.

    Il ressort de cette publication que le déficit public repart effectivement à la hausse après être descendu à 2,5 % en 2018 , niveau qu’on n’avait pas vu en France depuis 2007. En 2019, il atteint à nouveau 3 %, soit la limite autorisée par le pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne (UE).

    Ou plutôt feu la limite, car avec la crise économique générée par les confinements anti Covid-19, le pacte en question a été suspendu jusqu’à nouvel ordre. Mais il était toujours valable en 2019 et la plupart des pays de l’UE n’ont eu aucun mal à s’y tenir. En réalité, nombreux sont les pays qui parviennent depuis plusieurs années à équilibrer leurs comptes, voire même à dégager des excédents budgétaires.

    En moyenne dans l’UE et dans le sous-ensemble zone euro, le déficit public s’est fixé à 0,6 % du PIB en 2019 . Alors que Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Irlande et 12 autres pays sont en excédent, seuls deux États membres affichent un déficit égal ou supérieur à 3 % : la France… et la Roumanie !

    On se doutait bien que les 17 milliards lâchés pour apaiser la révolte des Gilets jaunes ainsi que le renoncement à réduire les effectifs de la fonction publique allaient finir par avoir leur petit impact.

    Et de fait, ce sont bel et bien les dépenses publiques qui dérapent, aussi bien en frais de fonctionnement qu’en prestations sociales et en subventions (voir tableau INSEE ci-dessous, cliquer pour agrandir) :

    En 2019, elles ont augmenté de 2,6 %, soit une croissance de 1,5 % en tenant compte de l’inflation à 1,1 %, ce qui constitue une accélération par rapport à la faible hausse de l’année 2018.

    Mais la réalité est nettement plus préoccupante, car si l’on raisonne hors charge d’intérêts de la dette, laquelle a considérablement baissé en raison de la politique de taux bas orchestrée par les banques centrales, les dépenses publiques augmentent de 3,1 %, soit 2 % en valeur déflatée (mention en rouge de ma main dans le tableau).

    En face, les recettes publiques, c’est-à-dire essentiellement les prélèvements obligatoires composés des impôts et des cotisations sociales, se sont stabilisées. Elles progressent de 1,3 % en euros courants, soit une quasi stabilité une fois déflatées. On voit bien l’impact (notamment) de la bascule du CICE en baisse de charges sociales : au total, ces dernières reculent de 4,4 % en euros courants quand les impôts augmentent de 4 %.

    M me MP, me disent mes contradicteurs, souriez : les prélèvements obligatoires n’augmentent pas, vous devriez être contente ! Eh bien, oui et non, avec un net penchant pour le non. Dans un contexte de déficit chronique, une stabilisation des prélèvements, et encore mieux une baisse des prélèvements, n’est une bonne nouvelle que si elle s’accompagne d’une baisse des dépenses publiques. Ce qui ne fut pas du tout le cas en 2019, comme on l’a vu. Il en résulte forcément plus de dette publique, donc plus de prélèvements décalés dans le futur.

    On apprend donc sans surprise que la dette publique a augmenté de 65 milliards d’euros en 2019 pour atteindre un encours de 2 380 milliards d’euros, soit plus de 98 % du PIB, contre une augmentation de 56 milliards l’année précédente. Rappelons que les règles prudentielles de l’Union européenne qui avaient cours avant la crise du Covid-19 stipulaient que la dette publique ne devait pas excéder 60 % du PIB…

    Comme d’habitude, j’ai récapitulé les valeurs évoquées ci-dessus dans mon tableau des comptes publics depuis 2007 (attention, certaines années moins représentatives politiquement ou économiquement ont été éludées). Nouveauté de l’année, je l’ai complété d’un petit graphique permettant de visualiser rapidement les évolutions du déficit public et de la dette.

    Tableau récapitulatif
    des principales données de nos finances publiques 1 2

    Sources : INSEE , Eurostat, Presse pour 2020 – Mise à jour : 28 avril 2020.
    Unités : Habitants en millions – Dépenses publiques, prélèvements obligatoires, déficit public et dette publique en milliards d’euros courants et en % par rapport au PIB.
    Note : Les comptes 2019 sont provisoires et les chiffres 2020 sont des prévisions.

    2007 2009 2012 2015 2017 2018 2019 2020
    Habitants 64,0 64,7 65,7 66,4 66,8 66,9 67,0
    Inflation 1,5% 0,1% 2,0% 0,0% 1,0% 1,6% 1,1%
    Croissance 2,3% -2,2% 0,0% 1,2% 2,2% 1,6% 1,3% -8,0%
    PIB 1 946 1 939 2 087 2 181 2 295 2 353 2 426
    Dép. publ. 991 1 068 1 151 1 249 1 292 1 314 1 349
    En % PIB 50,9% 55,1% 55,2% 57,0% 56,4% 55,7% 55,6%
    Pré. oblig. 819 793 913 971 1 038 1 060 1 070
    En % PIB 43,2% 42,1% 43,8% 44,5% 45,2% 45,0% 44,1%
    Déf. Publ. -50,3 -143,8 -98,2 -79,7 -63,6 -59,5 -72,8
    En % PIB -2,7% -7,5% -4,8% -3,6% -2,9% -2,5% -3,0% -9,0%
    Dette pub. 1 210 1 489 1 855 2 101 2 259 2 315 2 380
    En % PIB 63,8% 78,1% 90,2% 95,6% 98,4% 98,4% 98,1% 115%

    Le graphique ci-dessous reprend les données de croissance, déficit public en % du PIB et dette publique en % du PIB du tableau ci-dessus. L’échelle correspondant à la croissance et au déficit est à gauche et celle correspondant à la dette publique est à droite :

    Le profil des comptes publics français est assez clair :

    · En 2007, la croissance française fut de 2,3 %, niveau qu’on n’a jamais retrouvé depuis. Le déficit public est revenu dans les clous des 3 % et la dette publique dépassait à peine les 60 % recommandés. Tous les espoirs étaient permis…

    · En 2008, patatras, crise des subprimes. La croissance s’effondre, et dès 2009, le déficit plonge à 7,5 % et la dette bondit à 78 % du PIB, pour atteindre 90 % en 2012.

    · Les années suivantes sont un long effort pour redresser les comptes publics, ce que les gouvernements de MM. Sarkozy et Hollande parviennent péniblement à faire en ayant exclusivement recours à des hausses fiscales et aucune baisse de dépense, contrairement à la plupart des autres pays développés.

    · En 2018, le déficit public est ramené à 2,5 % du PIB, soit son niveau approximatif d’avant crise, mais il reste élevé comparativement à nos voisins européens et il continue à générer de la dette.

    · 17 novembre 2018 : début de la crise des Gilets jaunes et plongeon assumé dans un regain de dépenses publiques. Première conséquence, le déficit 2019 remonte à 3 % et la dette publique persiste à flirter avec les 100 % suivant les trimestres.

    C’est à ce moment très peu maîtrisé de nos finances publiques que la crise du Covid-19 nous surprend. Après le plongeon de 2019, nous voilà bien partis pour la noyade de 2020. Et aucune raison qu’on s’en sorte plus rapidement que de la crise de 2008 dont nous n’étions en fait même pas encore sortis !

    Alors non, M. Darmanin, nos finances publiques n’étaient pas « saines » et nous n’avons absolument pas les moyens de « dépenser quasiment sans compter » comme on le fait actuellement. Ça promet.

    Sur le web

    1. Pour les définitions des principales grandeurs de nos comptes publics, on pourra se reporter à l’article : Budget 2016 : opérations de contes à comptes -17 sept. 2015.
    2. L’INSEE révisant ses données en continu, ce tableau présente plusieurs petites différences avec mes tableaux antérieurs.
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      Après la pandémie, il nous faut un monde plus libre

      Auteur invité · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 April, 2020 - 03:25 · 5 minutes

    libre

    Par Bob DiCostanzo.
    Un article de The Libertarian Republic

    Le coronavirus a pris la vie de plus de 154 000 personnes (au 18 avril, NdlR). C’est profondément triste et grave. J’ai quelquefois l’impression que nous perdons de vue cette tragédie dans le débat sur la « réouverture » du pays.

    Mais je sais aussi que la réaction des administrations face à la crise a des conséquences sur la vie et sur la mort. Et nous devons résister énergiquement à toutes les décisions qui produiraient des effets bien pires encore.

    Bien que le combat concernant l’avenir du pays ne soit pas au centre des préoccupations de beaucoup d’Américains, les libéraux doivent être prêts à exprimer en quoi une société plus libre est cruciale pour la reprise et en quoi elle est le meilleur moyen de nous préparer à une autre pandémie.

    Commençons par la liberté économique

    Ce principe a sorti des milliards de personnes de la pauvreté et a créé d’énormes quantités de richesses,  nous permettant de lutter contre le coronavirus mortel.   Élargir la liberté économique n’a jamais été plus important. C’est ce qui accélérera la reprise, mais cela exige d’abattre les barrières – impôts élevés, dépenses faramineuses, fardeaux réglementaires, etc. – qui ont entravé la création de richesses et refusé à tant de monde la chance d’une vie meilleure.

    La leçon de la dépression de 1920-1921 est instructive. Si vous n’en avez jamais entendu parler, c’est sans doute parce qu’elle s’est terminée très rapidement. En réaction à un ralentissement économique brutal au début des années 1920, le gouvernement fédéral a coupé dans les dépenses et a laissé le marché fonctionner librement . L’économie a repris rapidement et a ouvert la voie aux « années folles ». Cet exemple qui montre le pouvoir des marchés forme un contraste saisissant avec la Grande Dépression qui a été prolongée par l’intervention de l’administration et n’a pris fin que lorsqu’on a laissé le marché récupérer de la Seconde Guerre mondiale.

    Espérons que les officiels apprennent des leçons du passé car dans tout le pays les administrations font face à leurs propres crises économiques et fiscales. Selon le Comité pour un budget fédéral responsable, le déficit du budget fédéral est attendu à 3800 milliards de dollars pour cette année fiscale . Et il va probablement augmenter encore plus lorsque le Congrès aura voté un autre programme de dépenses pour aider les entreprises et les États qui font face au coronavirus. Pour situer les choses, le budget fédéral total pour 2015 était de 3700 milliards.

    Si les administrations avaient mieux maîtrisé les dépenses, le secteur public et le secteur privé seraient en meilleure posture pour réagir à la pandémie. Au lieu de ça, le gouvernement fédéral laisse filer des déficits historiques ; la Réserve fédérale a engagé une augmentation jamais vue des prêts ; et les officiels qu’ils soient au niveau de l’État ou au niveau local, supplient pour obtenir des aides.

    Cette crise ne devrait pas être utilisée pour promouvoir des administrations irresponsables et consolider des bureaucraties campées sur leurs positions. Les administrations et autres agences indépendantes devraient réagir à ces défis en réduisant leurs dépenses et en restructurant leur fonctionnement pour être plus agiles et en meilleure posture pour affronter les crises futures.

    Les officiels fédéraux devraient envisager de réduire leurs dépenses actuelles pour compenser le coût du quatrième programme d’aide Coronavirus qui doit être approuvé par le Congrès dans les prochaines semaines.

    La liste de recommandations constituée par Chris Edwards du Cato Institute est un bon point de départ pour chercher la réduction de dépenses. L’administration fédérale devrait aussi attacher des conditions à toute aide fédérale, afin de s’assurer que les organismes étatiques et locaux, ainsi que des organisations indépendantes, utilisent l’argent comme un tremplin pour la reprise plutôt que comme une béquille temporaire qui facilite la prodigalité .

    Il nous faut une décentralisation radicale

    La réaction en situation d’urgence sanitaire ne devrait pas dépendre d’agences fédérales telles que l’Agence des produits alimentaires et des médicaments ou les Centres de contrôle et de prévention des maladies. Les organisations hiérarchiques écrasent l’innovation, ce qui peut avoir des conséquences mortelles. Alléger ou éliminer les restrictions sur, par exemple, les tests et les vaccins devra être une priorité lorsque la crise sera passée.

    Un autre facteur qui entrave la réaction au virus est la dépendance des États et des entreprises vis-à-vis de l’administration fédérale. C’est le produit de notre échec collectif à empêcher la croissance du Léviathan. Washington D.C. a fait croître son pouvoir aux dépens de nous tous, ainsi que des administrations étatiques et locales.   New-York est malheureusement un bon exemple.

    D.C. prend régulièrement plus d’argent aux New-Yorkais que ce qu’il restitue à l’État sous forme d’aide fédérale . C’est problématique pour plusieurs raisons, y compris le fait de limiter ce que des États comme celui de New-York peuvent faire en réaction à une pandémie. La décentralisation atténue ce problème en permettant une plus grande proximité des ressources et du pouvoir auprès de la population de chaque État plutôt que de les concentrer à D.C. où ils sont souvent mal utilisés ou détournés.

    La décentralisation devrait aussi prendre la forme de l’abrogation de lois et règlements qui restreignent artificiellement la fourniture de services et de personnel médicaux, en laissant les décisions d’allocation de ressources au marché plutôt qu’à des bureaucrates de l’administration ou des intérêts particuliers qui cherchent à se protéger contre la concurrence. Laisser au secteur privé des moyens d’agir est la meilleure manière de sauver des vies.

    Le chemin qui nous attend sera difficile. Les libéraux vont devoir se battre plus durement que jamais pour s’assurer que les politiques existant de longue date ou celles adoptées récemment ne deviennent pas notre ordinaire quotidien.

    Nos vies et nos libertés en dépendent.

    Traduction pour Contrepoints de What should a post-pandemic America look like ?

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      3 maladies bien françaises qui pèsent lourd dans le budget

      Rémy Prud'homme · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 April, 2020 - 03:20 · 5 minutes

    dépense publique

    Par Rémy Prud’homme.

    La dépense publique est plus importante en France qu’ailleurs, relativement au PIB. Cependant, la qualité des services publics y est plus faible qu’ailleurs. La crise du Covid-19 le montre : tous les pays ont eu à faire face, au même moment, à la même maladie ; mais dans tous les pays (sauf l’Italie, l’Espagne et la Belgique), elle a tué, par rapport à la population, moins, généralement beaucoup moins, qu’en France.

    L’enquête PISA qui mesure avec des tests impartiaux le niveau des collégiens en mathématiques, en sciences, et en compréhension de texte, place nos écoles au vingtième ou trentième rang des pays testés, quelque part entre la Slovénie et le Portugal. Ce qui est vrai de la santé et de l’éducation l’est également de la justice, de la sécurité, ou de l’emploi.

    Au moment où la crise économique générée par un confinement plus long qu’ailleurs va porter cette dépense publique de 57 % du PIB bien au-delà de 65 %, il faut essayer de comprendre ce paradoxe de la dépense publique française.

    La courbe de Laffer appliquée à la dépense publique

    Une analogie avec la courbe de Laffer peut nous aider à représenter le phénomène. Arthur Laffer , s’intéressant à aux recettes publiques, représente les recettes fiscales en fonction des taux d’imposition.

    Avec un taux zéro, les recettes sont égales à zéro. Avec un taux de 100 % elles sont également égales à zéro. Entre les deux, une courbe plus ou moins parabolique atteint un maximum pour un certain taux présenté comme optimal. C’est la représentation graphique d’un vieux principe fiscal : les hauts taux tuent les totaux.

    Cette courbe, conçue pour les recettes budgétaires, peut être utilisée pour les dépenses budgétaires. Remplacez sur l’axe des x, « taux d’imposition » par « taux de dépense » (en % du PIB), et sur l’axe des y, « recettes publiques » par « services publics », et vous avez une description du lien entre montant de la dépense publique et quantité/qualité des services publics.

    La question n’est pas de savoir si on est pour ou contre les services publics (comme la santé ou l’éducation), mais de déterminer le montant de dépenses qui va nous donner le plus de ces services publics. La courbe montre que peut venir un moment où davantage de dépenses publiques produit moins, et pas davantage, de services publics.

    Comment est-ce possible ? On peut évoquer trois pistes, trois virus, trois maladies.

    La précautionite : empêcher les autres de mal faire

    La première est la précautionite. De plus en plus, l’action publique ne consiste pas à bien faire, mais à empêcher le reste de la société de mal faire. Elle prend la forme de règles, de normes, de contraintes, d’autorisations, de prescriptions, de préalables, d’interdictions. L’image des avions pleins de masques bloqués par les douanes est un symbole de cette maladie.

    La délocalisation de l’industrie pharmaceutique a semble-t-il été motivée autant ou davantage par des différences de contraintes que par des différences de salaires, par Nicolas Hulot plus que par Philippe Martinez.

    L’administrativite : empêcher de faire son travail

    L’administrativite est une autre maladie qui affecte la production des services publics. Parkinson avait montré que l’administration fonctionne et grossit indépendamment de ses finalités ; par exemple, le nombre de fonctionnaires du ministère anglais de la Marine est au cours des années inversement corrélé au nombre des vaisseaux de Sa Majesté.

    James Buchanan a expliqué que les bureaucrates, comme tous les agents économiques, sont motivés par leur intérêt propre , qui implique l’augmentation de leurs budgets ; cette observation, qui fait depuis toujours le fond de la conversation des cafés du Commerce, lui a valu un prix Nobel d’économie.

    L’actualité nous a appris que plus du tiers des agents des hôpitaux français ne voient jamais un malade . S’ils faisaient des cocottes en papier, il n’y aurait que demi-mal ; mais ils travaillent dur, à organiser, orienter, contrôler, surveiller, etc. et finalement empêcher médecins et infirmières de faire leur métier.

    Un autre symbole : l’Hôtel-Dieu à Paris. Cet hôpital était depuis Saint-Louis consacré à soigner des malades ; il a été en partie vidé de ses praticiens pour faire place à l’administration des hôpitaux et à un projet immobilier.

    La politisationite : l’État s’occupe de tout, partout

    Un troisième virus, pas le moins paralysant, est la politisationite. Les politiciens veulent s’occuper de tout : de la recherche, de la solitude, de la culture, de l’alimentation, du sport, des entreprises, de la reconstruction de Notre-Dame de Paris comme de Boko Haram, et des masques.

    Dans un monde de plus en plus complexe et incertain, leur temps et leurs connaissances sont limités ; plus ils les étalent sur un champ d’intervention large, et plus la couche est mince – et insuffisante. Le tout-politique est alors le tout-superficiel. Les politiques ont, comme disait ma grand’mère, « les yeux p’us gros que l’ventre » . Ils le savent parfois, et mettent leur talent à le cacher, derrière de belles phrases ou de vilains mensonges.

    Ce déficit de gestion est en France encore aggravé par le jacobinisme . La crise du covid-19 l’a bien montré, puisque les régions et les départements, qui ne sont pourtant pas des parangons d’efficacité, ont fait mieux que l’État.

    Notre État, qui est obèse parce que malade, et inefficace parce que obèse, s’apprête à prendre une dizaine de kilos : cela n’est pas très rassurant.

    Sur le web

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      Des États aux abois

      Drieu Godefridi · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 31 March, 2020 - 05:56 · 3 minutes

    Par Drieu Godefridi.

    En Europe, l’affaissement partiel de l’activité économique — dont la crise financière n’est qu’une conséquence, dans une suite inverse mais nettement plus dévastatrice que la chronologie de 2008 — va entraîner, dès maintenant, un effondrement des recettes fiscales.

    On tend à l’oublier, mais l’impôt, par lequel vivent tant de nos contemporains , suppose de la création de valeur. Si aucune valeur n’est créée, l’impôt se réduit à rien.

    Par exemple, la TVA est un impôt sur la consommation ; que la consommation se réduise de 50 %, les recettes TVA se réduiront d’autant.

    Autre exemple, l’ impôt sur les sociétés , qui n’est pas un impôt sur l’activité, mais sur le bénéfice. Dans un futur prévisible, il n’y aura plus guère de bénéfice à imposer, seulement des pertes. Même lorsque les bénéfices poindront timidement, fiscalement les pertes reportées les effaceront, probablement pendant des années.

    Trois solutions économiques

    Nos États vont voir leurs recettes s’effondrer, alors que la structure de leurs dépenses n’a pas changé d’un iota (quand elle ne s’est pas aggravée). Quelle solution ? En théorie économique comme en technique juridique, il n’en existe que trois : réduire drastiquement les dépenses, emprunter, lancer des programmes de confiscation de la propriété privée. En réalité, comme nous allons le voir, la réduction drastique des dépenses adviendra tôt ou tard.

    En effet, sur le continent européen, la plupart des États étaient déjà financièrement exsangues avant la crise, et faible leur « crédit » subsistant sur les marchés financiers internationaux.

    Par conséquent, la fuite en avant « externe » qui consisterait à contracter de nouveaux emprunts pour compenser l’effondrement des recettes fiscales est, en Europe, une voie non seulement sans issue, mais inexistante.

    En effet, des États qui, souvent depuis des décennies (Italie, Belgique, plus récemment la France), en sont à contracter des emprunts pour rembourser les seuls intérêts de leur dette — jamais le capital — peineront à convaincre les bailleurs de fonds dans le même temps que leurs recettes fiscales s’effondrent.

    L’alternative est la fuite en avant « interne », consistant pour un État à se lancer dans des confiscations massives sur le territoire national, usant de différents prétextes (nécessité, crise, solidarité) habillés de catégories juridiques (nationalisation, impôt de crise) 1 .

    La voie de la confiscation

    Hors le jugement moral qui peut être posé sur ces procédés, et du cortège de violences arbitraires que leur mise en œuvre implique partout et toujours, il faut souligner que la voie de la confiscation — activement encouragée depuis des années par des économistes néo-marxistes tels que Thomas Piketty 2 — n’est pas chimérique ; les exemples tirés de l’Histoire (Révolution française 3 ) comme de l’actualité ( Venezuela ) en attestent.

    Reste que ce procédé s’épuise par son usage : on ne confisque qu’une seule fois. Derrière, il n’y a plus rien à confisquer.

    À court ou moyen terme, par nécessité et par absence d’alternative structurelle, les États européens réduiront drastiquement leurs dépenses.

    1. Une variante du même procédé consiste à emprunter davantage sur les marchés, en offrant du “collatéral” tiré d’un expropriation qui ne dit pas son nom : par exemple les projets français de détacher la propriété du terrain et du bien immeuble , qui est une expropriation pure et simple.
    2. Piketty, idéologue naïf de l’égalitarisme — À propos de Capital et idéologie
    3. F. Aftalion, L’économie de la révolution française , 2007.
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      ERAFP : la pépite que la réforme des retraites ne devrait pas brader

      Cécile Philippe · tests.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 December, 2019 - 04:30 · 2 minutes

    Par Cécile Philippe.

    Dans le cadre de la réforme des retraites, l’Établissement de la retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) serait amené à être dissous dans le régime universel. Or, cet établissement – né de la réforme Fillon de 2003 – est une pépite française, un des rares exemples de prévoyance publique bien pensée. Il devrait, au contraire, être étendu au privé.

    L’ERAFP ne dit pas ce qu’il fait et c’est peut-être pour cela qu’il n’a pas pu servir de modèle dans le débat sur les retraites. Que fait-il exactement ? Il ajoute à la retraite de base des fonctionnaires – financée par nos impôts – un complément retraite qui se bonifie grâce au rendement généré par le placement des cotisations sur les marchés financiers. Grâce aux dividendes et plus-values, il allège le coût de financement des retraites du public.

    Un moyen d’alléger le coût des retraites du public

    En dissolvant cette institution dans un régime universel fondé exclusivement sur la répartition, nous nous privons d’un moyen puissant d’alléger le coût lié au financement des retraites du public. Or, c’est la question n°1 en France. Car pour payer l’ensemble des retraites aujourd’hui en France, il faut prélever en impôts et charges sociales 14,9 % du PIB.

    Ceci a un impact délétère sur la compétitivité française, le chômage et les déficits. Dans la mesure où il n’est plus possible d’augmenter la pression fiscale  – c’est même l’inverse que les pouvoirs publics organisent pour lutter contre le chômage -, il n’y a en répartition pure pas d’autre alternative que de baisser le niveau des pensions et/ou retarder l’âge de la retraite et/ou faire des déficits.

    Toutes les combinaisons ont été testées les unes après les autres, mais en bout de ligne elles ne font qu’organiser plus ou moins intelligemment le rationnement pour tous. Il y aurait pourtant moyen de desserrer la contrainte, en s’appuyant sur les expériences réussies de placement financier de nos institutions de retraite comme l’ERAFP, le Fond de réserve des retraite ou l’Agirc-Arcco.

    Nous avons besoin d’institutions vertueuses comme l’ERAFP

    Nous n’avons pas besoin d’un régime universel pour gérer le rationnement, mais plutôt de nous appuyer sur les bonnes pratiques de notre système riche d’institutions responsables et vertueuses.

    Il faudrait permettre à l’ERAFP de proposer ses prestations au privé, ou susciter la création d’un équivalent par l’Agirc-Arrco, pour profiter de ce que le capitalisme a de meilleur : des rendements du capital positifs sur le long terme.

    Pour aller plus loin, lire l’étude de l’Institut économique Molinari/Contrepoints : Retraites françaises, sortir de l’impasse, préparer l’avenir , p.36 « L’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique : la pépite bradée ? »