LOISIRS - Mickey, Peter Pan et Blanche-Neige ont désormais de nouveaux collègues. Leurs noms? Captain America, Spiderman et
Thor
. Ce mercredi 20 juillet,
Disneyland Paris
a inauguré, dans le cadre des festivités de son 30e anniversaire, un nouveau chapitre de son histoire avec l’ouverture de sa zone thématique dédiée à l’univers des super-héros.
Des boutiques, des restos, mais aussi des hôtels et deux attractions supplémentaires figurent sur le plan dudit Marvel Avengers Campus. Une manière pour
le plus grand parc d’attractions français
d’attirer toujours plus de visiteurs. Ils étaient près de 15 millions à pousser ses portes avant l’épidémie de Covid-19.
Depuis qu’il a ouvert en 1992, Disneyland Paris a marqué les esprits de bien des générations d’enfants, mais ce n’est pas le seul. Beaucoup gardent en mémoire le Parc Astérix, Nigloland, la Mer de Sable, Walibi, Ok Corral ou encore... le gargantuesque Mirapolis.
Mirapolis, c’est 55 hectares de fun et une cinquantaine de manèges, à quelques kilomètres de Cergy, à Courdimanche dans le Val d’Oise. Du moins, c’était. Bien connu d’une frange de la population francilienne, Mirapolis n’a pas la réputation la plus répandue, malgré sa superficie démesurée. Et pour cause, il a connu une vie brève, cinq ans entre 1987 et 1992. Pourtant, sa folle (et tragique) histoire mérite d’être racontée.
Un lieu “enchanteur”
Promis à un grand avenir, Mirapolis a fait son apparition dans le contexte très spécial du boom de l’industrie des loisirs en France. Nous sommes dans la dernière moitié des années 1980 et le projet rivalise d’ambition avec les plus grands parcs américains. Et ce, dès son nom. “Mira” renvoie à l’idée de miroir et d’infini, quand “polis” réfère, lui, aux royaumes antiques.
Le projet est né sous l’impulsion de l’architecte française Anne Fourcade et d’un milliardaire saoudien du nom de Ghaith Pharaon. Il n’a rien à envier aux autres parcs à thème de l’époque: Mirapolis est pensé pour accueillir 2,5 millions de visiteurs par an.
Lors de son inauguration le 20 mai 1987 (en présence de Jacques Chirac, alors Premier ministre), on trouve déjà près de 30 attractions. Ce sera le double cinq ans plus tard. Sans parler de la dizaine de boutiques, des huit restaurants et des douze points de restauration rapide.
Le clou du spectacle: un immense Gargantua de 33 mètres de haut, dont on dit qu’il était visible depuis l’autoroute A15. La mascotte n’est pas anodine, elle est en lien avec la thématique du parc: la littérature française, ses contes et grands romans. Il est divisé en huit grandes zones aux noms magiques, comme Les Impressionnistes ou la Forêt de Brocéliande.
“
Mirapolis représente un rêve d’enfant. Le thème du parc autour des contes et des légendes a particulièrement marqué notre génération. Tous les personnages de nos livres préférés étaient regroupés dans un lieu enchanteur”, confie David Fremery, président de l’association Mirapolis, les amis du parc, au
magazine web
de Cergy-Pontoise.
Rivalités et difficultés
Le problème, c’est que ce “rêve d’enfant”, financé par des emprunts bancaires, a plutôt été un cauchemar pour ses gestionnaires. Les ennuis commencent dés le premier jour quand, furieux, des forains sous l’impulsion de Marcel Campion sont entrés armés de barres de fer pour manifester contre ce lieu qu’ils accusent de concurrence déloyale. Les installations sont saccagées. On casse. Du sable et de la lessive sont jetés dans les mécanismes des attractions pour les détériorer.
Deux jours plus tard, de fausses entrées gratuites sont distribuées dans les départements voisins. Résultat: 1500 personnes les font valoir le lendemain. Là encore, c’est un coup des forains qui, ce même jour, sont venus répandre des clous à la sortie autoroutière menant au parc.
La presse est mauvaise. Les comptes, aussi. Le public n’est pas au rendez-vous. À la fin de la première saison, on comptabilise 600.000 visiteurs. C’est moins du tiers de ce qui était prévu. La descente aux enfers est enclenchée, tel un wagon dans un train fantôme. Le parc passe de mains en mains. L’équipe de gestion de la première année est remplacée par Le Club Med, lui-même remplacé par un groupement de forains.
Mirapolis ferme ses portes
Initialement opposés à Mirapolis, ils ont investi 30 millions de francs. Les anciens propriétaires déposent le bilan en 1990. Les forains obtiennent ainsi la gestion complète. Ils tiennent leur revanche, mais pas pour très longtemps. Outre une multitude de problèmes administratifs et judiciaires, dont un procès en diffamation avec Dominique Strauss-Kahn, ils ne parviennent jamais à l’équilibre financier. La saison 1991 est un échec. C’est décidé. Les portes ne rouvriront pas en 1992, année d’inauguration de Disneyland Paris. Gargantua doit faire ses valises.
“Il aurait fallu une enveloppe d’encore 100 millions de francs pour pouvoir répondre à la concurrence, c’est-à-dire amener des attractions nouvelles pour intéresser le public”, souffle Marcel Campion, dernier des repreneurs, dans une interview pour FR3.
Seuls un peu plus de trois millions de visiteurs auront poussé les portes de Mirapolis. “Le roi des forains” estime que “
cet espace a été surdimensionné”. “C’est un parc régional qui ne peut accueillir qu’une clientèle régionale, mais il a été conçu comme un parc européen, concède-t-il. C’était une erreur. Il a été conçu sur des études américaines pour un parc fonctionnant toute l’année. Or, il faut savoir que dans la région parisienne, un parc comme celui-là ne peut fonctionner que 160 jours.”
Les manèges itinérants repartent sur les routes de France et de Navarre. Les attractions, elles, sont démontées. Certaines d’entre elles sont revendues en Allemagne, et notamment au Spreepark de Berlin (qui a lui aussi fermé par la suite, en 2002). Un permis de démolir les derniers bâtiments est délivré en 1993. C’est la fin pour Mirapolis.
Une friche abandonnée
Depuis sa destruction, la nature a repris ses droits. La végétation a envahi le parc et les lieux sont majoritairement occupés par des gens du voyage. Alors qu’en 2003 une grande fête clandestine y a été organisée, la friche urbaine sert souvent à des manœuvres de la gendarmerie mobile ou à des cours de moto-école. Elle est aussi un terrain de prédilection pour les amateurs d’Urbex.
“Le parc n’a fonctionné que cinq ans et pourtant, il a marqué les mémoires de toute une génération de Cergypontains et de Franciliens”, se félicite David Fremery, toujours dans les colonnes de
13 Comme Une
. Il a fondé l’association Mirapolis en 2013 dans le but de racheter des éléments du parc, afin de les restaurer et d’organiser une exposition. Elle a eu lieu en 2017.
Quid des 55 hectares laissés à l’abandon? En 2017, aussi, on raconte, dans
Les Échos
, qu’un projet de reconversion en parc de loisirs ”écolos” doit être lancé. L’idée: construire sur les ruines un lac artificiel pour y implanter des cabanons sur pilotis et favoriser de nouvelles activités. Quelques années plus tard, toujours rien. Le projet, aux contours “trop ambitieux” pour certains, a été amputé.
Depuis, un nouveau repreneur spécialisé dans la promotion immobilière, les résidences de loisirs et le tourisme d’affaires est arrivé. C’était en 2019. Là, encore rien n’a bougé. Gargantua a-t-il emporté avec lui l’espoir de redonner vie à Mirapolis?
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