• Co chevron_right

      Pour 2021, il faut réduire de 30 % le nombre de fonctionnaires

      Claude Goudron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 03:40 · 4 minutes

    fonctionnaires

    Par Claude Goudron.

    En ces temps bouleversés de l’économie, principalement en France, nos dirigeants ne doivent pas se tromper dans les mesures à prendre pour relever notre économie en 2021.

    Au préalable, il est indispensable de faire un état des lieux sans concession de notre situation, principalement de notre industrie. Je connais bien ce domaine pour en avoir subi les délires fiscaux et administratifs en créant en 1972, ULTRALU, une entreprise maintenant référente dans la fabrication de matériel d’accès en hauteur en aluminium.

    Le plus crédible est de nous comparer, sur une période suffisamment longue, à des pays qui ont réussi, en l’occurrence l’Allemagne et les États-Unis.

    Un constat évident

    En premier lieu, faisons la comparaison, souvent occultée, de l’évolution des valeurs boursières sur le long terme, disons de 2000 à 2020 avec la valeur du CAC 40 qui représente les quarante premières entreprises françaises.

    En 2000 nous étions à environ 7000 points (j’arrondis volontairement à la centaine), le DAX pour l’Allemagne à 8100 points et le Dow Jones aux États-Unis avec 12 000 points.

    Nous constatons que proportionnellement à notre positionnement mondial nous étions dans les clous.

    En 2016, à 4400 points nous avons perdu, par rapport à 2000, -37 % alors que le DAX augmentait de +21 % à 9800 points (les réformes Schroeder étant passées par là), et le Dow Jones de +34 % à 16 000 points : donc un delta de 58 % avec l’Allemagne et 71 % avec les États-Unis !

    Nous pouvions déjà constater un décrochage inquiétant.

    En 2020, avec 5500 points, nous avons repris un peu de couleur en réduisant la perte, toujours par rapport à 2000, à -21 %.

    Mais là où le décrochage devient catastrophique, c’est en continuant la comparaison du delta. En effet nous passons à 86 % d’écart avec le DAX (13 300 points) et 170 % avec le Dow Jones (29800 points).

    La raison de cette Bérézina est évidente : faute de compétitivité la part de l’industrie dans le PIB a été divisée par plus de deux, passant de 22 % à 10 %.

    Un résultat prévisible

    Autre comparaison, financière cette fois-ci, celle de la valeur du PIB par habitant ; elle est là aussi sans concession :

    France 40 494 dollars, Allemagne 48 196 dollars (+19 %), États-Unis 62 641 dollars (+55 %)

    À qualification égale, cela nous amène à avoir un salarié allemand qui gagne 25 % de plus qu’en France dans un pays où le coût de la vie est de 15 à 20 % moins élevé !

    Une analyse assurée

    Ces deux comparaisons nous prouvent que nous n’avons pas fait le bon choix économique. Vouloir privilégier l’embauche de fonctionnaires à la mise en place d’un environnement pro entreprise, c’est a minima une méconnaissance de l’économie, voire de la lâcheté.

    Cela aboutit à ce que malheureusement l’on constate aujourd’hui, une pléthore d’administratifs d’une inefficacité indéniable et, hélas, pas uniquement dans les services de santé.

    En privilégiant le nombre de fonctionnaires, dont on peut affirmer aujourd’hui qu’il est plutôt signe de désorganisation, à un investissement dans les moyens mis à leur service (moins coûteux, plus efficaces et limité dans le temps), nous sommes arrivés à en créer six millions, soit un sureffectif de deux millions qui, pour se protéger et se rendre indispensables, s’inventent de nouvelles fonctions. Déjà Georges Pompidou, avec alors seulement trois millions de fonctionnaires, disait devant la prolifération des créations administratives : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! »

    Un gaspillage monstrueux

    Il est reconnu que de son embauche à sa mort, un fonctionnaire coûte 3,5 millions d’euros. Avec deux millions de fonctionnaires en trop sur les  cinquante dernières  années, nous avons donc gaspillé 7000 milliards d’euros, un pactole que nous aimerions bien avoir aujourd’hui pour soutenir notre économie durant la crise du Covid-19 et réduire de moitié les charges sur les entreprises pour retrouver notre compétitivité et damer le pion à nos amis allemands en retrouvant le rang qui devrait être le nôtre.

    Cette somme peut paraître colossale mais elle est en dessous de la réalité car selon l’adage reconnu, « un fonctionnaire en plus, c’est la perte de deux emplois privés » . Inverser la tendance ferait baisser de deux millions le nombre des chômeurs et donnerait du travail pour le reclassement des deux millions fonctionnaires remerciés.

    Nous comptabiliserions alors moins de 5 % de chômeurs, c’est-à-dire un gain annuel sur les indemnisations de 25 milliards d’euros, et pratiquement 10 % de rentrées de cotisations sociales supplémentaires soit… une centaine de milliards par an.

    Ces chiffres pourront vous sembler ahurissants, mais c’est la stricte réalité. Ceci démontre bien l’absence totale de culture économique de nos dirigeants, à moins que ce ne soit la concrétisation de notre dernière place européenne en mathématiques dénoncée dans la dernière enquête TIMSS !

    Une décision plus qu’urgente

    Pour 2021 l’alternative est claire : réduire rapidement de 30 % le nombre de fonctionnaires afin de se donner les moyens de baisser charges et contraintes sur nos entreprises, ou continuer notre inexorable descente aux enfers.

    L’entreprise industrielle française est capable d’exploits… mais pas de miracles !

    Sources : Indices boursiers officiels 2000, 2016 et 2020 et inpots.gouv.fr

    • Co chevron_right

      Covid-19 : la politique keynésienne nous a affaibli devant la crise qui vient

      Foundation for Economic Education · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 May, 2020 - 03:30 · 12 minutes

    Keynes

    Par Mark Hornshaw.
    Un article de la Foundation For Economic Education

    « Il y aura de plus un grand avantage à l’ordre des choses que je défends dans le fait que l’euthanasie du rentier , de l’investisseur inutile, ne sera aucunement soudaine, mais une continuation graduelle et prolongée de ce que nous avons vécu récemment en Grande Bretagne, et nous n’aurons pas besoin d’une révolution. »

    Ce sont les mots de John Maynard Keynes dans sa Théorie Générale de 1936. Ce que la Grande Bretagne avait récemment vécu à cette époque était la grande dépression.

    Keynes utilise le mot français rentier pour exprimer son dédain du genre de personne que Henry Hazlitt décrit comme « l’horrible individu qui économise un peu d’argent et le met sur un compte épargne. Ou alors il achète une obligation de United States Steel. » L’œuvre de Hazlitt, L’échec de la nouvelle économie , est la meilleure source qui soit si vous voulez vraiment comprendre Keynes.

    Un monde sans entrepreneurs

    Bien que Keynes emprunte à la langue française lorsque ça l’arrange, il y a un autre mot français que vous ne trouverez pas dans sa Théorie Générale : l’ entrepreneur. Keynes voit le monde en termes de macro agrégats . Dans son modèle le « capital » est homogène et toute « quantité » de ce capital qui existe au moment présent est considérée comme donnée ; de même pour le « travail ».

    Dans le modèle keynésien il n’y a pas de procédé au cours du temps (intertemporel) pour calculer, choisir et produire les formes particulières de capital d’équipement qui permettent de produire des biens et services qui plaisent aux consommateurs. S’il n’y a pas de diversité dans les biens d’équipement, pas de structure de la production, pas d’orientation d’avenir ni de choix, alors il n’y a pas besoin de l’entrepreneur.

    Alors, lorsque Keynes observe dans le monde réel des personnes qui n’ont pas de rôle dans son modèle imaginaire (par exemple les entrepreneurs), il les dépeint comme des fardeaux sans valeur pour la société et il défend des politiques qui visent à les éliminer (et, en tant que Président de la Société britannique d’eugénisme, l’élimination des indésirables n’était pas confinée à la sphère économique).  Keynes à nouveau :

    « [L’] euthanasie du rentier [signifierait] l’euthanasie du pouvoir croissant d’oppression du capitaliste qui exploite la valeur de rareté du capital. L’intérêt de nos jours ne récompense aucun authentique sacrifice, pas plus que ne le fait le loyer de la terre. Le propriétaire du capital peut obtenir un intérêt car le capital est rare, de même que le propriétaire de la terre peut obtenir un loyer car la terre est rare. Mais, bien qu’il puisse y avoir des raisons intrinsèques à la rareté des terres, il n’y a pas de raison intrinsèque à la rareté du capital… »

    L’équipement en capital ce sont des biens de production – des usines, des avions, des camions, des ordinateurs, des tournevis, des machines à expresso, etc. Le mot capital est quelquefois utilisé de sorte qu’il inclut l’argent disponible pour acheter des biens de production.

    Le capital n’est pas rare

    Si vous prenez le dernier sens, plus large, le capital semble ne pas être rare, puisque la monnaie fiat peut être créée à volonté par les banquiers centraux. Mais les véritables biens d’équipement tangibles dont vous avez besoin pour produire de véritables biens et services sont évidemment rares. On ne peut pas les produire instantanément d’un clic de souris. Et la nature des biens d’équipement disponibles est clairement importante – préférez-vous une usine de machines à écrire ou une usine de microélectronique ?

    Une fois choisie la sorte de biens d’équipement que vous préférez, il vous faut avancer dans le temps. Pendant le temps consacré à produire ces biens d’équipement, vous devez faire un sacrifice – vous devez sacrifier la possibilité de consommer dans le temps présent , afin de vous concentrer à produire des machines qui produiront des biens de consommation dans un futur lointain.

    Imaginez Robinson Crusoé naufragé sur une île.

    Il rêve peut-être de construire un fort, un canot, un filet de pêche, un champ de blé et bien d’autres projets à long terme – des projets d’équipement. Avant de pouvoir commencer ces projets il a d’abord besoin de fabriquer une hache, une pelle, et ainsi de suite, selon une longue séquence de production. Mais ces projets à long terme prennent du temps et il est affamé, assoiffé, glacé et en danger maintenant. Tous les efforts consacrés à ces objectifs de long terme sont faits au détriment des efforts de satisfaction de ses besoins immédiats de consommation.

    Contrairement à l’affirmation de Keynes, le capital est authentiquement rare et il exige d’authentiques sacrifices.

    Dans une société plus complexe comme la nôtre, nous pouvons profiter de la division du travail . Cela n’enlève pas la rareté des biens d’équipement ni le besoin de sacrifier la consommation immédiate pour les produire. Mais cela signifie que certains peuvent volontairement faire ce sacrifice, évitant ainsi aux autres de le faire.

    La plupart des travailleurs veulent être payés immédiatement, avant que les produits finis soient prêts pour la vente et peu importe qu’ils soient vendus un jour avec ou sans bénéfice. Par contre les entrepreneurs sont des gens qui ont épargné des ressources qu’ils ont décidé de ne pas consommer mais de les utiliser pour payer des travailleurs en espérant faire des bénéfices un jour. Cet arrangement convient aux deux parties selon leur préférence. Comme John Stuart Mill l’a fait remarquer en 1848 :

    « Quelqu’un qui achète des marchandises et les consomme lui-même n’apporte rien aux classes laborieuses ; c’est seulement par ce qu’il s’abstient de consommer et qu’il dépense en rémunération directe de travailleurs en échange de leur travail qu’il apporte quelque chose aux classes laborieuses ou qu’il ajoute quelque chose au total de leurs emplois. »

    Les entrepreneurs supportent l’incertitude du marché, ils font confiance à leurs prévisions et consacrent des ressources aux secteurs d’activités pour lesquels ils anticipent une demande.

    Mais que se passe-t-il si quelqu’un possède cette vision entrepreneuriale mais pas les ressources épargnées ? C’est précisément pour cela qu’il y a l’intérêt.

    Le taux d’intérêt à zéro

    L’intérêt permet à une personne d’épargner et à une autre d’accéder à ces fonds épargnés pour les investir dans des activités profitables. Le taux d’intérêt , lorsqu’il n’est pas manipulé par des banquiers centraux, est le moyen par lequel la société détermine le prix du sacrifice qui consiste à attendre. Comme Mises l’a expliqué dans L’Action humaine, cet « intérêt originel » ne peut jamais être éliminé. Un taux d’intérêt originel de zéro signifierait que les gens acceptent indifféremment d’être payés tout de suite ou dans un million d’années. Mais comme nous sommes tous des êtres limités dans le temps, une telle situation est inimaginable dans notre monde.

    Alors que signifie un banquier central lorsqu’il déclare « nous abaissons les taux d’intérêts à zéro » ?

    La banque centrale n’a pas de moyen magique pour que les individus apprécient indifféremment que leur satisfaction soit immédiate ou future. Mais ils peuvent manipuler artificiellement le taux d’intérêt du marché en étant prêts à injecter autant de monnaie supplémentaire et de crédit dans « l’économie » (via leurs complices bien entendu) pour satisfaire la demande d’emprunts à ce taux. Comme ils peuvent le faire avec des fonds nouvellement créés il n’y a besoin d’aucune incitation pour que les épargnants satisfassent la demande avec leur épargne. Les emprunteurs peuvent emprunter ce que personne n’a épargné. Le « rentier » est « euthanasié ».

    Alors, quel est le problème ?

    Le problème c’est que Crusoé ne veut pas juste une « représentation » de biens d’équipements, il veut un vrai canot. Les banques centrales peuvent faire illusion pour que les gens « dépensent » de l’argent dans des projets d’investissements en l’absence de véritables ressources épargnées, mais ils ne peuvent pas créer par magie ces véritables ressources épargnées. Keynes le savait mais il s’en moquait :

    « Le chômage se développe, disons, parce que les gens demandent la lune ; on ne peut pas employer des hommes lorsque l’objet du désir (par exemple l’argent) est quelque chose qui ne peut pas être produit et dont la demande ne peut pas être rassasiée facilement. Il n’y a pas de remède, hormis en persuadant le public que la lune est faite de fromage et en ayant une usine de fromage (c’est-à-dire une banque centrale) contrôlée par l’État. »

    L’interprétation de Hazlitt :

    « La théorie qui sous-tend ce paragraphe est que le public est irrationnel, qu’on peut lui faire croire ce qu’on veut et que l’objet de l’État est d’être aux commandes de l’escroquerie. »

    Mais peu importe que l’État pense que nous sommes naïfs, ou qu’il soit créatif dans sa manière de nous abuser, le fromage de Keynes (c’est-à-dire la monnaie créée) n’est pas la même chose que les véritables ressources que veulent les gens et pour lesquelles ils travaillent dur. L’escroquerie conduit à une explosion artificielle de la dépense suivie d’un effondrement, ce qui a pour effet de consommer et d’assécher le capital.

    La monnaie est une créance sur de véritables ressources, donc le fait d’en imprimer transfère une partie de cette créance à ceux qui reçoivent cette monnaie nouvelle, aux dépens de ceux qui ont travaillé dur pour les accumuler. Un commentateur astucieux sur un réseau social a récemment ironisé « on se crève à bosser toute l’année pour 30 000 dollars alors qu’un banquier central clique sur un bouton de souris et crée 2 000 000 000 000 dollars. » Chacun de ces dollars mis au monde d’un simple clic a le même pouvoir d’achat que les dollars pour lesquels on a travaillé dur. Pourquoi travailler dur ?

    Ludwig von Mises a résumé Keynes comme ceci :

    « Et alors, vraiment très tardivement, même les gens les plus simples découvriront que Keynes ne nous pas appris le ‘miracle… qui consiste à transformer une pierre en pain’, mais le procédé pas du tout miraculeux qui consiste à manger son blé en herbe. »

    Dans un environnement où le taux d’intérêt est manipulé, plutôt que d’épargner et d’accumuler des ressources, chacun veut profiter des largesses de l’État et de la banque centrale, en mangeant le blé en herbe du voisin, de peur qu’il le mange le premier.

    En 2020 le monde est entré dans une situation de fermeture imposée par les États qui va plonger les économies dans une grave récession . La situation est largement aggravée par les décennies de politiques économiques keynésiennes qui ont précédé.

    L’économie keynésienne en 2020

    Cet élément déclencheur du côté de l’offre arrive à un moment où les taux d’intérêts ont déjà été artificiellement réduits presque à zéro pendant dix ans ou plus dans de nombreux pays. Dans un tel environnement, seuls des fous ont voulu épargner et tout le monde – ménages, entreprises et administrations – a emprunté à mort alors que le crédit était peu cher et abondant. Le monde est donc entré dans cette crise du coronavirus avec pratiquement aucun matelas d’épargne, avec des firmes et des employés qui vivent au jour le jour sur une montagne de dette.

    Une telle économie n’a aucune résilience face au moindre choc. Des entreprises sans le sou ne peuvent pas payer les salaires, donc des locataires sans le sou ne peuvent pas payer leur loyer, et donc des propriétaires sans le sou ne peuvent pas rembourser leurs emprunts, ce qui signifie que des banques sans le sou ne peuvent pas rester solvables, à moins d’une aide des États. Mais que se passe-t-il si les États aussi sont sans le sou ?

    Les États essaient de rassurer les électeurs : personne ne manquera d’aide. Ne vous inquiétez pas cher électeur, le fardeau sera transféré ailleurs, pas sur vous. Mais qui est cet autre ? Il ne reste personne pour fournir des aides. Nous sommes entrés dans la crise du coronavirus dans une situation économique où le rentier a déjà été euthanasié et où le blé en herbe a déjà été mangé.

    Le seul « actif » hypothécable qui reste dans la société sont les droits de collecte des impôts futurs par les États. Mais ces droits ont été vendus en millions de petites tranches (les obligations d’État) et les États surendettés en vendent fébrilement de plus en plus. Qui peut acheter ces obligations si plus personne n’a d’épargne en réserve ?

    La seule chose qui reste aux États est de faire semblant d’acheter leurs propres obligations en imprimant de plus en plus de monnaie pour eux-mêmes. Mais plus ils s’engagent dans cette voie apparemment aisée, moins il est motivant pour qui que ce soit de travailler pour vivre. Si les gens ne produisent pas de véritables biens et services pour que les États les achètent, leur monnaie fiat est sans valeur. Chacun reçoit un bon en or, mais il n’y a pas de chocolaterie.

    Voilà le monde que Keynes voulait et que ses protégés de la planification centralisée ont produit en masse.

    Bien joué, Monsieur Keynes.

    Traduction Contrepoints.

    Sur le web

    • chevron_right

      Leader libérateur : attention danger !

      news.movim.eu / Contrepoints · Tuesday, 3 March, 2020 - 03:30 · 5 minutes

    leader

    Par Bernard Marie Chiquet, fondateur d’ iGi Partners .

    Comme a pu l’écrire David Marquet , auteur du fameux livre Turn the ship around ,  « on n’a jamais vu quelqu’un faire quelque chose de formidable parce qu’on lui avait demandé de le faire » . Pour y parvenir, il convient de permettre à chacun d’exprimer sans frein ses talents et d’assumer ses responsabilités. Et ce qui est vrai pour chaque collaborateur l’est tout autant pour le patron et le manager.

    Pour autant, alors que les tenants de l’entreprise libérée appellent de leurs vœux l’émergence d’un manager héroïque, celui que Isaac Getz appelle le « leader libérateur », il me semble essentiel de mettre la lumière sur une conception du management et de l’organisation qui n’est pas sans comporter quelques dangers pour l’entreprise.

    Indéniablement, l’entreprise doit se réinventer. Pour ce faire, elle doit pouvoir s’appuyer sur un management régénéré, libéré du carcan de l’organisation conventionnelle et, surtout, investi d’un rôle, d’une ambition et d’une envergure inédits. Un management à l’énergie libérée. Un management au service du collectif et du self-management. Un management au service du leadership de chacun plutôt qu’au détriment des autres.

    Renverser le leader libérateur

    La tentation est forte pour beaucoup de patrons de céder aux attraits du management tel que présenté par Frédéric Laloux ou Isaac Getz, les deux figures de proue respectivement de l’entreprise opale et de l’entreprise libérée. Conçu comme un leader libérateur, le patron, porté par son expertise et ses intuitions, est celui que l’on suit, celui qui sait ce qui est bon pour l’organisation et ses collaborateurs. Chacun lui accorde pleinement sa confiance.

    Le message adressé au patron est simple et clair : « transforme-toi et l’entreprise se transformera » , à l’image de l’intuition qui le guide. Libre de tout cadre, de tout contre-pouvoir, tout repose sur son intuition et son talent supposés. Ce leader libérateur devient une sorte de « super-manager » qui n’est, parfois, pas loin de prendre les traits d’un gourou.

    Or, opter pour un management héroïque c’est immanquablement mettre en péril l’existence même de l’entreprise en liant son évolution à la présence de cette figure “héroïque”. Une situation qui ainsi pu être observée dans des entreprises comme Poult ou Harley Davidson . D’incarnation de l’entreprise libérée par l’entremise de leurs patrons, celles-ci se sont vues doublement ébranlées par leurs départs et un retour à l’organisation conventionnelle.

    Le management héroïque est un vrai danger parce qu’il repose sur une double erreur. Pour changer et se réinventer, l’organisation ne peut se passer d’un cadre qui offre des règles claires et explicites à tous. Ensuite, la transmutation qu’implique l’abandon du modèle conventionnel, ne peut être portée et ne concerner que le patron ou le management. Le leader libérateur reste une figure illusoire et seule une organisation qui offre à tous autonomie et responsabilités, des garde-fous évidents, permet de tendre vers une entreprise vraiment libérée. Une entreprise qui saura déraciner les victimes et renverser les héros.

    Vers un management constitutionnel

    Si vouloir faire du patron un leader libérateur est une erreur et préfigure souvent un retour douloureux vers l’organisation conventionnelle, l’intention n’en demeure pas moins intéressante. Mais si le patron doit impérativement être l’instigateur et le moteur de cette organisation qui se réinvente, il ne peut en être l’unique inspiration. Il doit non seulement se mettre au service du collectif, de la raison d’être de l’entreprise mais aussi aider à l’émergence d’une organisation destinée à lui survivre. En somme, il n’est ni héros, ni irremplaçable.

    Alors qu’avec leur leader libérateur, les tenants de l’entreprise libérée font le lit d’un leadership basé sur une illusion et une dépendance au patron libérateur, l’holacratie, fondée sur une Constitution et le management constitutionnel qui en résulte, offre à tous un cadre “autorisateur” et protecteur d’où peut émerger puissance et leadership véritable.

    Construite sur un corpus de règles et de processus explicites et connus de tous, le management constitutionnel de type holacratie donne vie à une organisation où nul n’empiète désormais sur l’autorité ou le rôle de l’autre. Elle invite chacun, l’organisation, au Powershift – un changement de posture dans l’exercice du pouvoir tant des managers que des collaborateurs – plutôt qu’à faire naître un leader libérateur. Appuyée sur une Constitution , elle est source d’un leadership véritable où chacun peut espérer tendre, à son rythme, vers le self-management. Le patron et le manager y ont un rôle majeur. Ils ont vocation à définir et affecter les rôles, prioriser. Ils sont aussi ceux qui modèlent cette nouvelle façon d’exercer le pouvoir induite par les règles constitutionnelles, qui peuvent ainsi accompagner et guider les collaborateurs pour que chacun  progresse à son rythme vers le self-management .

    Alors que dans un cas tout repose sur le développement personnel d’un leader « éclairé », créant ainsi une nouvelle forme de dépendance, dans l’autre, tout est basé sur un système, un management et un self-management constitutionnels c’est-à-dire selon des mécanismes connus, compris et appliqués par tous : dirigeant(s), managers et employés. Car, quand bien même le développement personnel du patron demeure une des clés de réussite du processus de transmutation, opter pour un modèle constitutionnel de type holacratie c’est faire le choix de transformer l’exercice du pouvoir, au profit de chacun et du collectif, qui plus est, de manière durable.