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      Après l'attentat de Buffalo, la gauche accuse la théorie du "grand remplacement"

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Sunday, 15 May, 2022 - 14:15 · 3 minutes

    Payton Gendron, l'auteur de la tuerie de Buffalo, photographié ce dimanche 15 mai. Payton Gendron, l'auteur de la tuerie de Buffalo, photographié ce dimanche 15 mai.

    TERRORISME - Encore une fois, ces deux termes qui obsèdent l’extrême droite française accompagnent une tuerie de masse. Dans la nuit de ce samedi 14 au dimanche 15 mai, Payton Gendron, un jeune suprémaciste américain âgé de 18 ans, a ouvert le feu à l’arme lourde dans un supermarché de Buffalo, dans l’État de New York, faisant 10 morts et 3 blessés selon un premier bilan.

    Un crime aux motivations raciales immédiatement établies, puisque le jeune homme avait publié un manifeste en ligne avant son attaque à la mitraillette dans ce quartier à majorité afro-américaine. Ce mode opératoire rappelle celui de Brenton Tarrant , auteur de l’attentat de Christchurch en 2019, dont il s’est inspiré, reprenant notamment l’idée de diffuser la tuerie en direct sur internet.

    Comme Brenton Tarrant, Payton Gendron partage la conviction que la population blanche et occidentale subit un “grand remplacement” provoqué par l’immigration. Cette théorie xénophobe et complotiste, popularisée par l’essayiste français Renaud Camus, s’est imposée comme l’un des sujets les plus discutés de la campagne présidentielle avant la guerre en Ukraine, à l’aune de l’irruption de la candidature très radicale d’Éric Zemmour.

    “Un argumentaire à la haine raciste” pour Olivier Faure

    Au point de s’être retrouvée partagée par la droite via Éric Ciotti ou encore Valérie Pécresse . Une période durant laquelle Renaud Camus, condamné à plusieurs reprises pour provocation à la haine raciale , était invité sur CNews pour parler de ce concept, repris par Éric Zemmour à longueur de meetings.

    Sans surprise ce dimanche, alors que c’est la deuxième fois que cette théorie accompagne un acte terroriste d’extrême droite, la gauche s’alarme de sa popularisation. “La thèse complotiste du “Grand remplacement” arme le bras des terroristes suprémacistes. Elle sert d’argumentaire à leur haine raciste. Ouvrons les yeux”, a tweeté le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. “Voilà où mène le fantasme néo-fasciste du ‘Grand remplacement’: il conduit au meurtre, partout dans le monde”, a renchéri le député insoumis Loïc Prud’homme, accusant Éric Zemmour et Marine Le Pen d’avoir “colporté” cette thèse au sein du débat public français.

    “Certains ont accepté, médiatisé et banalisé qu’une grande partie du débat de l’élection présidentielle se fasse autour de la thèse du ‘Grand remplacement’ au nom de laquelle ce genre de tueur raciste a encore agi”, gronde de son côté le sénateur socialiste David Assouline.

    “La banalisation des idées xénophobes (en l’espèce la théorie complotiste et raciste du ‘grand remplacement’,largement développée par un Français déjà condamné en justice) sur les antennes et réseaux sociaux ici et ailleurs TUE. Pensées aux proches des victimes”, a lui écrit l’ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, aujourd’hui candidat NUPES dans le Gard, Nicolas Cadène .

    Pour rappel, cette théorie résiste mal à l’examen statistique, puisque les chiffres mis en avant par ses promoteurs sont très largement discutables . Pour le démographe et historien Hervé Le Bras, il est même “impossible” qu’un tel scénario puisse se produire. Dans son ouvrage Il n’y a pas de grand remplacement (éditions Grasset), ce directeur d’étude à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) démonte ce concept, point par point, sur la base des données empiriques fondées et en levant le voile sur les “fantasmes” qui conduit l’extrême droite à y adhérer. Parfois pour le pire, comme le montre l’attentat commis Payton Gendron ce samedi.

    À voir également sur Le HuffPost: Tuerie à “motivation raciale” dans un supermarché de Buffalo, au moins 10 morts

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      Marion Maréchal n'est pas candidate aux élections législatives 2022

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 10 May, 2022 - 16:41 · 1 minute

    Marion Marechal photographié lors d'un meeting d'Éric Zemmour le 7 avril (illustration) Marion Marechal photographié lors d'un meeting d'Éric Zemmour le 7 avril (illustration)

    POLITIQUE - Ce n’était pas (du tout) un secret, mais c’est désormais officiel. Dans un communiqué publié ce mardi 10 mai sur Facebook, Marion Maréchal , désormais vice-présidente de Reconquête! , explique pourquoi elle ne sera pas candidate aux élections législatives .

    “Je ne pourrai pas mener une campagne active, de terrain, à huit mois de grossesse, avec un accouchement prévu le jour du deuxième tour de l’élection”, justifie l’ancienne députée du Vaucluse, précisant avoir pris cette décision “après mure réflexion”.

    Lundi sur France Bleu Vaucluse, Bertrand de la Chesnais, coordinateur du parti et ancien candidat soutenu par le RN à Carpentras lors des élections municipales, avait vendu la mèche. L’ex-directeur de campagne d’Éric Zemmour avait d’ailleurs confirmé que le jeune président de la Génération Z, Stanislas Rigault, allait tenter sa chance dans ce département, où le vote d’extrême droite est bien implanté ( comme nous l’écrivions récemment ).

    “Pleinement engagée dans mes nouvelles fonctions de vice-présidente de Reconquête!, je soutiendrai nos 550 courageux candidats. Vous pourrez compter sur eux, et sur la direction du mouvement, pour réussir cette nouvelle étape dans la construction de notre tout jeune mouvement”, poursuit la nièce de Marine Le Pen, alors que les chances d’envoyer en nombre des élus au Palais Boubon sont (très) minces pour le parti d’Éric Zemmour.

    Ce dernier doit d’ailleurs prendre une décision dans la semaine, alors que deux circonscriptions pourraient lui échoir, la 4e de Paris et la 4e du Var. Deux zones où il a enregistré de très bons scores à la présidentielle et qui pourraient lui offrir sa première victoire électorale. À condition d’aller au combat. Ce qui, pour l’heure, n’est pas acquis.

    À voir également sur Le HuffPost: Éric Zemmour n’a pas épargné Marine Le Pen pendant la campagne et elle le lui rend bien

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      Aux législatives, Zemmour réactive le clivage entre le RN du Nord et le RN du Sud

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 6 May, 2022 - 05:30 · 4 minutes

    Affiche photographiée durant la campagne présidentielle (illustration).  Affiche photographiée durant la campagne présidentielle (illustration).

    POLITIQUE - L’élément de langage est rodé dans les rangs de Reconquête!. Sans alliance, le Rassemblement national accusera de lourdes défaites, en particulier dans le Sud-Est de la France aux élections législatives des 12 et 19 juin. S’obstiner dans cette voie reviendrait donc à “sacrifier” plusieurs gains potentiels sur l’autel de la “rente” du parti lepéniste, peu enclin à partager son gâteau électoral.

    L’élu RN de Nice, Philippe Vardon , peut en témoigner. Bien implanté dans le secteur, ce conseiller régional et président du groupe RN dans la ville de Christian Estrosi devra faire face à un candidat RN dans la circonscription qu’il brigue. La direction du parti d’extrême droite a décidé de lui retirer l’investiture et de lui mettre un adversaire de son propre camp dans les pattes.

    La raison évidente? Sa main tendue à Reconquête! en vue des élections législatives, à rebours de la ligne officielle du parti. La raison officielle? Le RN affirme que Philippe Vardon a commis des violences à l’encontre d’un collaborateur, sur fond de tensions internes liées justement à la position à adopter face à Éric Zemmour. “Évidemment, tout est bidon”, grince auprès du HuffPost un ex-RN proche de Philippe Vardon.

    La raison moins avouable? La proximité de cet ancien identitaire (toujours assistant parlementaire de Nicolas Bay) avec les troupes d’Éric Zemmour, bien qu’il soit (a minima) resté loyal à Marine Le Pen tout au long de la campagne présidentielle. Quoi qu’il en soit, Philippe Vardon compte bien maintenir sa candidature. Ce qui l’expose automatiquement à une exclusion du parti et à se présenter “sans étiquette”.

    “Beaucoup d’incompréhension”

    “Il y a chez moi beaucoup d’incompréhension face à cette décision, dont je n’ai pas été informé officiellement”, a-t-il déclaré à l’AFP mercredi 3 mai. Quelques jours plus tôt dans Le Figaro , il rejouait le match (ancien) entre le FN du Nord et le FN du Sud: “Vu d’ici, on regarde forcément les choses un peu différemment que depuis le Pas-de-Calais”.

    Une petite pique à l’entourage proche de Marine Le Pen, surtout implanté dans les Hauts-de-France et accusé de longue date par ses détracteurs de se focaliser uniquement sur les anciennes terres communistes au détriment du sud et de ses spécificités électorales, plus portées sur les questions identitaires et sécuritaires que sur le pouvoir d’achat et la retraite à 60 ans.

    Ce que les cadres du RN récusent, faisant valoir que le parti à la flamme tricolore n’a pas eu besoin de parler “union des droites” pour s’implanter (et confirmer) dans le secteur . Mais ce clivage (qui a souvent expliqué des luttes internes au FN) est-il renforcé par Reconquête!?

    Mauvaise manière

    Comme le montre la carte ci-dessous, Éric Zemmour a enregistré ses meilleurs scores dans le Sud-Est. Dans certains secteurs du Var ou des Alpes-Maritimes, l’ancien journaliste dépasse même les 20%. Ce qui permet aujourd’hui à Reconquête! de brandir la menace d’une division des voix d’extrême droite dans ces zones aux élections législatives.

    “Ce qui est certain c’est qu’il y a une spécificité de la bourgeoisie au Sud pour ce vote, bien moins rétive qu’au Nord. Donc sur le plan électoral, je pense que Vardon a raison”, observe pour Le HuffPost l’historien Nicolas Lebourg.

    “L’intransigeance du RN sur Reconquête! peut un peu être vue comme une mauvaise manière du Nord faite au Sud, le premier pouvant se contenter des classes populaires”, poursuit le spécialiste, avant de mettre en garde sur le caractère potentiellement réducteur de cette “bipartition”, puisque le RN est bien implanté dans le Gard Rhodanien, sans avoir à faire de compromis sur la ligne.

    “Bipartition”

    Il n’empêche qu’en Provence, c’est bien cette lecture qui prédomine chez les soutiens de Reconquête!, où l’on ne cesse d’accuser le RN de préférer perdre seul que de gagner avec Éric Zemmour. Faute d’accord, zemmouristes et lepénistes s’affronteront donc dans de nombreuses circonscriptions.

    “Dans les Bouches-du-Rhône ça va être un carnage, d’autant que beaucoup de cadres nous ont rejoint. Le RN a du mal à trouver des candidats, ça n’annonce rien de bon”, observe un cadre local de Reconquête! passé par le RN. “Même sans Éric Zemmour, c’était déjà compliqué. En 2017, tout le monde s’est fait défoncer dans le coin. Alors avec nous au milieu...”, poursuit-il.

    Quoi qu’il en soit, le parti d’Éric Zemmour compte bien s’investir dans cette zone, en y envoyant ses recrues les plus identifiées, comme Damien Rieu et Dénis Cieslik (porte-parole de Reconquête!), tous les deux candidats dans les Alpes-Maritimes. En interne, plusieurs s’attendent à voir Stanislas Rigault atterrir dans le Vaucluse. Tous se présentent dans des circonscriptions jugées “jouables”. À défaut d’être “gagnables”.

    À voir également sur Le HuffPost: Zemmour appelle à la mobilisation contre les blocs “macroniste” et “islamo-gauchiste”

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      Eric Zemmour hésite à se présenter aux législatives, le RN croit savoir pourquoi

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 3 May, 2022 - 12:52 · 3 minutes

    Eric Zemmour, ici après les résultats du premier tour de la présidentielle, envisage d'être candidat aux législatives. Eric Zemmour, ici après les résultats du premier tour de la présidentielle, envisage d'être candidat aux législatives.

    EXTRÊME DROITE - Le président par intérim du RN, Jordan Bardella, s’est étonné mardi 3 mai des “hésitations” d’Éric Zemmour à être candidat aux législatives. “C’est surprenant de la part d’Éric Zemmour parce qu’on a un parti qui s’appelle ‘Reconquête!’ et où tous les ténors, tous les cadres du parti, ne veulent pas s’engager dans la bataille législative . Même le chef de la famille, Zemmour, hésite !”, a ironisé sur France 2 l’eurodéputé RN, qui ne sera pas candidat aux législatives, contrairement à Marine Le Pen .

    “Comment on peut hésiter quand on regarde la situation du pays? S’il hésite, c’est parce qu’il sait que lui-même ne pourra ni se qualifier au second tour, ni espérer être député à l’Assemblée nationale ” après avoir obtenu 7% à la présidentielle, a-t-il ajouté.

    Jordan Bardella a de nouveau lancé “un appel aux électeurs d’Éric Zemmour, comme (...) aux électeurs déçus de LR”. “Je leur dis: ‘Venez avec nous, construisons ensemble l’opposition à Emmanuel Macron, ne gaspillez pas votre vote, alors même que, avec 7% à l’élection présidentielle , vous ne passerez le second tour dans aucune circonscription’”, a-t-il insisté.

    Eric Zemmour “très tenté”

    Le fondateur du parti Reconquête! a dit hésiter lundi, mais être “très tenté” par une candidature aux élections législatives des 12 et 19 juin. Sur BFMTV, Éric Zemmour a indiqué qu’il prendrait sa décision dans “quelques jours”. Pour ces élections, auxquelles il compte bien présenter “577 candidats”, il a regretté qu’aucune négociation ne soit en cours avec Marine Le Pen .

    “Je pense que la stratégie qu’a mise en œuvre Éric Zemmour, qui consiste à se placer à la droite du Rassemblement national, dans l’outrance, dans l’excès, est une impasse et donc on a vocation à travailler avec des gens qui, peut-être chez lui, se rendent compte de cette erreur”, a critiqué Jordan Bardella. “Il peut y avoir des gens qui viennent du parti d’Éric Zemmour et il y en aura”, qui seront soutenus par le RN, a assuré l’eurodéputé, à condition qu’ils s’engagent “sur la base du projet que nous portons et notamment sur la retraite” entre 60 et 62 ans, alors qu’Eric Zemmour prône une retraite à 64 ans.

    Tractations avec Stanislas Rigault

    De son côté, Stanislas Rigault, chef de file du mouvement des jeunes avec Éric Zemmour, a confirmé sur CNews avoir “discuté” avec Jordan Bardella, tout en refusant de se présenter sous les couleurs du RN. “J’ai un devoir de fidélité à Eric Zemmour qui est évident”, a-t-il affirmé, ajoutant que l’objectif de son parti “n’est pas de faire des aventures personnelles dans son coin pour le simple plaisir d’être élu député”.

    Le président de Génération Z a confié son “envie” de se présenter aux élections législatives sous la bannière Reconquête! et de “structurer” le parti fondé par l’ancien polémiste. “L’idée est de construire une force politique puissante pour les législatives, pour faire front face aux deux grandes menaces: le bloc macroniste et le bloc mélenchoniste”, a-t-il estimé.

    À voir également sur Le HuffPost: Eric Zemmour appelle à la mobilisation contre les blocs “macroniste” et “islamo-gauchiste”

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      Liberté d’expression : précieuse comme jamais – on est le camp de la liberté ou pas !

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 2 March, 2022 - 04:15 · 6 minutes

    Mon précédent article consacré à l’invasion de l’Ukraine par la Russie s’intitulait « Comme si la Russie de Poutine pouvait être un modèle ! » et je l’ai conclu sur ce paragraphe :

    Si l’Occident veut exister à la hauteur de ses valeurs libérales et démocratiques, ce n’est certainement pas sur la Russie ou sur la Chine qu’il doit prendre modèle […] C’est au contraire en s’éloignant résolument de l’autocratisme en vigueur dans ces pays. […] Ne nous transformons ni en Chine ni en Russie.

    L’occasion de mettre en pratique ces bonnes résolutions s’est immédiatement présentée sous la forme de la liberté d’expression qu’il est question de laisser ou pas aux médias de l’État russe opérant en Europe ainsi qu’aux personnalités politiques ou autres qui en France parlent et agissent en soutien plus ou moins affiché de Vladimir Poutine.

    Interdiction des médias contrôlés par la Russie

    Dimanche 27 février au soir, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a en effet annoncé parmi les sanctions prises contre la Russie que l’Union européenne (UE) entendait « interdire la machine médiatique du Kremlin dans l’Union européenne ». De son côté , l e haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères Josep Borrell insistait sur la nécessité de mettre un terme au récit russe sur le conflit avec l’Ukraine :

    Nous voulons casser le récit des médias contrôlés par l’État russe, qui diffusent désormais de la propagande de guerre. Poutine veut conquérir un territoire, mais aussi les esprits.

    De la même façon, un sondage proposé par le compte twitter de l’émission de Cyril Hanouna « Balance ton post » demandait jeudi 24 février dernier, premier jour de l’offensive russe, s’il fallait « interdire d’antenne Éric Zemmour » . Sur plus de 30 000 votants, 41,6 % étaient favorables :

    On est encore assez loin de la majorité, naturellement, et ce n’est qu’un sondage en ligne sans garantie de représentativité, mais cela forme néanmoins une minorité suffisamment étoffée pour que le résultat inquiète.

    Il est vrai que depuis le début des tensions entre la Russie et l’Ukraine, Éric Zemmour et d’autres responsables politiques à l’extrême gauche et à l’extrême droite ont tenu des positions pour le moins alambiquées mais toujours conciliantes d’une façon ou d’une autre pour le leader du Kremlin, au point même qu’Éric Zemmour en est venu récemment à qualifier Poutine de « démocrate autoritaire » sous prétexte qu’il était élu. Un oxymore qui ouvre un vaste champ d’entorses possibles à l’État de droit…

    Mais les esprits des citoyens, comme disait M. Borrell, seraient-ils si faibles, si peu doués de capacités critiques, qu’il faudrait en quelque sorte les protéger de tout contact avec des opinions non officielles, non validées par les autorités, sur les événements en cours ? Qu’il faudrait mettre en place des opinions barrières et des méthodes de distanciation idéologiques ?

    Attention à ne pas devenir comme la Russie pour la liberté d’expression

    Comment ne pas voir que cette censure de l’information et des opinions correspond précisément à ce que fait Poutine en Russie, ce Poutine dont on abhorre à juste titre le comportement autocratique ?

    Depuis le début du conflit, les reporters de la télévision russe reçoivent leurs informations, non pas du terrain mais depuis leurs studios de Moscou. Pour les téléspectateurs, il n’y a pas de guerre en Ukraine mais une simple opération de maintien de la sécurité dans les régions séparatistes de Lougansk et Donetsk dont la Russie a reconnu l’indépendance la semaine dernière et une tout aussi simple « opération spéciale » de dénazification de l’Ukraine.

    Surtout, ainsi que je l’ai déjà évoqué dans l’article précédent, la Russie figure en temps ordinaire au 150 ème rang sur 180 pays pour la liberté de la presse selon le baromètre annuel de Reporters sans frontières, tandis que la France, sans briller comme la Norvège, la Finlande et la Suède, se classe quand même à la 34 ème place. Le bon mouvement ne consisterait-il pas plutôt à essayer de rejoindre les Pays-Bas ou l’Allemagne, dans les 15 premiers rangs du classement ?

    La censure de l’expression est l’arme délétère de qui ne supporte pas la contradiction et/ou qui n’a pas d’arguments valables à opposer aux opinions divergentes. S’agissant de RT France (ex-Russia Today), quoi de plus parlant que le libre choix de l’animateur Frédéric Taddeï de mettre fin à son émission « Interdit d’interdire » (titre d’une grande actualité) « par loyauté pour la France » ? De telles décisions individuelles sont largement plus significatives, exemplaires et légitimes qu’une censure globale venue d’en haut.

    Sans compter que techniquement, on voit mal comment l’environnement numérique dont nous disposons aujourd’hui pourrait empêcher l’information de circuler en dehors des canaux officiels.

    Il convient d’admettre que les paroles, même déplaisantes, même très éloignées des idées que chacun peut se faire sur toutes sortes de sujets ne sont pas des actes et ne sauraient être criminalisées. La seule attitude possible dans une société ouverte consiste à les combattre dans le cadre de débats ou de conseils, ou éventuellement à ne les considérer qu’avec indifférence, certainement pas en censurant ou en pénalisant les auteurs.

    D’une façon générale, la liberté d’expression donnée aux individus leur fait rechercher par eux-mêmes, et non par un décret supérieur, ce qu’ils jugent bien et ce qu’ils jugent mal. De plus, dans la mesure où elle n’est pas seulement la possibilité qui nous est offerte de nous exprimer librement, mais peut-être surtout la reconnaissance des possibilités d’expression des autres, elle devient confrontation des idées, elle devient débat.

    C’est ainsi que la liberté d’expression est la plus à même de faire émerger de nombreuses idées nouvelles parmi lesquelles on a le plus de chance d’aboutir à la vérité, tandis que la censure des idées qu’on qualifie de mauvaises n’aura jamais l’effet de faire disparaitre ces idées. Au contraire, elle risque de leur donner encore plus d’importance, encore plus de crédit, car on se demandera toujours au nom de quelle mauvaise conscience du censeur elles basculent dans l’interdit.

    Il me semble que tout cela devient encore plus essentiel aujourd’hui, encore plus précieux à préserver, dans cette situation de conflit où la France, où l’Occident en général se sent solidaire des Ukrainiens par attachement à l’État de droit et au droit international. On est le camp de la liberté ou on ne l’est pas.

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