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      Le Français Christo Popov proche de l'exploit face au Danois Viktor Axelsen

      sport.movim.eu / LEquipe · Saturday, 18 February, 2023 - 15:24


    Christo Popov félicité par Viktor Axelsen à la fin du match. (L. Noyon//badmintonphoto) Le Français s'est incliné en trois sets face à Viktor Axelsen, le numéro 1 mondial danois, dans le simple hommes des Championnats d'Europe de badminton par équipes mixtes. Mais il a fait douter le numéro 1 mondial, alors que les Bleus n'ont pas abdiqué.
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      « Il ne suffit pas de sortir de l’euro pour redevenir souverain » – Entretien avec David Cayla

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Wednesday, 8 February, 2023 - 19:31 · 32 minutes

    La crise de 2008, celle des dettes souveraines du Sud de la zone euro, la pandémie et maintenant la crise inflationniste ne cessent de montrer les limites d’un modèle économique où le marché est censé permettre la meilleure allocation des ressources. Contrairement aux néolibéraux, qui pensent que le marché doit être simplement mieux organisé grâce à l’action de l’Etat, l’économiste David Cayla considère que le marché est incapable de remplir la mission qui lui a été donnée. Pour ce membre des Économistes Atterrés, d’autres approches sont nécessaires. Celle de la théorie monétaire moderne (MMT) propose selon lui une réflexion intéressante, mais ne pourra suffire à elle seule à définir une nouvelle doctrine capable de remplacer le néolibéralisme mourant. Entretien.

    Le Vent Se Lève : En 2020, dans votre livre Populisme et néolibéralisme , vous faisiez un lien entre les doctrines néolibérales et l’essor de mouvements populistes. Vous poursuiviez aujourd’hui votre étude du néolibéralisme – et son exégèse, avec Déclin et chute du néolibéralisme . Dans votre chronologie, ce courant de pensée naît dans les années 1920 et sa disparition a débuté en 2008. Ne vivons-nous pourtant pas toujours en régime néolibéral ?

    David Cayla : En 2008, le monde connaît la plus grave crise financière depuis le krach de 1929. La soudaine faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers contraint le gouvernement américain, puis la banque centrale, à intervenir massivement pour sauver le système financier de la faillite. Ainsi, à partir de cette date, le rôle des banques centrales change et se politise. C’est la fin d’une époque fondée sur le principe de la neutralité de la monnaie et le désengagement continuel de l’État.

    Le livre entend démontrer que le néolibéralisme est en déclin depuis cette date. Cela ne veut pas dire qu’il ait disparu, mais plutôt que nous ne sommes jamais vraiment revenus au monde d’avant. Ainsi, les banques centrales, du moins dans les pays développés, ont largement contribué à financer les besoins financiers des États lors de la pandémie de Covid. Pour autant, on ne va pas jusqu’à remettre en cause l’indépendance des banques centrales. Même si un certain nombre de pratiques néolibérales ont été abandonnées, le néolibéralisme continue de dominer les esprits et les représentations. Nous sommes donc dans une phase de transition et il est difficile de prévoir quelle nouvelle doctrine succédera au néolibéralisme.

    LVSL : Dans votre ouvrage, vous rappelez en effet que la neutralité des banques centrales vis-à-vis du pouvoir politique est un élément central du néolibéralisme. Vous pointez notamment la grande proximité entre la création de la Bundesbank après-guerre, qui dispose d’un statut indépendant et du mandat centré sur la stabilité des prix, et la Banque Centrale Européenne. Pourquoi s’être aligné sur l’Allemagne ?

    David Cayla : L’Union Européenne s’est construite sur un accord franco-allemand dans les années 1950. Lors de cette discussion, il y a eu une sorte de compromis fondé en partie sur l’ambiguïté des textes. Quand on lit le traité de 1957 qui instaure la CEE, il y a beaucoup de choses qui peuvent aller dans des directions opposées. Au fur et à mesure du développement de la CEE, puis de l’Union Européenne, l’interprétation allemande des textes s’est mise à prédominer. Ainsi, on peut dire que la vision allemande a gagné en influence à partir des années 1980-1990. La monnaie unique apparaît dans ce contexte de domination de l’interprétation allemande. De plus, pour que les Allemands acceptent de perdre leur monnaie fondée sur des principes ordolibéraux (la version allemande du néolibéralisme), ils ont exigé que l’euro fonctionne comme le Deutsche Mark, c’est-à-dire avec une banque centrale indépendante, centrée sur l’objectif de stabilité des prix.

    Le Vent Se Lève : Pourquoi la France dirigée alors par un président socialiste, accepte-t-elle l’institutionnalisation du monétarisme via le traité de Maastricht ? De manière générale, comment expliquer la prédominance de politiques français issus du Parti Socialiste dans la constitution de la mondialisation financière, par exemple avec Pascal Lamy ou Jacques Delors ?

    David Cayla : Il faut se replacer dans le contexte de l’époque et rappeler que la mondialisation financière s’est construite en trois temps. Lors de la première phase, celle issue du capitalisme encastré des accords de Bretton Woods : les taux de change des monnaies étaient administrés, les droits de douanes élevés et les flux financiers internationaux contrôlés. Il y avait des échanges financiers internationaux bien sûr, mais ces derniers étaient sous la coupe des institutions politiques. La plupart des banques centrales n’étaient alors pas indépendantes. Ce système s’effondra à partir de l’été 1971, lorsque Nixon annonça la fin de la convertibilité en or du dollar.

    La deuxième phase, la phase d ’internationalisation financière , apparaît lorsque des pays comme les États-Unis, décident unilatéralement de libéraliser les flux financiers et de laisser flotter leurs monnaies. Lors de cette phase, certains pays tentent d’attirer les capitaux internationaux. Cette deuxième phase fondée sur la concurrence permet à chacun de réguler son système financier comme il l’entend. Il n’y a pas d’harmonisation des règles.

    La troisième phase, celle de la mondialisation financière proprement dite, apparaître dans les années 80. C’est une phase qui engendre l’harmonisation des règles en matière de régulation financière. Cette harmonisation nécessite un cadre commun qui sera négocié au sein d’institutions telles que le FMI, l’OCDE ou l’Union Européenne. C’est en 1986 que l’acte unique européen est signé. C’est cette troisième phase qui va être promue par des socialistes français et qu’a étudié l’historien britannique Rawi Abdelal . Elle va conduite à interdire le contrôle les mouvements de capitaux et à sacraliser partout dans le monde l’indépendance des banques centrales. Les normes de la gouvernance néolibérale vont alors s’imposer.

    Dans la perspective des socialistes français qui les ont promues, il y avait l’idée qu’on pourrait ainsi mieux contrôler et canaliser la mondialisation financière. Sauf que les effets sont allé dans le sens inverse : en interdisant aux États de contrôler leurs flux financiers et en libéralisant les marchés financiers, on a nourri les paradis fiscaux et organisé la concurrence fiscale à l’échelle mondiale. La mondialisation financière est sans conteste la conséquence la plus importante des politiques néolibérales.

    LVSL : Vous expliquez aussi clairement que le néolibéralisme a été, paradoxalement, planifié. Il a été sciemment mis en place alors qu’il prône la spontanéité du marché. Comment expliquer ce paradoxe ?

    David Cayla : Précisions d’abord que, dans l’histoire du XXe siècle, il y a eu des phases de régulation économique, comme celle des 30 glorieuses, et des phases de libéralisation. Là où il y a un paradoxe, c’est que la phase de régulation qui s’ouvre aux États-Unis avec la crise des années 1930 prend les États et les économistes de court et n’a donc pas été théorisée au préalable. Lorsque survient la Seconde guerre mondiale, les États en viennent à contrôler l’essentiel des prix pour permettre de réorienter l’économie d’un système productif fondé sur les besoins civils à une économie devant répondre aux impératifs de la guerre. Cette phase de contrôle des prix sera allégée une fois la paix rétablie, mais ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’elle sera véritablement abandonnée.

    La phase de libéralisation de l’économie apparaît lorsque le système économique des 30 glorieuses commence à s’essouffler, à partir de la fin des années 1960. Et c’est à ce moment qu’interviennent les économistes néolibéraux. Ces derniers avaient une théorie toute prête qui disait que l’État ne peut pas contrôler les prix sans engendrer de l’inefficacité.

    Il se trouve que la doctrine néolibérale fut conçue dans les années 1920 et 1930 pour contester le système soviétique. A l’époque, il y a un débat chez les économistes pour savoir le système soviétique pouvait ou non être efficace. Certains économistes l’affirmaient, parce qu’il y a un côté rationnel dans la planification et parce qu’ils pensaient que le contrôle de l’économie par l’Etat pouvait éviter un certain nombre de coûts de marché. D’autres économistes, comme Ludwig von Mises ou Friedrich Hayek, tentèrent alors de démontrer que lorsque l’État contrôle les prix, il se prive du marché. Or, ce dernier constitue pour eux un outil indispensable pour agréger et diffuser l’information dispersée détenue par les agents économiques.

    Pour les néolibéraux, la fonction première du marché est de déterminer un système de prix, lequel constitue un système d’incitations permettant de coordonner la société et de parvenir à l’efficacité. Cette réflexion, qui est la base du néolibéralisme, n’a pu être mise en œuvre alors en raison d’un renforcement inverse de régulation étatique pour faire face à la crise et à la guerre. De plus, l’Union Soviétique n’a pas périclité, contrairement à ce qu’ils pensaient. Au contraire, le système soviétique a tenu 70 ans et l’URSS est devenue une superpuissance dans les années 1950 et 1960.

    En fin de compte, les néolibéraux ont dû attendre 50 ans et la chute du système de Bretton Woods pour que le néolibéralisme soit enfin mis en œuvre. On a alors progressivement libéralisé les marchés afin de faire éclore des prix n’émanant pas du pouvoirs politique.

    LVSL : Vous mettez en avant une corrélation entre croissance et limitation de la liberté de marché. Plus le marché est libre et plus le taux de croissance serait faible. Pouvez-vous étayer ?

    David Cayla : C’est un constat plutôt qu’une analyse. Je constate que les moments de forte croissance, sont des moments où les marchés ont été davantage contrôlés, comme lors de la période des 30 glorieuses. À l’inverse, les périodes néolibérales n’ont pas été très porteuses de croissance.

    Pour autant, je ne dis pas que c’est directement à cause des politiques de libéralisation qu’on a connu un affaiblissement de la croissance. La fin de la forte croissance est plutôt liée à la désindustrialisation, qui est elle-même la conséquence des progrès de la productivité du travail et du changement des habitudes de consommation (les ménages consommant davantage de services en proportion de leurs revenus). Il y a néanmoins eu un effet négatif de la mondialisation : les pays riches se sont trouvés concurrencés par les pays en développement où les salaires sont beaucoup plus faibles et ils se sont affaiblis industriellement.

    Il faut comprendre que la hausse de la productivité est liée à la mécanisation du travail et dépend donc, pour l’essentiel, du nombre des salariés travaillant dans des métiers mécanisables. Or, ce qui est mécanisable c’est surtout la production industrielle. En perdant son industrie, un pays comme la France a donc perdu son potentiel de croissance.

    LVSL : Les néolibéraux s’appuient souvent sur des modèles mathématiques pour justifier leur politique. On peut citer par exemple celui d’Andrew K. Rose pour l’euro, ou de Rogoff sur les taux d’endettement public à ne pas dépasser pour ne pas affaiblir la croissance. Comment cette doctrine a-t-elle pu dominer si longtemps alors que ses modèles ont bien souvent été démentis par la réalité ?

    David Cayla : Il faut d’abord distinguer la théorie économique de la doctrine. Les économistes font de la théorie : ils essaient de construire des modèles pour comprendre des phénomènes économiques, et ces modèles n’impliquent pas nécessairement des politiques particulières. La doctrine, c’est différent. C’est une forme d’acte de foi. On porte des jugements de valeur : « ça c’est bien » ou « ça c’est mal ».

    Le néolibéralisme est une doctrine qui vise à diriger l’action politique : elle est normative, elle dit le bien. En tant que telle, les doctrines néolibérales s’occupent surtout des rapports entre l’État et le marché. Contrairement au libéralisme, le néolibéralisme n’est pas favorable au laissez-faire. Il dit au contraire que l’intervention de l’État est indispensable au bon fonctionnement des marchés parce que les marchés ne sont pas des espaces naturels, mais s’appuient sur des institutions sociales et politiques, sur le droit, etc. Autrement dit, le néolibéralisme entend mettre l’État au service des marchés afin qu’ils fonctionnent le mieux possible.

    « Contrairement au libéralisme, le néolibéralisme n’est pas favorable au laissez-faire. Le néolibéralisme entend mettre l’État au service des marchés afin qu’ils fonctionnent le mieux possible. »

    Dans les théories économiques, on a aussi aujourd’hui une mise en avant assez systématique du marché. Pourtant, à l’origine, chez Adam Smith ou David Ricardo par exemple, la pensée économique s’intéressait surtout à la production. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la pensée économique met l’échange et l’allocation (donc le marché) au cœur de son analyse. De même, à la différence des économistes classiques qui pensaient en termes de classes sociales, la pensée économique contemporaine s’appuie sur des modèles fondés sur des agents individuels cherchant à maximiser leur utilité dans un cadre concurrentiel. Ainsi, l’approche dominante en économie, la théorie néoclassique, alimente clairement la doctrine néolibérale, même si elle s’en distingue et qu’on peut trouver des économistes adeptes de l’économie néoclassique qui ne sont pas néolibéraux et inversement.

    De la même façon, ce qui caractérise les économistes hétérodoxes, c’est-à-dire ceux qui refusent le paradigme théorique dominant, n’est pas qu’ils soient contre le néolibéralisme mais que leurs théories relève d’un autre cadre intellectuel. Être hétérodoxe aujourd’hui, c’est souvent considérer que les marchés ne peuvent, par nature, être efficaces et que créer des institutions pour résoudre les défaillances de marchés est vain. Les approches hétérodoxes se distinguent donc clairement de la vision néolibérale.

    Pour la plupart des économistes hétérodoxes, même en situation de concurrence parfaite, même avec des agents parfaitement rationnels et informés l’allocation d’un marché ne sera jamais optimale. C’est ce qu’on constate dans la finance. Pour les économistes mainstream , par exemple pour Jean Tirole dont j’étudie la pensée dans le livre, les crises financières telles la crise des subprimes relèvent toujours d’une défaillance de marché, des mauvais systèmes d’incitations, d’une insuffisance des régulateurs, etc. À l’inverse, les économistes hétérodoxes affirment qu’il ne suffit pas de rendre les marchés parfaits pour que mécaniquement le système économique fonctionne mieux et que c’est le principe même de la régulation par les marchés qui engendre des crises.

    LVSL : Les monétaristes considèrent que la stagflation des années 1970 est due à l’excessive régulation des marchés. Quelle explication retenez-vous de cet événement ? Comment comprendre l hégémonie de l’explication monétariste dans le débat public jusqu’à maintenant ?

    David Cayla : Dans les années 1950 et 1960, l’inflation était relativement faible. Elle apparaît soudainement dans les années 70, notamment lors des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 et dépasse alors les 10 %. Cette forte inflation, qui dure, pose question à tout le monde, d’autant qu’elle entraine des tensions sociales.

    Pour expliquer l’inflation des années 1970, les monétaristes disposent d’une réponse simple, à l’image de Milton Friedman qui déclare que l’inflation a toujours une cause monétaire, autrement dit qu’elle résulte d’une politique monétaire trop expansive. Dans la vision monétariste, c’est parce que les banques centrales créent trop de monnaies que l’inflation émerge. Ainsi, la seule manière de réduire cette inflation serait de mener des politiques restrictives en augmentant le coût de l’argent, quitte à déclencher une récession, pour solder, en quelque sorte, les politiques « laxistes » qui auraient été menées auparavant. Cette politique d’austérité monétaire est engagée dès 1979 par le président de la Réserve fédérale Paul Volcker, qui augmente brutalement le taux de refinancement des banques à 20% pour combattre une inflation de 10%. Il s’agit d’un taux d’intérêt extrêmement élevé qui entraine immédiatement une récession et qui vaut au président démocrate Jimmy Carter de perdre l’élection présidentielle de novembre 1980 face à Reagan.

    On dit aujourd’hui que Volcker a fait preuve de courage et que grâce à lui l’inflation a été enraillée (au prix de millions de chômeurs). Mon interprétation est différente. Je ne crois pas que l’inflation soit due à des politiques monétaires laxistes. Contrairement à Friedman je ne crois pas que l’inflation puisse se résumer à des phénomènes monétaires. Si c’était vrai, pourquoi aurait-elle commencé à la fin des années 1960 et non dans les années 1950 ? Après tout, cela faisait longtemps qu’on avait mis en place un système d’économie régulée. Et puis évoquer les causes monétaires de l’inflation c’est oublier tout un ensemble d’événements qui se sont passés dans les années 1970 et qui méritent de faire partie de l’explication. Par exemple, il est évident que les chocs pétroliers ont joué. Mais ces derniers, notamment celui de 1973, est lui-même le produit d’une volonté tout à fait compréhensive des pays producteurs des matières premières de reprendre le contrôle de leurs économies.

    Avant même le choc pétrolier, il y eut la nationalisation du secteur pétrolier par les pays producteurs en 1970-71. Ce phénomène touche d’ailleurs d’autres pays producteurs de matières premières ou agricoles. Plus largement, à partir de la fin des années 1960, les pays en voie de développement cherchent à se décoloniser économiquement en reprenant le contrôle de leurs matières premières, de leurs produits agricoles et des puits de pétrole qui étaient sur leur sol. Les occidentaux avaient, pendant des années, exploité sans vergogne les pays producteurs parce qu’ils contrôlaient les entreprises qui exploitaient ces gisements ou parce qu’ils étaient les pays anciens colonisateurs.

    L’inflation peut tout à fait s’expliquer ainsi, par le basculement d’une économie auparavant extrêmement dirigée par les pays consommateurs de matières premières dans les années 1950 et 1960 vers une économie où les rapports de force s’équilibrent. Je n’ose pas dire s’inversent. Tout cela se passe dans le cadre des mouvements tiers-mondistes et avec l’appui de l’URSS. On peut ajouter d’autres événements comme la tendance à la désindustrialisation qui s’amorce et engendre des tensions sociales. Cette époque des années 1970 est aussi une période au cours de laquelle les taux de profit des entreprises diminuent, ce qui les incitent à augmenter leurs prix. La désorganisation des systèmes productifs et industriels dans les pays capitalistes développés est aussi une cause de la stagflation qui mérite d’être prise en compte sans qu’il soit nécessaire d’évoquer le « laxisme » des banques centrales.

    Le narratif monétariste s’appuie sur une théorie très simple à comprendre : « Regardez, il y a trop de monnaie, donc il y a de l’inflation ». C’est une pensée un peu mécanique et globalement fausse.

    L’autre raison pour laquelle les économistes keynésiens ne sont pas parvenus à proposer un narratif différent de celui des néolibéraux c’est qu’ils ne sont jamais vraiment intéressés à la question du contrôle des prix. Le keynésianisme n’a pas vraiment de théorie sur la régulation des prix, ce qui signifie qu’on interprété en général les 30 glorieuses uniquement à travers le prisme d’un État régulant, par ses dépenses, les grands équilibres macroéconomiques. Or, ce qu’il se passe dans les années 1970 c’est que les États ne parviennent plus à contrôler les mécanismes de régulation des prix qui avaient fonctionné depuis la guerre. Faute d’une réponse théorique adéquate de la part des Keynésiens, c’est donc le narratif monétariste qui l’a emporté à la faveur de la montée de l’inflation.

    LVSL : Dans votre ouvrage, vous expliquez que les prix ne seraient pas forcément capables de refléter de manière efficace toute l’information disponible. Qu’est-ce qu’un tel constat implique dans un contexte économique de plus en plus marqué par des pénuries ?

    David Cayla : Pour un néolibéral, le rôle du marché est d’agréger l’information pour construire des prix qui soient pertinents et reflètent la réalité économique. Les néolibéraux estiment que chaque personne a une certaine connaissance partielle de l’économie et elle utilise cette connaissance pour effectuer des opérations d’achat ou de vente sur les marchés. Et en faisant cela, les agents contribuent à apporter de l’information au marché. En somme, pour les néolibéraux, le marché serait une sorte de gigantesque algorithme permettant de produire des prix à partir des comportements, ces prix reflétant une grande partie de l’information disponible dans la société.

    « Pour les néolibéraux, le marché serait une sorte de gigantesque algorithme permettant de produire des prix à partir des comportements. »

    Le problème de cette théorie est qu’elle fonctionne rarement et que les comportements ne sont pas toujours ceux qui sont attendus. Dans les marchés financiers par exemple il peut y avoir des bulles spéculatives au cours desquels lorsque les prix montent, les gens achètent davantage en espérant revendre plus cher. Mais un tel comportement est contraire avec l’idée qu’une hausse des prix entraîne une diminution des achats.

    L’autre problème avec la vision néolibérale des marchés c’est que les gens n’ont pas de l’information ou de la connaissance en tête, mais des croyances. On le mesure par exemple avec le Bitcoin. Les gens qui achètent des bitcoins sont convaincus, on pourrait même dire qu’ils ont la foi. Ainsi, des communautés, des croyants achètent du bitcoin parce qu’ils ont une vision techno-prophétique selon laquelle l’avenir est aux cryptomonnaies. Mais il ne s’agit pas là d’information, cela ne relève pas de la réalité, c’est un point de vue construit socialement. Autrement dit, ce qu’on met dans l’algorithme ce ne sont pas des faits mais des constructions sociales, des croyances partagées. Les prix ne reflètent donc pas une quelconque réalité mais la force des convictions. Le problème est que si les prix représentent par exemple des croyances sur l’avenir, et non l’avenir réel, cela pose la question de savoir si ces prix sont fiables et si on peut organiser un système économique résilient sur le long terme à partir d’une telle base.

    Prenons le cas des ressources naturelles. Comme elles sont naturelles, elles sont limitées en quantité et non renouvelables. Une fois qu’on aura tout extrait, il n’y en aura plus. En économie, il faudrait distinguer ce qui est produit par le travail et qui peut être renouvelé de ce qui est produit par la nature et qui ne peut pas être renouvelé. Si on réfléchit comme un marché parfait, on pourrait penser que plus on consomme un stock non renouvelable, plus la quantité disponible de cette ressource diminue et plus le prix devrait augmenter. Or, ce n’est jamais ce qu’il se passe sur les marchés. C’est la raison pour laquelle les marchés ne peuvent pas déterminer la valeur des ressources naturelles.

    Étudions le cas des pénuries. Lorsqu’un bien devient rare et qu’il n’est pas possible d’en augmenter l’offre les prix du marché peuvent exploser, surtout quand il s’agit d’un bien indispensable comme l’électricité. Cette explosion des prix ne peut pas être acceptée sans broncher par les populations car elle engendre des injustices. De plus, quand les prix augmentent cela ne pèse pas sur les riches. Prenons un cas concret. Le carburant peut être utilisé par un ouvrier pour aller à son boulot ou par une infirmière pour aller faire les visites à domicile. Ce même carburant peut aussi être utilisé par Elon Musk pour offrir aux milliardaires une expérience de tourisme spatial. Or, si on laisse le marché décider de ce qui doit être fait du carburant qui reste, il y a de fortes chances pour que l’ouvrier ou l’infirmière ne puissent se rendre à leur travail alors que les milliardaires pourront continuer à aller dans l’espace. Le problème est que si toutes nos ressources non renouvelables sont utilisées pour le tourisme spatial, mais que les ouvriers et les personnels soignants ne peuvent plus travailler, on en arrive à une situation où la société elle-même est mise en péril.

    Autrement dit, il manque quelque chose au marché. Il lui manque une conscience politique, une conscience sociale. En fin de compte, il faut aussi raisonner en sortant du cadre de l’économie pour s’intéresser à notre survie en tant que société… et aussi à la survie de notre écosystème. Or, tout ça ne peut pas être intégré dans le fonctionnement des marchés tel qu’il est présenté par les néolibéraux.

    LVSL : Pourquoi parlez-vous de « prix administrés » en ce qui concerne les marchés financiers ? Et en quoi seraient-ils amenés à s’étendre au-delà des marchés monétaires et financiers ?

    David Cayla : Lors de la crise de 2007-2008 le monde s’est retrouvé dans une situation d’événement systémique. Autrement dit, le système bancaire et financier américain était sur le point de s’effondrer. Quand un tel événement survient, l’État ne peut pas rester sans rien faire et assister à l’effondrement. Il doit agir. C’est ce qu’il s’est passé en 2008. Le gouvernement américain a dû chercher à sécuriser le monde financier en rachetant aux banques les actifs immobiliers dont elles ne voulaient plus de manière à leur redonner un prix. En effet, comme plus personne ne voulait ne certains actifs immobiliers américains, il n’y avait plus d’achats, donc plus de prix : le marché, pour ces titres, avait disparu.

    Dans le monde néolibéral, la disparition des prix pose de sérieux problèmes car on ne sait plus évaluer la valeur, et donc faire des choix. De plus, on ne peut plus établir les bilans des sociétés qui détiennent les actifs en question. Le fait qu’un actif n’ait plus de prix contraint à le considérer sans valeur. Cela entraîne des pertes comptables et peut conduire des sociétés à la faillite.

    En 2008, la décision du gouvernement américain a été de racheter ces actifs en pensant, à juste titre, que même s’ils n’étaient plus demandés, ils avaient tout de même une certaine valeur. Il a donc fallu que l’État « invente » des prix à l’issue d’une évaluation négociée avec les parties prenantes, afin d’éviter au système financier de faire faillite. Des gens se sont plaints en estimant que le gouvernement fédéral dépensait des milliards pour sauver des banques qui avaient fait n’importe quoi. Le gouvernement a donc modifié sa politique en décidant de prendre des participations dans les entreprises au lieu de leur racheter leurs titres. C’est alors la Réserve fédérale qui a pris le relais et s’est mise à racheter ces titres sans valeur de marché. C’est ainsi que la banque centrale américaine s’est mise à pratiquer des politiques dites « non conventionnelles » en intervenant directement sur les marchés.

    Au début de l’année 2009, la question du financement du plan de relance de Barack Obama s’est posée. À l’époque, il fallait sauver l’industrie automobile américaine. Obama a donc lancé un plan de près de 800 milliards de dollars. La banque centrale américaine va alors aider l’État à se refinancer en rachetant des obligations publiques sur les marchés afin d’augmenter leur valeur. Ce faisant, elle a contribué à diminuer les taux d’intérêt que paie l’État sur sa dette. C’est ce qu’on a appelé les politiques de « quantitative easing » (QE), ou « assouplissement quantitatif » en français. Ces politiques se sont ensuite généralisées, d’abord au Royaume-Uni puis, quelques années plus tard, dans la zone euro.

    « Les politiques de quantitative easing ne sont pas des politiques de création monétaire. »

    Les politiques de quantitative easing ne sont pas des politiques de création monétaire. Il n’y a pas de monnaie créée dans ces opérations de rachat. Ce sont des politiques qui visent surtout à faire baisser les taux d’intérêt pour les États, mais aussi pour les ménages et les entreprises, afin de les aider à se financer et à investir. Autrement dit, ces politiques de QE relèvent bien d’une forme d’administration des prix. Certes, il ne s’agit pas d’une administration directe. Ce n’est pas le ministre des Finances qui décide directement des taux. Mais, de manière indirecte, les banques centrales se sont mises à piloter la baisse des taux d’intérêt. La BCE l’a fait en particulier pour sortir de la crise des dettes souveraines et éviter la faillite des États d’Europe du Sud.

    De plus il faut noter que même si aujourd’hui les banques centrales ont cessé de racheter des actifs en raison du retour de l’inflation, elles n’ont absolument pas renoncé au principe du contrôle des taux d’intérêts. C’est ce que j’appelle la finance administrée, c’est-à-dire le retour de l’intervention de l’État au sein des marchés financiers par l’intermédiaires des banques centrales.

    LVSL : Un autre courant économique, la Modern Monetary Theory (théorie monétaire moderne ) a gagné en intérêt ces dernières années. Les conditions d’effectivité de la MMT pourraient-elles être réunies prochainement ? Cette théorie pourrait-elle être succéder au néolibéralisme ?

    David Cayla : Dans l’ouvrage, je me réfère surtout à l’approche de Stéphanie Kelton telle qu’elle est exprimée dans Le mythe du déficit (2021). La MMT n’est pas vraiment une théorie, c’est un éclairage spécifique sur la monnaie. Ce qu’elle essaie de démontrer, c’est qu’un État souverain monétairement est libre de dépenser comme il le souhaite puisqu’il dépense dans une monnaie qu’il contrôle. Autrement dit, d’après la MMT, il n’y a pas de limite financière à la dépense publique.

    Cependant la MMT ne permet pas à l’État de faire tout ce qu’il veut. Car une autre contrainte apparaît : c’est la contrainte réelle. Ainsi, dans une économie avec un secteur public et un secteur privé, si l’État commence à dépenser sans limite, il va devoir embaucher beaucoup et il ne restera plus grand monde pour produire des services marchands. Stéphanie Kelton en déduit que l’État ne doit intervenir que lorsque le taux de chômage est élevé et que cela permettrait de mettre en place une garantie fédérale de l’emploi. Autrement dit, on pourrait supprimer le chômage en imaginant que l’État régule directement le marché du travail en créant autant d’emplois publics (payés au salaire minimum) qu’il le faut pour supprimer le chômage.

    « Le problème avec la MMT est qu’elle suppose qu’un État soit pleinement souverain monétairement. »

    Le problème avec la MMT est qu’elle suppose qu’un État soit pleinement souverain monétairement. Or, la souveraineté monétaire c’est un concept qui mérite discussion et débat. Il est clair que dans une économie fermée, un État est totalement souverain monétairement et peut faire ce qu’il veut. Mais nous ne vivons pas dans des économies fermées. Aujourd’hui, on ne peut quasiment rien produire sans importer du pétrole, des minerais, des terres rares, des produits industriels qu’on ne sait pas faire mais que d’autres savent fabriquer. Ça veut dire qu’il faut qu’en échange de nos importations on ait quelque chose à vendre. Il faut que les flux financiers s’équilibrent à peu près avec les autres pays. Cela signifie qu’on ne peut pas dépenser tout ce qu’on souhaite. L’État ne peut pas, par exemple, assécher le secteur privé, car alors on ne pourrait plus vendre des choses que nos partenaires commerciaux voudront acheter en contrepartie de ce que nous on a besoin pour produire.

    Ce que je veux dire, c’est que la souveraineté monétaire implique des conditions économiques pour être garantie et pas uniquement des conditions institutionnelles et politiques. Il ne suffit pas de dire qu’on peut créer la monnaie qu’on veut parce qu’on contrôle la banque centrale pour être souverain monétairement. Il faut aussi qu’on puisse payer nos achats de pays étrangers avec une monnaie qui ait de la valeur et il faut que ces pays acceptent de commercer avec nous en échange de nos marchandises ou de garanties qu’on leur apporte. Ainsi, l’ouverture commerciale implique une limite à la souveraineté monétaire et économique d’un pays.

    Et ce que je reproche à la MMT c’est de ne pas beaucoup discuter les limites de la souveraineté monétaire. Stéphanie Kelton explique dans son livre que les États-Unis et le Japon ont un gouvernement monétairement souverain. Elle range en revanche la Turquie ou la Russie dans une autre catégorie. Pourtant ils ont eux aussi une monnaie nationale et une banque centrale. Pourquoi alors seraient-ils moins souverains ? Et puis il y a des pays qui ne sont pas du tout souverains mais qui disposent pourtant de leur propre monnaie… En fin de compte, qu’est-ce que ça signifie être souverain monétairement ? La MMT ne répond pas vraiment à cette question.

    Ce que j’en déduis, ce n’est pas que la MMT serait fausse ou qu’il faudrait la balayer d’un revers de main, mais plutôt qu’il faudrait s’intéresser sérieusement aux principes qui garantissent la souveraineté économique et monétaire d’un pays. Par exemple, il ne suffit pas de sortir de l’euro pour redevenir souverain. Le retour au franc ne constituerait pas un réel gain de souveraineté pour la France. Pour que ce soit le cas, il faudrait mener des politiques visant à limiter nos dépendances en matière énergétique et industrielle, et cela demande une politique économique protectionniste. Il faudrait également mettre en place des systèmes de coopérations hors marché avec les pays producteurs de matières premières. En faisant du troc, on peut davantage préserver notre politique monétaire et notre indépendance financière que si on achète avec de la monnaie.

    Ainsi, à mon sens la MMT ne peut constituer une réponse pertinente que si elle sort de son cadre purement monétaire et financier pour s’intéresser plus largement au fonctionnement global de l’économie, à la politique commerciale et aux conditions de la souveraineté économique. Plus largement, je pense qu’on ne peut pas penser l’économie à partir du seul prisme de la monnaie. L’économie est un ensemble d’institutions politiques, sociales, de rapports de force, c’est une histoire, une sociologie. Ce n’est pas en utilisant un seul levier, la politique monétaire ou les dépenses publiques, que l’on peut résoudre tous les problèmes.

    C’est pour cette raison que j’inscris ma pensée dans le cadre intellectuel de l’économie institutionnaliste. Je pense qu’il faut comprendre l’économie non pas en analysant des modèles abstraits mais en combinant la pensée économique avec les apports des autres sciences sociales. C’est ce qui manque à certaines approches hétérodoxes telles que la MMT.

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      La Croatie a adopté l’euro et intégré l’espace Schengen de libre circulation

      eyome · Sunday, 1 January, 2023 - 13:52

    Youhou ! Qui était au courant ?

    #TLMSF pourtant c'est pas anodin comme truc.

    Des pays sont aussi en cours d'intégration de l'UE ; on n'est plus à ça près.

    Des pays supplémentaires qu'on aide financièrement pour qu'ils se mettent "au niveau".

    Et qu'on aidera après parce qu'on est riche 🤤

    #France, #Politique, #fr, #Euro, #UE, #LaChance

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      Crédit immobilier : la BCE pousse à l’adoption des taux variables en France

      eyome · Saturday, 26 November, 2022 - 12:37

    (Oui, là aussi l'UE a des idées de merde ; la liste est non-exhaustive)

    Les banques françaises ont obtenu l'octroi d'un "régime transitoire" jusqu’en 2023, exception que la BCE ne compte pas prolonger. "Nous tentons de plaider notre cause auprès de Bercy, de prévenir le régulateur, mais nous peinons à être entendus. Si l’étau se resserre trop, nous serons un jour obligés de lâcher notre modèle", alerte un dirigeant d'établissement bancaire.

    Celzéceux qui n'ont pas encore pu investir, il va falloir trouver moyen rapidement.

    Après, ça sera plus cher et plus dangereux.

    #France, #Politique, #fr, #UE, #euro

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      France: nouveau record du déficit commercial à 16,8 milliards d'euros en septembre

      eyome · Saturday, 26 November, 2022 - 12:28

    Objectif : -20Mds par mois, je pense qu'on peut y arriver, tou.e.s ensemble.s, pas avant 2023 par contre :(

    Sinon, comment on fait pour être considéré comme pays du tiers monde ?

    Il faut remplir un formulaire ? Faire une demande au FMI ? Ca se passe comment ?

    Non parce que, on est tous contents, on donne des milliards un peu partout, c'est chouette, mais comment on fait pour que les flux s'inversent ?

    #France, #Politique, #fr, #UE, #Euro, #OTAN, #DonnezDonnezDonnez, #Donnez, #DonnezMoi

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      Crise économique : machine infernale contre l’euro

      Henry Bonner · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 23 November, 2022 - 04:15 · 4 minutes

    Les autorités monétaires en Europe ont abandonné le plafond des 2 % d’inflation en novembre de l’année dernière, juste avant la plus forte envolée de l’inflation en 25 ans.

    Elle atteint aujourd’hui 10,6 % pour la zone euro.

    La force du dollar fait partie du problème

    L’euro perd pied face au dollar comme le yen ou la livre sterling.

    L’euro baisse de 8 % contre le dollar (un rebond en cours depuis octobre limite la perte). Depuis le 1 er janvier 2021, il perd 15 % par rapport au dollar.

    L’euro remonte un peu grâce à une chute des prix de l’énergie en ce moment et une baisse de l’inflation aux États-Unis. Les marchés prévoient donc la fin du resserrement de la vis par la Réserve fédérale.

    Néanmoins, ce répit pourrait vite s’évaporer. La zone euro n’a pas réglé les problèmes dans l’énergie. Elle a attiré des cargaisons de gaz liquide en acceptant de le payer plus cher que les autres. Par ailleurs, la baisse des prix dans l’énergie a lieu grâce à la chute de la demande – une contraction de l’activité économique.

    Or, les autorités monétaires n’ont pas à ce jour manqué de rabaisser les taux et relancer la machine à billets en cas de contraction.

    Par exemple, les coûts des énergies ont mené à la perte de 70 % de la production d’ammoniac, un ingrédient important des engrais, et (comme vous le voyez ci-dessous) de nombreux pays européens avaient perdu plus de 10 % de leur production d’acier en mai.

    Le renforcement de l’euro provient donc de la contraction de l’activité en Europe et du ralentissement de l’inflation aux États-Unis.

    Cependant, jusqu’ici, les autorités n’ont pas attendu les bras croisés pendant les contractions économiques. Ce ne sera pas différent cette fois-ci. Les élus feront à nouveau couler des euros – via les plans de relance, prêts aux entreprises en faillite ou aux contrôles des prix.

    L’euro et les écarts de taux

    La perte de valeur de l’euro a lieu car les obligations américaines paient plus de retours et les investisseurs recherchent la sécurité.

    Les taux sur les obligations de la zone euro ont aussi grimpé pour refléter la fuite de capitaux vers les États-Unis.

    Simone Wapler, mon associée sur notre lettre d’information, a récemment comparé les taux à travers le bloc que vous voyez dans le tableau ci-dessous.

    Vous pouvez constater que le taux moyen est de 3,2 %, mais la Grèce et l’Italie paient plus du double du taux de l’Allemagne, le débiteur le plus sûr du bloc.

    À la différence des États-Unis, la banque centrale européenne doit non seulement permettre aux pays de rembourser mais aussi éviter que l’écart des taux d’intérêt n’augmente beaucoup plus que cela.

    Or, une politique monétaire de restriction affecte davantage les pays à risque – comme l’Italie – que les pays plus solides du bloc.

    Les autorités européennes sont donc contraintes de conserver une politique d’assouplissement, aux dépens de la valeur de l’euro.

    L’euro et l’énergie

    L’euro remonte ces temps-ci grâce à la chute de tension sur les prix dans l’énergie. Le baril de Brent vient par exemple de chuter sous les 90 dollars, contre plus de 120 dollars en juillet.

    Cependant, les marchés du courant électrique indiquent que le bloc n’est pas encore sorti d’affaire.

    Le coût du MWh est toujours de plus de 200 euros en France, pareil qu’au début de l’année, selon l’Epex, alors qu’il coûtait en général moins de 60 euros en 2019.

    De plus, la baisse du pétrole vient d’une contraction de la demande… pas d’une hausse de l’offre.

    Dans l’immédiat, la production américaine est toujours inférieure de plus de un million de barils par jour par rapport à 2019, en dépit de l’incitation à produire impliquée par les prix élevés.

    Par ailleurs, les investissements dans la production d’hydrocarbures se sont effondrés pendant les confinements.

    Par exemple, selon Rystad Energy, l’industrie du pétrole et du gaz a acquis les droits à plus de 1,2 million de km 2 de terrains – dans l’objectif de développer des gisements – en 2019. Sur les années suivantes, les acquisitions de terrains ont chuté à moins de la moitié de ce nombre.

    De plus, les investissements dans les gisements sont toujours très inférieurs à leurs niveaux d’avant 2020. Le graphique ci-dessous vous montre par exemple les dépenses d’Exxon, la plus grosse compagnie de pétrole, sur l’exploitation de gisements au cours des trois dernières années.

    Vous pouvez voir que la dépense a chuté de moitié de 2019 à 2021. En 2022, les montants investis restent en-dessous des niveaux de 2019 d’environ 8 milliards.

    Les soucis d’énergie n’ont pas disparu. Et le manque d’investissements dans la production (au profit des renouvelables peu efficaces) devrait faire durer la pénurie.

    Cela suggère que nous verrons un assouplissement de la politique de la banque centrale même si elle n’a pas l’inflation sous contrôle… et ainsi plus de faiblesse pour l’euro.

    (Vous pouvez suivre nos analyses au quotidien en cliquant ici.)

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      UE : la Commission revient sur ses prévisions et redoute «des mois difficiles» pour les 27

      eyome · Sunday, 13 November, 2022 - 19:20

    Y a des pépites.

    L'inflation continue de dépasser nos prévisions.

    😜

    l'incertitude reste exceptionnellement élevée.

    Erreur ! On est certains d'être dans la merde !

    Il a insisté sur la nécessité pour les 27 pays membres de l'UE de rester solidaires. «Si, en Européens, nous sommes capables de rester unis, nous pourrons surmonter cette période difficile avec succès et en ressortir plus forts», a-t-il estimé.

    :waf:

    Cité par l'AFP, le commissaire européen fait état d'une note positive concernant le marché du travail européen qui «devrait rester solide»

    Le marché du travail européen... hu hu, on est bien content.

    #France, #Politique, #fr, #UE, #Euro, #LeProjetAEncoreUnePasseDifficile

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      Hausses des taux : les banques centrales jouent avec le feu

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Wednesday, 2 November, 2022 - 07:07 · 17 minutes

    Prises de court par l’inflation, les banques centrales américaine (Fed) et européenne (BCE) augmentent leurs taux d’intérêt de manière effrénée, dans l’espoir d’endiguer l’emballement des prix. Le but assumé est de provoquer une hausse du chômage et une baisse des salaires, comme l’a reconnu le président de la Fed, Jerome Powell. Au risque de plonger l’économie mondiale en récession sans parvenir à casser la hausse des prix. Tout semble en effet indiquer que le relèvement des taux ne pourra pas agir directement sur l’inflation, dont les causes se situent du côté d’un resserrement de l’offre plus que d’un excès de demande. L’ONU et Wall Street semblent désormais considérer que l’entêtement des banquiers centraux fait peser un grave risque sur l’économie mondiale.

    Le 21 septembre 2022, la Federal Reserve (Fed) a augmenté son principal taux directeur de 75 points de base. Il s’agissait de la 7e hausse en moins d’un an, faisant passer progressivement le taux directeur de 0.25 à 3.25 %. Un niveau jamais atteint depuis 2007. Il est désormais question d’une hausse identique au mois de novembre . Au-delà du chiffre, c’est la vitesse d’augmentation qui surprend. La Fed a justifié cette nouvelle politique de contraction monétaire par la nécessité de contrôler l’inflation, qui ne montre aucun signe de ralentissement aux États-Unis. Publiés le 13 octobre, les chiffres de septembre marquent une hausse de 0.4 % de l’indice des prix, soit une augmentation de 8.2% par rapport au mois de septembre 2021.

    Suivant la Fed, la Banque centrale européenne (BCE) a également entrepris une politique de hausse des taux excédant les prévisions des marchés en augmentant son taux directeur de 75 points au mois de septembre, puis d’autant le 27 octobre, contre l’avis de la France et l’Italie. Le Financial Times relevait ainsi une tendance globale à la hausse des taux observée sur 20 des principales banques centrales. Avec deux caractéristiques importantes : la vitesse inédite des hausses de taux, et la détermination des banquiers centraux à continuer dans cette voie aussi longtemps que nécessaire.

    Le choix du chômage

    Pour comprendre pourquoi la Fed augmente ses taux aussi drastiquement, il faut revenir aux fondamentaux des modèles économiques qui pilotent son action. Le principe de base de sa politique monétaire (lire notre article Inflation, aux origines de la doxa néolibérale ) repose sur la présomption d’un lien étroit entre le taux de chômage et l’inflation. Selon cette théorie, lorsque le taux de chômage est élevé, les entreprises peuvent baisser les salaires (ou contenir les augmentations), ce qui réduit le revenu disponible des ménages, donc la consommation et in fine les pressions inflationnistes sur les prix. Inversement, lorsque le taux de chômage est faible, les salariés sont en mesure d’arracher de meilleurs salaires tandis que les entreprises doivent offrir des rémunérations plus élevées pour recruter. Le revenu des ménages augmente, la consommation progresse et les prix s’ajustent à la hausse. Il existerait ainsi un taux de chômage d’équilibre, appelé NAIRU (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment) permettant de maintenir une inflation basse et une croissance économique décente. En temps normal, les banques centrales tendent à ajuster leurs taux directeurs pour essayer de maintenir le chômage à un niveau proche du « NAIRU ». Ce qui est particulièrement vrai pour la Fed, dont les prérogatives ne se limitent pas à « garantir la stabilité des prix » (comme la BCE, qui doit cibler un taux d’inflation de 2%) mais également « maintenir le plein emploi » et « modérer les taux d’intérêt à long terme ». Selon ses modèles économiques, des taux élevés pénalisent le crédit et l’investissement, ce qui provoque un ralentissement économique et une hausse du chômage. Inversement, des taux bas doivent faciliter l’accès au crédit, l’investissement, la consommation, et donc l’emploi.

    Jerome Powell, le président de la Fed, a explicitement reconnu que sa politique allait conduire à « une période prolongée de croissance en dessous des tendances normales » et à « un relâchement du marché du travail » – c’est-à-dire une récession et des vagues de licenciements massifs.

    Concrètement, cette théorie implique qu’une politique monétaire visant à réduire l’inflation doit nécessairement provoquer une hausse du chômage. Jerome Powell, le président de la Fed, l’a explicitement reconnu en déclarant que sa politique de hausse des taux allait conduire à « une période prolongée de croissance en dessous des tendances normales » et à « un relâchement du marché du travail » – c’est-à-dire un ralentissement économique pouvant déboucher sur une récession et des vagues de licenciements massifs. La Fed a ainsi indiqué viser un taux de chômage de 4.4% à la fin de l’année, soit un point au-dessus du taux actuel et 1.2 million de chômeurs supplémentaires. Ces chiffres masquent une réalité sociale plus dramatique, faite de baisse des salaires réels et de précarisation accrue, en plus du million d’emplois détruits.

    La décision assumée de provoquer une hausse du chômage pourrait se justifier – dans une certaine mesure – si elle était véritablement un mal nécessaire : une petite part de la population perdrait son emploi et certaines entreprises feraient faillite, mais l’ensemble de la société retrouveraient du pouvoir d’achat et de la stabilité financière.

    En temps normal, un tel « compromis » parait difficile à vendre à l’opinion, comme le reconnaissait Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI et macro-économiste influant, lorsqu’il évoquait « la difficulté d’expliquer à un travailleur qu’il est nécessaire qu’il perde son emploi pour lutter contre l’inflation ». A choisir, un travailleur préfère généralement conserver son salaire, quitte à le voir rogné de 8% par l’inflation, que de perdre son emploi. Or, si la récession semble désormais inévitable, rien ne permet d’assurer qu’elle débouchera sur une baisse de l’inflation. Les travailleurs du monde entier pourraient ainsi se retrouver avec la peste et le choléra : une crise économique avec tout ce que cela implique et une inflation persistante.

    La hausse des taux ne garantit pas la baisse de l’inflation

    Interrogé par la sénatrice démocrate Elizabeth Warren lors d’une audition sous serment devant le Sénat des États-Unis, le président de la Fed avait reconnu que sa politique de hausse des taux n’aurait pas d’impact sur la hausse du prix de l’énergie et des produits alimentaires de base. Et pour cause : ces biens de consommation courante présentent ce que les économistes appellent une demande « inélastique ». En clair, il s’agit de consommation contrainte. Quel que soit le prix, le consommateur peut difficilement arrêter de faire le plein d’essence, de se chauffer ou de se nourrir. Powell a également été forcé d’accorder le point à Elizabeth Warren lorsque cette dernière lui a fait remarquer que les tensions sur les chaines d’approvisionnement n’allaient pas disparaître avec la hausse des taux. En effet, on voit mal comment les pénuries de composants électroniques qui ralentissent la production de certains produits manufacturés pourraient disparaître suite à une baisse de la demande qui résulterait d’un ralentissement économique provoqué par la hausse des taux.

    Powell avait alors admis que sa politique visait à « assouplir le marché de l’emploi », c’est-à-dire éviter une boucle inflationniste prix-salaires qui verrait l’inflation produire une hausse des salaires venant alimenter la hausse générale des prix.

    Mais la théorie économique du « Nairu » sur laquelle semblent reposer ses craintes n’est plus valide depuis des années déjà, comme le notait le Nobel d’économie Paul Krugman. En 2019 Jerome Powell l’avait d’ailleurs admis lors d’une autre audition au Congrès, face à l’élue socialiste Alexandria Ocasio-Cortès . Avant 2020, les faibles taux de chômage constatés aux États-Unis, en Allemagne, au Japon et en Grande-Bretagne n’avaient pas provoqué d’inflation notable, malgré les politiques monétaires par ailleurs expansionnistes des banques centrales respectives. Les milliers de milliards créés par les banques centrales sont en effet restés dans la sphère financière, où une inflation de la valeur des actions a effectivement été constaté. Par ailleurs, les faibles niveaux de chômage dans les pays cités plus haut masquaient une plus grande précarisation de l’emploi et l’explosion des temps partiels (hors Japon). De plus, en Europe comme aux États-Unis, le taux de syndicalisation est au plus bas. Malgré le retour de l’inflation, le rapport de force capital-travail reste donc défavorable aux travailleurs, ce qui rend l’apparition de boucles prix-salaires résultant d’un vaste mouvement social peu probable. On l’a vu en France récemment, où malgré un énorme levier de négociation, les raffineurs ont été contraints d’accepter des hausses de salaire inférieures à l’inflation face à des entreprises pétrolières réalisant pourtant des profits records.

    Si les rémunérations augmentent aux États-Unis, c’est avant tout du fait de la politique volontariste de Joe Biden et de mouvements sociaux isolés et non-coordonnées à l’échelle nationale. Ces hausses restent modestes, très inférieures à la hausse du taux de profit des entreprises et en dessous de l’inflation . Du reste, lorsqu’on observe les tendances à l’échelle mondiale, l’existence de boucle prix-salaire ne s’observe que marginalement dans certains pays.

    Plus de la moitié de l’inflation observée outre-Atlantique proviendrait de la hausse des marges des entreprises.

    À l’inverse, il est de plus en plus communément admis que l’inflation actuelle provient d’abord des pénuries d’offre provoquées par la reprise post-covid mal anticipée par les producteurs, les tensions sur les chaînes d’approvisionnements, la guerre en Ukraine, les aléas climatiques et une stratégie assumée de la part de nombreuses entreprises de profiter de la crise pour accroitre leurs marges en augmentant leurs prix. Aux États-Unis en particulier, on ne compte plus les exemples de PDG admettant publiquement que l’inflation leur fournit une excuse rêvée pour augmenter leur prix. Plus de la moitié de l’inflation observée outre-Atlantique proviendrait ainsi de la hausse des marges des entreprises . Un récent éditorial du Financial Times exhorte d’ailleurs la Fed à admettre cette réalité plutôt qu’à poursuivre vainement des hausses de taux.

    Tous ces éléments pointent vers une inflation causée par des tensions sur l’offre, la demande n’excédant pas les tendances observées avant le covid. Ce qui implique que les hausses des taux de la Fed ne puissent agir que très indirectement sur l’inflation, et vraisemblablement au prix d’une récession sévère.

    Le risque d’une grave récession inquiète les places financières

    Le débat qui anime les places financières porte essentiellement sur la vitesse d’augmentation des taux et la capacité de la Fed à ralentir l’économie sans provoquer trop de dégâts. Powell parle ainsi de « soft landing » (atterrissage en douceur), sans convaincre les marchés financiers, de plus en plus critiques. Comme le notait le magazine Jacobin , Citigroup et Moody’s estiment désormais qu’une récession est l’issue la plus probable. La banque UBS jugeait « particulièrement notable que la Fed admette le risque d’une récession ». Devant le Congrès, les patrons des principales banques ont alerté à ce propos, Jamie Dimond (JP Morgan) déclarant « ces hausses de taux vont assurément provoquer une récession et une hausse du chômage ». Le fonds d’investissement Blackrock jugeait les projections de le la Fed trop optimistes, tout en critiquant une stratégie qualifiée « d’arbitrage brutal » entre prix et salaires qui va « provoquer une large récession ». Surtout, Blackrock ne voit pas en quoi la hausse des taux va contenir l’inflation, qu’il considère provenir d’un problème d’offre.

    Pour Wall Street, il s’agit de prévenir leurs clients qu’une forte dépréciation des actifs financiers est à l’horizon, si la Fed poursuit dans la même voie. Et cette préoccupation va au-delà des simples marchés boursiers. La Banque Mondiale s’inquiétait du fait que « les banques centrales vont sacrifier leur économie à la récession pour contrôler l’inflation ». Les Nations Unies ont alerté sur le fait que les politiques monétaires risquaient « d’infliger des dégâts supérieurs à la crise financière de 2008 et à la pandémie de covid-19 de 2020 ».

    Aux États-Unis, le taux d’emprunt immobilier moyen s’établit désormais à plus de 7,5%, contre 3% en 2021. Soit le plus haut taux en 22 ans, qui provoque de sérieuses craintes d’un retournement du marché immobilier, la demande s’effondrant face à l’inaccessibilité du crédit. Or, une chute brutale de ce secteur pourrait avoir des retombées économiques et financières dramatiques. Tout cela pour des résultats qui se font attendre sur le front de l’inflation.

    Les Nations Unies ont alerté sur le fait que les politiques monétaires risquaient « d’infliger des dégâts supérieurs à la crise financière de 2008 et à la pandémie de covid-19 de 2020 ».

    En septembre, l’indice des prix américains a augmenté de 0,4% par rapport au mois d’août, alors que le marché du travail résistait, tout en ralentissant son rythme de créations d’emplois. Mais si l’économie américaine semble supporter les hausses de taux (à l’exception du marché immobilier), la politique de la Fed impacte déjà négativement le reste du monde.

    En effet, ses hausses de taux provoquent une appréciation spectaculaire du dollar face aux autres monnaies. Ceci s’explique autant par l’attractivité des bons du trésor fédéral que par la confiance accrue dans l’économie américaine, qui semble plus capable de faire face à la conjoncture économique en tant que pays exportateur net de matières premières et énergie (pétrole, gaz, céréales,…). Si l’appréciation du dollar permet aux Américains de réduire le prix des biens importés tout en profitant davantage de leur manne gazière et pétrolière, pour le reste du monde, les effets sont problématiques. Le dollar demeure la monnaie d’échange internationale. Ainsi, la chute de 20% de l’euro augmente mécaniquement le prix du pétrole de 20%, avant même de prendre en compte la hausse de ce dernier. La livre sterling a également perdu plus de 20% de sa valeur face au dollar. Autrement dit, la FED est en train d’exporter l’inflation à tous les autres pays, développés comme émergents.

    Pour limiter cet effet, les autres banques centrales ont emboité le pas à la Fed, augmentant leurs taux – entre autres – pour défendre leur monnaie. Au risque de provoquer à leur tour une récession dans leurs pays respectifs, sans parvenir à juguler l’inflation. Le 27 octobre, Christine Lagarde a reconnu que « l’économie de la zone euro va vraisemblablement ralentir de façon significative au troisième trimestre (…) la récession se profile à l’horizon ». Elle a pourtant justifié une nouvelle hausse des taux de 75 points de base en affirmant qu’un « ralentissement de la demande permettra de faire diminuer l’inflation et la pression sur les prix, notamment de l’énergie ». Des déclarations qui tiennent de la méthode Coué, la BCE ayant par ailleurs admis que l’inflation ne provenait pas d’un emballement de l’économie ou des salaires, mais des prix de l’énergie et de l’alimentation, dont elle prévoit une poursuite de l’augmentation. Comme pour la FED, la Banque centrale européenne admet qu’elle n’a pas de prise directe sur l’inflation tout en assumant prendre le risque de pousser l’économie vers la récession.

    Cette politique monétaire établit un précédent historique inquiétant : jamais une banque centrale n’avait encore renoncé à soutenir ses États membres en période de guerre. Or, le conflit qui oppose objectivement l’UE à la Russie s’ajoute à de nombreuses autres crises nécessitant un soutien monétaire. Citons la crise climatique, une récession déjà actée en Allemagne et l’envolée des prix de l’énergie qui menace le tissu industriel européen. Les États de l’Eurozone vont pourtant devoir financer leur effort de guerre via les marchés financiers, à des taux en hausse du fait de la politique monétaire de la BCE, qui demande par ailleurs aux États d’engager des efforts de désendettement. Tous les ingrédients sont réunis pour provoquer une violente récession.

    De plus, l’augmentation des taux va réduire la capacité du secteur privé et des États à investir dans les domaines indispensables que sont la transition énergétique, l’adaptation au changement climatique et les infrastructures. L’augmentation de la charge de la dette va également réduire les marges de manœuvre des États et collectivités locales en matière de politiques sociales, voire nécessiter des coupes budgétaires drastiques dans les services publics et la protection sociale. La France est d’autant plus exposée que le gouvernement Macron a émis des obligations indexées sur l’inflation, une décision incompréhensible, sauf à vouloir vider le trésor public pour enrichir les investisseurs privés, comme l’a implicitement admis Bruno Le Maire face au Parlement .

    Une attitude incompréhensible, à moins de l’analyser comme une politique de classe.

    Aux États-Unis, l’action de la Fed peut s’analyser comme un effort visant à protéger les détenteurs de capitaux de l’inflation, tout en brisant la capacité du mouvement ouvrier et syndical à obtenir de meilleures conditions de travail. Les mouvements de grèves et de syndicalisation, encore timides et cantonnés à certaines grandes entreprises et secteurs industriels (fret ferroviaire, transport routier, Amazon, Starbucks…) ont déjà provoqué une réaction violente du patronat . Et les commentaires de Jerome Powell sur l’importance d’assouplir le marché du travail sont suffisamment explicites. En juin, il avait estimé que le rapport de force capital/travail était « trop favorable aux travailleurs », confirmant que sa politique monétaire vise aussi à réduire les capacités de négociations des syndicats, et pas uniquement « faire baisser les salaires pour faire baisser l’inflation », comme il l’avait expliqué dès le mois de mai . Les économistes de la Fed estiment pourtant que la politique monétaire de Powell va provoquer une sévère récession, selon les révélations de The Intercept . Ce qui n’empêche pas Powell de poursuivre la hausse des taux. Du reste, la Fed est sujette à l’intense lobbying des grandes banques privées et syndicats patronaux, qui avaient dépensé des millions de dollars pour obtenir la nomination de Powell.

    Mais au-delà du réflexe de classe, qu’on retrouve également du côté de la BCE, l’autre explication de l’entêtement à augmenter les taux tiendrait dans le manque d’alternatives apparentes. À moins d’intervenir directement dans l’économie, en finançant des initiatives publiques visant à agir sur les causes profondes de l’inflation (investissement dans les infrastructures, dans la transition énergétique,…) et confrontées à l’inaction relative des gouvernements, les banques centrales s’en remettent à ce qu’elles savent faire de mieux : agir sur leur taux directeur. Parfois sans y croire, comme le notait le Financial Times . Le journal économique de référence rapportait que Isabel Schnabel, une des principales économistes de la BCE, estimait que les modèles de la Banque Centrale Européenne n’étaient plus valides et que la hausse des prix serait durable, malgré la hausse des taux.

    Se pencher sur d’autres modes d’action remettrait en cause le modèle néolibéral, et dans le cas de la BCE, la logique des traités européens. Quel que soit le bout par lequel on analyse le problème, il s’agit donc bien d’une politique de classe. L’inflation rogne les salaires et l’épargne. La hausse des taux permet de mieux rémunérer les capitaux tout en cassant le pouvoir de négociation des salariés et ainsi maintenir les salaires bas. Mais les conséquences de cette stratégie pourraient échapper au contrôle des banques centrales, en provoquant une grave récession à l’échelle mondiale, avec toute la souffrance que cela implique pour les classes laborieuses de par le monde.

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      En cas de chute de l'euro, les Pays-Bas auraient leur plan de sortie : le "florin 2.0"

      eyome · news.movim.eu / souverains · Monday, 24 October, 2022 - 20:38

    lol, c'est qui les trous-d'balles avec 0 plan ?! 🙋🏻‍♂️

    Le gouvernement néerlandais envisagerait la mise en place d'un «florin 2.0» s'il devait faire face aux conséquences d'une potentielle chute significative de la monnaie européenne. Les détails de ce plan sont gardés secrets depuis plusieurs années.

    Ah bordel... 😂

    #France, #Politique, #Fr, #UE, #Euro, #CestLaFete, #CestLaFête, #Souverains, #Souverainisme