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      Du mystère des syndicats au syndicalisme libéral

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 7 January, 2023 - 04:30 · 12 minutes

    Un article de la Nouvelle Lettre.

    Je me fais un devoir de dissiper le malentendu que mon article sur le syndicat « libéral » des contrôleurs de la SNCF a créé.

    Je n’ai évidemment aucune sympathie pour cette poignée de cheminots qui ont arbitrairement pris des centaines de milliers de Français en otages . Mais il ne faut pas plaisanter avec les choses sérieuses et j’ai eu le tort de faire de l’humour avec ce qui a été considéré comme un scandale aux yeux de la majorité des gens. De la sorte, mon article a pu faire scandale à son tour.

    Cela dit, je prends maintenant un risque considérable car il n’est pas bon de dire du mal des syndicats et des syndicalistes : leur puissance interdit de dénoncer leur nuisance.

    En 1981, avec mes collègues « nouveaux économistes » Bertrand Lemennicier et Henri Lepage nous avons proposé aux Presses Universitaires de France le manuscrit d’un travail de nature scientifique et universitaire sur le syndicalisme. Nous avions suggéré pour titre de l’ouvrage Le mystère des syndicats , puisque nous nous posions la question de savoir d’où vient le pouvoir considérable détenu par une minorité de personnes sur l’ensemble de la population, sur l’économie, sur le chômage, sur la croissance. Une question qui n’était pas nouvelle dans les sciences sociales : d’éminents intellectuels (dont plusieurs prix Nobel) se l’étaient posée aux États Unis, en Angleterre et dans les pays scandinaves, où le syndicalisme occupait une place plus importante encore qu’en France. Au fond, notre travail était banal…

    Mais l’éditeur, pourtant bien conscient de la qualité de notre manuscrit, a refusé le titre que nous avions proposé : inconvenant et agressif sans raison, il fallait lui préférer Cinq questions sur les syndicats , politiquement correct.

    Car la puissance des syndicats est maintenant institutionnalisée dans le système démocratique des pays libres : voilà pourquoi on associe syndicalisme et liberté et cela vaut interdiction de le remettre en cause.

    Sans réécrire un ouvrage qui garde malgré ses imperfections un intérêt très actuel, je voudrais résumer les « cinq questions » qu’il faut se poser pour percer le « mystère des syndicats » :

    1. Pourquoi des syndicats ?
    2. Droit du travail ou droit au travail ?
    3. Les syndicats ont-ils une influence sur le chômage, les crises ?
    4. Apportent-ils quelque chose à la démocratie ?
    5. Syndicalisme et liberté sont-ils compatibles ?

    Pourquoi des syndicats ?

    Question historique mais aussi idéologique et économique. Le prestige des syndicats est né de la critique du capitalisme et repose sur un postulat : le travail échappe aux lois du marché.

    Derrière le syndicalisme il y a Marx et la lutte des classes : d’un côté le propriétaire exploiteur et de l’autre le prolétaire exploité. Le syndicalisme est la réponse à cette injustice. Le travail, source de toute richesse dans la pensée marxiste héritée de Ricardo (qui se réclamait lui-même à tort d’Adam Smith) n’est pas rémunéré à sa juste valeur parce que l’employeur impose des salaires inférieurs pour se gaver de profit. Le déséquilibre semble inéluctable : l’un des contractants a le temps et l’argent pour lui, l’autre doit accepter les conditions qui lui sont offertes. C’est un déséquilibre entre offre et demande, donc la loi du marché est inapplicable, le salaire n’est pas un prix et le travail n’est pas une marchandise.

    Évidemment ces idées sont devenues courantes, même si elles n’ont aucune consistance réelle :

    Le travail n’est pas le seul facteur de production

    Il y a non seulement le capital, c’est-à-dire l’investissement d’une richesse existante née d’une activité durable mais aussi et surtout l’art d’entreprendre, c’est-à-dire de comprendre quels sont les biens et services que l’on peut proposer pour mieux satisfaire les besoins de la communauté. Ce dernier facteur, considéré longtemps comme « résiduel » a en réalité un poids croissant dans la valeur de la production.

    Il y a autant de salaires que d’individus

    Le « capital humain » (la personnalité de la personne employée) a une importance considérable dans la rémunération perçue. Cette importance varie avec la formation, l’âge, l’expérience, la qualification.

    Il ne saurait y avoir de salaire unique, l’égalitarisme efface la personne et gomme l’utilité des efforts.

    Droit du travail ou droit au travail ?

    Le syndicalisme serait une réponse à l’injustice et la défense du faible contre le fort. Le contrat individuel serait nécessairement asymétrique, ainsi faut-il lui substituer le contrat collectif. Ainsi va naître un « droit du travail » qui échappe à la logique contractuelle qui met habituellement en relation deux individus égaux. Le syndicat devient alors « partenaire social », il va détenir progressivement le monopole de la négociation salariale. Pour des raisons évidentes il est plus juste que la négociation se situe au niveau le plus élevé : pas celui de l’entreprise où l’emprise de l’employeur est la plus forte, ni même au niveau de la branche d’activité où le corporatisme demeure, mais au niveau national (ou « confédéral »).

    Ce droit du travail collectiviste explique la démarche syndicale fondée sur le cartel de l’embauche :

    L’intérêt des travailleurs syndiqués

    Ils ont intérêt à bloquer l’embauche de nouveaux salariés qui seraient prêts à accepter des salaires inférieurs et seraient accueillis à bras ouverts par les employeurs.

    Le syndicat détient le monopole de la représentation salariale

    Il aura pour « partenaire » les instances patronales qui sont organisées autour des grandes sociétés ; petites et moyennes entreprises s’aligneront sur les contrats collectifs.

    La représentativité du syndicat n’est garantie que par la loi

    Peu importe le nombre des adhérents. Dans certains pays (États-Unis) les salariés sont prêts à payer des cotisations syndicales élevées pour garantir des salaires élevés. Dans d’autres pays (comme la France) le financement des syndicats provient d’autres sources mais elles doivent être discrètes dans les entreprises privées. Le rapport Perruchot (2010-2011) sur le financement des syndicats par le patronat n’a jamais été examiné par le Parlement. Par contraste, les salariés du secteur public bénéficient d’un statut à vie et la pérennité des syndicats est assurée par les finances publiques.

    Le droit du travail est contraire à l’État de droit

    En effet, il prive les individus de la possibilité de passer librement un contrat. Le propre du contrat est de concilier des intérêts opposés, c’est la catallaxi 1 : transformer en accord des situations conflictuelles.

    De la sorte, c’est la fermeture du marché du travail qui résulte de l’action syndicale.

    Le droit du travail supprime le droit au travail (conçu comme la possibilité d’accéder à un emploi) : celui qui n’est pas représenté syndicalement n’a aucune chance d’être embauché. L’emploi ne saurait être « précaire », puisqu’il implique des salaires inférieurs et une concurrence sauvage entre candidats à l’emploi. Donc, la porte de l’emploi par CDD ou CDI est fermée.

    Les syndicats ont-ils une influence sur le chômage, sur les crises ?

    Les syndicats défendent leur action en prétendant œuvrer pour le plein emploi et pour la stabilité économique. Ici le marxisme se marie avec le keynésianisme : des salaires plus élevés stimulent la demande, les carnets de commandes des entreprises se remplissent et les emplois sont créés.

    Non, les emplois ne sont pas créés, cela se prouve statistiquement, mais surtout cela s’explique économiquement.

    Le chômage a diminué dans les pays où la pression des syndicats a été amoindrie

    Les politiques de Thatcher (les mineurs) et Reagan (les contrôleurs aériens) ont assuré durablement le plein emploi mais elles ont été abandonnées ensuite pour des raisons politiques, que j’évoquerai plus loin.

    L’indemnisation du chômage

    Il a fallu compenser l’action syndicale en mettant en place l’indemnisation du chômage : privés de leur droit au travail les personnes sont prises en charge par les finances publiques, c’est-à-dire les contribuables.

    La croissance s’entretient d’elle-même

    C’est ce qu’explique la Loi de Say . Les entreprises proposent des biens et services qui correspondent à l’attente des consommateurs : la production crée des débouchés pour des activités innovantes. Par contraste Hayek dénonce le « mal investissement » : les fonds publics vont à des usages non marchands et entretiennent gaspillages, privilèges et corruption. Jacques Rueff parlait de la distribution de « faux droits » : un pouvoir d’achat distribué sans contrepartie réelle, un droit sur le travail des autres.

    Les déficits publics conduisent à l’inflation

    Comme toujours, « trop de monnaie chasse après trop peu de biens ».

    Les crises économiques et sociales naissent de l’interventionnisme croissant des pouvoirs publics

    Roosevelt a prolongé et aggravé la crise ouverte en 1929 par Hoover qui a voulu éviter l’effondrement boursier né de la spéculation à Wall Street (elle-même anéantie par le retrait des fonds américains en Allemagne). La crise de 2007 a été provoquée par les subprimes imaginées par Bill Clinton pour encourager les banques à financer l’achat de logements pour des personnes à faible solvabilité. Elle a été aggravée par G.W.Bush qui invite la Federal Reserve à refinancer les banques en difficulté ; et prolongée à partir de 2008 par Obama, Sarkozy et tous les « relanceurs » qui croient sortir de la crise avec les déficits budgétaires.

    Les syndicats apportent-ils quelque chose à la démocratie ?

    Voici finalement la vraie question.

    Et la vraie réponse est donnée par l’étude des « décisions publiques » ( public choice ) : la classe politique a pour objectif majeur et permanent le calendrier électoral, les partis veulent conserver ou acquérir le pouvoir à l’occasion des prochains votes.

    Or, les syndicats sont des alliés très efficaces dans ce jeu électoral. Ils ne sont pas tellement des agents électoraux mais ils ont une influence sur le climat politique par leurs initiatives : les manifestations, les grèves, les couvertures médiatiques. Leur action contribue à influencer ceux qui vont penser que tout va à peu près bien (pouvoir d’achat maintenu, moins de chômage) ou que tout va très mal (inflation, désordre). La balance est donc entre confirmer les dirigeants ou les remplacer.

    Les artisans du public choice vont également démontrer que le jeu électoral, surtout dans les situations de bipartisme, est très serré : c’est finalement « l’électeur médian », celui qui n’a pas d’opinion bien arrêtée, qui peut changer l’issue du scrutin. « La République doit être gouvernée au centre » disait Valery Giscard d’Estaing . En écho, Emmanuel Macron met la droite et la gauche « ensemble et en même temps ».

    On peut réellement se demander ce que devient la démocratie quand le pouvoir est attribué à des candidats qui ne représentent qu’une infirme partie de l’électorat. On peut même s’interroger, comme le faisait Benjamin Constant , sur l’erreur fondamentale qui consiste à voir la démocratie comme la loi de la majorité (« le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » de Lincoln) au lieu de la tenir pour la protection de la minorité et de la plus petite minorité qui soit, celle de l’individu. Pouvoir d’une caste ou protection des droits individuels ? Constant opposait ainsi la « démocratie des anciens » (Athènes) et la démocratie des modernes (États-Unis de 1777) 2 .

    Syndicalisme et liberté sont-ils compatibles ?

    Je ne veux pas conclure cet article sur une note négative.

    J’ai en effet bénéficié d’une chance inouïe dans ma carrière universitaire : de 1968 à 1981 j’ai partagé ma vie professionnelle entre la Faculté et les entreprises. Comme d’autres professeurs j’ai pensé que 1968 marquait la fin des mandarins et j’ai failli démissionner ; mais le hasard m’a fait rencontrer des entrepreneurs et des personnalités qui m’ont demandé de m’intéresser à la formation économique du personnel, fortement endoctriné par la propagande cégétiste hostile à toute harmonie dans l’entreprise. L’ ignorance économique et comptable des Français donnait à la CGT une clientèle toute trouvée. Mais à cette époque de nombreux syndicalistes ne partageaient pas la doctrine syndicale révolutionnaire et comprenaient la nécessité d’un dialogue social pacifié. C’était le cas en particulier d’André Bergeron, à la tête de Force Ouvrière, vice-président du Conseil Économique et Social. Du côté patronal, plusieurs chefs de grandes entreprises étaient séduits par les idées de participation, j’ai même mené des études avec l’Association pour la Participation dans l’Entreprise.

    Ma chance a donc été de rencontrer (avec mon équipe de formateurs aixois) pendant plus de dix ans le personnel (et plus souvent les ouvriers et employés que les cadres) et les syndicalistes (tous syndicats confondus, y compris la CGT ). Les leçons que je tire de cette expérience sont les suivantes :

    Aucune entreprise ne ressemble à une autre

    Par exemple la pratique de la participation voire même de la cogestion (la mitbestimmung allemande) varie considérablement suivant la taille, l’activité, etc. Dans ces conditions, une loi pour l’organiser (Debré) n’a aucun sens, c’est encore la volonté politique de centraliser, uniformiser, au prétexte de progrès social. Le progrès social doit s’accommoder avec la liberté d’entreprendre et d’échanger.

    Favoriser les initiatives personnelles

    Beaucoup d’entreprises ont réussi en faisant davantage de place aux initiatives personnelles : travail enrichi, boîtes à idée et suggestions, individualisation des tâches, formation, etc. Le collectivisme n’entraîne au contraire que le tribalisme et le despotisme. Il existe donc un goût du travail personnel bien fait, contrarié il est vrai par les lois socialistes et démagogiques qui ont souvent désappris le travail et magnifié la paresse.

    Le besoin de connaître l’économie

    C’est une attente généralisée, des syndicalistes très engagés sont capables de faire la distinction entre économie et politique.

    Ma conclusion se ramène donc à un principe libéral de base : le respect de la diversité, l’importance de l’épanouissement des capacités personnelles, le respect des autres. Oui,  il peut y avoir un syndicalisme libéral !

    Sur le web

    1. Ludwig von Mises, L’action humaine
    2. Mais en revanche Tocqueville ne croyait pas que le gouvernement représentatif puisse perdurer même aux États-Unis. Il avait raison à mon sens.
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      Les « médecins irresponsables » selon Mme Borne

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 6 January, 2023 - 04:15 · 7 minutes

    Un article de La Nouvelle Lettre.

    Sans doute troublée par le dossier sur les retraites, notre Premier ministre a dépassé les bornes. Elle s’est crue autorisée à condamner sans nuance les médecins qui ont reconduit leur grève cette semaine.

    On peut critiquer son comportement puisqu’il suggère l’existence de deux sortes de grèves et de grévistes : d’un côté grèves responsables des cheminots, contrôleurs ou conducteurs, grèves des aiguilleurs du ciel , des enseignants, des permanents du spectacle, et d’un autre côté grèves irresponsables des médecins et autres nantis et rapaces qui négligent leur devoir de soigner.

    Une grève responsable s’inscrit dans la lutte des classes, le progrès social est arraché grâce au courage des grévistes, une grève irresponsable n’est inspirée que par la cupidité insatiable de nantis ayant des revenus et des patrimoines hors du commun.

    Deux logiques inconciliables

    En fait, ce qui déstabilise sans doute madame Borne, c’est qu’elle a en tête la logique collectiviste de la santé publique alors que l’exercice de la médecine commande une logique libérale. La santé publique a fait ses preuves, elles sont devenues évidentes et accablantes depuis des décennies. La médecine libérale a progressivement disparu, elle ne peut plus s’exercer comme naguère – tant pis pour les médecins proches de la retraite mais aussi pour les médecins jeunes qui ont répondu à une vocation.

    La santé publique réglemente un prix à l’acte, la médecine libérale est honorée en fonction des personnes : le malade, le praticien.

    La santé publique est gérée comme une administration, la médecine libérale implique une relation personnelle.

    Le fossé n’a cessé de se creuser et la position dominante de la santé publique a produit tous ses effets : concentration et bureaucratie. La concentration aboutit à assimiler santé et hôpitaux publics de sorte que le médecin est devenu marginal ou intégré de force dans le complexe, en devoir d’obéir à la bureaucratie. Cette bureaucratie est ruineuse, elle multiplie les démarches et les emplois inutiles, on sait que 37 % du personnel hospitalier n’est pas soignant . De la sorte les mêmes soins sont administrés dans les cliniques privées à des coûts inférieurs d’un tiers ou d’un quart. Évidemment les partisans du secteur public dénoncent l’obsession de la rentabilité et sont prompts à relever les erreurs et les scandales et réclament la nationalisation de tout ce qui est privé – comme si les erreurs et scandales épargnaient l’hôpital public. On fait aussi allusion à la vocation de l’hôpital public de développer la recherche mais beaucoup de chercheurs et praticiens quittent la France pour aller exploiter leurs talents ailleurs (aux États-Unis en particulier).

    La concurrence est interdite dans la logique de la santé publique, elle est bénéfique dans la logique libérale, en médecine et en recherche scientifique comme ailleurs.

    Pénurie de médecins : pourquoi ?

    Une fausse lecture de la réalité relie les déserts médicaux au niveau des revenus et des avantages des médecins. La revendication pour des consultations et visites mieux payées serait-elle la réponse naturelle à la disparition des médecins « de campagne » ? Certains médecins peuvent le penser, des manifestants (naturellement apolitiques, intègres et désintéressés) ont défilé contre les grévistes avec des pancartes « money, money ». Mais il y a beaucoup à dire à ce raccourci.

    La pénurie de médecins a été organisée par la profession elle-même

    Le corporatisme et le malthusianisme des facultés de médecine ont fait des ravages. Fermer la profession est une tendance fréquente mais elle conduit à la ruine. Les études de médecine se sont peu à peu écartées de leur dimension humaine et éthique et ont formaté des générations à l’accumulation de savoirs complexes et à la récitation de mémoire.

    Les principaux syndicats de médecins ont été d’une complicité coupable avec la santé publique

    Ils ont accepté sans cesse les rémunérations imposées par la Sécurité sociale, préférant la certitude d’un revenu médiocre aux aléas de la concurrence. Lorsqu’il y a eu une ouverture vers le secteur 2 (à honoraires libres, conformément à la tradition) un grand nombre de médecins ont fait très vite ce choix, au point que le ministère et la Sécurité sociale a en quelques mois bloqué le système, obligeant les médecins du secteur 2 à passer une convention et réglementant de plus en plus les conditions du conventionnement (Optam et Optam-Co, Option Pratique Tarifaire Maîtrisée si vous ignorez ce sigle) Lorsque les Agences Régionales de Santé (ARS) ont été créées, structures typiques du jacobinisme, on a vu nombre de défenseurs de la médecine libérale se précipiter pour acquérir une parcelle de pouvoir local. Qu’on le veuille ou non, l’exercice du pouvoir est toujours un attrait dans un pays comme la France où la liberté n’est pas très honorée.

    L’évolution bureaucratique de la profession

    Une grande partie des grévistes a protesté contre cette évolution. Le temps passé aux formalités, aux comptabilités, aux délais de la Sécurité sociale et des mutuelles est devenu souvent équivalent aux temps de la consultation et de la visite. Être finalement tenu pour un petit fonctionnaire n’est pas très honorable pour des professionnels ayant fait onze ans d’études pour avoir le droit d’exercer la médecine.

    Baisse de considération

    Dans les campagnes (il faut dire maintenant « territoires ») le médecin était un notable, aux côtés du maire et du curé. On ne sait si le maire est encore honoré de la considération des habitants de la commune, mais à coup sûr le curé n’est plus là et le médecin ne bénéficie que très rarement d’une considération générale : pas assez disponible, pas assez compréhensif…

    Dégradation des relations entre médecins et patients

    Elle se manifeste surtout dans les villes et quartiers « prioritaires ». Voilà ce que la santé publique a valu aux médecins : des fonctionnaires aux ordres, comme les enseignants. La pandémie et les politiques qu’elle a inspirées aux gouvernants ont effacé le médecin généraliste du paysage de la santé.

    Libérer la médecine

    Toutes ces considérations peuvent sans doute paraître schématiques à l’excès. Mais précisément leur accumulation appelle une rupture, puisque le système actuel est pervers et perverti sur tant de points. Pour que la médecine redevienne libérale il faut changer le système et les grévistes auront peut-être dans les prochains mois la lucidité et le courage d’aller plus loin.

    Ils peuvent s’inspirer des réformes préconisées par l’un de leurs collègues, au demeurant longtemps maire dans son village des Landes, et fondateur du Cercle Frédéric Bastiat, Patrick de Casanove. Voici ce qu’il écrivait dans Contrepoints le 29 juin 2022 :

    Les ordonnances de 1945 ont sorti le risque social (santé, retraite, chômage…) du marché et l’ont mis dans le domaine public. À partir de ce moment tous les soucis de la protection sociale sont liés à sa gestion publique, plus précisément politique. Plus de responsabilité personnelle, plus de libre choix, tout le monde est obligé d’entrer dans ce système. La création de la Sécurité sociale a détruit les solidarités spontanées qui sont les solidarités culturelles, cultuelles, villageoises, professionnelles, familiales […] On entend souvent dire que la santé n’est pas une marchandise, ou qu’elle n’a pas de prix mais un coût. Ce sont des élucubrations sémantiques. L’important est de disposer d’informations fiables pour prendre de bonnes décisions. Or en économie ce sont les prix libres qui donnent ces informations. C’est grâce à eux que les soins seront disponibles et accessibles. Les tarifs administrés ne donnent des indications que sur la politique sanitaire. Le tarif peut être bas et remboursé et le soin inexistant faute de personnel ou de matériel par exemple. Cela impose la disposition de l’intégralité des revenus, le salaire complet, le libre choix de l’assureur (Sécu incluse), la liberté économique qui va au-delà de l’économie au sens contemporain.

    Un système de santé performant repose sur une société saine, prospère et une énergie abondante et bon marché. Tout est lié, la moindre intervention de l’État contre la Propriété, la Liberté dont la liberté économique, a des conséquences néfastes sur tout le pays, particulièrement sur le système de santé… et sur la santé des Français.

    Sur le web

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      Réforme des retraites : la perversité de la lutte des classes

      Pascal Avot · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 4 January, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    Ce lundi 2 janvier, le journal Le Figaro titre : « Avec la réforme des retraites, la rentrée sera explosive » et sous-titre : « Le projet présidentiel, qui suscite une vive opposition politique et syndicale, doit être présenté dans une semaine. »

    Le début de l’article précise :

    « La réforme, qui se présente comme la plus épineuse et explosive des deux quinquennats du président de la République, sera présentée le 10 janvier, malgré une vive opposition politique et syndicale. Le gouvernement avait initialement songé à en dévoiler les contours à la mi-décembre, mais les craintes de grèves pendant les fêtes, de divisions au sein de la majorité et, dans une moindre mesure, de scrutins dans la fonction publique avaient poussé l’exécutif à se laisser un mois de plus. »

    Surface politico-économique et fond idéologique

    Que faut-il comprendre ? Deux choses. D’abord, que les détails de la réforme restent à officialiser. Ensuite, que les syndicats préparent une période de blocages et de grèves de grande ampleur, alors même qu’ils ignorent la teneur exacte du projet. Et ce dernier point est le plus important : peu importe, aux yeux des syndicalistes, l’intention réelle de Macron, car l’essentiel est de déclencher une crise majeure.

    Quel est le but des syndicats ? Empêcher la réforme, prétendent-ils, et l’empêcher quelle qu’en soit la nature, puisqu’elle est imaginée par un pouvoir « ultra-libéral », « à la botte des riches », relevant de la « casse sociale », etc. Il adoptent une posture la plus à gauche possible, face à une mesure qu’ils présentent comme la plus à droite possible. Leurs justifications sont politiques et économiques. Mais en réalité, leur grande manœuvre en cours est idéologique. Leur objectif réel est de déclencher un nouvel épisode du sempiternel récit de la lutte des classes.

    La lutte des classes, un mensonge sans fin

    Qu’est-ce que la lutte des classes ? C’est la guerre civile en temps de paix : l’antichambre de la révolution espérée et prophétisée par les marxistes de toutes obédiences. Les syndicats veulent faire entrer la France et le peuple entier dans une phase d’affrontement maximal, avec paralysie de l’économie, débrayage des services publics, tétanisation de l’activité privée, manifestations de masse, transports en commun bloqués, écoles fermés, hôpitaux en service minimum, voitures qui brûlent, raidissement des forces de l’ordre, CRS qui chargent, indignation des antifascistes, etc.

    Un esprit naïf dira qu’ils se lancent dans cette aventure afin d’obtenir, dans le meilleur des cas à leurs yeux, un retrait du projet, ou dans le pire – le plus probable – des concessions du gouvernement et au passage de nouveaux privilèges pour les fonctionnaires. Certes, cela fait intégralement partie de leur plan d’action : les sempiternelles négociations vont mener aux sempiternels avantages catégoriels, lesquels avantages deviendront au fil du temps des acquis indéboulonnables, lesquels acquis aggraveront encore l’inégalité entre travailleurs du public et travailleur du privé, et le tout au nom de l’égalité. Les Français connaissent ce scénario par cœur. Oui, ces misérables victoires sont évidemment inscrites dans l’agenda syndicaliste. Mais l’essentiel est ailleurs.

    Car la vraie perspective du mouvement qui naît sous nos yeux est de rendre concrète, tangible, vérifiable dans les rues, dans les administrations et dans les entreprises, la lutte des classes.

    Ce n’est pas aux lecteurs de Contrepoints que nous l’apprendrons, la lutte des classes est une construction conceptuelle aberrante, une fiction idéologique, un mythe du XIX e et du XX e siècles. Pourtant, elle est la seule et unique justification de l’existence de la gauche rouge en général, et des syndicats rouges en particulier. S’il n’y a plus de lutte des classes, il n’y a plus que la droite, le centre et un progressisme sociétal ectoplasmique. Le PCF, la CGT, Sud, et surtout LFI, disparaissent alors instantanément.

    La lutte des classes structure la présence des partis et syndicats de gauche, leurs discours, leurs actions, leur espérance, leur colère et leurs ressentiments. Ils n’ont pas d’autre choix que de faire croire qu’elle est une réalité indéniable. Pour eux, elle est une question de survie : un pays sans lutte des classes est un pays sans eux. Ils ne veulent pas mourir.

    L’œuf empoisonné et la poule perverse

    Fidèles au slogan de Bakounine , « l’esprit de destruction est esprit de création », ils vont donc générer des troubles graves au point de pousser le pouvoir à contre-attaquer, à se montrer violent, ce qui permettra aux manifestants de radicaliser leur combat, aux quartiers populaires de commencer à s’embraser, aux citoyens d’osciller entre la panique, la colère et la ruine : donc, à la théorie de la lutte des classes de se vérifier dans les faits.

    Ainsi, le duel auquel nous allons assister – et auquel nous allons, bien malgré nous, participer – n’est-il pas seulement la conséquence d’une théorie aberrante, mais également et plus profondément la cause de cette théorie. Dans les semaines qui viennent, gardons bien ce principe en mémoire : ce n’est pas parce qu’il y a la lutte des classes qu’il y a les grèves, mais c’est parce qu’il y a les grèves qu’il y a la lutte des classes.

    Une nouvelle fois, et certainement pas la dernière, la gauche va nous enfermer dans son apocalypse imaginaire, et la conséquence en sera une mini-apocalypse, bel et bien matérielle : un appauvrissement général de la nation. Et cela se vérifiera quelle que soit la réforme, qu’elle soit intelligente ou stupide, saine ou toxique, honnête ou cynique.

    Il va sans dire que ce ne sera pas une bonne réforme – on connaît Macron. Mais il convient de garder à l’esprit que les grèves n’auront strictement rien à voir avec elle. Elles ne constitueront aucunement une réponse au projet du gouvernement, mais un rituel magique et pervers destiné à donner corps et visibilité au délire de la lutte des classes.

    Une nouvelle fois, l’hallucination idéologique va nous tenir dans son étau maléfique.

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      Cette 3e semaine de janvier 2020 n'est pas finie et ça continue ensuite !

      cnt31 · Friday, 17 January, 2020 - 18:39 · 1 minute

    https://www.cgt.fr/node/31686

    Nos organisations appellent l’ensemble du monde du travail et la jeunesse à poursuivre et renforcer la grève y compris reconductible là où les salarié.es le décident. Elles appellent à des actions de grève, de convergences interprofessionnelles sur tout le territoire, les 22 et 23 janvier. Elles proposent d’organiser dans toutes les villes des « Retraites aux flambeaux » ou autres initiatives le jeudi 23 au soir. Elles appellent à faire du vendredi 24 janvier, date du conseil des ministres qui devrait examiner le projet de loi, une journée massive de grève et de manifestation interprofessionnelle.

    Pour avoir un calendrier des grèves : https://www.cestlagreve.fr/calendrier/

    #grève #grèves #France #fr

    Ce samedi, comme d'habitude depuis plus d'un an à Toulouse, il y a manifestation gilets jaunes à partir de 14h à Jean-Jaurès. Ce samedi de 15h à 18h, des camarades tiendront notre permanence syndicale au 33 rue Antoine Puget à Toulouse 31200. Après la permanence, à partir de 19h (et au plus jusqu’à 22h), on fait une soirée fanzine. Le lendemain, dimanche 19 donc, on lance notre premier fanzine participatif de 15h à 19h. En même temps, il y aura la permanence de la BAF (Bibliothèque Anarcha-Féministe) de 14h à 18h. Pour plus d'informations sur cette fin de semaine à Toulouse : https://iaata.info/Greve-recombustible-Suivi-de-la-semaine-du-13-au-19-janvier-a-Toulouse-et-3900.html

    #militantismeToulouse #ToulouseMilitantisme #Toulouse

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      Podcast #5 : une heure pour tout comprendre sur les retraites, avec Nicolas Marquès

      Pierre Schweitzer · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:35 · 1 minute

    Par Pierre Schweitzer.

    Note aux utilisateurs de la version mobile du site Contrepoints : si le lecteur audio contenant l’épisode ne s’affiche pas dans l’article, cliquez directement ici pour l’écouter.

    Ce mois-ci il nous a semblé naturel de vous proposer un épisode de podcast entièrement consacré à la réforme des retraites, pour fournir un éclairage complémentaire à l’étude publiée par l’Institut Économique Molinari en partenariat avec Contrepoints .

    Pour cela j’ai interviewé Nicolas Marquès, économiste et directeur général de l’Institut Économique Molinari . Il nous raconte d’abord la genèse de l’assurance retraite, puis nous discutons de la crise actuelle et des aspects positifs ou négatifs des différentes solutions envisagées. Par capitalisation ou par répartition, publique ou privée, volontaire ou facultative, vous allez tout savoir sur ce système malade et néanmoins réformable ! Pensez à vous abonner et faites-nous part de vos commentaires.

    Vous pouvez soutenir ce travail bénévole en faisant un don : https://www.contrepoints.org/aider-contrepoints

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    Pour nous contacter :

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    pierre.schweitzer@liberaux.org

    nicolas@institutmolinari.org

    Sur Twitter : @Schweitzer_P ; @NicolasIEM et @iem_molinari

    Retrouvez les épisodes précédents :

    #0 avec Emmanuel Martin

    #1 avec Stéphane Courtois

    #2 avec Frédéric Prost

    #3 (partie 1) avec Jean-Pierre Chamoux

    #3 (partie 2) avec Jean-Pierre Chamoux

    #4 avec Frédéric Mas