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      Corruption et guerre : deux fléaux qui se nourrissent l’un de l’autre

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 6 February, 2023 - 03:40 · 6 minutes

    Par Bertrand Venard .

    L’ONG Transparency International vient de publier son palmarès des pays du monde selon le niveau de corruption perçue en 2022 .

    L’étude de ce document confirme une fois de plus les liens étroits qui existent entre le degré de corruption d’un pays et le risque que ce pays soit engagé dans une guerre, extérieure ou civile. Dans un cercle vicieux inextricable, un pays plongé dans un conflit voit aussi son niveau de corruption croître.

    Comment est évaluée la corruption dans un pays ?

    Depuis sa création en 1995, l’ Indice de perception de la corruption (IPC ) est devenu le principal indicateur, à l’échelle mondiale, de la corruption dans le secteur public.

    Il permet de classer 180 pays et territoires plus ou moins corrompus, en utilisant des données provenant de 13 sources externes dont celles de la Banque mondiale , du Forum économique mondial, de sociétés privées de conseil et de gestion des risques, de groupes de réflexion et autres.

    Les scores attribués – sur une échelle allant de zéro (0 = forte corruption) à cent (100 = aucune corruption), en fonction du degré de perception de la corruption dans le secteur public – reflètent l’opinion d’experts et de personnalités du monde des affaires.

    Indice de perception de la corruption 2022. Cliquer pour zoomer.
    Transparency International , CC BY-NC

    La corruption ronge les États…

    La médaille d’or au concours des pays les plus corrompus vient d’être remise à la Somalie, suivie du Soudan du Sud, de la Syrie, du Venezuela, du Yémen, de la Libye, du Burundi, de la Guinée équatoriale, de Haïti, et de la Corée du Nord.

    Détentrice du titre peu envié de pays le plus corrompu de la planète depuis 2007, la Somalie a plusieurs points communs avec ses challengers liés à leur haut niveau de corruption.

    Les pays très corrompus sont caractérisés par une grande faiblesse de l’État. La Somalie n’a quasiment plus d’État. Depuis 30 ans, elle a connu deux guerres civiles, des famines catastrophiques , des interventions internationales ratées , des flux de réfugiés , des morts par centaines de milliers, la corruption entraînant une absence continue de services et d’institutions étatiques même rudimentaires.

    Les Somaliens vivent dans un environnement de prédations , de menaces omniprésentes et de privations, cette insécurité impliquant des comportements de survie, comme le recours à la corruption pour avoir accès à de la nourriture ou à des médicaments.

    La faiblesse d’un État détérioré par la guerre et la corruption se manifeste aussi au niveau du système judiciaire. Quand l’État est déstabilisé, c’est la loi du plus fort qui s’applique et le plus corrompu peut avoir gain de cause dans un procès, même s’il est coupable. C’est ainsi le cas de la Syrie , deuxième sur la liste (à égalité avec le Soudan du Sud), où l’enchevêtrement de la corruption et de la terrible guerre civile a fait du système judiciaire une jungle où gagnent ceux qui corrompent le mieux les juges .

    Naturellement, la corruption entraîne une perte de confiance des populations dans les institutions publiques, détruisant la moindre considération dans le système politique , ce qui accroît le risque d’une chute dans la violence politique, comme on le constate notamment au Venezuela , classé quatrième, qui s’est retrouvé ces dernières années au bord de la guerre civile .

    … tue la démocratie…

    La corruption détériore le système démocratique par différents biais : les populations reçoivent de l’argent pour voter en faveur du pouvoir, les commissions électorales sont achetées pour proclamer des plébiscites en faveur des dirigeants en place, les candidats indépendants sont menacés et même parfois assassinés…

    Ainsi, le Soudan du Sud, deuxième du classement, est un cauchemar démocratique . Ce pays indépendant depuis 2011 et dévoré par la guerre civile depuis 2013 est le théâtre de violations permanentes des droits de l’Homme : arrestations arbitraires, détentions illégales, tortures, meurtres… Avec la guerre, l’insécurité s’accroît et la corruption se développe encore plus.

    En outre, la corruption détruit la liberté de la presse . Dans des pays très mal classés en termes de liberté de la presse , comme la Corée du Nord ou la Russie, la propagande des autorités se déploie sans que le moindre désaccord ne puisse être formulé dans l’espace public, ce qui laisse se propager le discours belliqueux des dirigeants et les agressions se multipliaient.

    Pays particulièrement corrompu, le Yémen, cinquième au classement établi par Transparency International, est ravagé par la guerre depuis 2014 – un conflit alimenté par la sous-information des populations du fait d’une presse aux ordres des acteurs qui contrôlent les diverses zones du pays. L’ONG Reporters Sans Frontières présente ainsi la situation du pays : « Les médias yéménites sont polarisés par les différents acteurs du conflit et n’ont d’autre choix que de se conformer au pouvoir en place, en fonction de la zone de contrôle dans laquelle ils se trouvent, sous peine de sanctions. »

    … et accroît les inégalités économiques

    Enfin, dans une nation où règne la corruption, une petite minorité accapare la richesse nationale , la corruption pouvant être définie comme « l’utilisation de son pouvoir personnel à des fins d’intérêts privés contre l’intérêt collectif ».

    Quand l’injustice sociale règne, les tensions économiques se développent, ce qui crée un terreau particulièrement favorable à la guerre civile. Le Soudan du Sud a été ainsi dépeint comme une kleptocratie , un système dans lequel la classe dirigeante s’approprie les ressources publiques pour son propre profit au détriment du bien-être public.

    L’histoire d’Haïti est également parsemée de despotes, comme la famille Duvalier , qui ont mis en place un système de prédation économique visant à les enrichir au détriment de leur population.

    Cercle vicieux

    Au final, un cercle vicieux s’est installé qui débute par la corruption, impliquant des tensions permanentes puis des conflits et par suite davantage de crimes et de guerres.

    Comme le montre le dernier indice de corruption de Transparency International, les pays les plus corrompus sont tous des pays instables économiquement, politiquement et socialement. Si tous ne sont pas en guerre, tous sont, selon des modalités différentes en crise profonde.

    Au fil des conflits, toutes les institutions de gouvernance ont été détruites. L’insécurité incite à se livrer à tous les trafics. Sans institutions de contrôle, un sentiment d’impunité totale s’installe et la corruption devient systémique. La diffusion de la corruption en fait alors une norme sociale : « corrompre, c’est la seule manière de survivre », pourraient s’exclamer en chœur les populations des pays les plus corrompus… The Conversation

    Bertrand Venard , Professor, Audencia

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

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      Chars en Ukraine : complications à venir

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 30 January, 2023 - 04:30 · 8 minutes

    Comme en 1917 ou en 1944, les populations européennes communient à nouveau autour de l’envoi de chars lourds sur le front, en leur prêtant des vertus de vecteur de paix, prélude à une victoire finale rêvée dans cette guerre d’ Ukraine que nous menons par procuration.

    Foin de l’escalade du conflit ou de la provocation de l’ours russe aux dents atomiques : tout se passe en effet comme si la formation de nouveaux Schwehre Panzer Abteilungen (bataillons de chars lourds, notamment autour des Leopard allemands) sur le front de l’Est allait renverser le cours de la guerre. Cette vision idéalisée, aux relents oscillant entre la Totaller Krieg de la Seconde Guerre mondiale et le « tank porn » du XXI e siècle, est non seulement une fausse bonne idée, mais encore porteuse de bien davantage de problèmes que de solutions, dont les bénéficiaires apparents risquent de faire les frais durables.

    L’Ukraine, blindée de chars

    On feint tout d’abord, dans une cécité qui le dispute à l’amnésie, d’oublier que l’Ukraine est déjà largement pourvue en chars lourds : près de 2000 au début de la guerre, en considérant que ses propres pertes, de l’ordre de quelques centaines, sont équilibrées par la capture de chars russes en état d’être réparés par l’industrie locale ; on oublie commodément en effet que l’Ukraine retient de l’ère soviétique un parc et la culture d’emploi de chars lourds, appuyé sur des arsenaux, des ateliers, et qu’elle produit et exporte depuis son indépendance des blindés de combat, dont le char T84 Oplot, de dernière génération… Or l’emploi en masse de ces matériels ne s’est en rien révélé décisif.

    On feint ensuite de considérer que la formation de simples escadrons ou bataillons de quelques dizaines de chars Leopard, Challenger, ou même Abrams serait de nature à changer la donne d’un conflit de haute intensité, qui consomme à lui seul (au sens de carboniser) quelques dizaines de chars par semaine de chaque côté du front…

    On se focalise par ailleurs sur le « tank », comme s’il se définissait encore par ses traditionnelles protection (blindage et surblindage, voire protection active), mobilité (chenillée, à quelques dizaines de km/h en tous terrains sur quelques dizaines de km), et puissance de feu (un canon principal d’un calibre supérieur à 100 mm, voire la capacité, comme sur les chars russes, de tirer des missiles antichars). Or le char a subi une transformation depuis les années 2010 pour devenir un véritable système d’armes, intégrant des capteurs optroniques (viseurs infrarouges du chef de char et du tireur, voire aide à la conduite de nuit du pilote), des équipements d’autoprotection (détecteur d’alerte laser, lance-pots fumigènes ou d’obscurcissants infrarouge et laser), et des aides à la navigation (récepteur GPS, centrale inertielle) et à l’acquisition d’objectif (télémètre laser, capteurs de température et de pression extérieure ou du canon), associant autant de calculateurs embarqués.

    S’y ajoutent, dans les chars de l’OTAN depuis une quinzaine d’années, des terminaux d’information tactique, reliés par radio de combat (échangeant voix et données de manière sécurisée) qui affichent la position relative des amis, les ordres de l’unité ou les cibles à engager sous forme d’icônes sur une carte numérisée qui ne craint ni la nuit ni le mauvais temps. Centré sur lui-même, ou associé en groupements tactiques à d’autres chars, véhicules de combat, d’appui (artillerie) ou de soutien (ravitailleur et dépanneur), et relié par radio à une chaîne de commandement pour recevoir ses ordres et coordonner sa manœuvre, le char opère donc comme un système collaboratif complexe, garant à la fois de sa survie et de sa supériorité tactique.

    Le char flambant neuf, un boulet

    Or ces précisions changent la donne dans le cadre de la fourniture de chars modernes à un utilisateur étranger : le système-char consomme désormais bien davantage que du carburant (en quantité astronomique, de l’ordre de plusieurs centaines de litres au 100km) et des munitions (coûteuses et souvent spécifiques, donc peu substituables ou interopérables) ; un char consomme surtout énormément d’heures : de formation, d’entraînement tactique (qui peut être assistée par simulateur) et de maintenance technique.

    Ce dernier aspect est le plus contraignant, au point qu’un équipage est rarement formé sur tout le spectre d’emploi de son char (combat de nuit, en mouvement et à distance, commandement et conduite, manœuvre interarmes), et surtout que le char lui-même est rarement opérationnel à 100 % sur plus de quelques jours ; même ravitaillé en carburant et munitions, ses batteries, composants électroniques ou pièces détachées critiques nécessitent des révisions et changements réguliers. L’abrasion même du terrain et du combat (notamment l’impact des munitions de petit calibre sur les optiques du char), sans parler d’une météo d’hiver, collecte son tribut sur les matériels les plus modernes, comme le révèlent nos opérations d’Afghanistan, réduisant la disponibilité opérationnelle de ces matériels aussi délicats qu’ils sont redoutables.

    Il résulte de ces constats, soigneusement occultés dans la presse profane qui bruisse de la promesse des sauveurs blindés, que la livraison étalée de quelques dizaines de chars modernes par quelques fournisseurs distants porte un impact triplement brutal sur la capacité opérationnelle ukrainienne :

    Humain

    Le temps de former, d’entraîner et de déployer assez d’équipages suffisamment opérationnels pour tirer le meilleur parti de leur char, et de développer des tactiques adaptées au terrain et à l’ennemi : menaces directes et indirectes courte et moyenne portée, portées par des mines, des armements antichar individuels ou collectifs le plus souvent guidés, les feux indirects de l’artillerie lourde (parfois guidés), et les attaques air-sol portées par les drones, les hélicoptères d’attaque ou les avions d’appui tactique. Face à ces défis, les chars ukrainiens arriveront-t-ils à temps pour contrer une prochaine offensive russe d’hiver ou de printemps ? Survivront-ils au premier choc ?

    Logistique

    Pour transformer les maigres ressources ukrainiennes de transport (porte-chars et routes adaptés à des monstres de 60 tonnes), de stockage (vulnérabilité des dépôts avancés, notamment aux frappes de missiles de croisière russes) et de maintenance (rareté des installations adaptées et des techniciens formés) en une chaîne capable d’acheminer carburants et lubrifiants importés (l’Ukraine ne produit pas de pétrole et les fluides des chars occidentaux sont souvent spécifiques), munitions (dans des calibres OTAN non produits par l’Ukraine soviétique), et surtout batteries et pièces électroniques délicates, encore moins présentes localement.

    Opérationnel

    Pour pouvoir employer ces nouveaux chars aux côtés des moyens très hétérogènes du combat interarmes, et surtout pour les relier en un tout cohérent : les groupements tactiques de l’OTAN sont eux-mêmes bâtis autour d’équipements interopérables et de procédures standardisés. Dans ce dernier cas, on voit mal comment la fourniture d’une cinquantaine de Leopard 2 allemands ou Abrams américains, d’une quinzaine de Challenger 2 britanniques, voire une douzaine de Leclerc français pourrait constituer un tout cohérent avec les véhicules de combat d’infanterie BMP soviétiques (bientôt rejoints par des M2 Bradley américains), les BTR-3 et 4 ukrainiens, les M113 américains, ou la douzaine d’AMX 10RC (Roue-Canon) français… L’expérience de l’Irak de Saddam Hussein empêtré dans ses fournisseurs européens, chinois et russes est éloquente, et l’armée ukrainienne s’achemine donc vers un Frankenstein opérationnel évoluant dans un cauchemar logistique.

    Le tankiste captif

    Quelles sont alors les certitudes héritées de cette incertitude ?

    Il résultera inévitablement de cette « Panzer frenzy » (ou ruée vers les chars dorés) la rupture brutale avec l’Ukraine post-soviétique et ses capacités industrielles ou d’entraînement, pour installer Kiev dans une dépendance à long terme aux savoir-faire, armements, équipements, munitions et consommables divers occidentaux, ouvrant en revanche la voie à un business model durable de vente de produits et service aux Ukrainiens, désormais captifs de leurs bailleurs de chars.

    Enfin au rang de la symbolique, il est probable que l’armée russe mettra la priorité à localiser et affronter pour détruire ou capturer les chars de l’OTAN à mesure de leur apparition, cherchant évidemment à neutraliser leur avantage tactique local, mais aussi et surtout pour remporter un avantage moral sur l’Occident ennemi par procuration, démontrant au passage la supériorité du matériel russe (aucun char n’est invulnérable aux armes antichar de génération équivalente), tout en compromettant notre avantage technologique de l’occident par la capture de ces chars, la compromission humaine des équipages Ukrainiens, voire la parade électronique, en développement des contremesures adaptées.

    En somme, les Ukrainiens seront les premiers perdants en termes de souveraineté, d’autonomie industrielle et de liberté d’action, suivis par les Occidentaux en termes de réputation de leurs matériels, puis peut-être par les Russes enfin… si leur dizaine de milliers de chars existants, et surtout l’étendue de leur complexe industriel de production d’armement lourd échoue à  surmonter la rencontre avec quelques dizaines de chars de l’OTAN, mal maîtrisés, mal commandés, et mal entretenus par une force ukrainienne usée par une année de guerre et le bombardement de ses installations.

    Mais peut-être que la vérité est ailleurs ; qu’importent en effet le pragmatisme ou les considérations technico-opérationnelles, au regard des juteuses perspectives de profits, qui régaleront les fournisseurs occidentaux et leurs intermédiaires locaux, pendant que les généreux donateurs pourront renouveler leur parc en suscitant chez les mêmes de nouveaux marchés…peu importe le char, la reine du carnaval promet d’être la plus belle.

    Valéry Rousset, La guerre à ciel ouvert, decoopman.com, 2020, 430 pages

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      Pourquoi les libéraux doivent soutenir le monde multipolaire

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 26 January, 2023 - 03:40 · 5 minutes

    Les tensions internationales actuelles ont accentué un débat qui existe depuis au moins une décennie entre deux visions du monde et des relations internationales : le monde unipolaire et le monde multipolaire. Quand les libéraux sont en désaccord en politique étrangère , cela s’explique souvent par un différend à ce sujet.

    Cet article a pour but de montrer que le libéralisme est contraire au concept de monde unipolaire et qu’il va dans le sens du monde multipolaire.

    Unipolaire vs multipolaire

    Pour rappel, par « monde unipolaire » est entendu un monde dirigé par un seul pôle de pouvoir, en l’occurrence celui du « liberal rules-based international order » centré autour de Washington D.C.. Cet ordre est un concept flexible, distinct du droit international même si les deux coïncident parfois. C’est le monde que les États-Unis, avec leurs alliés occidentaux, ont créé en 1945 et qu’ils ont essayé d’étendre après la chute de l’URSS en 1991.

    L’idée implicite est la suivante : les systèmes politiques occidentaux, les « démocraties libérales », ont une supériorité morale qui justifient que le monde soit dirigé par un seul pôle de pouvoir occidental – la capitale fédérale étasunienne. C’est donc par définition un pouvoir d’ambition hégémonique. Le monde unipolaire est un monde où les États-nations manquent d’indépendance ; ils sont dominés, pour leur propre bien, non seulement directement par le seul centre de pouvoir mais aussi indirectement par des institutions supranationales prêtant allégeance à cet unique pôle.

    Par « monde multipolaire » est entendu le contraire de celui décrit ci-dessus ; il s’agit d’un monde qui respecte beaucoup plus strictement le droit international, notamment tel qu’énoncé dans la Charte de l’ONU. Aucun jugement de valeur est appliqué aux systèmes politiques : au contraire, ceux-ci sont considérés comme conséquences d’une culture politique ainsi que d’une histoire ancienne et récente spécifiques. Le monde multipolaire n’est donc pas universaliste. Le pouvoir politique dans ce monde est dilué dans une multitude de pôles, et les États-nations ne sont pas assujettis aux institutions supranationales.

    Comme ces courtes descriptions le montrent, ces deux visions sont mutuellement exclusives. Ceci explique en grande partie les tensions parfois intenses qui sévissent actuellement dans les relations internationales.

    Et pourquoi pas unipolaire ?

    Il pourrait sembler étrange à première vue que les libéraux doivent préférer un monde multipolaire à un monde unipolaire.

    En effet, le monde unipolaire est centré sur la politique occidentale, réputée plus respectueuse de la liberté. De plus, les libéraux sont idéologiquement attachés à un monde ouvert, avec un minimum d’obstacles politiques et juridiques pouvant entraver le commerce entre entreprises et individus opérant dans différentes entités politiques. Les libéraux sont connus pour leur soutien du libre-échange, en prônant non seulement les bienfaits du « laisser-faire » mais également ceux du « laisser-passer », selon la maxime complète .

    En tant que libéral, ne serait-il pas alors naturel d’être en faveur d’un monde unipolaire où in fine une seule entité politique mondiale – possiblement bienveillante – gère le monde comme elle le souhaite, mais en assurant la paix et en affaiblissant alors les frontières politiques entre les États-nations ?

    La réponse à cette question est un Non retentissant.

    Soutenir le monde unipolaire est une erreur fondamentale du libéralisme classique, trop ancré dans une vision universaliste des valeurs occidentales du siècle des Lumières. Il n’y a jamais de garantie que l’unique pôle de pouvoir existant soit bienveillant et pacifique ; que faire s’il ne l’est pas ? En effet, le soutien pour le monde unipolaire s’explique souvent aussi par un manque de connaissance de la vraie nature de l’État fédéral américain qui s’est arrogé ce rôle d’unipolarité.

    De plus, le monde unipolaire n’est pas aussi libre que cela, ni économiquement, ni politiquement. Les exemples abondent de politiques antilibérales en Occident. Il n’y a jamais eu de volonté parmi les élites occidentales d’implémenter du vrai libre-échange, par exemple, entre l’Occident et les pays du Sud, au grand dam de ces derniers. Et politiquement, les problèmes de légitimité démocratique en Occident sont légion.

    Le monde unipolaire mène droit à la mondialisation politique qui est ni plus ni moins qu’une forme de fascisme au niveau international. Dès ses origines, il était injuste et instable, favorisant le système financier occidental basé sur le dollar américain. Différentes formes de coercition existent pour ceux qui ne coopèrent pas (l’utilisation de la menace militaire évidemment mais également le principe d’extraterritorialité des lois étatsuniennes, comme de la Foreign Corrupt Practices Act). Il est possible d’aller plus loin et de dire que de par sa nature même, le monde unipolaire ne peut exister sans des constantes interventions illégales et non sollicitées dans les affaires internes des pays qui ne souhaitent pas adhérer complètement aux positions politiques de l’unique centre de pouvoir. Ceci pour que le monde unipolaire soit non seulement maintenu, mais étendu.

    Non-intervention et décentralisation

    Le monde unipolaire va donc directement à l’encontre du principe de non-intervention qui est fondamental au libéralisme. Le principe de non-agression et donc l’échange pacifique entre nations, si important pour les libéraux, est bien mieux représenté par le droit international, aussi peu respecté soit-il.

    La décentralisation du pouvoir politique à l’intérieur des États est reconnue comme fondamentale par les libéraux. Ces mêmes libéraux devraient alors aussi, selon ce même principe, soutenir la décentralisation du pouvoir politique dans le concert des nations… ce qui équivaut à soutenir le monde multipolaire. Les bienfaits de la décentralisation ont été montrés par des historiens libéraux comme Ralph Raico et Donald Livingstone . La concurrence entre les petites entités politiques européennes pendant des siècles était fondamentale pour le développement économique et la libéralisation politique de ses sociétés.

    Le monde multipolaire n’est bien sûr pas une suffisante évolution d’un point de vue libéral à cause des étatismes qui y persistent. Mais c’est clairement un pas important dans une direction libérale par rapport au monde unipolaire. Les libéraux doivent donc rjeter ce dernier et soutenir le monde multipolaire pour toutes les raisons présentées ici. Cette position doit être exprimée fortement, même si elle est peu populaire actuellement. Car le monde multipolaire est encore peu compris et peu accepté par les Occidentaux, habitués à une position de domination.

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      D’après cette horloge, la fin du monde est plus proche que jamais

      news.movim.eu / JournalDuGeek · Wednesday, 25 January, 2023 - 17:30

    horloge-fin-du-monde-apocalypse-158x105.jpg horloge fin du monde apocalypse

    L'horloge qui prédit l'apocalypse a été avancée pour atteindre minuit moins 10 secondes, un record inquiétant.

    D’après cette horloge, la fin du monde est plus proche que jamais

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      OTAN : le retournement de veste spectaculaire des sociaux-démocrates suédois

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Sunday, 15 January, 2023 - 17:41 · 14 minutes

    Historiquement, la gauche suédoise s’est toujours opposée à une adhésion à l’OTAN. La guerre en Ukraine est cependant venue rebattre les cartes. La possibilité d’une adhésion à l’Alliance a gagné en popularité et les sociaux-démocrates suédois ont changé leur fusil d’épaule – au grand dam de nombre de leurs partisans. Aujourd’hui, la question semble réglée : à peine le débat sur l’intégration à l’OTAN a-t-il été ouvert qu’il était clôturé. Ce virage a impliqué des sacrifices dans les principes diplomatiques de la Suède, historiquement opposée à la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan. Article de Filippa Ronquist , traduit par Piera Simon-Chaix et édité par William Bouchardon.

    Le 8 novembre 2022, Ulf Kristersson, Premier ministre suédois nouvellement élu, s’est rendu en Turquie. L’objectif de ce déplacement, alors que la Suède vient d’entamer son processus d’adhésion à l’OTAN, est de s’attirer les faveurs du Président turc Recep Tayyip Erdoğan. De nombreux Suédois ont été marqués par une image symbolique de cette visite : un gros plan sur la main de Kristersson, minuscule et déformée, broyée par la poigne d’Erdoğan jusqu’à virer rouge vif, est devenu viral.

    Le soutien aux Kurdes sacrifié pour entrer dans l’OTAN

    Lorsque la Suède a officiellement effectué sa demande d’adhésion à l’Alliance militaire, en mai dernier, de nombreux pays de l’OTAN ont chaleureusement accueilli l’idée de sa participation. Difficile d’en dire autant de la Turquie, qui n’était guère enthousiaste. Les relations turco-suédoises ont en effet rarement été au beau fixe ces dernières décennies, la Turquie ayant toujours désapprouvé le soutien accordé par la Suède aux Kurdes et à leur lutte pour l’indépendance. Dans la mesure où chaque État-membre de l’OTAN dispose d’un droit de veto à l’adhésion d’un nouveau membre, Erdoğan a clairement indiqué son intention d’y avoir recours contre la Suède, qu’il accuse de soutenir des mouvements terroristes en Turquie.

    L’époque de la solidarité suédoise avec les Kurdes est bel et bien finie.

    Il a fallu attendre plusieurs semaines pour qu’Erdoğan revienne sur sa position, contre des concessions importantes. Finalement, un accord tripartite entre la Turquie, la Suède et la Finlande (les deux pays scandinaves ayant déposé leur demande d’adhésion en même temps) a été trouvé en juin. Celui-ci prévoit que les deux Etats d’Europe du Nord mettent un terme au soutien octroyé aux Unités de protection du peuple (YPG), la milice majoritairement kurde en Syrie, et au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le parti en lutte pour l’autonomie kurde dans les régions du Sud-Est de la Turquie et du Nord de l’Irak.

    Les deux pays ont également accepté d’accélérer le traitement des nombreuses demandes d’extraditions de la Turquie, qui concernent pour la plupart des Kurdes accusés de terrorisme ou d’association avec le PKK. Enfin, la Suède et la Finlande ont entériné la relance des exportations d’armes en direction de la Turquie « dans le cadre de la solidarité de l’Alliance ». Cette décision met un terme à l’embargo sur les armes que la Suède et la Finlande imposaient à la Turquie depuis 2019, date à laquelle les deux pays nordiques avaient refusé de continuer à produire des licences d’exportation d’armes vers la Turquie, suite à son offensive militaire contre les positions kurdes en Syrie.

    Le message adressé aux Kurdes, qu’ils se trouvent en Suède ou ailleurs, est clair : l’époque de la solidarité suédoise avec les Kurdes est bel et bien finie. Pour les nombreux Kurdo-Suédois membres du Parti social-démocrate ou de la gauche suédoise au sens large, il s’agit d’une trahison particulièrement cruelle. À peine deux ans auparavant, la ministre sociale-démocrate des Affaires étrangères de Suède, Ann Linde, publiait un tweet de soutien aux Kurdes et enjoignait la Turquie à retirer ses troupes du nord de la Syrie. Il y a encore un an, le gouvernement social-démocrate ne parvenait à se maintenir au pouvoir qu’en passant un accord avec la députée indépendante Amineh Kakabaveh , une ancienne combattante kurde des peshmergas.

    Par un concours de circonstances improbable, Kakabaveh avait été exclue du Parti de gauche (gauche radicale) et s’était retrouvée propulsée dans une position où elle était en mesure de faire et de défaire les majorités parlementaires. Les sociaux-démocrates n’ont alors eu d’autre choix que de quémander son vote tandis qu’en retour, la députée exigeait un soutien sans faille à l’indépendance kurde. Il en a résulté un accord entre la députée et le Parti, signé en novembre 2021. Suite à celui-ci, Erdoğan a alors accusé la Suède d’accueillir des terroristes kurdes « même au Parlement ». Mais tout a changé à partir de 2022. En août, Ann Linde comparait le drapeau du PKK à celui de Daech, tout en assurant à la Turquie que l’accord passé avec Kakabaveh était devenu caduc en juin, à l’issue de la session parlementaire suédoise.

    Le lent rapprochement de la Suède et de l’OTAN

    Sur le plan moral, la Suède paye donc un lourd tribut pour son adhésion à l’OTAN. En retour, elle espère obtenir de l’Alliance des garanties de sécurité que le statut d’État non-aligné ne lui donnait jusqu’alors pas la possibilité d’obtenir. C’est bien sûr l’aggravation de la situation sécuritaire en Europe depuis la guerre en Ukraine qui est convoquée pour appuyer l’idée que la Suède ne peut plus se passer de telles garanties. En effet, lorsqu’il est devenu clair, au printemps dernier, que la Finlande envisageait d’adhérer à l’OTAN [1], beaucoup de Suédois ont estimé que leur pays n’avait d’autre option que d’imiter son voisin, un partenaire militaire et stratégique majeur.

    La Suède se repose d’ores et déjà implicitement sur l’OTAN en ce qui concerne sa sécurité en cas d’attaque, et assez explicitement sur les autres États membres de l’Union européenne, dont bon nombre sont eux-mêmes membres de l’OTAN.

    Si le revirement est particulièrement fort au cours de la dernière année, le rapprochement entre la Suède et l’OTAN a débuté il y a déjà une trentaine d’années. Depuis les années 1990, la Suède a graduellement accru sa coopération avec l’OTAN en participant à des missions et à des exercices conjoints, notamment au Kosovo, en Afghanistan et en Libye. La Suède se repose d’ores et déjà implicitement sur l’OTAN en ce qui concerne sa sécurité en cas d’attaque, et assez explicitement sur les autres États-membres de l’Union européenne, dont bon nombre sont eux-mêmes membres de l’OTAN [2]. Suite au traité de Lisbonne et à ses propres engagements unilatéraux, la Suède est de toute façon déjà tenue de soutenir la plupart des membres de l’OTAN en cas d’attaque (avec quelques exceptions notables, notamment les États-Unis, le Canada et la Turquie). Refuser l’adhésion à l’OTAN dans de telles circonstances n’aurait donc, selon certains, guère de sens. En effet, la Suède supporte déjà concrètement une grande partie des coûts et des risques associés à l’adhésion à l’OTAN (la Russie voit déjà clairement que la Suède s’est rangée parmi ses adversaires), sans pour autant recevoir de garanties de sécurité en retour.

    S’ils sont bien rodés, les arguments en faveur de l’adhésion méritent d’être nuancés. Les sanctions économiques très fortes et les importantes défaites militaires encourues par la Russie ont largement réduit sa capacité à mener une guerre conventionnelle. De plus, en dépit du choc que représente l’invasion de l’Ukraine, les velléités de la Russie d’envahir les pays de son voisinage étaient déjà évidentes depuis l’invasion de la Géorgie en 2008 et de la Crimée et de l’est de l’Ukraine en 2014. Si l’attaque à grande échelle lancée contre l’Ukraine en février 2022 a certes constitué une surprise pour beaucoup d’observateurs, c’est surtout car elle a mis en évidence le fait que Vladimir Poutine était prêt à courir des risques bien plus importants qu’on ne le supposait.

    Un argument plus solide, utilisé notamment pour convaincre les Suédois de gauche opposés à l’OTAN qui ne considèrent pas que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ait entraîné une hausse de la menace sécuritaire pour la Suède, est qu’une adhésion à l’Alliance constituerait un acte de solidarité à l’égard de la Finlande et des autres États baltes. Pour beaucoup, c’est justement en se refusant à entrer dans l’OTAN que la Suède adopterait une attitude moralement contestable. Néanmoins, le prix à payer pour une telle solidarité avec la Finlande et les États baltes est celui d’une rupture de la solidarité suédoise avec les Kurdes.

    Clôture du débat sur l’OTAN

    Pour la gauche suédoise, à peine le débat sur l’adhésion à l’OTAN avait-il commencé qu’il était déjà clôturé. Le Parti social-démocrate, le plus grand mouvement de gauche en Suède, a joué un rôle central dans ce processus. Historiquement, ce parti avait toujours été favorable à la politique de non-alignement militaire traditionnelle de la Suède [3].

    Début mars 2022, le Parti social-démocrate, à l’époque au gouvernement, repoussait encore fermement les avances de l’OTAN. Mais la situation a brutalement évolué. Le 16 mars, les sociaux-démocrates ont désigné un groupe de travail sur les questions de sécurité, en charge d’analyser la situation sécuritaire de la Suède et ses options politiques suite à l’invasion russe en Ukraine. Le 22 avril, ils initiaient un « dialogue interne » au sein du parti sur les questions de sécurité. Le 13 mai, le groupe de travail sur la sécurité a publié ses conclusions , où l’adhésion à l’OTAN est décrite comme une option avantageuse pour la Suède. Le 15 mai, les sociaux-démocrates se prononcent en faveur de l’adhésion . Trois jours plus tard, la Suède déposait sa demande officielle d’adhésion, en même temps que la Finlande.

    Le pari des sociaux-démocrates n’a pas suffi pour remporter les élections.

    Un revirement aussi rapide, en quelques semaines à peine, sans débat ni vote, sur une politique de non-alignement défendue depuis des décennies, a constitué un choc brutal pour de nombreux membres du parti. Mais c’est exactement ce que l’on pouvait être en droit d’attendre des sociaux-démocrates. Le Parti social-démocrate suédois (SAP), l’un des partis politiques les plus prospères de l’Europe post-Seconde Guerre mondiale ( de 1932 à 2022, le SAP n’a été que 17 ans dans l’opposition , ndlr), est structuré selon un centralisme vertical. Au moment où un revirement de l’opinion s’est fait sentir – les sondages d’opinion de mars montraient qu’une majorité de Suédois se prononçait, pour la première fois, en faveur d’une adhésion à l’OTAN – et à l’approche de nouvelles élections, les sociaux-démocrates n’ont pas tardé à réagir.

    La direction du parti craignait de perdre des électeurs tentés par la droite en s’opposant à l’adhésion à l’OTAN. À l’inverse, l’adhésion ne présentait qu’un faible danger sur le plan électoral : tout électeur déçu par ce revirement se tournerait vers le Parti de gauche ou les Verts, des petits partis sur lesquels les sociaux-démocrates s’appuient de toute façon pour former des coalitions. L’un des risques à être un parti prospère est, semble-t-il, la tendance à évoluer à l’aveugle, en suivant des stratégies électorales à court terme. Néanmoins, le pari des sociaux-démocrates n’a pas suffi pour remporter les élections. Même si leur positionnement favorable à l’adhésion à l’OTAN a entraîné une légère hausse des intentions de vote lors de la campagne, le bloc de gauche s’est trouvé incapable de former un gouvernement de coalition. À présent, la Suède est dirigée par une coalition de quatre partis de droite, dont le plus important est celui des démocrates suédois, un parti aux origines néonazies.

    La gauche non-alignée en difficulté

    Le Parti de gauche et les Verts ont conservé leur position anti-OTAN, mais leur critique de l’Alliance n’a pas été particulièrement virulente ni contraignante. Les deux partis sont, dans une certaine mesure, limités par le fait que les sociaux-démocrates sont, et ont toujours été, leur unique moyen d’accéder au pouvoir. Plusieurs figures des écologistes se sont publiquement prononcés en faveur de l’OTAN, tandis que le Parti de gauche ne s’est pas manifesté outre mesure pour critiquer l’Alliance lors de la campagne, comme si sa demande d’un référendum sur l’OTAN n’était plus d’actualité. Le Parti de gauche s’est également mis dans une position difficile en votant contre l’envoi d’aide militaire à l’Ukraine en février, une décision accueillie avec indignation, y compris par des sections de la gauche anti-OTAN. Face aux critiques, la direction du parti a finalement changé de position quelques heures avant le vote .

    Le Parti de gauche et les Verts avaient intégré leur défaite dès le revirement des sociaux-démocrates.

    Mais à ce stade, le mal était déjà fait. Pour le grand public, la solidarité de la gauche avec l’Ukraine se cantonne à des discours sans substance. Au cours des mois qui ont suivi, il est devenu de plus en plus difficile de se positionner en faveur d’un soutien à l’Ukraine tout en demeurant farouchement opposé à l’OTAN. Sans oublier que de nombreux activistes et personnalités politiques de gauche étaient trop occupés à lutter contre les néonazis dans leur propre pays pour s’inquiéter du rôle joué par la Suède vis-à-vis de l’impérialisme américain ou du nationalisme turc sur la scène internationale.

    La demande d’adhésion de la Suède auprès de l’OTAN a ouvert une plaie béante au sein de la gauche suédoise. Cette plaie semble pourtant s’être déjà refermée, comme si rien ne s’était passé. Le Parti de gauche et les Verts avaient de toute façon intégré leur défaite dès le revirement des sociaux-démocrates. Avec l’accord tripartite signé entre la Turquie et le nouveau gouvernement de droite, qui est encore moins opposé que les sociaux-démocrates à l’extradition des Kurdes vers la Turquie, les obstacles à l’adhésion de la Suède à l’OTAN sont de moins en moins nombreux.

    Pour la gauche suédoise, qu’elle soit favorable ou non à l’OTAN, la nouvelle situation nécessite à présent un changement de perspective. L’une des objections les plus solides que la gauche suédoise oppose à l’OTAN est que l’Alliance ne remplit pas le rôle de défense collective qu’elle prétend jouer. De trop nombreuses missions de l’OTAN, comme les opérations en Afghanistan et en Libye, ont tellement dérogé à leur objectif initial que les prétentions de l’Alliance ne sont plus que des écrans de fumée.

    La Suède comme la Finlande sont en général fermement opposées au recours aux forces militaires de l’OTAN dans des opérations en dehors des frontières de l’Alliance pour des raisons qui ne sont pas étroitement liées à l’autodéfense collective (même s’il faut noter que les deux États ont participé aux opérations en Afghanistan, et que la Suède était présente en Libye). Aux yeux de certains, l’intégration probable dans l’Alliance atlantique permettra à la diplomatie de la Suède et de la Finlande de contrecarrer ses menées militaires… à moins qu’elle n’entraîne l’érosion de leur autonomie décisionelle.

    Notes :

    [1] La Finlande partage une frontière de 1 340 km avec la Russie et le souvenir de l’invasion soviétique de 1939 demeure un événement important dans la culture nationale.

    [2] A l’exception de la Finlande et de la Suède, en cours d’adhésion, seuls l’Autriche et l’Irlande sont membres de l’UE mais pas de l’OTAN.

    [3] Si la Suède se déclarait jusqu’à récemment non-alignée, la neutralité a elle été définitivement enterrée en 1995 lors de l’adhésion de la Suède à l’Union européenne. Les deux statuts ne signifient pas la même chose : la neutralité implique de ne prendre aucune position dans aucun conflit, tandis que le non-alignement suppose seulement de ne pas être membre de tel ou tel camp.

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      Genre et guerre : la chaire (masculine) à canon

      Daniel Borrillo · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 30 December, 2022 - 03:50 · 9 minutes

    Depuis la nuit des temps, les hommes sont formatés psychologiquement pour donner leurs vies à la patrie. Tel un sacrifice à Arès , des centaines de millions de jeunes hommes furent immolés sur l’hôtel de l’héroïsme. Le monde grec confondait citoyenneté et statut militaire. Pour les Romains , Romulus – fondateur mythique de leur Cité et incarnation du citoyen romain par excellence – était fils de Mars, dieu des combats.

    Tout au long du Moyen Âge, la guerre fut dominée par la figure du chevalier et les valeurs masculines qui s’y rattachent. Les guerres de croisades depuis l’an mille, tout comme la guerre de Cent Ans et les nombreux conflits dynastiques et de religion au sein de l’Europe constituèrent le scénario répété du sacrifice de millions d’hommes à la Nation. La Révolution , le Consulat, le Premier Empire, la Restauration, le Second Empire et toutes les Républiques baignèrent dans de nombreux conflits armés. Les siècles suivants ne furent pas moins dramatiques : quarante millions d’hommes ont donné leur vie dans les guerres du XX e siècle. Le XXI e siècle sera tout aussi sanglant. Du Darfour à la Syrie, de l’ Afghanistan à la Guinée, du Mali au Sahel, les guerres n’ont jamais cessé et avec elles la mobilisation systématique des jeunes hommes.

    L’assignation à des rôles genrés est particulièrement frappante : les hommes sont « programmés » idéologiquement pour mourir sur le champ de bataille. Il s’agit d’un élément qui structure non seulement le stéréotype masculin mais également la société tout entière au point qu’elle délègue « naturellement » aux hommes la violente tâche d’ôter la vie d’autrui et de donner la sienne pour la patrie.

    Ainsi, par adhésion, par sens du devoir, par patriotisme, par obéissance, par peur ou par résignation, des millions de jeunes ont endossé l’uniforme de soldat et sont partis au front en renonçant à tout : foyer, famille, études, travail, amis… Jean, Pierre, François, Alphonse, Marcel, Louis, Joseph, Raymond… L’absence de prénoms féminins sur les monuments aux morts de nos villages est frappante. Pourtant personne ne s’en étonne. Les vivants ont intégré le monopole masculin sur la mobilité forcée, l’errance et la mort. À tel point que lorsqu’il s’agit de la guerre nous possédons une conviction limitée à propos de la nécessité du changement du système traditionnel des rapports de genre historiquement inégaux entre les femmes et les hommes.

    Héritiers de siècles de conflits armés, les hommes ont été façonnés selon les besoins militaires et ont intégré l’idée sacrificielle de mourir pour la nation.

    Certes les femmes aussi ont connu une mobilisation sans précédent depuis la Première Guerre mondiale et elles n’ont pas non plus été épargnées lors des massacres, des répressions, des génocides et autres atrocités associés à la guerre. Toutefois, leur rôle est bien distinct de celui des hommes. Le modèle patriarcal, celui du père protecteur, du citoyen-soldat et du combattant héroïque imposait et impose encore aux garçons de développer une identité masculine tendant à accepter l’inacceptable : la confiscation des corps pour la guerre. Pour certains, cela peut sembler normal car après tout la guerre est une affaire d’hommes. Pourtant, les femmes, elles, ne se sont pas privées d’enclencher des conflits armés sanglants : de Jeanne d’Arc à Margaret Thatcher, de Marie Tudor à Golda Meir en passant par Brunehilde, Catherine II de Russie ou encore les militantes de l’IRA Marion Coyle et d’Action directe, Nathalie Ménigon, les femmes se révèlent aussi de puissantes chefs de guerre 1 .

    Si depuis la Seconde Guerre mondiale, les femmes peuvent s’exposer au feu de l’ennemi, c’est toujours dans le cadre d’un recrutement professionnel et volontaire. Toutefois, elles demeurent très minoritaires dans les armées européennes 2 : 5 % en Italie, 12 % en Espagne et 15 % en France et il a fallu une condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne en 2000 pour que l’Allemagne autorise les femmes à participer aux combats armés en tant que professionnelles. Toutefois, l’obligation de service militaire n’est pas étendue aux femmes. En Europe, seule la Norvège dispose de la conscription féminine.

    En matière militaire, les femmes ont obtenu progressivement les mêmes droits sans se voir pour autant soumises aux mêmes devoirs. Le cas de l’Ukraine en est une illustration. Le pays avait aboli le service militaire en 2013 pour laisser place à une armée professionnelle. Cependant quelques mois plus tard, l’égalité de sexes est rompue avec le rétablissement de la conscription obligatoire pour faire face à la guerre du Donbass.

    La suite de la guerre d’Ukraine constitue un nouvel exemple de cette asymétrie de genre. Le jeudi 24 février 2022, le président Zelensky a décrété la mobilisation militaire générale afin de répondre à l’invasion russe démarrée plus tôt dans la journée : les hommes ukrainiens entre dix-huit et soixante ans ont depuis l’interdiction de quitter le pays. La loi martiale stipule que tous ceux soumis « à la conscription militaire et des réservistes », se trouvent dans l’obligation de prendre les armes. De même, le 21 septembre Poutine a annoncé la mobilisation forcée de trois cent mille réservistes (sur un potentiel de vingt-cinq millions mobilisables). Le service militaire est obligatoire aussi bien en Russie qu’en Ukraine pour tous les garçons à l’âge de dix-huit ans. De même, face au risque d’une guerre avec la Chine, Taïwan vient d’annoncer que la durée du service militaire obligatoire pour tous les hommes nés après le 1er janvier 2005 va être portée à un an, contre quatre mois actuellement.

    Cette réalité n’est nullement inédite : en 1914, pour la Première Guerre mondiale et en 1939, pour la Seconde, plusieurs pays européens, dont la France, avaient décrété la mobilisation générale en envoyant de centaines de milliers de jeunes au front.

    L’article 18 de la loi du 7 août 1913 sur le recrutement de l’armée précisait :

    « Tout Français reconnu propre au service militaire fait partie successivement : de l’armée active pendant trois ans ; de la réserve de l’armée active pendant onze ans ; de l’armée territoriale pendant sept ans ; de la réserve de l’armée territoriale pendant sept ans ».

    Presque dix millions d’hommes ont perdu leur vie au cours de la grande Guerre. La base de données « Morts pour la France » du ministère français de la Défense recense plus de 1,3 million de conscrits décédés pendant ce conflit. Il s’agissait pour la grande majorité de jeunes soldats d’infanterie. Durant la Seconde Guerre mondiale presque 18 millions d’hommes sont morts sur le champ de bataille. Les conflits armés non seulement ont massacré des hommes jeunes mais ont aussi fait diminuer drastiquement l’espérance de vie des survivants.

    Comme le montre le démographe François Héran, « en deux ans, de 1913 à 1915, l’espérance de recule seulement de 3 % chez les femmes, passant de 53,5 ans à 51,7 ans mais s’effondre de 46 % chez les hommes : de 49,4 à 26,6 ans » 3 .

    Les guerres successives (Indochine, Corée, Vietnam, Algérie, Irak, Syrie…) produisirent les mêmes résultats aussi bien en ce qui concerne la prééminence écrasante de victimes de sexe masculin que la diminution de l’espérance de vie des survivants à la sortie du conflit.

    De plus, dans les années qui suivent la Première Guerre mondiale, la courbe des divorces augmente sensiblement et pour la première fois les demandes de divorce sont plus nombreuses à être formulées par les hommes que par les femmes. Loin d’être expliqué par le seul argument de l’adultère féminin, ce phénomène peut aussi se comprendre par l’aigreur accumulée en quatre ans de guerre, la difficulté à reprendre la vie commune après une séparation prolongée, même entrecoupée de quelques permissions.

    Netflix a récemment produit le film À l’ouest, rien de nouveau , inspiré du roman du même nom d’Erich Maria Remarque, dans lequel l’auteur décrit les abominations de la Première Guerre mondiale et la souffrance de ces garçons réduits en charpie par l’artillerie.

    Plus tard, Boris Vian chantait :

    « À tous les enfants
    Qui sont partis le sac au dos
    Par un brumeux matin d’avril
    Je voudrais faire un monument
    À tous les enfants
    Qui ont pleuré le sac au dos
    Les yeux baissés sur leurs chagrins
    Je voudrais faire un monument… »

    Jusqu’à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous nous croyions installés dans la post-modernité de la guerre où la confrontation directe d’homme à homme semblait une chose du passé. Or, le retour à une forme de guerre « classique » met en évidence l’exposition perpétuelle des corps masculins à la mort. Une grande partie de ces corps ne provient pas de l’armée professionnelle mais de civils recrutés de force. Cette absence de choix constitue la plus grande violence contre le sexe masculin et ceci depuis la nuit de temps. Malheureusement, une conception partiale de la « violence de genre » tend à l’éclipser. Paradoxalement, alors que la mobilisation forcée regarde uniquement les hommes, la majorité de travaux scientifiques relatifs à la guerre sous le prisme du genre concerne exclusivement les femmes 4 .

    Derrière les barbelés de Nuremberg , Guy Deschaume, rêvait de l’inversement des rôles de genre lorsqu’il écrit non sans ironie, « quand nous rentrerons, un jour, dans nos foyers, Mesdames, vous ne pourrez plus vous targuer d’imaginaires supériorités, sous lesquelles, naguère, vous nous écrasiez […] , nous avons essayé balayage, lavage de vaisselle, lessive, ravaudage, couture, cuisine, et la vérité m’oblige à confesser qu’en toutes ces activités, nous avons dépassé les plus optimistes prévisions : la cuisine, c’est par là que vous nous teniez. Mais les rôles vont être changés ! Nous pourrons désormais vous fournir des recettes qui vous seront précieuses pendant ces temps de restrictions » 5 .

    Les hommes souhaitent parfois ne pas appartenir au genre masculin…

    Le « genre » permet de désigner la construction sociale des différences entre les sexes et les actes de violence genrés, source de préjudices et des souffrances. Il serait alors temps de regarder la guerre par le biais du genre masculin afin de rendre compte de la plus brutale des dominations et de la plus cruelle des violences, celle consistant dans l’appropriation des hommes par l’État pendant les conflits armés.

    1. Cardi, Coline, et Geneviève Pruvost. Penser la violence des femmes. La Découverte, 2012.
    2. Eulriet, Irène, Women and the Military in Europe : Comparing Public Cultures , London, Palgrave Macmillan, 2012.
    3. « Générations sacrifiées : le bilan démographique de la Grande Guerre », Population & Sociétés 2014/4 (N° 510) , pages 1 à 4.
    4. En indiquant comme mots clés « genre et guerre » ou « genre et conflits armés » dans les principales bases de données (Cairn, Brill, HAL…) on ne trouve aucun texte concernant la violence faite aux hommes, en revanche nombreux articles sont consacrés aux « femmes combattantes », à « la participation des femmes à la guerre », à « l’expérience vécue de la guerre par les femmes » aux « veuves de guerre » ou encore au « viol des femmes dans les conflits armés » ….
    5. Deschaumes, G., Derrière les barbelés de Nuremberg, Flammarion, 1947, page 175.
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      Objectif : la défaite de la Russie

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 29 December, 2022 - 03:30 · 7 minutes

    Un récent sondage de l’ IFOP publié par le JDD fait apparaître que 70 % des Français sont en faveur d’une négociation sur le conflit ukrainien. Cela ne signifie pas qu’ils sont partisans d’un arrêt immédiat des livraisons d’armes à l’Ukraine mais qu’ils préfèrent une issue négociée à la poursuite de la guerre jusqu’à la défaite russe.

    Le clivage selon les sensibilités politiques apparaît nettement. L’option négociation est souhaitée par 69 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon à la dernière élection présidentielle, 77 % de ceux de Marine Le Pen et 88 % de ceux d’Éric Zemmour. Dans les autres horizons politiques, seule une minorité privilégie la négociation.

    Pourquoi une paix rapide et négociée ?

    Ces électeurs de la droite et de la gauche radicale n’hésiteraient donc pas à négocier avec celui qui a rasé Marioupol, assassiné des dizaines de milliers de civils ukrainiens et déporté en Russie des milliers d’enfants enlevés à leur famille. Deux hypothèses peuvent alors être faites : ces électeurs n’ont pas compris que cette guerre est le combat de la liberté contre la servitude ou bien ils considèrent que le monde étant ce qu’il est, il est inéluctable de négocier avec les pires criminels. La première hypothèse renvoie à un certain idéalisme, en une croyance en la liberté comme valeur. La seconde relève de la fameuse realpolitik .

    Aucune des deux  hypothèses ne doit être rejetée car elles existent concomitamment dans ces électorats radicaux. Un électorat à dominante populaire comporte un grand nombre de personnes peu informées des enjeux géopolitiques. Pour elles, le raisonnement est simple : la paix vaut mieux que la guerre et plus vite règnera la paix, mieux nous nous porterons. D’autant que ces personnes ont compris l’impact sur leur niveau de vie de la guerre en Ukraine, en particulier par le biais de la hausse du prix de l’énergie.

    Mais il existe aussi dans ces électorats radicaux des individus ne privilégiant pas la liberté. C’est la définition même de l’extrémisme politique, qu’il soit de gauche ou de droite : solutions expéditives, puissance de l’État, autoritarisme. L’image de Poutine n’est pas celle d’un criminel sans foi ni loi pour tous les Français. C’est pourtant ce qu’il est.

    Mais l’Occident doit s’imposer face aux autocraties

    La position des Français mise en évidence par ce sondage n’est donc pas un scoop. On s’en doutait un peu… Lorsque le cumul des voix de Le Pen, Zemmour et Mélenchon atteint 52 % des suffrages exprimés, ces électeurs mécontents pèsent lourd dans les études d’opinion. Pourtant, il est probable qu’ils se trompent lourdement.

    Pour le comprendre, il faut aborder quelques généralités géopolitiques.

    Les États-Unis , l’ Union européenne et le Royaume-Uni ont une position de base commune : il appartient aux Ukrainiens de décider du moment de la négociation avec la Russie. Mais mettre fin par la négociation à un conflit armé suppose qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu. La négociation consiste précisément à trouver un compromis débouchant sur un modus vivendi pacifique.

    Les gouvernements occidentaux souhaitent-ils une telle solution ? Il est impossible de répondre car tout dépendra de la capacité de résistance des Russes. Mais la défaite russe est l’hypothèse la plus probable. Du côté occidental, on voit clairement apparaître des dirigeants évoquant la négociation (Emmanuel Macron) et d’autres n’en parlant pas (Joe Biden). Ce ne sont que de légères divergences de communication politique.

    En pratique, les États occidentaux augmentent progressivement la puissance et l’efficacité des armes livrées aux Ukrainiens. Ce qu’ils se refusaient à livrer au printemps 2022 le sera au printemps 2023, par exemple les missiles sol-air Patriot. On en reste principalement à la fourniture de moyens de défense. Il manque les matériels permettant une offensive terrestre d’ampleur, en particulier les chars modernes des Américains, des Français et des Allemands. Cela pourrait venir dans un avenir indéterminé.

    La Russie, elle, ne cesse de s’affaiblir, les ridicules rodomontades médiatiques de ses dirigeants en étant le signe plus sûr. Comment d’ailleurs un petit pays comme la Russie pourrait-il faire face ? Grand par le territoire, la Russie est un nain économique et il convient toujours d’avoir à l’esprit quelques chiffres simples (année 2021, Banque mondiale) :

    • PIB de la Russie : 1778 milliards de dollars
    • PIB des États-Unis : 23 315 milliards de dollars
    • PIB de l’Union européenne : 17 200 milliards de dollars

    Le PIB de la Russie ne représente que 4,3 % des PIB cumulés des États-Unis et de l’Union européenne. L’augmentation des dépenses militaires russes ne peut donc pas aller très loin alors que celles de l’Occident peuvent encore croître considérablement. Les États-Unis jouent très intelligemment sur l’affaiblissement progressif de la Russie, qui pourrait conduire à la chute de Poutine. En permettant à l’armée ukrainienne de résister et même de mener victorieusement des offensives limitées, les Occidentaux agissent avec prudence et diligence. Ils stimulent l’ardeur et le courage des Ukrainiens, découragent les militaires russes et sèment le doute dans la population de l’agresseur.

    Cette stratégie de la guerre longue est la seule qui corresponde aujourd’hui à la fois au souhait du peuple ukrainien et à l’intérêt des démocraties. Les Ukrainiens ne veulent plus rester sous la domination russe qu’ils subissent depuis des siècles. Les démocraties occidentales ont un besoin impérieux de montrer au monde entier que la liberté est aussi une force et que la puissance n’est pas du côté des autocrates. Le terrorisme islamiste, le retour au Moyen Âge de l’ Afghanistan , la théocratie meurtrière iranienne , le communisme tardif chinois, l’absurde et féroce tyrannie de Kim Jong-un en Corée du Nord imposent un exemple de réussite vertueuse aux démocraties.

    Le camp du bien doit montrer au camp du mal qu’il est celui qui détermine l’avenir par ses valeurs de liberté et son dynamisme créatif, gages de succès économique et de puissance militaire.

    Et les armes nucléaires russes ?

    Quant aux 6000 ogives nucléaires russes, héritage soviétique, c’est un tout autre problème. Si la petite cohorte du Kremlin soutenant Poutine s’avisait de l’utiliser, la réplique de l’OTAN serait fulgurante. La Russie disparaîtrait avec toutes les démocraties occidentales. Or, l’enjeu actuel n’est même plus la domination russe sur l’Ukraine, qui n’aura jamais lieu. Il s’agit seulement de rattacher ou non la Crimée, le Donbass et peut être Zaporijjia à la Russie.

    Tuer des milliards d’êtres humains et se suicider en tant que nation pour quelques régions de l’est de l’Ukraine ? Qui peut le croire ? Si les dirigeants russes utilisent systématiquement le thème de l’agressivité occidentale pour circonvenir leur population, méthode habituelle des autocrates, ils savent que les démocraties n’ont aucune visée territoriale sur la Russie mais seulement le souhait qu’un jour le peuple russe puisse lui aussi connaître la liberté.

    Guerre larvée entre autocraties et démocraties

    Une majorité de Français ne semble pas partager l’analyse précédente. L’opinion publique évolue dans le même sens aux États-Unis. Un sondage récent pour le think tank Chicago Council on Global Affairs indique que plus de la moitié des répondants souhaite un accord de paix rapide avec la Russie, les Républicains étant nettement moins favorables que les Démocrates à la poursuite de l’aide à l’Ukraine.

    Cette propension à souhaiter une paix rapide résulte en grande partie d’une absence d’analyse. La population des riches démocraties occidentales, la plus privilégiée de la planète, comprend spontanément que la paix est un préalable au maintien de son niveau de vie. Mais elle ne perçoit pas le danger mortel que constitue le recul des démocraties face aux dictatures dans un monde où la guerre froide entre l’Est communiste et l’Ouest libéral a été remplacée par une guerre larvée entre autocraties et démocraties.

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      Frappes en Russie : retenue affichée, cobelligérance avérée

      Valéry Rousset · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 17 December, 2022 - 03:40 · 6 minutes

    La presse de cette fin d’année 2022 bruisse d’une thèse apaisante : tout en dotant l’Ukraine des moyens de frappes d’artillerie de précision à longue portée, les États-Unis se seraient assurés de ne pas lui laisser « escalader le conflit » par des attaques menaçant le territoire russe sanctuarisé par la dissuasion nucléaire la plus puissante du monde.

    Cette thèse coïncide avec l’affaire des missiles sol-air ukrainiens retombés sur un village polonais qui avait mis l’OTAN au bord de ses responsabilités : dédouaner la Russie d’une attaque contre un pays membre de l’Alliance ou entrer en guerre, en application de l’article 5 du traité de l’ Atlantique Nord . Elle s’inscrit également dans le contexte préoccupant de frappes ukrainiennes de bases aériennes russes situées à plusieurs centaines de km du front du Donbass à partir de drones soviétiques modifiés, notamment par le recours aux données de navigation du GPS américain.

    En réalité, les arguments d’une « modération » américaine, dans cette guerre par procuration contre la Russie, greffée sur la guerre civile qui fait rage en Ukraine depuis 2014, sont fragiles et faussés ; l’escalade est ailleurs et déjà largement consommée.

    Le propos porte sur la fourniture américaine à l’ Ukraine de seize lance-roquettes d’artillerie autonomes M142 HIMARS (des camions blindés équipés d’un conteneur de munitions modulaire capables de se recharger et de se positionner seuls par rapport à leur cible), avec un lot de roquettes lourdes (100 kg d’explosif) M30/M31 GMLRS à guidage GPS. Ces armes ont fourni à Kiev un atout qualitatif majeur à l’origine du retournement de l’été 2022 qui voit la reconquête de territoires envahis par les forces russes depuis février. Tout en autorisant cette livraison d’armements de précision avancés, Washingtonles aurait toutefois « secrètement modifiés » pour empêcher l’Ukraine de frapper dans la profondeur russe.

    Qu’en est-il vraiment ?

    La modification d’armements à l’export pour en restreindre le domaine d’emploi est en effet une pratique courante, le plus souvent affichée au client. Pour les lanceurs HIMARS et leurs munitions déjà exportés dans le Golfe par exemple, ces modifications regroupent des inhibitions de fonction du système de conduite de tir (le logiciel propriétaire UFCS fourni avec les lanceurs) et des limitations dans les performances du kit de guidage des roquettes associées, voire des types d’ogives militaires disponibles (unitaires, à fragmentation, à sous-munitions, pénétrantes, etc).

    En Ukraine, il est très probable que ces mêmes modifications standard ont à la fois bridé les capacités du lanceur M142 autour de la sélection des seules munitions livrées (dont la précision quasi-métrique a tout de même permis de couper des voies ferrées ou de détruire des segments entiers du pont de Kherson) et la programmation de coordonnées d’objectif associées (portée, modes d’attaque et leurs trajectoires associées, pour contrer les défenses aériennes sur l’objectif). Ces restrictions interdiraient notamment à l’Ukraine d’utiliser d’autres munitions compatibles du système modulaire HIMARS, dont les fameux missiles semi-balistiques d’artillerie M39 ATACMS de 300 km de portée réclamés à cor et à cris par Zelensky. Washington les a promis aux pays baltes mais les refuse encore à l’Ukraine.

    En revanche, cette thèse rassurante d’une « restriction » des HIMARS pêche largement par omission, en dissimulant le volet qualitatif essentiel de la fourniture d’un système d’artillerie de précision à longue portée : la chaîne d’acquisition d’objectifs et de ciblage, capable d’exploiter des vecteurs d’une telle précision à une telle portée. Or elle est forcément américaine et c’est ici que réside l’escalade.

    En effet, un système d’artillerie classique comprend des moyens associés de reconnaissance et d’acquisition de cibles à quelques dizaines de km généralement formés de véhicules spécialisés dotés de capteurs, de moyens de navigation autonome et de communications sécurisées à longue portée pour reconnaître une cible éloignée et en transmettre les coordonnées au lanceur. Mais les HIMARS, qui tirent à plus de 70 km derrière le front devraient alors dépendre d’observateurs d’artillerie infiltrés loin en territoire ennemi en franchissant les obstacles et les défenses du front, ce qui est tactiquement irréalisable. Même une aviation de reconnaissance (dont l’Ukraine est pratiquement dépourvue) aurait le plus grand mal à trouver des cibles ponctuelles pour les HIMARS, à les transmettre aux artilleurs et à revenir à sa base. C’est pourquoi pour tirer leurs précieuses roquettes sur des cibles de valeur, les Ukrainiens dépendent de capteurs avancés de reconnaissance optique ou électronique, au moins aéroportés et probablement orbitaux, qui recherchent, trouvent et transmettent à temps les coordonnées des cibles aux HIMARS : centres de commandement, dépôts logistiques, ou concentration de forces . Or, associer l’Ukraine à ces moyens de renseignement stratégique capables de lire le dispositif russe à ciel ouvert, que les Américains sont pratiquement seuls à posséder, signe une cobelligérance de fait qui constitue le véritable facteur d’escalade pour Moscou.

    De plus, prétendre que le HIMARS et ses 70 km de portée sont insuffisants à frapper la Russie relève aujourd’hui du déni : Moscou considère en effet la Crimée réoccupée depuis 2014 comme partie de son territoire et a fait reconnaitre les provinces où stationnent ses forces venues en renfort des républiques autoproclamées du Donbass comme des nouveaux territoires russes ; les régions à majorité russophone conquises au sud (Kherson, Zaporijjia) ont connu le même sort. Les frappes de précision menées depuis l’automne 2022 ont donc de facto franchi la ligne rouge fixée par le Kremlin, alimentant une escalade qui, selon sa propre rhétorique, pourrait aller jusqu’à une riposte nucléaire.

    Enfin, si Washington retient encore la fourniture de ses lourds missiles de théâtre ATACMS, elle envisage de fournir bientôt à Kiev un système d’armes de grande précision de plus de 170 km de portée capable donc d’atteindre des cibles à l’intérieur des frontières russes. Il s’agit des bombes guidées propulsées GLSDB qui associent à une roquette d’artillerie M26 (tirée par le HIMARS) une bombe d’aviation GBU-39B pourvue d’un kit de navigation et de guidage de précision lui permettant, au largage de la roquette qui la propulse en altitude, de planer jusqu’à une cible fixe ou mobile de faible dimension et d’y délivrer 50 kg d’explosif avec une précision métrique.

    La « modération » américaine est donc essentiellement déclarative puisque les mêmes renseignements et ciblages de précision s’étendraient alors à des systèmes de dernière génération de portée doublée.

    Plus sérieusement, on peut donc supposer que la retenue prêtée aux Américains à propos des missiles balistiques ATACMS est nourrie par l’inquiétude réelle de ne pas aggraver la prolifération ukrainienne en la matière, qui échappe à l’Oncle Sam. C’est notamment l’objet du programme local de missiles balistiques Hrim-2 financé par l’Arabie Saoudite dont les vecteurs de 300 km de portée dépendent des mêmes moyens d’acquisition d’objectif et de ciblage dans la profondeur que les HIMARS.

    La retenue invoquée est donc de pure forme, et l’escalade est en marche. Combien de lignes rouges la Russie est elle ainsi prête à laisser franchir ?

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      Ce jeu vidéo se retrouve malgré lui au cœur de la guerre en Ukraine

      news.movim.eu / JournalDuGeek · Tuesday, 29 November, 2022 - 10:30

    arma3-jeu-158x105.jpg Arma 3

    Lancé il y a près de dix ans, Arma 3 est au cœur d’une actualité dont il se serait bien passé. Des images issues du jeu vidéo sont utilisées à tort comme des séquences de conflits réels, tels la guerre en Ukraine. Face à la situation, les développeurs ont décidé de réagir.

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