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      Les bases de la domination étatique et de la soumission populaire

      Mises Institute · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 8 November, 2020 - 04:45 · 6 minutes

    domination

    Par Robert Higgs.

    Comme le dit le dicton, la familiarité peut engendrer le désintérêt, mais elle peut aussi entraîner une sorte de somnolence.

    Les gens qui n’ont jamais connu qu’un certain état des choses ont tendance à ne rien remarquer du tout, à ne rien soupçonner, même quand cet état des choses est extrêmement problématique. Ils sont pour ainsi dire comme des somnambules.

    Telle est la situation de l’homme moderne par rapport à l’État. Il l’a toujours vu sous le même angle, et il le prend totalement comme un acquis, le considérant comme il opine sur le temps qu’il fait : qu’il pleuve ou fasse beau, qu’il y ait des éclairs ou des brises printanières apaisantes, l’État est toujours là, comme faisant partie de la nature.

    Même lorsque qu’il se révèle destructeur, ses exactions sont admises comme des « actes de Dieu ».

    Nous sommes liés à l’État par ce somnambulisme, non pas parce que cela est inscrit dans nos gènes, mais parce que nos conditions de vie et un long conditionnement à vivre sous la domination de l’État, fruit de notre histoire, nous prédisposent à réagir de cette manière oublieuse.

    Toutefois, ceux qui ont vécu dans d’autres circonstances ont réagi très différemment. Ce n’est que lorsqu’une population adopte l’agriculture et la sédentarité qu’elle se montre vulnérable à la domination de l’État.

    Il fut un temps où l’humanité ne s’organisait qu’en bandes de chasseurs et de cueilleurs : la fondation d’un État était impossible. Les individus ne possédaient  à titre de richesse que peu ou pas de biens non périssables et pouvant être pillés, et si quelqu’un tentait d’imposer sa domination sur le groupe auquel il appartenait, comme le fait actuellement l’État, ses membres s’enfuyaient tout simplement, mettant autant de distance que possible entre eux et les exploiteurs pour échapper à la prédation de cet État en devenir 1 .

    Cependant, durant les 5000 à 10 000 dernières années, pour la quasi-totalité des habitants de la planète, l’État a existé comme un prédateur omniprésent et agresseur des droits de l’Homme. Son pouvoir de dominer et de piller s’est développé et s’appuie toujours sur son exploitation habile des peurs des hommes, dont la plupart sont associées à l’État lui-même, et les autres aux menaces externes dont l’État prétend protéger ses sujets.

    Quelle que soit la situation, la quasi-totalité de la population a fini par devenir incapable de simplement imaginer une vie sociale sans un État.

    Deux questions principales agitent l’esprit des rares personnes qui ont réussi à sortir de cet aveuglement vis-à-vis de l’État :

    1. Qu’est-ce qui anime ces gens – les chevilles ouvrières de l’État, sa garde prétorienne, ses lèche-bottes et ses partisans venus du secteur privé – pour nous traiter comme ils le font ?
    2. Pourquoi la quasi-totalité d’entre nous s’accommode de ce traitement scandaleux ?

    De ces questions, on pourrait facilement tirer de nombreux livres, articles et manifestes – et d’ailleurs toute une littérature existe sur le sujet. Même si aucun début de consensus n’a émergé, il semble assez clair que les réponses à la première question ont surtout à voir avec la forte prévalence d’individus malintentionnés et arrogants en faveur d’un avantage comparatif en matière de violence et de manipulation de leurs victimes.

    Face au choix fondamental entre ce que Franz Oppenheimer appelait les moyens économiques de s’enrichir (par la production et l’échange) et les moyens politiques (par le vol et l’extorsion de fonds), les membres des classes dirigeantes optent résolument pour la seconde.

    Et c’est en vertu de ce choix que le pape Grégoire VII (1071-1085), chef de la révolution papale capitale qui a commencé pendant son pontificat et s’est poursuivie sur une période de près de cinquante ans (voire plus en Angleterre), n’a pas mâché ses mots quand il a écrit (cité par Harold Berman ) :

    « Qui ignore que les rois et les princes tirent leur origine d’hommes ignorants de Dieu, qui se sont élevés au-dessus de leurs semblables par l’orgueil, le pillage, la trahison, le meurtre – bref par toutes sortes de crimes – à l’instigation du Diable, le prince de ce monde, des hommes aveugles de cupidité et intolérables dans leur audace. »

    Bien sûr, il est possible que certains dirigeants politiques croient sincèrement qu’il y ait une base juste légitimant leur domination sur leurs semblables – surtout de nos jours via la conviction qu’une victoire électorale est équivalente à l’onction divine – mais cette auto-illusion ne change rien à la réalité de la situation.

    Quant à savoir pourquoi nous nous soumettons aux outrages de l’État, les réponses les plus convaincantes ont à voir avec la peur de l’État (et pour beaucoup, de nos jours, avec la peur des responsabilités personnelles également) ; avec la crainte de se distinguer de la masse lorsque d’autres victimes ne voudront pas prendre le risque d’unir leurs forces avec ceux qui résistent ; et probablement la plus importante raison, avec l’hypnose idéologique (au sens de Léon Tolstoï ) qui empêche la plupart des individus d’être en mesure d’imaginer la vie sans État ou de comprendre pourquoi la prétention de l’État à s’abstraire de la morale des Hommes relève du pur délire.

    Si une personne ordinaire ne peut moralement assassiner ou en voler une autre, aucun individu composant l’État ne le peut. Et, bien sûr, parce qu’ils n’ont pas ces droits au préalable, les individus ne peuvent pas déléguer à l’État de droits à voler ou à assassiner.

    Comme Tolstoï, de nombreux auteurs ont reconnu que les classes dirigeantes travaillent très dur pour endoctriner leurs victimes avec une idéologie qui sanctifie l’État et ses actions criminelles. À cet égard, on se sent obligé de convenir que de nombreux États ont historiquement été étonnamment talentueux dans cette voie.

    Ainsi, sous l’ère nazie, le citoyen allemand lambda pensait qu’il était libre, tout comme aujourd’hui les Américains pensent qu’ils sont libres. La capacité de l’idéologie à aveugler l’esprit des citoyens et à les faire sombrer dans le syndrome de Stockholm semble quasiment sans limites, même si un régime tel que celui de l’URSS, qui avait cloué sa population dans une pauvreté persistante, découvrait que ses tentatives d’enchantement idéologique produisaient de facto des retours sur investissements de plus en plus faibles.

    Ainsi, une habile et toujours dynamique combinaison de coercition arrogante et de manipulation insolente peut être considérée comme l’ingrédient principal déployé par l’État dans ses multiples efforts pour plonger ses sujets et victimes dans un état de somnolence.

    Bien sûr, un peu de cooptation ajoute un piquant essentiel au mélange, et ainsi tous les États font de menus efforts pour redonner à leurs victimes quelques miettes du pain qu’ils leur ont arraché. Pour ce don gracieux, elles deviennent généralement infiniment reconnaissantes.

    Article initialement publié en mai 2014.

    1. Voir, par exemple, l’analyse récente de James C. Scott intitulée : The Art of Not Being Governed: An Anarchist History of Upland Southeast Asia .
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      Fonctionnaires : plus utiles aux autres que les autres ?

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 23 May, 2020 - 03:45 · 8 minutes

    fonctionnaires

    Par Nathalie MP Meyer.

    Étonnant et « émouvant » article , la semaine dernière, dans Les Échos Start, le site du quotidien Les Échos dédié aux jeunes qui entrent dans la vie active : dans sa rubrique « Travailler mieux » , ce qui ne manque pas d’une certaine ironie qui s’ignore, le média lance l’idée que la crise du Coronavirus, en renforçant le rôle de l’État et des collectivités locales, pourrait redonner ses lettres de noblesse à l’ambition de devenir fonctionnaire.

    Étonnant, parce qu’avec le recul sur la gestion de l’épidémie dont on dispose maintenant, on n’est pas franchement frappé par l’état de préparation et la réactivité avec lesquels les pouvoirs publics ont abordé la crise sanitaire.

    On a plutôt le sentiment que les solutions en matière de masques, de gel hydroalcoolique, de respirateurs, de visières etc. sont d’abord venues d’initiatives privées petites ou grandes, même s’il s’est trouvé abondance d’esprits grincheux à droite et à gauche pour y trouver à redire.

    Et « émouvant », parce que malgré les lourdeurs bureaucratiques, salariales et managériales dont la liste assortie de multiples exemples constitue quand même la moitié de l’article, les jeunes professionnels interrogés par le journaliste des Échos Start confient tous avoir choisi la voie de la fonction publique « pour se rendre utiles ».

    On comprend donc que pour eux, l’autre grande forme de travail, à savoir la marchande, c’est-à-dire celle du chiffre d’affaires et du profit, ne permet pas de se rendre utile aux autres et à la société en général.

    Pour le dire dans les mots d’Axel, l’un des jeunes en question :

    Je n’avais plus envie de me lever chaque matin en me disant « allons faire augmenter un chiffre d’affaires » .

    Il n’y a évidemment aucun mal à préférer travailler dans la fonction publique et il n’y a évidemment aucun mal à ne pas se sentir fait pour la vente et le commercial, surtout si l’on n’aime pas le produit que l’on doit vendre, comme cela semble avoir été le cas pour Axel.

    Mais la formulation du « se lever chaque matin » qui entretient un rapport direct avec le sens qu’on souhaite donner à sa vie laisse poindre une forme de dénigrement moral des activités marchandes qui tombe assez mal quand on sait à quel point la fonction publique est loin d’être ce havre de désintéressement et de dévouement exemplaires fantasmé par l’esprit étatique français.

    Si la conscience professionnelle existe et peut pousser parfois à l’excellence, l’absence de mise en concurrence, l’extension bureaucratique permanente ainsi que la sécurité de l’emploi à vie ne sont guère de nature à stimuler l’ardeur au travail :

    Effectifs pléthoriques comparativement à nos voisins ( 5,64 millions d’agents en 2018), absentéisme élevé , laxisme dans les horaires de travail, appropriation des moyens de l’État au profit des petites affaires privées de certains agents, propension aux fiascos informatiques par centaines de millions d’euros, grand n’importe quoi dans la gestion des fonds européens , faible productivité et piètre qualité des services rendus – tout ceci est connu, documenté et mille fois dénoncé dans de multiples rapports qui s’empilent à la Cour des comptes ou au Sénat.

    Tout ceci est connu mais ne compte pas. L’esprit étatique aime d’autant plus à s’octroyer une supériorité morale et une palette infinie d’intentions distinguées en faveur du bien commun et de la justice sociale qu’elles lui permettent de mettre ses politiques à l’abri de toute critique, quels que soient les résultats, puisque finalement, de façon assez pratique pour les hommes de gouvernement, c’est l’intention qui compte.

    Une intention naturellement généreuse du côté de l’État qui a été incapable de gérer convenablement un stock stratégique de masques alors que c’était de sa responsabilité en tant que détenteur du monopole de la santé et de la Sécurité sociale ; et une intention naturellement sombre et intéressée du côté des groupes privés de la grande distribution qui se sont mis en état de fournir des masques en abondance à leurs clients dès qu’ils en ont eu l’autorisation.

    Or comme le remarquaient déjà Montesquieu en 1748, Turgot en 1759 ou Adam Smith en 1776, non seulement l’intérêt particulier agit en faveur de l’intérêt général, mais il agit mieux que toute intervention étatique – l’affaire des masques en est une illustration aussi récente qu’évidente :

    « Il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers. » ( Montesquieu , De l’esprit des Lois )

    « L’intérêt particulier abandonné à lui-même produira toujours plus sûrement le bien général que les opérations du gouvernement. » (Turgot)

    « Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, (l’homme) travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler. » (Adam Smith, Richesse des nations, Livre 4, chapitre 2 )

    On ne demande pas à nos fournisseurs d’avoir de bonnes intentions à notre égard. On leur demande d’avoir des résultats, c’est-à-dire de nous fournir des produits et des services d’une qualité telle que nous serons d’accord pour les acheter à un certain prix qui les satisfera également. Adam Smith à nouveau :

    Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de l’attention qu’ils accordent à leur propre intérêt. ( Richesse des nations , Livre 1, Chap. 2 )

    L’intérêt du boucher ou du boulanger, c’est de vendre le plus de viande ou de pain possible au prix le plus élevé possible compte tenu de la concurrence , donc de donner le plus de satisfaction possible à leurs clients : aller chercher les meilleurs troupeaux, les meilleures farines, etc.

    Voilà comment l’intérêt des premiers s’aligne parfaitement sur l’intérêt des seconds et voilà pourquoi la recherche du chiffre d’affaires (et du profit , qui est l’indice d’une bonne utilisation des ressources par l’entrepreneur) n’est pas l’horreur économique décrite par les étatistes mais l’indice qu’on a été utile à ses clients.

    Il se trouve que l’hebdomadaire LSA (Libre Service Actualité) daté d’hier 21 mai 2020 donnait la parole à 18 salariés d’entreprises du secteur de l’agro-alimentaire telles que Bel (fromagerie), Fleury Michon (charcuterie) ou encore Roc’hélou (biscuiterie) pour recueillir le témoignage de ceux qui « font tourner les usines » qui ont approvisionné les Français pendant le confinement anti Covid-19.

    Des salariés seraient certainement bien surpris d’apprendre qu’ils ne se rendent pas assez utiles, car tous expliquent comment leur structure déjà très sensibilisée aux questions d’hygiène en temps normal a rapidement mis en place les gestes barrière et a adapté sa production et sa logistique. Par exemple :

    Travailler dans l’industrie agro-alimentaire dans une période aussi complexe est un défi permanent, mais c’est aussi une expérience humaine et professionnelle très forte. Dès le premier jour de la crise, mon métier, la supply chain (logistique d’approvisionnement), a été l’un des maillons essentiels aux côté des usines, cela a été notre moteur et nous en sommes fiers. (Maria José Tabar, directrice Supply Chain, Bel France)

    On a coutume d’admirer les médecins, les infirmiers, les professeurs. Les deux premiers sauvent des vies, les seconds font accéder les enfants au savoir, c’est évidemment admirable. Les politiciens et les fonctionnaires disent qu’ils se dévouent au bien commun dans l’optique de faire du monde a better place . Tout aussi admirable (mais non dénué d’une certaine forme d’autoritarisme – autre sujet).

    Mais médecins, professeurs, politiciens vivent-ils seulement du bonheur de la mission accomplie et d’eau fraîche ? Eux aussi doivent manger, se vêtir, se loger, se déplacer. Eux aussi partent en vacances, vont au spectacle et font du sport. Eux aussi utilisent un ordinateur ou un téléphone portable. En réalité, dans une économie d’échange, chacun dans son domaine et à son niveau contribue à se rendre utile aux autres.

    L’idée qu’il y aurait ceux qui se rendent utiles (fonction publique) et ceux qui font du chiffre d’affaires (secteur marchand) relève d’une vision manichéenne très en vogue en France mais sans rapport avec la vie réelle.

    Du reste, d’où viendraient les impôts qui paient les fonctionnaires et leurs ambitieux projets solidaires et sociaux s’il n’y avait pas quelque part quelqu’un qui produisait du chiffre d’affaires , c’est-à-dire qui contribuait à la création de richesse résultant de l’échange de biens et services entre personnes libres de leurs choix économiques ?

    On peut détester l’idée d’avoir à courir après le chiffre d’affaires et vouloir un métier qui permettra d’y échapper, mais on ne peut passer sous silence le fait que tout, absolument tout ce qui assure notre vie sociale et économique, est payé au départ par le chiffre d’affaires des activités marchandes.

    On ne peut passer sous silence que ce sont les hommes et les femmes du chiffre d’affaires qui créent de la richesse tandis que l’État français, secondé par sa police et la force de lois fiscales et sociales spécialement taillées pour satisfaire sa voracité sans limite, se contente d’en accaparer sans risque une part chaque année plus importante – 46 % du PIB en 2018, un record mondial – pour se rendre « utile » aux autres.

    Sur le web

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      Le monde d’après : décentralisation ou encore plus d’État ?

      Marius Amiel · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 26 April, 2020 - 03:45 · 4 minutes

    État

    Par Marius Amiel.

    La crise sanitaire actuelle met aux prises le dévouement et la ténacité des acteurs de terrain avec la lenteur et l’inefficacité bureaucratiques. Elle devrait nous offrir l’occasion de renverser entièrement notre modèle de gouvernement , d’administration, en proclamant un vrai principe de subsidiarité .

    Concrètement, il s’agirait de faire de l’acteur local (individu, corps de métier, association, entreprise) l’échelon compétent par défaut, de lui accorder une véritable autonomie de décision.

    Ce mode d’organisation permettrait de restaurer un climat de confiance, d’identifier les bonnes pratiques et de limiter la centralisation à leur diffusion, plutôt que d’imposer des inepties déconnectées depuis Paris – que ce soit dans le domaine économique, sanitaire ou tout autre champ d’action.

    Malheureusement, les récentes déclarations du gouvernement, les décisions de l’administration, les réactions des oppositions, les tribunes de presse signées par divers acteurs de la société civile montrent que nous prenons le chemin exactement inverse , tant dans la gestion de crise que pour l’après : restrictions des libertés individuelles, suradministration qui va de moins en moins se cacher en prenant le prétexte de la crise, planification centrale considérée comme seule à même de répondre aux défis du siècle, planche à billets et taux négatifs qui vont financer une politique énergétique idiote, gonfler les gros patrimoines et spolier les épargnants.

    Santé : l’État doit planifier encore plus !

    Peu importe que les pays les plus bureaucratiques et centralisés (France, Italie, Espagne, Belgique) fassent l’étalage de la plus grande impréparation et connaissent des taux de mortalité bien plus élevés que leurs voisins, peu importe que les États-Unis aient perdu trois fois moins de vies humaines que les cinq grands pays d’Europe occidentale pour une population quasi identique, peu importe que la France n’ait toujours pas de tests et de masques en quantité suffisante malgré des dépenses de santé très élevées et le poids de l’hôpital public dans son système de soins : c’est le marché qui a échoué ; l’État doit reprendre la main et planifier la santé et l’économie de manière autoritaire.

    Épargne : encore plus de keynésianisme !

    Au sujet de l’épargne, le consensus politique actuel revient à décourager l’épargne dite « dormante », c’est-à-dire forcer à la consommation immédiate de ressources permettant de préparer l’investissement futur.

    Au lieu de laisser les acteurs économiques se mettre en ordre de bataille pour surmonter le choc économique, les pouvoirs publics européens et particulièrement français vont approfondir la récession par une série de distorsions et de découragement à l’investissement de long terme.

    Le monde d’après n’est rien d’autre que le retour aux vieilles lunes keynésiennes (« euthanasier les rentiers »), repeintes en vert avec un parfum de moraline (comme vous êtes vilain de ne pas dépenser votre argent alors que meurent les personnes âgées et les petits oiseaux).

    Souvent laissée à l’arrière-plan du débat économique, l’épargne est pourtant le nerf de la guerre. Forcer à son usage immédiat pose un problème d’efficacité, mais aussi de liberté : l’épargne peut servir à préparer un investissement immobilier ou dans une entreprise, à financer les études de ses enfants, ou tout simplement à se constituer un matelas pour ses vieux jours.

    Elle est le reflet dans la vie économique de choix qui n’appartiennent qu’aux individus. Elle n’a pas vocation à être employée de manière court-termiste et contrainte pour financer l’endettement public ou des projets à l’utilité très discutable.

    Un discours politique idéologique

    Plus généralement, les hérauts du monde d’après ont complètement évincé les notions de liberté, de responsabilité et d’initiative individuelle de leur programme. Il y a quelque chose d’indécent à plaquer ses obsessions idéologiques, à appeler à un changement de système économique (qui n’est en réalité que la radicalisation du modèle centralisé actuel), à s’enivrer de prescriptions adressées à l’Humanité, quand l’unique préoccupation des politiques et des économistes devrait se porter sur le terrain très concret des faillites de PME, des problèmes de trésorerie des entreprises, de la vague de chômage à venir et des problèmes sociaux que cela va engendrer.

    Tant que le cours normal de l’économie ne sera pas rétabli, les élans lyriques sur la transition écologique, les inégalités et l’impôt mondial, ou la relocalisation planifiée des activités, ne resteront que des propos d’estrade et des effets de manche médiatiques.

    Un surcroît d’interventionnisme public dans un cadre réglementaire et fiscal inchangé mettrait de toute manière le dernier clou sur le cercueil de l’emploi, et la mise en œuvre d’une planification social-écologique reviendrait à réanimer un cadavre avec de la ciguë.

    Lorsqu’on mesure le fossé entre les grandes déclarations de politique économique et la réalité des cascades de défaillances et de destructions d’emplois qui viennent, on peut difficilement ne pas voir dans les premières une forme d’indifférence et de mépris social derrière une façade progressiste propre sur elle.

    Le caractère tragique de la situation devrait plutôt appeler à une forme de patience et d’humilité pour résoudre les problèmes très concrets que l’économie va devoir affronter.