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      Les coups de gueule comme moyens de management

      Gilles Martin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 16 January, 2023 - 03:40 · 3 minutes

    La colère n’a pas bonne réputation. Il en est une nouvelle victime mise en évidence par Le Figaro de lundi 9 janvier sous la plume de François-Xavier Bourmaud.

    Lui, c’est bien sûr Emmanuel Macron : dans la salle des fêtes de l’ Elysée , à l’occasion d’une réception avec les boulangers pour la galette, il a eu un petit moment de colère (pas vraiment une grosse colère quand même) en proférant : « Moi, j’en ai ras le bol des numéros verts dans tous les sens » . Une colère plus dans les mots que dans le ton de la voix qui est resté raisonnable.

    Mais c’est l’occasion pour François-Xavier Bourmaud de rappeler qu’en ce moment, Emmanuel Macron se met souvent en colère en Conseil des ministres , le journaliste appelle ça « la stratégie de la colère ». Il cite anonymement un membre du gouvernement qui parle de « Conseil des ministres format « coup de gueule ».

    Pour François-Xavier Bourmaud, c’est une manière de dire qu’il y a peut-être des ratés dans l’action du gouvernement mais qu’il n’en est pas le coupable. Les coupables, ce sont ces ministres. Il cite une anecdote : lors du Conseil des ministres de rentrée, Emmanuel Macron pousse un nouveau coup de gueule : « Mettez-vous du côté des gens ! Arrêtez de raisonner en moyennes ».

    Mais voilà que Bruno Le Maire déclare deux jours plus tard, en rendant compte des discussions avec les fournisseurs d’énergie : « Ils ont accepté de garantir à toutes les TPE qu’elles ne paieront pas plus de 280 euros le MWh en moyenne en 2023 ». Aïe ! Comme le remarque perfidement le journaliste, « Il n’avait pas dû bien écouter le chef de l’Etat » , pour en conclure que « le problème avec les coups de gueule, c’est qu’à force de se répéter, on finit par ne plus les entendre ».

    Pourtant, on dit aussi qu’il y a des colères saines et qu’il vaut mieux un bon coup de gueule que de garder sa rancœur pour soi sans la manifester ou pire, d’éviter tout débat pour fuir le conflit.

    François-Xavier Bourmaud a quand même trouvé un conseiller du président satisfait (ou un peu lèche-bottes) : « S’il y a parfois des coups de gueule, le président agit surtout en chef d’équipe ».

    Et même un ministre (toujours en off ) : « Il a raison de s’énerver. Cela montre qu’il n’est pas déconnecté, qu’il n’a pas la tête à autre chose que de réussir son mandat ».

    L’experte qui intervient souvent sur le sujet, c’est Sophie Galabru qui est l’auteur de Le visage de nos colères . Elle est encore interrogée ICI et ICI .

    Pour elle, « refouler sa colère au profit de la docilité et du silence mène à une violence bien plus grande, parfois jusqu’au burn-out ».

    Dans un monde du business où « le management est devenu une injonction à la joie » , cette défense de la colère et des coups de gueule tranche un peu. Car en général la colère est plutôt accusée d’être négative et dangereuse et même de parasiter l’énergie et la cohésion d’un groupe managé par elle. Et ce serait plutôt la joie qui favoriserait la créativité et la productivité alors que Sophie Galabru considère que la colère nourrit aussi la créativité et l’énergie. La violence n’est pas dans la colère, mais dans une tentative qui voudrait essayer « d’étouffer le débat, de retirer à l’autre la chance de s’exprimer ».

    Pour l’auteur, il y a des bonnes et des mauvaises colères. La mauvaise, c’est celle qui bascule dans l’agressivité. La bonne, c’est celle qui favorise la pluralité des points de vue, l’écoute de l’autre et le conflit d’idées saines.

    Avec la réforme des retraites et tous ceux qui n’ont pas l’air d’en vouloir, on va pouvoir probablement tester l’expression des coups de gueule et des colères « saines », ou pas.

    Cette histoire de colère saine, cela rappelle aussi cette sortie lors d’un débat :

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      Quand on cherche « Le capitalisme combat le racisme » sur Google

      Foundation for Economic Education · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 27 November, 2022 - 03:40 · 7 minutes

    Par Connor Vasile.

    Si vous cherchez « le capitalisme combat le racisme » dans Google, les premiers résultats de recherche seront des articles comme : « Le capitalisme est-il raciste ? » ;  « Le capitalisme sans racisme : Science ou fiction » ; « L’essor du capitalisme et l’émergence du racisme ».

    À la lecture de ces titres, on pourrait croire que le modèle économique le plus triomphant que le monde ait jamais connu est enraciné dans un environnement raciste et hégémonique destiné à profiter aux seigneurs de la société. C’est une bonne chose d’avoir Google pour nous ouvrir les yeux sur ce système inhumain.

    Au-delà de la facétie, la société occidentale (post)moderne considère le capitalisme comme l’éléphant le plus laid de la pièce ; elle ne veut pas admettre qu’il s’agit d’un rouage essentiel au fonctionnement de la civilisation et préfère contempler des chimères comme le socialisme à travers des lunettes fortement teintées de rose.

    Nous sommes incités à croire que le marché libre est responsable d’une grande partie de l’injustice, du racisme et de l’inégalité observés dans le monde moderne. Mais est-ce vrai ?

    Les bienfaits du capitalisme

    Le fait est que le capitalisme en tant que système a toujours été une force du bien, y compris dans l’histoire tumultueuse des États-Unis. Même pendant les périodes de la reconstruction et de Jim Crow au cours desquelles les communautés noires ont été victimes de violations flagrantes des droits civiques, le capitalisme a été la force salvatrice qui a aidé les gens à surmonter leur situation, l’adversité à laquelle ils étaient confrontés au sein d’une culture encore sous le choc des effets de la guerre civile.

    Comme Milton Friedman l’a déclaré dans son livre Capitalisme et liberté :

    C’est un fait historique frappant que le développement du capitalisme s’est accompagné d’une réduction majeure des discriminations économiques infligées à des groupes religieux, raciaux ou sociaux particuliers.

    Avec la puissance des médias, des réseaux sociaux et du gouvernement qui travaillent à saper l’idée que le capitalisme est une force promouvant la liberté individuelle, il est important de revisiter quelques histoires sur la façon dont le marché libre a sorti les individus de la pauvreté et a combattu le racisme.

    Le père d’Harlem

    Philip A. Payton (1876-1917) était un promoteur immobilier noir du XX e siècle originaire de Harlem à New York. À l’époque, la ségrégation de fait était encore une réalité dans les villes américaines. Manhattan ne fait pas exception. En acquérant des maisons en grès brun après le départ d’un certain nombre de familles blanches, Payton a contribué à fournir davantage de logements aux locataires noirs de l’Upper West Side. Compte tenu des tensions raciales de l’époque, on peut dire que les propriétaires n’étaient pas très contents.

    La Hudson Realty Company visait à de nouveau procéder à une ségrégation dans le quartier en rachetant les logements appartenant à des Noirs et en expulsant les locataires. Payton renvoie l’ascenseur en proposant aux locataires noirs précédemment expulsés des logements appartenant à des Blancs. Payton l’ emporte finalement et la Hudson Reality renonce à son objectif d’une nouvelle ségrégation. Des tentatives ultérieures ont été menées par des sociétés immobilières qui utilisaient des critères raciaux pour empêcher les familles noires d’accéder à une location, mais elles ont également été battues à plate couture par Payton et d’autres entrepreneurs noirs qui s’inspiraient de son exemple.

    L ‘Afro-American Realty Company de Payton a atteint un million de dollars d’actifs et a aidé de nombreuses familles noires à s’installer dans les quartiers où elles voulaient vivre et pas seulement là où la ville les reléguait. Il a utilisé le marché libre et la demande de meilleurs logements pour rendre service à sa communauté. Il l’a emporté malgré les obstacles raciaux, car en fin de compte il a compris que la discrimination n’est pas de taille face à la volonté du peuple.

    Comme il l’a énoncé un jour :

    « Le préjugé qui jusqu’ici a joué contre nous peut être retourné et utilisé à notre profit. »

    La reine de la cosmétique

    Sarah Breedlove est née en Louisiane, quatre ans seulement après la signature de la proclamation d’émancipation par le président Abraham Lincoln. Orpheline à l’âge de sept ans et contrainte à la servitude domestique pour survivre, elle développe très tôt une vision pessimiste de sa vie. Elle se rappellera plus tard qu’étant orpheline de père et de mère elle n’avait que peu ou pas d’opportunités quand elle a débuté.

    Malgré cela, Breedlove a continué à travailler dur et a fini par développer sa propre ligne de soins capillaires. Le marché afro-américain étant largement négligé à l’époque, Breedlove a saisi l’occasion pour répondre aux besoins d’une population en croissance et a commencé à vendre ses propres produits capillaires.

    C’est après avoir épousé Charles Walker en 1906 qu’elle se fait connaître sous le nom de madame C.J. Walker. Comme le pétrole fraîchement exploité, son entreprise se développe rapidement, trouvant un écho dans les communautés noires du pays. La petite entreprise s’est développée avec une usine, une école de beauté et un salon de coiffure. C.J. Walker était connue pour embaucher des femmes à des postes de direction et de personnel, ce qui était inconcevable à l’époque. À l’apogée de l’entreprise, on note que plusieurs milliers de femmes étaient employées comme vendeuses et d’innombrables autres formées aux soins capillaires.

    L’entreprise de madame Walker vaudrait aujourd’hui environ 10 millions de dollars . Elle est la première femme millionnaire autodidacte recensée dans l’histoire américaine. C’est en soi un exploit incroyable, mais il est encore plus étonnant si l’on tient compte du fait qu’elle a vécu à une époque où les Noirs étaient encore considérés comme des citoyens de seconde zone. Mme Walker s’est servie de l’adversité qu’elle a connue pour bâtir une entreprise en partant littéralement de zéro. Sans la culture sous-jacente de l’esprit d’entreprise et du système de marché libre, qui sait si son entreprise aurait même été créée ?

    La vente par correspondance a combattu Jim Crow

    La marche vers la liberté ayant abouti à la loi sur les droits civils de 1964 évoque des images de marches, de sit-in et le célèbre discours de Martin Luther King sur le National Mall.

    Un aspect moins connu est l’essor des marchés alternatifs qui ont contribué à repousser les politiques économiques racistes qui cherchaient en fin de compte à limiter et non à promouvoir les marchés. Sous le régime Jim Crow, les communautés noires étaient limitées dans leurs options d’achats. La fréquentation de certains magasins, restaurants et lieux publics leur était interdite. Si elles parvenaient à accéder à un magasin appartenant à des Blancs, elles étaient confrontées à des remarques racistes, des tons condescendants et même des prix exhorbitants.

    Sears a révolutionné l’acte d’achat grâce aux catalogues qui ont permis aux consommateurs de commander par courrier à partir de leur domicile. Cela a donné à l’entreprise un avantage énorme en élargissant son marché, en servant des milliers de clients par rapport à un magasin traditionnel. Considérée comme allant de soi aujourd’hui, l’idée de commander et de recevoir un produit sans quitter son domicile était une invention inédite – et potentiellement salvatrice – pour les ménages du XX e siècle.

    Cette innovation a permis aux Noirs du Sud de commander des articles indisponibles dans leurs magasins ségrégués. Avec la vente par correspondance, les clients noirs n’avaient pas non plus à subir le racisme et l’inhumanité dont ils étaient victimes lors de certaines sorties publiques ; ils pouvaient commander ce qu’ils voulaient quand ils le voulaient, tout comme le Blanc moyen de l’époque. L’innovation capitaliste n’a pas seulement profité aux entreprises concernées, elle a également servi à apporter de la valeur à diverses communautés ; dans ce cas, elle a servi d’échappatoire à tant de consommateurs noirs contraints par les lois Jim Crow.

    Quelque chose à retenir

    Ce ne sont là que quelques exemples de la façon dont le capitalisme a pu aider des personnes à faire face au racisme.

    L’héritage de madame Walker, de Philip Payton et de nombreux autres entrepreneurs noirs du XX e siècle est toujours présent aujourd’hui. Avec des multimillionnaires et des milliardaires comme Rihanna , Beyonce, Kanye West, Drake, Oprah Winfrey, Tyler Perry, Jay Z ou Michael Jordan, il est clair que le capitalisme est une force socio-économique qui permet d’innover pour s’améliorer et améliorer sa communauté, au lieu d’être le pourvoyeur du racisme et de l’injustice modernes, comme Google voudrait vous le faire croire.

    Traduction Contrepoints

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      Pourquoi votre entité innovation de rupture ne va nulle part

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 31 October, 2022 - 03:50 · 6 minutes

    Le besoin des entreprises de répondre aux nombreuses ruptures de leur environnement les amène souvent à créer une entité spécifiquement consacrée à cette question. Le nom peut varier, mais ces entités innovation rencontrent très souvent le même problème : leurs belles idées ne donnent pas grand-chose sur le marché, quand elles atteignent cette étape. Comme souvent, cela tient à la façon dont elles sont conçues et au modèle qui sous-tend leur activité.

    J’avais il y a quelques semaines l’occasion d’intervenir dans une très belle ETI industrielle. Elle a une longue tradition d’innovation, mais celle-ci se perd un peu. L’entreprise estime que sa capacité à lancer de nouvelles activités et à renouveler ses activités actuelles s’est largement émoussée avec le temps. Mais elle a réagi. Suite à cette prise de conscience, elle a créé une entité innovation de rupture . Celle-ci travaille en amont sur des nouvelles technologies, se concentre sur les phases de R&D et va jusqu’au prototype. Puis elle passe la main au marketing qui prend le relai pour amener le produit au marché. Rien que de très classique.

    Mais force est de constater que, malgré des moyens importants au regard de la taille de l’entreprise et un soutien fort de la direction, les résultats sont décevants. Plus spécifiquement, des projets intéressants sont développés mais ils ne sont que difficilement amenés au marché. Il semble que quelque chose bloque, mais quoi ? C’est un cas très courant. Des discussions avec les responsables de ce type d’entités laissent souvent apparaître une récrimination à l’endroit du marketing et des commerciaux, qui se résume à « On leur apporte des projets très innovants, et ils n’en font rien. »

    Où est le problème ?

    Innovation de rupture : un problème de modèle

    En fait, le problème est lié au modèle même de l’approche , et il est double.

    Cette approche traduit une conception linéaire du développement de nouveaux produits

    On part d’une idée, on étudie la faisabilité, puis on développe un prototype, on conduit une phase de test et de mise au point, puis on amène au marché en commençant par un plan d’affaire. Dans les marchés établis, pour une innovation incrémentale, cela peut fonctionner. Une fois la demande validée, on peut dérouler le processus en étant à peu près certain qu’il n’y aura pas de surprise majeure qui viendra le perturber.

    Mais en situation de rupture, il en va tout autrement.

    On avance dans une très forte incertitude, et les cas de figure peuvent varier considérablement : on peut avoir une super technologie dont on ne sait pas quoi faire, et dont le domaine d’application n’émerge pas clairement. On peut avoir un refus des clients qui ne voient pas l’intérêt de notre idée, ce qui en bloque le développement d’entrée de jeu. On peut rencontrer de gros problèmes techniques dans le développement qui peuvent amener à devoir repenser tout ou partie du projet.

    Loin d’être un déploiement linéaire, une ligne droite bien tracée le long des rails, séparant nettement la conception de la mise en œuvre, le projet est beaucoup plus proche d’un tourbillon, où les dimensions techniques et commerciales se mélangent, et les retours en arrière sont multiples. Autrement dit, le modèle mental d’un tel projet n’est pas un développement de produit par la R&D, mais un projet entrepreneurial où toutes les dimensions sont présentes, à des degrés divers, en permanence.

    Cette approche se veut disruptive sans pour autant avoir une définition concrète et opérante de la notion de rupture

    Très souvent, ces entités entendent par rupture une technologie nouvelle. La rupture est ici associée au degré de changement technique. C’est d’ailleurs pour cela qu’on continue à utiliser l’expression impropre de « technologie de rupture ». Or, le caractère disruptif ou non est donné par la conformité au modèle d’affaires de l’entreprise. Lorsque Apple lance un nouveau MacBook avec une puce M2 considérablement plus puissante que ses machines précédentes, c’est un bijou de technologie, très en avance sur ses concurrents, mais c’est une continuité parfaite avec son modèle, qui consiste à vendre des ordinateurs. Il n’y a pas de rupture.

    Inversement, EasyJet est une rupture pour Air France sans la moindre technologie nouvelle. Le lancement de Nespresso dans les années 1990 est un autre exemple de rupture : alors que son modèle d’affaire de Nestlé consiste à vendre des paquets de cafés via les circuits de grande distribution, elle doit pour Nespresso mettre au point une machine à café et ouvrir des magasins en propre, ce que l’entreprise n’a jamais fait. Le modèle d’affaires est très largement différent, il suppose une nouvelle proposition de valeur, un nouveau modèle de profit, de nouvelles ressources, de nouveaux processus et de nouveaux modèles mentaux.

    La rupture c’est un nouveau modèle d’affaire

    Partant de la définition « disruptif = nouveau modèle d’affaires partiellement ou totalement différent de l’existant », on comprend pourquoi les entités innovation de rupture rencontrent des difficultés : elles mettent l’accent sur la technologie en supposant que « le marketing et le commercial suivront » et que le nouveau produit trouvera naturellement sa place dans le modèle de distribution actuel.

    Or, rien n’est plus faux.

    Si vous êtes un commercial chez Kodak dans les années 1990, votre métier c’est de vendre des films argentiques via un réseau de distribution géré au millimètre. Si la R&D arrive avec un appareil photo numérique qui coûte 30 000 euros (prix de l’époque) et vous demande de le vendre, vous êtes désemparés. D’une part, ce ne sont pas vos compétences, et d’autre part, votre réseau (grande distribution) n’est pas le bon. Sans compter que tous les efforts que vous devriez faire pour vendre l’appareil se feraient au détriment de la vente de films. Il y a donc conflit de modèle de distribution ce qui pénalise à la fois votre marché actuel et le lancement de l’innovation de rupture.

    Un modèle entrepreneurial

    L’entité innovation de rupture doit repenser son propre modèle . Elle doit se considérer comme un incubateur d’activités, et elle doit concevoir celles-ci de bout en bout . Si son innovation est en conformité avec le modèle d’affaires (innovation dite continue), alors elle pourra s’appuyer sur le réseau de distribution actuel. Si, en revanche, l’innovation est en rupture, elle doit concevoir un nouveau modèle d’affaires et déterminer ce qui peut être partagé avec le modèle actuel (par exemple, une plateforme SI) et ce qui doit être différencié.

    En somme, l’entité est là pour concevoir de nouveaux modèles d’affaires, pas juste jouer avec de nouvelles technologies. Son modèle doit être celui de l’entrepreneuriat, pas de la R&D.

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      Le salut par l’alternance ? – Avec Philippe Hambye et Jean-Louis Siroux

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Sunday, 30 October, 2022 - 16:14

    L’alternance est souvent présentée par les hommes et femmes politiques comme un remède contre le chômage des jeunes. Cette forme d’apprentissage est pourtant aussi le siège d’un certain nombre de préjugés, dus en grande partie à l’illusion selon laquelle l’entreprise pourrait se substituer à l’école. Pour en parler, nous avons rencontré Philippe Hambye, sociolinguiste et professeur à l’Université catholique de Louvain et Jean-Louis Siroux, sociologue à l’Université libre de Bruxelles. Ils sont les auteurs de l’ouvrage Le salut par l’alternance (La Dispute, 2018), dans lequel ils montrent la relation asymétrique au sein de la formation professionnelle entre l’école et le monde de l’entreprise. Une dynamique qui aboutit selon les auteurs au triomphe des idéaux issus du monde entrepreneurial et à la diffusion d’idées reçues en provenance du vocabulaire managérial.

    Entretien réalisé par Mareike Boldt, mixage par Guillaume Chaudron – Rousseau, avec la musique de Tristan Marchetti.

    Cet entretien a été réalisé en mai 2021.

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      36 stratagèmes avant l’orage

      Gilles Martin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 27 October, 2022 - 02:30 · 6 minutes

    J’avais déjà évoqué la différence entre l’approche occidentale de la stratégie, comme l’action d’une volonté qui met en œuvre les moyens pour son exécution, et l’approche chinoise dont parle François Jullien dans son « traité de l’efficacité » . Cette approche chinoise, puisée dans les anciens traités chinois du IVe siècle, consiste à comprendre le « potentiel » d’une situation pour l’exploiter avec persévérance au travers des circonstances rencontrées, et ainsi réussir à « vaincre sans combattre » , formule que l’on trouve déjà dans L’art de la guerre de Sun Tsu.

    Deux voies sont proposées par Sun Tzu :

    • Limiter les exigences de votre adversaire en recourant à des négociations diplomatiques,
    • Réduire la force de votre adversaire en recourant à la stratégie et l’affaiblissant de l’intérieur.

    Ainsi la stratégie est ce qui permet d’agir sans recourir à la force. En d’autres termes, il s’agit de vaincre avec sa tête plutôt qu’en usant de la force.

    Ces textes qui s’appliquent aux stratégies de guerre sont devenues, grâce aux auteurs contemporains qui les ont exhumés et commentés, des boussoles pour les stratégies concurrentielles des entreprises, et même des guides pour nous aider à traverser les étapes de la vie.

    C’est pourquoi il est toujours utile de les évoquer pour faire réfléchir les Comités de Direction en recherche de stratégies et de mouvements, et qui voudraient utiliser leurs têtes plutôt que la force.

    Le livre des 36 stratagèmes

    Un autre texte référent dans ce registre est le fameux Livre des 36 stratagèmes que l’on peut ouvrir régulièrement lorsque l’on s’interroge sur les meilleures stratégies à suivre pour une entreprise ou une start-up qui veut bousculer le jeu concurrentiel d’un secteur.

    L’ouvrage écrit par un anonyme est un véritable traité de stratégie, écrit au cours de la dynastie Ming (1366 à 1610).

    Cette conception de la stratégie consiste à perturber l’entendement de « l’ennemi » et à altérer sa vision. C’est cette action de « tromper les autres » qui s’appelle stratégie. Les 36 stratagèmes sont en fait des modèles de ruses qui permettent de gagner.

    Il ne s’agit pas de choisir un stratagème et de s’y tenir, ni de piocher au hasard. L’ouvrage considère le monde comme un champ d’énergie dynamique, au mouvement et au flux continus, dans lequel les circonstances peuvent appeler une stratégie à un moment donné, puis une autre après, en fonction des changements dans l’environnement. Sachant qu’une stratégie peut elle-même entraîner des changements dans les stratégies des autres, et donc inspirer une nouvelle stratégie.

    Les 36 stratagèmes sont répartis en 6 fois 6 dans six stratégies génériques :

    • Stratégies de victoire au combat : même si l’on possède une puissance supérieure vous ne devez pas vous persuader que les chances de victoire ne sont que de votre côté. Un moment de négligence peut entraîner une défaite irrévocable.
    • Stratégies d’engagement contre l’ennemi : lorsque vous vous engagez dans des hostilités contre l’ennemi, vous ne devez montrer aucune faiblesse. Il s’agit de tirer avantage de la faiblesse de l’ennemi, et de planifier l’extension de votre base.
    • Stratégies d’attaque : dans une situation où la bataille implique de faire face à un adversaire supérieur en nombre, vous devez éviter de vous lancer tête baissée dans le combat. Ce sont les ruses qui font gagner. Excellent chapitre pour les start-up.
    • Stratégies des situations ambiguës : lorsqu’attaque et défense s’enchaînent au rythme d’un pas en avant, un pas en arrière, et que l’issue de la guerre devient incertaine, vous devez élaborer une nouvelle stratégie ou tactique pour vous assurer de la victoire. C’est la souplesse qui permet de gagner sur la fermeté.
    • Stratégies des batailles unifiées : lorsque des pays alliés s’unissent pour combattre, il ne faudrait pas s’en remettre exagérément à ces nouveaux partenaires sous prétexte qu’ils sont des alliés. Vous devez user de fermeté pour conserver votre position de leader et commander d’une main de fer. Voilà six stratagèmes pour bien gérer ses alliances et partenariats, constituer des équipes et des groupements.
    • Stratégies d’une défaite annoncée : même lorsque vous vous retrouvez dans une situation désespérée, il n’est pas conseillé de vous résigner à combattre jusqu’à la mort. Partout où il y a une volonté, il y a une solution. Dans les situations désespérées il vaut mieux fuir : une retraite judicieuse aujourd’hui peut amener la victoire demain.

    Toutes ces stratégies, on le comprend, sont faites de prudence et d’anticipation. Avec toujours un balancement entre le Yin et le Yang du livre du Yi King .

    L’édition des Éditions Budo comprend les analyses et les exemples d’application, y compris dans le monde moderne, de Hiroshi Moriya, Japonais spécialiste de la culture et de la philosophie chinoises. Cela ajoute à la compréhension des 36 stratagèmes.

    Ainsi le stratagème 27 (dans la série des stratégies des batailles unifiées) est-il une bonne façon d’aborder les négociations de toutes sortes :

    « Feignez la stupidité, ne soyez pas inconséquent : feignez un manque de connaissance et abstenez-vous d’agir, plutôt que de vous dissimuler derrière un savoir de façade et d’agir à tort et à travers. Restez tranquille et ne révélez pas votre intention. Les nuages et le tonnerre annoncent la naissance (ou la difficulté du commencement) ».

    Dans cet énoncé du stratagème, la fermeté (Yang) et la souplesse (Yin) sont entrelacées à la naissance (appelée aussi la difficulté du commencement) comme quand on aborde une confrontation d’idées ou d’arguments. C’est ce moment où les nuages et le tonnerre accumulent leur énergie en attendant le moment propice pour déclencher l’orage.

    Stupidité signifie ici « bêtise », alors que « se montrer inconséquent » signifie être fou, et donc « ne pas être inconséquent » signifie faire preuve de bon sens.

    C’est donc en faisant preuve de bon sens, et en exerçant tout son talent en se parant des attributs de la bêtise, que ce stratagème est mis en œuvre.

    Comme le commente Hiroshi Moriya :

    « La clé du succès réside dans la qualité de la performance de la personne qui feint la stupidité » .

    On peut aussi trouver dans ce stratagème un art d’écouter sans jugement les paroles et arguments de notre interlocuteur, pour être capable de répondre et de poursuivre la conversation sans agression, pour se donner l’énergie nécessaire, et non « agir à tort et à travers » . Une bonne façon d’utiliser nos oreilles de girafe .

    Preuve supplémentaire que les 36 stratagèmes, c’est aussi du travail pour préparer l’énergie des nuages et du tonnerre avant de déclencher l’orage.

    Au travail.

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      Le management ne fait plus rêver et c’est une excellente nouvelle pour les entreprises - BLOG

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 12 July, 2022 - 09:40 · 3 minutes

    Des réunions chronophages, des temps administratifs ingrats, l’obligation de défendre des directives de la direction auxquelles souvent ces managers ne croient pas eux-mêmes, et… le manque de reconnaissance des collaborateurs? Des réunions chronophages, des temps administratifs ingrats, l’obligation de défendre des directives de la direction auxquelles souvent ces managers ne croient pas eux-mêmes, et… le manque de reconnaissance des collaborateurs?

    TRAVAIL - Il y a quelques jours, j’ai vécu une expérience inédite, j’animais un séminaire de management /leadership auprès d’étudiants de Master 2, tous en alternance, dans une spécialisation “ management commercial” et je demande: qui a comme projet (ambition?) de manager d’ici 2 à 3 ans (temps moyen pour un 1er poste de ce type).

    Là où d’habitude se levaient quasiment toutes les mains, je me retrouve devant un tiers de la promotion (45 étudiants ) qui ne sont pas partants.

    J’essaie de comprendre.

    Pourquoi ce manque d’appétence?

    La raison principale est «trop d’ennuis» (je reste polie), pour un retour qui leur semble sous proportionné.

    Pourquoi cela?

    Etant en moyenne depuis 2 ans en entreprise, ils observent leurs propres managers et ils voient des personnes fatiguées, faisant des horaires exorbitants, ayant à assurer une activité opérationnelle exigeante, prenant sur cet agenda surchargé pour le temps qui devrait être dédié au management.

    Ils me décrivent des réunions chronophages, des temps administratifs ingrats, l’obligation de défendre des directives de la direction auxquelles souvent ces managers ne croient pas eux-mêmes, et … le manque de reconnaissance des collaborateurs.

    Ces managers sont les interlocuteurs au quotidien de leurs équipes, comme ils sont les ambassadeurs de leurs équipes vis-à-vis de la direction, ce qui demande un beau travail d’équilibriste.

    Pourquoi vivre ces affres quand on peut choisir des fonctions d’expertise: commercial grand compte, ingénieurs expert, conseil interne?

    Si des étudiants ayant choisi une école de management sont dans ce rejet, comment convaincre les autres de l’intérêt de ce métier?

    Le “ras le bol managérial”

    Pour la majorité, on est dans un rejet du management, pour des raisons qui relèvent tant des représentations que d’expériences malheureuses : le fameux «ras le bol managérial» : celui du petit chef, du management vertical, de l’absence de reconnaissance et de bienveillance.

    Les écoles de management n’y sont pas pour rien : depuis des années, elles n’en ont que pour les «leaders», figures présentées comme bien plus attractives que les managers, et, au final, elles ne proposent que très peu de formations aux compétences managériales.

    Ces managers sont les interlocuteurs au quotidien de leurs équipes, comme ils sont les ambassadeurs de leurs équipes vis-à-vis de la direction, ce qui demande un beau travail d’équilibriste.

    Le management ne fait plus rêver. C’est certainement une très bonne chose. On évitera ainsi deux types de dérives:

    • devenir manager par défaut, avec comme seul motif de progresser dans la carrière. Seuls ceux dont c’est un vrai choix se dirigeront vers ces fonctions;
    • les entreprises comprendront que manager requiert des compétences spécifiques, de la formation, et du temps dans l’agenda.

    Et on comprendra enfin que le management est un métier de service et non un métier de pouvoir.

    Plein de bonnes raisons pour changer la donne managériale ! C’est toujours dans les crises que naissent les innovations. Le management ne fait pas exception ! A suivre …

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    Cette tribune, initialement publiée sur le compte LinkedIn d’Isabelle Barth, a été reproduite sur Le HuffPost avec l’accord de son autrice.

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    À voir également sur Le HuffPost: Aborder son mal-être au travail avec son manager

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      Comment mieux gérer vos réunions

      Alain Goetzmann · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 4 March, 2022 - 03:30 · 2 minutes

    Aujourd’hui, les participants aux réunions viennent bardés de leur portable , tablette, phablette ou smartphone, dans le but légitime d’enregistrer plus rapidement les notes à prendre. En réalité ils en profitent pour consulter subrepticement les informations entrantes, mails, SMS et autres alertes Internet .

    Gérer les réunions pour améliorer la productivité de l’entreprise

    Les réunions devraient être un moyen d’améliorer la productivité de l’entreprise. Quand on réunit toute une équipe dans une pièce pendant une heure pour travailler ensemble sur un sujet important, il vaudrait mieux que le retour sur investissement soit positif.

    L’essentiel de la valeur ajoutée d’une réunion est de permettre à ses participants de se concentrer ensemble pour élaborer des solutions et mettre en œuvre des plans d’action. Les discussions devraient être ouvertes et les échanges fructueux. Or, cette fusion ne peut pas se produire lorsque les différents cerveaux autour de la table se trouvent sur des planètes différentes en train de vérifier leur messagerie ou de réfléchir aux réponses à apporter aux sollicitations apparues à l’instant sur leur engin électronique.

    Ce n’est pas une question de génération. C’est la question de savoir si, dans une réunion, nos compagnons électroniques peuvent servir à autre chose qu’au traitement des sujets à l’ordre du jour.

    Assurer la discipline

    Nous ne pouvons faire qu’une chose à la fois et perdons énormément en efficacité lorsque nous tentons de devenir multi-tâches. Quelques-uns d’entre nous souffrent même d’une addiction à la technologie et aux nouvelles informations, qui nous détournent de ce qui se dit autour de nous. Il est impossible alors de se concentrer pour participer aux débats, les commentaires clés n’y sont pas entendus et les nuances des différentes interventions totalement ignorées. Les autres participants peuvent alors, à juste titre, se sentir maltraités et même insultés, considérer que ces réunions indisciplinées sont une perte de temps, qu’au lieu d’être résolus les problèmes posés ont été amplifiés.

    Que faire alors ? Le mieux est d’instaurer une discipline. Moins de réunions, des réunions moins longues et l’obligation de garder les outils électroniques dans les poches, éteints. Bref rien qui puisse détourner l’attention des participants. Si le sujet exige une réunion plus longue, instaurez le 50/10. Cinquante minutes de concentration, dix minutes de pause pour consulter mails et messages. Nous sommes à l’âge de l’information reine et disposons d’outils puissants. C’est bien. Mais gardons-en le contrôle et surtout, sachons ne pas nous laisser distraire lorsque notre cerveau doit s’exprimer avec clarté et interagir intelligemment en collectivité.

    Léonard de Vinci avait raison quand il affirmait que « La rigueur vient toujours à bout de l’obstacle » .

    Sur le web

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      Risks in International Marketing

      Egypt · Monday, 31 January, 2022 - 21:25 · 1 minute

    Although the need for companies to go abroad is greater today than in the past, so are the risks. Managers must anticipate the risks and obstacles in doing business in foreign markets. Several complex problems confront companies that 'go global'.

    High Foreign Country Debt

    High debt, inflation, and unemployment in several countries have resulted in highly unstable governments and currencies, which limit trade and expose firms to many risks. Debt-laden and/or currency-starved countries are often not able to pay despite their willingness to purchase. The inability of poorer countries, for example in eastern Europe, to pay by normal (cash) methods becomes a serious obstacle for supplying companies.

    Exchange Rate Volatility

    The level of a country's exchange rate affects the company's competitiveness in the foreign market. A weak pound will favor exports of British goods. A strong exchange rate intensifies the level of competition the firm faces at home. For European companies whose countries are members of the Exchange Rate Mechanism (ERM), much of Che's uncertainty is removed from fluctuating exchange rates. On the one hand, this is favorable for companies doing a great portion of their international business in the EU. On the other, however, the ERM does impose constraints on company decisions, such as productivity levels and government policy (e.g. in its flexibility to reduce interest rates). #marketing #management #international #risk #management #strategic

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      Faire la peau à la bureaucratie : et si c’était la mauvaise question ?

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 27 January, 2021 - 03:30 · 7 minutes

    bureaucratie

    Par Philippe Silberzahn.

    J’étais interrogé il y a quelques jours par une journaliste au sujet de la bureaucratie qui, semble-t-il se développe beaucoup dans les grandes entreprises et empoisonne leur existence, ralentissant leur fonctionnement et démobilisant leurs collaborateurs. Certes, l’enjeu est d’importance à l’heure de la crise où tout le monde doit être sur le pont dans un environnement qui change rapidement. Mais je ne crois pas qu’attaquer la bureaucratie soit la bonne approche.

    Gary Hamel , un gourou du management des années 1990, veut faire la peau à la bureaucratie. Qui serait contre ? Je ne connais personne qui aime la bureaucratie. Et pourtant, cette approche est problématique.

    D’une part parce que le vocabulaire est guerrier, et que les organisations ont trop souffert de ce type d’impératif qui reflète des modèles mentaux viciés à la base : ici, celui selon lequel la bureaucratie est un mal et qu’il peut être combattu à condition d’être courageux et de trancher ce qui doit être tranché. La violence de la posture nourrit sa propre défaite qui ne viendra malheureusement qu’après beaucoup de souffrances et de dégâts causés à l’organisation et à ceux qui y travaillent.

    D’autre part parce que l’utilisation du mot bureaucratie de façon explicitement péjorative est un jugement de valeur, ce qui est toujours un très mauvais point de départ dans un diagnostic organisationnel. Car la bureaucratie a des avantages, c’est ce qu’a montré le sociologue Max Weber il y a longtemps : des règles claires, identiques pour tous, la prédictabilité des décisions, la capacité à faire fonctionner de très grandes organisations, entre autres.

    La sociologie moderne, notamment avec les travaux de Michel Crozier et Ehrard Friedberg, nous a en outre appris depuis longtemps que si une situation de gestion persiste, c’est qu’elle présente un intérêt et qu’elle répond à un besoin d’une partie au moins de l’organisation et de ses membres.

    La bureaucratie : un symptôme, avant d’être une cause

    Il y a quelques temps, j’intervenais auprès d’une grande entreprise industrielle qui menait un grand projet de transformation avec un objectif de simplification de son fonctionnement.

    « Nous étouffons sous les procédures » , me disait son responsable. « Par exemple, le moindre projet, si petit soit-il, doit avoir un comité de pilotage. Il faut simplifier tout ça! »

    Et pourtant, toutes les tentatives de simplification avaient échoué et ce bien que toutes les parties prenantes m’aient assuré qu’elles voulaient absolument réduire la bureaucratie. Et donc tout le monde devenait fou : la bureaucratie se développait, tout le monde était contre, mais rien ne changeait et elle continuait sa course folle.

    Dans notre ouvrage Stratégie modèle mental , Béatrice Rousset et moi avons abordé cette question et montré que dans ces situations, il faut remonter à la source du phénomène qui semble inextricable. Il y a quelque chose qui bloque, et ce quelque chose ce sont les modèles mentaux, c’est-à-dire les croyances individuelles et collectives de l’organisation. Vue sous cet angle, la bureaucratie, ou ce qu’on nomme bureaucratie, est le produit d’une certaine façon de penser, et c’est elle qu’il faut mettre en lumière.

    Un atelier a permis de montrer que cette entreprise a une très forte culture industrielle et s’est bâtie autour de la notion d’expertise. Les managers sont pour la plupart ingénieurs de formation et voient leur fonction comme une fonction d’expertise : un manager, parce qu’il (ce sont en majorité des ils) est le chef, est un expert, et un expert doit avoir réponse à tout.

    La terreur absolue de ces managers est d’être pris en défaut, de ne pas savoir répondre à une question dans une réunion et donc d’être déconsidéré par leurs collègues, tout aussi terrorisés qu’eux. Cette terreur a développé un manque de confiance et une peur de l’échec, qui a entraîné un besoin de se protéger à tout prix. La bureaucratie, mot qui ici qualifie le développement de procédures apparemment inutiles, est la réponse de ces managers à leur besoin de protection. Le comité de pilotage d’un projet existe pour mouiller les collègues et faire en sorte que si échec il y a, celui-ci soit collectif.

    Autrement dit, la bureaucratie est une réponse parfaitement rationnelle des managers à leur modèle mental de peur.

    Le miroir aux alouettes de la simplification

    Avec ce qui précède, on comprend donc pourquoi les efforts de simplification échouent. Si vous dites à un manager que désormais il pourra gérer son projet tout seul, la panique le saisit. Ce n’est pas du tout ce qu’il veut, même si par ailleurs il déteste cette bureaucratie qui le mine jour après jour, comme un fumeur qui sait que le cancer le guette mais qui ne peut renoncer à sa cigarette.

    Si vous simplifiez en exigeant des réunions plus courtes, les managers en feront deux au lieu d’une. Et donc les entreprises qui suppriment les strates d’organisation et les processus superflus se font des illusions car ces strates et ces processus jugés superflus remplissent en fait une fonction, et que cette suppression se heurtera au mur de l’immunité organisationnelle. Vue comme une agression et une mise en danger, elle fera l’objet d’une résistance qui, il faut insister là-dessus, sera parfaitement rationnelle. Le problème n’est pas le processus superflu ; le problème est ce qui donne naissance à ce processus. Vous appuyez sur l’accélérateur (la simplification) tout en ayant le pied sur le frein (le modèle mental bloquant).

    L’erreur consiste donc à poser le problème en termes de bureaucratie et la solution en termes de simplification . Quand vous pensez bureaucratie, les managers entendent protection . Quand vous parlez de simplification ils entendent danger et ils ont raison.

    Dans notre exemple, la solution a consisté à exposer le modèle mental profond « Un manager est un expert qui doit avoir réponse à tout » pour amener les participants à le questionner.

    Puis nous avons identifié quelques occasions où un manager pouvait essayer un modèle alternatif, par exemple : « Un manager est un coordinateur qui s’appuie sur l’expertise des autres » .

    Ces occasions ont été choisies de façon qu’elles soient sans impact important en cas d’échec (qu’elles représentent des pertes acceptables). De fait, un manager qui n’est plus saisi par la peur de ne pas savoir répondre à une question technique ressentira moins le besoin de se protéger par des mesures bureaucratiques. On ne guérit pas la fièvre, mais la source de la fièvre. Et surtout, on la guérit en partant d’une posture de reconnaissance et de respect de ce qui est, ici la peur des managers.

    Au-delà, nous avons mis en lumière un modèle mental encore plus profond qui a trait à la confiance. En l’occurrence ici, l’organisation avait laissé diminuer la confiance accordée aux managers avec le temps, ce qui était l’une des sources de leur peur et de la démultiplication des procédures. La notion de confiance est donc apparue comme un sujet majeur sur lequel l’organisation devait travailler.

    Deux choses en conclusion

    Cesser de proposer des solutions simplistes basées sur l’identification d’un coupable ou d’un mal « facilement curable à condition qu’on s’en donne les moyens. » Cela revient à prendre les collaborateurs des organisations pour des imbéciles ou des poules mouillées, ce qu’ils ne sont assurément pas. Si c’était aussi simple, ils l’auraient déjà fait.

    Les phénomènes organisationnels sont intrinsèquement compliqués ; là encore la sociologie nous l’a abondamment montré depuis bien longtemps. Des recommandations simplistes voire naïves comme « limiter les réunions à 1 heure » ou « réduire les niveaux organisationnels » ne prennent pas du tout en compte la réalité organisationnelle et n’iront nulle part.

    Remonter à la source des comportements qui peuvent sembler aberrants mais qui sont en fait rationnels. Et cette source, ce sont les modèles mentaux, nos croyances profondes. L’exposition de ces croyances et leur ajustement respectueux est la seule façon de remettre l’organisation en mouvement.

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