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      Royaume-Uni : où est l’héritage de Margaret Thatcher ?

      Pieter Cleppe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 1 December, 2022 - 04:30 · 8 minutes

    Après le bref passage de Liz Truss au poste de Premier ministre britannique, le Parti conservateur britannique continue de lutter, accusant un retard de 15 points de pourcentage sur l’opposition travailliste dans les sondages d’opinion. Il est intéressant de noter que Boris Johnson et Liz Truss ont lancé un défi à l’autorité du nouveau Premier ministre Rishi Sunak en rejoignant une rébellion conservatrice soutenant les parcs éoliens pour faire face à la crise énergétique.

    Le journaliste britannique de GB News, Tom Harwood, a déploré la diminution du soutien à l’économie de marché au sein de la direction du parti Tory, après la prise de pouvoir de Rishi Sunak.

    Il note :

    « Truss allait réduire les impôts, Rishi les a augmentés. Elle a légalisé l’éolien terrestre et l’extraction de schiste, Rishi l’a interdit. Elle avait prévu de donner un coup de fouet à la construction de logements dans les zones d’investissement, Rishi l’a supprimé. Elle avait des plans pour accélérer les transports, l’énergie, les infrastructures de communication, Rishi les a abandonnés. »

    Les choses semblent également bouger sur le front du Brexit. Selon le Sunday Times , des ministres britanniques de premier plan se seraient préparés à proposer une relation sur le modèle suisse entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Des conservateurs de haut rang, dont Rishi Sunak, l’ont nié mais il est clair que quelque chose se prépare.

    La semaine dernière encore, le chancelier britannique Jeremy Hunt a déclaré qu’il chercherait à « supprimer la grande majorité des barrières commerciales qui existent entre nous et l’UE ». Un éditorial du Financial Times affirme :

    « La Grande-Bretagne doit améliorer son accord de Brexit. De larges pans de l’industrie veulent plus d’alignement avec l’Union Européenne (UE), pas moins. »

    Concurrence réglementaire

    La relation de type suisse que préparerait le gouvernement britannique impliquerait la suppression de 80 % des contrôles entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord et l’ouverture de l’accès au marché unique en échange d’un alignement du Royaume-Uni sur un certain nombre de réglementations européennes et d’un abondement au budget de l’UE, sans toutefois inclure la liberté de circulation. Si l’UE acceptait cette proposition, cela conduirait à une plus grande ouverture des marchés de l’UE et du Royaume-Uni, mais pour la Grande-Bretagne cela signifierait un recul en termes de souveraineté car elle deviendrait un décideur partiel.

    Plus important encore pour l’Europe, cela signifierait moins de concurrence réglementaire. Une meilleure alternative pour parvenir à un commerce accru entre l’UE et le Royaume-Uni serait donc que les deux parties reconnaissent les réglementations de l’autre comme étant de qualité suffisante. Après tout, la plupart des réglementations britanniques sont toujours les mêmes que celles de l’UE et le commerce est finalement une question de confiance.

    La concurrence réglementaire est essentielle pour promouvoir l’innovation, en particulier lorsqu’il s’agit d’organiser de nouveaux secteurs économiques comme le secteur numérique. Elle permet aux juridictions d’apprendre les unes des autres sur la manière de faire face aux nouveaux phénomènes. Par exemple, le Royaume-Uni pourrait à un moment donné ne plus accepter des réglementations comme le RGPD, qui témoignent de la réglementation lourde et hostile à l’innovation du secteur numérique par l’UE.

    Selon l’eurodéputé allemand CDU Axel Voss « l’obsession de l’Europe pour la protection des données fait obstacle à l’innovation numérique. »

    Si le Royaume-Uni récoltait alors les avantages de ne plus suivre l’approche de l’UE, l’industrie européenne et même les régulateurs de l’UE pourraient également être contraints de repenser leur approche.

    Un Royaume-Uni qui diverge

    Dès à présent, il existe des domaines dans lesquels on peut voir le Royaume-Uni opter pour une approche différente de celle adoptée par l’UE.

    C’est le cas, par exemple, de la proposition de directive de la Commission européenne sur la « diligence raisonnable en matière de durabilité des entreprises », qui exigerait de certaines d’entre elles qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable dans l’ensemble de leurs chaînes de valeur, ce qui les rendrait responsables de tout ce qui peut mal tourner, notamment en termes de durabilité et de droits de l’Homme. S’il est logique d’exiger l’élimination du travail forcé des chaînes d’approvisionnement, les entreprises ne devraient pas devenir des superviseurs chargés d’imposer aux partenaires commerciaux les choix politiques de l’UE en matière de travail et d’environnement.

    Les entreprises qui importent des produits comme le soja, l’huile de palme et le café seraient gravement touchées si ce règlement était adopté, d’autant plus qu’il viendrait s’ajouter à d’autres initiatives protectionnistes de l’UE, comme le nouveau règlement visant à introduire une diligence raisonnable obligatoire pour mettre fin à la déforestation dans les chaînes d’approvisionnement.

    Ce règlement exige des entreprises qu’elles vérifient que les biens vendus dans l’UE n’ont pas été produits sur des terres déboisées ou dégradées où que ce soit dans le monde, mais il frappe en réalité de manière disproportionnée le secteur de l’huile de palme en Malaisie et en Indonésie alors que de grands progrès ont déjà été réalisés par les producteurs de ces pays.

    Le think tank Chain Reaction Research (CRR) a constaté que la déforestation des palmiers à huile en Indonésie, en Malaisie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée est tombée à son niveau le plus bas depuis 2017. Certains veulent néanmoins aller plus loin et interdire totalement l’huile de palme, ignorant ainsi une étude de chercheurs de l’Université de Bath, publiée dans Nature , qui a souligné qu’une telle interdiction pourrait aggraver la déforestation étant donné que les alternatives comme l’huile de tournesol ou de colza nécessitent davantage de terres, d’eau et d’engrais.

    Il est intéressant de noter que le Royaume-Uni adopte une approche différente, plus raisonnable, profitant manifestement déjà de la liberté politique résultant du Brexit.

    Au lieu d’imposer toutes sortes de normes spécifiques à ses partenaires commerciaux, le Royaume-Uni exige simplement que les produits soient conformes à la réglementation locale, appliquant ainsi efficacement le principe de reconnaissance mutuelle. Lorsqu’il s’agit d’un produit de base considéré comme lié au risque de déforestation, la législation britannique prévoit que « une personne autorisée à utiliser un produit à risque forestier ne doit pas utiliser ce produit dans le cadre de ses activités commerciales au Royaume-Uni, sauf si les lois locales pertinentes ont été respectées pour ce produit. »

    Une telle approche est non seulement plus conforme à l’esprit du libre-échange qui consiste à faire confiance aux normes des partenaires commerciaux, mais elle est aussi beaucoup plus pratique. Il est très délicat de définir ce que signifient les normes de l’UE, comme le terme « durable », dans d’autres juridictions, ce qui ne manquera pas de donner lieu à toutes sortes de litiges. Il est certain que des normes spécifiques en matière de travail ou d’environnement ne seraient pas acceptables en Europe. Mais en réalité les normes de travail ou environnementales peu élevées ont eu tendance à augmenter en raison du commerce et non en raison de menaces de mettre fin au commerce si elles n’étaient pas adoptées.

    Encore un long chemin à parcourir

    Évidemment, pour l’instant, il n’y a que peu d’exemples où le Royaume-Uni a déjà utilisé sa liberté politique acquise suite au Brexit.

    La vérité est que l’électorat britannique n’est pas aussi désireux d’embrasser pleinement la libéralisation comme parfois dépeint. Le changement idéologique au sein de la direction conservatrice, suite au départ de la plus libérale Liz Truss – même si elle n’était pas libérale dans les budgets responsables, ce que les marchés pénalisaient, n’aide pas non plus. Rishi Sunak a rapidement mis au placard les plans de Liz Truss visant à légaliser la fracturation même s’il l’avait soutenue à l’origine et malgré le fait que le Royaume-Uni souffre actuellement d’une crise énergétique massive. De même, les politiques climatiques de l’UE encore très présentes dans les textes de loi britanniques ne sont pas près d’être abandonnées, si l’on en croit la politique du gouvernement britannique.

    Pour l’instant, le commerce entre l’UE et le Royaume-Uni a surtout connu les mauvais aspects du Brexit – les perturbations commerciales prévues en raison de l’augmentation de la bureaucratie. La plupart des avantages n’apparaîtront probablement qu’avec le temps et ne résulteront probablement pas de l’élimination délibérée par le Royaume-Uni de toutes sortes de réglementations issues de l’époque de l’appartenance du pays à l’UE. De manière plus réaliste, le Royaume-Uni refusera simplement de copier les mises à jour de l’UE concernant les réglementations lourdes, protectionnistes et hostiles à l’innovation telles que RGPD, REACH ou MifiD. Cela aura pour conséquence de restreindre davantage l’accès du marché britannique à l’UE, mais renforcera la compétitivité du Royaume-Uni. Tout vient à point à qui sait attendre.

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      La taxe carbone aux frontières : une erreur protectionniste

      Élodie Messéant · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 25 November, 2022 - 03:50 · 4 minutes

    Un article de l’IREF France

    Nul doute que la guerre en Ukraine met à l’épreuve l’ambition des membres de la COP27 pour réduire leur impact carbone. En particulier celle de l’Union européenne (UE), qui dépend fortement des énergies fossiles. C’est ainsi que le projet de taxe carbone aux frontières a émergé au sein de la Commission européenne l’année dernière. Voté par le Parlement européen en juin, le texte est entré en phase de négociation.

    Ce dispositif s’accompagne d’une suppression, en 2032, de la gratuité des quotas carbone pour de nombreux industriels européens – quotas considérés par certains comme des « droits à polluer ». En pratique, la taxe carbone aux frontières s’applique aux importations de l’ Union européenne dans cinq secteurs d’activité : électricité, ciment, engrais, acier et aluminium.

    L’objectif est double. Tout d’abord, réduire l’importation de produits carbonés – ce que l’UE dénonce comme une « fuite carbone » – et ainsi, respecter l’ Accord de Paris pour 2030. Ensuite, lutter contre les délocalisations des industriels européens vers des pays où les coûts de production sont plus faibles et la réglementation plus souple en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

    La bureaucratie européenne assomme l’industrie…

    Rappelons que les industries européennes sont déjà soumises au système européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet serre (SEQE), instauré en 2005. Contrairement à la taxe qui consiste à imposer un prix au carbone, le « marché du carbone » fixe une limite d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser – avec des amendes de 100 euros par tonne de CO 2 excédentaire. En 2020, ce commerce juteux aurait rapporté près de 19,6 milliards d’euros de bénéfices à l’UE.

    Face à la menace bureaucratique de la taxe carbone aux frontières, des entreprises envisagent déjà de relocaliser leur production . En effet, les importateurs de marchandises devront acheter des certificats dont le prix serait indexé sur celui du CO 2 dans le marché du carbone. Les pays exportateurs, quant à eux, devront transmettre les données sur leurs émissions aux importateurs. Autrement, une procédure spécifique sera nécessaire pour appliquer les valeurs par défaut au secteur concerné… Difficile de ne pas craindre qu’un monstre bureaucratique, complexe et imprévisible, soit en train de s’installer.

    … et détériore le pouvoir d’achat au nom de l’écologie

    Certes, la taxe carbone aux frontières aura peut-être pour effet d’augmenter les profits de quelques industries européennes puisque leurs concurrents étrangers paieront désormais une taxe semblable à la leur. Mais en majorant le coût des produits importés (biens de consommation, automobiles, machines), elle ne profitera nullement aux consommateurs. Une telle taxe risque plutôt de renforcer la spirale inflationniste et d’impacter négativement le pouvoir d’achat des Européens. Comme toujours, ce n’est pas tant la concurrence étrangère mais les consommateurs finaux qui payent le prix du protectionnisme.

    Au-delà du protectionnisme, l’UE ne cesse de ruiner les citoyens européens au nom de l’écologie. Nous pouvons citer la fin de vente des véhicules thermiques neufs dès 2035, l’ European Green Deal et son obligation de consacrer au moins un quart des terres au bio, ou encore le plan Repower EU qui prévoit une consommation d’énergie réduite de 13 % d’ici 2030. Certaines de ces politiques ont été expérimentées dans des pays comme le Sri-Lanka ou les Pays-Bas , avec des conséquences désastreuses pour les populations.

    Une politique nocive pour la compétitivité de l’UE

    Alors que son objectif était de devenir « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » en 2000, l’UE s’éloigne de son projet européen originel – à savoir lever les barrières qui s’opposent à l’exercice de nos libertés et à la prospérité. Malheureusement, les avertissements de Margaret Thatcher, ancienne Première ministre britannique, ou de Vàclav Klaus, ancien président tchèque, se sont révélés prophétiques. L’UE est désormais semblable à un supra-État avec sa bureaucratie, ses lois et ses règlements… au détriment de l’innovation et de la concurrence.

    Aujourd’hui, nous en payons le prix. Si les entreprises affichant les plus fortes capitalisations sont en très grande majorité américaines, ce n’est pas le fruit du hasard. Lorsque l’on regarde de plus près, la tendance est plutôt inquiétante : la part d’entreprises européennes se réduit au profit des entreprises américaines et asiatiques . C’est ainsi que les GAFAM sont devenus les cibles préférées des bureaucrates européens avides de taxes et de contraintes réglementaires.

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    Au début du XXI e siècle, 41 des cent plus grandes entreprises étaient européennes. Aujourd’hui, elles ne sont plus que quinze.

    En définitive, la taxe carbone aux frontières s’inscrit dans la continuité des politiques écologistes qui détériorent le pouvoir d’achat des consommateurs – déjà soumis à des taux d’inflation inédits au sein de l’UE – et assomme l’industrie européenne de nouvelles normes. Ni le protectionnisme ni la planification écologique ne protègent la planète. Seule une accélération de la recherche et des innovations dans le domaine énergétique y parviendra.

    Sur le web

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      Au Royaume-Uni, une statue de Margaret Thatcher dégradée par un jet d’œuf

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Sunday, 15 May, 2022 - 18:34 · 3 minutes

    La statue en bronze de Margaret Thatcher déposée sur son socle à Grantham, au Royaume-Uni, le 15 mai 2022. La statue en bronze de Margaret Thatcher déposée sur son socle à Grantham, au Royaume-Uni, le 15 mai 2022.

    ROYAUME-UNI - La figure de Margaret Thatcher reste clivante au Royaume-Uni, la preuve encore aujourd’hui. Alors qu’une statue de la Première ministre britannique a été érigée discrètement dans sa ville natale de Grantham ce dimanche 15 mai, un protestataire a lancé des œufs sur la sculpture de bronze seulement deux heures après l’installation.

    Le monument a été monté sur un socle de trois mètres de haut et est sous vidéosurveillance pour éviter le vandalisme. Les barrières de protection mise en place pour l’installation étaient mêmes toujours autour de la statue, lorsqu’un homme a lancé plusieurs œufs ce dimanche matin. D’après la BBC , un seul aurait touché la Margaret Thatcher en bronze.

    Si un seul protestataire a jeté de la nourriture, de nombreux passants ont préféré huer l’oeuvre qui aurait coûté 300.000 livres (353.000 euros). D’autres auraient au contraire pris des selfies.

    Un concours de jet d’œufs sur Facebook

    Lee Steptoe, un conseiller municipal de Grantham membre du parti travailliste, a déclaré sur Twitter que la dégradation du monument était “absolument inévitable”. “La statue sera toujours une cible de choix pour le vandalisme et les protestations politiques. Elle a été la première ministre la plus contestée de l’histoire probablement, et certainement de ma vie”, a-t-il affirmé au Guardian .

    Un autre conseiller conservateur s’est lui réjoui de l’arrivée de la statue dans la ville. Au quotidien britannique, il affirme: “Margaret Thatcher sera toujours une part importante de l’héritage de Grantham. Elle et sa famille ont des liens forts avec Grantham. Elle est née, a grandi et a été à l’école ici.”

    Comme le rappelle le Guardian , l’arrivée du monument n’a pas été simple. Un groupe Facebook a voulu organiser un concours de jet d’œufs en signe de protestation. L’homme qui a vandalisé la statue ce dimanche matin faisait-il partie de cet événement? Difficile de le savoir. En tout cas, 13.000 personnes s’étaient dites intéressées et 2000 voulaient participer.

    De plus, la ville avait l’intention de faire une cérémonie à 100.000 livres pour l’installation, ce qui a déclenché la colère des détracteurs de l’ex-cheffe du gouvernement. Grantham a donc placé Margaret Thatcher sur son socle sans le faste prévu.

    La statue réalisée par le sculpteur Douglas Jennings aurait dû être érigée à Londres, rappellent également les médias britanniques. Mais les élus de la ville ont refusé en 2018, estimant qu’il était trop tôt après la mort de Margaret Thatcher, décédée en 2013, pour le faire. Ils craignaient également -sûrement à juste titre- des dégradations.

    À voir également aussi sur le Huffpost: Au Parlement britannique, il perd le droit de s’exprimer après une sieste en plein débat