Par Olivier Maurice.
Depuis le début de l’apparition du SARS-COV2 , une multitude d’études ont été menées à travers la planète pour essayer de comprendre le mécanisme de transmission du virus et pouvoir en déduire des stratégies sanitaires les plus à même pour ralentir, stopper ou gérer au mieux la propagation de la maladie.
Les résultats de ces études arrivent peu à peu, ce qui a amené l’OMS à infléchir ses recommandations pour tenir compte de ces informations. À l’entrée de l’hiver, l’organisme sanitaire international a en effet clairement effectué un virage à 180 degrés pour désavouer fermement la politique du tout répressif sanitaire qui est devenue la règle dans de nombreux pays.
Le présent article fait suite à un précédent billet publié dans ces colonnes le 28 octobre et qui en faisait état, à l’heure où la politique suivie en France semble elle aussi subir un infléchissement : l’inattendu statu quo dans les mesures sanitaires qui est survenu la fin de le semaine dernière et qui coïncide bizarrement avec la publication de recommandations de l’OMS bien plus précises et concrètes de la nouvelle politique sanitaire préconisée par l’organisme international.
Il semblerait bien que le changement de conduite décidé par Emmanuel Macron soit en effet, et entre autres choses (les critères économiques et d’acceptation sociale y ayant sans aucun doute été pour beaucoup) dans la ligne de celle de l’OMS et donc dans celle d’une rupture avec les recommandations de plus en plus critiquées du conseil scientifique.
Situation actuelle : entre l’OMS et le conseil scientifique
Depuis le début de la crise sanitaire, c’est le conseil scientifique instauré par le ministère de la Santé qui trace la ligne de conduite, pour les citoyens, les responsables d’établissements publics et le gouvernement.
Cette stratégie , nous la connaissons maintenant tous, tant elle a été martelée un peu partout, elle est basée sur quatre axes :
- Le comportement individuel : gestes barrières, port du masque etc.
- Les limitations de regroupement collectifs : fermetures des bars, restaurants, salles de sport et salles de spectacles et annulations des rassemblements.
- Les mesures de restriction des déplacements et des activités : confinement et couvre-feu.
- La prise en charge hospitalière des cas graves.
À l’analyse des dernières informations diffusées par l’OMS et par les diverses équipes de recherches à travers le monde, il apparait de plus en plus clairement que cette orientation fortement héritée du principe de précaution et de la peur qui a traversé le pays, est très éloignée, pour ne pas dire diamétralement opposée à celle préconisée par l’organisme de santé mondial.
Malheureusement en France, comme d’ailleurs dans de nombreux pays occidentaux , le sujet a depuis longtemps largement débordé le débat scientifique pour se rapprocher de plus en plus d’un affrontement politique, à la limite du débat philosophique ou même de la controverse religieuse.
Ce chahut qui règne depuis les premiers jours ne laisse rien prédire de bon quand l’évidence des faits révélera l’inutilité, voire la lourde nuisance de la stratégie décidée et que ce constat s’ajoutera aux conséquences sociales, économiques et même sanitaires de cette stratégie politique bien plus que sanitaire ou scientifique.
Modèle double de contamination
On en sait donc dorénavant beaucoup plus à la fois sur les modalités de transmission de la maladie.
Ce que montrent les études, et qui semblerait être une spécificité du SARS-COV2, est que la contagiosité de la maladie varie énormément d’un cas à l’autre. Cependant, vu le nombre maintenant très important d’études, on peut clairement identifier deux modes distincts.
Le premier mode, que l’on pourrait qualifier de domestique est de loin le plus présent dans les études . Il se produit principalement dans deux environnements : le milieu familial et les établissements de santé.
Dans ce cas-là, il semble clairement établi que le virus n’est pas très contagieux, mais que ce soient le confinement et la promiscuité qui sont les raisons principales de la diffusion de la maladie.
Une personne infectée au sein d’une famille va « en moyenne » contaminer 20 % du foyer, ce qui est très peu, et signifie souvent une seule autre personne, le conjoint de préférence. Au sein des établissements de santé, la propagation semble identique : le « cas zéro » allant lui aussi contaminer une ou deux personnes et ainsi de suite.
C’est principalement à cause du confinement dans ces espaces clos où le contact avec les personnes infectées est régulier, proche et continu, que la maladie se répand alors de proche en proche, touchant ainsi la population la plus susceptible de se voir contaminer : personnes âgées, faibles, malades etc.
Les exceptions à la règle
Les études montrent également qu’en dehors de ce mode principal de propagation (faible contamination, majoritairement personnes proches et en contact prolongé), on a pu constater cependant un certain nombre de phénomènes très rares de soudaine et très forte contamination .
Dans ces cas, les transmissions sont très rapides et simultanées et ne proviennent pas d’un phénomène de chaîne, mais d’une contamination à partir d’une source unique, ce que des études ADN ont permis de confirmer.
De plus, ces contaminations très larges, que l’on a pu appeler des phénomènes de super-contamination ( super spreading event ou SSE) se produisent sur des espaces très importants en termes de superficie et sans contact proche et continu avec la source d’infection, ce qui est totalement opposé au scénario domestique.
L’explication serait que ces contaminations seraient dues à la vaporisation d’aérosol se développant dans les poumons de certains individus. Ces microparticules très fines et légères se déplaceraient très loin (plusieurs centaines de mètres) et passeraient à travers les protections habituelles (isolement dans des pièces séparées, masques, hygiène…)
Bien évidemment, quand cette contamination se produit dans une réunion, un rassemblement religieux ou une fête de village, elle donne souvent lieu à une réaction médiatique importante et on a vite fait d’incriminer les organisateurs plutôt que se retourner contre la nature même du virus.
Or les observations de SSE dans des milieux cloisonnés (prisons, trains, hôtels, paquebot, restaurants…) démentent complétement cette causalité du rassemblement : des distanciations physiques de plusieurs dizaines, voire centaines de mètres n’ayant pas empêché ces contaminations de se produire.
Il semblerait bien qu’il soit quasiment impossible de contrer une diffusion d’aérosol à l’origine de ces dispersions, de plus celle-ci devient rapidement diffuse au fur et à mesure que ceux-ci se dispersent dans l’environnement.
Explication de la dynamique observée
Pour résumer ces deux modes :
- Dans la grande majorité des cas, la maladie est peu contagieuse et la contamination se produit en grande majorité dans le milieu familial, surtout lorsqu’il y a confinement.
- Il peut cependant arriver que des contaminations larges se produisent (SSE) sur de grandes superficies.
Ce double modèle explique enfin les diverses dynamiques que l’on peut observer et qui rendent à premier lieu le comportement du virus assez incompréhensible.
On a ainsi très clairement observé une pic de contamination des 20-30 ans avant la vague de l’automne qui a elle ensuite touché majoritairement les personnes plus âgées.
Cela serait expliqué par le fait que les 20-30 ans seraient par leur mode de vie davantage exposés aux contaminations fortuites. Les contaminations domestiques auraient ensuite pris le dessus : la fin des vacances, puis les mesures de restrictions des libertés successives ont resserré la promiscuité et ce seraient ces contacts prolongés intra-familiaux et dans les établissement de santé qui expliqueraient la flambée des cas observée en octobre.
Ce serait donc le confinement, tant d’ailleurs celui imposé par la politique sanitaire que celui qui survient plus naturellement avec les mauvaises conditions météo et la reprise des activités routinières qui seraient responsables de la vague de l’automne.
L’explication étant que lors des beaux jours, les personnes contaminées fortuitement ne sont pas suffisamment en contact avec leurs proches pour que la propagation domestique se développe et s’emballe.
Implications
Le premier constat qui s’impose devant cette meilleure compréhension de la dynamique épidémique est qu’il est totalement inutile de culpabiliser les gens comme le font depuis maintenant un an les autorités, les médias et malheureusement aussi une bonne partie de la population :
- Soit vous êtes contaminé ou contaminateur fortuit et vous allez contaminer un nombre énorme de personnes à votre insu ou vous serez juste au mauvais endroit au mauvais moment, et ce malgré toutes les précautions que vous et les autres pourrez prendre.
- Soit, vous êtes comme plus de 95 % des personnes infectées et infectieuses : vous êtes peu contagieux et des mesures prophylactiques simples seront suffisantes.
Le second constat est plus lourd de conséquences. Il signifie que le prix du confinement n’est pas seulement social et économique, il est également très lourd d’un point de vue sanitaire et social.
En effet, il est totalement incertain que les mesures de réduction de liberté auraient un quelconque effet sur la diffusion de l’épidémie en réduisant le nombre de personnes exposées aux virus ambiants, les études décrivant clairement des cas de diffusion massive non pas par chaîne de contamination, mais par simple diffusion dans l’environnement.
Par contre, il semble clair que les mesures de confinement augmentent considérablement les risques de contaminations intra-familiales et celles survenant parmi des personnes vivant en communauté. Or ce sont précisément elles, les personnes les plus exposées aux conséquences de la maladie, et c’est précisément ce mode de transmission le plus observé.
Les recommandations de l’OMS
C’est pourquoi l’OMS a émis plusieurs recommandations répétées afin en premier lieu d’exhorter les autorités à obtenir le consentement des populations et de se détourner des mesures autoritaires qui sont au mieux inutiles, au pire fortement contre-productives.
La stratégie recommandée par l’OMS est d’ailleurs très proche de celle suivie par les pays orientaux ayant eu l’expérience de l’épidémie de SARS de 2003. Elle consiste en résumé dans la mise en place des actions suivantes :
- Dépistage et identification des proches par contact tracing afin de rompre les chaines de contamination.
- Mise en quarantaine (et non en confinement) de toutes les personnes infectées, afin de les soigner et d’éviter l’aggravation de la maladie, tout en diminuant le risque de diffusion ambiante.
L’objectif est très simple et semble bien plus réaliste que l’espoir d’un endiguement qu’aucun pays n’a réussi à obtenir : rompre au plus vite les chaînes de contamination, non pas pour empêcher les flambées épisodiques, mais pour éviter que la primo-infection ne se propage, certes avec un R0 bien plus faible, mais dans la plupart des cas, avec des conséquences bien plus graves.
Un changement de cap indispensable selon l’OMS
Cette stratégie est bien plus pragmatique que l’espèce de fortification sanitaire que l’on a voulu instaurer. Les contaminations ambiantes semblent en effet quasiment impossibles à identifier ou à éviter, les mesures de distanciation sociale ne protégeant pas suffisamment du virus alors présent un peu partout dans l’environnement.
Surtout, elle se focalise sur la réalité de la maladie, et non sur les événements exceptionnels et médiatiques où coïncident diffusion large et rassemblement de personnes.
Les seules solutions concrètes consistent à identifier les foyers domestiques pour briser au plus vite les chaînes de transmission.
Pour ce faire, diverses solutions techniques peuvent être mises en œuvre : outils informatiques bien sûr, mais l’OMS recommande bien plus la prise en charge par les acteurs locaux comme les médecins traitants et la mise en place d’outils d’alerte, permettant de localiser les flambées infectieuses, insistant bien sur le fait que la proximité, la durée et la nature du lieu de contamination déterminent le risque d’infection, en premier lieu duquel se situe le milieu familial.
C’est cette stratégie (très décriée en France et dans les pays où les structures médicales centralisées sont très puissantes politiquement) qui a été par exemple mise en place dans la région de Madrid , avec pour conséquence une seconde vague bien moindre.