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      Documentaire « Nous paysans » : dérapage à la minute 1:18:13

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 15 March, 2023 - 03:30 · 9 minutes

    Mme Marie-Thérèse Lacombe a joué un rôle important, peu connu, dans le changement des conditions de vie et de statut des femmes en agriculture. Elle fut l’épouse de Raymond Lacombe, secrétaire général de la FNSEA de 1984 à 1986 et président de 1986 à 1992. Elle apparaît dans le documentaire.

    France 3 a rediffusé le mercredi 8 mars 2023 « Nous paysans » ( disponible jusqu’au 28 mars 2023 ) dont on peut dire qu’il a été excellent jusqu’à la minute 1:18:13.

    On a pioché dans des archives cinématographiques intéressantes, les intervenants ont été de qualité, avec des témoignages sonnant généralement juste – un subtil équilibre de soulagement et de nostalgie… non, ce n’était pas mieux avant.

    Les images auraient pu être plus dures, à l’instar de cette séquence d’un quart d’heure sur le malaise paysan en Bretagne, en 1960 :

    Le résumé de « Nous paysans »

    « En à peine un siècle, les paysans français ont vu leur monde être profondément bouleversé. Alors qu’ils constituaient autrefois la grande majorité du pays, ils ne sont plus aujourd’hui qu’une infime minorité et se retrouvent confrontés à un défi immense : continuer à nourrir la France. De la figure du simple métayer décrite par Émile Guillaumin au début du XX e siècle au lourd tribut payé par les paysans durant la Grande Guerre, des prémices de la mécanisation dans l’entre-deux-guerres à la figure ambivalente du paysan sous l’Occupation, de la course effrénée à l’industrialisation dans la France de l’après-guerre à la prise de conscience qu’il faut désormais repenser le modèle agricole et inventer l’agriculture de demain, le film revient sur la longue marche des paysans français, racontée par Guillaume Canet, »

    On aime bien le « continuer à nourrir la France ». Une évidence que l’on tend à oublier…

    Le début de l’épidémie de Covid-19 a fait prendre conscience de cet impératif stratégique. Les agriculteurs et la filière agroalimentaire au sens large ont assuré… une partie de la population est rapidement retombée dans ses travers, ses préjugés et partis pris. La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine nous a aussi fait prendre conscience… pour un temps à nouveau limité.

    On aime beaucoup moins « la course effrénée à l’industrialisation dans la France de l’après-guerre » – si « industrialisation » s’applique comme nous le pensons à l’agriculture, dorénavant taxée d’« industrielle » ou « productiviste » par ses détracteurs (bien nourris…).

    Un peu de contexte

    Pour utiliser un cliché, je suis né au milieu du siècle dernier, quand le monde comptait 2,54 milliards d’habitants. Nous sommes 8 milliards aujourd’hui et serons 9,7 milliards à l’horizon 2050 selon le scénario central de l’ONU. Pour la France, ces chiffres sont respectivement de 41,6 millions, 68 millions et, selon les différents scénarios retenus, 61 à 79 millions d’habitants, 70 selon le scénario central.

    En France, l’agriculture occupait 39 millions des quelque 55 millions d’hectares du territoire métropolitain, contre 33 millions aujourd’hui (26,9 millions d’hectares de surface agricole utilisée selon ce document ). La différence est partie à l’« artificialisation », la friche et… le reboisement.

    Il y avait 416 436 exploitations en activité en 2020, pour quelque 700 000 unités de travail annuel.

    En moyenne triennale centrée sur l’année suivante, le rendement du blé s’établissait à 18 quintaux/hectare . C’était le début de l’ascension vers un rendement en gros quatre fois plus élevé aujourd’hui, autour de 71 quintaux, en stagnation. Enlevons 150 kg pour la semence : un hectare de 1950 fournissait quelque 6100 rations quotidiennes de pain (325 g) ; il fournit aujourd’hui 69 500 rations (120 g). Voir un article devenu un classique sur mon blog.

    ( Source )

    L’« industrialisation » de l’agriculture s’est faite plutôt lentement sous l’influence de plusieurs facteurs agricoles, économiques, sociologiques et technologiques.

    J’ai connu le dernier agriculteur qui attelait des vaches, dans une région qui n’était pas pauvre. J’ai une pensée émue pour sa mère : les écoliers devaient périodiquement vendre des timbres dont le revenu servait à la lutte contre la tuberculose… et c’est chez Mme Jeanne Kniebiehler, qui vivait très modestement avec son fils à deux pas de l’école, que le plus dégourdi d’entre nous vendait son premier timbre. J’ai aussi connu le derniers attelage de bœufs.

    La tuberculose… Si on ne saurait critiquer le choix éditorial des réalisateurs pour un documentaire de 145 minutes très dense, on peut néanmoins regretter l’absence de points de référence pour mettre certaines choses en contexte.

    J’ai vu arriver les premiers tracteurs modernes et partir le dernier attelage de chevaux. Les machines agricoles se sont converties lentement à la traction mécanique (au début, en remplaçant les timons des machines tirées par les chevaux par des attelages). Les machines autonomes comme la moissonneuse-batteuse ne sont arrivées que bien plus tard.

    Le discours convenu

    On peut franchement détester la « prise de conscience qu’il faut désormais repenser le modèle agricole et inventer l’agriculture de demain ».

    Déjà « le modèle », comme s’il n’y en avait qu’un… Mais c’est le discours à la mode… les douces rêveries. Il faudra toujours nourrir 68 millions de Français, 70 millions en 2050 selon le scénario moyen, et si possible contribuer à l’alimentation de nos voisins et amis (et moins amis, pour des raisons stratégiques). Avec les rendements du « bio » ? D’un bio qui n’est viable ni à grande échelle, ni à long terme ?

    Le dérapage

    Passons au film.

    La première partie est une superbe description de l’évolution du monde agricole et rural. Elle fait à juste titre une grande place aux femmes.

    On clôt la séquence « réduction du nombre d’agriculteurs et désertification rurale »… et patatras. Un tracteur hors d’âge avec une barre de coupe (certains sont encore en service…), et :

    « [Voix off] Le désenchantement gagne les campagnes. Pourtant, il faut bien continuer à produire pour nourrir le pays. Mais comment faire à un ce qu’on faisait à 10, 20 ou 100 auparavant ? C’est une dernière révolution qui va permettre de résoudre l’impossible équation. Une révolution de la chimie dont l’objectif est d’obtenir encore plus de rendement de la terre avec toujours moins de bras pour s’en occuper. D’abord on propose aux agriculteurs de nouvelles céréales sélectionnées. Dans les champs de démonstration on fait venir les exploitants et on leur explique que ces nouvelles variétés de blé auront des rendements bien supérieurs. Seule difficulté : elles sont trop fragiles, alors il faudra bien les protéger grâce aux nombreux produits que les groupes agrochimiques sont en train d’inventer pour eux. Et ces produits, il va falloir les utiliser à outrance.

    [ M. Jean-Luc Malpaux s’exprime] « Les sociétés chimiques vont commencer à proposer des fongicides. Et puis après, à partir de 1976, on a vu qu’on nous a présenté des variétés de blé qui valorisaient les fongicides. Par les coopératives, ce sont les techniciens de coopératives qui nous disaient cela. Et donc sur même pas 10 ans, on est passé d’une application d’un herbicide et de 100 kg d’azote à un herbicide, quelquefois un deuxième, parce qu’en mettant plus d’azote, on avait plus d’herbes, deux fongicides, quelques fois trois et un ou deux insecticides. Donc comme changement c’est quand même terrible au niveau intensification. Et donc, dans les années 1974-75, quand je faisais 64-65 quintaux de rendement, c’était de bons rendements. Après, on est passé à 85, 90 et 100 quintaux, ceux qui mettaient mettaient toute la panoplie. »

    [Voix off] « Et voilà l’agriculture française qui prend massivement le tournant des produits que l’on appelle phytosanitaires pour ne pas effrayer sur leur dangerosité. Une dernière révolution technologique, celle des pesticides, qui va s’avérer la révolution de trop. En quelques années, des agriculteurs vont devenir malades tant ils ont été exposés à ces produits dangereux. Des produits qui se sont disséminés partout et aujourd’hui, les sols et l’eau sont souvent empoisonnés.

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    Et bien au-delà de ces pesticides, il y a surtout ce modèle agricole productiviste qui pousse à la ruine de nombreux producteurs endettés. Ruine, désepoir et parfois suicide. La profession devient bientôt celle qui connaît le taux de suicide le plus élevé du pays […]. »

    Non, non et non

    Tout est faux ou quasi. Et la loi de Brandolini est trop dure pour que l’on s’attaque à tous les poncifs. Mais faisons un petit effort sur quatre points.

    Non, le bond en avant à partir des années 1970 ne se limite pas à la chimie honnie. Et d’ailleurs ce n’est pas la chimie qui a permis de compenser le « manque de bras ».

    Non, les variétés mises sur le marché dans les années 1970 n’étaient pas plus sensibles aux maladies que les générations précédentes, bien au contraire : la résistance aux bioagresseurs est un élément clé des stratégies d’amélioration des plantes dans la perspective de l’amélioration et de la sécurisation des rendements. La variété de blé Renan représente à cet égard un tour de force ; elle serait sans nul doute conspuée par le militantisme en tant qu’« OGM caché » si, trois décennies après sont introduction, elle n’était pas une des variétés les plus cultivées en bio.

    Non, ces variétés n’avaient pas besoin de plus de chimie. Mais elles valorisaient les apports d’engrais et les traitements phytosanitaires. Et c’est une outrance que d’affirmer : «  il va falloir les utiliser à outrance ».

    L’utilisation d’une séquence avec un hélicoptère – dont l’utilisation, normalement interdite, est exceptionnelle en France – est indécente. Il en est de même, en particulier, pour l’emploi du mot « empoisonnés », et pour l’évocation des suicides (et l’agriculture est malheureusement dépassée par d’autres professions s’agissant des suicides).

    Ce documentaire s’arrête fort opportunément à ces années maintenant d’un autre temps, zappant tous les progrès qui ont été réalisés depuis lors, tant dans les sciences que dans les technologies… et ne disant mot sur tous les espoirs qu’il est permis de raisonnablement mettre dans l’inventivité et l’ingéniosité humaines.

    Le monde avance grâce au génie humain. Il est important de savoir d’où nous venons. Il est tout aussi important de voir l’avenir comme un défi à relever.

    Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. Winston Churchill

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      Une contamination généralisée aux pesticides ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 24 February, 2023 - 04:20 · 10 minutes

    Ça y est ! Une « étude accablante » a réussi à percer dans les médias… enfin, sauf erreur, fort modestement car cela se limitait (à l’heure où j’écrivais) à « Une étude accablante confirme la contamination généralisée de la plaine niortaise aux pesticides », dans Ouest-France du 7 novembre 2022.

    Le journal n’y va pas de main morte. Outre le titre, le chapô :

    « 112 molécules actives ont été retrouvées par des chercheurs dans les poils de micro-mammifères du sud Deux-Sèvres. Près de la moitié sont interdites depuis plusieurs années. Accablant. »

    Et, dans le texte :

    « Ces travaux s’inscrivent malheureusement dans la lignée de nos précédentes conclusions : nous sommes face à une contamination aussi invisible que généralisée , commente Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au Centre d’études biologiques de Chizé (CEBC), en dévoilant les résultats d’une étude menée en collaboration avec une équipe de chercheurs du CNRS de Besançon et publiée dans la dernière édition de la revue Scientific Reports . »

    L’article « scientifique »

    L’article en question, c’est : « Pervasive exposure of wild small mammals to legacy and currently used pesticide mixtures in arable landscapes » (exposition généralisée des petits mammifères sauvages à des mélanges de pesticides anciens et actuels dans les paysages de grandes cultures) de Clémentine Fritsch, Brice Appenzeller, Louisiane Burkart, Michael Coeurdassier, Renaud Scheifler, Francis Raoul, Vincent Driget, Thibaut Powolny, Candice Gagnaison, Dominique Rieffel, Eve Afonso, Anne-Claude Goydadin, Emilie M. Hardy, Paul Palazzi, Charline Schaeffer, Sabrina Gaba, Vincent Bretagnolle, Colette Bertrand et Céline Pelosi.

    Le titre a franchi les fourches caudines de la revue par les pairs…

    Ce que les auteurs ont étudié, ce sont des petits mammifères prélevés dans deux zones (et non une comme le laisse supposer Ouest-France ), la Zone Atelier Arc Jurassien (16 animaux) et la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre (77 animaux). Il y a donc généralisation abusive.

    Le résumé

    Voici, comme d’habitude, et découpé, le résumé :

    « Les lacunes dans les connaissances concernant le rôle potentiel des pesticides dans la perte de la biodiversité agricole dans le monde et les questions liées aux mélanges empêchent une évaluation correcte des risques liés aux impacts involontaires des pesticides, ce qui rend essentielle la surveillance de l’exposition de la faune à ces composés.

    L’exposition des mammifères en liberté aux anciens pesticides (interdits et restreints : BRP [Banned and Restricted] ) et aux pesticides actuellement utilisés (CUP [currently used pesticides]) a été étudiée, en testant les hypothèses suivantes : (1) une bioaccumulation de fond pour les BRP alors qu’un modèle de « point chaud » pour les CUP [sic] , (2) des profils de contamination différents entre les carnivores et les granivores/omnivores, et (3) le rôle des zones non traitées comme refuges vers [« towards », sic] l’exposition aux CUP.

    Des souris Apodemus (omnivores) et des musaraignes Crocidura (insectivores) ont été échantillonnées dans deux paysages agricoles français (n = 93).

    Les concentrations de 140 substances chimiques mères et métabolites ont été analysées dans des échantillons de poils. Un total de 112 composés a été détecté, montrant une exposition des petits mammifères aux fongicides, herbicides et insecticides avec 32 à 65 résidus détectés par individu (13-26 BRP et 18-41 CUP).

    Les fréquences de détection dépassaient 75 % des individus pour 13 BRP et 25 CUP. Des concentrations supérieures à 10 ng/g ont été quantifiées pour 7 BRP et 29 CUP (chez 46 % et 72 % des individus, respectivement), et supérieures à 100 ng/g pour 10 CUP (chez 22 % des individus).

    La contamination (nombre de composés ou concentrations) était globalement plus élevée chez les musaraignes que chez les rongeurs et plus élevée chez les animaux capturés dans les haies et les cultures céréalières que dans les prairies, mais ne différait pas significativement entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique.

    Une contamination générale et omniprésente par les pesticides anciens et actuels a été mise en évidence, soulevant des questions sur les voies d’exposition et les impacts sur les écosystèmes.

    Nous proposons un concept appelé biowidening , décrivant une augmentation de la diversité des composés aux niveaux trophiques supérieurs. Ce travail suggère que l’exposition de la faune à des mélanges de pesticides est une règle plutôt qu’une exception, soulignant la nécessité de prendre en compte le concept d’exposome et remettant en question la pertinence des processus actuels d’évaluation et d’atténuation des risques. »

    Une remise en question ? Ben voyons…

    On ne s’étonnera pas de la conclusion du résumé : jeter la suspicion et le doute sur « la pertinence des processus actuels d’évaluation et d’atténuation des risques » est un sport favori de la recherche militante.

    Mais, fondamentalement, à part des fréquences de détection et des niveaux de résidus dans les poils, nous ne disposons d’aucune indication sur la signification pratique de ce qui a été trouvé.

    Ce long article porte sur 93 animaux capturés sur deux sites, dans divers habitats (fermes conventionnelles et biologiques, champs avec cultures différentes, prairies et haies) et les auteurs se sont livrés à diverses comparaisons. Rassurez-vous… il y a un graphique affichant un p value de 0,001…

    Boxplots du nombre de molécules et de la somme des concentrations pour (a) les pesticides interdits ou restreints (BRP) et (b) les pesticides actuellement utilisés (CUP) selon les habitats, les espèces et les sites. Les différences statistiques entre les groupes sont indiquées par des lettres minuscules, des lettres différentes indiquent des différences statistiquement significatives entre les niveaux de facteurs (signification statistique : valeur p< 0,05). C céréales, G prairies, H haies, Crru Crocidura russula musaraigne, Apsy Apodemus sylvaticus souris des bois, ZAAJ Zone Atelier Arc Jurassien, ZAPVS Zone Atelier Plaine et Val de Sèvre.

    Des détections, mais à quel niveau ?

    On peut se limiter aux données de base des tableaux 1 et 2 qui vous donnent l’essentiel de ce qui a été trouvé. C’est – évidemment – dans l’ordre des fréquences de détection, réunir les fréquences de 100 % en un bloc étant bien plus anxiogène que, par exemple, un classement alphabétique des substances analysées.

    Voici le début et une partie médiane du tableau 1, sur les concentrations de pesticides interdits ou restreints (BRP) dans des échantillons de poils de petits mammifères, classées – répétons-le – par nombre décroissant de détections. La fin du tableau porte sur les 17 substances qui n’ont pas été détectées.

    On peut sursauter devant le fait que l’on trouve encore des résidus de substances bannies ou retirées du marché il y a, notamment, 34 ans. Il y a plusieurs raisons à cela, y compris la persistance des molécules qu’on a pu utiliser par le passé, ou la séquestration suivie du relargage de molécules.

    Mais il faut s’attacher aux concentrations, exprimées en nanogrammes de substance par gramme de poils. Cela risque de ne pas vous dire grand-chose.

    Alors convertissons :

    Un nanogramme/gramme (ng/g) = un microgramme/kilogramme (µg/kg) = un milligramme/tonne (mg/t)

    Ou, en gros, un tiers de gramme dans une piscine olympique de 3000 m 3 .

    Notons en passant que des limites de quantification inférieures aux limites de détection (lignes 3, 13, 15 sur la partie reproduite du tableau) sont pour le moins curieuses.

    Plus important, il y a des limites de détection à 0,001 ng/g, soit… un tiers de milligramme dans une piscine olympique.

    Et tout l’argument est monté sur les détections, c’est-à-dire, en quelque sorte, les mouvements d’un pouce sur le bouton-poussoir d’un compteur, plutôt que sur les quantifications, c’est-à-dire des mesures précises (ou relativement précises).

    La dangerosité illustrée par le cas du fipronil

    Mais cela ne dit encore rien de la dangerosité ou pour reprendre les termes du résumé, « la pertinence des processus actuels d’évaluation et d’atténuation des risques ».

    De manière arbitraire, les auteurs ont mis en gras les valeurs maximales supérieures à 10 ng/g. Cela n’a aucun sens comme l’illustre le fait que les doses journalières admissibles (DJA) pour les humains varient d’une substance à l’autre.

    Il y a dans la liste (ligne 9) le fipronil. La limite de détection est annoncée à 0,003 ng/g (ou µg/kg). La médiane (50 % des animaux sont en dessous de cette valeur, 50 % au-dessus) est de 0,011 ng/g pour les musaraignes et de 0,013 ng/g (ou µg/kg) pour les souris.

    Cette médiane est, en gros, 10 fois inférieure à la limite de quantification (0,1 ng/g). Si le travail avait été réalisé sur la base des limites de quantification, on n’aurait pas trouvé 100 % de contamination, mais seulement quelques musaraignes et aucune souris présentant des traces de fipronil.

    Dans le cas de la DCPMU, par exemple, le résultat aurait été… zéro.

    Relevons encore que plus les instruments gagnent en précision (et plus on cherche), plus on trouve.

    Mais retournons au fipronil.

    Il se trouve que le fipronil entre dans la composition de produits antipuces et antitiques pour chats et chiens. J’ai dans ma main… – euh… ça c’était Joseph McCarthy – dans ma pharmacie des pipettes dosées à 50 mg. Cela fait 10 mg/kilogramme de poids corporel pour un chat de 5 kilos.

    En d’autres termes, les auteurs ont trouvé une concentration médiane qui représente en gros le millionième de la dose administrée à un chat, dont une partie se retrouve sur nos mains quand on caresse le chat en ayant oublié qu’on l’a antipucé une heure avant.

    Les substances en cours d’utilisation

    Pour les substances en cours d’utilisation on a fort logiquement trouvé quelques concentrations maximales notablement plus élevées. Mais les médianes sont du même ordre et on reste dans le petit ou l’infiniment petit.

    La difficulté ici est que, sauf erreur, il n’y a pas d’études faisant un lien entre la concentration d’une substance dans les cheveux ou les poils et l’effet de la substance sur la santé.

    Risquons-nous à une comparaison acrobatique pour le pire cas : la concentration maximale observée est de 500 ng/g (0,5 mg/kg) dans le cas du dichlorprop chez une musaraigne. La dose journalière admissible (DJA) humaine a été fixée à 0,06 mg/kg p.c. sur la base d’une NOAEL (dose sans effet nocif observable) de 6 mg/kg de poids corporel (p.c.) à long terme établie sur la souris. Ces 500 ng/g correspondent en gros à 8 % de la NOAEL. La médiane (0,482 ng/g, inférieure à la limite de quantification de 1 ng/g…) est en gros 1000 fois inférieure à ce maximum et 800 000 fois inférieure à la NOAEL, ou 8000 fois notre DJA.

    Ces chiffres sont à manier avec une grande prudence. Le poil contient les doses ingérées sur une période prolongée mais seule une fraction de ces doses se retrouve dans le poil. Il serait fastidieux de se plonger dans la toxicocinétique ; cependant, il n’y a manifestement pas de quoi prêcher l’apocalypse.

    Il aurait sans doute été intéressant de procéder à des dosages sur d’autres matrices (cela vient d’être fait sur le sang de quelques oiseaux pour quelques substances).

    Et donc ?

    Pour résumer, donc, le chambard médiatique n’a pas lieu d’être.

    Où vont nos sous ?

    « Ce travail a été soutenu financièrement par l’Agence Française pour la Biodiversité, les redevances pour pollutions diffuses provenant du plan Ecophyto via l’agence nationale ONEMA, dans le cadre de l’action pilotée par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et le ministère de la Transition écologique et solidaire (projet « RESCAPE », appel à recherche « Résistance et Pesticides » 2014) ; la Zone Atelier Arc Jurassien (appel à recherche 2015, appel à recherche 2017) ; et l’Université de Franche-Comté (projet « INEXSS », appel à recherche « Chrysalide » 2017). »

    Les agriculteurs peuvent légitimement s’interroger : les redevances pour pollutions diffuses et les fonds alloués au plan Ecophyto sont-ils bien investis dans ce genre de projet ?

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      La mystification des « hommes-abeilles » de Chine

      André Heitz · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 21 December, 2022 - 03:50 · 4 minutes

    Arte diffuse en ce mois de décembre un documentaire suédois, Chine – la terre muette .

    Resurgit donc l’allégation selon laquelle la disparition (alléguée) des abeilles et autres pollinisateurs du fait d’un usage inconsidéré de pesticides forcerait des producteurs de pommes et de poires de certains districts du Sichuan, notamment celui de Hanyuan, à polliniser les fleurs de leurs arbres à la main.

    Cherchez « pollinisation + Chine » dans la rubrique « vidéos », et votre moteur de recherche vous affichera environ 15 600 résultats !

    Une séquence du National Geographic explique bien le contexte général et le mode opératoire. Avec une mise en contexte anxiogène. La récolte est belle et à la minute 00:33…

    « … mais ce ne sont pas les abeilles que doivent remercier les fermiers pour leur abondante production. Car ici, elles ont disparu depuis bien longtemps. [Musique doucereuse pour ménager le suspense.] Au début des années 1980, l’utilisation non contrôlée de pesticides a annéanti toutes les abeilles de la région et tué toutes les plantes à pollen qui subvenaient à leurs besoins… »

    Cette autre séquence de France Info , avec une musique quelque peu anxiogène, accuse aussi l’agriculture intensive et « l’utilisation excessive de pesticides dans les vergers ».

    Mais elle évoque également un fait sans en tirer les conséquences :

    « Face à cette crise, la location d’abeilles par des apiculteurs est devenue un commerce important dans la province. Mais une méthode moins chère est aussi employée : la pollinisation à la main. »

    Mes pérégrinations m’ont aussi amené à « Decline of bees forces China’s apple farmers to pollinate by hand » (le déclin des abeilles oblige les pomiculteurs chinois à polliniser à la main). En chapô :

    « Selon Dave Goulson, expert en pollinisation, le déclin des abeilles sauvages en Chine ne menace pas seulement les récoltes de pommes et de poires. »

    Est-ce crédible que toutes les abeilles, domestiques et sauvages, et les plantes mellifères aient disparu en fait depuis des décennies ? Est-ce crédible que, alertées par des producteurs, les autorités chinoises aient répondu, selon le National Geographic » : « Pollinisez à la main ! » ?

    Est-ce crédible, venant pourtant d’un scientifique réputé – certes aussi réputé pour être un chercheur militant et même plus que militant –, que le déclin des abeilles sauvages pose problème pour les pommiers et poiriers ?

    Bien sûr que non ! Tout au moins pas dans cette ampleur. Que l’extension des surfaces cultivées et la disparition ou réduction concomitante des habitats et l’évolution des techniques – un usage excessif et inconsidéré des pesticides – aient eu un effet négatif est difficilement contestable. La disparition totale des abeilles et autres pollinisateurs relève toutefois du mythe.

    Mais trouver des informations pertinentes dans le déluge d’articles prêchant l’apocalypse relève de la recherche de la légendaire aiguille dans une meule de foin.

    Voici cependant « La pollinisation manuelle en Chine: Une mystification apido-médiatique française ». C’est de M. André Fougeroux, membre de l’Académie d’Agriculture de France mais aussi ancien de Syngenta… suspect… En fait non : c’est publié par Apiservices et cela a été relu par M. Bernard Vaissière, chargé de recherches à l’ INRAE , unité Abeilles et Environnement. Il y a aussi « La pollinisation humaine en Chine – une fable écologique un peu trop parfaite ? » du blog Les recherches de Nicolas , avec essentiellement le même constat.

    Les pommiers et les poiriers sont essentiellement auto-incompatibles : les fleurs d’une variété donnée ne peuvent être fécondées que par du pollen d’une autre variété compatible étant entendu que ces deux variétés doivent fleurir en même temps et leurs arbres ne pas être trop éloignés les uns des autres. Aussi, les vergers se composent généralement d’une variété principale et de pollinisateurs.

    M. André Fougeroux écrit :

    « En général, la proportion d’arbres pollinisateurs dans un verger est autour de 1 à 3 pour 10 arbres de la variété de production. Il s’agit donc d’une décision économique : plus il y a d’arbres pollinisateurs et moins il y a d’arbres de production de la variété souhaitée. Et la proportion d’arbres pollinisateurs plantée dans cette vallée du Sichuan est bien trop faible, d’où la nécessité d’une pollinisation manuelle complémentaire. »

    Et Nicolas :

    « Le point numéro 1 permet d’expliquer un paradoxe apparent qui est que les arboriculteurs polliniseraient à la main du fait d’un manque d’abeilles alors que des ruches sont disponibles à la location localement pour un coût huit fois inférieur à celui de la pollinisation humaine ( Partap et al. 2001 ) et que même parfois les arboriculteurs possèdent eux-mêmes des ruches ( Swan 2014 ) ! C’est bien le manque de pollen permettant la pollinisation qui est le facteur limitant et pas tant, à priori, les pollinisateurs. En effet, à quoi bon louer des ruches si, de toute façon, les abeilles ne pourront pas trouver facilement le pollen qu’il faut pour polliniser ? »

    La situation a changé depuis 2001 du fait du développement économique de la Chine. Mais le constat principal reste inchangé.

    Partageons aussi sa conclusion :

    « Cette histoire questionne une nouvelle fois le rapport des médias au catastrophisme écologique. Il est évident que la mise en garde d’Einstein peut nous inquiéter quand il a dit que « Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre « , le problème est qu’Einstein n’a jamais prononcé cette phrase… »

    Il n’y a pas que les médias. Il y a aussi des lobbies qui instrumentalisent la mystification du Sichuan pour leurs discours antipesticides… et Einstein … et aussi la crédultié ambiante.

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      Semences de betteraves enrobées d’un néonicotinoïde : retour sur deux scandales

      André Heitz · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 December, 2022 - 03:50 · 10 minutes

    Dans « Fesneau favorable à une nouvelle dérogation pour les néonicotinoïdes », la France Agricole (accès libre) rapporte que le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a déclaré le 8 décembre 2022, dans une vidéo diffusée lors de l’assemblée générale de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves (CGB) :

    « Une troisième [dérogation] est à venir, en tout cas je l’espère, et je pense qu’elle sera utile pour pouvoir déroger ( sic ) et lutter efficacement contre la jaunisse en attente de solutions alternatives »

    Une annonce qui ne mange pas de pain

    Il n’y a là rien de bien époustouflant. Du reste, on peut interpréter cela comme un vœu pieux du successeur de l’énergique Julien Denormandie.

    C’est la mise en œuvre – espérée – de l’ article L253-8 , deuxième alinéa du II, du Code rural et de la pêche maritime – qui permet des dérogations sous certaines conditions jusqu’au 1er juillet 2023 –, combiné à l’ article L253-8-3 – qui limite ces dérogations aux semences de betteraves sucrières. Admirez aux passage la fantastique technique rédactionnelle … deux articles alors qu’il suffisait d’ajouter trois mots à l’un.

    Il s’agit d’une dérogation de 120 jours, conforme au droit européen ( article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 ). Elle permet de produire et d’utiliser sous certaines conditions des semences de betteraves sucrières enrobées d’imidaclopride ou de thiaméthoxame afin de lutter contre les pucerons vecteurs de viroses (des jaunisses) qui peuvent être très impactantes sur le rendement et la rentabilité des cultures (voir ici la dérogation de 2021 ). En 2020, la jaunisse avait entraîné la destruction de 30 % de la récolte de betteraves sucrières, 60 % localement, et 280 millions d’euros de pertes .

    En l’état actuel des choses, cette dérogation est indispensable à moins de tuer la filière sucrière avec toutes ses industries connectées et d’importer sucre, éthanol et autres produits dérivés. Bien sûr on peut contester en arguant d’un hiver suffisamment froid pour éliminer les réservoirs de pucerons… et mettre le risque de se planter à la charge des producteurs.

    Premières protestations

    Et pourtant… On peut s’attendre à des remous politiques et médiatiques…

    Voilà déjà l’ancienne ministre de la Transition écologique et maintenant députée Renaissance, Barbara Pompili, monter au créneau pour défendre ce qu’elle avait obtenu de haute lutte – après avoir dû manger son chapeau et renoncer à une interdiction absolue : la limitation dans le temps de la faculté d’accorder des dérogations à 2023. « Hâte de lire ce rapport », écrit-elle ? Elle y apprendra sans doute que les « alternatives » n’apparaissent pas à la suite d’un claquement de doigts. Et sauf miracle cela ne changera pas son positionnement.

    Voilà déjà un conseiller municipal de Villiers/Marne, sans doute spécialiste de la betterave et de ses ennemis (ironie) mais « fervent défenseur de la cause environnementale », qui insulte la filière betteravière et ses acteurs…

    Voilà déjà une entité incorporée sous forme d’association, en relations mutuellement profitables avec le biobusiness, qui, sans connaître l’état actuel du dossier, annonce déjà une position dogmatique…

    Voilà déjà une journaliste…

    La « science » militante… et complotiste

    En fait, elle fait bien de nous rappeler que « Ces pesticides sont une arme de destruction massive des abeilles ».

    Mais c’est là un article de foi de la mouvance antipesticides et un puissant élément de langage d’une profession apicole qui, notamment en France, a « chargé » les néonicotinoïdes pour des « crimes » – la mortalité ou l’effondrement des colonies d’abeilles – qu’ils n’ont pas commis.

    L’interdiction de trois néonicotinoïdes dans l’Union européenne pour toutes les espèces cultivées et tous les usages sauf en milieu confiné (clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxame), suivie du non-renouvellement de l’autorisation d’un quatrième (le thiaclopride), a une longue histoire.

    L’une des étapes clés a été ce qu’il faut bien appeler un complot ourdi par des scientifiques. Nous l’avons décrit plus en détail dans « La condamnation d’abord ! La motivation ensuite !… Malice au Pays des Abeilles » sur le blog Imposteurs .

    Ce complot est parfaitement et irréfutablement documenté par les conspirateurs eux-mêmes dans le compte rendu d’un « atelier de travail » tenu à Orsay, à l’Université de Paris-Sud, du 28 au 30 juin 2010, et dans son annexe.

    Voici un extrait qui démontre que l’on a planifié une « science » militante au service d’une cause :

    « Il a été convenu que, sur la base des résultats de la réunion de Paris, les quatre études ( research papers ) clés seront publiées dans des revues à comité de lecture. Sur la base de ces documents, une étude sera soumise à Science (premier choix) ou Nature (deuxième choix) ; elle présentera de nouvelles analyses et conclusions dans toutes les disciplines scientifiques pour démontrer de façon aussi convaincante que possible l’impact des néonicotionoides sur les insectes, les oiseaux, les autres espèces, les fonctions des écosystèmes, et les moyens de subsistance de l’Homme. Ce papier à fort impact aura un premier auteur soigneusement choisi, un noyau d’auteurs composé de sept personnes ou moins (y compris les auteurs des quatre premiers documents), et un ensemble d’auteurs plus large pour obtenir une couverture globale et interdisciplinaire. Une quantité importante de preuves à l’appui figureront en ligne dans la partie « Supporting Online Material « . Un papier parallèle, « frère » (ce serait un document plus court de forum des politiques) pourrait être soumis simultanément à S cience pour attirer l’attention sur les implications politiques de l’autre papier et appeler à un moratoire sur l’utilisation et la vente de pesticides néonicotinoïdes. Nous essaieront de rassembler quelques grands noms du monde scientifique comme auteurs de ce document. Si nous réussissons à faire publier ces deux documents, il y aura un impact énorme, et une campagne menée par le WWF, etc. pourra être lancée immédiatement. Il sera beaucoup plus difficile pour les politiciens d’ignorer un document de recherche et un document de forum des politiques publiés dans S cience . La chose la plus urgente est d’obtenir le changement de politique nécessaire et de faire interdire ces pesticides, pas de lancer une campagne. Une base scientifique plus solide devrait se traduire par une campagne plus courte. En tout cas, cela va prendre du temps, car l’industrie chimique va jeter des millions dans un exercice de lobbying. »

    Des États membres cyniques

    L’histoire est aussi une saga sur le plan européen. On a agité tous les épouvantails possibles et imaginables. Le gouvernement français – phare de l’Union européenne, n’est-il pas ? – y a joué un rôle important.

    On a aussi pu exploiter les incertitudes et la prudence des évaluations de l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA). Des affirmations telles que : « un risque pour les abeilles a été signalé ou n’a pas pu être exclu » sont en effet propices à une application – en principe prudente, en réalité démagogique – du principe de précaution .

    Mais la décision d’interdire des néonicotinoïdes a aussi pu se prendre grâce aux dérogations permettant de répondre aux « situations d’urgence en matière de protection phytosanitaire ». Selon le principe « fermer la porte, mais ouvrir la fenêtre ».

    C’est là un autre scandale. En cédant à la paresse, les instances de décision ont accrédité la thèse des « néonicotinoïdes tueurs d’abeilles » et permis aux prêcheurs d’apocalypse de cibler un nouveau totem à abattre (le sulfoxaflor en France).

    En 2020 et 2021, onze États membres (Allemagne, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie) avaient accordé 17 autorisations d’urgence essentiellement pour la betterave sucrière.

    Pressée par l’activisme antipesticides et sans doute animée par sa propre aversion aux produits phytosanitaires, la Commission européenne a demandé l’avis de l’EFSA sur la pertinence des dérogations. Conclusion générale publiée le 18 novembre 2021 (voir ici pour la dérogation française) :

    « Dans les 17 cas, l’EFSA a conclu que les autorisations d’urgence étaient justifiées, soit parce qu’aucune méthode ou produit alternatif – chimique ou non chimique – n’était disponible, soit parce qu’il existait un risque que l’organisme nuisible développe une résistance aux produits alternatifs disponibles. »

    Les bénéfices l’emportent sur les risques

    Les néonicotinoïdes ont été utilisés pendant longtemps dans l’Union européenne pour une large gamme d’espèces cultivées et d’insectes cibles. Ils le sont toujours dans d’autres parties du monde. Y sacrifie-t-on la faune non cible et plus particulièrement les abeilles et les autres pollinisateurs ? Bien sûr que non ! Voir ici pour le Canada.

    L’enrobage des semences de betteraves – des plantes non visitées par les abeilles car ne fleurissant pas en culture pour la production de sucre et de toute façon non mellifères – est une des utilisations les plus vertueuses.

    En témoigne par exemple le fait que les apiculteurs canadiens de l’Alberta se sont opposés à plusieurs reprises à l’interdiction des néonicotinoïdes : ils n’ont aucun souci à installer leurs ruches à proximité des champs de canola (colza) issu de semences enrobées.

    En résumé, selon le Dr Sarah Wood , professeur agrégé de pathologie vétérinaire au Western College of Veterinary Medicine de l’Université de la Saskatchewan :

    « Nous savons que plus de 95 % de notre canola est cultivé à partir de semences traitées avec un néonicotinoïde, nous savons donc que les abeilles domestiques sont exposées à de très faibles niveaux de ces insecticides lorsqu’elles pollinisent le canola.

    Dans le même temps, nous savons également que les abeilles mellifères se portent très bien sur le canola, qu’elles sont productives et qu’elles produisent beaucoup d’excellent miel de canola. »

    Les néonicotinoïdes sont bien sûr dangereux pour les abeilles. Mais ils peuvent être utilisés selon des préconisations qui éliminent les risques ou les réduisent à un niveau acceptable.

    L’enrobage des semences de betteraves fait partie des utilisations les plus vertueuses, produit des bénéfices importants et du point de vue de la protection de la faune est plus favorable que les alternatives, c’est-à-dire les traitements insecticides aériens.

    Mais gageons que cela n’empêchera pas l’activisme de remettre une pièce dans le bastringue et de faire jouer la même scie. Les faits ne sauraient faire obstacle à l’idéologie.

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      Pour moi, agriculteur, fini la betterave !

      Auteur invité · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 30 October, 2022 - 03:30 · 5 minutes

    Par Jean-François Pâques.

    Je suis agriculteur sur une petite exploitation en Champagne crayeuse.

    Après avoir arrêté la culture du colza depuis 2019 car devenu difficile à implanter (sécheresse d’été), et encore plus difficile à désherber avec la suppression de certains herbicides, c’est celle de la betterave que je risque fort d’arrêter.

    En plus du prix de vente historiquement bas, je subis comme tous mes voisins la présence de jaunisse qui va amputer mon rendement de 20 ou 30 %, malgré plusieurs insecticides en végétation au coût non négligeable, qui ont été moins efficaces contre les pucerons que les néonicotinoïdes retirés l’an dernier pour des raisons purement idéologiques.

    C’était soi-disant pour protéger les abeilles , mais comme les betteraves ne fleurissent pas, les abeilles n’y viennent pas. L’interdiction des néonics est donc totalement infondée. Donc fini la betterave, et je ne serai pas le seul.

    Sans betteraves, les sucreries ne vont pas tarder à fermer. Et donc adieu mes parts sociales dans ma coop betteravière.

    Adieu aussi les centaines d’emplois dans ces sucreries, et chez tous les sous-traitants qui y travaillent. À la récolte, des dizaines de transporteurs approvisionnent les usines en betteraves (deux millions de tonnes par an pour la seule sucrerie où je livre), et la saison betteravière est souvent une grosse part de leur chiffre d’affaires. Dommage pour eux, ils devront trouver autre chose à transporter, pour ceux qui ne feront pas faillite.

    Ces mêmes transporteurs évacuaient les pulpes vers les éleveurs du coin, qui trouvaient ainsi une nourriture de qualité pour leurs animaux. Il devront trouver autre chose.

    Et la pulpe va aussi en usine de déshydratation, en prenant le relais de la campagne de luzerne. Sans toutes ces tonnes de pulpes à traiter, la luzerne seule ne va pas suffire à rentabiliser nos déshydrateurs qui vont donc devoir diminuer leurs prix, payés aux agriculteurs, pour ne pas crouler. Et si le prix de la luzerne baisse, rares seront les agriculteurs qui continueront à en cultiver. Et donc disparition aussi des déshydrateurs, de leurs salariés, et d’une autre source d’aliments de qualité pour nos éleveurs.

    Colza, betterave, luzerne, ça fait déjà trois cultures qui dégagent. Au passage, colza et luzerne sont deux cultures très fréquentées par les abeilles. Où iront-elles butiner quand ces cultures ne seront plus là ? Pour sauver les abeilles, on en arrive à faire disparaître leurs sources d’approvisionnement ! Bien joué !

    Mais ce n’est pas fini.

    Accolées à nos sucreries, il y a parfois des distilleries. Sans sucrerie, pas de distillerie. On allonge donc la liste des chômeurs à venir. Au nord de Reims, un gros complexe agro-industriel majoritairement coopératif associe ainsi une distillerie à une sucrerie et à plusieurs autres usines, les sous-produits d’une usine servant de matière première à l’usine d’à côté (voir ici ).

    Cette distillerie a la particularité de travailler avec des sous-produits betteraviers et du blé. Elle engloutit ainsi 400 à 450 000 tonnes de blé par an. Mais elle ne peut pas travailler qu’avec du blé. Donc si la sucrerie ferme, la distillerie ferme aussi, et le blé devra trouver une autre destination.

    La distillation du blé produisait des drèches, qui vont donc disparaître aussi. C’est un troisième aliment de choix pour l’élevage qui disparaît. Heureusement que le Brésil et les USA sont prêts à nous vendre du maïs et du soja en grandes quantités pour compenser. Produits souvent OGM. Ce n’est pas un problème car sans danger, mais interdit de production chez nous.

    On continue ?

    Dans les groupe d’usines pré-citées, il y a une amidonnerie (encore 400 à 450 000 tonnes de blé par an). Pour améliorer ses process , elle utilise certains sous-produits de la sucrerie et de la distillerie voisines. Sans celles-ci, on supprime son avantage technique et économique par rapport à ses concurrents.

    Dans cet ensemble on trouve aussi de la production d’acide hyaluronique utilisé en cosmétique. Production menacée si les ingrédients de base provenant des usines voisines disparaissent. Et c’est un produit à haute valeur ajoutée qui est menacé.

    Les concurrents s’en réjouiront.

    À condition d’avoir une production de biomasse…

    Au final, nos petites copines abeilles, qui n’ont jamais butiné une fleur de betterave, vont pleurer la disparition du colza et de la luzerne, alors que pas une n’a jamais souffert des néonics qui protégeaient nos betteraves jusqu’à l’an dernier.

    Les éleveurs vont pleurer la disparition de leur source de pulpes de betteraves, de drèches de blé, de luzerne déshydratée et autre balles de luzerne, de tourteaux de colza (sans colza, adieu aussi les usines locales de trituration de colza).

    Les agriculteurs vont pleurer la fin de cultures bonnes pour l’environnement (luzerne), bonnes pour diversifier les rotations, bonnes pour leur revenu (autrefois). Il vont faire des céréales et… des céréales. Et Bruxelles leur dira qu’ils ne respectent pas les critères de diversification. Quelques cultures semencières (pois, graminées…) ne suffiront pas à assurer une diversification et un revenu suffisant.

    Les transporteurs vont pleurer la disparition de la betterave.

    Les agriculteurs-coopérateurs vont pleurer la disparition de leurs parts sociales souscrites dans leurs coops betteraves et luzerne qui risquent de couler.

    Les salariés de toutes les usines concernées vont pleurer en allant pointer à Pôle Emploi.

    Tous les sous-traitants qui assurent l’entretien et l’amélioration continue de ces usines vont pleurer aussi la disparition de ces gros clients.

    Notre balance commerciale va pleurer la disparition des exportations d’alimentation animale vers nos voisins belges et hollandais, gros consommateurs.

    Nos voisins agriculteurs des régions voisines vont pleurer en voyant affluer sur les marchés toutes les céréales champenoises qui auront moins de débouchés locaux, plus toutes les quantités produites sur les surfaces auparavant emblavées en colza, luzerne et betterave.

    J’ai peut-être un peu noirci le tableau, mais l’idée générale est là.

    Pour la suppression d’une famille de produits (néonicotinoïdes) sur des bases purement idéologiques (je sais, je me répète, mais c’est la triste vérité), on va assister à des catastrophes en chaîne de grande ampleur, dans le monde agricole mais pas seulement, et on n’aura sauvé aucune abeille alors que c’était le prétexte avancé. Et on va même en condamner un grand nombre en supprimant leur source d’alimentation.

    Messieurs les politiques, écoutez les scientifiques et pas les écologistes politiques, qui trouveront sans fin des prétextes fallacieux pour faire interdire tout un tas de choses avec comme seul but la décroissance.

    Article publié initialement le 22 août 2020

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      Mathias Poujol-Rost ✅ · Saturday, 4 June, 2022 - 07:55

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      Nomination polémique d'une ex-conseillère du nouveau ministre de l’Agriculture

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 25 May, 2022 - 15:14 · 2 minutes

    Marc Fesneau, ici en 2020, pourrait être amené à  Marc Fesneau, ici en 2020, pourrait être amené à

    POLITIQUE - Une nomination qui interroge. Selon le média spécialisé Contexte , Éléonore Leprettre, ancienne collaboratrice au cabinet de Marc Fesneau, prendra le 1er juin les fonctions de responsable des affaires publiques de Phytéis, ex-Union des industries de la protection des plantes. Celle qui a notamment été cheffe de cabinet du ministre des Relations avec le Parlement rejoint donc une organisation professionnelle qui réunit 19 fabricants de produits phytosanitaires . En clair, le principal lobby de producteurs de pesticides dans l’Hexagone, parmi lesquels Bayer (qui a racheté Monsanto, fabricant du glyphosate en 2016) et BASF.

    Là où l’affaire se complique, c’est que son ancien patron, Marc Fesneau, vient d’être nommé à l’Agriculture au sein du gouvernement d’Élisabeth Borne. Le ministre, issu du Modem, sera notamment chargé de la mise en œuvre du plan Écophyto II+, qui prévoit notamment de réduire les usages de “produits phytopharmaceutiques” de 50% d’ici 2025. Un objectif par ailleurs imposé par la Commission européenne à échéance 2030.

    “Absolument scandaleux”

    Selon nos confrères du Monde , le projet de reconversion d’Éléonore Leprette dans le privé est bien antérieur à la promotion de Marc Fesneau, puisque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a été saisie le 26 avril de sa demande de quitter le service public pour Phytéis. Toujours selon Le Monde , la HATVP a rendu un avis favorable le 16 mai, qui n’a pas été rendu public.

    Il n’en fallait toutefois pas davantage pour susciter des réactions indignées chez les écologistes et cadres de la NUPES (Nouvelle Union populaire, écologiste et solidaire). “Les lobbys au cœur du quinquennat saison 2”, a dénoncé Yannick Jadot sur son compte Twitter . Pour l’ancien candidat à la présidentielle, cette nomination est “absolument scandaleu(se) au regard des urgences environnementales, sanitaires et alimentaires”.

    Pour Sandrine Rousseau , “voilà la Macronie à visage découvert”. Et la candidate NUPES aux législatives d’appeler à la “lutte contre les lobbies” dans les urnes les 12 et 19 juin. “Les lobbyistes n’ont pas l’oreille attentive du gouvernement, ils sont le gouvernement!”, s’est ému le député LFI Loïc Prud’homme, qui s’engage à “déposer une proposition de loi contre ces pratiques dès l’été”. “Ni honte, ni honneur”, a tweeté le député Aurélien Taché (ex-LREM, lui aussi investi par la NUPES), tandis que l’association Attac ironise sur le “pantouflage”, “grande cause du quinquennat”. Sollicitée par Le Monde ,  Éléonore Leprette n’a pas donné suite.

    A voir également sur Le HuffPost : Mélenchon fustige le nouveau gouvernement mais épargne Ndiaye

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      Glyphosate: Montchalin justifie son vote contre l'interdiction en 2018, la gauche s'étouffe

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 24 May, 2022 - 10:11 · 4 minutes

    Montchalin justifie son vote contre l'interdiction du glyphosate en 2018, la gauche s'étouffe (Amélie de Montchalin le 23 mai 2022 par REUTERS/Christian Hartmann) Montchalin justifie son vote contre l'interdiction du glyphosate en 2018, la gauche s'étouffe (Amélie de Montchalin le 23 mai 2022 par REUTERS/Christian Hartmann)

    ENVIRONNEMENT - Elle “assume” et ne regrette pas son choix. Amélie de Montchalin , ancienne ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, et désormais ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires , était au micro de France Inter ce mardi 24 mai au matin.

    À cette occasion elle était interrogée sur son choix, en 2018, de voter contre un amendement qui visait à interdire le glyphosate , classé comme “cancérogène probable” par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2021. Une décision qu’elle dit “assumer” aujourd’hui, car elle l’a fait pour “ne laisser personne sans solution”.

    “Sur le glyphosate, j’assume. C’est précisément la méthode que nous voulons pousser: on agit en Européen, on agit pour ne laisser personne sans solution. Oui, on fait de la recherche, on cherche des alternatives, on fait des investissements. Le plan France 2030, il y a des investissements en milliards pour qu’on ait des nouvelles techniques, pratiques, solutions, pour que nous puissions sortir des pesticides et autres”, a justifié la ministre de la Transition écologique.

    Elle poursuit ainsi:

    “Je ne regrette pas une chose: d’avoir considéré que ce sujet était européen. À l’époque, souvenez-vous, la France s’était battue pour que le glyphosate soit au maximum autorisé pour cinq ans - ça va arriver en 2023 - plutôt que pour dix ans. Oui, en tant que député, j’avais fait un choix tout à fait assumé: nous ne pouvons pas faire cavalier seul pour n’importe quel domaine que ce soit, sinon c’est notre économie, ce sont nos agriculteurs, que nous laissons dans la panade.

    Amélie de Montchalin précise par ailleurs que “pendant des années, on a imposé à nos agriculteurs des normes qui n’étaient pas imposées ailleurs. Le résultat: on a importé des produits qui n’appliquaient pas les normes, les Français consommaient des choses qui contenaient des produits qui n’étaient potentiellement pas autorisés en France”.

    La gauche s’étrangle

    Des explications qui sont loin de convaincre la gauche qui estime que les arguments de la ministre ne sont pas fondés et que les progrès en la matière ne sont pas visibles.

    “Montchalin ment. L’interdiction du glyphosate, ça devait être tout de suite. Macron a cédé pour dans 3 ans, puis pour dans 5 ans. Et dans 5 ans, juste un réexamen de la situation. Macron ne pèse rien en Europe”, dénonce Jean-Luc Mélenchon, candidat Premier ministre Nupes.

    “La ministre de l’Écologie qui assume son vote contre l’interdiction du Glyphosate. On est bien là”, tweete la candidate Nupes aux législatives à Paris Sandrine Rousseau.

    “Mon amendement sur le glyphosate, contre lequel vous avez voté en 2018, comportait toutes les dérogations nécessaires pour ne laisser aucun agriculteur sans solution”, contre le député écolo Matthieu Orphelin.

    “Pardon Amélie de Montchalin, mais le bilan de votre méthode: c’est l’inaction sur le climat comme sur le glyphosate. On consomme autant de glyphosate qu’au début du quinquennat précédent”, répond l’écologiste Samuel Leré, graphique sur l’évolution des quantités de glyphosate vendues à l’appui.

    En 2018, 11 députés LREM avaient voté pour et 34 contre sur un total de 35 voix pour et 42 contre. La présence d’Amélie de Montchalin au ministère de la Transition écologique n’est pas la seule à faire grincer des dents. Marc Fesneau , nouveau ministre de l’Agriculture, a, lui aussi, voté en 2018 contre l’interdiction du glyphosate. C’est également lui qui, dans un article de Challenges en 2020, avait traité les écolos et les vegan de “fous dangereux”.

    À voir également sur Le HuffPost: Le combat de Tran To Nga, victime de l’agent orange, face à l’industrie agrochimique