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      Esclavage moderne au Qatar : les multinationales épargnées par la critique

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Monday, 2 January, 2023 - 17:32 · 11 minutes

    A l’occasion de la Coupe du monde de football, les nations occidentales ont, à juste titre, accusé le Qatar, pays hôte, de se livrer à une exploitation des travailleurs et de faire preuve d’autoritarisme. Le monde post-colonial a de son côté reproché à l’Occident son hypocrisie sur le sujet. Les multinationales, pourtant grandes gagnantes de la compétition, ont elles été épargnées par les critiques. Article de notre partenaire Jacobin , traduit par Alexandra Knez et édité par William Bouchardon.

    La récente Coupe du monde 2022 de la FIFA a suscité de nombreux articles à propos de la politique de soft power par le sport – décrit par certains comme du « sports washing » – pratiquée par le Qatar. Avant le tournoi, les commentateurs occidentaux ont critiqué l’autoritarisme politique et les conditions de travail draconiennes du pays hôte de la compétition. En réponse, les commentateurs des pays anciennement colonisés ont légitimement pointé du doigt l’hypocrisie de l’Occident. Après tout, les anciennes superpuissances coloniales ont bien jeté les bases de la débâcle qui a eu lieu au Qatar.

    Bien que chaque camp soulève des remarques pertinentes, la discussion qui en a résulté n’a guère été productive. Le discours politique autour du mondial 2022 a surtout montré que les récits de « choc des civilisations » continuent de dominer l’imaginaire politique mondial, malgré une réalité moderne toute autre dans laquelle le capital international – qu’il soit oriental ou occidental – règne en maître, et a le pouvoir de mettre les gouvernements au pas. Pendant que nous sommes occupés à nous pointer du doigt les uns les autres, les multinationales se frottent les mains.

    Le scandale de la Coupe du Monde

    Depuis qu’il a obtenu, en 2010, le feu vert pour l’organisation de la Coupe du monde du football dans des circonstances de corruption manifestes , le petit pays pétrolier du Qatar, qui ne possédait que peu ou pas d’infrastructures sportives au départ, a lancé un mégaprojet de 220 milliards de dollars pour accueillir l’événement télévisé le plus regardé au monde.

    Si l’économie qatarie fait depuis longtemps appel aux travailleurs migrants dans tous les secteurs, leur nombre a augmenté de plus de 40 % depuis que la candidature a été retenue. Aujourd’hui, seuls 11,6 % des 2,7 millions d’habitants du pays sont des ressortissants qataris. Il y a eu une augmentation massive de migrants précaires, principalement originaires d’Asie du Sud-Est, embauchés pour effectuer le travail manuel nécessaire à la construction des infrastructures pratiquement inexistantes en vue de 2022.

    Stade de Lusail au Qatar. © Visit Qatar

    Malgré les centaines de milliards investis, les conditions de travail de ces travailleurs manuels ont fait l’objet d’une exploitation flagrante . Les travailleurs migrants du Qatar ont dû faire face à des environnements de travail mettant leur vie en danger, à des conditions de vie précaires, à des paiements tardifs et dérisoires, à des passeports confisqués et à des menaces de violence, tout en effectuant un travail manuel rendu particulièrement pénible par la chaleur étouffante du soleil du Golfe. Selon The Guardian , 6 751 travailleurs migrants sont décédés depuis que le Qatar a obtenu l’organisation de la Coupe du monde.

    Les principaux médias occidentaux n’ont commencé à souligner ces injustices qu’au cours du mois précédant le tournoi, une fois les billets achetés, les hôtels entièrement réservés et toutes les infrastructures terminées.

    Alors que les ONG de défense des droits de l’homme et les journalistes avaient documenté l’exploitation rampante des travailleurs migrants au Qatar depuis environ une décennie avant la Coupe du monde 2022, les principaux médias occidentaux n’ont commencé à souligner ces injustices qu’au cours du mois précédant le tournoi – une fois les billets achetés, les hôtels entièrement réservés et toutes les infrastructures terminées. Le média occidental le plus virulent a été la BBC, qui a même refusé de diffuser la cérémonie d’ouverture , choisissant plutôt de diffuser une table ronde condamnant le bilan du Qatar en matière de droits de l’homme.

    Bien sûr, les critiques de la BBC à l’égard du Qatar sont tout à fait valables. Toutefois, elles ne reconnaissent pas le rôle de l’héritage colonial du Royaume-Uni dans l’établissement des conditions d’exploitation de la main-d’œuvre qui existaient au Qatar bien avant la Coupe du monde. La Grande-Bretagne est en effet intervenue d’une manière matérielle et codifiée qui continue de profiter à la fois à la monarchie qatarie et au marché mondial dominé par le capital international.

    Le kafala , un héritage britannique ?

    Au cœur de l’exploitation systémique des travailleurs d’Asie du Sud-Est au Qatar et au Moyen-Orient en général, se trouve le système de kafala (parrainage), qui dispense les employeurs parrainant des visas de travailleurs migrants de se conformer aux lois du travail protégeant les ressortissants qataris. Les travailleurs migrants n’ont pas le droit de chercher un nouvel emploi, de faire partie d’un syndicat, ni même de voyager.

    La version moderne du système de kafala a pour origine un fonctionnaire colonial relativement inconnu nommé Charles Belgrave. L’actuel Qatar, et plus généralement une grande partie du Golfe de la péninsule arabe, sont tombés sous domination coloniale britannique après la défaite de l’Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale. Belgrave, un vétéran anglais de la Grande Guerre, a été nommé en 1926 conseiller de la monarchie tribale de ce qui allait devenir l’actuel Bahreïn, dans le but d’aider à créer un État-nation moderne doté d’une bureaucratie gouvernementale fonctionnelle.

    L’intention des Britanniques en administrant le Moyen-Orient post-ottoman, composé de « protectorats » ou de « mandats » plutôt que de colonies, était de garantir les intérêts britanniques à long terme dans la région. Ainsi, si le colonisateur disposait d’un certain pouvoir, les élites locales ont également conservé une grande part de leur influence et de leur patrimoine, donnant naissance à une symbiose entre les intérêts des classes dirigeants locales et celles du Royaume-Uni . Prévoyant l’éventuelle non-viabilité de la domination coloniale directe au lendemain de la guerre, l’objectif était de créer des structures stables pour que des gouvernements d’État favorables à l’Occident et alignés sur un système économique de marché libre puissent prendre le relais.

    Avant la découverte du pétrole, Bahreïn et la région environnante abritaient des sociétés côtières et nomades gravitant autour de la pêche et de la culture des perles. L’avènement des frontières tracées par les colonisateurs a créé des obstacles à cette industrie régionale qui reposait sur la libre circulation du commerce et de la main-d’œuvre à travers la mer, désormais restreinte par de nouveaux concepts comme les passeports et les visas.

    Pour y remédier, Belgrave, en coopération avec les élites locales, a codifié la première version du système moderne de kafala , qui s’est rapidement étendu à d’autres gouvernements nouvellement formés dans la région. Cela a finalement permis à Bahreïn, au Qatar, à Oman et à d’autres États du Golfe de faciliter l’immigration et l’exploitation de travailleurs d’Asie du Sud-Est.

    En 1957, la forte impopulaire du kafala au Bahreïn conduit à des protestations qui finissent par faire démissionner Belgrave de son poste. Mais le système a persisté bien après le départ de ce dernier et la fin du pouvoir britannique dans le Golfe dans les années 1960 et 1970, témoignant de l’attachement des dirigeants locaux à cet équivalent moderne de l’esclavage. Si, à la suite des révélations des ONG et d’une enquête de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le système du kafala a théoriquement été aboli en 2019 , très peu semble avoir changé en réalité. Selon un ancien haut-fonctionnaire international sur Blast , l’OIT aurait même été acheté par les qataris pour qu’une exception leur soit accordée et que la procédure judiciaire soit classée sans suite.

    Les multinationales, véritables vainqueurs du mondial

    Le kafala n’est qu’un des nombreux systèmes modernes d’exploitation du travail dans le soi-disant « tiers-monde » qui remontent à la domination coloniale occidentale. De manière générale, le mode de vie de consommation dont jouissent de nombreux Occidentaux est rendu possible par l’externalisation d’une exploitation économique extrême dans des pays post-coloniaux socialement répressifs et politiquement autoritaires.

    Ignorant les faits historiques, les reproches de l’Occident à l’égard du Qatar ont donc été, à juste titre, qualifiés d’ hypocrites par de nombreux acteurs du monde post-colonial . Un certain nombre de commentateurs se sont empressés de souligner les lacunes des gouvernements occidentaux dans leur propre lutte contre leurs mauvaises conditions de travail, sans parler du racisme, de la misogynie et de l’homophobie (autres griefs légitimes à l’encontre du gouvernement qatari) existant dans leurs propres pays.

    Ces critiques ont des arguments légitimes, tout comme le sont les critiques envers le Qatar lui-même. Mais ce débat n’a mené nulle part, l’Occident reprochant à l’Orient son retard et l’Orient reprochant à l’Occident son éternelle hypocrisie. Ce discours s’appuie sur un clivage Est/Ouest réducteur et ne parvient pas à saisir les intérêts communs des gouvernements occidentaux et orientaux et de leurs entreprises respectives dans le maintien de régimes d’exploitation et de répression sociale.

    L’administration Biden a donné son feu vert à une vente d’armes d’un milliard de dollars au Qatar pendant la mi-temps du match entre l’Iran et les États-Unis.

    Le Qatar, très proche de l’Iran, abrite la plus grande base militaire américaine du Moyen-Orient. Ce n’est donc pas une coïncidence si l’administration Biden a donné son feu vert à une vente d’armes d’un milliard de dollars au Qatar pendant la mi-temps du match entre l’Iran et les États-Unis. Un comportement habituel : les États-Unis ne se privent pas de fermer les yeux sur le despotisme de leurs alliés riches en pétrole dans le Golfe, tout en critiquant leurs ennemis autoritaires qui adoptent pourtant ce même comportement.

    Les gouvernements et les entreprises de l’Union européenne entretiennent également des relations profitables avec le Qatar. À ce sujet, quatre membres du Parlement européen ont été accusés le 11 décembre dernier d’avoir reçu des pots-de-vin de la part de responsables qataris qui cherchaient à influencer des décisions politiques. Pourtant, le fait que l’Occident profite du despotisme qatari – et de celui du Golfe en général – n’a pas été pris en compte dans les critiques adressées au Qatar ces dernières semaines. Cela n’a pas non plus été souligné par ceux qui se sont empressés d’esquiver ces critiques.

    Les critiques et les détracteurs ont très peu parlé des sponsors occidentaux , des marques de vêtements de sport , des diffuseurs sportifs et d’autres entités commerciales internationales qui ont engrangé des bénéfices massifs sur le dos des travailleurs qui ont peiné et sont morts en préparant ce tournoi. La seule organisation occidentale complice de la controverse Qatar 2022 faisant l’objet de critiques justifiées est la FIFA, une entité non corporative ou gouvernementale. À l’instar des gouvernements occidentaux, les entreprises occidentales ont été largement épargnées.

    Les critiques et les détracteurs ont très peu parlé des sponsors occidentaux, des marques de vêtements de sport, des diffuseurs sportifs et d’autres entités commerciales internationales qui ont engrangé des bénéfices massifs sur le dos des travailleurs.

    Ce récit de « choc des civilisations » qui alimente le discours autour du mondial 2022 détourne l’attention d’un autre plus grand problème qui touche à la fois le Moyen-Orient et les travailleurs migrants exploités dans le monde entier, à savoir le capitalisme néolibéral mondialisé. Le véritable gagnant de la Coupe du monde est le capital international, qu’il soit occidental ou qatari, et les véritables perdants sont les travailleurs migrants exploités et les citoyens politiquement réprimés du Qatar et du Moyen-Orient post-colonial.

    La focalisation respective de chaque partie sur des nations orientales vues comme barbares ou sur des nations occidentales hypocrites ne rend pas compte du caractère financiarisé et international du capitalisme du XXIe siècle et de la façon dont il a modifié le paysage politique mondial – unissant souvent l’Est et l’Ouest dans un projet commun visant à tirer un maximum de profit des populations pauvres exploitées de par le monde.

    Sur une note plus optimiste, la Coupe du monde 2022 a également vu l’expression d’une solidarité panarabe et post-coloniale qui va au-delà de ces frontières dessinées par la colonisation, une forme de conscience politique historiquement liées à des tendances anticapitalistes et de gauche dans les décennies passées. La présence continue du drapeau palestinien et le soutien massif dont a bénéficié l’équipe du Maroc de la part des Arabes et des Africains suggèrent le retour possible d’un discours politique post-colonial qui rompt avec ces récits improductifs de « choc des civilisations » souvent liés à l’existence des États-nations.

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      Qatar : comment mieux comprendre une société basée sur l’histoire et la tradition

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 17 December, 2022 - 03:50 · 7 minutes

    Par Anie Montigny.

    Si le Qatar se trouve au cœur de toutes les attentions ces dernières semaines, son histoire et la structure de sa société demeurent mal connues . La cause ? Une transmission orale qui s’estompe et des archives militaires britanniques qui ne livrent que des faits de piraterie , de guerres tribales , de pêcheurs de perles et d’effets de la réforme religieuse wahhabite . En outre, les lacunes et les biais systématiques des données ne permettent pas d’estimer la profondeur historique de ce pays au-delà de deux siècles.

    Comme toutes les souverainetés arabes du Golfe , les habitants de la péninsule ont été tantôt alliés, tantôt ennemis des Turcs ottomans et de leurs voisins arabes limitrophes ; et ils ont recherché la protection britannique dont la conséquence fut la pacification des tribus chamelières à la recherche de suprématie. Le Qatar fut la dernière des souverainetés à obtenir cette protection en 1916 .

    Depuis l’indépendance du pays en 1971, les documents officiels ou semi-confidentiels de l’État sont tout autant lacunaires, peu fiables ou relèvent trop directement d’une direction techno-économique. Dès lors, la société qatarie reste incomprise.

    Une hiérarchie statutaire fermement ancrée

    La société qatarie est constituée sur l’idéologie de l’origine qui a pour fonction de classer les groupes et les familles selon la qualité et la profondeur généalogique en les intégrant dans la structure sociale et politique.

    Avec la formation de l’État, l’ordre social s’est construit sur le même principe consistant à classer et différencier mais en substituant la hiérarchie statutaire à des traits socio-culturels à partir desquels des groupes et des familles sont identifiés.

    Une distinction initiale est faite sur la filiation agnatique (les descendants par les mâles) et la pureté de sang. Autrement dit, les alliances intertribales sont entretenues et sont reconnues par des généalogies anciennes. En corollaire, des prescriptions matrimoniales sont imposées.

    Familles rattachées à une structure tribale mais jugées d’origine impure du fait d’alliances entre tribus de rang social indifférencié ou familles non structurées selon le modèle tribal composent les autres strates de la société globale.

    Ces déterminants basés sur les liens du sang contribuent à établir une discrimination selon les lieux d’origine de la population : l’ Arabie et l’ Iran . Ainsi, dans les représentations, ceux ne répondant pas à ces critères sont généralement vus comme des Arabes d’Iran. De nos jours, peu de changements transgressent ces hiérarchies verticales au plan matrimonial qui s’appliquent également entre les personnes d’obédience islamique sunnite ou chiite.

    Enfin, une dernière catégorie sociale fait partie de l’histoire du pays : ce sont les descendants d’esclaves (Noirs africains surtout), qui étaient nombreux dans l’industrie perlière. Il est impossible d’en estimer le nombre car à la suite de la récession économique de 1929 et de la chute de l’économie perlière les années suivantes leurs maîtres les ont vendus. Il s’agissait aussi d’anticiper l’abolition de l’esclavage (1952) . Au plan matrimonial, ils peuvent s’allier avec des familles de rang similaire, au plus bas des rangs sociaux. Cela pose problème pour les enfants illégitimes issus d’un maître de rang élevé et d’une esclave.

    Fortes disparités sociales

    À la suite du retrait des Britanniques en 1971, Khalifa bin Hamad Al Thânî (grand-père de l’émir actuel) prit le pouvoir en 1972. La formation de l’État lui serait due, tout comme la décision d’instaurer l’égalité des citoyens.

    Depuis 2003, l’égalité entre les citoyens est reconnue par la Constitution . Néanmoins, les femmes restent soumises à l’autorité patriarcale qui implique leur contrôle par les hommes de la famille. De même, la charia établit l’inégalité de genre dont le droit à l’héritage est l’expression : une demi-part de celle des hommes. Le Code de la famille promulgué en 2006 donne quelques droits aux femmes, y compris la possibilité de demander le divorce. Mais le grand nombre de divorces est considéré comme problématique, les alliances matrimoniales étant souvent dues au choix des parents pourraient en être la cause.

    De nos jours, la population qatarie est évaluée à 15 % de la totalité des résidents (environ 2 500 000). Elle représente une minorité dominante et au plan statutaire elle se considère supérieure à toute personne étrangère. Ceci est bien visible dans les relations du travail.

    Si le PIB par habitant du Qatar est estimé comme un des plus élevés au monde , de fortes disparités existent au sein même de la société qatarie et la détermination d’un salaire médian est discutable. En effet, les membres masculins de l’aristocratie au pouvoir – la tribu Al Thânî, qui compte plusieurs milliers de personnes – perçoivent une allocation mensuelle dès leur naissance et durant toute leur vie dont le montant est plus ou moins élevé selon les liens de proximité de parenté avec l’émir au pouvoir.

    En conséquence, les Al Thânî possèdent d’immenses richesses personnelles qui incluent tous les avantages propres à leur position sociale comme la représentation de filières commerciales par exemple. Ce privilège accordé aux membres de l’aristocratie au pouvoir vaut pour tous les émirats et États arabes du Golfe et provient d’une décision britannique prise lors de la signature des contrats sur l’exploitation du pétrole dans les années 1920-1930 pour consolider un pouvoir émergeant. Les « tribus » issues des souverainetés du Golfe, représentées par un « Shaikh », sont décrites par les Britanniques comme âpres au gain dans les négociations des contrats pétroliers. Il est probable que cette décision fut prise pour atténuer les jalousies entre membres de la tribu et maintenue ensuite par ces « familles » par souci de paix sociale.

    Un autre moyen d’enrichissement aisé est la kafala ou parrainage d’entreprises commerciales étrangères ou de filières de migrants. Selon ce principe, le kafil offre sa protection en échange de rémunération. Ce système de protection qui résulte de la culture bédouine fut adapté par le pouvoir britannique dès la seconde moitié du XIX e siècle et fut réglementé vers 1930 afin de contrôler les pêcheurs de perles et de limiter les migrations de main-d’œuvre dans les premiers champs pétrolifères à Bahreïn et en Arabie orientale.

    La fonction publique demeure la principale source de revenues des Qataris tant pour les hommes que pour les femmes. Par crainte des mouvements sociaux à la suite des révoltes dans les pays arabes (2011), les salaires ont été fortement augmentés. Ceux-ci s’ajoutent à la politique dite de bien-être, qui consiste en un certain nombre d’avantages matériels et financiers offerts aux citoyens. Cela peut être le seul recours financier d’une femme divorcée sans emploi dont l’ancien conjoint n’honore pas les allocations qu’il lui doit.

    Depuis le début de l’exploitation du gaz et la manne financière qu’elle a induite , la richesse du pays semble inépuisable. Elle assure la paix sociale. Toutefois, les femmes les plus jeunes font entendre des contestations que les plus âgées n’osaient exprimer. Car, généralement plus diplômées que les garçons, elles ont très peu accès à de hautes fonctions.

    Une société en mouvement

    Depuis cinq décennies, les changements sociaux ont été profonds et rapides à la fois. Les Qataris ont souvent le sentiment d’une perte de repères. Par exemple dans le domaine de l’habitat : les quartiers jadis peuplés de groupements familiaux plus ou moins larges dans le cadre d’une tribu, de grandes familles de commerçants ou d’artisans ont été démantelés par les gouvernements précédents. De sorte que les liens tissés entre familles à partir desquels, chacun de leur côté, hommes et femmes se rendaient visite de maison en maison, organisaient les fêtes de mariage par exemple, ont disparu.

    Le sentiment d’appartenance nationale est sans cesse mobilisé grâce à l’accent mis sur les manifestations patrimoniales créées dès 1970 ( courses de dromadaires , compétitions de bateaux , fauconnerie , etc.) comme expression de l’existence du pays et de sa transformation grâce à la sagacité sur le long terme de ses dirigeants. Quelle que soit la compréhension des Qataris quant aux choix imposés par leurs dirigeants, la reconnaissance de leur pays dans les instances internationales, dont l’organisation de la Coupe du monde constitue une sorte d’apothéose, est à leurs yeux une marque d’honorabilité qui les met en valeur.

    Anie Montigny , Anthropologue attachée honoraire MNHN, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original . The Conversation

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      Ce graphique montre l’effet surprenant du match France-Maroc sur la consommation d’électricité

      news.movim.eu / Numerama · Thursday, 15 December, 2022 - 15:25

    France Maroc

    Il n'y a pas que les fans de foot qui ont vu le match entre la France et le Maroc pendant la coupe du monde au Qatar. La rencontre a pu aussi être remarquée sur le réseau électrique français, à travers les variations de la consommation. [Lire la suite]

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      Politisation du sport : l’étonnante cécité historique d’Emmanuel Macron

      Jonathan Frickert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 22 November, 2022 - 04:00 · 6 minutes

    Après le capitaine des Bleus , c’est au tour du chef de l’État d’aller de son avis sur la polémique entourant la Coupe du monde de football au Qatar. En marge d’un déplacement au Forum de coopération Asie-Pacifique en Thaïlande, Emmanuel Macron a estimé qu’il ne fallait pas « politiser le sport » .

    Lui-même frappé par une polémique sur sa potentielle venue à Doha en cas d’accession de l’équipe de France en demi-finale de la compétition, Emmanuel Macron a purement et simplement refusé de participer aux discussions sur les conditions de travail et les droits LGBT dans le premier pays exportateur mondial de gaz naturel liquéfié.

    Un idylle avec le ballon rond

    Pourtant, cette position n’a pas toujours été celle du chef de l’État.

    Emmanuel Macron joue depuis longtemps sur l’image du football pour servir sa propre communication, qu’il s’agisse de l’OM, de Kylian Mbappé ou d’évoquer le ballon rond afin d’arrondir les angles lors d’un déplacement en Algérie.

    Mais outre cet aspect de pure communication bien connu en Macronie, en bon chef d’État français le président de la République aime mettre son nez partout, y compris lorsqu’il s’agit de la réforme de la Ligue des champions en 2019, à laquelle il s’est opposé , allant jusqu’à recevoir longuement le secrétaire général de la FIFA.

    Cette contradiction montre ce qui n’est rien d’autre qu’une réalité historique : le sport a toujours été politique.

    Un jeu de pouvoir

    Le sport est d’abord politique au sens de rapports de pouvoir.

    L’exemple le plus connu est évidemment la question de l’attribution des grandes compétitions mondiales. Paris 2024 n’y a pas fait exception puisque l’ attribution des Jeux olympiques à la capitale française s’est faite à grands coups de négociations entre Paris, le CIO et la ville concurrente de Los Angeles.

    Le cas du Mondial est naturellement sur la même lancée. À quelques jours de l’ouverture de la Coupe du monde de football, ce sont près de 12 années de polémiques qui refont surface.

    L’affaire commence le 10 décembre 2010. Un petit pays, dont nous entendrons beaucoup parler dans les années à venir, avec peu d’infrastructures sportives et qui interroge sur sa capacité à loger les joueurs et supporters du monde entier ainsi que sur ses étés caniculaires, obtient l’organisation du mondial 2022. Si les événements sportifs sont souvent l’occasion pour une nation de moderniser ses infrastructures et que la compétition est finalement organisée à l’automne, l’éviction de son puissant concurrent, les États-Unis, interroge.

    En 2012, les premiers soupçons de corruption amènent l’ouverture d’une enquête interne à la FIFA concernant l’attribution de la compétition à la Russie et au Qatar en 2018 et 2022.

    En 2010, une semaine seulement avant l’attribution de la compétition au Qatar, une réunion se serait tenue à l’Élysée entre le président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, le président de l’UEFA Michel Platini et deux émissaires qataris. Ce qui s’apparente à une grande opération de lobbying aurait inclus la question de la vente du PSG et d’avions Rafale et aurait permis de retourner quatre votes décisifs en faveur de l’émirat. Faute de preuves, l’enquête s’arrête là.

    Idéologie et politisation du sport

    Mais la politisation du sport n’est pas qu’une affaire de pouvoir. Elle est également une affaire idéologique.

    À partir de 2014, la question idéologique fait la Une, entre conditions de travail des ouvriers sur les chantiers , discrimination des personnes LGBT et, depuis 2021, celle de l’ impact environnemental .

    C’est aussi l’occasion de nous souvenir que le sport a toujours été l’occasion de controverses politiques.

    Si on peut parler de l’usage du football par certaines municipalités, au niveau mondial plusieurs sports ont été l’objet d’une politisation.

    On peut évoquer la boxe avec l’engagement de Mohamed Ali contre la guerre du Vietnam , ou encore la diplomatie du ping-pong lancée par la Chine en 1971 afin de sortir de son isolement. Mais les grandes compétitions mondiales n’y font évidement pas exception.

    C’est notamment le cas des Jeux olympiques.

    L’exemple le plus récent est sans doute l’annonce de la mascotte des Jeux de Paris . Ces derniers ne sont autre que… des bonnets phrygiens.

    On peut penser aux JO de Berlin lorsque le sprinteur Jesse Owens défia chez lui Adolf Hitler .

    Trente six ans après, les JO de Munich sont devenus malgré eux un symbole du conflit israélo-palestinien après avoir été frappés par des attentats.

    Huit et 12 ans plus tard, les JO de Moscou puis de Los Angeles ont été boycottés dans un contexte de guerre froide.

    En 2008, les Jeux de Pékin ont également été l’objet de polémiques vis-à-vis notamment de la liberté de la presse.

    Autre événement : la Coupe du monde de Rugby 1995 . Cette dernière s’est déroulée dans une Afrique du Sud en proie à l’apartheid et sera un symbole de la lutte contre le racisme avec une photographie historique entre Nelson Mandela et le capitaine de l’équipe locale.

    En 2016, de l’autre côté de l’Atlantique, le football américain a lancé, par l’intermédiaire du quaterback de San Francisco Colin Kaepernick, le symbole du genou à terre en hommage au mouvement Black Lives Matter.

    Le football européen, ou soccer , est également politisé.

    Pensons au slogan « Black-Blanc-Beur » popularisé après la victoire des Bleus à la Coupe du monde 1998 et qui a servi politiquement un Jacques Chirac en perte de vitesse dans un contexte de cohabitation.

    Plus récemment, c’est la cause LGBT qui a largement tenu à cœur le ballon rond. On pensera notamment à la capitaine de l’équipe américaine féminine Megan Rapinoe, militante assumée de la cause arc-en-ciel.

    L’année dernière, à l’occasion de l’Euro et en particulier d’un match entre l’Allemagne et la Hongrie, la municipalité hôte de Munich avait souhaité illuminer le stade aux couleurs du drapeau LGBT pour dénoncer la condition des personnes de ces orientations au pays de Viktor Orbàn.

    Le pays de tous les scandales

    Le 13 novembre dernier, une enquête du Sunday Times révélait que le Qatar espionnait plusieurs personnalités , qu’il s’agisse d’avocats, d’élus ou même de l’ancien président de l’UEFA Michel Platini.

    Une décennie après les premiers soupçons de financement du terrorisme, notamment au Mali et au Niger où la France a justement envoyé des troupes, les scandales se succèdent et se ressemblent pour la monarchie du Golfe.

    Ces scandales s’ajoutent à un tableau peu reluisant s’agissant des conditions de travail, des droits des personnes LGBT ou encore du climat.

    À trois jours de l’ouverture du mondial de toutes les polémiques, le président de la République fait donc preuve d’une opportune cécité historique.

    Une cécité qui ne dépendra, malheureusement, que des résultats des Bleus dans la compétition.

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      Qatar 2022 : en attendant le foot, un peu de cirque politique !

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 22 November, 2022 - 03:50 · 4 minutes

    On attendait une rencontre sportive , on a droit à un numéro de cirque tragico-comique supervisé par le Qatar et ses différents soutiens. Entre les faux supporters qui défilent, les sponsors floués au dernier moment et un président de la Fifa qui joue grossièrement la carte de l’antiracisme woke pour répondre aux critiques adressées au Mondial dans le domaine des droits de l’Homme, le spectateur a droit à une suite de sketches en marge des matchs programmés.

    Il est donc temps de sortir son paquet de popcorn et sa bière (sans alcool) pour rappeler à ceux qui appellent au boycott que le désastre était prévisible depuis au moins… 12 ans et qu’il porte un nom : diplomatie économique. Encore une fois, c’est la politisation d’un événement populaire dans le monde entier qui aujourd’hui se traduit par un pataquès généralisé.

    Qatar, nos amis pleins aux as

    Malheureusement, dans cette histoire, on ne peut pas dire que la classe politique française se soit illustrée par sa grande clairvoyance et l’intransigeance morale qu’elle affiche régulièrement quand il est question de politique internationale.

    Certains se souviendront que c’est Nicolas Sarkozy qui a lourdement insisté auprès de Michel Platini pour soutenir la candidature de l’Émirat au Mondial 2022. La voix de l’ancien footballeur, si elle n’est pas la seule, sera décisive pour l’attribution du mondial au petit pays ami de la France. Vanessa Ratignier et Pierre Péan ont rappelé dans Une France sous influence (2014) le travail de lobbying de l’ancien président de la République auprès de l’ancien triple ballon d’or :

    « [Sarkozy] ne m’a pas demandé de voter pour les Qataris, déclare Platini. Il m’a juste dit, durant une réunion, que ça serait une bonne chose si je le faisais » explique-t-il sur le site internet espagnol donbalon.com, en mars 2011, avant d’ajouter : « il sait que je suis libre et indépendant ». « Il m’a dit que les Qataris étaient des gens bien », éludera-t-il encore l’été suivant auprès de SoFoot ; le magazine précise qu’« averti des réticences de Platini sur la candidature qatarie, Sarkozy aurait suggéré au président de l’UEFA de reconsidérer sa position sur le sujet. »

    « Des gens bien » donc. Seulement, la petite monarchie absolue n’avait pas si bonne réputation que ça. Les pratiques moyenâgeuses du Qatar en matière de travail faisaient déjà la Une des journaux et pire, le pays a connu une crise diplomatique majeur en 2017, c’est-à-dire bien après son rapprochement avec la France. Trois de ses voisins l’accusaient de soutenir le terrorisme. De son côté, les États-Unis ont depuis accusé à plusieurs reprises la monarchie d’une trop grande bienveillance envers les djihadistes.

    En 2014, David S. Cohen, alors sous-secrétaire au Trésor des États-Unis pour le terrorisme et le renseignement financier, a même accusé les autorités qataries de permettre à des financiers figurant sur des listes noires internationales de vivre librement dans le pays : « Il y a au Qatar des financiers du terrorisme désignés par les États-Unis et l’ONU qui n’ont pas fait l’objet de mesures en vertu de la loi qatarie. »

    Qatar 2022 : démocratie à éclipse et ballon rond

    Depuis tout a changé et le Qatar a fait le ménage en adoptant des mesures antiterroristes plus radicales et en sortant de l’ambiguïté. En juillet 2017, le secrétaire d’État américain Rex Tillerson a fait l’éloge du Qatar après qu’il soit devenu le premier État régional à signer un protocole d’accord avec les États-Unis pour lutter contre le financement du terrorisme.

    Il faudra toutefois attendre 2021 pour que l’Arabie saoudite accepte de rouvrir sa frontière au Qatar. Et bien entendu, le Qatar reste un régime autoritaire -c’est une monarchie absolue- selon le Democracy index 2021 de The Economist , avec un score particulièrement bas en matière de pluralisme politique et d’élections libres.

    Ce n’est pas ce qui gênait beaucoup la classe politique française des années 2010. Certains se souviendront de l’entretien lunaire d’ Anne Hidalgo , ravie de voir le PSG propulsé au sein des clubs les plus riches au monde grâce au rachat de l’émirat et assez oublieuse de sa réputation sulfureuse… Elle était loin d’être la seule à avoir mis un mouchoir sur ses beaux principes pour aider nos amis aux poches pleines. Mais aujourd’hui, elle choisit superbement d’appeler au boycott du championnat au nom de la Capitale…

    À retenir entre deux pages de pub lors du match France-Australie : la vertu en politique est une variable d’ajustement et méfiez-vous, même vos loisirs les plus anodins peuvent servir de sponsors aux entreprises de propagande les moins avouables.

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