• Co chevron_right

      Réforme des retraites : l’article 47.1, la nouvelle star

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 31 January, 2023 - 07:22 · 3 minutes

    On a souvent parlé dans ces colonnes de l’article 49.3, mais connaissez-vous l’article 47.1 ? Si vous aimez la démocratie représentative et parlementaire, vous allez le détester !

    La réforme des retraites doit être débattue au Parlement à compter du lundi 30 janvier. Au Sénat, à majorité de droite, le gouvernement ne devrait pas rencontrer trop de résistance mais à l’Assemblée nationale c’est beaucoup moins évident. Les députés de la Nupes et ceux du Rassemblement national à l’extrême droite sont contre le texte.

    La majorité présidentielle qui soutient la réforme peut certes compter sur le vote des Républicains, favorables à un report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Ainsi, la réforme des retraites serait adoptée par la voie classique. Mais les députés LR se déchirent sur l’intérêt politique de soutenir une « réforme Macron ». Le président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marleix a déclaré le 25 janvier sur Franceinfo que les députés LR ont « toujours la liberté de vote » sur la réforme.

    Avec des soutiens aussi peu fiables que les députés LR et contre des élus Nupes et RN déterminés, le gouvernement fait appel à un outil des relations avec le pouvoir législatif : l’article 47.1 de la Constitution.

    Qu’est-ce que l’article 47.1 de la Constitution ?

    L’ article 47.1 de la Constitution décide que :

    « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale […].

    « Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcé en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours.[…]

    « Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance… »

    Ainsi, au bout de cinquante jours sans avis du Parlement, le texte soumis aux députés et aux sénateurs peut finalement passer en force sans vote !

    Utiliser le 47.1 n’est pas sans risque pour le gouvernement

    L’alinéa 1 de l’article 47.1 précise que cette procédure ne peut s’appliquer que pour l’adoption des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

    Aussi, par un tour de passe-passe juridique, le gouvernement présente sa réforme de retraite comme faisant partie d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS), car c’est la Sécurité sociale qui verse les pensions de retraite via l’assurance retraite !

    Mais cette procédure n’est pas sans risque.

    D’abord le PLFRSS peut (et fera) l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Or, toutes mesures étrangères au PLFRSS sont généralement censurées par les Sages. Car toutes les mesures qui ne portent pas sur des recettes et des dépenses n’entrent pas à proprement parler dans le cadre de PLFRSS.

    Ensuite, cette procédure d’urgence portée par l’article 47.1 semble difficile à justifier dans le cas de la réforme des retraites.

    Enfin, en réduisant la durée des débats, le gouvernement interdit toute concertation sur un sujet capital et risque de perdre toute légitimité politique pour le reste du quinquennat.

    Après dix recours au 49.3 pour adopter le projet de loi de finances Élisabeth Borne a écarté l’usage de cette procédure décriée pour la réforme des retraites alors que la Constitution lui en donnait le droit. Un onzième recours est donc possible mais les conséquences politiques, institutionnelles et sociales seraient désastreuses pour le pays…

    • Co chevron_right

      Réforme des retraites : l’article 47.1, la nouvelle star ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 31 January, 2023 - 04:30 · 3 minutes

    On a souvent parlé dans ces colonnes de l’article 49.3, mais connaissez-vous l’article 47.1 ? Si vous aimez la démocratie représentative et parlementaire, vous allez le détester !

    La réforme des retraites doit être débattue au Parlement à compter du lundi 30 janvier. Au Sénat, à majorité de droite, le gouvernement ne devrait pas rencontrer trop de résistance mais à l’Assemblée nationale c’est beaucoup moins évident. Les députés de la Nupes et ceux du Rassemblement national à l’extrême droite sont contre le texte. La majorité présidentielle qui soutient la réforme peut certes compter sur le vote des Républicains, favorables à un report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Ainsi, la réforme des retraites serait adoptée par la voie classique. Mais les députés LR se déchirent sur l’intérêt politique de soutenir une « réforme Macron ». Le président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marleix a déclaré le 25 janvier sur Franceinfo que les députés LR ont « toujours la liberté de vote » sur la réforme. Avec des soutiens aussi peu fiables que les députés LR et contre des élus Nupes et RN déterminés, le gouvernement fait appel à un outil des relations avec le pouvoir législatif : l’article 47.1 de la Constitution.

    Qu’est-ce que l’article 47.1 de la Constitution ?

    L’ article 47.1 de la Constitution décide que :

    « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale […].

    « Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcé en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours.[…]

    « Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance… »

    Ainsi, au bout de cinquante jours sans avis du Parlement, le texte soumis aux députés et aux sénateurs peut finalement passer en force sans vote !

    Utiliser le 47.1 n’est pas sans risque pour le gouvernement

    L’alinéa 1 de l’article 47.1 précise que cette procédure ne peut s’appliquer que pour l’adoption des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

    Aussi, par un tour de passe-passe juridique, le gouvernement présente sa réforme de retraite comme faisant partie d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS), car c’est la Sécurité sociale qui verse les pensions de retraite via l’assurance retraite !

    Mais cette procédure n’est pas sans risque.

    D’abord le PLFRSS peut (et fera) l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Or, toutes mesures étrangères au PLFRSS sont généralement censurées par les Sages. Car toutes les mesures qui ne portent pas sur des recettes et des dépenses n’entrent pas à proprement parler dans le cadre de PLFRSS.

    Ensuite, cette procédure d’urgence portée par l’article 47.1 semble difficile à justifier dans le cas de la réforme des retraites.

    Enfin, en réduisant la durée des débats, le gouvernement interdit toute concertation sur un sujet capital et risque de perdre toute légitimité politique pour le reste du quinquennat.

    Après dix recours au 49.3 pour adopter le projet de loi de finances Élisabeth Borne a écarté l’usage de cette procédure décriée pour la réforme des retraites alors que la Constitution lui en donnait le droit. Un onzième recours est donc possible mais les conséquences politiques, institutionnelles et sociales seraient désastreuses pour le pays…

    • Co chevron_right

      Retraites : le rêve de la CGT conduirait au cauchemar du Venezuela

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 26 January, 2023 - 03:30 · 3 minutes

    Par Patrick Aulnas.

    Il est décidément impossible de revenir à la raison au sujet des retraites.

    Que l’on écoute les responsables syndicaux, les leaders de gauche, certains intellectuels signataires d’un soutien au mouvement de grève ou simplement les interviews micro-trottoir, on reste confondu par le niveau de la manipulation politique. Tout ce beau monde semble penser qu’il suffit d’une volonté politique pour faire le bonheur du peuple.

    Toute personne raisonnable sait pourtant que la politique est régie par les émotions, cherche à utiliser le rêve d’un futur édénique pour capter l’électorat. Nos politiciens nous mènent par le bout du nez avec des promesses. Exonérons cependant la jeunesse. Elle doit croire. Bien sûr, il vaut mieux croire à autre chose qu’à la politique. Mais la jeunesse a droit à l’erreur, contrairement aux personnes d’âge mûr et aux seniors qui défilent.

    Prévisions démographiques et économiques contre manipulation politique

    Que l’on soit favorable ou non au principe de la retraite par points, il existe des certitudes élémentaires. L’ OCDE nous renseigne très simplement à ce sujet.

    En France, dans les années 1950, on dénombrait 5 actifs pour un retraité. En 2010, ce ratio est de 3,5. Il sera égal à 2 à partir de 2040.

    Tout le monde peut donc comprendre que, sauf à écraser les actifs sous des cotisations en augmentation constante, les retraites par répartition devront diminuer. Il faudrait une croissance économique à la chinoise pour maintenir leur niveau.

    Et tout porte à croire que la croissance restera faible dans les décennies à venir : faible compétitivité internationale de la France, idéologie écologiste visant la décroissance, lourde dette publique et charges salariales élevées. Donc, en moyenne, les retraites par répartition ne pourront rester au niveau actuel. C’est une quasi-certitude. La politique n’y peut absolument rien. C’est l’économie et la démographie qui sont à la manœuvre, avec des prévisions robustes.

    Cela n’empêche pas les revendications absurdes. La CGT demande le retour à la retraite à 60 ans à un niveau élevé pour tous. La France rêvée de la CGT est le paradis des vieux. Mais chacun sait que les promesses de paradis politique conduisent directement en enfer. Avec la CGT, une évolution à la vénézuélienne est garantie.

    Un modèle à revoir

    Tous les pays de l’OCDE connaissent un vieillissement de leur population. L’originalité française réside dans le poids des retraites, plus élevé que dans la plupart des pays. L’OCDE le souligne :

    En France, les dépenses publiques consacrées à la retraite atteignent 13 % du PIB en 2007. Elles seront de 14 % en 2060. C’est au-dessus de la moyenne des pays de l’Union européenne.

    La moyenne européenne est de 10 %.

    Le poids des dépenses publiques de retraite en France s’explique par le choix du fameux « modèle social français ». La collectivisation est très forte et les choix individuels restreints. L’analyse de l’OCDE est sans ambiguïté :

    En moyenne dans les pays de l’OCDE, un peu plus de 60 % des revenus des personnes âgées proviennent de transferts publics. En France, c’est plus de 85 %.

    La France est le pays de l’OCDE qui utilise le plus les transferts publics pour assurer un revenu aux personnes âgées. Aux États-Unis, seuls 36 % des retraites proviennent du secteur public, au Canada 41 %, en Grande-Bretagne 49 % et en Allemagne 73 %.

    La basse politique à la manœuvre

    CDQD. La politisation actuelle du problème provient de la gestion étatique du système. Rien d’illogique. Chacun cherche à grappiller un peu plus dans l’immense besace des prélèvements obligatoires, qui d’ailleurs ne suffisent pas, d’où la survie du modèle français par l’endettement .

    Tous les leaders syndicaux ou politiques savent que l’avenir est tracé : il faudra maîtriser d’une manière ou d’une autre le financement des retraites. Mais l’opportunité politique est telle qu’ils ne peuvent la laisser passer. Ces gens-là ne défendent pas l’intérêt général, mais se contentent de faire de la politique politicienne.

    On répète à satiété dans les médias que si Macron ne réussit pas sa réforme des retraites , il perdra son électorat de droite et ne sera pas réélu en 2022. Voire. Mais nul doute que dans les esprits les plus médiocres de notre univers politique et syndical, cet élément joue un rôle important. Faire échouer Macron, quel rêve pour tous les haineux attirés par le pouvoir !

    Il vaudrait mieux rêver de faire réussir la France. Mais là, on ne se bouscule pas.

    Article publié initialement le 9 décembre 2019

    • Co chevron_right

      La réforme des retraites est-elle constitutionnelle ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 24 January, 2023 - 04:30 · 7 minutes

    Si le débat sur la « réforme » des retraites est d’abord politique, il peut aussi s’engager sur le terrain de la Constitution. D’ailleurs, on apprend par le Canard enchaîné que Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, émettrait des doutes sur la constitutionnalité de cette réforme, au regard du véhicule législatif utilisée et de la procédure adoptée. Il redoute notamment un vice de procédure voire un détournement de procédure. En contentieux constitutionnel, il y a vice de procédure quand la violation est substantielle (voir en ce sens la décision n°88-248 DC ). Le détournement de procédure n’a, quant à lui, jamais été sanctionné pour l’instant.

    Cette utilisation pose des questions relatives à la validité à la procédure (I) et à la recevabilité des amendements (II) portant sur la réforme des retraites.

    Validité de la procédure comme dépendante de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

    Le gouvernement souhaite passer par un projet de Loi de financement de la sécurité sociale rectificatif (PLFSSR). Il faut donc savoir si la procédure de l’article 47-1 relative au PLFSS s’applique au PLFSSR.

    L’ article LO 111-3 du Code de la sécurité sociale qualifie les PLFSSR de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). On peut donc, en s’appuyant aussi sur l’ article LO 111-7 du même Code, estimer que le PLFSSR tombe sous le coup de l’ article 47-1 de la Constitution et de ses délais.

    Mais l’inverse peut aussi être soutenu si l’on s’en tient à une interprétation téléologique des dispositions de cet article. On peut en effet soutenir que ni l’article 47-1 ni l’article LO.111-7 ne font référence aux PLFSSR. On peut aussi soutenir que les délais de l’article 47-1 se comprennent au regard de la nature particulière des PLFSS mais ne s’appliquent pas au PLFSSR qui par principe, vient modifier les prévisions du PLFSS. Tout dépendra in fine de la manière dont le Conseil constitutionnel interprétera l’article 47-1.

    Il faut donc revenir plus en détail sur cet article.

    La procédure législative des PLFSS est prévue à l’article 47-1 de la Constitution. Cet article dispose dans son alinéa 2, que « si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45 ». L’article 45 disposant quant à lui le cas de la Commission mixte paritaire si le projet ou la proposition de la loi n’a pas pu être adoptée (art.45 al. 2). L’alinéa 3 de l’article 47-1 précise que, « si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance ».

    Cependant, c’est l’utilisation même de l’article 47-1 qui est en soi contestable.

    En effet, par cet article, le gouvernement n’aurait pas besoin d’obtenir l’adoption du texte par l’Assemblée car le texte sera automatiquement transmis au Sénat dans les délais précédemment détaillés. Or, Laurent Fabius semble peu enclin à l’accepter. On peut estimer, par analogie, que la décision n°86-209 portant sur les PLFR s’applique aux PLFSSR. Mais pour être conforme à la Constitution, l’objet d’un PLFSSR doit concerner les « mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale » ; ce qui peut interroger sur la réforme des retraites et la précipitation dans laquelle elle se fait. Ne produisant des effets sur l’équilibre des comptes qu’à partir de 2030 environ, on voit mal comment elle pourrait tomber sous la validité de la jurisprudence. Que la réforme soit faite en janvier, en mars ou en juillet, cela n’empêchera pas pendant ce temps que la vie nationale continue, même en l’absence de réforme. De même, d’un point de vue plus « politique », le Conseil constitutionnel pourrait estimer que ce genre de passage en force risque, à terme, de nuire au Parlement. Il pourrait, par des policy arguments , estimer qu’il est loisible que dans une démocratie, la chambre basse représentant la Nation, adopte le texte.

    En exigeant officieusement que le texte soit adopté par l’Assemblée avant transmission au Sénat, Laurent Fabius fait peser sur le gouvernement la responsabilité du choix d’une telle procédure et le contraint sans le dire vraiment à utiliser l’article 49 al.3. Or, se pose aussi la question de savoir si ce PLFSSR pourra faire l’objet d’un 49.3. Si l’on s’en tient à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n°2022-847 DC) et si l’on raisonne par analogie, il semble possible d’affirmer, comme le fait Jean-Philippe Desrosier, que son utilisation est possible pour le cas des PLFSSR. Encore une fois, tout dépendra de l’interprétation du Conseil constitutionnel.

    Qualification des amendements de « cavaliers législatifs » dépendante du Conseil constitutionnel

    Le gouvernement souhaite faire passer la réforme de la retraite au travers d’un amendement à ce PLFSSR.

    Se pose la question de la constitutionnalité d’une telle mesure. Si le droit d’amendement est souvent considéré comme étant assez large, il faut néanmoins que l’amendement « ne soit pas dépourvu de tout lien avec le projet de loi en discussion » (CC, n°85-198 DC, cons. 4). Il faut donc que l’amendement proposé soit en lien avec l’objet du PLFSS. Or, quel est l’objet d’un PLFSS ?

    Au regard de l’article 34 de la Constitution, « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

    L’amendement doit donc concerner les « conditions générales de son équilibre financier ».

    Reste à savoir ce qui entre dans cette notion indéterminée. S’il est probable qu’une augmentation de la durée de cotisation ou que la fixation d’un minimum de retraite à 85 % du SMIC entre dans cette catégorie, il est peu probable que l’allongement de l’âge de départ à 64 ans y entre. Le lien n’est pas direct ni automatique. Tout sera – encore une fois – question d’interprétation par le Conseil constitutionnel.

    Ainsi, le Conseil constitutionnel sera probablement amené à trancher plusieurs questions de droit :

    • Le PLFSSR peut-il passer par l’article 47-1 et les délais de cet article lui sont-ils imposables ?
    • Le 49.3 peut-il être utilisé pour les PLFSSR ?
    • L’amendement portant la réforme des retraites au PLFSSR constitue-t-il un cavalier législatif ?

    Conclusion

    Ce rapide tour du problème permet d’illustrer deux choses.

    En premier lieu, on voit que les dispositions de la Constitution, les énoncés, ne contiennent au mieux que des règles (et non des normes juridiques) et au pire des principes. Les règles de procédures (comme l’article 47-1), n’étant pas des normes juridiques, bénéficient d’une grande marge d’interprétation. C’est en ce sens que les énoncés de la Constitution ne sont pas « impératifs ». Si ces dernières habilitent, permettent, abrogent ou commandent une certaine conduite , il n’en demeure pas moins que, revêtant le caractère de « règle », elles sont soumises à une indétermination dans leur contenu et dans leur application. Leur application sera déterminée par l’interprétation qu’en tireront les acteurs de la scène politique. Ce n’est que si les énoncés revêtent le caractère de normes juridiques, par le produit de l’interprétation du juge constitutionnel (ou à défaut par le Président) que les énoncés seront impératifs car déterminés dans leurs significations.

    En second lieu, la marge entre la règle et la norme représente deux choses. D’un côté, c’est dans cet espace que se situe la vie politique et parlementaire. De l’autre côté, c’est dans cet espace que vivent les interprétations du Conseil constitutionnel (D.Baranger).

    Enfin, cela montre que le Conseil constitutionnel est finalement au centre de la procédure législative et qu’il est un participant au processus concurrentiel d’élaboration des normes (D.Rousseau).

    • Co chevron_right

      Quand Jean Jaurès prônait la capitalisation pour tous

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 21 January, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    Par Nicolas Marques.
    Un article de l’Institut Molinari

    L’institut économique Molinari vient de republier quatre textes de Jean Jaurès éclairant le débat sur l’intérêt d’une capitalisation pour tous. Ces articles sont représentatifs du débat sur la capitalisation collective se déroulant dans les colonnes de L’Humanité dans les années 1909 et 1910. Retour sur un moment oublié d’histoire sociale toujours bien actuel, alors que nombre de syndicalistes n’osent pas défendre ouvertement la capitalisation, en dépit des avantages qu’elle procure à leur mandants via des structures qu’ils co-gèrent depuis des décennies (Préfon, ERAFP…)

    Au début du XX e siècle, un intense débat se développe dans le monde ouvrier. L’État doit-il s’impliquer dans les retraites ? La capitalisation est-elle une opportunité ou un risque ?

    Le texte de loi sur les Retraites ouvrières et paysannes (ROP) donne lieu à un intense débat au sein de la gauche syndicale et politique. Il s’agit d’une des premières confrontations à propos du sens que le socialisme peut donner à la capitalisation et à la répartition.

    Jean Jaurès, cofondateur du Parti socialiste français et fondateur de L’Humanité soutient pied à pied le projet de loi instaurant la capitalisation ouvrière.

    Selon lui, la capitalisation a l’avantage de rendre la classe ouvrière « à la fois capitaliste et salariée », lui permettant de recevoir « tout le produit social qui résulte de la mise en œuvre de ce capital par le travail ouvrier » 1

    Pour le lecteur intéressé, nous avons reproduit quatre articles clefs de l’auteur sur le sujet :

    1. « Les termes de la question » présente l’état du débat fin 1909.
    2. « Capitalisme et capitalisation » explique comment la loi sur les retraites doit, grâce à la capitalisation, permettre de rééquilibrer le partage de la valeur et du pouvoir en faveur des ouvriers. Cette démarche préfigure avec un siècle d’avance l’approche du Comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES) réunissant la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et la CGT.
    3. « Escroquerie » bat en brèche l’idée que le gouvernement pourrait détourner la capitalisation collective.
    4. « Sécurité » insiste sur les gages de sécurité apportés par la capitalisation par rapport à la répartition.

    Les socialistes révolutionnaires, marxistes, anarchistes et la CGT s’opposaient à Jaurès. Ils étaient inquiets à l’idée d’une expropriation des versements qui aurait permis aux pouvoirs publics de financer un effort de guerre 2 .

    Jean Jaurès s’opposa notamment à Paul Lafarge, gendre de Karl Marx, qui considérait que la loi sur les « retraites aux morts » était une « escroquerie » 3 . Paul Lafarge, comme Jules Guesde, considérait que « la société bourgeoise et capitaliste, qui crée et favorise l’exploitation du prolétariat, doit pourvoir au bien-être et à la subsistance des vieux travailleurs » 4 .

    Cette position était partagée par les anarcho-syndicalistes qui avaient proposé, lors du Congrès de Limoges, le financement des retraites au moyen de « fonds provenant d’économies à réaliser sur… la présidence de la République, du Sénat, des Ministères de la guerre et de la marine, etc. » 5 .

    Néanmoins, cette position était loin de faire l’unanimité.

    Une intervention publique gênait les militants ouvriers qui l’analysaient « comme une ingérence dans la vie privée et dans la communauté ouvrière, imposée de l’extérieur par un Etat dominateur et adversaire de classe » 6 . Le texte de loi gouvernemental était considéré par certains comme une agression visant à intégrer la classe ouvrière à la société bourgeoise. De nombreux militants de la CGT le percevaient « comme un moyen de briser l’élan insurrectionnel et révolutionnaire, cette violence créatrice censée caractériser une classe ouvrière en lutte ». Ils étaient rejoints par les libertaires qui considéraient que la « loi des traîtres » risquait de provoquer un « avachissement » d’ouvriers devenus dépendants de la manne étatique 7 .

    Ajoutons que les libéraux étaient eux aussi réticents à l’instauration d’une capitalisation collective. Ils redoutaient les conséquences indirectes d’une accumulation de capitaux considérable à la Caisse des dépôts et consignations 8 . Cela conduira les sénateurs à défendre un panachage répartition et capitalisation. À les entendre, ce panachage, réduisant les montants à capitaliser, permettait de limiter les risques politiques et de préserver d’éventuelles perturbations sur le marché des capitaux.

    Au final, ce texte sera un échec.

    La loi est votée le 5 avril 1910 mais dès le 11 décembre 1911, la Cour de cassation annule son caractère obligatoire, au motif qu’un employeur ne peut pas « forcer » un salarié à cotiser. La cotisation devient facultative et ne rencontre pas un fort succès populaire. Il faut dire qu’en cas de survie elle donnait accès à des rentes viagères calculées sur des bases inadaptées. Elles étaient calculées à partir de l’espérance de vie d’anciens rentiers, « têtes de choix » ayant vécu sensiblement plus longtemps que les ouvriers et paysans des années 1910, ce qui réduisait l’espérance de gain de ces derniers 9 Cotiser n’était pas rentable, indépendamment des gains générés par la capitalisation…

    Sur le web

    Un article publié initialement le 21 février 2020.

    1. JAURES, Jean (1909), « Capitalisme et capitalisation », L’Humanité , lundi 27 décembre, p.1 ou JAURES, Jean (1910) « Tous escrocs ! », L’Humanité , 1 er janvier, p.1 .
    2. Voir par exemple BRACKE (1910), « La discussion sur les retraites », L’Humanité ,  dimanche 9 janvier, p1.
    3. TANGER, Albert (1910), « De Limoges à Nîmes », Revue Socialiste Syndicaliste et Coopérative , n°303 mars p. 202.
    4. Art. 7 du programme du Parti ouvrier français. DUMONS B. & POLLET G. (1994 ) L’État et les retraites, genèse d’une politique , Paris : Belin, p. 162.
    5. « La naissance de la CGT. Le Congrès de Limoges, septième congrès national corporatif. 23-28 septembre 1895 », Les cahiers d’histoire sociale , p. 169.
    6. DUMONS & POLLET – 1994, op cit p. 162.
    7. DUMONS & POLLET – 1994, op cit p. 151 & 154.
    8. Lors des débats parlementaires, plusieurs orateurs soulignèrent la « tentation permanente, bien dangereuse en temps de crise pour les pouvoirs publics de piocher dans des caisses si voisines des siennes et pleines d’or quand le Trésor public pourra être vide » cf. LEROLLE, Paul (1910), « séance du 30 mars », JO Chambre des députés , pp. 1783-84 & 1804.
    9. Voir MARQUES, Nicolas (2000), Le monopole de la sécurité sociale face à l’histoire des premières protections sociales, Journal des Économistes et des Etudes Humaines , De Gruyter, vol. 10(2-3), pages 1-30, Juin .
    • Co chevron_right

      Retraites : Français, sortez du cadre !

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 20 January, 2023 - 04:15 · 6 minutes

    Dévoilée le 10 janvier dernier à Matignon et présentée en Conseil des ministres le 23 janvier, la nouvelle mouture de la réforme tant attendue de l’ère Macron est le fruit de plusieurs semaines de concertations avec les partenaires sociaux et vise notamment à un recul progressif de l’âge de départ à la retraite à 64 ans à l’horizon 2030 ainsi que la fin des régimes spéciaux visant uniquement les futures embauches.

    Entre misérabilisme sous couvert de justice sociale et impératif d’équilibre financier, aucun camp ne semble vouloir sortir du carcan d’un système de retraite antédiluvien.

    Pourtant, le passage à un système par capitalisation, totalement absent du débat sur les retraites, serait bien plus adapté à la France d’aujourd’hui.

    Le rapport du COR

    Créé en 2000, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) est chargé de mener une prospective de l’évolution du système de retraites.

    En septembre dernier, il publiait son neuvième rapport envisageant différentes trajectoires démographiques, économiques et sociales. Il notait l’absence de déséquilibre, mais une baisse du niveau de vie des retraités français, actuellement deuxièmes d’Europe en termes de niveau de vie derrière le Luxembourg, avec un taux de retraités sous de seuil de pauvreté de 10 % contre 15,6 pour l’ensemble de l’Union européenne.

    Le COR note également une augmentation de la dépendance démographique du système français, c’est-à-dire du ratio entre actifs et retraités. Si aujourd’hui, la pension d’un retraité est financée par 1,7 actif, ce ratio devrait tomber à 1,3 en 2070. En conséquence, plus le temps passe et plus la pression sur les actifs augmente.

    Une situation bien connue qui innerve l’histoire de notre système de retraite.

    La faille mitterrandienne

    Né en 1945, le système de retraite tel que nous le connaissons aujourd’hui se base sur une assurance vieillesse obligatoire pour tout travailleur. Les retraités, dont les premiers n’ont par définition jamais cotisé, voient leurs pensions payées par les cotisations des actifs.

    Dès les années 1960, les différents gouvernements décident d’augmenter le montant des pensions tout en allongeant de concert la durée de cotisation.

    Il faudra attendre 1981 et l’ élection de François Mitterrand pour voir une baisse de l’âge de départ qui passe de 65 à 60 ans, alors même que l’espérance de vie a augmenté de 10 ans pour les hommes et de 18 ans pour les femmes entre 1946 et 1981. Cette réforme accroît la pression sur le système en augmentant ses coûts.

    À partir de 1993, les différents gouvernements tentent de rétablir un semblant d’équilibre comptable et de maintenir à flot un système qui prend l’eau à coups d’allongement des durées de cotisations, de fonds et de taxes diverses.

    Une capitalisation déjà présente

    Pourtant, la possibilité d’un système de retraite par capitalisation n’a pas toujours été vue avec dédain dans notre débat public.

    En 1910, les premières retraites ouvrières et paysannes sont basées sur la capitalisation mais la guerre, la dépréciation monétaire et l’inflation auront raison du système,

    Si un compromis est trouvé en 1930, le régime de Vichy voit d’un mauvais œil la capitalisation, l’estimant trop perméable à l’inflation. La capitalisation suppose que l’État fasse une bonne gestion des deniers publics. Il n’est donc guère étonnant que le système de retraite par capitalisation soit si mal vu par des élus à la gestion fantaisiste de l’argent des autres.

    Depuis 1945, plusieurs mesures ont pourtant favorisé la capitalisation, qu’il s’agisse de la loi Madelin de 1994 pour les travailleurs non-salariés, de la loi Thomas votée durant le gouvernement Juppé et créant des fonds de pension, mais qui ne sera jamais adoptée du fait de la dissolution et de la majorité socialiste élue, ou encore la création de plans d’épargnes individuels ou collectifs sous le gouvernement Fillon.

    Depuis 1945, ce sont plus d’une dizaine de réformes qui ont égayé l’histoire du système français de retraites par répartition, soit une réforme tous les 7 à 8 ans. Une preuve supplémentaire de son inadaptation à l’évolution de la société française.

    Une aversion bien française

    Si le système de retraite par répartition est reconnu pour l’immédiateté de son financement et sa solidarité, il constitue ni plus ni moins qu’ une spoliation institutionnalisée des actifs par un système obligatoire, proche de la pyramide de Ponzi et habillé des oripeaux d’un système assurantiel alors qu’il est, comme le système d’assurance chômage, loin d’en avoir les mécanismes malgré des rapprochements dans les années 1960.

    Mais le défaut principal de la répartition est son inadaptation aux sociétés vieillissantes comme les nôtres.

    Il est pourtant aisé de comprendre l’intérêt de la classe politique pour ce système, plébiscité par deux Français sur trois .

    Or, si la capitalisation est sujette aux risques, elle permet une protection individuelle comme collective donc à risque tempéré. Elle est plus adaptée à l’évolution démographique actuelle et assure de meilleures pensions.

    La retraite par capitalisation est comme une piscine d’eau froide : nous avons déjà un pied dedans. Il ne nous reste plus qu’à sauter. Un grand plongeon fait par plusieurs pays. C’est le cas notamment du Chili et du Canada.

    L’exemple américain

    Né en 1920, le système de retraite par répartition chilien a montré ses faiblesses durant les années 1970 avec son taux de cotisation confiscatoire de 50 % du salaire net entraînant de nombreuses fraudes imposant à l’État de pallier en le subventionnant massivement. La pression sur les actifs était donc énorme.

    Après plusieurs réformes visant à corriger les déficits, un système par capitalisation est instauré à la fin de l’ère Pinochet, avec liberté d’affiliation. Le nouveau système est alors plébiscité. Il faut dire que le taux de cotisations est divisé par quatre par rapport au système précédent et surtout que les pensions correspondent enfin aux cotisations payées, ce qui n’était pas le cas du système précédent et a fortiori d’un système par répartition.

    Si le système a souffert d’une certaine bureaucratie avec des frais de gestion élevés, mais divisés par 9 en 10 ans, et le poids du système précédent sur les finances publiques du fait de l’absence de cotisants, il a su montrer sa capacité de résilience lors de la crise de 2008 et n’a pas été remis en cause depuis, malgré des manifestations en 2019 visant à dénoncer les pensions trop faibles dont les montants dépendent directement de l’effort de cotisations. Or, la plupart des Chiliens optaient pour le taux minimal. Cette contestation était donc le fruit de choix totalement individuels sans liens avec le système en place.

    L’autre exemple nous amène au nord du continent.

    En 1963, le Québec propose un fonds de pension à capitaux investis dans l’économie locale. Le Canada refuse dans un premier temps et décide finalement d’imiter la province francophone.

    Conclusion

    À chaque réforme paramétrique, le cœur du débat se place sur le terrain de la justice sociale.

    Or, on oublie que la première est de ne pas faire peser sur des actifs de moins en moins nombreux le poids de plus en plus lourd d’un système de plus en plus déficitaire.

    Plusieurs pays ont réussi leur transition vers la capitalisation complète. D’autres, plus nombreux, ont opté pour des systèmes mixtes comme le Danemark, loin d’être un enfer social. La clef est simplement de faire évoluer le curseur selon la situation et aujourd’hui, celle-ci exige de pousser celui de la capitalisation.

    • Co chevron_right

      Retraites : cachez ce déficit que je ne saurais voir !

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 19 January, 2023 - 04:30 · 4 minutes

    Il fallait s’y attendre : à gauche, tous les moyens sont bons pour surfer sur l’impopularité de la réforme des retraites . Syndicalistes, politiciens et influenceurs se bousculent dans les médias pour proposer des alternatives plus ou moins loufoques en réponse à une initiative gouvernementale pourtant assez cosmétique.

    Tous ont en commun de passer sous le tapis le problème de déficit abyssal qui est au cœur de la crise de notre régime par répartition et d’imaginer que le matraquage fiscal peut constituer une solution juste, durable et économiquement viable.

    Les retraites des fonctionnaires subventionnées

    Comme l’a souligné Nicolas Marques dans une étude publiée par l’Institut Molinari en septembre 2022, le déficit des retraites, c’est 1,5 % du PIB depuis 2002. Depuis 20 ans, le Conseil d’Orientation des retraites (COR) sous-estime dans ses calculs son poids en passant sous silence les subventions qui permettent d’équilibrer les retraites des fonctionnaires.

    Celles-ci s’élèveraient à 33 milliards par an.

    « De 2002 à 2020, les pensions versées par l’État et les administrations centrales à leurs anciens personnels ont augmenté de 142 % en euros courants, ce qui représente une progression trois fois plus rapide que les autres dépenses (+44 %). Le budget retraite de l’État est passé de 27 milliards d’euros courants en 2002 à 65 milliards d’euros en 2020 (hors collectivité locales et sécurité sociale) », note Nicolas Marques.

    L’État a été particulièrement imprévoyant et n’a pas anticipé l’effondrement démographique qui est le moteur de notre système de retraites par répartition.

    Parmi les solutions préconisées par la gauche, sans surprise, le marteau-pilon de la fiscalité doit s’abattre sur les milliardaires, les plus riches, les entreprises ou encore un secteur privé, qui une fois de plus doit être mis à contribution pour l’imprévoyance de l’État.

    Encore et toujours faire payer les riches

    On retiendra particulièrement les propositions démagos d’Oxfam France , dirigée par Cécile Duflot, l’experte en toutologie à la neutralité idéologique bien connue.

    Il suffirait de taxer les milliardaires -voire de les abolir- à hauteur de 2 % pour financer le déficit des retraites, « prétendument hors de contrôle ». Peu importe si l’étude confond flux (dividendes et rémunérations) et stocks (actions), mélange un peu tout pour dévier l’attention portée à un régime malade sur la haine des riches.

    La solution existe pourtant

    « On a tout essayé » se désolait François Mitterrand pour justifier son incapacité à endiguer le chômage de masse. C’est le même lamento qui s’élève parmi les commentateurs de la presse grand public qui oublient systématiquement les solutions qui s’écartent des dogmes conservateurs du socialisme et de la social-démocratie.

    Pourtant, dès 2019, Contrepoints en collaboration avec l’Institut Molinari proposait des solutions réalistes pour sortir de l’impasse, notamment l’introduction d’un volet capitalisation à notre système actuel.

    On pouvait lire dans ce rapport essentiel pour comprendre les enjeux actuels :

    « La complémentarité d’un niveau de répartition et d’un niveau de capitalisation s’impose dès lors au regard d’un principe bien connu des gérants d’actifs : la diversification. Le « tout répartition » conduit à une forte dépendance à une variable exogène : la croissance économique, et à son corollaire, la masse salariale. Le « tout capitalisation » expose à des fluctuations de la valeur des actifs, liées à la volatilité des marchés financiers. Le mix des deux permet d’actionner des leviers différents selon les phases de cycle, et assure une meilleure stabilité du système global, et sans doute également sa pérennité. »

    Une nouvelle étude publiée en janvier 2023 par l’Institut Sapiens rebondit sur les réflexions de l’Institut Molinari : introduire la capitalisation permettrait de compenser la baisse des pensions de manière indolore pour les contributeurs actuels :

    « La pension moyenne ainsi offerte en surplus à chaque retraité pourrait être de 1310 euros par an en 2042, soit l’équivalent d’un treizième mois par bénéficiaire (venant s’ajouter à la pension minimale prévue par le gouvernement) sans demander un effort supplémentaire aux entreprises, aux cotisants ou aux finances publiques. »

    La classe politique est-elle prête à changer le logiciel socialiste pour le logiciel libéral pour éviter la catastrophe de la non réforme des retraites ?

    • Co chevron_right

      Réforme des retraites : drame au sein de LR

      Olivier Maurice · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 January, 2023 - 04:20 · 5 minutes

    À droite on suit le chef. C’est comme ça. Ça a toujours été comme ça.

    Et quand le chef dit une bêtise, on répète la même bêtise. Quand le chef fonce droit dans le mur, on fonce tous droit dans le mur.

    Bon, ne soyons pas trop dur. Le ralliement des Républicains au projet de la majorité sur le sujet des retraites n’est peut-être pas encore l’achat de billets de dernière minute pour la traversée inaugurale du Titanic ou l’enrôlement dans la légion le jour du dernier parachutage sur Diên Biên Phu, mais c’est quand même a minima une magnifique occasion ratée, un peu comme si Mbappé se retrouvait plein centre seul devant les buts alors que le gardien adverse tombait en se tordant la cheville et que Mbappé envoyait le ballon en touche.

    La droite la plus… au monde

    Ce revirement, d’opposition constructive à lèche-bottes, est très décevant.

    Décevant, mais pas inattendu. Rappelons-nous qu’il y a tout juste un mois, la droite la plus bête du monde a voté en chœur pour l’élaboration d’une nouvelle version de la machine à perdre.

    Déjà que déclarer sa candidature pour les présidentielles un an avant l’échéance n’est en général pas très malin mais déclarer sa candidature pour les présidentielles quatre ans avant sans avoir coalisé autour de soi, sans projet, avec une force militante en pleine pagaille, après avoir subi des revers, sans dynamique, sans le soutien des cadres les plus influents, et en plus le faire par procuration, ça frise le manque d’adjectifs qualificatifs.

    Le couple Laurent Wauquiez – C’est moi le calife et vous allez voir ce que vous allez voir – Éric Ciotti – C’est moi le calife… euh, en fait non, je ne suis le vizir du grand calife – aura réussi son coup : supprimer toute velléité d’introspection sur les erreurs passées et foncer bille en tête dans ce qui fait perdre systématiquement la droite depuis la mort de Georges Pompidou et même depuis bien bien plus longtemps que cela, si on exclut les épisodes réponses à appel « SOS, au secours on coule ! » de Charles de Gaulle.

    La droiche

    Quand est-ce que la droite française arrêtera de faire et de promouvoir une politique de gauche ?

    Le système de retraite par répartition et par régime universel obligatoire géré par l’État est une idée de gauche, totalement et profondément de gauche, radicalement à l’opposé de tous les principes de droite.

    Supporter, vouloir sauver ce pachyderme agonisant c’est comme si LR avait décidé d’organiser une collecte pour envoyer des fonds au gouvernement de Corée du Nord, de Cuba ou du Venezuela.

    Le principe de base de la droite, en France et partout ailleurs, le dogme fondamental de la pensée conservatrice dans tous les pays, c’est la propriété. Pourquoi la droite française y ferait exception ? Quelle raison serait suffisante pour tourner le dos à ce principe ?

    La seule raison compréhensible, bien que difficilement acceptable, serait qu’il n’y ait pas d’autre choix que celui de composer avec la situation.

    C’était le cas en octobre 1945, quand la droite tout juste démobilisée pensait à autre chose et que le Parti communiste et les quelques socialistes qui avaient réussi à s’affranchir ou faire oublier leur rôle pendant l’Occupation menaçaient de replonger le pays dans le chaos.

    C’était aussi le cas en 1993, quand la droite était certes aux affaires mais sous cohabitation de François Mitterrand qui avait mis dans son sac à promesses l’avancement l’âge de départ à 60 ans pour son élection de 1981.

    Le précédent

    La réforme Balladur de 1993 n’est pas une réforme de droite : c’est une réforme de cohabitation rendue à la fois possible et nécessaire par la situation.

    Même si elle fut menée à bien (ce qui en la matière frôle quasiment l’exploit), ce n’est certainement pas une raison pour faire du « report de l’âge de la retraite » un hymne de droite. Ce fût une réforme technique dont les contours étaient très clairement établis par le président de la République de l’époque, François Mitterrand , qui, rappelons-le parce que cela semble nécessaire, était un homme de gauche.

    Pourquoi aujourd’hui, la droite s’évertue-t-elle une nouvelle fois à sauver un totem de gauche ?

    Que le gouvernement et la majorité actuelle veuille sauver cette machine à créer de la dépendance, de la pauvreté et des dettes, on peut le comprendre : elle est toute ou partie de gauche et fondamentalement attachée à préserver la baleine administrative. Que l’extrême gauche et les syndicats jouent la surenchère, on le comprend aussi aisément : ils essayent d’apparaître encore plus de gauche que la majorité actuelle afin d’exister. Que l’extrême droite joue également la surenchère, on le comprend tout aussi facilement : leur programme économique et social est en compétition avec celui de l’extrême gauche et tout aussi collectiviste.

    Mais la droite !

    L’occasion ratée

    Surtout que la droite sans chef (celle d’avant le 11 décembre) avait commencé à trouver sa place, qu’elle avait commencé à aborder le vrai sujet, à formaliser, à présenter, à discuter. D’accord, il aurait fallu sans doute des années voire peut être des décennies pour que l’on s’oriente enfin vers un vrai système de retraite qui permette à la fois d’aider les plus défavorisés ET qui s’évertue à ne laisser personne sur le côté de la route ET qui permette de passer de charge structurellement déficitaire à atout économique ET qui permette de faire marche arrière sur la collectivisation et les atteintes à la propriété, ET…

    Cette solution a bien été évoquée par quelques responsables de LR comme David Lisnard ou dans diverses discussions et commençait à se mettre en forme : une retraite « filet » par répartition mais minimum et substituable, assortie d’ une libéralisation des solutions de retraite par capitalisation , le tout soumis à une obligation de cotisation minimale afin d’éviter les passagers clandestins qui viendraient profiter du système de solidarité.

    Mais non. Badaboum !

    Le chef a décidé qu’il fallait faire « responsable et cohérent », qu’il fallait faire présentable et pas se mêler au joli bazar qui s’annonce. Alors tout le monde s’est tu. Sauf peut-être Xavier Bertrand , qui lui, trouve que le projet gouvernemental n’est pas assez social, pas assez de gauche en somme.

    Est-ce que l’aile libérale-conservatrice de LR y a toujours sa place ?

    • Co chevron_right

      La capitalisation peut sauver nos retraites

      Pascal Salin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 January, 2023 - 04:00 · 5 minutes

    Par Pascal Salin.

    La détermination du montant de sa retraite est évidemment fondamentale pour tout individu puisqu’elle conditionne son niveau de vie une fois ses activités productives terminées.

    C’est pourquoi on peut comprendre que le projet de réforme du système des retraites élaboré par le gouvernement français retienne considérablement l’attention de l’opinion publique et suscite même des grèves très importantes . Il serait certes fondamental que les réformes envisagées contribuent à une amélioration du système des retraites et l’on peut en douter à bien des points de vue.

    Mais il existe une caractéristique de ce projet : il a été clairement affirmé, par exemple par Emmanuel Macron , qu’il n’était pas question de renoncer à un système de retraite par répartition. Comme on le sait bien, il existe deux méthodes principales d’élaboration des retraites : la répartition et la capitalisation.

    La capitalisation devrait être préférée pour les raisons que nous allons voir. Mais il n’est peut-être pas inutile d’évoquer tout d’abord un aspect purement formel de cette question.

    Répartir ou capitaliser

    En effet, compte tenu de la pensée dominante en France, le terme même de répartition parait attractif. Il correspond en effet à ce que l’on considère malheureusement en France comme une activité fondamentale de l’État, à savoir la redistribution des revenus .

    Et il est d’ailleurs vrai que la politique de retraite par répartition contribue un peu à la redistribution des revenus, par exemple parce que des privilèges sont accordés aux salariés de la SNCF ou de la RATP ; mais aussi parce que le projet de réforme – pourtant supposé être universel – semble prévoir des inégalités de régime, par exemple des montants minimaux de retraite ou des restrictions des montants de retraite alloués aux cadres.

    Par ailleurs il se peut que le terme de capitalisation suscite des réactions négatives parce qu’il évoque des activités financières – souvent considérées comme critiquables en France – ou même parce qu’il pourrait évoquer le terme de capitalisme , alors que la pensée dominante lui est généralement hostile !

    Une retraite imposée et incertaine

    Dans un système de répartition, on distribue chaque année des montants de retraite qui sont très proches des montants de cotisations prélevés au cours de la même année. Ceci signifie évidemment qu’aucune garantie ne peut être donnée aux cotisants quant au montant des retraites qu’ils pourront recevoir dans le futur.

    L’équilibre entre les recettes et les dépenses dépend de plusieurs facteurs, en particulier la pyramide des âges , l’âge de la retraite, l’espérance de vie (donc la durée des retraites).

    Il en résulte des incertitudes relatives au fonctionnement du système de répartition. Ceci est parfaitement lisible dans le projet de réforme actuel puisqu’il s’agira d’un système de retraite à points et qu’il est bien précisé que le montant de retraite obtenu en fonction des points accumulés par un individu durant sa vie active dépendra de la valeur du point que le gouvernement déterminera chaque année en fonction des exigences d’équilibre financier.

    La capitalisation, une retraite libre et responsable

    La retraite par capitalisation, pour sa part, présente en particulier un avantage fondamental, à savoir qu’elle repose sur la responsabilité personnelle : un individu sait que le montant de sa retraite sera d’autant plus élevé qu’il aura fait davantage d’efforts d’épargne au cours de sa vie active.

    Le montant de sa retraite dépend de lui et non de ce qu’il pourra obtenir des autres. Mais pour que cette responsabilité personnelle soit parfaite il conviendrait aussi qu’il puisse choisir librement l’âge de sa retraite au lieu qu’il soit imposé par les pouvoirs publics. Chacun pourrait alors décider d’épargner et de travailler plus ou moins longtemps.

    Il existe, bien sûr, beaucoup de modalités possibles d’un système de retraite par capitalisation.

    Certes il est concevable qu’ un système public de retraites repose sur la capitalisation . Mais si l’on veut tenir compte de l’extrême diversité des individus, des différences concernant leurs emplois et leurs besoins, il conviendrait, bien sûr, non pas d’imposer un régime universel à tout le monde, comme le prévoit le projet de réforme actuel (qui par ailleurs n’est pas un système de capitalisation), mais bien au contraire de permettre la concurrence entre toutes sortes de systèmes privés.

    Ainsi, dans un système de capitalisation parfaitement libre, un individu peut choisir lui-même les placements de son épargne ou recourir à un fonds d’investissement. Il peut envisager de consommer uniquement les rendements de son capital lors de sa retraite (et donc de léguer le capital qu’il possèdera encore lors de son décès) ou de consommer progressivement tout son capital (en faisant un pari sur la durée de sa retraite).

    Dans un système parfaitement libre – ce qui serait souhaitable – il y aurait nécessairement un grand nombre d’entreprises gestionnaires des retraites et proposant des systèmes différents les uns des autres. On est loin d’une telle situation avec l’actuel projet de réforme.

    Il convient enfin de souligner que l’un des avantages considérables des systèmes de retraite par capitalisation consiste aussi en ce qu’il en résulte un montant d’épargne beaucoup plus élevé. Or, parce qu’elle permet de financer l’investissement, l’épargne est un facteur important de la croissance ; c’est ce que l’on a constaté par exemple au Chili , un des premiers pays à avoir adopté la retraite par capitalisation : il y a eu une augmentation considérable du taux d’épargne et un taux de croissance considérablement plus élevé que dans tous les autres pays d’Amérique latine.

    Article initialement publié en décembre 2019.