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      Zoom avec Ernest Tigori : Sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme

      eyome · Tuesday, 29 December, 2020 - 20:48

    Zoom avec Ernest Tigori : Sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme

    Interview très intéressante.

    Impossible de trouver ce point de vu dans nos médias, mis à part des méchants tout désignés.

    #France, #Politique, #Fr, #souveraineté, #Responsabilité

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      Responsabilité : au cœur de la tradition intellectuelle libérale

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 29 December, 2020 - 04:15 · 6 minutes

    responsabilité

    Un entretien réalisé par Frédéric Mas.

    Un entretien exclusif avec Alain Laurent à propos de son dernier ouvrage : Responsabilité – Réactiver la Responsabilité Individuelle , paru le 7 février aux éditions Belles Lettres.

    Frédéric Mas : Qui est responsable ? Être responsable, c’est être à soi sa première cause. Cela implique qu’il n’y a de morale qu’individualiste ?

    Alain Laurent : Puisque dans l’ordre humain seul l’individu (et non pas les « collectifs ») est un être pensant et doté d’intentionnalité agissante, il est donc forcément seul à pouvoir être tenu pour responsable de ses choix et actions : être considéré comme leur cause principale et avoir à répondre de ce qui lui est imputé.

    La responsabilité individuelle se situe donc à la fois en amont, dans le libre arbitre , de la prise de décision et en son aval, en assumant ou revendiquant les conséquences de ses décisions. S’il n’était pas le libre auteur de de ses actes, on ne voit d’ailleurs pas au nom de quoi on lui demanderait d’en rendre compte !

    De ces considérations découle une éthique de la responsabilité individuelle qu’on peut en effet qualifier d’individualiste au sens classique de la notion d’individualisme , telle qu’elle est par exemple spécifiée dans le Trésor de la langue française (CNRTL – CNRS) qui fait autorité en la matière : ce qui privilégie l’indépendance d’esprit et de décision de l’individu ainsi que sa capacité d’autonomie ou d’autodétermination – à rebours de l’actuel individualisme bashing cher au gauchisme ou au conservatisme réactionnaire qui le réduit et l’assimile au narcissisme, à l’égoïsme trivial ou l’asocialité…

    La France n’est pas un pays très libéral, mais vous estimez qu’un vrai déclin de la responsabilité culturelle et institutionnelle s’est amorcé après-guerre. Quelles en sont les sources ?

    Le reflux de l’inscription institutionnelle du primat de la responsabilité morale et sociale de l’individu et sa déresponsabilisation subséquente ont en effet véritablement commencé en France aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale, et cela à un double égard.

    D’une part, sur le plan juridique, avec dans certains domaines la substitution d’une abstraite « personne morale » aux personnes humaines concrètes dans l’imputation des fautes commises et des réparations aux victimes (un point admirablement repéré, documenté, analysé et déploré en 1965 par l’éminente juriste Geneviève Viney dans son bien nommé Le déclin de la responsabilité individuelle ).

    Et d’autre part avec la mise en place d’ un État social ou providence impliquant une déresponsabilisation croissante des individus dans la protection contre la maladie ou le chômage et la préparation de leur retraite (en France, cela s’est traduit par l’application du programme à fort relent collectiviste du Conseil national de la Résistance) : cette mise sous tutelle a été en son temps dénoncée par des penseurs libéraux de sensibilités diverses : Walter Lippmann , Jacques Rueff et surtout Wilhelm Röpke , que j’ai fréquemment cité dans mon livre.

    Vous montrez bien que la responsabilité individuelle est au cœur de la tradition intellectuelle libérale. Cependant, c’est Proudhon qui pour vous est le premier à mettre en avant cet aspect dans son projet philosophique. Il serait le premier libertarien d’extrême gauche… Avant Bastiat ?

    L’apparition de l’expression « responsabilité individuelle » constitue dans l’histoire des idées un marqueur lexical fort pour repérer l’émergence d’une philosophie morale et sociale centrant l’imputation de responsabilité sur l’individu.

    Elle est intervenue dans le courant du XIXe siècle, avant tout en France ; et de l’enquête généalogique que j’ai menée il ressort que le premier penseur à l’avoir utilisée et positivement et à plusieurs reprises est… Proudhon – mais il s’agit du Proudhon d’après 1848-50, qui avait rompu avec le socialisme et rejoint la pensée libérale sur bien des points (libre concurrence, critique de l’impôt, respect du droit de propriété). En cela et sur le fond, il se rapproche de Bastiat avec qui il avait tant polémiqué et qui, paradoxalement venait de décéder (1850) mais n’avait, lui, jamais explicitement parlé de « responsabilité individuelle » bien qu’il ait été, cette fois-ci le premier à exposer sur un mode consistant les ressorts et la logique de la responsabilité de l’individu.

    Que cela fasse de Proudhon dans la deuxième partie de sa trajectoire intellectuelle un « libertarien d’extrême gauche », je n’irai pas jusque là. J’ai depuis longtemps toujours vu en lui plutôt un radical et authentique libéral de gauche .

    La responsabilité individuelle, et son pendant, le libre arbitre, n’est pas seulement menacée par les différents collectivismes de droite et de gauche qui cherchent à la diluer. L’émergence récente des neurosciences remet aussi au goût du jour le déterminisme matérialiste le plus extrême, qui tend à réduire la conscience de nos actions à néant. Comment surmonter ce néoscientisme sans pour autant rejeter les évolutions certaines de la science dans le domaine de la conscience ?

    La critique fondamentale à adresser à nombre de neuroscientifiques décrétant, en invoquant leurs travaux, l’enterrement d’un libre arbitre (pour eux une antique superstition « métaphysique ») ou « free will » qui est le socle d’une substantielle et cohérente responsabilité individuelle, est de s’aventurer inconsidérément et péremptoirement hors de leur champ scientifique de compétence. D’autant qu’ils le font de manière expéditive, en croyant le liquider définitivement en quelques pages voire quelques lignes, ce qui est bien léger pour une problématique d’une complexité telle qu’elle leur échappe.

    En se comportant de la sorte, ces suppôts d’un déterminisme réducteur et sommaire contreviennent aux rigoureux critères de la scientificité telle que les a avec soin posés Karl Popper : les extrapolations qu’ils avancent sans prudence ni parfois cohérence ne sont pas « falsifiables » (réfutables), et relèvent bien plutôt de l’opinion et de convictions idéologiques.

    La moindre des choses serait qu’ils renoncent au prétendu monopole de l’explication cognitive de la vie morale de l’être humain, qui plus est réduit à l’état d’un automate irresponsable qui s’ignore. J’ajouterai enfin que l’existence non niable d’un « inconscient cognitif » peut être interprétée de manière toute différente, sans revêtir la toute-puissance liberticide qu’ils lui attribuent dans une grave rechute scientiste. C’est le cas d’autres neuroscientifiques et non des moindres, pour lesquels inconscient cognitif et libre arbitre sont compatibles.

    Certains d’entre eux, dans le sillage d’un Karl Popper (qui fut d’abord un scientifique) acquis à l’indéterminisme, soutiennent même que la plasticité des déterminismes de l’esprit humain les rend ouverts à l’action d’une libre volonté – ou que dans l’état actuel des connaissances, la question est indécidable. Avec ceux-là, non seulement le dialogue est possible, mais nécessaire et fécond.

    Un entretien initialement publié le 11 février 2020.

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      Le couvre-feu est-il la conséquence d’un comportement « irresponsable » des Français ?

      Arnaud Bichon · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 18 October, 2020 - 03:45 · 8 minutes

    reponsables

    Par Arnaud Bichon.

    Suite au renforcement des mesures sanitaires toujours plus restrictives ces dernières semaines, jusqu’à l’annonce mercredi du couvre-feu , de nombreuses voix se sont élevées dans les médias et sur les réseaux sociaux pour tenir un discours de culpabilisation et dénoncer l’irresponsabilité des Français.

    Un billet d’humeur de La Voix du Nord , relayé par son auteur sur Twitter , est assez emblématique du point de vue de tous ceux qui accusent globalement les Français d’adopter des comportements « irresponsables », qui appelleraient en retour des mesures coercitives de la part des autorités pour mieux les juguler :

    Même son de cloche du côté du gouvernement et des autorités sanitaires. Depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron comme Jean Castex en appellent au « sens des responsabilités » des Français.

    Un article du Figaro rapportait en début de semaine que l’exécutif était désemparé et ne savait plus quel ton adopter pour dés-inciter les Français à se rassembler.

    « L’égoïsme est terrible […] Tout le monde défausse sa responsabilité. Nous sommes face à un paradoxe : les Français ne veulent pas de nouvelles mesures fortes, mais ne prennent pas leurs responsabilités pour l’éviter », s’exaspère un membre du gouvernement. ( Le Figaro du 13/10/2020)

    Alors, les Français peuvent-ils être tenus pour responsables de l’aggravation de la situation épidémique et de l’urgence sanitaire en raison de comportements frivoles, imprudents et égoïstes ?

    Les Français, responsables de comportements désinvoltes ?

    Pour les accusateurs, il y a une relation de causes à effets évidente entre le comportement des individus et le rebond de l’épidémie.

    La faute du couvre-feu incomberait aux Français qui se seraient trop relâchés, notamment durant l’été à la sortie du confinement, aux familles qui organiseraient des fêtes inconsidérées (repas de famille, mariage, etc.), aux gens qui n’appliqueraient pas les consignes sanitaires correctement en raison d’un manque de connaissance scientifique, aux jeunes qui ne penseraient qu’à s’amuser dans des soirées arrosées, inconscients des dangers qu’ils feraient courir à autrui, aux vieux qui refuseraient de renoncer aux gestes affectueux portés à leurs petits-enfants, etc.

    Mais au jeu des causalités, ne peut-on dire également que ces comportements font suite à un manque de clarté dans les mesures annoncées, à un manque de cohérence entre les différentes décisions (interdire les soirées nocturnes dans des bars alors qu’on permet l’entassement dans le métro, par exemple), à un manque de constance dans le discours des autorités (pensons aux volte-face gouvernementales sur les masques) et à un manque de légitimité de certaines consignes restrictives (peut-on reprocher aux Français de porter avec désinvolture leur masque à l’extérieur quand la plupart des experts médicaux doutent ouvertement de l’utilité de cette consigne ?) ?

    Les Français, responsables d’une aggravation de la situation ?

    Mais à y regarder de plus près, le comportement des Français s’est-il réellement traduit en rebond épidémique qui nécessitait ce couvre-feu ? La situation sanitaire est-elle si grave ? Y a-t-il vraiment de quoi battre sa coulpe ?

    Il y a bien une situation d’urgence sanitaire que l’on peut observer de façon factuelle : avec 1700 lits de réanimation occupés par les malades du Covid, le système hospitalier français, a priori dimensionné pour 67 millions d’habitants, est au bord de la saturation !

    Pourtant le rebond que l’on connait aujourd’hui était annoncé depuis six mois et il se comporte grosso modo tel qu’il était envisagé : une propagation du virus qui évolue désormais selon une courbe linéaire et non plus exponentielle comme lors de la première vague. Il ne semble donc pas y avoir de dérapage du côté de l’épidémie qui se comporte visiblement telle qu’elle pouvait être attendue. Accuser les Français d’être responsables de la situation d’urgence sanitaire n’est pas sérieux.

    Le « dérapage » se situe plutôt du côté de l’offre hospitalière qui n’a pas été en capacité, en six mois, de se préparer à gérer une évolution de courbe épidémique prévisible.

    On peut s’étonner que le système hospitalier d’un pays de 67 millions d’habitants soit au bord de la saturation avec seulement 1700 lits de réanimation occupés, et nécessite que l’État prenne des mesures restrictives de liberté pour être préservé.

    Le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait pourtant assuré cet été que le nombre de lits de réanimation pourrait grimper jusqu’à 12 000. Et au pic de l’épidémie, près de 7000 avaient pu être mis en place. Avec 1700 lits occupés par la Covid, la capacité hospitalière paraît bien loin de la saturation.

    En fait, en ce mois d’octobre, un peu plus de 5000 lits seulement sont opérationnels. Les hôpitaux accuseraient un manque de personnel. Actuellement, 500 à 600 lits de réanimation seraient fermés faute de ressources humaines qualifiées.

    De plus, pendant la première vague, l’hôpital avait augmenté sa capacité de réanimation en déprogrammant d’autres soins. Il sera impossible cette fois-ci de retarder de nouveau un certain nombre d’actes chirurgicaux, qui ont déjà été retardés en mars et avril 2020.

    Sous le feu des critiques, Olivier Véran a annoncé vendredi 9 octobre une enveloppe de 50 millions d’euros pour aider les hôpitaux à ouvrir 4000 lits de réanimation supplémentaires, dès décembre prochain.

    Nous sommes en droit de nous demander pourquoi on n’a pas cherché à les créer juste après la crise du printemps dernier. Et les 12 000 lits annoncés en fanfare durant l’été n’étaient-ils que de l’esbroufe, un effet d’annonce ?

    Crise sanitaire ou crise de gestion de la santé ?

    En février dernier, confrontée à un coronavirus inconnu qui se propageait de façon exponentielle, la France faisait clairement face à un problème sanitaire avec un dérapage épidémique difficilement contrôlable.

    Aujourd’hui elle fait plutôt face à un problème de gestion sanitaire. Le système hospitalier n’a pas été en capacité de profiter des six longs mois depuis la sortie du confinement pour préparer la gestion du rebond épidémique.

    L’entourloupe gouvernementale consiste à décharger la responsabilité du système de santé pour sa gestion calamiteuse en accusant la demande de soin. On arrive à la situation ubuesque où ce n’est plus au système de santé d’avoir la responsabilité de déployer des services de soin proportionnés aux besoins de la population, c’est à la population d’avoir la « responsabilité » d’alléger les services de soins.

    On renverse totalement la relation de service. C’est là sans doute toute la beauté du service public tant vanté par nos zélotes de l’État-providence.

    C’est en tout cas la position explicitement défendue par le ministre de la Santé : c’est la demande de soins qui doit s’adapter à l’offre de soins, et non l’inverse.

    Dans une série de tweets publiés le 11 octobre, Olivier Véran explique qu’ « il se bat » pour que l’hôpital n’ait pas à s’adapter au rebond épidémique. Il expose son étonnante conception des services de santé selon laquelle ce sont les Français qui doivent se plier à des efforts, pour préserver le système hospitalier tel qu’il est, même lorsqu’il n’est toujours pas en tension :

    Depuis quelques jours, je lis et j’entends que si la France avait plus de lits de réanimation, nous ne serions pas obligés de prendre des mesures, parfois dures pour notre vie sociale et économique. […] De 5000 lits de réanimation, nous pourrions monter jusqu’à 12 000 si la situation sanitaire l’exigeait. […]

    Mais nous nous battons pour ne pas avoir à le faire. Pourquoi ? D’abord, nos soignants ont beaucoup donné lors de la première vague et sont fatigués.

    Ensuite, cela impliquerait une déprogrammation massive de toute la chirurgie programmée, et un nouveau grave retard de soins.

    Enfin et surtout. Imaginons qu’il y ait en France 50 000 lits de réanimation. On laisserait le virus se répandre ? Non ! […] Ce que nous voulons, c’est freiner le virus, éviter les formes graves, limiter les réas et les décès.

    Les Français, responsables des carences de la gestion hospitalière ?

    Pour conclure, quelques mots supplémentaires concernant les notions de responsabilité et de relations causales. Il y a une confusion dans les esprits : ce n’est pas parce qu’une cause produit un effet que cette cause doit être tenue pour responsable de l’effet.

    Lorsqu’un commerçant voit son chiffre d’affaires baisser en raison d’un changement de comportement des consommateurs, quelle est la cause de la baisse du chiffre d’affaires ? Le chiffre d’affaires baisse-t-il parce que les consommateurs ont modifié leur comportement ? Clairement oui. Le chiffre d’affaires baisse-t-il parce que le commerçant n’a pas su anticiper le changement de comportement des consommateurs ou s’adapter à celui-ci ? Oui aussi. Mais finalement, à qui incombe la responsabilité de développer le chiffre d’affaires ? Au commerçant uniquement.

    Le commerçant qui n’assume pas pleinement ses responsabilités accusera les consommateurs de la déroute de son magasin. Le commerçant responsable cherchera à faire évoluer son offre commerciale au regard de l’évolution du comportement des consommateurs.

    Nous sommes actuellement dans une situation comparable : ce sont le gouvernement, les autorités sanitaires et le système hospitalier qui font preuve d’irresponsabilité en accusant les Français de comportements « irresponsables ».