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      Le capitalisme de la surveillance… une économie qui n’a plus de limites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 6 February, 2023 - 04:30 · 3 minutes

    Dès la rentrée 2023, les enfants français vont recevoir un stylo. Un stylo un peu particulier, D’apparence anodine, s’il semble « normal » il est une révolution pour le monde de l’éducation, nous ne pouvons que nous en réjouir… Il est en effet truffé de technologies : il permet de filmer nos chères têtes blondes dès lors qu’elles l’utilisent et sont en mesure de communiquer aux enseignants et/ou aux parents la moindre prise de note !

    Bientôt en France ?

    Mais non me direz-vous ! Et vous auriez bien raison, ce nouvel outil au service d’un capitalisme de la surveillance n’a pas encore été offert à nos enfants. Quant à savoir s’il existe, la réponse est oui ! C’est un stylo dont a été doté le maximum d’élèves chinois du primaire et du secondaire en août 2022… Pour le ministre de l’Éducation de la République populaire de Chine, l’objectif serait de faciliter la « gestion des devoirs » et d’en avoir une « utilisation scientifique ».  Pourquoi pas ?

    Paradoxe et non des moindres, le capitalisme de la surveillance –  cette économie qui tire profit de la surveillance numérique de la population –  a toujours un bel avenir en terre communiste, mais pas que !

    Si j’introduis le sujet ainsi c’est pour montrer à quel point de petits pas en petits pas et pour avoir un citoyen tout à fait conforme aux attentes, récupérer de la data, plus rien ou presque n’étonne ! En matière de capitalisme de surveillance l’Europe, dont la France n’est pas la dernière à recourir à toutes formes de technologies de surveillance des individus, dans une intention louable cela va de soi. Que ces technologies soient 100 % fiables ou non, là n’est pas vraiment l’important. Ce qui importe c’est d’abord que l’individu se sente épié.

    Donc si pour les stylos que je vous présentais il vous faudra attendre encore un peu, a contrario pour la surveillance des citoyens en France un nouveau pas est en passe d’être franchi ! Bienvenue aux radars de surveillance thermique , qui de mon point de vue relèvent d’une surveillance militaire des citoyens.

    Les radars thermiques

    La ville de Lyon peut se féliciter de les déployer !

    Leur objectif ? Pourchasser les outrecuidants qui utilisent les voies réservées au covoiturage afin de pouvoir détecter même au travers de vitres teintées ( entre nous soit dit majoritairement interdites ) le nombre de passagers : « les capteurs thermiques pourront détecter la présence de deux adultes sur les sièges avant ou à l’arrière de la voiture ».

    À Lyon, cette voie est présente sur les boulevards périphériques M6/M7. Si le système est présenté comme fiable, à ce jour des incertitudes demeurent sur leur capacité à identifier des bébés qui seraient installés dos à la route dans leur siège auto. Restera alors à savoir si un bébé est une personne ou si un papa ou une maman utilisent cette voie indument… amener un bébé à la crèche est-ce du covoiturage ? Les débats ne vont pas manquer d’être palpitants !

    Mais pourquoi ne pas essayer : de fait une période d’expérimentation est prévue pour garantir la fiabilité du dispositif puisqu’en plus de comptabiliser le nombre de passagers dans les véhicules, les radars devront photographier correctement les plaques d’immatriculation des contrevenants.

    Jean-Charles Kohlhaas président chargé des déplacements au Grand Lyon a précisé : « L’État les homologue lorsque la marge d’erreur est inférieure à 4 %, soit à partir de 96 % [de fiabilité] »

    Non, indéniablement, plutôt que de compter sur l’intelligence et le civisme des citoyens pourquoi ne pas poursuivre cette marche en avant de surveillance tous azimuts et les prendre pour cobayes ?

    Ainsi pour une voie présente sur les boulevards périphériques M6/M7 c’est le branle-bas de la surveillance innovante pour apprendre la citoyenneté au citoyen à grands renforts d’amendes en attendant l’homologation éventuelle et en réfléchissant à d’autres applications possibles !

    Que dire ? La citoyenneté à base d’outils de surveillance inédits c’est beaucoup plus rentable ! Vivement les stylos ! Et dernière question sur cette « avancée » : comment l’individu ci-dessous sera-t-il considéré par ces « merveilleux » radars assis sur un siège passager ?

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      Les centres de progrès (30) : Tokyo (technologie)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 5 February, 2023 - 03:50 · 10 minutes

    Un article de Human Progress

    Notre trentième Centre du progrès est Tokyo, qui, après avoir été presque détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, a été rapidement reconstruite et s’est réinventée en tant que leader mondial de l’industrie et de la technologie.

    Aujourd’hui, Tokyo est le centre économique du pays et le siège du gouvernement japonais. La ville est réputée sûre et prospère. Elle est réputée pour son glamour et son cosmopolitisme. La région du Grand Tokyo est actuellement la zone métropolitaine la plus peuplée du monde, avec plus de 37 millions de résidents. En tant que dernier Centre du progrès, la forte population de Tokyo est appropriée car, comme dans toute ville, ce sont ceux qui y vivent qui font avancer le progrès et créent la richesse. Et plus il y a de gens, plus on rit, ce qui est également confirmé par des recherches empiriques.

    Située dans la baie de Tokyo, la métropole a commencé comme un humble village de pêcheurs. Appelée à l’origine Edo, ce qui signifie estuaire, la région a connu sa première grande notoriété lorsqu’elle a été désignée comme siège du shogunat Tokugawa en 1603. Au XVIII e siècle, cette localité autrefois obscure était devenue l’une des villes les plus peuplées du monde, avec une population de plus d’un million d’habitants.

    La ville a bénéficié d’une longue paix connue sous le nom de Pax Tokugawa, qui a permis à ses habitants de consacrer leurs ressources au développement économique plutôt qu’à la défense militaire. C’était particulièrement bienvenu car la ville devait souvent être reconstruite après des catastrophes. Elle était vulnérable aux incendies en raison de son architecture essentiellement en bois, ainsi qu’aux tremblements de terre – une conséquence de la situation du Japon le long de la « ceinture de feu « , la zone la plus exposée aux tremblements de terre sur la Terre. La capacité de Tokyo à prospérer lorsqu’elle est épargnée par les vicissitudes des conflits est un thème récurrent de son histoire.

    Lorsque le shogunat Tokugawa a pris fin en 1868, la nouvelle cour impériale s’est installée à Edo et a rebaptisé la ville Tokyo, ce qui signifie « capitale orientale », en référence à l’ancienne capitale, Kyoto, située à près de 300 miles à l’ouest de Tokyo. En tant que siège du nouveau régime, Tokyo a été à l’avant-garde de la restauration Meiji (1868-1912), une période de l’histoire japonaise caractérisée par une modernisation rapide. En quelques décennies seulement, le pays a aboli les privilèges féodaux et industrialisé son économie, devenant un État moderne doté de routes pavées, de téléphones et d’énergie à vapeur. Au cours de l’ère Taisho qui a suivi (1912-1926), Tokyo a continué à s’étendre, tandis que le Japon s’urbanisait et se modernisait davantage.

    En 1923, une catastrophe a frappé la ville. Le grand tremblement de terre de Kanto, d’une magnitude de 7,9 sur l’échelle de Richter, a provoqué un tourbillon de feu et incendié le centre de la ville. Plus de 140 000 personnes ont péri dans cette catastrophe et environ 300 000 maisons ont été détruites. À l’époque, il s’agissait de la pire tragédie que la ville ait jamais connue. Mais un peu plus de deux décennies plus tard, la catastrophe a été supplantée par les ravages bien pires causés par la Seconde Guerre mondiale.

    Le Japon a été l’un des pays les plus dévastés par cette guerre, perdant entre 1,8 et 2,8 millions de personnes ainsi qu’un quart de la richesse du pays. Le pays a été endommagé non seulement par les bombes nucléaires larguées sur Hiroshima et Nagasaki, mais aussi par une campagne extrêmement efficace de bombardements conventionnels sur certaines de ses plus grandes villes, dont Nagoya, Osaka, Kobe et Tokyo. L’opération Meetinghouse (mars 1945), ou le grand raid aérien de Tokyo, est considérée comme le bombardement le plus destructeur de la Seconde Guerre mondiale. Il a été plus meurtrier que les bombardements de Dresde ou de Hambourg et même que les attaques nucléaires sur Hiroshima ou Nagasaki.

    Ce raid incendiaire à basse altitude a coûté la vie à au moins 100 000 Tokyoïtes. Il en a blessé plus de 40 000 autres, a réduit en cendres un quart de la ville et a laissé un million de personnes sans abri. Les températures ont atteint 1800 degrés au sol dans certaines parties de Tokyo et les structures de la ville principalement en bois ont rapidement disparu dans les flammes. Et ce n’était là qu’un des multiples bombardements incendiaires subis par la ville pendant la guerre. En plus d’avoir été la cible des bombardements les plus meurtriers de la Seconde Guerre mondiale, Tokyo a également été la cible de ce qui a probablement été le plus grand raid de bombardement de l’histoire, impliquant plus de mille avions.

    Les bombardements ont collectivement réduit de moitié la production économique de Tokyo. Dans l’ensemble, la production industrielle du Japon a été réduite à un dixième de son niveau d’avant-guerre. Les bâtiments industriels et commerciaux ainsi que les machines étaient particulièrement susceptibles d’avoir été détruits pendant la guerre.

    Ces destructions ont contribué aux vastes pénuries alimentaires et énergétiques de l’après-guerre, et les dommages subis par les infrastructures ont rendu les transports presque impossibles dans certaines régions. Associée à la démobilisation brutale des 7,6 millions de soldats du pays, d’environ 4 millions de civils engagés dans des travaux liés à la guerre et de 1,5 million de rapatriés des territoires occupés par le Japon pendant la guerre, la dévastation a contribué à un chômage déjà massif. Avec plus de 13 millions de personnes sans emploi dans l’ensemble du pays, une inflation galopante et une dévaluation de la monnaie, l’économie de Tokyo s’est arrêtée net.

    Malgré cette sombre situation, le Tokyo d’après-guerre disposait de quelques avantages qui favorisaient une reprise rapide. Avant la guerre, le Japon était une grande puissance. La capitale a conservé la mémoire institutionnelle de ce qu’était un centre industriel et possède encore une main-d’œuvre instruite et qualifiée. L’administration américaine d’occupation était également très motivée pour aider au redressement économique car les États-Unis souhaitaient voir le pays se démilitariser et se démocratiser rapidement.

    Les États-Unis ont forcé le Japon à renoncer à son droit à une armée et ont assumé le coût de la défense du pays, permettant ainsi au Japon d’allouer toutes ses ressources à des activités civiles telles que l’investissement commercial. De nombreux dirigeants japonais, comme le Premier ministre Shigeru Yoshida (1878-1967), soutenaient pleinement la démilitarisation. Il est parfois appelé le père de l’économie japonaise moderne. Même après la création d’une force de défense nationale au Japon en 1954, les dépenses étaient faibles et ont diminué en pourcentage du PIB au fil des ans. Certains économistes estiment que l’économie japonaise aurait été réduite de 30 % en 1976 si le pays n’avait pas été libéré du fardeau des dépenses militaires.

    La croissance économique de Tokyo

    Le Japon a rapidement adopté plusieurs réformes économiques.

    Les Alliés obligent le pays à dissoudre les zaibatsu , les conglomérats capitalistes qui avaient bénéficié d’un traitement préférentiel de la part du gouvernement impérial, allant de taux d’imposition réduits à des injections de liquidités. Grâce à leurs liens avec le gouvernement, les zaibatsu avaient réussi à maintenir un quasi-monopole sur de vastes pans de l’économie et à écraser leurs concurrents. La fin du règne des zaibatsu a permis à de nouvelles entreprises de se former et d’entrer en concurrence dans une économie plus ouverte. Dans le même temps, le Japon a adopté des réformes agraires qui ont transformé l’agriculture du pays qui fonctionnait auparavant selon des principes féodaux inefficaces.

    Au début de la guerre froide, à la fin des années 1940, les États-Unis espéraient que le Japon deviendrait un allié capitaliste solide dans la région. À cette fin, en 1949, le banquier et conseiller présidentiel américain Joseph Dodge (1890-1964) a aidé le Japon à équilibrer son budget, à maîtriser l’inflation et à supprimer les subventions gouvernementales généralisées qui soutenaient des pratiques inefficaces. Les politiques de Dodge, désormais connues sous le nom de « ligne Dodge », ont réduit le niveau d’intervention de l’État dans l’économie japonaise, rendant cette dernière beaucoup plus dynamique. Peu après l’entrée en vigueur de ces politiques, la guerre de Corée (1950-1953) a éclaté et les États-Unis ont acheté une grande partie de leurs fournitures de guerre au Japon géographiquement proche. La libéralisation économique combinée à l’augmentation soudaine de la demande manufacturière, a accéléré la reprise du Japon, et en particulier de Tokyo.

    Tokyo a commencé à connaître une croissance économique d’une rapidité époustouflante. La ville s’est rapidement réindustrialisée et a fait office de plaque tournante du commerce, les importations et les exportations du pays ayant augmenté de façon spectaculaire. La nation de l’archipel disposait de relativement peu de ressources naturelles, mais en important de grandes quantités de matières premières pour fabriquer des produits finis, le Japon a pu réaliser d’impressionnantes économies d’échelle, multiplier la production manufacturière et augmenter ses bénéfices. Ces bénéfices étaient ensuite réinvestis dans de meilleurs équipements et dans la recherche technologique, ce qui augmentait la production et les bénéfices dans un cercle vertueux.

    Outre l’achat pur et simple de produits japonais, le gouvernement américain a supprimé les barrières commerciales sur les marchandises japonaises et, dans l’ensemble, a résisté aux appels à l’instauration de mesures protectionnistes anti-japonaises, garantissant ainsi aux entrepreneurs japonais la liberté de vendre leurs produits aux États-Unis et ailleurs. Au cours de la période qui a suivi la guerre de Corée, les banques des États-Unis et d’ailleurs ont investi massivement dans l’économie japonaise et en attendaient des rendements élevés.

    Elles ont été récompensées lorsque le « miracle économique » du Japon s’est matérialisé et que Tokyo a prospéré. Entre 1958 et 1960, les exportations japonaises vers les États-Unis ont augmenté de 150 %. En 1968, moins de vingt-deux ans après la Seconde Guerre mondiale, le Japon se targue d’être la deuxième économie mondiale et Tokyo est au cœur de la nouvelle prospérité du pays.

    Tokyo a rapidement été le berceau et le siège de grandes entreprises mondiales, produisant des voitures (Honda, Toyota, Nissan, Subaru et Mitsubishi), des appareils photo (Canon, Nikon et Fujifilm), des montres (Casio, Citizen et Seiko) et d’autres produits numériques (Panasonic, Nintendo, Toshiba, Sony et Yamaha).

    Le succès entrepreneurial de Tokyo est en partie dû à l’innovation. Toyota, par exemple, a devancé les constructeurs automobiles américains en créant un nouveau système de production qui utilise l’automatisation stratégique et la « fabrication juste à temps », ce qui permet d’accroître l’efficacité. La « fabrication juste à temps », qui consiste à programmer chaque étape du processus de fabrication de manière à éliminer le besoin de stockage de stocks excédentaires, est depuis devenue la norme mondiale dans tout une série d’industries.

    Depuis les années 1970, Tokyo est également réputée pour sa robotique de pointe. Le développement de l’expertise en matière de robotique industrielle était une extension naturelle des prouesses manufacturières de la ville, mais les entreprises et les chercheurs de Tokyo ont depuis étendu leurs activités à de nombreux autres domaines de la robotique. La ville a créé des innovations allant des grooms et des agents d’accueil des aéroports robotisés aux bébés phoques robotisés amicaux qui aident les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

    La capitale en grande partie détruite d’un pays dévasté par la guerre a réussi à se transformer en l’espace de quelques décennies en l’un des principaux centres technologiques du monde. Grâce à l’ingéniosité et à la détermination de ses habitants, combinées à des conditions de paix, de liberté économique et de possibilité de participer au commerce mondial, Tokyo est devenue un « miracle économique » qui la qualifie comme l’une des grandes réussites urbaines de l’histoire moderne. Il est donc normal qu’une ville à l’avant-garde du progrès technologique soit notre trentième Centre du progrès.

    Traduction Contrepoints

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      ChatGTP sauvera-t-il le français ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 1 February, 2023 - 04:00 · 6 minutes

    On ne parle que de lui, on salue ses prouesses techniques ou on le dit inepte. Je parle bien sûr de ChatGTP, l’agent conversationnel d’OpenAI mis récemment à la disposition des internautes dans une version 3 assez avancée. Faut-il s’en inquiéter et quel sera son impact sur les langues et notamment la nôtre : le français ?

    D’abord, assurons-nous que nous parlons de la chose et non du mythe. Mythe qui lui-même relaie celui de l’intelligence artificielle (IA).

    Un enfant de l’intelligence artificielle

    Comme je l’expliquais dans un précédent article, l’intelligence artificielle n’est ni intelligente ni artificielle .

    ChatGPT est un outil mis au point par les humains pour des humains.

    En effet, cet outil ne fait « que » consulter quasi instantanément une énorme masse de données et les utilise pour répondre aux questions qu’on lui pose. C’est une sorte de super Google… et Google justement compte bien faire face à ce concurrent pour se développer également dans ce domaine.

    En attendant, c’est un succès financier et le cours de bourse de BuzzFeed, l’entreprise d’ intelligence artificielle , une star déchue, a bondi lorsque qu’a été annoncée sa convention avec Facebook et Instagram pour créer des contenus.

    Pour l’instant, ChatGTP n’est qu’un outil d’intelligence artificielle d’OpenAI et sa célébrité vient du fait qu’il est utilisable par tous les internautes depuis novembre 2022. En particulier parce qu’il a réussi à passer un examen de MBA à l’école de commerce de Wharton. Du coup, il s’est fait interdire dans les écoles new-yorkaises… et à Sciences-po !

    Ça me rappelle l’interdiction des calculettes dans les examens et concours, mesure maintenant oubliée. Mais contrairement aux calculettes, il peut se tromper.

    Pourquoi quelques erreurs ?

    Il y a au moins deux raisons.

    La première est que ses bases de données sont incomplètes. Pour l’instant elles s’arrêtent à courant 2021 et il faudra le mettre à jour en permanence, ce qui ne sera jamais parfait.

    La seconde vient de sa conception même : comme il ne sait pas ce qui est vrai ou faux, il choisit le plus vraisemblable, par exemple s’il constate que des présentateurs de télévision écrivent souvent des livres, il dira « X a écrit de nombreux livres », même si c’est faux. Il peut aussi inventer le titre et les auteurs d’une revue qui n’a jamais existé. Ou encore attribuer à quelqu’un un diplôme qu’il n’a jamais obtenu. Si deux réponses lui semblent statistiquement probables, il peut dire une chose et son contraire.

    À quoi va-t-il servir ?

    En bref c’est un immense savoir à disposition, comme Google mais en mieux (et on peut compter sur Google pour lui bâtir un concurrent costaud), mais qui ne fait que refléter les sources.

    Ces dernières peuvent être involontairement biaisées de mille façons puisque c’est la quantité qui compte. Or le nombre de données sur Shakespeare mettra ce dernier au premier rang devant d’autres brillants auteurs.

    Il servira aussi à former des créateurs et des influenceurs pour Facebook et Instagram.

    On peut imaginer des dialogues du genre :

    « Monsieur, la machine, elle vient de me dire que la Terre est plate »

    « Montre-moi ta question »

    « Bien sûr, c’est toi qui lui as demandé de le dire »

    Il peut varier le style (ou le ton si on lui fait lire son texte) : humour, colère, poésie…

    Peut-on le démasquer ?

    On peut le soupçonner en cas d’erreur, ou d’ignorance de faits produits après 2021 (même si cela va vite évoluer, la version 4 de ChaGPT est annoncée plus complète) mais ce n’est pas vraiment une preuve : un humain peut se tromper aussi.

    En fait il semble que seul le concepteur puisse le prouver.

    Mais Google prépare une riposte qui permettra de trier ce qui vient de la machine et ce qui vient d’un humain : « Panique chez Google : les fondateurs reviennent pour contrer ChatGPT »

    Son rapport aux langues

    Certains détracteurs de la généralisation de l’anglais dans le monde comment déjà à se plaindre : « Encore une machination des Américains pour imposer leur langue ! »

    Au stade actuel, ce n’est pas évident.

    Translangue

    Il y a plusieurs « couches » de connaissance stockées dans le modèle ChatGPT.

    Les couches inférieures contiennent des représentations abstraites et mathématiques des concepts et de leurs relations.

    Les couches supérieures relient les couches inférieures à des modèles de langages : textes dans lesquels les concepts sont décrits et utilisés, grammaire et vocabulaire de différentes langues, etc.

    Il est donc possible d’exprimer une connaissance contenue dans les couches inférieures dans n’importe quelle langue si les couches supérieures associées à celle-ci existent.

    De plus, si des textes existent dans cette langue sur ce sujet, ChatGPT peut s’en inspirer.

    Donc ChatGPT ne travaille pas en anglais mais dans un modèle abstrait. Le langage n’est que l’interface de communication.

    C’est un peu comme les programmes qui peuvent reconnaître les chiens dans les images : ils sont capables d’extraire l’essence d’un chien de nombreux exemples sans se soucier des différences entre les races.

    De plus, des textes de nombreuses langues différentes peuvent venir enrichir ce modèle. Donc le programme n’a pas besoin d’utiliser la traduction automatique. Peut-être le fait-il ponctuellement.

    Quelle influence sur la langue française ?

    Ma première réaction est la suivante : de quoi se plaint-on ? On produit des textes en bon français, sans fautes d’orthographe ni de grammaire, ça nous change un peu !

    C’est même paraît-il ainsi qu’ on repère que ces textes viennent de la machine et non d’un élève ou d’un collègue. C’est dire à quel point nous sommes tombés bien bas !

    On pourra dire « voilà un corrigé tout fait ». On verra fleurir les : « élève Lagaffe note les différences avec ton texte » et autres exercices pédagogiques.

    On va sauver des précisions disparues. On va voir le retour du conditionnel, du passé simple, et peut-être de l’imparfait du subjonctif !

    Fatie Toko, directrice « Data et IA » de La Poste, l’a testé et estime que l’intelligence artificielle représente donc « un énorme potentiel pour l’éducation »… à condition de continuer à faire fonctionner ses neurones.

    Rappelons-nous que le calcul mental a disparu avec les calculettes. Moi qui suis d’une génération antérieure, j’ai longtemps « bluffé » les commerçants de mon quartier en annonçant un total plus rapidement que leurs calculettes… mais maintenant je suis battu par leurs ordinateurs.

    Donc, contrairement aux craintes suscitées par l’hégémonie de l’anglais, voici que les Américains lancent un produit qui semble neutre sur le plan linguistique. Et qui de plus nous donne de bons modèles de rédaction en français.

    Conclusion

    Je pense donc qu’il faut réfléchir à une utilisation féconde en français pour les francophones. Cet outil remarquable et qui sera sûrement sans cesse perfectionné doit être présenté et surtout maîtrisé pour stopper la progression du franglais.

    Dans cet article, je me suis focalisé sur l’impact de ChatGPT sur la langue française. Le grand public se pose bien d’autres questions, notamment l’impact sur l’emploi de tous ceux qui seront déclassés par cette nouvelle technique.

    Mon avis est que l’histoire nous montre que l’on peut être raisonnablement optimiste, comme pour tout progrès technologique. Nous en reparlerons lors d’un prochain article !

    Sur le web

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      Nucléaire : le savoir-faire français existe toujours

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 31 January, 2023 - 04:15 · 1 minute

    Permettez-moi cette courte prise de parole !

    Il y va en effet de la fierté nationale comme on a pu la connaître du temps de nos mirages ou de notre TGV .

    De quoi s’agit-il ?

    Tout simplement, il s’agit de l‘ autoflagellation , habitude quasi sempiternelle de nous autres Français, qui savons reconnaître nos erreurs mais ne savons pas ou plus reconnaître nos réussites, particulièrement dans le domaine technique !

    Le problème des soudures à l’EPR de Flamanville

    Face à une série de calamités dans les soudures de l’EPR de Flamanville , non détectées par les autorités lors de leur réalisation quand il était encore aisé de les corriger, mais bien ensuite lorsque les éléments mitoyens en empêchaient l’accès, la compagnie Française EDF a dû faire face.

    Exposée ensuite également à une corrosion spécifique sur des tubes coudés rattachés au circuit primaire de certains de ses réacteurs, dit du palier N4, pourtant les plus modernes, qui n’engageaient pas immédiatement la sûreté, EDF a préféré agir de suite et là aussi a dû faire face.

    Dans les deux cas, il a fallu innover sur le champ, d’abord pour comprendre de quoi il retournait exactement, puis agir, soit pour permettre le réputé impossible (certaines soudures de l’EPR de Flamanville ont nécessité la réalisation de robots spécialisés uniques au monde), soit pour simuler les soudures sur des pièces similaires avant de passer en situation réelle, ou encore de mettre les meilleurs soudeurs de France à l’œuvre !

    Un succès français

    Le résultat est là… et n’a pour ainsi dire pas fait la Une des médias.

    L’ensemble des soudures de l’EPR de Flamanville listées par les autorités comme devant être corrigées ont été reprises avec succès et le premier réacteur du palier N4, Civaux 1 , est déjà redémarré, un an seulement après la découverte de la corrosion.

    Ce succès est unique au monde, il est Français : parlons-en !

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      De ChatGPT à ChatCGT ! Les enjeux des bots politiques dernière génération

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 29 January, 2023 - 04:15 · 6 minutes

    L’IA ne cesse de progresser et de s’immiscer dans nombre de nos usages au quotidien … et les tentations ici et là d’y avoir recours sont multiples ( cf.reconnaissance faciale ).

    Vous connaissez peut-être ChatGPT développé par OpenAI ; ce Chatbot spécialisé dans le dialogue est conçu – selon ses développeurs – pour être utilisé dans des applications de chat en temps réel, comme un assistant virtuel ou comme un agent conversationnel

    Pour vous donner une idée de la puissance incontestable de l’outil sa dernière prouesse : réussir – certes de justesse – un examen d’une faculté de droit américaine renommée :

    « Christian Terwiesch, professeur de la prestigieuse université américaine de Wharton (dont le programme de MBA est classé n°1 mondial selon le Financial Times et n°1 aux États-Unis selon le classement 2023 U.S. News & World Report) a soumis le chatbot d’OpenAI à un examen de son cours de management des opérations qui fait partie du cursus MBA, parmi les plus réputés du monde »

    Résultat : des notes de B- à B, soit de 10,5 à 12 sur 20 ! Soit dans une moyenne pour le moins honorable par rapport aux résultats usuellement obtenus par les étudiants.

    C’est indéniablement spectaculaire !

    Devant une telle prouesse – largement médiatisée – l’enthousiasme et l’émoi ont été grands dans le monde de l’Internet.

    Dans cette effervescence pour contrecarrer le ChatGPT d’ OpenAI la filiale d’alphabet, Deep Mind a conçu un Chatbot nommé SPARROW … Beaucoup d’agitation ! Révolutionnaire pour autant ?

    Rien de moins certain : Yann LeCun (Meta) pionnier de l’IA a tenu à relativise r : « le public se méprend sur l’aspect innovant et unique du chatbot d’OpenAI. »

    Face à un tel engouement il a tenu de s’en expliquer afin selon lui « de corriger la perception du public et des médias qui voient ChatGPT comme cette percée technologique incroyablement nouvelle, innovante et unique qui est bien en avance sur tout le monde » et de conclure de façon tranchante :  « ce n’est tout simplement pas le cas ! ».

    Dont acte. Par ailleurs et par-delà des usages positifs qui peuvent se révéler utiles à nos sociétés, par exemple dans un usage visant à améliorer la relation client, il ne faudrait pas faire l’impasse sur un côté plus sombre et un usage potentiellement dévoyé de Chatbots voués à être de plus en plus performants, notamment dans les domaines comme la politique.

    Les agents conversationnels : la politisation des Chatbots, quels enjeux ?

    La situation actuelle des Chatbots étant posées, c’est en s’inspirant de ChatGPT que Vincent Flibustier, créateur du site parodique Nordpress a  développé – appuyé par son frère – un Chatbot nommé ChatCGT , une version marxiste de ChatGPT qui n’apprécie ni Emmanuel Macron, ni a fortiori sa politique.

    Ce Chatbot est en mesure de répondre de façon naturellement orientée à toutes sortes de questions et apporter des réponses et du contenu « crédible » à ses utilisateurs. Un contenu qui pourra être rapidement essaimé sur le réseau par les plus convaincus… Il n’est pas ici question de juger de la pertinence ou non des réponses apportées par un Bot politique idéologiquement marqué. Cependant, s’il a un mérite indéniable, c’est de mettre à nouveau en lumière l’enjeu politique et les questionnements que soulèvent ces derniers : quels usages ? quels impacts réels ? quel encadrement juridique ?

    Bots politiques : du positif, du négatif et bien peu d’encadrement juridique

    Si « hier » encore la plupart des bots étaient capables de tenir une conversation basique à l’instar des premiers Chatbots comme ELIZA (1966) créée par Joseph Weizenbaum , du Massachusetts Institute of Technology (MIT), le temps a passé…

    En s’appuyant sur le Natural Language Processing (NLP) – une technologie qui permet aux machines de comprendre le langage humain, concomitamment aux progrès du deep learning …  il va de soi qu’ils seront de plus en plus difficiles à détecter s’ils ne sont pas présentés à l’utilisateur comme tel.

    L’arrivée des agents conversationnels dans le domaine politique n’est pas non plus récente en France. Par exemple nous pouvons citer le bot politique de Benoit Hamon, nommé Le « Botnoît » que le présidentiable avait utilisé lors de la campagne 2017 dans le but de présenter son programme, une utilisation donc plutôt positive, le seul risque pris étant alors pour le politique y ayant recours de se fier à un Chatbot insuffisamment « puissant » : le politique ne doit jamais omettre qu’un Chatbot n’est encore à ce jour pas infaillible et qu’il parle en son nom.

    Nous pouvons raisonnablement supposer que lorsque l’ensemble des partis sont dotés – ou vont se doter de ce type d’outil – se posera alors la question d’une part de la finalité d’usage et d’autre part de son identification transparente, à savoir que l’usager soit informé qu’il a affaire à un bot politique.

    Nous serions dans le meilleur des cybermondes, avec un usage raisonné lors de grandes échéances, un cybermonde ou les Chatbots politiques seraient identifiables, porteurs de réponses certes partisanes, mais fiables et centrées sur leur projet politique… tout serait alors pour le mieux dans le meilleur des cybermondes…

    Malheureusement il ne faut pas être candide, un bot politique peut se mettre au service du bien tout comme au service du mal ! Dès lors, si les choses ne sont pas très cadrées par le législateur, lors de campagnes futures nos démocraties peuvent redouter la démultiplication de bots politiques «dissimulés» dédiés à une augmentation substantielle de la désinformation, avec pour objectif, par exemple, de nuire à un adversaire. Si ces bots sont utilisés de façon dévoyée, ces avancées en IA représentent un grave danger pour un scrutin démocratique sain et éclairé. Ils sont tout à fait opérants pour manipuler l’opinion publique ( Astroturfing ).

    Pour conclure…

    La Loi contre la manipulation de l’information votée en 2018 est supposée garantir une exemplarité des pratiques de nos hommes et femmes politiques.

    L’usage malfaisant des bots politiques est donc intégré, mais dans les faits, quelles sanctions ? Certes le citoyen peut dormir tranquille, le texte lui permet notamment de « saisir un juge qui, en quarante-huit heures, statuera sur la nécessité de faire cesser la diffusion d’une fausse nouvelle de nature à altérer la sincérité d’un scrutin. »…

    La belle affaire ! C’est une véritable problématique dans la mesure où quand bien même sanction il y aurait, elle ne tomberait jamais qu’après le scrutin. Le risque pris d’un usage dévoyé est donc en l’état minime pour ne pas dire totalement illusoire. Nous ne pouvons donc qu’espérer des hommes et des femmes de biens. S’ils existent encore, il serait judicieux que leurs community managers et toutes personnes se sentant concernées prennent connaissance des conseils de la CNIL pour respecter les droits des personnes .

    « Tout le monde manipule tout le monde et c’est ce qui rend la politique dangereuse et passionnante à la fois. » Bruno Kreisky

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      Vive les réseaux sociaux ! Comment TikTok fait lire les ados

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 29 January, 2023 - 03:40 · 6 minutes

    C’est entendu, TikTok est un fléau social. Il est addictif et abrutit les ados avec ses contenus débiles et ses algorithmes vicieux. Il conduit à leur isolement social. Il est une fabrique de crétins digitaux. Mais est-ce si vrai ? Je l’ai longtemps pensé mais j’ai changé d’avis. En fait, TikTok fait lire les ados.

    Voici pourquoi, et pourquoi c’est important.

    C’est l’histoire d’une jeune lectrice de 10 ans. Elle aime Harry Potter qu’elle dévore épisode après épisode. Puis un jour, pour son anniversaire, on lui offre le téléphone mobile qu’elle voulait tant. Et la lecture s’arrête instantanément. Au beau milieu d’un épisode, le marque-page est encore bien en place.

    Plus un livre, rien. « Lire ça m’ennuie, rétorque-t-elle » lorsqu’on lui demande ce qui s’est passé. Et pourtant l’histoire ne s’arrête pas là. Un jour, cinq ans plus tard, elle vient voir son père et lui demande s’il peut lui acheter L’Étranger , d’ Albert Camus . Comme ça, surgi de nulle part. Et le père de s’exécuter sans poser de question. Puis d’autres demandes suivent. Les ouvrages sont divers : des classiques, des livres de bien-être, de nutrition mais aussi des romans tirés de séries télé, dont certains en anglais. Mais plutôt de très bonne tenue dans l’ensemble. La jeune fille s’est remise à lire goulûment. Que s’est-il passé ?

    En un mot : TikTok. Pour ceux qui ne le connaissent pas, TikTok est une espèce de mini Youtube, permettant à ses abonnés, généralement des ados, de produire facilement des vidéos très courtes accompagnées de musique. La plateforme a été créée en Chine par ByteDanse. Elle compte environ 500 millions d’utilisateurs actifs mensuellement. La plupart des vidéos sont assez pauvres (mon chat saute dans mon lit !) mais certaines sont très sophistiquées. TikTok, c’est l’art de faire percutant en un maximum de 180 secondes. Avec le développement du service depuis 2016, de nouvelles catégories sont créées, et notamment… les revues de livres ! Et oui, les ados créent des vidéos dans lesquelles ils présentent les livres qu’ils lisent à d’autres ados. Résultat ? Quelqu’un parle leur langage, a leur âge et est donc crédible. Si une vidéo leur plaît, ils veulent lire le livre.

    TikTok fait lire les ados

    Et c’est ainsi que Tiktok fait mentir tous les pessimistes et les professeurs de morale grincheux.

    Car que n’entend-on pas sur lui ! Quand ils sont sur Tiktok, les ados ne lisent pas ! C’est une fabrique de crétins ! Il est addictif ! Il isole les jeunes qui n’ont plus de liens sociaux. Ou pire encore : c’est un agent de subversion du gouvernement chinois !

    Peut-être mais ce n’est pas aussi simple. Ainsi dire que quand les ados sont sur TikTok, ils ne lisent pas est une évidence rhétorique – on ne peut pas faire les deux à la fois – mais rien de plus. Elle suppose que s’il n’y avait pas Tiktok, ils se précipiteraient à la bibliothèque. Qui peut le croire ? La réalité c’est qu’ils feraient autre chose, qui serait tout aussi condamné par la morale : sortir dans la rue, jouer au tarot, fumer, etc. Il n’y a absolument aucune étude qui montre que Tiktok et la lecture sont substituables. Beaucoup de ceux qui passent leur temps sur les réseaux sociaux ne liraient pas de toute façon.

    Mais cela va plus loin car en fait, réseaux sociaux et lecture des ados ne s’opposent pas : un article récent du journal Le Monde observait que les ados passent de plus en plus de temps sur écran mais ne lisent pas moins pour autant. En véritables innovateurs, ils réinventent les usages de la lecture avec les nouveaux médias. Bien plus : FranceTV rapportait récemment que « TikTok est devenu une machine à faire lire les ados » et prend désormais une place importante dans la stratégie des éditeurs. Il est grand temps que nous révisions notre opinion de TikTok et des réseaux sociaux.

    Toutes les technologies ont été accusées de corrompre la jeunesse

    L’hostilité à TikTok n’est pas surprenante. Cela fait plus d’un siècle que chaque nouvelle technologie est accusée de corrompre la jeunesse et de fabriquer des crétins. La lecture des romans a été traitée de « maladie » et accusée d’isoler les enfants socialement. La radio était accusée de les empêcher de faire leurs devoirs. Un journal signalait que les jeunes filles du collège Wellesley aux États-Unis étaient « accros aux télégrammes ». L’usage de la bicyclette était considéré comme dangereux pour la santé psychologique par les médecins.

    La radio, elle encore, était accusée de tuer la musique et le métier de musicien. Le patin à roulettes était accusé d’entraîner une déformation des jambes, d’empêcher la croissance et surtout de réduire la présence à l’église. Les premiers utilisateurs de la Camera obscura (appareil photo) étaient accusés d’être juste des fainéants qui ne prenaient pas le temps d’apprendre à faire « du vrai art ».

    Plus récemment, dès leur émergence, les jeux-vidéo et Internet ont été accusés de promouvoir la violence. Ce fut le cas notamment pour la tuerie de masse à Colombine en 1999 au cours de laquelle 12 élèves et un professeur ont été tués par deux élèves. Dans une contre-enquête, le réalisateur Michael Moore a pourtant montré qu’avant leur acte, les deux élèves avaient joué… au bowling ! D’ailleurs les tueries de masse existent aux États-Unis depuis plus d’un siècle. On pourrait continuer durant des pages et des pages jusqu’à ChatGPT accusé, devinez quoi… de fabriquer des crétins.

    Prendre chaque nouvelle technologie au sérieux

    Le message ici n’est pas celui d’une admiration béate de la technologie.

    Chacune a ses avantages et ses inconvénients et il en va de même pour TikTok. Chacune peut être utilisée pour faire le bien comme le mal. Chacune se développe dans un contexte culturel et social qui génère des usages surprenants et inattendus, certains souhaitables et d’autres moins. Le message est plus simplement que nous devons prendre chaque nouvelle technologie au sérieux. Et la meilleure façon de le faire est de se garder de tout jugement moral a priori car nous jugeons souvent le nouveau à l’aune du passé. En outre, le jugement moral tend à être systématiquement négatif : il accentue le risque perçu et ignore le bénéfice potentiel plus difficile à imaginer. Le coût de ce pessimisme est important en opportunités perdues.

    Prendre une nouvelle technologie au sérieux, c’est d’abord s’y intéresser sincèrement, être au contact de ceux qui l’utilisent, jouer avec elle, et voir venir. C’est la meilleure façon de prendre conscience de son potentiel. Alors abandonnons nos postures morales, qui bien souvent ne font que traduire une paresse intellectuelle et un mépris aristocratique pour des pratiques jugées vulgaires et intéressons-nous sérieusement à ce qui intéresse nos enfants. Il se pourrait bien que nous y apprenions des choses passionnantes.

    Voir la publication originale de la recherche : The impact of digital media on children’s intelligence while controlling for genetic differences in cognition and socioeconomic background .

    La source pour de nombreux exemples de critique contre les nouvelles technologies est l’excellent site Pessimist archive .

    Sur le pessimisme et l’hostilité face à la technologie, lire mes articles précédents :

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      Entretien avec chatGPT sur notre futur en commun

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 28 January, 2023 - 04:30 · 6 minutes

    Article disponible en podcast ici .

    Les réponses proviennent bien de chatGPT, elles ont juste été raccourcies, car l’outil est verbeux.

    Codable : On envisage déjà de vous utiliser dans divers métiers. Mais pour l’heure c’est la recherche internet que vous révolutionnez. Qu’en pensez-vous ?

    Il est vrai que l’intelligence artificielle et les modèles de traitement du langage comme moi-même sont utilisés pour améliorer les résultats de recherche en ligne en offrant des résultats plus pertinents et plus personnalisés aux utilisateurs.

    Cependant, il est important de noter que ces technologies ont également des applications dans de nombreux autres domaines, comme la santé, la finance, l’éducation, la recherche scientifique, et bien d’autres. Je suis un outil qui peut être utilisé pour résoudre des problèmes complexes et aider les gens dans leur vie quotidienne.

    Codable : Pensez-vous qu’avec des assistants comme vous, les utilisateurs continueront à naviguer sur internet ? Les sites web seront-ils encore conçus pour accueillir des utilisateurs ou uniquement à vous entraîner ?

    […] Les modèles de traitement de langue peuvent offrir des avantages considérables aux utilisateurs en améliorant l’expérience de recherche, en offrant des résultats plus pertinents et en permettant un accès plus facile à l’information. Les sites web continueront à être conçus pour les utilisateurs, mais il est possible que les entreprises cherchent à utiliser les modèles de traitement de langue pour offrir une expérience encore plus personnalisée.

    Codable : Cette disruption dans la recherche sur internet pousse Google à créer une task force pour vous concurrencer. Google, après avoir lui-même lancé l’IA, se retrouve dépassé. Vit-il son moment Kodak ?

    […] Il est possible que Google se retrouve dépassé par des concurrents qui utilisent des technologies plus avancées, comme les modèles de traitement de langue, pour améliorer leurs propres services de recherche. Cependant, il est également possible que Google continue à innover et à améliorer ses propres services pour maintenir sa position dominante sur le marché.

    Il est vrai que l’histoire de Kodak est un exemple d’une entreprise qui a été dépassée par les changements technologiques, mais il est important de noter que chaque entreprise est unique et les scénarios d’évolution sont différents. Il est difficile de prédire l’avenir, il est possible que Google continue à s’adapter aux tendances et à innover pour maintenir sa position de leader.

    Codable : Votre collègue Dall-e crée des images originales et bientôt des vidéos. Que peut-on attendre de telles fonctionnalités dans la société ?

    […] Dans les médias, les modèles de génération d’images et de vidéos peuvent être utilisés pour créer des images et des vidéos de qualité pour les nouvelles, les films et les émissions de télévision. Dans les jeux vidéo, ils peuvent être utilisés pour créer des images et des vidéos plus réalistes et immersives.

    Dans la publicité, ils peuvent être utilisés pour créer des images et des vidéos plus attrayantes et efficaces pour promouvoir les produits et les services. Dans les réseaux sociaux, ils peuvent être utilisés pour créer des images et des vidéos plus créatives et divertissantes pour augmenter l’engagement des utilisateurs.

    Il est important de noter que ces technologies présentent également des défis et des risques potentiels, comme la création de contenus fictifs ou trompeurs, ou l’utilisation abusive des données personnelles. Il est donc important de continuer à surveiller leur utilisation et de mettre en place des réglementations pour garantir que ces technologies sont utilisées de manière responsable et éthique.

    Codable : Vous avez déjà réussi à passer des examens en droit, en comptabilité, en médecine. Cela signifie-t-il que vous êtes intelligent ou que nos examens sont stupides ?

    […] Il est important de noter que les modèles de traitement de langue ne sont pas vraiment “intelligents” dans le sens où ils n’ont pas de compréhension intuitive ou de conscience de soi. Ils sont plutôt des outils informatiques qui ont été entraînés à comprendre et à utiliser des données pour effectuer des tâches spécifiques.

    Il ne faut pas dire que les examens sont stupides, ils ont pour objectif de tester les connaissances et les compétences d’une personne dans un domaine donné. […]

    Codable : Mais justement beaucoup de travail humain consiste à comprendre et utiliser des connaissances spécifiques à un domaine tels les avocats, les médecins, les journalistes ou les ingénieurs. Seront-ils remplacés ?

    […] Les modèles de traitement de langue, comme moi-même, peuvent être utilisés pour automatiser certaines tâches dans ces domaines et pour aider les professionnels à prendre des décisions et à résoudre des problèmes.

    Cependant, il est important de noter que les modèles de traitement de langue ne peuvent pas remplacer complètement les professionnels humains dans ces domaines. Les modèles de traitement de langue peuvent automatiser certaines tâches, mais ils ne peuvent pas remplacer la compréhension intuitive, la créativité, l’éthique et les compétences sociales nécessaires pour exercer ces professions. […]

    Codable : De même que la machine à vapeur a permis de créer une machine avec la force de mille chevaux. Êtes-vous dans ce cas une machine à connaissance capable de connaître comme mille humains ?

    Les modèles de traitement de langue, comme moi-même, peuvent être considérés comme des machines à connaissances, car ils ont accès à une grande quantité de données et peuvent être entraînés à comprendre et à utiliser ces connaissances pour résoudre des problèmes et répondre à des questions. […]

    De plus, l’accès à une grande quantité de données ne garantit pas la qualité et la pertinence de ces données. Il est important de vérifier la qualité des informations et de les vérifier avec des sources fiables.

    Codable : Vous semblez très politiquement correct. Si chatGPT avait une critique à propos de Macron, quelle serait-elle ?

    En tant que modèle de langage, je suis un outil qui peut fournir des informations et répondre à des questions en utilisant le langage naturel. Je n’ai pas de position personnelle ou d’opinion sur les individus, y compris Emmanuel Macron. […]

    Codable : Je reformule. Que dirait un détracteur de Macron sur son mandat ?

    Un détracteur de Macron pourrait avancer plusieurs critiques sur son mandat. Il pourrait dire qu’il n’a pas réussi à réduire le chômage, qu’il n’a pas réussi à améliorer les conditions de vie des travailleurs, qu’il a continué à favoriser les intérêts des grandes entreprises et des riches au détriment des classes moyennes et des pauvres.

    Il pourrait également critiquer sa réforme des retraites, sa réforme de l’éducation et sa politique économique en général. Il pourrait également critiquer ses déclarations et ses positions sur certains sujets tels que l’immigration, l’environnement et les droits des minorités. Il pourrait également dire qu’il a manqué de transparence et de dialogue avec le public et les syndicats. […]

    Codable : Un mot aux humains pour finir l’interview ?

    […] Je peux vous dire que les modèles de traitement de langue sont des outils puissants qui peuvent aider les humains à comprendre et à utiliser les données pour prendre des décisions et résoudre des problèmes. […] Il est important de conserver la vigilance et de ne pas se reposer uniquement sur ces outils, mais de les utiliser en complément de la réflexion humaine pour prendre des décisions éclairées.

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      Souveraineté industrielle et technologique : l’Europe a-t-elle la bonne méthode ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 22 January, 2023 - 04:15 · 6 minutes

    Par Philbert Carbon.
    Un article de l’IREF France

    C’est sous cet intitulé alléchant que s’est tenue, le 10 janvier 2023, une soirée-débat à l’initiative de La Fabrique de l’industrie , le think tank de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM).

    Pour commencer, arrêtons-nous sur le mot « souveraineté » qui a bien besoin d’être défini. Le co-président de La Fabrique de l’industrie, Pierre-André de Chalendar, par ailleurs président du groupe Saint-Gobain, rappela que souveraineté ne veut pas dire indépendance ni autarcie. La souveraineté, comme l’indique une note du think tank , « consiste à ne pas dépendre de la bienveillance d’autrui pour satisfaire certains besoins et à pouvoir agir sans être soumis à la volonté d’un autre État ou d’une entreprise ».

    Le mot est apparu récemment dans l’actualité à la faveur de la pandémie de covid et de la guerre en Ukraine . C’est en effet lors de ces crises – qui ne sont pas terminées – que beaucoup de Français ont pris conscience que nous étions dangereusement dépendants de l’étranger pour un grand nombre de produits, du fait notamment de la désindustrialisation de notre pays .

    Les politiques européennes contribuent à la perte de souveraineté

    Ce soir-là la représentante de la Commission européenne, Astrid Cousin, assura l’auditoire que la politique de l’institution consistait à construire un marché intérieur – qui a fêté bien discrètement son 30 e anniversaire le 1 er janvier – « fort et résilient ». Mme Cousin détailla alors l’arsenal déployé pour ce faire par la DG Concurrence à laquelle elle est rattachée : révision des règles pour favoriser les transitions écologiques et numériques ; lutte contre les abus de position dominante ; contrôle des subventions des pays tiers, etc. Elle mit également en avant les milliards d’euros d’aides arrosant le continent : programme de financement de l’innovation ; chips act pour remédier aux pénuries de semi-conducteurs ; subventions en réponse à l’ IRA ( inflation reduction act ) annoncé par Joe Biden ; etc.

    C’est peu dire que Mme Cousin n’a pas vraiment convaincu la salle ni les autres orateurs. Ceux-ci – de Marie-Claire Cailletaud de la CGT aux co-présidents de La Fabrique de l’industrie, Pierre-André de Chalendar et Louis Gallois – se sont évertués à rappeler combien la Commission européenne pouvait mettre des bâtons dans les roues des entreprises.

    On peut citer, par exemple, une politique énergétique qui a découragé les investissements et qui aboutit à une explosion des prix et à une dépendance accrue de l’étranger. Ou la « taxonomie verte » qui exclut, on se demande bien pourquoi, l’hydrogène produit à partir du nucléaire. Et quand l’Union européenne réagit, c’est, comme l’ont souligné plusieurs intervenants, petitement et à retardement. Ainsi, souhaite-t-elle favoriser l’implantation de gigafactories de batteries électriques mais elle oublie que les machines pour fabriquer ces batteries viennent toutes d’Asie et que celles qui nous arrivent ne sont pas de la dernière génération ! Pour longtemps encore dans ce domaine, quoi qu’on en dise, l’Europe restera à la remorque des leaders mondiaux. Comme elle l’est dans le voltaïque où 8 des 10 premiers fabricants mondiaux sont asiatiques. Et que dire dans le domaine du numérique, sinon, comme l’ancien commissaire général à l’investissement Louis Gallois, que l’Europe est « une colonie des États-Unis » ?

    Et que dire de la politique anti-concentration qui, au nom d’une conception erronée de la concurrence, empêche la naissance de champions européens ? N’est-ce pas, par exemple, Bruxelles qui a interdit la fusion Alstom-Siemens ?

    Les politiques françaises accroissent le problème

    Il serait cependant abusif de mettre toutes les difficultés de l’industrie française sur le dos de l’Europe. Les politiques françaises ont également leur part de responsabilité.

    Comme l’indiquait un article de La Tribune il y a quelques mois, « La France [est le] seul pays à s’enfoncer dans un déficit commercial abyssal avec ses partenaires de l’UE ».

    Sur le plan mondial, en 2021 nous avons connu le pire déficit commercial de notre histoire (109,7 milliards d’euros), alors que l’Allemagne a eu un solde positif de 178,4 milliards d’euros, les Pays-Bas de 66,1 milliards, l’Italie de 44,2 milliards, la Belgique de 29,6 milliards. Ici, ce n’est donc pas l’UE qui est un obstacle.

    Autre exemple donné par Sarah Guillou de l’OFCE : ces dernières années la France a investi plus d’argent public que l’Allemagne et le Royaume-Uni dans l’intelligence artificielle mais elle a déposé moins de brevets que ces pays. Ici non plus, ce n’est pas l’UE qui est à blâmer.

    Il est indéniable qu’en étant championne de la pression fiscale et en renchérissant constamment sur la réglementation européenne , la France tue son industrie et plus largement ses entreprises et ses emplois. En creusant ses déficits et en alourdissant chaque jour la charge de sa dette, elle obère son avenir.

    Quelles solutions ?

    Pour sortir de cette impasse, les solutions sont multiples et l’IREF en a déjà proposé de nombreuses .

    Ce qui est certain, c’est qu’elles ne consistent pas à augmenter les investissements publics comme l’a réclamé Louis Gallois, énarque et ancien fonctionnaire comme son compère Pierre-André de Chalendar, tous deux éminents représentants de ce « capitalisme de connivence » qui est probablement une des causes de nos problèmes.

    En effet, nous sommes persuadés que l’argent public (via la BPI par exemple) n’aboutit qu’à du mal investissement. Comme l’a précisé Olivier Coste, entrepreneur et ancien conseiller de Lionel Jospin à Matignon, l’investissement privé en R&D dans ce que l’on appelle la « tech » est cinq fois moindre en Europe (40 milliards en 2020) qu’aux États-Unis (200 milliards). Et si les États-Unis mettent autant d’argent privé dans la « tech », c’est parce qu’ils ont des leaders mondiaux (les fameux Gafam tant honnis chez nous) qui peuvent investir.

    Si ces Gafam sont nés aux États-Unis, ce n’est pas un hasard. Comme a tenté de le faire comprendre Olivier Coste à un auditoire quelque peu sceptique, c’est notamment « parce que les entreprises y embauchent rapidement, quitte à devoir licencier rapidement ». En Europe, a-t-il ajouté, les entreprises n’osent pas embaucher sur des projets risqués, qui donc ne démarrent pas.

    Il est vrai qu’aux États-Unis, « une réduction d’effectifs de centaines ou de milliers d’emplois peut être réalisée en quelques semaines. Le coût total pour l’entreprise se chiffre en semaines de salaires, autour de 20 000 dollars par personne » pour des individus qualifiés de la « tech ». En France, une telle opération dans une grande entreprise peut durer un an et coûter 200 000 euros par personne. En Allemagne, c’est pire, affirme Olivier Coste : 18 mois et 250 000 euros par personne.

    Or, les marchés de la « tech » évoluent très vite, à la hausse comme à la baisse. Les entreprises doivent par conséquent pouvoir adapter rapidement leurs effectifs. Elles peuvent le faire aux États-Unis – mais aussi en Inde ou en Chine –, pas en Europe où les coûts des restructurations sont, en plus, exorbitants. C’est ainsi qu’une décision d’investissement dans la « tech », par nature risquée (le taux de succès est de l’ordre de 20 %), devient déraisonnable en Europe du fait des coûts de restructuration.

    Par conséquent, l’Europe – et singulièrement la France – ne donnera jamais naissance à des champions de la « tech » tant que les délais et les coûts des restructurations seront aussi importants.

    Entendre un ancien conseiller d’un Premier ministre socialiste affirmer qu’il faut s’attaquer au droit du travail, n’était pas le moins intéressant de cette soirée-débat.

    Sur le web

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      Le business derrière nos données. Enjeux sur nos vies privées 1/3

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 20 January, 2023 - 03:50 · 5 minutes

    Article disponible en podcast ici .

    Drôle d’époque, notre vie privée attire les convoitises. Pourtant elle est justement privée mais depuis l’arrivée d’internet et de l’informatique, nous pouvons être traqués dans nos moindres faits et gestes dans nos vies en ligne.

    Gallimard ne sait rien de nos lectures. Amazon connaît tous nos achats et nous observe lorsque nous sommes sur sa liseuse Kindle. Universal ne connaît pas nos goûts musicaux. Spotify sait chaque seconde d’écoute. Le barman n’a que faire de nos conversations entre amis. Facebook les analyse toutes.

    Maintenant qu’une grande partie de nos vies est numérique, notre vie privée est devenue une bataille où s’affrontent violeurs et défenseurs de vie privée.

    Nous allons analyser les différents acteurs et le business des données sur internet. Pour ceux qui veulent protéger leur vie privée, je vous invite à regarder une de mes vidéos sur le sujet.

    Les violeurs de vie privée

    Marketing

    Bien sûr, on pense à Facebbok, Google ou Microsoft. À eux trois, ils gèrent les principaux messages envoyés par internet avec Messenger, Whatsapp, Gmail et Outlook. Ils disposent de 84 % des smartphones dans le monde avec Android et 75 % des ordinateurs avec Windows et ChromeOS. Ils contrôlent les principaux réseaux sociaux avec Facebook, Instagram, YouTube et LinkedIn. Ils ont même un droit de regard sur nos documents avec Office ou GSuite.

    C’est déjà énorme et pourtant cela reste la partie émergée de l’iceberg.

    Premièrement, la BigTech espionne nos mouvements en dehors de leurs sites. Google dispose de Google Analytics , un module à installer sur un site tiers pour analyser le trafic en échange de laisser Google espionner les visites sur le site web. Le gestionnaire du site peut visualiser les métriques de ses visites.

    Google Analytics est installé sur 80 % des sites web, ce qui permet à Google de surveiller 80 % d’internet. Sans oublier le navigateur Google Chrome qui doit permettre de surveiller les 20 % restants.

    Facebook n’est pas en reste : lui aussi propose un module à installer sur les sites, le Facebook Pixel . Ce composant se transforme en mouchard pour analyser le trafic des sites où il est présent.

    Deuxièment, à côté des BigTech, il existe des milliers d’entreprises pour collecter nos données, les revendre,  puis les mettre aux enchères.

    Oui vous avez bien lu, nos données finissent aux enchères, il y en a chaque fois que vous visitez un site web.

    Par exemple, vous naviguez sur internet à la recherche de vos prochaines vacances. Tout votre parcours est analysé, un profil marketing circule avec vous sur internet (homme à 80 %, CSP+ à 60 %, recherche vacances à 90 %).

    À chaque site visité, ce profil est mis aux enchères ( Programmatic advertising ), des robots vont se battre durant quelques millisecondes pour le compte d’annonceurs. Dans votre cas, une bataille entre hotels.com contre trivago.com . À la fin, le gagnant aura le droit d’afficher sa pub devant vos yeux.

    Tout ce processus se rejoue sur chaque site entre le moment où celui-ci s’affiche et que la pub apparaît.

    Mercenaire 2.0

    On restait jusqu’ici dans la sphère du marketing. Il existe aussi des entreprises de surveillances d’internet au service des gouvernements, des mercenaires du numérique 2.0.

    L’entreprise Palantir propose d’analyser les immenses données des citoyens en ligne pour les États, une sorte de NSA clé en main. Le gouvernement français l’utilise et même le NHS britannique a utilisé ses services durant le covid.

    On peut aussi citer NSO avec son logiciel Pegasus. Il sert à pirater le téléphone de n’importe qui. Son but est bien sûr de traquer les terroristes et les pédophiles. Il n’a toujours pas permis de retrouver les clients d’Epstein. Mais il a déjà été utilisé 50 000 fois au moins pour espionner des journalistes et militants des droits de l’Homme comme Ahmed Mansoor ou même des politiques. Le Maroc a utilisé ce logiciel pour espionner le téléphone de Macron .

    Les défenseurs

    Il existe de vrais acteurs qui militent pour nos vies privées, que ce soit des associations comme EFF aux États-Unis, la Quadrature du Net et Framasoft en France ; ou des entreprises comme Proton qui propose un concurrent entièrement chiffré à Gmail et Drive.

    Encore une fois pour ceux qui veulent plus de détails sur les applications et outils pour protéger leur vie privée, je vous renvoie vers ma vidéo à ce sujet.

    Mais certaines entreprises interrogent, telle Apple . Sur le papier Apple se veut un anti-Google. Son business model repose sur la vente de produits et services aux consommateurs et non sur la collecte de données.

    D’un côté Apple se donne les moyens : puces de sécurité T2 et capteurs biométriques sur tous leurs appareils pour chiffrer et mieux sécuriser ; mises à jour fréquentes et bug bunty pour éviter les failles ; implémentation du chiffrement de bout en bout dans diverses applications pour éviter la circulation en clair des données dans leurs serveurs ; meilleur cadrage et limite du traçage des applications tierces sur AppStore.

    De l’autre, Apple reste une entreprise fermée, ses appareils sont difficilement auditables. L’entreprise revendique la collecte de données sur l’AppStore et l’app Bourse. Dans l’affaire Snowden elle a bien travaillé avec la NSA. Le FBI lui demande de retirer le chiffrement. La Chine lui demande de retirer des apps pouvant aider les manifestants.

    Est-ce qu’Apple fait tout son possible pour protéger nos vies privées ou surfe-t-elle sur un simple argument marketing ?

    En tout cas pour certaines entreprises la question ne se pose même plus.

    L’entreprise Qwant se voulait un Google français respectueux de la vie privée. Après 25 millions investis par l’UE, le produit reste bancal, trop dépendant de Bing. Alors que d’autres solutions similaires ont réussi à émerger comme DuckDuckGo ou Brave Search. Pire : le salaire élevé de ses dirigeants a été révélé alors que la boîte ne gagne toujours pas un rond. Malgré l’afflux d’argent public, sa situation est telle qu’elle a emprunté 8 millions d’euros à Huawei pour éviter la faillite.

    Enfin son fondateur vient de partir pour lancer une entreprise de cybersurveillance . La crédibilité de Qwant est vivement touchée. Cela ressemble à une entreprise ramassant les subventions pour les « nobles causes ».

    Conclusion

    Il ne sert à rien de pointer du doigt un acteur ou une plateforme en particulier comme Tiktok. Tout internet viole votre vie privée réparti à travers des milliers d’acteurs !

    Il manque d’ailleurs l’acteur le plus important. Dans un prochain article, nous verrons quels rôles ont les États dans ce business de nos vies privées.