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      Restaurateurs : l’ouverture de la dernière chance

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 25 January, 2021 - 04:40 · 3 minutes

    restaurateurs

    Par Adélaïde Hecquet.
    Un article de l’Iref-Europe

    Un restaurateur du Doubs est à l’origine d’une vraie rébellion anti-Covid. Stéphane Turillon a lancé son restaurant le 12 octobre 2020, après deux ans de travaux, un demi-million d’euros d’investissement et 25 années de métier. Mais le second confinement a mis une fin brutale à ces efforts, et il a aujourd’hui perdu 400 000 euros.

    Il risque la faillite, la perte de son restaurant, de sa maison, de sa voiture. Ce père de trois enfants estime n’avoir plus rien à perdre.

    Il ouvrira donc le 1er février , et les réservations montrent que plusieurs milliers de Français sont prêts à soutenir les restaurateurs : son établissement est déjà complet pour le grand jour. D’autres sont aussi décidés à rouvrir, dans le respect du protocole sanitaire.

    La fréquentation des restaurants en chute libre

    La fréquentation des restaurants subit une baisse depuis plusieurs années, mais qui stagnait aux alentours de 1 % par an, une proportion sans commune mesure avec la chute liée à la pandémie . Le Covid-19 a divisé le chiffre d’affaires des restaurateurs par deux, soit une perte de 30 milliards d’euros .

    Si le click and collect peut apparaître comme une solution de repli, seul un tiers des restaurateurs fait confiance aux hasards de la rue. Un choix compréhensible, quand on sait ce qui peut arriver à un plat entre la moto du livreur, le métro, la rue, la porte d’entrée, l’escalier, et finalement le micro-ondes.

    Les clients eux-mêmes se montrent frileux, à cause des contacts multipliés sur le parcours. Le chiffre d’affaires généré par le click and collect et la vente à distance dans les quelques établissements concernés n’était donc pas à la hauteur des espérances.

    De plus, au mois de décembre 2020, 50 % des revenus de ces ventes en click and collect étaient déduits des aides attribuées par l’État à la restauration, ce qui pouvait inciter les restaurateurs à rester fermés.

    Des réponses gouvernementales déconnectées des attentes des restaurateurs

    Face à cette crise, le gouvernement promet monts et merveilles, inventant toujours plus d’aides pour éviter la fermeture des établissements. Des aides soumises à conditions : durant le confinement d’octobre, pour les percevoir, les restaurateurs devaient faire moins de 50 % de leur chiffre d’affaires habituel ou rester fermés.

    Une décision que certains n’ont pas comprise, car elle incite les restaurateurs à ne pas travailler.

    Avec toutes ces fermetures forcées, le nombre de salariés au chômage partiel a augmenté, ce qui a coûté de l’argent à l’État. Et la consommation a baissé, ce qui lui a fait perdre des rentrées liées à la TVA.

    Les aides proposées par le gouvernement n’empêchent pas les restaurateurs de s’appauvrir. D’abord, elles tiennent compte du chiffre d’affaires des établissements, et non de leurs charges. Résultat, certains grands groupes reçoivent davantage d’aides qu’ils n’ont de charges, quand de petits établissements sont dans la situation inverse.

    En effet, depuis décembre, le fonds de solidarité est ouvert aux entreprises plus importantes, et plus seulement aux structures de moins de cinquante salariés. Les restaurateurs peuvent donc recevoir jusqu’à 20 % de leur chiffre d’affaires mensuel, avec une limite de 200 000 euros.

    Stéphane Turillon, qui dépense 13 000 euros en charges et reçoit 10 000 euros d’aides, demande à ce que les restaurants puissent envoyer à l’État le montant de leurs charges, calculé par leur comptable afin de percevoir une aide plus adaptée à leurs besoins.

    Autre point occulté : lors de leur réouverture, il n’est pas certain que les restaurants retrouveront leur clientèle et peut-être auront-ils aussi perdu en partie leur savoir-faire ou le personnel qui leur apportait ce savoir-faire. Rien n’est prévu en l’état pour aider à la reprise.

    Le couvre-feu à 18 heures sur l’ensemble du territoire, annoncé jeudi 14 janvier, pourrait faire perdre 50 % de leur chiffre d’affaires aux rares restaurateurs encore ouverts en click and collect . Un scénario catastrophe, dont beaucoup ne se remettront pas, alors que les prêts garantis par l’État devront être remboursés, même si un délai d’un an supplémentaire est accordé.

    De plus, sans date d’ouverture fiable, les restaurateurs ne peuvent pas prévoir le recrutement et le logement de leurs saisonniers. Une situation qui prive d’emploi de nombreux jeunes.

    Sur le web

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      La France du « tout gratuit », quoi qu’il en coûte

      Didier Cozin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 January, 2021 - 04:40 · 9 minutes

    rente

    Par Didier Cozin.

    Toujours en quête de gadgets sociaux, souhaitant baisser les charges tout en maintenant les coûts, les pouvoirs publics auraient trouvé la solution pour dégager un consensus en France : tout offrir, ne plus rien faire payer, subventionner tous les secteurs, toutes les entreprises, toutes les activités, quoi qu’il en coûte, en attendant de se refaire, que la reprise fasse le travail et rembourse.

    Payer pour des services devient en France incongru, grotesque souvent inaudible. La décence voudrait que tout devienne gratuit (le logement, la nourriture, les soins, l’éducation, les transports , les loisirs…)

    Les citoyens pourraient ainsi épargner leurs revenus quand ils en ont, et les tensions sociales disparaîtraient par enchantement ; pourquoi je travaillerais alors que l’autre ne fiche rien ?

    La rente devient la norme en France

    Tout fier de son capital historique, architectural, culturel, économique, financier accumulé au fil des siècles, le pays a décidé de vivre de ses rentes, de consommer progressivement et définitivement son capital et ses richesses passés.

    L’économie du gratuit

    Au-delà de ce mirage d’une gratuité généralisée et donc de l’absence de nécessité de travailler pour financer son existence ou celle de ses proches, cette absence de contrepartie économique présente de nombreux inconvénients que nous n’avons pas fini de payer.

    « Quand c’est gratuit c’est vous le produit » : rien n’est jamais offert sans contrepartie.

    La gratuité n’est jamais réelle et totale. Notre ancien président a eu beau déclarer « c’est gratuit, c’est l’État qui paie » la gratuité n’existe pas, comme le démontrent quotidiennement les services prétendument gratuits des géants américains du numérique.

    La gratuité entretient l’illusion que le travail se ferait seul, sans le concours de chacun. Les transports en commun que certains veulent rendre gratuits pourraient fonctionner sans coûts, ni investissements, ni consommation d’énergie…

    La gratuité dévalorise et dévalue les services soi disant offerts. On le constate depuis 50 ans avec l’école gratuite de 3 à 25 ou 30 ans, qui est largement devenue une planque pour la jeunesse , un asile ou une couverture.

    La gratuité entretient la défiance du citoyen. Sous le prétexte souvent vérifié qu’il faut bien un retour aux cadeaux reçus (on rend une invitation) sous une forme ou une autre (des impôts et taxes élevés, des contraintes règlementaires, des injonctions sanitaires…) les citoyens se méfient à la fois des institutions, de leur administration ou de la gratuité du vaccin contre la Covid-19 car si c’est gratuit c’est pour nous injecter du poison ou une puce pour nous contrôler.

    La gratuité serait la première marche du revenu universel ou d’ une dotation à la naissance (entre 30 et 100 000 euros pour chaque nouveau-né) qui serait la contrepartie à la disparition du travail (en fait des emplois salariés), un antidote à la pauvreté ou une substitution à la lourde et inefficace redistribution , laquelle depuis 50 ans ne crée plus ni richesses ni équité.

    Une illustration des méfaits de la gratuité : la formation des adultes

    Alors qu’un adulte doit apprendre tout au long de sa vie, qu’à la différence d’un enfant il dispose en principe des revenus de son travail, l’État et les partenaires sociaux ont décrété dès 1971 que les travailleurs, salariés notamment, ne paieraient jamais pour leur formation.

    Non seulement l’employeur devait financer la formation mais tous les frais annexes seraient à sa charge : le transport du stagiaire, sa restauration, son éventuel hébergement et surtout le temps de la formation, accordé forcément sur le temps travaillé alors que les 35 heures n’ont jamais été envisagées pour libérer du temps pour apprendre.

    L’absence de résultats de la formation gratuite est une évidence dans le monde du travail.

    • Seule une minorité de travailleurs se forme ou est formée, soit entre 5 et 10 % des salariés les plus qualifiés.
    • Le système qui se veut assurantiel (on cotise tous et on attend pour bénéficier d’une formation) vise à monter d’un seul niveau de qualification tout au long d’une vie professionnelle (une seule formation sur plus de quarante années).
    • Le système paritaire a conçu vers 2014 un second leurre social en plus de la mutualisation : le compte formation (CPF), calibré pour ne former qu’un million de bénéficiaires chaque année. Il organise donc la rareté sur une sorte de livret de caisse d’épargne où chacun pourrait puiser une seule fois (deux au maximum pour des formations longues) dans sa vie professionnelle.

    L’école laïque, gratuite et obligatoire jusqu’à 14 ans, puis 16 ans, et désormais quasiment 18 ans, a constitué une avancée sociale et a permis d’industrialiser le pays au prix de l’abandon des campagnes.

    Mais aujourd’hui la formation gratuite et prétendument universelle joue à contre-emploi et retient/empêche les Français d’apprendre, de changer, de s’adapter à un travail qui évolue plus vite qu’eux bien souvent.

    Nos rentes sociales, ou acquis sociaux

    Selon le dictionnaire Larousse, la rente se définit comme étant « l’assurance de percevoir un revenu régulier sans travail » . Elle s’oppose par là-même au travail qui est à la fois :

    • un risque (de perdre son travail, son entreprise, son activité)
    • un effort (se lever le matin, prendre des responsabilités, diriger ou être dirigé)
    • une mobilisation des ressources internes et externes pour produire des richesses
    • une collaboration et une interaction avec les autres (on perçoit individuellement dans son coin sa rente ou ses allocations alors qu’on travaille toujours avec et pour les autres).

    Cette rente qui entre en conflit avec le travail est installée partout en France

    Les retraités sont évidemment les premiers et les plus nombreux des rentiers. On peut estimer qu’ils perçoivent ce que l’assurance vieillesse leur assure en échange de leur travail passé.

    Mais c’est oublier que le travail salarié a tendance à disparaître au XXIe siècle car trop peu flexible, trop cher, trop compliqué et trop conflictuel.

    Confrontées à l’automatisation et à la concurrence mondialisée les entreprises sont très nombreuses à réduire leur masse salariale et donc leurs cotisations sociales. La méthode la plus simple étant les départs naturels et les pré-retraites.

    De nombreux jeunes n’ont ni l’envie ni souvent l’opportunité de travailler régulièrement et durablement, ce qui permettrait alors d’entretenir aujourd’hui 12 millions de retraités.

    Les salaires des jeunes sont souvent bien inférieurs aux pensions des retraités. Il sera bientôt impossible d’avoir autant de retraités que de salariés ou d’actifs. Après-guerre il y avait cinq actifs pour un retraité !

    Les retraites de la fonction publique pourraient nous ruiner car elles représentent un engagement financier supérieur au montant de la dette française. Elles ne sont pas provisionnées par l’État qui est son propre assureur. À part en baisser le niveau ou payer en monnaie de singe on ne voit pas comment elles pourront être maintenues à leur niveau élevé actuel, soit 75 % du dernier traitement.

    Le social représente une activité quasi industrielle en France

    15 % des dépenses sociales mondiales sont reversées aux Français qui représentent moins de 1 % de cette population mondiale. En 2020, la part des dépenses de protection sociale représentait 33 % du PIB, près de 700 milliards…

    Elles sont à la fois le principal poste de dépenses publiques en France (source vie publique) et le record du monde de la redistribution malgré les dénégations de ceux qui voient des ultra-libéraux à chaque coin de rue.

    La rente est une bulle

    La rente, dont nous avons fait une industrie, enferme les Français dans une bulle qui ne protègera que peu de temps encore nos concitoyens sur cette planète Terre qui comptera bientôt dix milliards d’habitants en compétition pour des ressources rares : travail, alimentation, eau potable, énergies fossiles…

    La rente est partout en France, à gauche comme à droite

    Nous avons vu qu’une rente est un revenu régulier obtenu sans travail. Elle n’est évidemment pas l’apanage de la gauche car à droite aussi on a ses rentes.

    L’immobilier

    Il permet de gagner virtuellement de l’argent en ne faisant rien car il suffit de s’endetter en achetant un bien dans une ville comme Paris. La conséquence de la hausse de l’immobilier dans les grandes villes est la paupérisation des jeunes, les loyers étant exorbitants, le sentiment factice d’enrichissement de tous ou presque, puisqu’il est possible de s’enrichir en dormant (pas d’impôts, de taxes ni même de CSG sur la revente de la résidence principale).

    Le commerce et l’activité économique en général

    En luttant contre la concurrence « libre et non faussée », droite et gauche se rejoignent pour empêcher l’arrivée de nouveaux compétiteurs, protéger pour les uns leurs marchés et pour les autres leurs acquis sociaux.

    L’exploitation du pays

    La plupart des héritiers ne savent pas faire fructifier le patrimoine ou le capital dont ils héritent. Nous pourrions ainsi rapidement dilapider le capital financier, culturel, environnemental accumulé par nos ancêtres au cours des siècles.

    Depuis la fin des Trente glorieuses nous vivons au-dessus de nos moyens grâce à des rentes et à notre endettement croissant.

    Ces vérités que les citoyens préfèrent ne pas entendre

    Tout l’art de chaque gouvernement a consisté depuis des décennies à cacher certains faits douloureux car remettant en cause les fondements de nos XIX et XXème siècles sociaux.

    La productivité de l’Occident s’affaisse depuis la première crise de l’énergie de 1973. Ce que nous produisons encore l’est grâce à des artifices financiers, comptables, monétaires (l’inflation jadis, puis les délocalisations et enfin l’endettement généralisé).

    Sans travail, aucun développement économique ni social ne nous sera plus permis dans un avenir proche. Mais le travail devenant trop cher, trop complexe, trop conflictuel nous l’avons laissé en grande partie quitter nos pays, l’activité est presque partout subventionnée, sinon devenue non rentable en France.

    Sans apprentissage, sans efforts éducatifs importants, sans formation tout au long de la vie, la France et l’Occident sont condamnés à régresser et à s’effondrer un jour comme la défunte URSS.

    La France ne doit pas devenir un pays de rentiers

    La gratuité partout, pour tous, les subventions et l’endettement généralisés n’éduquent ni ne forment personne. Pour apprendre il faut travailler, s’adapter, comprendre.

    Comme l’a récemment déclaré notre ministre du Travail « la France n’a pas un problème de demande mais d’offre » . C’est bien en augmentant la qualité et la quantité de travail que nous pourrons nous redresser, pas en augmentant sans fin le nombre d’ayants-droit du pays.

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      Chômage au 3e trimestre 2020 : embellie ou explosion ?

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 November, 2020 - 04:35 · 8 minutes

    chômage

    Par Nathalie MP Meyer.

    Le 27 octobre dernier, la Direction des statistiques du ministère du Travail (DARES) nous livrait ses chiffres du chômage pour le troisième trimestre 2020. Ô merveille, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) s’établissait à 3 924 100, soit un recul de 11 % en France entière par rapport au terrible trimestre précédent qui incluait six semaines de confinement.

    Et nos journaux préférés de titrer en chœur sur la « forte baisse du chômage » ( Le Figaro , Le Parisien ) et sur « l’embellie relative du troisème trimestre » ( Le Monde ).

    Mais avant-hier, mardi 10 novembre, c’était au tour de l’INSEE de nous communiquer le fruit de ses calculs pour la même période, et là, douche froide : son indicateur principal, à savoir le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) grimpe soudainement à 9 % de la population active au troisième trimestre 2020 après 7,1 % au second trimestre et 7,9 % au premier.

    « Forte augmentation » titre alors Le Monde , « Très fort rebond » renchérissent Les Échos , « Le taux de chômage explose » s’exclame à son tour Libération !

    Pas facile de s’y retrouver – et notre presse mainstream ne nous aide guère !

    Capture d’écran d’une recherche Google sur le chômage au troisième trimestre 2020 :

    Pour compliquer le tout, n’oublions pas la récente publication de la Commission européenne qui attribue à la France un modeste (tout est relatif) taux de chômage de 7,9 % à fin septembre 2020 au lieu des 9 % cités plus haut (voir graphiques ci-dessous, à gauche Eurostat , à droite INSEE – attention, échelles très différentes) :

    Différence d’autant plus inattendue qu’en principe, Eurostat est alimenté par les données de l’INSEE. Peut-être faut-il n’y voir qu’un décalage de période ou l’effet d’une approche mensuelle et non trimestrielle, mais le fait est que la série européenne depuis le début de l’année est beaucoup plus favorable à la France que notre série nationale même si les variations sont cohérentes :

    Notons au passage que dans la série européenne, les taux de chômage des Pays-Bas et de l’Allemagne se montent à 4,4 % et 4,5 % respectivement en septembre 2020, ce qui est nettement plus bas que 7,9 % et a fortiori que 9 %.

    Bref, ainsi que je l’écrivais dans un précédent article sur le sujet, le premier confinement anti-Covid de sept semaines qui s’est étalé du 17 mars au 11 mai 2020 ainsi que les restrictions qui furent maintenues ensuite ont tellement perturbé l’activité économique et le comportement quotidien des personnes que les suivis trimestriels habituels des organismes dédiés aux statistiques de l’emploi peinent à rendre compte de la réalité du choc subi.

    Du côté de l’INSEE, il est clair que les taux de chômage affichés au premier et au second trimestres ont représenté selon ses propres dires « une baisse en trompe-l’œil » .

    En raison du confinement, de nombreuses personnes ont arrêté de chercher un emploi (ou n’ont pas entrepris de recherche si elles venaient de se faire licencier), soit parce que leur secteur d’activité (transport, culturel, hébergement, restauration, etc.) s’était mis à l’arrêt, soit parce qu’elles devaient garder leurs enfants, soit parce que la limitation des déplacements ne leur permettait pas d’effectuer les démarches nécessaires.

    Mais depuis juin, signale l’Institut , « la disponibilité pour travailler et les démarches de recherche d’emploi ont retrouvé des niveaux habituels », d’où le rebond du taux de chômage au troisième trimestre.

    Ces mouvements se retrouvent logiquement en sens inverse dans l’évolution du « halo autour du chômage ». Cette catégorie de l’INSEE regroupe des personnes qui ne font pas partie de la population active (donc qui ne sont ni en emploi, ni officiellement au chômage) mais qui souhaiteraient travailler.

    Après une hausse continue au cours de l’année 2019 (qui atteste d’un marché de l’emploi déjà maussade), le halo a simplement explosé au second trimestre, passant de 1,7 à 2,5 millions de personnes, pour revenir peu ou prou à son niveau de début d’année au troisième trimestre (à gauche taux de chômage INSEE déjà présenté, à droite halo) :

    chômage

    chömage Du côté de la DARES, l’illusion « d’embellie » tient au fait que l’on tend à ne considérer que la catégorie A des demandeurs d’emploi n’ayant pas du tout travaillé pendant le trimestre. Et encore, leur nombre reste-t-il supérieur de 400 000 à ce qu’il était à la fin de l’année 2019.

    Mais si l’on s’intéresse aussi à ceux qui ont eu un travail de courte durée (catégories B et C) et à ceux qui sont en stage, formation ou emplois aidés (catégories D et E), le tableau est nettement moins riant. Les chômeurs qui ont quitté la catégorie A au troisième trimestre 2020 se retrouvent essentiellement dans les catégories B et C. Dans cette perspective, le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues atteint presque 6,8 millions de personnes, soit plus que les 6,4 millions de fin 2019 et les 6,6 de 2016 et 2017.

    Indépendamment de l’épidémie de Covid-19, il reste évidemment à expliquer pourquoi le nombre de chômeurs correspondant au taux de 9 % de l’INSEE, soit 2,7 millions, en hausse sur le trimestre précédent, est inférieur aux 3,9 millions de la catégorie A de la DARES, en baisse sur le trimestre précédent. Normalement, ces deux chiffres devraient se recouper.

    On observe cependant que depuis 2010, ils tendent à diverger fortement sans qu’aucune explication vraiment convaincante ait été avancée. Les administrations concernées rendent compte de la différence en citant des gens découragés qui disent aux enquêteurs de l’INSEE qu’ils ne font plus de recherche d’emploi, tout en restant inscrits à Pôle emploi. Mais s’ils ne font plus de recherche active, ils ne devraient plus être non plus dans la catégorie A.

    J’ai récapitulé les éléments ci-dessus dans mon tableau de l’évolution du chômage en France depuis 2007. Voici quelques explications préalables pour faciliter la lecture :

    • Définition des catégories de la DARES : la catégorie A regroupe les personnes complètement sans emploi, les catégories B et C les personnes ayant eu un travail de courte durée sur la période analysée et les catégories D et E les personnes non immédiatement disponibles en raison de stages, emplois aidés ou formations.
    • Depuis le 1 er janvier 2018, la DARES donne les valeurs en moyennes trimestrielles au lieu de fin de mois. Les taux de chômage de l’INSEE sont des moyennes trimestrielles.
    • Les taux de chômage de l’Allemagne et des Pays-Bas donnés à titre de comparaison sont issus des statistiques de l’Union européenne. À noter, comme on l’a vu plus haut, qu’au troisième trimestre 2020, Eurostat retient 7,9 % pour la France et non pas 9 % comme dans la publication de l’INSEE.

    Évolution des demandeurs d’emploi en France entière (hors Mayotte) depuis 2007

    chômage Sources : DARES , INSEE , Eurostat , sauf 2007 : presse – En milliers ou %.

    Une chose est sûre, il est parfaitement inopportun de parler « d’embellie » , même « relative » , sur le front de l’emploi. Depuis le début de l’année, plus de 715 000 emplois salariés ont été détruits (INSEE) et tout indique que la situation est partie pour se dégrader considérablement dans les mois qui viennent.

    Si pour l’instant, bon nombre d’entreprises et de petits commerces arrivent à tenir face aux restrictions sanitaires grâce à leur inventivité pour s’adapter et grâce aux mesures de soutien du gouvernement – notamment prise en charge du chômage partiel, report du paiement des cotisations sociales, prime à l’embauche des jeunes et prêts garantis par l’État – le risque est grand de voir les faillites s’accumuler à mesure que les aides de l’État vont s’amenuiser.

    La seule façon de relancer l’économie ne consiste pas à distribuer des subventions qui seront inéluctablement reprises ultérieurement via l’impôt et le laxisme sur la dette publique, mais à sortir définitivement et totalement du confinement. De ce point de vue, l’annonce de Pfizer et BioNtech quant à un vaccin anti-Covid qui pourrait être efficace et opérationnel assez rapidement est une vraie bouffée d’oxygène.

    Mais en attendant, des couvre-feux ont été mis en place en France à partir du 17 octobre et un second confinement à durée indéterminée a débuté le 30 octobre. Emmanuel Macron nous a assuré que ce dernier était calibré pour permettre à la fois sécurité sanitaire et activité économique, et la Banque de France estime de son côté que son impact sur l’activité sera moindre ce mois-ci (-12 %) qu’en avril dernier (-31 %).

    Il n’empêche qu’il provoque de fait un ralentissement supplémentaire, sans compter qu’il pourrait fort bien être prolongé au-delà du 1 er décembre. Le sketch hallucinant auquel s’est livré le gouvernement à propos des produits non-essentiels – qui a abouti à fermer certains rayons des grandes surfaces plutôt qu’à autoriser la réouverture de certains commerces de proximité – montre assez que l’immobilisation imposée de la société prime sur tout.

    Dans ces conditions, il serait illusoire de s’attendre à autre chose qu’à un atterrissage en catastrophe. Les projections de fin d’année tablent maintenant sur un recul du PIB de 11 % et un taux de chômage qui pourrait atteindre 10 % . Ça promet.

    Sur le web

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      Chômage et statistiques fatiguées de l’INSEE et la DARES

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 May, 2020 - 03:30 · 8 minutes

    statistiques chômage

    Par Nathalie MP Meyer.

    Covid ou pas Covid, confinement ou pas confinement, pas de repos pour l’INSEE, notre institut national de la statistique, et pas de repos pour la DARES, qui est la direction des statistiques du ministère du Travail. Le planning des indicateurs attendus est immuable, il faut sortir les chiffres, quoi qu’il arrive.

    S’agissant du chômage, le confinement anti Covid-19 qui a démarré le mardi 17 mars 2020 a tellement perturbé l’activité économique que les publications trimestrielles habituelles de ces deux organismes peinent à rendre compte de la réalité du choc subi.

    Ce fut d’abord la DARES qui jugea bon de compléter ses statistiques relatives au 1 er trimestre 2020 d’une note spéciale sur la situation exceptionnellement préoccupante des demandeurs d’emploi au mois de mars. Dans la première publication, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi en France entière hors Mayotte, en catégorie A (personnes complètement sans emploi) se monte à 3 576 400 tandis que dans la seconde, il caracole à 3 732 500, soit un bond de 246 100 personnes en un mois.

    Puis hier, ce fut au tour de l’INSEE de produire son taux de chômage du premier trimestre – 7,8 % en France entière (hors Mayotte) après 8,1 % au trimestre précédent. Une tendance à la baisse dont il y aurait tout lieu de se réjouir (encore qu’elle tombe dans la marge d’erreur de +/- 0,3 point) mais qui colle mal avec les données précédentes et que l’INSEE s’est chargé de rendre immédiatement sans intérêt en indiquant qu’il s’agissait d’une « baisse en trompe l’œil du chômage au sens du BIT » (Bureau international du travail).

    L’institut s’est alors livré à un recalcul afin de gommer les effets liés au confinement et accouche finalement d’un taux de 8,2 %, soit une petite hausse de 0,1 point par rapport à fin 2019. En valeur absolue, cela correspondrait à 2,4 millions de chômeurs.

    Les corrections effectuées sur le 1 er trimestre 2020 pour tenir compte des deux semaines de confinement de la fin du mois de mars découlent essentiellement du fait que DARES et INSEE travaillent habituellement en moyennes trimestrielles, ce qui a pour effet d’atténuer les chocs ponctuels.

    Du côté de l’INSEE, qui procède par enquête auprès d’un échantillon représentatif de la population, s’y ajoutent d’importantes modifications de comportements face au confinement : de nombreuses personnes ont arrêté de chercher un emploi, soit parce que leur secteur d’activité s’est mis à l’arrêt, soit parce qu’elles devaient garder leurs enfants. D’où l’agréable taux initial de 7,8 %.

    Il n’en demeure pas moins que le taux corrigé de 8,2 % reste cependant fort bas quand on le compare aux chiffres de la DARES pour mars 2020. La population active française étant de 29,7 millions de personnes (2019), le taux de chômage basé sur les 3,7 millions de chômeurs de la catégorie A de la DARES – chiffre qui en principe devrait être égal au nombre de chômeurs au sens du BIT donné par l’INSEE – atteindrait… 12,4 % !

    Il faut dire que nous les Français, toujours veinards quand il s’agit de profiter d’administrations pléthoriques, bénéficions de deux comptages du chômage, celui de la DARES et celui de l’INSEE. Or leurs chiffres ont une fâcheuse tendance à diverger de plus en plus depuis à peu près 2010, ainsi qu’on peut le voir sur le schéma donné par le journal Le Monde .

    L’INSEE, dont les statistiques sont utilisées dans les comparaisons internationales, applique la définition du Bureau international du Travail (ou BIT), organisme de l’ONU en charge des questions d’emploi et de population active dans le monde. Il considère donc que les chômeurs sont les personnes de plus de 15 ans qui répondent simultanément à trois critères :

    • Être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé au moins une heure durant une semaine de référence.
    • Être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours.
    • Avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

    En principe, cette définition devrait correspondre à ce que la DARES appelle les chômeurs de catégorie A, c’est-à-dire les personnes inscrites à Pôle emploi, sans emploi, tenues de faire des actes positifs de recherche d’emploi.

    Les administrations concernées rendent compte des différences observées en citant des gens découragés qui disent aux enquêteurs de l’INSEE qu’ils ne font plus de recherche d’emploi, tout en restant inscrits à Pôle emploi. Mais s’ils ne font plus de recherche active, ils ne devraient plus être non plus dans la catégorie A.

    À cette question de définition, qui n’explique guère la différence, s’ajoute une question de méthodologie. La DARES comptabilise les chômeurs effectivement inscrits dans les listes de Pôle emploi tandis que l’INSEE se fonde sur une enquête trimestrielle, une forme de sondage sur un échantillon représentatif de 110 000 personnes. C’est un bel échantillon, mais cela reste un sondage avec ses marges d’erreur.

    D’autre part, l’INSEE suit également ce qu’il appelle « le halo autour du chômage ». Il s’agit des personnes inactives qui souhaitent un emploi sans être considérées au chômage. Non seulement on est immédiatement frappé par la rigueur qu’une telle dénomination implique, mais il se trouve que ce « halo » se monte au modique chiffrage de 1 741 000 personnes au 1 er trimestre 2020 et qu’il est nettement orienté à la hausse depuis le début de l’année 2019.

    Si l’on ajoute ce halo aux 2,4 millions de chômeurs correspondant au taux corrigé de 8,2 %, on arrive à 4,14 millions – encore un autre chiffre dont l’interprétation et le lien avec les catégories de la DARES ne sont pas clairs.

    J’ai récapitulé ces éléments dans mon tableau de l’évolution du chômage en France depuis 2007, ci-dessous. Plutôt que de vous le livrer tout cru, voici quelques éléments pour en faciliter la lecture :

    • Définition des catégories de la DARES : la catégorie A regroupe les personnes complètement sans emploi, les catégories B et C les personnes ayant eu un travail de courte durée dans le mois et les catégories D et E les personnes non immédiatement disponibles en raison de stages, emplois aidés ou formations.
    • Depuis le 1 er janvier 2018, la DARES donne les valeurs en moyennes trimestrielles au lieu de fin de mois, mais en raison de la crise économique due au Covid-19 elle a aussi donné les valeurs à fin mars 2020 (première ligne en rouge : moyenne 1 er trimestre 2020 – deuxième ligne en rouge : mars 2020).
    • L’INSEE ayant donné un taux « habituel » mais sans réalité (7,8 %), puis un taux « corrigé » (8,2 %) pour le 1 er trimestre 2020, j’ai placé les deux dans la ligne correspondante.
    • Les taux de chômage de l’Allemagne et des Pays-Bas donnés à titre de comparaison sont issus des publications statistiques de l’Union européenne. À noter qu’au 4 ème trimestre 2019, Eurostat retient 8,4 % pour la France et non pas 8,1 %.

    Évolution des demandeurs d’emploi en France (hors Mayotte) depuis 2007

    Sources : DARES, INSEE, Eurostat, sauf 2007 : presse – En milliers ou %.

    Le taux de chômage n’est pas la seule façon de rendre compte de l’emploi dans un pays donné. Ce taux est calculé relativement à la population active qui comprend aussi bien les personnes ayant un emploi que les personnes au chômage. Mais la population active ne représente qu’une partie de la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans selon définition du BIT). On a vu que le « halo » suivi par l’INSEE concernait justement des personnes inactives souhaitant trouver un emploi.

    C’est pourquoi, afin de voir si notre économie utilise judicieusement ses ressources de travail, il est également utile de suivre le taux d’activité qui donne la part de la population active par rapport à la population en âge de travailler et le taux d’emploi qui donne le ratio de la population ayant un emploi sur la population en âge de travailler.

    Voici un tableau de la situation française, sachant que pour rester cohérente avec les statistiques internationales, j’ai utilisé le taux de chômage donné par Eurostat à fin 2019 soit 8,4 % ou 2,5 millions de chômeurs :

    statistiques chômage

    Pour la France, on observe que ces taux vont de mauvais (chômage) à médiocres (activité et emploi) au sein des pays de l’OCDE :

    Taux d’activité, OCDE 2019

    statistiques chômage

    Taux d’emploi, OCDE 2018

    statistiques chômage

    Taux de chômage, UE 2019

    On constate donc qu’à l’instar de nos comptes publics, qui trahissaient une situation financière des moins saines au moment d’aborder les conséquences économiques désastreuses du confinement anti-Covid, la position française au regard de l’emploi n’était pas non plus des plus solides.

    Il est certes difficile de se prononcer sur la situation réelle de l’emploi à l’aide de statistiques qui ne tiennent compte que de deux semaines de confinement sur huit et qui ont en outre l’inconvénient de ne pas converger entre elles. Au vu des premiers chiffres de la DARES à fin mars 2020, les perspectives semblent cependant particulièrement sombres.

    On peut juste se réjouir que le confinement soit enfin en bonne voie d’être levé, ce qui va permettre une reprise progressive de l’activité économique, et attendre les prochaines publications pour mesurer de plus près l’impact réel de l’épidémie de Covid-19 sur l’emploi.

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      Droit du travail et déconfinement : un État infantilisant et donneur de leçons

      Jean-Philippe Feldman · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 7 May, 2020 - 03:30 · 5 minutes

    Par Jean-Philippe Feldman.
    Un article de l’Iref-Europe

    Poétiquement, le ministère du Travail vient de pondre le 3 mai 2020 un magnifique document de 20 pages serrées intitulé « Protocole national du déconfinement pour les entreprises pour assurer la sécurité et la santé des salariés ». Ce protocole est paradigmatique des trois caractères contemporains de la réglementation : kafkaïenne, infantilisante et prompte à donner des leçons au secteur privé.

    Quelques exemples édifiants

    Ce qui est dénommé le « socle du déconfinement » correspond à une « distance physique d’au moins 1 mètre (soit 4 m² sans contact autour de chaque personne) » . Il faut « aérer régulièrement (toutes les trois heures) les pièces fermées, pendant quinze minutes » (p. 5).

    Le document ne dit pas ce qu’il se passe pour l’entrepreneur si une pièce se trouve aérée seulement toutes les 3 heures 10 pendant quatorze minutes, chronomètre en main…

    Comment se calcule la surface de l’établissement à prendre en compte ?

    Il s’agit de « la surface résiduelle de l’espace considéré, c’est-à-dire la surface effectivement disponible pour les occupants, déduction faite des parties occupées. Il convient de rattacher à la surface totale celle qui est occupée par les rayonnages et les réserves (entre autres) pour déterminer in fine la surface résiduelle pour l’accueil des clients. »

    Tout cela est d’une limpide clarté et le Protocole a la gentillesse de nous donner un exemple de calcul « des surfaces résiduelles et des jauges maximales » , qui se clôt ainsi : « Sr/4 : 135/4 = 33 personnes »…

    Le jargon administratif laisse également songeur :

    « Pour nettoyer les surfaces, il conviendra d’utiliser des produits contenant un tensioactif. »

    Quant à la désinfection, elle est « réalisée avec un produit répondant à la norme virucide NF EN 14476 ou avec d’autres produits comme l’eau de Javel à la concentration virucide de 0,5 % de chlore actif ».

    Là encore, le Protocole a le bonheur de nous livrer une illustration : « un litre de Javel à 2,6 % plus 4 litres d’eau froide » (p. 19).

    À ceux qui croiraient que notre époque a inventé la règlementation foisonnante tant de la France que des autorités de Bruxelles, il sera rappelé qu’elle est consubstantielle à la notion d’État. Il suffit de penser à la frénésie normative sous Colbert . Mais le caractère à la fois minutieux et risible de la règlementation nous fait penser au prurit règlementaire sous le régime de Vichy (bien entendu nous ne comparons pas les types de gouvernement !) avec ses 16 786 lois et décrets promulgués entre 1940 et 1944, ses pages denses du Journal Officiel consacrées aux « escargots bouchés et coureurs » ou à l’arrêté du 4 novembre 1941 qui fixait « la marge de bénéfice du ramasseur-trieur de poils de lapin angora épilé »…

    Ce qui est plus novateur dans la règlementation contemporaine, au-delà du jargon utilisé car autrefois on savait écrire (il est vrai qu’alors c’étaient des juristes qui rédigeaient les textes…), c’est son aspect infantilisant.

    Quant aux masques, ils « doivent être ajustés et couvrir la bouche et le nez » , mais les autorités publiques croient encore bon d’ajouter que « le sens dans lequel ils sont portés doit impérativement être respecté » (p. 13)…

    Quant aux gants, il convient de les ôter « en faisant attention de ne pas toucher sa peau avec la partie extérieure du gant » (p. 14)… Il va de soi que les pouvoirs publics ne prennent nullement les salariés et les chefs d’entreprises pour des imbéciles…

    Tout cela pourrait faire sourire, mais la ministre du Travail, Muriel Pénicaud , n’a pas hésité à prononcer, manifestement de manière délibérée compte tenu de ses anciennes fonctions de haut niveau dans le secteur privé, des contrevérités en matière de droit du travail et plus précisément de responsabilité des entreprises. En effet, elle a martelé à tort que la sécurité des salariés était une simple obligation de moyens pour les entreprises.

    Car, il faut rappeler – et c’est la dernière caractéristique de la règlementation contemporaine – qu’elle s’adresse uniquement au secteur privé… alors même que l’État s’affranchit allègrement de ses obligations. Le lecteur nous permettra de quitter les habits du théoricien pour mettre la casquette de l’avocat en droit du travail.

    Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais

    Nous avons ainsi appris que, dans un tribunal de grande instance, mais le cas n’est pas isolé, un magistrat avait dû fournir des masques au personnel sur ses propres deniers, soit une vingtaine de personnes ! Confirmation du fait que les services publics français en ruine ne peuvent encore fonctionner que grâce au professionnalisme de certains fonctionnaires….

    Nous venons même de déposer physiquement un dossier de plaidoirie (obligation surprenante en vertu d’un texte de crise, soit dit en passant, alors que l’informatique permettrait de l’éviter dans bien des cas, c’est-à-dire lorsque des pièces en original ne sont pas indispensables, mais la santé des avocats présente-t-elle de l’importance ?) devant une Cour d’appel (dont nous tairons charitablement le nom).

    Nous avons alors croisé près d’une dizaine de fonctionnaires du personnel administratif, tous non masqués, parfois en groupe et sans respect aucun des distances de sécurité. Des obligations auxquelles sont tenues les entreprises privées de manière stricte à compter du 11 mai 2020 sous peine, ainsi que l’ont déclaré plusieurs membres du gouvernement de manière insistante, d’engager leurs responsabilités civile et pénale. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !

    En attendant, les pouvoirs publics profitent de l’état d’exception sanitaire pour intervenir plus encore et de manière abusive dans le monde de l’entreprise.

    Jean-Philippe Feldman publiera prochainement Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron (Odile Jacob).

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      Après le virus, laissez-nous faire !

      Nicolas Lecaussin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 April, 2020 - 03:35 · 2 minutes

    laissez-faire

    Par Nicolas Lecaussin.

    Dans un article publié le 15 avril dernier dans le Wall Street Journal , le célèbre éditorialiste Daniel Henninger, inquiet des conséquences économiques dramatiques du confinement, propose, ni plus ni moins, que les pouvoirs publics soient confinés et que les individus comme les entreprises se prennent en main pour redresser la barre.

    Ses propos concernent l’Amérique mais on pourrait très bien les appliquer à la France. On le sait maintenant. L’État obèse et les dépenses publiques les plus élevées au monde n’ont pas réussi à préserver la France du virus. Pire, notre pays fait partie des plus touchés, avec un nombre de décès qui pourra même le classer parmi le trio mondial de tête.

    Ce ne sont ni les moyens , ni le nombre de fonctionnaires qui ont manqué. Ni l’interventionnisme politique, nos décideurs étant les plus actifs et n’hésitant pas à nous dire, chaque jour, ce qu’il faudrait faire. L’échec est évident. Il est temps de changer de curseur en donnant la possibilité aux Français de redresser le pays.

    Moins d’impôts, moins de réglementations et davantage de libertés devraient guider la France de l’après-coronavirus. Il faudra aplanir tous les obstacles à la création d’entreprises et d’emplois. En supprimant les 35 heures (à l’hôpital aussi après avoir dû admettre, enfin, les dégâts). En améliorant le marché de l’emploi : plus grande liberté de licencier au moins pour les entreprises de moins de 50 salariés, SMIC flexible avec des montants différents en fonction des régions et de l’ancienneté des employés.

    La distanciation sociale et le télétravail, qui perdureront après la fin du confinement, devraient même faciliter les nouvelles libertés dans le monde de l’emploi. Moins de normes et de réglementations, cela signifie aussi moins de temps perdu pour les entrepreneurs qui retrouveront le temps de mieux et plus s’occuper de leur entreprise.

    C’est le libre échange qui a enrichi nos sociétés . Il faut le rendre encore plus libre tout en gardant un minimum de normes à respecter. Nos chefs d’entreprise auront besoin des marchés mondiaux pour se développer et ceux qui prônent aujourd’hui la fin de la mondialisation ne réalisent pas que cela représenterait la fin de milliers et de milliers de sociétés qui font leur chiffre d’affaire à l’exportation. Sans compter celles, nombreuses, dont les produits utilisent de très nombreuses pièces étrangères.

    Dans une interview accordée au journal Le Parisien (17 avril), l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement soutient (non, ce n’est pas une blague) que « la crise actuelle a périmé l’idée du tout-marché » . Là où l’État et les services publics ont failli malgré d’énormes moyens, Chevènement voit l’échec du marché ! C’est justement le marché et le privé qui devront prendre le relais. C’est le laissez-faire qui redressera la France, pas la planification étatiste.

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