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      Liban : la tentation chinoise

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 15 November, 2020 - 04:30 · 8 minutes

    Liban

    Par Emmanuel Véron 1 et Emmanuel Lincot 2 .
    Un article de The Conversation

    Plus de trois mois après la double explosion dans le port de Beyrouth, la tentation est grande pour le Liban et, surtout, pour le parti pro-iranien du Hezbollah de se tourner vers Pékin.

    Ce serait un camouflet pour Emmanuel Macron, premier chef d’État étranger à s’être rendu (par deux fois) après le drame dans ce pays sinistré : selon lui, l’aide apportée par l’ancienne puissance mandataire (1918-1946) et celle de la communauté internationale doivent être conditionnées à une lutte active contre la corruption et à un changement de système .

    Il est vrai que cette exhortation française, aussitôt dénoncée par le chef du Hezbollah Sayed Nasrallah au nom de la communauté chiite (27 % d’une population totale de 6,8 millions d’habitants), allait à l’encontre d’un projet d’infrastructures de vaste ampleur financé par la Chine .

    Les potentialités pour Pékin y sont gigantesques, y compris dans la Syrie voisine , elle-même amenée à se reconstruire. L’enjeu est évidemment considérable pour le pays du Cèdre que les quinze années de la guerre civile (1975-1990), conjuguées aux effets de la guerre de 2006 et de la crise économique ont durablement pénalisé.

    Complexes rapports des forces au Liban

    Le Liban traverse la pire crise économique de son histoire, marquée par une dépréciation inédite de sa monnaie , une explosion de l’inflation et des restrictions bancaires draconiennes sur les retraits et les transferts à l’étranger.

    Près de la moitié de la population libanaise vit dans la pauvreté et près de 40 % des actifs sont au chômage. La situation s’est aggravée avec la venue massive de réfugiés syriens fuyant depuis 2011 le conflit que subit leur pays. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies, ils seraient aujourd’hui plus de 1,5 million, dont 500 000 jeunes entre 3 et 14 ans .

    Ce qui fait du Liban (4,1 millions de Libanais résidant dans le pays), le pays avec le plus fort taux de réfugiés au monde – puisqu’un habitant sur quatre y a le statut de réfugié.

    Cette question constitue à la fois un enjeu politique majeur et un drame humanitaire sans précédent. La situation perturbe de nombreux Libanais – du petit commerçant aux élites, en passant par les politiques et les humanitaires.

    Par ailleurs, l’entrée en application d’un nouvel arsenal de sanctions dirigées contre le pouvoir syrien et décidées par le Congrès américain en juin dernier ne peut guère arranger la situation régionale désormais au bord de l’asphyxie. Cet ensemble de sanctions – surnommé « la loi César » – vise à exercer « une pression maximale » sur le régime de Damas et sur son principal allié, Téhéran.

    La vindicte du Hezbollah à l’encontre de la France et des États-Unis s’explique d’autant mieux que son principal pourvoyeur iranien est confronté à de très grandes difficultés. Le plan de lutte du Hezbollah contre la Covid-19 , qui se voulait une démonstration de force, a d’ailleurs aussi exposé ses faiblesses (logistiques et moyens).

    Pour autant, le Hezbollah est assuré d’une victoire de Bachar Al-Assad en Syrie. Il mise donc plus que jamais sur l’axe Téhéran-Moscou, qui se renforce au fur et à mesure que les États-Unis s’opposent à lui.

    La Chine n’est pas en reste puisqu’elle assure déjà 40 % des importations du Liban . Plus symboliquement encore, la fameuse route reliant Beyrouth à Alep – via Damas –, autrement appelée M 5, que Bachar Al-Assad a reprise aux trois quarts aux rebelles dès 2015 avec l’aide de son allié russe, pourrait être parachevée sur son tronçon libanais grâce à des investissements chinois.

    Comme leurs alliés américains, qui ont abreuvé le Liban de dollars, l’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe ont pris des distances. Ils accusent les dirigeants libanais de laisser le Hezbollah former les rebelles houthis contre lesquels ils sont en guerre au Yémen. Réciproquement, les Houthis financeraient, avec le soutien de Téhéran, les activités du Hezbollah .

    L’enjeu stratégique du port de Beyrouth

    Au-delà de ses propres besoins nationaux, le Liban demeure un point d’entrée essentiel pour l’ensemble de la région . Les pays du Levant tels la Jordanie, la Syrie ou l’Irak, ou encore les pays du Golfe, dépendent aussi de leurs relations commerciales avec le Liban. 73 % de ses propres importations se faisant par la voie maritime, le lien du Liban à la mer est essentiel. Il repose sur le dynamisme d’une infrastructure clé, le port maritime.

    Un appel d’offres met actuellement en concurrence la France et la Chine pour la reconstruction du port. Sans surprise, le Hezbollah s’oppose aux initiatives françaises et a par ailleurs recours à tous les leviers possibles pour attiser et relayer la haine fomentée par le président turc Recep Tayyip Erdogan dans l’affaire des caricatures l’opposant à la France d’Emmanuel Macron.

    Cet attrait singulier exprimé par des géants mondiaux de la logistique portuaire suggère la valeur de la place libanaise dans le commerce international. Il laisse aussi supposer les jeux d’influence affichés ou dissimulés derrière ces investisseurs. Contrôler un port n’est pas anodin : cela constitue un message envoyé à des acteurs internationaux privés comme étatiques.

    Ainsi les efforts déployés par les opérateurs chinois à l’égard du port du Pirée, en Grèce, donc dans l’Union européenne, illustrent une politique commerciale offensive au cœur de l’Europe, parfaitement intégrée dans le projet de la Nouvelle route de la Soie . Beyrouth sera-t-il la prochaine prise chinoise en Méditerranée ?

    Pékin sait pouvoir compter sur le soutien de Moscou et d’Ankara. Car en Europe de l’est comme au Proche-Orient se cristallise chaque jour un peu plus l’alliance sino-russe, renforcée par les ambivalences turques dans son rapport à l’OTAN .

    L’unilatéralisme de Washington, articulé à la seule prévalence des intérêts américains, a créé une béance dans toute la partie orientale de la Méditerranée où, à l’instar du sud de la mer de Chine, de très importants contentieux maritimes opposent les acteurs régionaux (Turquie, Grèce, Liban, Libye, Chypre et Israël) dans leur course à l’exploitation des ressources pétrolières.

    On ne sera non plus surpris de voir les flottes russe et turque de plus en plus présentes à l’embouchure de Suez tandis que la Chine, dans une répartition tacite des tâches, se charge de renforcer son dispositif sécuritaire au large de Malacca.

    La Chine peut-elle venir au secours du Liban ?

    Le quotidien libanais Al-Akhbar (considéré comme proche du Hezbollah), relayé sur le site officiel iranien Parstoday , soutient que le Liban, dans une logique d’axe pro-iranien, doit se tourner vers Pékin, notamment en matière financière et de reconstruction du pays après la double explosion dans le port de Beyrouth l’été dernier.

    Ce mouvement s’inscrit dans le sillon des recompositions de l’ordre international fortement polarisé par, d’un côté, la puissance américaine sous l’administration Trump, et de l’autre, le pôle chinois comme alternative à l’Occident.

    Le Proche et le Moyen-Orient semblent plus que jamais contraints par cette dualité, autant que par ses crises intestines durables. L’accord économique et militaire entre Téhéran et Pékin (évalué à 400 milliards de dollars sur 25 ans) illustre bien la symétrie des relations entre le retrait américain et l’affirmation chinoise.

    La Chine est aujourd’hui le second partenaire commercial du Liban. A titre d’exemple, la Chine fournit un volume de 1,6 milliards de dollars d’exportation en 2019 .

    Pékin maintient sa présence au Liban, notamment via un fonds ( Pinglan ) consacré à la reconstruction et à la rénovation de l’habitat, notamment dans le contexte post-explosion. La RPC est également présente au niveau militaire dans le cadre de la FINUL . Une unité des forces médicales chinoises a notamment fourni son aide après l’accident industriel portuaire, faisant écho à une livraison en 2016 de matériel militaire à l’armée libanaise.

    De plus, l’influence sur la jeunesse libanaise se poursuit à travers l’Institut Confucius (dans la capitale libanaise), les programmes d’échanges universitaires entre Beyrouth et des universités chinoises, et les réseaux d’affaires entre les deux pays, via les diasporas.

    Alors que les pourparlers avec le FMI pour un plan de sauvetage du Liban n’ont pas abouti, les principaux pays pétroliers du monde arabe n’ont pas apporté d’aide à Beyrouth. Les donateurs internationaux se refusent d’apporter des dons conséquents en raison de la forte corruption.

    Cette situation pousse un peu plus le Liban dans l’orbite de Pékin et de Téhéran. Dans une logique de politique internationale, la Chine peut engager des prêts au Liban, avec comme contrepartie, un soutien – ou du moins, un silence – du Liban sur des dossiers internationaux tels que Taïwan, la mer de Chine du Sud ou la répression des Ouïghours.

    Georges Corm, grand spécialiste libanais du Proche et Moyen-Orient, constatait récemment que « les élites politiques locales échouent à édifier un État solide capable de répondre aux défis économiques et sociaux ».

    Alors que le niveau de corruption reste une composante essentielle dans un pays en crise , le rapprochement de la Chine avec le Liban à travers plusieurs projets d’investissements et le développement de zones économiques spéciales potentielles (port de Tripoli, reconstruction du port de Beyrouth voie ferroviaire, agriculture…) ne fera qu’accentuer le décrochage entre le peuple et les élites. Parmi lesquelles et d’entre toutes, les élites francophones tiraillées entre leur attrait pour l’Occident et ce nouvel appel de l’Orient.

    Sur le web
    The Conversation

    1. Enseignant-chercheur – Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
    2. Spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut Catholique de Paris.
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      Haut-Karabagh : cessez-le-feu sur une ligne de faille géopolitique

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 14 November, 2020 - 04:35 · 11 minutes

    Haut-Karabagh

    Par Taline Ter Minassian 1
    Un article de The Conversation

    9 novembre 2020. Le message est tombé à 23 h 57 heure de Paris. De la part du frantsouski narkozist , un anesthésiste réanimateur français d’origine arménienne, engagé volontaire depuis plusieurs semaines dans l’hôpital civil de la capitale de la république du Haut-Karabagh.

    À Stepanakert, trois jours auparavant, l’équipe médicale et les blessés encore sur les tables d’opération ont été évacués dans une panique indescriptible vers le nord. Est-ce la débâcle annoncée ?

    L’ennemi arrive par le sud aux portes de Stepanakert et assiège la citadelle de Chouchi, verrou stratégique et haut-lieu culturel arménien. De Martakert au nord où elle s’est réfugiée dans une fermette à moitié défoncée et où un coq chante sur son tas de bois, dans un décor digne d’E. P. Jacobs – mélange de bâtisses ruinées et d’équipements futuristes –, l’équipe est ensuite revenue sur ses pas vers Khodjalu, se rapprochant du théâtre des opérations pour récupérer des blessés et avec l’espoir, peut-être, de retourner à Stepanakert. Si toutefois, Stepanakert n’est pas déjà aux mains de l’ennemi.

    « Donne-moi des détails en urgence. On est quasiment en première ligne et l’incertitude est plus insupportable que le canon. » Tel Fabrice Del Dongo, l’anti-héros de La Chartreuse de Parme à Waterloo, mon correspondant est confronté à la question du point de vue dans la guerre. Et plus particulièrement à la question du point de vue du terrain dans la défaite militaire.

    À fourrager dans les corps de jeunes conscrits odieusement déchiquetés par les armes à sous-munitions, à voir les tubages des missiles à moitié plantés dans le sol, à s’endormir au son régulier et reconnaissable des canons amis, ou bien ennemis, l’acteur de terrain est atteint de presbytie.

    Mon correspondant aperçoit la citadelle au loin dans les montagnes, Chouchi, dont nul ne sait depuis 48 heures si elle est aux mains des Arméniens ou des Azéris. Mon correspondant ne sait qu’une chose : à minuit heure locale, une fusée rouge a été tirée et le bruit du canon a cessé.

    Ilham Aliev l’avait promis pour le Jour du Drapeau de l’Azerbaïdjan : le 9 novembre. Chouchi (Choucha) tombera, au terme d’affrontements acharnés qui s’achèvent en combats de rue.

    Le discours d’un Premier ministre vaincu

    Un cessez-le-feu vient d’être signé. Il consacre la victoire militaire de l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie , membre de l’OTAN, qui a pourvu son petit allié caucasien en stratégies militaires, en matériel (et notamment en drones , l’atout indispensable dans ce « conflit post-moderne de cinquième génération »), et en supplétifs djihadistes acheminés par voie aérienne de la région d’Idlib (Syrie).

    Au soir du 9 novembre, au terme de presque six semaines d’un conflit très asymétrique , Nikol Pachinian, Premier ministre toujours en exercice malgré des rumeurs de démission qui se répandent depuis l’avant-veille, s’adresse à la nation. Une adresse en forme de soliloque sur Facebook, à faible teneur « communicante ».

    Comment expliquer au peuple qu’on a signé la défaite, alors qu’on lui répète depuis des semaines « Haghtelou Enk » (nous devons gagner), et qu’on enterre les morts à la file au cimetière des Héros de Yerablour (Erevan) ?

    À quoi aura servi le sacrifice de la jeunesse arménienne, celle-là même qui deux ans plus tôt a porté Nikol Pachinian au pouvoir lors de la « révolution de velours » (mars-mai 2018) en une vague irrésistible ?

    Du fond de ses montagnes au milieu de la nuit étoilée, mon correspondant a vu une fusée rouge s’élever dans le ciel. Puis le silence.

    « Mes chers compatriotes, sœurs et frères, j’ai pris pour moi et pour nous tous, une décision lourde, incroyablement douloureuse. Je viens de signer avec les présidents de la Russie et de l’Azerbaïdjan une déclaration mettant fin à la guerre du Karabagh à partir d’une heure ce matin. Le texte officiel de la déclaration est déjà publié. Je ne peux pas dire à quel point son contenu est douloureux, pour moi et pour notre peuple.

    J’ai pris cette décision à la suite d’une analyse approfondie de la situation militaire et avec des experts qui connaissent au mieux la situation. En ayant la conviction que c’est la meilleure solution possible dans le contexte actuel. Je donnerai des détails sur tout cela dans les prochains jours.

    Ce n’est pas une victoire, mais il n’y a pas de défaite tant que vous ne vous reconnaissez pas comme perdants. Nous ne nous reconnaîtrons jamais comme des perdants et cela devrait être le début de notre ère d’unité nationale et de renaissance.

    Nous devons analyser les années de notre indépendance pour projeter notre avenir et ne pas répéter les erreurs du passé.

    Devant tous nos martyrs, je me mets à genoux. Je m’incline devant tous nos soldats, officiers, généraux, volontaires qui ont défendu et défendent la patrie en sacrifiant leur vie. Ils ont sauvé de manière désintéressée les Arméniens de l’Artsakh.

    Nous nous sommes battus jusqu’au bout. Et nous gagnerons. L’Artsakh est debout.

    Vive l’Arménie ! Vive l’Artsakh ! »

    La guerre de l’information

    Cette guerre, on l’a suivie au rythme des communiqués officiels et quotidiens du ministère de la Défense qui, de « replis tactiques » de vallées en vallées, nous ont fait explorer la carte de la vallée de l’Araxe, où s’est engouffrée l’armée azérie, puis nous a fait remonter vers le nord, jusqu’à la vallée du Vorotan.

    Les Azéris ne sont pas des combattants des montagnes, dit-on, mais qu’importe : la Turquie a mis à la disposition de son allié des commandos spéciaux surentraînés , les mêmes qui sont venus à bout de la guérilla kurde en Anatolie orientale.

    On l’aura vécue au rythme des articles des correspondants de guerre infiltrés dans la nasse, au péril de leur vie – deux journalistes du Monde ont été grièvement blessés à Martouni – et d’éditoriaux à teneur performative.

    Au rythme, aussi, des rumeurs et des fake news de la guerre de l’information. Suivie massivement en Arménie, la chaîne YouTube de WarGonzo restitue la guerre en direct : fort de son expérience dans le Donbass, Semyon Pegov est embarqué avec son équipe de cameramen aux côtés de l’Armée d’auto-défense de l’Artsakh.

    Sous le signe de la « vérité extrême », du regard subjectif et de l’« humanisme militaire »… il restitue ce fameux point de vue de terrain et laisse espérer, côté arménien, la possibilité d’une guerre hybride à laquelle la Russie apporterait si ce n’est un soutien militaire, du moins un consentement tacite. Mais rien de tel ne se produit.

    Le pragmatisme russe vis-à-vis de la Turquie

    Que fera la Russie ? Que fera Poutine ? La question est dans tous les esprits.

    Dans la « nouvelle société arménienne » démocratique et ouverte de Nikol Pachinian, au vocabulaire emprunté au répertoire occidental, l’anti-russisme était devenu de bon ton. Le Kremlin est irrité par ce Premier ministre qui entend conserver son amitié ancienne avec la Russie tout en ayant les yeux de Chimène pour l’Occident.

    C’est pourtant lui qui appelle Poutine au secours, à trois reprises, au début du conflit. Mais la Russie, certes alliée de l’Arménie dans le cadre du traité OTSC , n’entend pas quitter sa position d’arbitre dans un conflit du Haut-Karabagh qui ne se déroule pas sur le territoire de l’Arménie proprement dite.

    Posée en arbitre entre deux républiques anciennement soviétiques (ce sont « nos gens », « nachi lioudi » , comme l’a dit Vladimir Poutine lors du forum de Valdaï le 22 octobre dernier ) dont l’une – l’Azerbaïdjan – possède d’indiscutables atouts dans le domaine des hydrocarbures, la Russie doit également se conduire de manière pragmatique à l’égard de la Turquie, dont les ambitions néo-ottomanistes doivent être comprises et maitrisées, tant sur le flanc sud du Caucase qu’en Syrie.

    Car l’autre nouveauté de cette nouvelle guerre du Haut-Karabagh est son interaction directe avec le théâtre de la guerre syrienne. L’envoi par les Turcs de mercenaires djihadistes syriens sur le front du Haut-Karabagh obéit à cette configuration qui rappelle terriblement les porosités qui existaient entre l’Empire russe et l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale.

    Un choc frontal des deux Empires , qui ouvre la voie, en 1918, dans le sillage de l’Armée de l’Islam de Nouri Pacha marchant sur Bakou, à de nouveaux massacres, mais qui crée la vacuité nécessaire à l’indépendance miraculeuse de la Géorgie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan (1918-1920).

    À un siècle de distance, la ligne de faille géopolitique du Caucase du Sud, pris en étau entre Russes et Turcs, dicte de nouveau l’histoire.

    Les termes de la défaite arménienne et du cessez-le-feu du 10 novembre 2020, probablement discutés point par point par Poutine et Erdogan lors d’une conversation téléphonique, répondent donc à la nécessité de ramener la résolution de ce conflit dans le giron des puissances régionales limitrophes, ce que certains commentateurs, notamment lors d’une récente table ronde organisée à l’Inalco , ont décrit comme une tentative d’« astanisation » du règlement du conflit.

    Tout comme Moscou a imposé le « format Astana » (Russie, Turquie, Iran, Kazakhstan) contre le « format Genève » sur le dossier syrien, le Kremlin impose, au Karabagh, un nouveau format de négociation évinçant l’Occident et associant sans doute, à terme, la Turquie et l’Iran – lequel a d’ailleurs déplacé des troupes à sa frontière septentrionale .

    Une manière de rappeler ses intérêts au cas fort probable où le règlement diplomatique, encore à venir, inclurait la mise en place de nouvelles infrastructures, le long de la vallée de l’Araxe.

    Haut-Karabagh : et maintenant ?

    Pour l’heure, l’accord de cessez-le-feu du 10 novembre signé par l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Russie prévoit la restitution à l’Azerbaïdjan des districts occupés jusqu’ici par l’Arménie au titre du « périmètre de sécurité » : le district d’Agdam doit être restitué avant le 20 novembre 2020, celui de Kelbadjar avant le 15 novembre et celui de Latchine avant le 1 er décembre.

    Les articles 3 et 4 prévoient, en même temps que le retrait des troupes arméniennes, le déploiement pour une durée de cinq ans de forces de maintien de la paix sous l’égide de la Fédération de Russie, le long de la ligne de contact du Haut-Karabagh et le long du corridor de Latchine.

    L’article 6 prévoit que ce corridor stratégique, qui relie le territoire du Haut-Karabagh à celui de l’Arménie, sera établi sur une bande de 5 kilomètres de large et sécurisé par les forces russes de maintien de la paix.

    Toutefois, il ne desservira pas Chouchi (Choucha), la deuxième ville du Karabagh après la capitale Stepanakert, et l’article 6 prévoit à cet égard la construction d’une nouvelle route dans le corridor de Latchine sous la protection de la Russie.

    Outre les dispositions humanitaires (retour des réfugiés, échange des prisonniers de guerre), l’article 9 est le plus important. Il prévoit en effet le déblocage des moyens de communication et de transport de la région, entre la partie ouest de l’Azerbaïdjan et l’exclave du Nakhitchevan « afin d’établir le mouvement non entravé des personnes, des véhicules et du fret dans les deux directions » – et cela sous la surveillance des garde-frontières de la Fédération de Russie.

    La construction de nouvelles infrastructures reliant l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan est expressément mentionnée dans les termes de cet accord « corridor contre corridor ».

    Si l’Arménie défaite doit panser ses plaies, elle doit également affronter la cartographie irrévocable de cet accord et trouver un dirigeant apte à négocier dans ce contexte contraignant, l’unification à son propre territoire d’un Haut-Karabagh ramené, dans le meilleur des cas, à l’Oblast autonome de 1988. C’est à cette condition que la jeunesse du pays n’aura pas été sacrifiée en vain.

    Sur le web The Conversation

    1. Historienne, professeure des universités. Directrice de l’Observatoire des États post-soviétiques (équipe CREE), Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
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      Macron/Erdogan : La bataille du gaz en méditerranée.

      eyome · Sunday, 11 October, 2020 - 15:29

    https://upload.movim.eu/files/7b4a27eed4cd52381dd25ae94920402e838b41d3/9dIYgYBISaqxpwNcO0fepPGeiWlKHs8qGCg5qv3A/helin_bolek-f68fb.jpg

    Turquie : Mort de la chanteuse Helin Bölek

    Elle chantait la résistance et la révolution dans la formation Grup Yorum et se battait contre le régime dictatorial de R.T Erdogan en Turquie. Elle est décédée le 3 avril 2020 après 288 jours de grève de la faim alors qu’elle avait été hospitalisée de force par la police Turque depuis le 11 mars. http://www.cnt-f.org/international/Turquie-Mort-de-la-chanteuse-Helin-Bolek.html

    Le secrétariat international de la CNT

    #Turquie #Internationalisme #Grève #CNT #CNT31 #répression