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      Les limites du système social français mises en lumière par la crise des retraites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    La retraite ! Il fallait évidemment faire quelque chose, ne jetons pas la pierre au gouvernement ! Et c’est forcément compliqué de demander aux gens de travailler plus.

    Il n’empêche que ça aurait dû se passer mieux. Réfléchissons aux raisons de cette tourmente qui a surpris tous nos voisins européens et comment améliorer notre fonctionnement dans le domaine social.

    Les retraites dans le domaine social

    Nous sommes en effet dans le domaine social dont l’origine remonte au XVI e siècle avec Vincent de Paul qui s’est engagé dans la fondation de congrégations et d’œuvres sociales religieuses (enfants abandonnés, accidents de la vie, hospitalisations…). Les grandes entreprises ont, elles aussi, investi le domaine, initiative très injustement qualifiée de paternalisme. Puis, progressivement, l’État s’est saisi du sujet.

    On a connu plus tard la naissance des syndicats patronaux et salariés. Progressivement, la sphère sociale a été gérée, dans le cas européen, par une sorte de ménage à trois.

    C’est évidemment en France que l’État est devenu le plus actif et c’est ce qui explique les 57 % (avant le covid) de sa sphère publique et sociale (25 % pour le régalien et 32 % pour le social : record du monde).

    Les préoccupations financières ont renforcé l’emprise de l’État : « je comble les trous des caisses mais j’ai un droit de regard sur ce qui se passe dans vos réunions ».

    Petit à petit, nos concitoyens ont pris l’habitude de déléguer à l’État de plus en plus de responsabilités : « avec les impôts que je paye, je ne vais pas en plus m’occuper de tout cela ! ».

    On a vu très vite venir les exhortations de l’État et du politique : « là, il y a un problème, je laisse syndicats et patronat discuter, et s’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, je légifère. »

    Puis est arrivé le funeste concept de l’ État providence , qui a donné la fausse impression que l’argent tombait du ciel. Le « quoi qu’il en coûte » du covid n’a pas arrangé les choses, les Français ayant complètement perdu la notion des coûts du système social.

    Plus grave encore, cette implication de l’État a politisé les syndicats, ravis de ce nouveau champ d’action qui leur était offert : interagir directement avec les politiques, et ce, d’autant plus qu’ils avaient de moins en moins de support dans l’entreprise.

    Il y a 50 ans, 30 % des employés étaient syndiqués, aujourd’hui, ils sont moins de 10 % . L’État a évidemment compensé la baisse des cotisations par des aides financières pas toujours très lisibles : un audit général communiqué au grand public ne ferait pas de mal à la démocratie.

    La grève

    Une incidence dans toute cette affaire, le droit de grève a évolué : on ne devrait pas utiliser le même mot pour qualifier une grève des employés voulant améliorer leur situation financière dans le cadre de l’entreprise et l’action d’un syndicat utilisant son monopole sur une profession dans un domaine indispensable à la vie des Français (essence ou transport), pour peser sur une discussion parlementaire en empoisonnant la vie des concitoyens.

    Ce mélange des genres met en danger notre démocratie, sans parler du levier donné aux Black Blocs lors des manifestations.

    Les problématiques réelles de la retraite

    Les limites du système sont aussi apparues dans la présentation des problématiques de la retraite puisque les considérations financières ont été pratiquement absentes. Impossible de savoir si le système est en équilibre, si les déficits étaient de l’ordre de 10 milliards ou plutôt entre 30 et 40 milliards comme annoncé par le Commissaire au plan.

    Le rapport du COR n’a pas été expliqué au public et a été considéré obscur par ceux qui l’ont lu, le qualifiant même de sorte d’auberge espagnole où on trouvait toujours des chiffres permettant  de défendre n’importe quelle thèse.

    Une seule chose est sûre : partout ailleurs dans le monde , on part au plus tôt à 65 ans et l’allongement a été admis sans difficulté.

    Le cas emblématique est celui de l’Allemagne : pourquoi cela s’est-il si bien passé ? Schroeder était aux commandes ; les dépenses publiques allemandes étaient montées à 57 % du PIB, essentiellement dans le cadre du rattachement de l’Allemagne de l’Est. Schroeder a jugé ces niveaux de dépenses trop élevés et a annoncé qu’il fallait les baisser de 12/13 points. Il a commencé à expliquer que l’argent manquait, il a convaincu et a maintenu sa politique, en prévenant que l’État ne comblerait plus le déficit des caisses de retraites.

    Il a ensuite a invité patrons et syndicats à régler eux-mêmes le problème et tout s’est passé très rapidement ; l’âge de départ à la retraite a été repoussé à 65 ans et les citoyens, confrontés à la réalité des chiffres ont adopté une posture raisonnable.

    L’État doit se recentrer

    Une leçon simple à tirer de cet épisode : l’État doit se recentrer.

    Il y a trois domaines dans l’économie : l’économie privée, l’État (régalien par nature) et la sphère sociale.

    Dans la très difficile période qui s’ouvre sur le plan géopolitique, l’État doit placer toute son énergie dans ses fonctions régaliennes : armée, affaires étrangères, police, justice, immigration. La tâche est immense et le travail sera dur, très dur.

    Le domaine social doit être impérativement redonné aux syndicats et au patronat, qui ont montré récemment qu’ils pouvaient tout à fait se mettre d’accord sur un sujet pointu : le partage de la valeur.

    Revenons à des formules très simples, celles que nous enseignaient nos parents et grands-parents : « qui trop embrasse, mal étreint » et « à chacun son champ, les vaches sont bien gardées ».

    Les responsabilités seront mieux définies, chacun saura ce qu’il a à faire. Cette redistribution des rôles simplifiera les choses, elle permettra aux entreprises de redonner toute leur mesure (la plus grande d’entre elles, le CAC40, montre de quel bois notre sphère privée est faite), et au Parlement de retrouver son rôle. Et la confiance reviendra.

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      Réforme des retraites : le référendum d’initiative partagée toujours incertain

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 20 April, 2023 - 03:00 · 6 minutes

    Après avoir invalidé, vendredi 14 avril dernier, une première demande de référendum d’initiative partagée déposée par 252 parlementaires, les Sages de la rue de Montpensier devront se prononcer sur une seconde demande le 3 mai prochain.

    L’intersyndicale et les oppositions espéraient qu’en cas de validation de la réforme des retraites, le Conseil constitutionnel donnerait le feu vert à la demande de Référendum d’initiative partagée (RIP). Mais en se basant sur les règles de droit, les Sages n’ont pas pu valider cette « proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans. »

    À gauche, les communistes ont regretté que le Conseil constitutionnel fasse « obstacle à une sortie de crise par le haut » en refusant la proposition de RIP et ont appelé l’institution à se saisir « de l’opportunité du deuxième RIP pour rendre la parole au peuple. »

    La secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier a confié à l’AFP être choquée par ce rejet. Pour la députée EELV Sandra Regol, sur Twitter : « Malgré la décision du Conseil constitutionnel, cette loi reste toujours aussi injuste. Le combat continue avec une nouvelle demande de RIP déposée ».

    Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure , voit même plus loin. Il a proposé en conférence de presse, peu après la décision connue :

    « Même s’il n’y avait pas de RIP, nous pouvons lancer une vaste pétition avec l’intersyndicale pour que les Français expriment, hors de toute procédure, leur volonté de référendum. Plusieurs millions de personnes demandent à ce qu’on leur rende la parole. »

    De son côté le député LFI François Ruffin écrit sur Twitter :

    « En démocratie, et pourtant : le peuple ignoré, mis de côté. Demain, Macron et tous ses amis seront vaincus, dans les urnes ou dans la rue. La retraite à 64 ans sera abolie. Le Référendum d’initiative citoyenne s’imposera pour ne plus laisser les pleins pouvoirs à un nouveau roi. »

    Pourquoi l’invalidation du texte du RIP par le Conseil constitutionnel

    Le Conseil reproche au texte de ne pas représenter une réforme selon l’article 11 de la Constitution qui prévoit un champ restreint du référendum dans ses matières.

    Deux questions se sont donc posées aux Sages.

    D’une part, une proposition de loi référendaire dont le seul objet est de plafonner à sa valeur actuelle l’âge de liquidation des droits à la retraite peut-elle être considérée comme portant sur une « réforme relative à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent » ?

    D’autre part, une mesure empêchant une réforme est-elle encore une réforme ? Or, le terme réforme implique que le texte vienne modifier l’état du droit existant. On ne réforme pas en proposant un texte ne faisant que rappeler l’état du droit.

    Le Conseil constitutionnel adopte ici fort justement une position plus réaliste que pour le précédent de l’Aéroport de Paris de 2019. En effet, à sa date d’enregistrement la proposition de loi affirmant que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ne modifie pas l’état du droit.

    Le cas de validation du second RIP et loi sur la réforme sur les retraites promulguée

    Les opposants au recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans estiment que la réforme devrait être suspendue durant les neuf mois de collecte des signatures.

    Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui a « lu un certain nombre d’analyses », affirme quant à lui que « même si le Conseil constitutionnel validait la demande de référendum, cela n’empêche pas la mise en œuvre du texte tel qu’il a été adopté ». En effet, le RIP n’est pas suspensif.

    Mettre sur pause, le chef de l’État « en a le droit et il est même souhaitable qu’il le fasse pour éviter tout conflit avec la procédure référendaire et apaiser la colère citoyenne », a défendu le constitutionnaliste Dominique Rousseau, dans une tribune publiée le 13 mars dans Le Monde .

    Concernant Aéroport de Paris , le gouvernement avait choisi de suspendre l’application de la loi. Il peut éventuellement ne pas prendre les décrets d’application comme ce fut le cas à l’époque du CPE. Reste que même en cas de validation du RIP par le Conseil constitutionnel, puis de succès dans la collecte des signatures, il est peu probable qu’Emmanuel Macron se décide à organiser un référendum qui enterrerait sa propre réforme. Il suffirait en effet que le Parlement se saisisse de la proposition de loi dans les six mois suivant le recueil des signatures pour éviter de demander l’avis des Français.

    Les probabilités de validation du nouveau RIP

    « C’est le même texte que la première demande, complété par un deuxième article qui crée un élément de réforme : une recette fiscale liée aux ressources du capital pour sécuriser le financement de la retraite par répartition », souligne Patrick Kanner (PS).

    Le contenu de la première décision ne rend guère optimiste l’opposition. « Ce sera pareil, rejeté… » a lâché à l’AFP la secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier.

    De même, le porte-parole des députés PS, Arthur Delaporte, admet dans Le Parisien : « Le deuxième RIP ressemblant beaucoup au premier, les motivations données par le Conseil ne sont pas très encourageantes pour qu’il soit validé ».

    De fait, le deuxième article créant une recette fiscale pour les retraites ne changera pas forcément la donne : dans sa décision du 25 octobre 2022, le Conseil avait rejeté une autre proposition de RIP car « il avait jugé que ne présentait pas ce caractère [de réforme] une proposition qui visait uniquement à abonder le budget de l’État en augmentant le niveau de l’imposition existante des bénéfices de certaines sociétés ».

    L’opposition évoquait dès vendredi soir le dépôt éventuel d’un troisième RIP amendant le deuxième afin de tenir compte des remarques du Conseil. Mais le calendrier pourrait aussi poser problème : la loi est désormais promulguée et une proposition de RIP « ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ». La deuxième demande de RIP a certes été déposée juste avant (jeudi), mais l’éventuelle validation ne pourra survenir qu’après. Ce sera au Conseil constitutionnel de décider.

    En effet, le Constituant de 2008 qui a introduit le RIP dans la Constitution avait plus que tout peur que ce dernier serve à remettre en cause la légitimité et l’autorité du Parlement. Aussi, il a prévu qu’aucun RIP ne pourrait avoir lieu sur un texte promulgué depuis moins d’un an.

    Le Conseil constitutionnel poursuit donc une interprétation stricte du champ d’application du RIP de l’article 11 alinéa 3 de la Constitution.

    SOURCE : Décision n° 2023-4 RIP du 14 avril 2023 | Conseil constitutionnel (conseil-constitutionnel.fr)

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      Conseil constitutionnel français : un hybride entre politique et justice ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 19 April, 2023 - 03:15 · 7 minutes

    Après voir accusé le gouvernement de brutalité à l’égard de la Constitution par l’utilisation de l’article 49 alinéa 3, les syndicats et les oppositions laissent maintenant entendre que les Sages du Conseil constitutionnel ne serait pas indépendants. Ainsi, le combat contre la réforme Macron doit continuer par tous les moyens, y compris les plus illégaux.

    Dans une démocratie, la critique est libre. Mais gare aux dérives populistes qui consistent à entamer la confiance des citoyens dans les institutions.

    Comment sont nommés les membres du Conseil constitutionnel ?

    Les neuf membres du Conseil constitutionnel sont nommés par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat.

    Il revient ainsi au président de la République mais aussi au président de l’Assemblée nationale et à celui du Sénat de proposer trois membres chacun. Les candidats sont ensuite soumis à l’avis de la commission des Lois – celle de l’Assemblée nationale pour le président du Palais Bourbon, celle du Sénat pour le président de la Chambre haute et les deux commissions réunies lorsqu’il s’agit du chef de l’État. Dans ce dernier scénario, seule l’addition des votes négatifs de chaque commission, si elle atteint trois cinquièmes des suffrages exprimés, peut invalider la proposition.

    Le renouvellement se fait ensuite par tiers tous les trois ans, pour des mandats de neuf ans non renouvelables.

    Les présidents de la République sont également membres de droit, à vie, mais les derniers chefs d’État que sont Nicolas Sarkozy et François Hollande ont refusé ce statut.

    Au sein de ce cénacle, le président du Conseil n’a pas de voix prépondérante. Encore moins la capacité d’imposer sa décision aux autres membres.

    Une nomination essentiellement issue de choix politiques

    À ce jour, on retrouve parmi les membres du Conseil constitutionnel des personnalités nommées par des figures de presque tous les horizons politiques : François Hollande (un membre), Emmanuel Macron (deux membres), le président du Sénat Gérard Larcher (LR, trois membres), les anciens présidents de l’Assemblée nationale Claude Bartolone (PS, un membre) et Richard Ferrand (LREM, deux membres).

    Le Conseil comprend notamment deux ex-ministres de l’actuel chef de l’État (Jacqueline Gourault et Jacques Mézard) et deux anciens Premiers ministres (Laurent Fabius et Alain Juppé). Le président du Sénat Gérard Larcher a nommé son ex-directeur de cabinet, François Seners. S’il n’y a pas de système parfait de nomination, le recrutement des juges constitutionnels par des autorités politiques est un standard européen.

    Les neuf Sages sont bien issus de choix politiques, ce qui est prévu par le texte même de la Constitution qui n’a pas institué une Cour constitutionnelle mais un simple Conseil, lequel n’est pas à proprement parler une juridiction.

    Un devoir d’impartialité

    Les membres sont soumis à la prestation d’un serment dans lequel ils jurent de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions » et surtout de « les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, ainsi que de garder le secret des délibérations et des votes ».

    Dans les faits, le système de nomination tend à diversifier partiellement les horizons politiques dont sont issus les Sages. Si le devoir d’impartialité est un élément capital de leur prestation de serment qui les oblige devant la loi, il reste que la France apparaît comme une exception avec la présence massive d’hommes politiques au sein de l’institution. Dans les autres démocraties, les juges constitutionnels peuvent certes avoir une coloration politique mais d’abord et avant tout ils sont tous des professionnels du droit.

    Si la question du manque d’indépendance du Conseil constitutionnel, loin d’être originale, est finalement un serpent de mer qui revient épisodiquement depuis les origines de l’institution de la rue de Montpensier en 1958, ce n’est pas pour autant qu’aucune question se pose.

    Aux origines du Conseil constitutionnel…

    Créée en 1958 lors de l’instauration de la Cinquième République pour « rationaliser » le parlementarisme, surnommé à l’époque le « chien de garde du gouvernement » par ses détracteurs, le rôle du Conseil constitutionnel a profondément évolué. Cependant il demeure que cette institution n’est pas une Cour constitutionnelle.

    Les États-Unis ont leur Cour suprême, les Allemands leur tribunal constitutionnel de Karlsruhe, la France doit se suffire d’un simple Conseil, faisant à cet égard exception parmi les grandes démocraties. L’institution de la rue de Montpensier ne figure d’ailleurs pas parmi les articles du titre VIII de la Constitution consacré à l’autorité judiciaire. Elle n’est donc pas la juridiction suprême en France. Organe mi-politique, mi-juridictionnel ad hoc, elle dispose de son propre titre, le VII.

    Concrètement, comment se prend une décision au sein du Conseil

    Après avoir auditionné plusieurs élus ayant déposé les recours, les neuf membres du Conseil constitutionnel se réunissent avec le secrétaire général.

    Chaque membre prend la parole, l’objectif étant d’avoir une décision la plus commune possible sur les problèmes soulevés. Les débats font partie des plus grands secrets de la République. Ils ne sont rendus publics qu’après 25 ans. On ne saura donc pas s’il y a eu consensus ou non.

    Autre particularité française : aucune opinion dissidente ne sera partagée publiquement, comme cela se fait dans d’autres pays, notamment aux États-Unis.

    Qui siège actuellement au Conseil ?

    – Laurent Fabius, 76 ans, président, nommé en février 2016 par le président Hollande.

    Membre du Parti socialiste, il a été ministre du Budget, de l’Industrie, puis Premier ministre sous la présidence de François Mitterrand. Il est ensuite devenu ministre des Affaires étrangères sous la présidence de François Hollande avant de quitter ses fonctions pour rejoindre le Conseil constitutionnel.

    – Michel Pinault, 75 ans, nommé en février 2016 par Gérard Larcher, président du Sénat.

    Juriste et Conseiller d’État, il a exercé des responsabilités dans le monde de l’assurance puis a été président de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers, et président du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.

    – Corinne Luquiens, 70 ans, nommée en février 2016 par Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale.

    Haute fonctionnaire française, elle a été secrétaire générale de l’Assemblée nationale et de sa présidence de 2010 à 2016.

    – Jacques Mézard, 75 ans, nommé en février 2019 par le président Macron.

    Avocat de profession, il devient sénateur dans le Cantal en 2008 (et jusqu’en 2019). Il a appartenu au Parti radical de gauche (PRG) puis au Mouvement radical (MR) et a officié dans les gouvernements d’Édouard Philippe en tant que ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, puis en tant que ministre de la Cohésion des territoires.

    – François Pillet, 72 ans, nommé en février 2019 par Gérard Larcher, président du Sénat.

    Avocat de profession, il a été maire de Mehun-sur-Yèvre (dans le Cher), puis sénateur, rattaché à l’UMP puis à LR entre 2007 et 2019. Il a également été membre et vice-président de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat, ainsi que vice-président du comité de déontologie du Sénat.

    – Alain Juppé, 77 ans, nommé en février 2019 par Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale.

    Il a été maire de Bordeaux, président de la métropole de Bordeaux, députés français (RPR et UMP) ministre à de multiples reprises, et Premier ministre lors du premier mandat de Jacques Chirac, entre 1995 et 1997.

    – Jacqueline Gourault, 72 ans, nommée en mars 2022 par le président Macron.

    D’abord professeure d’histoire-géographie, elle devient ensuite sénatrice (UDF), puis vice-présidente du Sénat. Elle est nommée ministre auprès du ministre de l’Intérieur lors du premier mandat d’Emmanuel Macron, avant de devenir ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les Collectivités territoriales.

    – François Seners, 65 ans, nommé en février 2022 par Gérard Larcher, président du Sénat.

    Haut fonctionnaire français, diplômé de Sciences Po Strasbourg et de l’ENA, il a été le secrétaire général du Conseil d’Etat, puis le directeur du cabinet du président du Sénat.

    – Véronique Malbec, 64 ans, nommée en février 2022 par Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale.

    Magistrate française, elle a été procureure générale de la Cour d’appel de Rennes et de celle de Versailles, puis secrétaire générale du ministère de la Justice et directrice de cabinet du ministre de la Justice.

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      Les Français et la réforme des retraites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 11 March, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    Et c’est parti pour la révolution, pour le grand soir ! La foule est dans la rue et la réforme ne passera pas. Blocage, pays à l’arrêt, occupation, grève générale … toute la gloriole de la lutte sociale (et solidaire) est à l’affiche du psychodrame franchouillard qui se joue en ce mois de ventôse de l’an 231.

    Pendant que la France en trottinette électrique et en RTT rêve de guillotine et de tribunaux révolutionnaire, l’autre France se demande quand tout ce cirque va bien pouvoir cesser.

    Impossible de commander La révolution française pour les nuls : toutes les libraires sont en rupture de stock. Il va donc falloir se rabattre sur #BlocusChallenge, la dernière web-série du député insoumis Louis Boyard. Promis, on n’oubliera pas de cliquer sur le pouce bleu. Il faut bien que les internautes amateurs gagnent leur vie, vu que ce n’est certainement pas avec son salaire de député que le benjamin de l’Assemblée peut s’acheter les baskets neuves qu’il ne porte pas.

    Quel cinéma !

    Pendant ce temps, sur la planète Terre…

    C’est vrai qu’il ne se passe pas grand-chose dans le monde pendant que les nostalgiques du suicide collectif sous acide de 1789 et du Spring Break de 1968 se montent le bourrichon en contemplant leur bonnet phrygien dans la glace. Il ne se passe pas grand-chose en Ukraine, en Afrique, en Asie centrale, en mer de Chine. Il ne se passe rien dans les labos de recherche ni dans les bureaux d’étude. Ce n’est pas comme si la planète n’était pas en train de se transformer à toute vitesse.

    En France, on préfère parler de vrais problèmes. On préfère se concentrer sur les priorités, comme l’âge de la retraire quand on est collégien ou retraité, ou sur l’avortement quand on est un homme, ce genre de choses…

    Au fait, peut-on participer à #BlocusChallenge quand on est en maternelle ? Vu que quand on est collégienne avec des couettes, on se fait applaudir en insultant les puissants de ce monde… un môme de 3 ans sur le perchoir de l’Assemblée pointant la représentation nationale du doigt en zozotant « dis, monsieur, pourquoi tu as fait bobo à ma retraite ? Comment oses-tu ? » ça doit le faire, non ?

    Pendant que les révolutionnaires en carton font sortir des lapins de leur chapeau, la planète Terre effectue une vraie révolution : une rotation complète autour de son axe.

    Don’t tread on me

    La majorité française est libertarienne. Bon, ok, dis comme cela, personne ne le croira. Essayons autrement.

    La majorité est silencieuse. Elle ne fait pas de bruit. Quand il fait bon vivre, elle se dore la pilule au soleil. Personne ne l’embête, tant qu’on ne l’embête pas. Mais malheur si on vient la chercher, elle s’habille alors en jaune, crie « Ne me marche pas dessus ! » et se met à semer le bazar partout dans le pays.

    La majorité silencieuse est bien libertarienne et on comprend vite pourquoi.

    90 % des Français gagnent moins de 4000 euros par mois. 4000 euros par mois, c’est moins que le salaire minimum en Suisse . Un élève médecin ou ingénieur a quasiment la certitude de gagner moins qu’un plombier. Il a surtout la totale certitude de gagner bien moins qu’un petit dealer.

    Alors certes, 10 % de Français gagnent plus de 4000 euros : les riches , ceux qui ont des montagnes d’or dans leur placard et chez qui on peut aller se servir à volonté. Certes ! Il y a aussi les lessivés du cerveau, ceux qui croient qu’un pays où quasiment tout le monde gagne à peine de quoi vivre est une grande puissance mondiale que le monde entier nous envie.

    En fait, la majorité est silencieuse et n’en a absolument rien à faire du système et de la politique. Tant qu’on ne lui marche pas sur les pieds. Elle vit avec le système. Elle fait avec le système. Quand ça ne lui plaît pas, elle se débrouille. Ça se passe toujours comme ça dans les pays communistes : on répare les vieilles voitures et on travaille au noir.

    Contre la réforme ne signifie pas pour le système actuel

    Si une immense majorité de Français est contre la réforme de la pitoyable aumône au prétexte de laquelle ils auront été rackettés toute leur vie, cette même majorité est loin d’être prête à apporter son soutien aux clowns collectivistes.

    Sept millions de Français ont voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la dernière élection présidentielle soit 15,8 % des inscrits, qui ont d’ailleurs quasiment tous voté pour Emmanuel Macron au second tour.

    Le mouvement de défiance dépasse plus que très largement la gauche : plus de 70 % des Français sont contre la réforme.

    Il n’a également rien à voir avec la droite dont une partie, par réflexe pavlovien anti-gauche, soutient le gouvernement et dont l’autre ne pense qu’à passer entre les gouttes et à ne pas faire de vagues d’ici la prochaine élection présidentielle.

    Tous les partis confondus, droite, gauche, centre, tout comme tous les syndicats, seraient très mal inspirés de penser que les Français sont opposés à la réforme parce qu’ils supportent le système actuel et qu’ils sont prêts à se battre pour le conserver.

    Un train peut en cacher un autre

    Seulement 34 % des personnes interrogées lors du dernier sondage pensent que la réforme sera retirée. Ça fait quand même un sacré nombre de Français qui ne se font aucune d’illusion. Ça fait surtout une sacré nombre de silencieux aucunement représentés par aucun parti politique que ce soit, ni par un syndicat.

    Si on ajoute à cela qu’une bonne moitié de la population se dit très en colère au sujet de la politique économique et sociale du gouvernement, il y a de très fortes probabilités que derrière le baroud d’honneur des syndicalistes et des gauchistes nostalgiques des soixante ans et des 35 heures, se cache un mouvement de grogne totalement différent, voire à l’opposé des refrains étatistes tenus par tous les partis représentés au Parlement.

    De plus en plus de gens savent comment vivent certains de nos voisins. Et pour revenir au sujet des retraites, ils sont nombreux à comprendre qu’ une retraite par capitalisation vous appartient et ne vous place pas sous la menace permanente de voir de petits malins changer les règles du jeu tous les quatre matins. Sans parler de ce qu’on daigne gracieusement vous octroyer en fin de compte, comparé à ce qui vous a été racketté toute votre vie.

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      Retraites : le modèle social français convulse

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 9 March, 2023 - 04:10 · 4 minutes

    « On est là ! Même si Macron ne veut pas on est là ! »

    L’appel des syndicats à la mobilisation contre la réforme des retraites semble avoir rassemblé au-delà des éternels professionnels du blocage. Aux cortèges de la FO et de la CGT s’agrégeaient plus ou moins discrètement des Gilets jaunes mais aussi les personnels soignants honteusement suspendus au moment de la crise covid, quelques lycéens radicalisés et plus largement tout le ban et l’arrière-ban de l’antimacronisme de gauche.

    Macron rassemble parce qu’au-delà de la réforme des retraites, il incarne l’ennemi de classe par excellence, vendu aux riches et aux patrons, indifférent à la souffrance des classes populaires et soutien sans faille du grand capital. Et si c’est répété à l’envi par les centrales syndicales, les médias d’opposition et Mélenchon, c’est que ce doit être vrai. Ou pas.

    Macron ou la social-démocratie à la française

    Seulement à y regarder de plus près, le « banquier » Macron n’est pas vraiment étranger à la ménagerie social-démocrate franco-française. Pur produit de la « méritocratie républicaine », celle qui offre à l’aristocratie bureaucratique nationale le privilège de gouverner le pays, l’actuel locataire de l’Élysée n’est au fond qu’un énarque tendance deuxième gauche comme nos grandes écoles en produisent à la chaîne.

    La réformette des retraites en témoigne : incapable de sortir du cadre posé depuis l’après-guerre, le gouvernement ne fait que répéter un scénario chorégraphié depuis des années par les mêmes acteurs, les mêmes personnels et avec les mêmes résultats ridicules visant à « sauver le modèle politique français ».

    Des hauts fonctionnaires réforment à la marge sans toucher à l’essentiel d’un système de retraites hérité de Vichy et du CNR, bismarckien et autoritaire, sur lequel ils ont largement la main. Peu importe qu’il dégringole pour des raisons bassement démographiques , ils n’ont aucun intérêt à abdiquer un pouvoir de direction qui se partage en petit comité, comme tous les postes de pouvoir 1 .

    Cage de fer collectiviste autoritaire

    C’est que les manifestants et autres syndicalistes sont aveugles à la cage de fer qu’ils cherchent à préserver « quoi qu’il en coûte » : le modèle social français est un État-providence autoritaire piloté par une classe technocratique qui prétend organiser la redistribution étatique des richesses de manière scientifique , c’est-à-dire sans trop vous demander votre avis.

    L’État-providence français est le produit de son époque économique, les Trente glorieuses, qui ne jure que par le planisme , les nationalisations, la concertation encadrée par l’État entre syndicats et patrons et le centralisme politique gaullien. Sur fond de croissance et d’optimisme, l’idée de confier à l’ingénieur, puis au haut fonctionnaire, la tâche de « moderniser » le pays devient l’obsession des élites 2 .

    L’illusion politique, qui ne s’est pas totalement dissipée aujourd’hui est de croire que l’organisation scientifique de la production ne touche que superficiellement les rapports de production. Le planisme des ingénieurs puis des énarques n’empiète pas sur l’économie de marché, ne transforme pas le pays en économie de fonctionnaires, ne fait que fluidifier la concertation entre les acteurs économiques et sociaux au nom de l’intérêt général .

    Cette belle mécanique repose sur une illusion. Elle présuppose l’alignement essentiel des intérêts entre technocratie et les populations qu’elle prétend piloter, à l’image d’une armée dont l’ensemble de la chaîne de commandement est orienté pour la victoire décisive. C’est cet idéal prussien qui faisait craindre à Friedrich Hayek la fameuse « route de la servitude ».

    Si les deux acteurs s’entendent tacitement pour faire croître la taille de l’État au sein de l’ordre social, les uns pour consolider leur domination bureaucratique, les autres pour bénéficier des largesses de la redistribution, cela fait longtemps qu’ils n’appartiennent plus au même monde, en qu’en conséquence, sur un plan strictement économique, ils ne répondent plus aux mêmes incitations rationnelles.

    Les uns réclament toujours plus de droits, de biens et de services gratuits tant ils sont maintenus dans l’ ignorance des mécanismes économiques les plus élémentaires. Les autres ne peuvent se résoudre à transférer leur gouvernance, dans le domaine du social comme dans celui de l’économie en général, à la société elle-même.

    Unis dans la même détestation d’un capitalisme financier perçu comme une dépossession, les uns préfèrent sacrifier la prospérité des générations futures, et les autres temporiser jusqu’à l’effondrement d’un modèle qu’on sait bancal depuis plus de 40 ans, à droite comme à gauche.

    Aujourd’hui, le modèle social français est devenu le modèle mental dominant qui nous empêche de nous projeter dans l’avenir et de répondre aux impératifs de la mondialisation des échanges. Il est tant de changer de logiciel.

    1. Sur la rapacité de l’aristocratie bureaucratique française, on lira le très instructif essai de Vincent Jauvert, La Mafia d’État paru aux éditions du Seuil en 2021.
    2. Augustin Landier, David Thesmar, Le grand méchant marché , Flammarion, 2007.
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      Le sale petit secret du « droit à la paresse »

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 March, 2023 - 04:30 · 2 minutes

    Les opposants au recul de l’âge de la retraite proposée par la réforme mal ficelée portée par le gouvernement Macron ne s’embarrassent pas vraiment de nuances. Après avoir joué sur la corde du misérabilisme (les pauvres meurent avant la retraite), le complotisme (c’est Blackrock qui veut la réforme), voilà le « droit à la paresse » qui refait surface dans la comm des écolos et des radicaux.

    Une jeune militante écolo l’a rappelé récemment, « on a le droit d’avoir envie de faire autre chose que travailler. »

    Avant elle, Sandrine Rousseau s’était illustrée en défendant le parasitisme social au nom du droit à la paresse : les allocations chômage ne sont pas un filet de sécurité mais un moyen pour les individus d’éviter de travailler.

    La paresse contre « l’exploitation capitaliste »

    Parler de « droit à la paresse » renvoie à l’essai du gendre de Karl Marx Paul Lafargue, qui dans un essai aux tonalités lyriques expliquait que les lendemains qui chantent passaient par la limitation du temps de travail pour la classe ouvrière :

    « Si, déracinant de son cœur le vice qui la domine et avilit sa nature, la classe ouvrière se levait dans sa force terrible, non pour réclamer les Droits de l’homme, qui ne sont que les droits de l’exploitation capitaliste, non pour réclamer le Droit au travail qui n’est que le droit à la misère, mais pour forger une loi d’airain, défendant à tout homme de travailler plus de trois heures par jour, la Terre, la vieille Terre, frémissant d’allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers… »

    Sauf qu’au « droit à la paresse » des uns répond une obligation de financer l’improductivité par les autres. Le lyrisme pseudo-libertaire masque le devoir pour tous les secteurs productifs de la société de subventionner ceux qui ne « veulent pas travailler ». Le « modèle social » au nom de cette rhétorique parasitaire n’a plus la solidarité comme justification mais l’entretien de nouvelles classes d’oisifs politiquement sélectionnées à des fins clientélistes.

    Le socialisme des populistes de plateau télé n’abolit plus l’exploitation, il la déplace pour faire peser le fardeau sur les actifs, les contribuables et les générations futures via la dette.

    Ses défenseurs devraient méditer le propos de Lénine, inspiré par Saint Paul, qui visiblement ne partage pas le même avis que Lafargue : « celui qui ne travaille pas ne mangera pas ».

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      « Catastrophe écologique » : protester, c’est augmenter son bilan carbone

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 3 March, 2023 - 04:15 · 3 minutes

    Pour la Macronie, tous les arguments sont bons à prendre pour faire passer une réforme des retraites qui bat des records d’impopularité.

    Les derniers en date sont d’ Olivier Véran , le porte-parole du gouvernement, à propos de l’appel de l’intersyndicale contre la réforme des retraites. Mettre « à l’arrêt » le pays comme le menacent les syndicats serait « prendre le risque d’une catastrophe écologique, agricole ou sanitaire ».

    « Mettre la France à l’arrêt, ce serait laisser filer une crise qu’on peut encore éviter. L’absence de pluie depuis plus de 30 jours maintenant en France fait peser un risque extrêmement fort sur l’état de nos réserves en eau cet été. Mettre le pays à l’arrêt, c’est prendre le risque d’une catastrophe écologique agricole sanitaire voire humaine dans quelques mois » a-t-il déclaré, sentencieux.

    « Catastrophe sanitaire ? »

    Entendre Olivier Véran parler de « catastrophe sanitaire » en cas de mise à l’arrêt du pays pourra faire sourire ceux qui se souviennent vaguement de son rôle durant les trois dernières années dans la mise en place des confinements . Nous nous contenterons ici de reconnaître que l’argument n’est pas dénué de fondement , mais que les syndicats ont de qui tenir.

    Cependant, l’essentiel du propos d’Olivier Véran est d’invoquer la « catastrophe écologique » pour condamner le mouvement social qui ose contester la réformette pilotée par le gouvernement Borne. Implicitement, en se mobilisant contre la marche inéluctable du progrès, les syndicats jouent le jeu du réchauffement climatique et de tout son bestiaire crépusculaire : les climatosceptiques, Big Business, les géants de l’énergie fossile, les pollueurs cyniques qui font leur vidange dans les parcs naturels. L’instrumentalisation de l’écologie, qui fait désormais partie du business politique ordinaire, agit comme une sorte de gourdin idéologique à droite, à gauche ou pour le centre autoritaire.

    En effet, l’écologie est devenue le nouveau langage d’autorité absolu , qui invalide par son existence même toute discussion, tout raisonnement et toute réserve qui ne confirmeraient pas ses prémisses morales. Qui veut que la planète soit polluée, qui souhaite la mort des ours polaires et des petits oiseaux ? Les méchants, assurément. Chantage permanent à la vertu morale climatique, l’écologie s’est transformée en un rappel à l’ordre permanent, celui d’une classe technocratique qui, parce qu’elle a renoncé à promettre le bonheur, gouverne par la peur en s’appuyant sur le catastrophisme climatique.

    Désormais, dans le débat public, il suffit de sortir la carte écologie de son poker menteur pour apparaître comme légitime, voire compétent.

    Une vacance de M. Hulot

    Le témoignage de Nicolas Hulot lors de son passage devant la commission d’enquête parlementaire sur l’indépendance énergétique en est une illustration ahurissante.

    Un rapport classé secret défense préconisait en 2018 de construire 6 EPR arrive au ministère.

    Il n’est jamais lu par l’ancien ministre de la Transition écologique du gouvernement Macron première mouture. Son ancienne directrice de cabinet, dont l’explication est aussi confuse que son ancien patron, semble sur le moment avoir réassigné au document une valeur moindre, celle d’un document RH technique, pour ne pas avoir à en tirer les conclusions qui s’imposaient.

    Écartons donc les faits pour imposer l’écologie, seule voie acceptable pour l’émancipation de l’humanité. L’idéologie écolo prime sur tout, et démonétise toutes les autres perspectives politiques.

    Résultat, la France aujourd’hui connaît sa pire crise énergétique de l’après-guerre. Bravo l’État stratège !

    La Macronie oppose aujourd’hui aux syndicats le joker écologie. Demain, on invoquera le bilan carbone pour interdire les manifs ou l’urgence climatique pour légitimer les interventions militaires futures. Vous n’y croyez pas ? On en parle déjà , malheureusement.

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      La chasse aux régimes spéciaux, le miroir aux alouettes

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 2 March, 2023 - 04:30 · 4 minutes

    En 2021, le président de la République envisageait de remettre en ordre les retraites en « s’attaquant » aux régimes spéciaux avant la fin de son premier mandat. En 2022, Élisabeth Borne annonce à son tour qu’elle va mettre fin aux régimes spéciaux de la Banque de France, de la RATP ou des industries électriques et gazières (IEG).

    Les régimes dits spéciaux ont été mis en place avant la création de la Sécurité sociale à la Libération au profit des fonctionnaires, des personnels d’entreprises publiques (RATP, SNCF…), de certaines professions (marins, cultes…). Ils ont été maintenus par le décret du 8 juin 1946 pour permettre à leurs bénéficiaires de ne pas rejoindre le régime général. Ils représentent le troisième bloc des régimes de la Sécurité sociale, aux côtés du régime général de la Sécurité sociale et de la Mutualité sociale agricole (MSA).

    La chasse aux régimes spéciaux est une fausse bonne idée

    La rationalisation de ces régimes est souvent présentée comme relevant de la justice et de la bonne gestion, la collectivité n’ayant pas à payer pour des particularismes s’assimilant à des avantages catégoriels. Mais la réalité est bien plus complexe.

    D’une part, le régime « général » de retraite, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) n’est pas un modèle de bonne gestion. Il fonctionne exclusivement en répartition, alors que la démographie n’est plus au rendez-vous . Pire, il n’a ni réserves, ni mécanisme de points permettant d’ajuster les retraites distribuées aux rentrées financières alors que tous les régimes par répartition responsables en sont dotés. Bilan : la CNAV est déficitaire les trois-quarts du temps. On ne retrouve pas cette contreperformance dans les régimes complémentaires bien gérés des salariés ( Agirc-Arrco ) ou des professions libérales (CAVP des pharmaciens…).

    D’autre part, le gouvernement s’attaque à des régimes « spéciaux » qui ne sont pas prioritaires voire qui sont parfaitement gérés, et ne fait rien pour celui dont il a la responsabilité, celui des fonctionnaires d’État. Dans la famille hétérogène des régimes spéciaux, la diversité règne. Les régimes mis en avant – SNCF, RATP, IEG… – sont l’arbre qui cache une forêt dans laquelle le pire côtoie le meilleur. Le plus gros régime – celui des fonctionnaires d’État – est profondément déséquilibré.

    Un très petit régime – celui de la Banque de France – est excédentaire et fait économiser de l’argent au contribuable. Pour des raisons historiques, la Banque de France fonctionne en capitalisation collective . Elle a placé 15 milliards d’euros pour honorer les promesses de retraites faites à ses personnels et retraités. Grâce à cela, elle autofinance les retraites avec les gains liés aux placements sans faire appel au contribuable. Ce régime ne constitue pas un risque pour les finances publiques. Bien au contraire, il était si excédentaire en 2021 qu’il a reversé 690 millions à l’État en 2021. Fermer ce régime est l’inverse de la bonne gestion : tuer la poule aux œufs d’or n’enrichit pas. Cette démarche de courte vue permettra à l’État de récupérer les capitaux accumulés, une opération qui procurera des ressources immédiates mais creusera les besoins futurs. Le meilleur service que l’on puisse rendre au contribuable serait au contraire de laisser ce régime autofinancé ouvert. Mais il faudrait que les parlementaires aient le courage de s’emparer du sujet et de faire pression sur le gouvernement.

    La vraie solution est la capitalisation

    De manière générale, le sujet des régimes spéciaux gagnerait à être traité de façon dépassionnée. La dizaine de régimes traditionnellement mis en avant – de la SNCF à la Comédie-Française – consomme 7 milliards de subventions et de taxes affectées par an. S’il convient de rationaliser ces régimes, démarche très avancée pour certains (mines, SNCF, IEG…), la priorité financière est ailleurs. Elle réside dans la remise en ordre du régime spécial des fonctionnaires d’État , qui consomme 60 milliards d’euros par an, dont 33 milliards d’euros s’apparentant à une subvention d’équilibre.

    L’État a promis 2770 milliards d’euros de pensions à ses personnels en activité et à la retraite. Contrairement aux institutions publiques responsables comme la Banque de France, il n’a rien mis de côté pour honorer ses engagements, les impôts étant censés permettre de financer les retraites des fonctionnaires. Déséquilibré par cette charge liée au poids du passé, l’État n’est plus capable d’équilibrer ses comptes depuis le contrechoc du baby-boom.

    Le bon sens serait de provisionner les retraites des fonctionnaires à l’image de ce qu’a fait la Banque de France ou de ce qu’ont fait d’autres pays. Si l’État était aussi responsable que la Banque de France, il économiserait 53 milliards d’euros par an. Il ne se retrouverait pas dans la situation actuelle où les pensions des anciens fonctionnaires représentent jusqu’à 28 % des dépenses de ministères comme l’Éducation nationale.

    La vraie réforme du principal régime spécial français, risque systémique pour les finances publiques, reste à penser et à faire. Elle ne pourra l’être que par un gouvernement qui refusera les expédients à court terme et les gages factices de bonne gestion.

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      Retraites : la France empêtrée dans ses statuts

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 1 March, 2023 - 03:40 · 4 minutes

    1978 : « Un futur sans avenir pour une France ridée ». Le premier texte sur le vieillissement de la société française , signé P. Chaunu et A. Parant, paraît dans la revue de prospective Futuribles – seule revue de prospective de langue française depuis 1965 ; traversez la Manche, vous en lirez une demi-douzaine de qualité identique, preuve que la discipline intéresse peu les décideurs français et que l’anticipation est absente des évolutions structurelles.

    2023 : des Françaises et des Français jouent un psychodrame dont le pays est souvent pourvoyeur, à propos de la « réforme » des systèmes de pension de retraite. Comme il s’agit essentiellement de réglages mécaniques basés sur des mathématiques simples, confier le sujet à des élèves de CM1-CM2 aurait été salutaire : ils auraient fourni les réponses idoines en une journée.

    Pourquoi un psychodrame ? Parce que la France est le pays des statuts – pratiques survivantes de l’Ancien Régime ? Rappelons qu’elle est le seul des pays industrialisés les plus riches (OCDE) à avoir une Convention collective des cadres (1947).

    1987 – Anecdote

    Je vis en Languedoc. Consultant indépendant auprès d’un cabinet, je suis approché par un groupe industriel belge (VDM) qui va construire une usine d’oléagineux sur le port de Sète. Les travaux devant débuter rapidement, les dirigeants souhaitent recruter cinq personnes du futur staff de commandement. Avec un collègue, je vais à Gand ; nous visitons une de leurs usines et le lendemain matin avec le directeur et deux adjoints, nous travaillons sur les définitions des fonctions des cinq personnes à recruter.

    Arrive le moment fatidique du classement : agent de maîtrise ou cadre ? Art. 4Bis ou Art.36… de la Convention citée supra ? Nos interlocuteurs qui s’exprimaient jusque-là en français se mettent à parler en flamand entre eux.

    Puis le directeur se tourne vers nous : « Nous ne comprenons pas votre question. » Nous expliquons. Il reprend la parole : « Ici, je suis employé, comme n’importe quel ouvrier ; seules des personnes exerçant une réelle fonction d’encadrement sont identifiées différemment… mais non classées. » Dont acte 1

    « De nos jours en France, plus de la moitié des quatre millions de personnes relevant de la CC n’exerce aucune fonction d’encadrement. Mais elles ont le statut… » 2

    Concernant les relations intergénérationnelles induites par les systèmes de pensions de retraite par répartition, le constat mettant en avant la situation favorable des retraités vis-à-vis des actifs est trop souvent simplifié. Tout d’abord, les écarts entre pensions sont élevés – de 1 à 7 en éliminant les extrêmes ; les retraités payent de leur poche leur complémentaire santé ; ensuite, le patrimoine des retraités constitué à 85 % de biens immobiliers s’est bâti en grande partie à leur insu et résulte essentiellement des choix urbanistiques imposées depuis plus de vingt ans (Loi SRU, Loi ALUR, injonctions écolos dogmatiques, restriction des zones constructibles…) : dans un pays où il y a un million d’habitants supplémentaires tous les trois ans, ne pas rénover et ne pas bâtir, surtout en faveur des ménages modestes (principalement jeunes) ne pouvait conduire qu’à une raréfaction de l’offre et à une augmentation des prix plus rapide que l’inflation générale. 3

    Enfin, le grand vieillissement annoncé dès 1978 et repris dans le livre éponyme 4 est bien à l’œuvre mais il comporte aussi des solidarités matérielles intergénérationnelles concrètes : garde et activités avec des petits-enfants, donations anticipées, prêts sans intérêt, dons manuels sans contrepartie, autant de mécanismes qui sont hors radar mais qui représentent a minima plusieurs dizaines de milliards d’euros chaque année.

    Le projet de retraite universelle par points

    Le projet de retraite universelle par points proposé en 2017 avait trois avantages indéniables qui compensaient largement les désagréments passagers du changement de régime.

    Primo, il introduisait une amélioration notable des trajectoires contributives et une harmonisation des pensions résultantes.

    Secundo, il prenait acte des évolutions structurelles du marché du travail constatées ces dernières décennies et donnait ainsi une visibilité accrue sur la carrière homogénéisée, offrant aussi une liberté de choix pour chaque individu voulant ou ne voulant pas compléter le montant d’une pension à venir : de plus en plus de personnes varient les modes d’activité (salarié, indépendant, contractuel, resalarié, re-indépendant, etc.). De nos jours, les polypensionnés sont les plus touchés par des abattements divers.

    Tertio, il mettait un terme aux situations abusives des régimes spéciaux qui ne sont que des niches fiscales subventionnées par les contribuables (à de rares exceptions près qui ne concerne que des effectifs très restreints).

    Quels que soient les ajustements des systèmes de pensions français qui découleront des discussions et manifestations en cours, deux choses sont sûres : ce ne seront que des replâtrages ne résolvant pas les questions de fond et leurs solutions pérennes. Et in fine la France des statuts aura gagné.

    Un signal faible venu d’ailleurs : et si on travaillait durant 60 ans ? La proposition peut apparaître incongrue et dans ses contenus publiés, elle semble surtout concerner les cols blancs avant les cols bleus. Néanmoins, les alternances envisagées – études, travail, arrêt, reprise en changeant de job et de durée annuelle de travail, arrêt pour formation, reprise d’activité, loisirs, reprise, etc. – nous apparaissent comme très sensées et en phase avec les évolutions structurelles du marché du travail décrite supra. 5

    1. Liam Fauchard, Périples d’un Consultant – 1987-2010 , D’Autres Univers 2013.
    2. Philippe d’Iribarne, La logique de l’honneur , Seuil 1989.
    3. Jean-Marc Offner, Anachronismes urbains – Science Po 2020
    4. Maxime Sbaihi, Le grand vieillissement , L’Observatoire 2022.
    5. The Wall Street Journal / L’Opinion , 20 février 2023.