• Co chevron_right

      Retraites : la vraie réforme, c’est la capitalisation pour tous

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 23 February, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    La réforme présentée aux Français vise à « sauver » le système de retraite par répartition en rétablissant l’équilibre financier à l’horizon 2030.

    Les chiffres de l’INSEE sont implacables … Le véritable problème de notre système de retraites n’est pas pour 2030 mais pour 2040. C’est à partir de 2040 que la population active française commencera à décroître régulièrement jusqu’à la fin du siècle… Maintenir le niveau actuel des pensions sera t’il possible à l’avenir dans ces conditions ?

    La retraite par répartition est conçue pour une population active en augmentation ou stable

    Quand la population active diminuera franchement, maintenir le niveau des pensions deviendra impossible sans une adaptation profonde de notre système car si les marges de manoeuvre pour une réforme paramétrique existent actuellement, elles ne seront en aucun cas suffisantes après 2040. Nos taux de cotisations pour la retraite sont déjà parmi les plus élevés d’Europe avec 28 % de prélèvements sur le salaire brut ; ils ne pourront pas être augmentés au-delà… Reste le paramètre de l’âge de départ , mais le modifier substantiellement a un effet dévastateur sur la cohésion sociale et la paix civile.

    Adapter notre système de retraite, ce n’est pas faire une réforme paramétrique dont tout le monde sait qu’elle ne suffira pas. C’est changer de logiciel !

    Changer de logiciel, c’est instaurer une petite dose de capitalisation pour tous comme l’ont fait la plupart de nos voisins européens.

    La capitalisation existe déjà en France depuis de nombreuses années. Les pharmaciens , les fonctionnaires et les employés de la banque de France se sont déjà dotés de leurs propres fonds de pensions.

    L’exemple de la caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens est particulièrement inspirant car le nombre de pharmaciens en activité à commencé à décroître à partir des années 2000. Avec 0,9 actif pour un pharmacien retraité, l’équilibre financier de la caisse de retraites des pharmaciens n’aurait pas pu être assuré sans les rendements de la capitalisation. Leur pilier de capitalisation leur a permis d’ économiser un milliard d’euros de cotisations sur les 4,7 milliards distribués au cours des 30 dernières années. Il leur a permis de maintenir le niveau des pensions tout en leur offrant une grande souplesse d’ajustement de l’âge de départ à la retraite.

    Actuellement, le Français retraité moyen gagne légèrement plus que ce que gagne le salarié moyen. Sans l’apport des rendements d’un pilier de capitalisation pour compenser la démographie négative des actifs, une baisse drastique du niveau de vie des retraités est probable après 2040.

    Les représentants politiques et syndicaux présentent souvent la capitalisation comme une menace qui ferait peser un risque sur l’avenir des retraites. Ce discours est paradoxal car refuser la capitalisation, c’est assumer une baisse certaine du futur niveau des pensions de peur de prendre un risque mesuré sur les marchés financiers pour une partie des sommes collectées. C’est finalement préférer la certitude d’une perte à la possibilité d’un gain !

    Au cours du siècle passé, les rendements des marchés financiers ont été de 6,7 % en termes réels (après inflation). Un pilier de capitalisation permet à chacun de profiter de ces rendements en limitant les risques car les fonds sont répartis sur de nombreux actifs diversifiés et sont gérés par des professionnels. L’effet collatéral bénéfique à l’économie nationale de la mise en place de la capitalisation réside dans le fait que ces fonds sont investis dans l’économie réelle et permettent de financer le développement de nos entreprises et donc de créer des emplois.

    Le système actuel repose sur un malentendu largement répandu dans l’imaginaire collectif

    La plupart des Français pensent qu’ils cotisent pour eux-mêmes, ce qui est totalement faux. Avec un taux de prélèvement sur le salaire brut de 28 % pour les cotisations retraites, la plupart des Français n’ont évidemment pas les revenus nécessaires pour épargner en prévision de leur retraite car les ressources qui auraient permis cette épargne sont utilisées pour financer la retraite des autres. Seuls les hauts revenus ont les moyens de constituer une épargne en actions afin de profiter des dividendes boursiers. C’est une véritable inégalité.

    En introduisant un pilier de capitalisation correspondant à un tiers des cotisations retraites, ce qui permet de profiter des rendements de la capitalisation sans prendre de risques excessifs, une partie des cotisations retraites d’un salarié ira sur son compte personnel de capitalisation, ce qui lui permettra de toucher des dividendes. La généralisation de la capitalisation permet une véritable redistribution sociale d’un avantage qui est aujourd’hui réservé aux hauts revenus.

    Il est assez incompréhensible qu’une partie de notre personnel politique fustige les superprofits des actionnaires arguant qu’il s’agit là d’une injustice vis-à-vis des travailleurs modestes tout en refusant absolument la capitalisation pour tous, qui permettrait justement à chacun de profiter de ces dividendes. La cohérence voudrait qu’ils imitent les prises de positions de Jean Jaurès, dont ils revendiquent généralement l’héritage. En 1909, en première page de L’Humanité , Jean Jaurès prenait position pour la retraite par capitalisation afin que les ouvriers puissent bénéficier des avantages des rendement financiers procurés par les actions.

    La décrue du nombre de pharmaciens en activité par rapport aux retraités à partir des années 2000 préfigure ce qui arrivera au niveau du pays tout entier à partir de 2040. En mettant en place tout de suite un pilier de capitalisation pour tous les Français, il sera possible de maintenir le niveau actuel des pensions.

    Cela demande de l’audace et le courage de faire une véritable réforme au lieu de se contenter d’ajustements paramétriques.

    • Co chevron_right

      L’actionnariat salarié chez TotalEnergies

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 21 February, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    Divine surprise que tous ces articles relatant les 100 000 euros perçus en moyenne par les salariés de La Redoute , une magnifique démonstration de la puissance de l’actionnariat salarié. La somme passe très bien dans l’opinion : il y a bien sûr dans ce cas une dimension chance, la mise était faible, c’est arrivé vite mais ça a été aussi un énorme travail et le fruit d’une cohésion exceptionnelle de toutes les équipes. Voilà une juste récompense  !

    Par contre, on a peu parlé de l’ actionnariat salarié chez TotalEnergies sur lequel la foudre médiatique s’est acharnée. Même s’il est très élevé, le profit n’a rien d’exceptionnel si on le ramène au chiffre d’affaires (7 %) et aux capitaux propres (16 %).

    Les Français n’ont tout simplement pas réalisé la taille considérable atteinte par leurs champions dont ils devraient avant tout être fiers. Curieusement, personne n’a expliqué que TotalEnergies est une société qui accorde une grosse part à l’actionnariat salarié (7,2 %) et que cela représente 100 000 euros de capital par employé et un dividende de 7000 euros en 2022 ; ce qui rend encore moins acceptable le blocage des raffineries .

    Voilà deux bonnes raisons pour évoquer ce dispositif qui pourrait, si chacun en connaissait toutes les facettes, changer les conditions du dialogue social et le rapport de nos compatriotes avec l’entreprise.

    La valeur créée par l’entreprise

    Il faut d’abord revenir sur le concept de valeur créée par l’entreprise : d’une part la valeur annuelle et d’autre part l’augmentation de la capitalisation de l’entreprise sur la longue durée.

    La valeur annuelle créée, soit la différence entre ventes et achats de matières premières, était partagée entre salaires, investissement, impôts et dividendes 1 . Les ordonnances de 1964 inspirées par le général de Gaulle ont permis à travers l’intéressement et la participation d’associer les salariés à la création annuelle de valeur.

    Avec l’actionnariat salarié on est sur une autre dimension. Il s’agit de la participation à la création capitalistique de valeur sur le très long terme grâce aux actions acquises par le personnel.

    L’intéressement et la participation sont largement développés : en 2022, 11 millions de personnes ont perçu en moyenne 1700 euros. C’est moins le cas pour l’actionnariat salarié qui n’a percé que dans les très grandes entreprises cotées comme TotalEnergies. L’investissement des salariés dans les affaires cotées est de l’ordre de 50 milliards, soit 3,3 % de la capitalisation, alors qu’il n’est que de 1,5 milliard  pour les PME et ETI. Au global on ne parle donc pas de chiffres considérables.

    Il y a plusieurs raisons à cela.

    D’abord beaucoup de réticences du côté des syndicats qui sont très prudents en la matière et qui considèrent que « le risque c’est pour le patron ! ».

    Ensuite, jusqu’à un passé récent le marché financier ne lui était pas non plus favorable craignant que la présence d’administrateur salarié ne freine les restructurations même dans le cas où celles-ci étaient nécessaires.

    Enfin du côté des entreprises familiales les arguments sont d’un autre ordre et d’ailleurs tout à fait respectables : les familles considèrent que ce sont elles qui doivent porter l’ensemble des risques, craignant que les employés soient perturbés s’ils savent qu’ils le portent eux aussi.

    Ce qui a changé depuis quelque temps c’est que grâce au marché boursier, il est avéré que les entreprises à fort actionnariat salarié ont des performances meilleures que la moyenne. Le private equity ne s’y est d’ailleurs pas trompé et c’est lui qui en est aujourd’hui le premier pourvoyeur.

    Si on veut le développer dans les PME/ETI il y aurait intérêt à s’intéresser à ce qui se passe aux États-Unis et leur plan 4O1(k) . Il s’agit d’un fonds diversifié dans lequel les salariés investissent en respectant une condition : les actions de leur entreprise ne peuvent pas dépasser 50 %. Cette formule est confortable pour les familles qui restent maîtres du temps, elle atténue le problème du risque et permet au personnel disposant de la liquidité disponible dans le fonds soit de racheter les actions des familles quand celles-ci décident de vendre, soit de participer aux augmentations de capital si l’entreprise vient à en lever.

    L’actionnariat salarié, réponse au problème de la retraite et changement de la relation au travail

    L’actionnariat salarié est de toute évidence ce qu’il faut pousser aujourd’hui. Il est la prolongation naturelle de l’intéressement et de la participation ; à la différence qu’il est un investissement risqué, il ne faut pas le cacher. Y adhérer doit donc être une décision personnelle qui ne peut en aucun cas être forcée par la loi.

    On peut réduire le risque en organisant un système de décote et d’abonnement mais on ne l’annulera jamais totalement. La façon la plus efficace de le développer c’est de baisser la fiscalité de la vente des actions détenues plus de 25 ans, l’expérience montrant que les salariés gardent longtemps leurs actions. C’est une façon élégante d’encourager le capitalisme patient nécessaire à l’élaboration de stratégies puissantes et qui redorera l’image fiscale de notre pays.

    L’actionnariat est une aide sans pareille à la résolution du problème de la retraite.

    Faites vous-même le calcul !

    Un collaborateur investit régulièrement 5 % de son salaire. Si ce salaire est abondé de 50 % et si la rentabilité sur longue durée se situe à 4 % (la bourse c’est 6 %) après 45 ans de travail le collaborateur aura constitué un capital qui augmentera sa retraite d’au moins 50 %.

    On parle alors d’un changement de société ! Quand les salariés actionnaires deviennent… actionnaires salariés c’est-à-dire quand leur investissement dans l’entreprise représente une part importante de ce qu’ils possèdent, ils appréhendent toutes les dimensions de l’entreprise, non seulement l’aspect opérationnel par l’intéressement mais aussi sa dimension stratégique par la montée de la valeur de leur investissement. Et ce d’autant plus qu’en mettant ensemble leurs actions ils peuvent prétendre à des postes au conseil d’administration et participer de plain-pied aux décisions et à la gouvernance. On peut alors s’attendre à un changement fondamental de la relation au travail.

    C’est pour cela qu’en mettant en lumière toutes les vertus d’une formule que notre pays ferait bien de développer, cette affaire de La Redoute est à classer comme une excellente nouvelle à partager sans modération !

    1. En 2021 de la façon suivante : 61 % allaient aux salariés, 17 % à l’investissement, 16 % à l’État sous forme d’impôts et 6 % aux actionnaires.
    • Co chevron_right

      Retraites : et si on quittait la tutelle étouffante de l’État ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 16 February, 2023 - 12:00 · 9 minutes

    Candidat déclaré depuis peu, Emmanuel Macron a commencé à divulguer son programme en vue d’un second mandat présidentiel. Au menu, une réforme des retraites qui passerait par le recul de l’âge légal de 62 à 65 ans. Interrogé à ce sujet dans Marianne , l’économiste atterré Henri Sterdyniak a expliqué que ce projet revenait ni plus ni moins à « faire payer le quoi qu’il en coûte aux travailleurs ».

    Disons qu’il n’a pas complètement tort.

    Oh, bien sûr, la formulation « faire payer aux travailleurs » , lourde d’indignation, renvoie immanquablement aux bons vieux réflexes de la lutte des classes. Dans les cercles très atterrés de gauche et d’extrême gauche , chez Jean-Luc Mélenchon par exemple, on préfère de beaucoup faire payer les riches. Plutôt ramener l’âge de la retraite à 60 ans, augmenter la pension minimum à 1400 euros par mois et financer le tout par un ISF de compétition, une taxation inflexible des revenus et des héritages, sans oublier une chasse aux évadés fiscaux « jusqu’en enfer . »

    Mais la remarque de M. Sterdyniak, pour datée et inopérante qu’elle soit par les solutions qu’elle suggère, nous rappelle néanmoins qu’en matière de retraite, notre système très collectivisé, très réparti et très étatisé – très solidaire, disent certains… – nous rend entièrement dépendants des décisions du gouvernement.

    En effet, les cotisations de retraite sont des prélèvements obligatoires qui entrent directement dans les recettes de nos comptes publics tandis que les prestations de retraites font partie intégrante des dépenses publiques. Parmi ces dernières, elles représentent 268 euros sur 1000 selon le document diffusé en 2019 par le gouvernement pour orienter le Grand débat national, soit environ 14 % du PIB de la France (graphe ci-dessous). Ce n’est pas peu dire, c’est même l’un des niveaux les plus élevés au monde :

    retraites

    Or qui dit recettes et dépenses dit évidemment solde – et s’agissant de la France, cela fait des années que ce solde est négatif. Bref, un déficit chronique.

    La bonne orthodoxie budgétaire de l’Union européenne voudrait que ledit déficit n’excédât pas 3 % du PIB. Mais avec le covid puis maintenant la guerre en Ukraine, on ne sait plus très bien. Mais quoi qu’il en soit, la France a toujours eu les plus grandes difficultés à se conformer à cette règle quand d’autres pays, l’Allemagne ou les Pays-Bas par exemple, semblent n’avoir eu aucun mal à accumuler les excédents jusqu’en 2019 – sans être moins prospères pour autant, bien au contraire.

    Mais il y a pire. On pourrait facilement s’imaginer que notre déficit public est purement conjoncturel, qu’il résulte d’événements extérieurs tels que la pandémie de covid et qu’il se résorbera avec la fin de l’événement en question. Or il n’en est rien. La part structurelle du déficit reste élevée et tend même à s’alourdir du fait de dépenses conjoncturelles qui perdurent et du fait de notre structuration idéologico-rigide en État providence. Dans le Projet de loi de finances pour 2022 , le gouvernement table sur un déficit public de 5 % dont 4 % en structurel.

    Et c’est là qu’on en revient au système de retraite.

    Toute variation sur l’âge légal de départ, sur le nombre de trimestres cotisés, sur le montant des pensions versées aux retraités et sur le montant des cotisations payées par les entreprises entraîne structurellement une variation des recettes et des dépenses publiques.

    Toutes choses égales par ailleurs, les autorités compétentes ont calculé que passer l’âge légal de retraite de 62 à 64 ans pourrait rapporter plus de dix milliards d’euros par an dans les caisses de l’État, c’est-à-dire environ 14 milliards du côté des prestations en moins, minorés par 4 milliards d’euros du côté des indemnités chômage, invalidité et maladie à payer en plus. À 65 ans, estime le gouvernement, on commencerait à se sentir à l’aise. Surtout quand on sait que le déficit du système actuel inchangé serait de 10 milliards d’euros par an jusqu’en 2030.

    Non pas que je prenne l’âge légal de départ en retraite pour quantité négligeable. Il est incontestablement plus bas en France que chez nos grands voisins européens et il constitue évidemment un élément à prendre en compte dans le contexte de l’allongement de l’espérance de vie que nous connaissons :

    Mais force est de constater parallèlement que le simple fait de rester intégralement et obligatoirement dans le système par répartition que nous connaissons depuis la Deuxième Guerre mondiale met les retraités à la merci totale de décisions purement politiques, qu’il s’agisse de pallier une mauvaise gestion chronique ou de financer le modèle social ultra-coûteux dont la France, pays pas comme les autres , a le secret.

    Emmanuel Macron nous en a donné un fameux exemple dans le Projet de loi de finances pour 2019. Alors qu’il s’était engagé à ne pas toucher aux pensions et notamment à ne pas les transformer en variable d’ajustement pour arranger les comptes ultra-tendus de la nation, il n’a pas hésité à les revaloriser de 0,3 % seulement en 2019 et 2020, soit bien moins que l’inflation prévue à l’époque.

    On pourrait se dire que les contraintes budgétaires imposées par l’Union européenne jouent directement contre les citoyens retraités et qu’il est temps de s’affranchir de cette tutelle infernale. Mais ce serait s’aveugler sur les raisons véritablement constitutives de cette situation toxique. D’une part parce que d’autres pays européens ne souffrent nullement de ce problème et d’autre part et surtout parce que la faute en incombe directement à cette idée fort totalitaire et fort en cours en France que c’est à l’État d’organiser nos vies dans les moindres détails – passion égalitariste oblige.

    Pourtant, la retraite, c’est très simple. Celui qui travaille a la « prévoyance » de mettre de côté un peu de son salaire chaque mois pour assurer sa subsistance durant ses vieux jours. S’il place les sommes ainsi mises de côté – et personne ne dit qu’il doive les placer en junk bonds ou en actions à très haut risque – il se retrouvera le moment voulu (choisi) avec un capital qu’il aura lui-même constitué.

    Dans le système par répartition, les sommes versées en cotisations retraite par les actifs ne sont pas vraiment mises de côté ; elles sont payées immédiatement aux retraités. L’actif qui cotise n’a encore rien assuré pour sa retraite. Les sommes qui lui reviendront n’existent pas encore et il n’a d’autre choix que de faire confiance à l’administration pour qu’elle maintienne le système en état de marche jusqu’à sa mort.

    Or ce qui fonctionnait quand l’âge de départ en retraite était de 65 ans et l’espérance de vie de 70 ans, ne fonctionne plus aujourd’hui. Entre déficits chroniques qui obligent à remettre une réforme sur la table à chaque quinquennat et décisions arbitraires des pouvoirs publics pour favoriser telle catégorie de citoyens aux dépens des autres (cas des régimes spéciaux de la SNCF ou la RATP) dans le contexte de comptes publics régis par le principe du « quoi qu’il en coûte », une telle confiance n’est pas raisonnable.

    Aussi, lorsque je parle de baisser les dépenses publiques, ce qui m’arrive assez souvent, je ne signifie nullement qu’il faudrait réduire arbitrairement les pensions – ce qu’a fait Macron. Je veux dire qu’il est temps de sortir ce domaine de la mainmise étatique et de rendre aux Français la maîtrise et la responsabilité de leur retraite en cassant le monopole de l’État providence et en permettant à chacun d’ inclure de la retraite par capitalisation dans son plan de retraite.

    On devient certes dépendant de l’activité économique et des marchés financiers, mais on a la possibilité de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et il est possible de lisser le risque à long terme. Du reste, il serait tout à fait erroné de s’imaginer que la répartition nous met à l’abri des vicissitudes économiques. Chaque ralentissement de l’activité entraînant hausse du chômage et baisse des rentrées de cotisations, l’ajustement se fait alors inéluctablement via les impôts, la dette, la baisse des prestations ou la hausse des taux de cotisations.

    Il faut croire d’ailleurs que la capitalisation n’est pas l’horreur si souvent décrite. Lors des négociations (avortées) autour de la retraite universelle à points voulue sans succès par Emmanuel Macron avant l’arrivée du covid, on a pu se rendre compte que les rares professions disposant d’un régime autonome de retraite par capitalisation ne voulaient pour rien au monde s’en passer par crainte de voir le niveau de leurs pensions s’affaisser. Les pharmaciens par exemple.

    Leur cas particulier nous donne justement une bonne idée de ce que pourrait être un système de retraite moderne et performant : au-delà d’un système de base géré par l’État, la possibilité pour tous d’accéder soit individuellement, soit par profession, soit par entreprise à des régimes complémentaires par capitalisation gérés de façon indépendante au plus près des intérêts et des choix des cotisants.

    Cette structure en plusieurs piliers combinant répartition et capitalisation est précisément celle qui prévaut dans les pays les mieux classés dans l’Index Mercer des systèmes de retraite. En 2021, le trio de tête était formé de l’Islande, des Pays-Bas et du Danemark . La France figurait au 21 ème rang sur 43 pays étudiés avec une note de 60,5/100, soit un peu moins que la moyenne. Sur les trois grands axes analysés (niveau des pensions, équilibre financier à long terme, transparence du système), ses résultats étaient corrects pour le premier et particulièrement faibles pour les deux autres :

    Autrement dit, l’existence d’un monopole public dispendieux ne garantit nullement la qualité du système. Après l’éducation et la santé, la France en apporte une nouvelle preuve dans le domaine des retraites.

    Pour finir, je vous suggère un test tout simple pour savoir si votre candidat préféré possède ou non un petit quelque chose de libéral : regardez ses propositions pour la retraite. S’il ne s’agit que de faire bouger l’âge légal et d’instaurer une pension minimum plus ou moins mirobolante, vous pouvez être certain que votre candidat ne compte nullement renoncer au pouvoir de diriger votre vie du berceau au tombeau.

    Sur le web

    Un article publié initialement le 15 mars 2022.

    • Co chevron_right

      La fable du roi et des retraites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 February, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    Plutôt qu’un texte technique de plus, voici une petite fable. Car socialement et financièrement, tout a été dit, notamment sur le ratio cotisants-retraités, ce qui est un grand progrès par rapport aux considérations idéologiques qui subsistent encore. L’iFRAP a réalisé d’excellentes études. Mais le fond du problème n’est pas l’argent. Lisez !

    Il était une fois une petite île, où vivaient cent adultes qui mettaient facilement de l’argent de côté car ils n’avaient pas d’enfants. Quand leurs vieux jours arrivèrent, leur compte en banque était bien gras, mais il n’y avait plus rien au marché car plus personne ne labourait les champs. Ils moururent tous de faim sur leur tas d’écus.

    Mais, me direz-vous, chez nous, c’est différent : les gens ont des enfants !

    Dans l’île voisine vivaient aussi cent adultes dont 50 travaillaient. Leur roi leur conseilla d’avoir des enfants. Ces cent adultes, soit cinquante couples, firent donc un enfant. Quand la retraite vint, il y avait donc cent vieux, cinquante jeunes en âge de travailler et leurs enfants. Donc, mettons deux cents personnes à nourrir au lieu de cent pour le même nombre d’actifs. Famine, faute de gens dans les champs. Mais les fonctionnaires exigèrent de rester nombreux et de conserver leur part de nourriture. Et les vieux moururent de faim sur leurs tas d’écus.

    Dans l’île voisine, le roi conseilla d’avoir plusieurs enfants. La moitié en eut quatre, l’autre moitié aucun, préférant mener la belle vie et entasser les écus. À la retraite, il y eut donc cent vieux et cent jeunes. Il y avait assez de nourriture pour tout le monde, mais tout juste. Les vieux riches qui n’avaient pas eu d’enfants pensèrent bien manger. Mais les jeunes et leurs parents se servirent en premier et n’apportèrent que peu au marché. Les riches dépérirent sur leurs tas d’écus. Puis la médecine progressa et il y eut bientôt cent cinquante vieux. Ou plutôt il y en aurait eu cent cinquante si les plus fragiles n’étaient pas morts de faim.

    Mais, me direz-vous, chez nous, c’est différent, les systèmes de retraite nous donnent « des droits » !

    Sur une île voisine, on portait ses écus à une organisation qui vous donnait en échange un papier où étaient inscrits vos « droits ». Les écus allaient aux retraites des vieux de la génération précédente. Le jour de leur retraite, ceux qui avaient beaucoup de « droits », car ils avaient beaucoup cotisé n’ayant pas d’enfants, se présentèrent pour toucher leur grosse retraite. Mais les caisses étaient vides car leurs cotisations avaient été versées à la génération précédente ou à des entreprises qui n’avaient plus assez d’employés et de clients. Les vieux manifestèrent pour réclamer « leurs droits ». Pour respecter les engagements de l’État, le roi taxa donc les jeunes. Ce fut une révolte générale. Les vieux ne touchaient que la moitié du revenu des jeunes et les jeunes étaient furieux de se voir retirer cette moitié. Ils finirent par émigrer, laissant les vieux sans enfants mourir de faim avec leurs mirifiques contrats.

    Les vieux qui étaient encore valides travaillèrent. Dans l’île où il n’y avait pas d’enfants, cela ne fit que retarder l’échéance et ils moururent tous de faim. Dans les autres îles, on prit l’habitude de travailler après 60 ans, et avec ce renfort du troisième âge, les jeunes purent nourrir le quatrième âge.

    Dans une autre île, le roi envisagea d’attirer des jeunes. Mais nous avons vu que les îles voisines, de même race et de même religion, manquaient également d’enfants. Arriva alors un bateau de réfugiés à la peau sombre fuyant un mauvais gouvernement. « Voici des jeunes », dit le roi. « Quoi !? rétorquèrent les habitants. Ils n’ont pas nos habitudes ni notre religion. Et peut-être, quand nous serons âgés et faibles, nous jetteront-ils à la mer ! » ; « C’est bien possible, dit le roi, mais c’est cela ou travailler jusqu’à 80 ans car nos propres jeunes vont partir si tout doit reposer sur eux ! »
    Je passe sur les problèmes qui suivirent.

    Cette petite fable montre à quel point sont liées les retraites, la natalité et l’immigration. Le lien, c’est la production. Celle des biens et services à produire de manière suffisante pour tous. Et qui dit production dit travail. Et qui dit travail ne dit pas retraite.

    On meurt de faim même avec de l’argent si la production ne suit pas parce que trop d’actifs prennent leur retraite. Les économies, les retraites, les promesses des politiques, les pensions du gouvernement, les assurances privées ou publiques, les retraites versées par les organisations de gauche ou les fonds de pension de droite ne servent à rien, comme les tas d’écus de notre fable.

    Car il n’y aura rien à acheter. Il n’y aura pas de pain dans les boulangeries, pas d’infirmières pour vous soigner. Et ne me dites pas : « il faut prendre l’argent là où il est », en pensant aux multinationales ou aux riches héritiers. Même si vous leur arrachez leur argent par l’impôt ou par la force, il n’y aura toujours pas de pain à acheter. Ou assez d’infirmières pour vous soigner.

    Mais, allez-vous dire, moi Européen, j’ai sur mon compte les euros de ma retraite… Je vais acheter de la nourriture aux Chinois !

    La réponse est simple : pourquoi les Chinois voudraient-ils de vos euros ? Ils ne valent plus rien, puisqu’il n’y a rien à acheter en Europe… depuis qu’elle croule sous les retraités. Et d’ailleurs, les Chinois n’ont pas plus d’enfants que les Européens et mourront de faim avec eux.

    Quelques remarques :

    Ce texte est valable en capitalisation comme en répartition.

    En France, nous serions à l’abri grâce à nos deux enfants par femme. D’abord, ce n’est vrai que depuis l’an 2000, donc ce sont pour l’instant des bouches à nourrir. Il faudrait aussi que nos jeunes n’émigrent pas et que ceux qui restent, « de souche » ou pas, soit bien formés.

    L’Allemagne a peu d’enfants mais attire les jeunes Européens (Italiens, Espagnols, etc.), la catastrophe y sera donc peut-être moins forte que prévu. Par contre, elle sera pire dans les pays ainsi déshabillés.

    Belles discussions en perspective sur « la solidarité européenne »…

    Article publié dans Le Cercle Les Échos, le 21 août 2013

    Sur le web

    • Co chevron_right

      Réforme des retraites : comment les parlementaires tentent de rassembler leurs troupes

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 8 February, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    Par Julien Robin .

    La réforme des retraites engagée par le gouvernement Borne met en lumière les diverses dynamiques internes à l’Assemblée nationale.

    À gauche, la stratégie de mobilisation de l’opinion complète celle de l’obstruction avec le dépôt massif d’amendements – près de 6000 amendements en commission des Affaires sociales et près de 18 000 amendements en séance publique.

    À droite, Les Républicains sont en position de faiseurs de roi en votant avec la majorité en échange de concessions sur l’âge de départ des carrières longues. Au Rassemblement national, discret sur le sujet, on se targue d’avoir obtenu (par tirage au sort) l’examen de sa motion référendaire sur le projet de réforme.

    Enfin, au sein de la majorité présidentielle, le défi est de mobiliser les troupes et d’assurer une cohésion de vote. Il y a alors lieu de comprendre le rôle clef des groupes politiques à l’Assemblée, tant pour assurer une cohésion idéologique que de bénéficier des avantages stratégiques liés à la création d’un groupe.

    Les groupes politiques et leur cohésion

    Comme dans tout Parlement, l’Assemblée nationale se compose de « groupes politiques », où les députés se regroupent généralement par affinité (souvent issus du même parti politique), animés par la défense d’un intérêt commun (le « Groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires » défend les territoires et leurs identités) ou encore pour des raisons techniques, c’est-à-dire constituer un groupe sans attache partisane, dans le but de bénéficier des avantages d’un groupe politique. Ce dernier cas est apparu à plusieurs reprises, en 1959 avec la « Formation administrative des élus d’Algérie et du Sahara », en 1993 avec le groupe « Liberté et République » ou encore en 2018 avec le groupe « Liberté et Territoires », l’ancêtre de l’actuel groupe LIOT.

    Pour les groupes de la majorité et de l’opposition, il est important de montrer cohérence et unité. Pourtant, le système électoral français devrait inciter à cultiver un vote personnel des députés (étant donné qu’il n’y a qu’un seul siège par circonscription). Ce ne serait sans compter sur l’augmentation de la cohésion et de la discipline de parti sous la V e République comme le rappelait le professeur de science politique Nicolas Sauger . Cette discipline de vote est possible puisque plusieurs prérogatives relèvent des groupes (c’est-à-dire sa présidence) et non du bon vouloir des députés, comme la répartition dans les commissions, du temps de parole… et même la place dans l’Hémicycle (être dans l’axe des caméras de l’Hémicycle peut être un atout pour sa visibilité).

    Le meilleur et le pire de l’Hémicycle, Huffington Post, 2022.

    Le manque de solidarité envers le groupe peut se solder par une exclusion du député. Il est également possible pour le président de la République de discipliner indirectement les plus réfractaires de sa majorité avec l’arme de la dissolution de l’Assemblée . C’est ce que le général de Gaulle avait répliqué à la censure du gouvernement Pompidou en 1962 . Une telle option serait alors possible en cas d’indiscipline des députés de la majorité sur le sujet des retraites puisqu’ il se murmure qu’Emmanuel Macron envisagerait de dissoudre à son tour l’Assemblée .

    De l’intérêt d’avoir son groupe parlementaire

    Disposer d’un groupe politique octroie des avantages non négligeables en raison du Règlement de l’Assemblée nationale (RAN) qui oblige les organes à reproduire la configuration politique de l’Assemblée. Cela concerne entre autres la répartition du temps de parole, du nombre de sièges dans les commissions, des responsabilités du bureau de l’Assemblée (vice-président, secrétaire, questeur) ou des rapporteurs. De plus, chaque président de groupe politique participe à la Conférence des présidents , l’organe chargé de déterminer l’agenda de l’Assemblée, dont le nombre de voix est égal au nombre de membres de son groupe.

    Dans un contexte où le parti présidentiel ne dispose pas de la majorité absolue des sièges à l’Assemblée, y former son propre groupe d’au moins 15 députés est d’autant plus intéressant pour le MoDem et Horizons afin de peser auprès de l’exécutif pour les raisons développées ci-haut.

    L’introduction du statut de « minoritaire » en 2008 permet par ailleurs à des groupes politiques comme le MoDem et Horizons de se positionner en appui au parti présidentiel Renaissance tout en reflétant un pluralisme de la majorité et en conservant une certaine liberté de vote. À ce sujet, en matière de cohésion de vote, les politologues Jean-François Godbout et Martial Foucault constatent qu’en cas de coalition gouvernementale, les membres du plus petit groupe de l’alliance sont plus susceptibles de s’opposer au gouvernement (en raison d’incitations électorales ou idéologiques).

    S’appuyer sur sa majorité… et sa droite

    Plusieurs députés de la majorité ont exprimé leur hésitation à soutenir le projet de réforme des retraites. On y retrouve aussi bien des députés de Renaissance, du MoDem et d’Horizons. Le défi de la cohésion de vote pour la majorité se heurte aussi bien à une pluralité idéologique qu’à la capacité de faire pression sur le gouvernement.

    Cette incertitude de la majorité renforce la position du groupe Les Républicains qui, avec ses 61 députés (dont deux apparentés, après l’annulation de l’élection de Meyer Habib ), a un rôle pivot pour l’adoption de la réforme. En situation de gouvernement minoritaire, ce type de groupe pivot détient une influence disproportionnée par rapport à sa force absolue comme le démontre le politologue Olivier Rozenberg sur la période 1988-1993 . Effectivement, le groupe de droite ne représente que 10 % de l’Hémicycle en étant le quatrième groupe politique en effectifs, mais il faudrait la défection d’une vingtaine de députés LR pour qu’il n’y ait pas de majorité sur ce texte. Or, le groupe LR est celui avec le moins de cohésion de l’Assemblée (0,82) .

    Reste à voir comment Les Républicains voteront lorsque le projet de réforme passera au Sénat, où la droite y est majoritaire .

    L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Jean-François Godbout. The Conversation

    Julien Robin , Doctorant en science politique, Université de Montréal

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

    • Co chevron_right

      Senior mode d’emploi

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 4 February, 2023 - 03:50 · 3 minutes

    Le senior n’a pas d’âge, comme le diable. Il ère en zone grise, plus tout jeune pour travailler, mais pas assez vieux pour « retraiter ». Le senior est devenu un être ambigu, invisible mais encombrant. Que faire du senior ?

    Il y a deux âges que l’on redoute. Celui qui peut nous rendre impotent physiquement et celui qui peut nous rendre impotent financièrement. Le premier est le dernier âge, celui qui tire la révérence. Le second est l’âge du senior, le gars qui peut encore servir mais dont on ne sait plus que faire. De l’angoisse de la mort à l’angoisse du senior, joli programme pour l’Homme contemporain.

    Cela dit, les deux angoisses sont-elles comparables ? A priori, non. Autant lutter contre l’angoisse de la mort semble perdu d’avance. Autant lutter contre l’angoisse du senior semble un objectif à notre portée. Mais quelle est cette angoisse du senior précisément ?

    Il s’agit de la peur de se retrouver au milieu du long fleuve tranquille de la vie mais sans rames. Confisquées. Impossible alors de joindre le port de pêche du retraité. Et impossible de revenir au port de marchandise de l’actif, où plus personne ne l’attend de toute façon.

    • Vous auriez une bouée ? Un tuba ? Quelque chose pour m’aider ?
    • Désolé ( le majeur , en langage des signes)

    Que faire du senior ?

    Le vivant ça use. Et à la fin, ca meurt. Pas de problème. Nous connaissons les règles du jeu. Mais le vivant de type senior economicus est un truc bancal, à cheval entre avant et après, un zombie qui a devancé l’appel. Plus très jeune, pas assez vieux mais mûr pour la benne économique, le senior est déclaré inapte à la vie d’actif mais pas encore apte à la vie pépère. Il erre alors, serre le mors.

    « Savoir qu’on a plus rien à espérer n’empêche pas de continuer à attendre » – Proust

    C’est ballot pour lui mais c’est aussi ballot pour nous. En effet, aussi curieux que cela puisse paraître, ce n’est pas l’âge de départ à la retraite qui pose problème mais l’âge où l’on s’arrête de travailler. Pas pareil. Imaginons que les seniors puissent tous travailler jusqu’au terme prévu, alors les cotisations seraient largement suffisantes pour financer toutes les retraites, parait-il . De l’usage du senior dépend donc l’avenir de nos retraites.

    Ok. Mais en attendant que les conditions d’un miracle économique voient le jour, soyons pragmatiques. Que faire du senior ? À quoi peut-il encore servir ? À qui ? Et puis après tout, le jeu en vaut-il encore la chandelle ? Pourquoi se décarcasser pour un objet bientôt périmé, difficilement recyclable, encombrant et qui écoute de la musique des années 1970-1980 ? Autant le mettre sur l’étagère, comme nid à poussière ou carrément rangé dans le tiroir à l’abri des regards.

    « Ce dont on ne peut rien faire, il faut le taire », pour paraphraser le penseur d’aphorismes Wittgenstein.

    Le senior n’est plus ce qu’il était. Il a vu sa cote s’effondrer au cours des dernières années. Aujourd’hui, il retrouve dans la peau d’un Kodak des années 1980. Autant dire qu’il suscite essentiellement de l’intérêt pour les collectionneurs, voire les fétichistes.

    Le senior en proie au syndrome du Minotaure

    Et déjà, le senior finit par se faire une raison. Il accepte sa vulnérabilité, son infériorité. Il est sommé de « trouver sa place ». Il fait avec et ca lui suffit. Il est bien dans sa ladrerie virtuelle. Au moins on le laisse tranquille. Il finit par se convaincre qu’il ne peut espérer davantage. « Être à sa place » est une forme de réflexe de survie, de capitulation, de fatigue, que la philosophe Claire Marin déploie dans de nombreuses variantes : genre, handicap, origine sociale ethnique et bien sûr l’âge.

    Mais le repos est de courte durée. Chaque vague de licenciement, plan de départ, voire banal entretien de fin d’année, est une épreuve dont il faut sortir vivant (rester en poste). Une expiation inévitable afin d’apaiser la colère économique. Et chaque fois, les « survivants » éprouvent une sorte de soulagement comme si le « monstre allait s’apaiser après avoir eu sa ration de chair ». C’est cela le syndrome du Minotaure.

    • Co chevron_right

      Réforme des retraites : la France doit s’inspirer de ses voisins

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 2 February, 2023 - 04:30 · 2 minutes

    La réforme des retraites soulève les passions et plus généralement, la situation actuelle amène des débats sur la meilleure façon de relever les défis d’aujourd’hui et de demain.

    Toutefois, plutôt que de rester dans la théorie, il est possible de s’intéresser à ce qui se pratique ailleurs et plus précisément chez nos voisins. La nouvelle étude de Contribuables Associés donne des pistes à travers quatre exemple étrangers.

    Réformes des dépenses publiques en Allemagne, Pays-Bas et Suède

    L’étude se concentre sur les dépenses publiques qui sont en France les plus élevées de l’ OCDE en pourcentage du PIB (selon Eurostat en 2020), soit 61 %. En comparaison l’Allemagne est à 50 %, les Pays-Bas à 48 % et la Suisse à 37,8 %. S’il semble illusoire de réduire brutalement en une seule fois, certaines pistes sont avancées.

    Ainsi, sous la coalition sociale-démocrate et écologiste de Schröder , l’ Allemagne a réduit ses dépenses en se concentrant principalement sur le marché du travail, avec la libéralisation et la diminution des avantages chômage. Le taux d’imposition sur le revenu a diminué en plusieurs étapes : le taux le plus bas est passé de 25,9 % à 15 % ; le taux plus élevé de 53 % à 42 %. De plus, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 40 à 25 % et les taxes professionnelles locales ont été réduites pour les petites et moyennes entreprises. Ces mesures ont pu aussi être efficaces grâce à Merkel qui a continué la politique de Schröder lorsqu’elle lui a succédé.

    Concernant les retraites, l’exemple suédois est mis en avant. En Suède, le système est mixte : pour un taux de 18,5 % prélevé sur le revenu, 16 % sont versés au système de retraite par répartition basé sur les revenus et 2,5 % sont versés dans un système par capitalisation. Le cotisant peut choisir son fonds de pension (s’il ne le fait pas, un fonds présélectionné sera choisi pour lui).

    Pour les dépenses de santé, les Pays-Bas sont réputés performants. L’ONG Health Consumer Powerhouse qui évalue les systèmes de soins offre un classement intéressant en matière d’efficacité des politiques menées. En 2018, les Pays-Bas dominaient ceux de l’Union européenne. Le système néerlandais repose sur quatre acteurs pour le financement et la prise en charge du système de soins :

    • L’État pour les soins de long terme et à haut risque
    • Une assurance privée obligatoire pour les soins classiques
    • Une assurance privée optionnelle pour les soins supplémentaires
    • Les ménages pour les autres soins

    Ces exemples détaillés dans l’étude de Contribuables Associés offrent ainsi des pistes concrètes pour réformer des pays. Certes, la mentalité française n’est pas la même que celle des Nordiques. Mais rappelons que la social-démocratie est une part importante de la politique de pays scandinaves comme la Suède.

    • Co chevron_right

      Valeur travail ou valeur du travail ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 2 February, 2023 - 04:10 · 6 minutes

    L’expression est de nouveau à la mode à l’occasion du débat sur les retraites : ceux qui pensent qu’il faut travailler plus longtemps invoquent la « valeur travail », accusant les partisans de la retraite à 62, voire 60 ans, de contester la « valeur travail » au profit d’un droit à la paresse .

    Le débat n’est pas nouveau et périodiquement les hommes politiques polémiquent sur la valeur travail ou au contraire sa négation. Or, comme le disait Camus, « mal nommer des choses, c’est ajouter au malheur du monde ».

    La valeur travail

    En effet, toute cette discussion sur la durée du travail n’a rien à voir avec la valeur travail, qui est un concept marxiste ayant une tout autre signification. Pour Marx, la valeur d’un bien dépend de la quantité de travail nécessaire à sa production. Peut-être cela a-t-il un lien avec l’inconscient des hommes politiques mais je ne suis pas sûr que tous ceux qui préconisent de travailler davantage soient marxistes et que tous les adversaires d’un allongement de la durée du travail soient devenus brutalement antimarxistes ! Donc utiliser dans ce débat l’expression valeur travail est totalement inapproprié.

    Bien entendu, ce concept marxiste est faux. Même dans une optique objective de la valeur, le travail, entendu ici au sens du travail salarié, n’est pas seul à créer des richesses, sinon on oublie les autres facteurs de production, le capital et surtout l’entrepreneuriat , qui joue un rôle primordial dans la production de richesses.

    Mais là n’est pas l’essentiel : la notion de valeur d’un bien ou d’un service est une notion subjective qui dépend de chaque client. Un bien peut avoir une valeur immense (par exemple une œuvre d’art en peinture, musique, littérature, etc.) et n’avoir nécessité que peu de travail et on peut aussi travailler beaucoup pour produire un bien qui n’intéresse personne et dont la valeur est donc nulle. C’est le client qui détermine la valeur qu’il attache à un bien ou à un service et cela peut n’avoir que peu de rapport avec la quantité de travail utilisée ou avec le coût de production.

    L’échange , qui est la base de l’économie, n’a justement lieu que parce que vendeur et acheteur ont des visions différentes de la valeur du bien. Contrairement à ce que pensait Aristote, on n’échange pas des valeurs équivalentes car sinon pourquoi échanger si ma satisfaction n’est pas modifiée par l’échange ? L’acheteur attache plus d’importance et de valeur à ce qu’il reçoit qu’à ce qu’il donne en échange, sinon il n’achèterait pas ; et en sens inverse le vendeur accorde davantage de valeur à ce qu’il reçoit qu’à ce qu’il vend.

    Pour cette raison, l’échange est donc un jeu à somme positive, sinon il n’aurait pas lieu.

    La valeur du travail

    Dans les débats sur le sens et la durée du travail, il ne faut donc pas utiliser l’expression « valeur travail ». Il vaut mieux parler de la « valeur du travail ». Mais même là, on peut discuter. Certes, d’une certaine façon, la valeur du travail existe : travailler fait partie de la condition humaine, et il y a une « valorisation » par le fait de rendre un service utile à autrui par son travail, et bien sûr c’est l’une des sources du revenu.

    Les chômeurs savent très bien que l’absence de travail a un côté négatif. Il est plus satisfaisant pour chacun individuellement comme pour la société en général de travailler que de vivre d’assistanat, chaque fois que cela est possible.

    L’ambiguïté commence quand certains assimilent travail et travail salarié ; il y a en effet diverses formes de contribution à l’activité productive et l’épargnant comme l’entrepreneur apportent leur part ; les agriculteurs exploitants, les professions libérales et autres non-salariés travaillent eux aussi. Mais on peut élargir la notion : la production domestique faite par les ménages pour eux-mêmes et leur famille (ménage, éducation, etc.) est une forme d’activité et donc de travail non marchand.

    De même, tout le bénévolat qui est au cœur de la société civile et qui repose sur le don et la gratuité est aussi une forme de travail, en tous cas d’activité. Donc parler de la valeur du travail ne s’adresse pas seulement à « la France qui se lève tôt », mais à tous ceux ayant une activité salariée, non salariée ou encore bénévole.

    D’une certaine façon, il y a donc une forme de valeur dans le travail. Chaque famille préférera sûrement un enfant qui travaille à l’école à un enfant paresseux : c’est une valeur pour la personne, pour sa famille et pour la société. C’est dans tout cela que se tient un débat entre la valeur du travail et le droit à la paresse. Rappelons que c’est le titre d’un ouvrage publié par Paul Lafargue, qui était… le gendre de Marx.

    Il est légitime, y compris moralement, de préférer le travail à l’inactivité paresseuse, même si une vie équilibrée ne néglige ni le travail, ni le repos. Mais une société qui se caractériserait par le refus systématique du travail au sens large, disons de l’activité, disparaitrait rapidement faute de production, donc de consommation : les produits, même naturels, n’existent pas comme tels, ils nécessitent une activité humaine, un « travail ».

    … et ses limites

    On peut cependant nuancer cette notion de valeur du travail, car un travail inutile a-t-il de la valeur ?

    L’expérience des ateliers nationaux en 1848, où l’on donnait du « travail » aux ouvriers en espérant éviter une révolution, mais dans lesquels concrètement on ne produisait rien d’utile n’est guère enthousiasmante, ni pour les ouvriers en question, ni pour la société. Il faut être keynésien pour imaginer qu’occuper des salariés à creuser des trous le matin pour les reboucher le soir est épanouissant pour la personne concernée, car c’est une forme méprisante d’assistanat, ruineuse en outre pour le contribuable !

    Il n’est donc pas certain qu’il y ait toujours une valeur du travail. Encore faut-il que ce travail ait une utilité, soit pour le client (travail marchand) soit pour la personne à qui on veut rendre un service gratuit (activités associatives bénévoles dans les domaines de la solidarité, du sport , de la culture, etc.), soit enfin pour sa famille ou pour soi-même. Mais travailler sans que ce travail ait la moindre finalité personnelle ou sociale n’est guère une valeur, ni pour soi, ni pour les autres.

    Alors soyons rigoureux dans les termes. Ne parlons pas dans ce débat de valeur travail ; quant à la valeur du travail, elle existe, mais n’en faisons pas un absolu : créer par son travail et son activité est souvent un bien, à certaines conditions. Et enfin, si le travail fait partie de la condition humaine, pour lui donner tout son sens et sa valeur, il faut aussi ne pas négliger le repos !

    L’abus de repos qui conduirait à la paresse est dangereux pour la personne et la société, mais l’abus de travail lui aussi présente des dangers ! Cependant, là aussi la subjectivité des choix est première et imaginer des règles uniformes en la matière est contraire à la diversité humaine et à la liberté de chacun

    • Co chevron_right

      Réforme des Retraites : l’article 47.1, la nouvelle star

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 31 January, 2023 - 12:28 · 3 minutes

    On a souvent parlé dans ces colonnes de l’article 49.3, mais connaissez-vous l’article 47.1 ? Si vous aimez la démocratie représentative et parlementaire, vous allez le détester !

    La réforme des retraites doit être débattue au Parlement à compter du lundi 30 janvier. Au Sénat, à majorité de droite, le gouvernement ne devrait pas rencontrer trop de résistance mais à l’Assemblée nationale c’est beaucoup moins évident. Les députés de la Nupes et ceux du Rassemblement national à l’extrême droite sont contre le texte.

    La majorité présidentielle qui soutient la réforme peut certes compter sur le vote des Républicains, favorables à un report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Ainsi, la réforme des retraites serait adoptée par la voie classique. Mais les députés LR se déchirent sur l’intérêt politique de soutenir une « réforme Macron ». Le président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marleix a déclaré le 25 janvier sur Franceinfo que les députés LR ont « toujours la liberté de vote » sur la réforme.

    Avec des soutiens aussi peu fiables que les députés LR et contre des élus Nupes et RN déterminés, le gouvernement fait appel à un outil des relations avec le pouvoir législatif : l’article 47.1 de la Constitution.

    Qu’est-ce que l’article 47.1 de la Constitution ?

    L’article 47.1 de la Constitution décide que :

    « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale […].

    « Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcé en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours.[…]

    « Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance… »

    Ainsi, au bout de cinquante jours sans avis du Parlement, le texte soumis aux députés et aux sénateurs peut finalement passer en force sans vote !

    Utiliser le 47.1 n’est pas sans risque pour le gouvernement

    L’alinéa 1 de l’article 47.1 précise que cette procédure ne peut s’appliquer que pour l’adoption des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

    Aussi, par un tour de passe-passe juridique, le gouvernement présente sa réforme de retraite comme faisant partie d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS), car c’est la Sécurité sociale qui verse les pensions de retraite via l’assurance retraite !

    Mais cette procédure n’est pas sans risque.

    D’abord le PLFRSS peut (et fera) l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Or, toutes mesures étrangères au PLFRSS sont généralement censurées par les Sages. Car toutes les mesures qui ne portent pas sur des recettes et des dépenses n’entrent pas à proprement parler dans le cadre de PLFRSS.

    Ensuite, cette procédure d’urgence portée par l’article 47.1 semble difficile à justifier dans le cas de la réforme des retraites.

    Enfin, en réduisant la durée des débats, le gouvernement interdit toute concertation sur un sujet capital et risque de perdre toute légitimité politique pour le reste du quinquennat.

    Après dix recours au 49.3 pour adopter le projet de loi de finances Élisabeth Borne a écarté l’usage de cette procédure décriée pour la réforme des retraites alors que la Constitution lui en donnait le droit. Un onzième recours est donc possible mais les conséquences politiques, institutionnelles et sociales seraient désastreuses pour le pays…