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      L’autoritarisme n’est pas compatible avec le progrès économique

      Mises Institute · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 7 January, 2023 - 03:40 · 6 minutes

    Par Patrick Barron .

    Est-il possible ou même souhaitable que la liberté et le progrès économiques soient compatibles avec l’autoritarisme ? Bien que certains puissent le croire, c’est un faux raisonnement. La liberté est indivisible. La liberté politique et la liberté économique sont indissociables.

    C’est la position de Ludwig von Mises lui-même. Dans Planning for Freedom , il déclare : « La tyrannie est le corollaire politique du socialisme comme le gouvernement représentatif est le corollaire politique de l’économie de marché. » En ce qui concerne la réaction d’un citoyen à une telle tyrannie, il écrit dans Planned Chaos que « Si un plan directeur doit être substitué aux plans de chaque citoyen, des combats sans fin doivent voir le jour. Ceux qui ne sont pas d’accord avec le plan du dictateur n’ont pas d’autre moyen de continuer que de vaincre le despote par la force des armes. »

    Mises oppose la tyrannie du socialisme au capitalisme dans Bureaucracy lorsqu’il écrit :

    Le capitalisme signifie la libre entreprise, la souveraineté des consommateurs en matière économique et la souveraineté des électeurs en matière politique. Le socialisme signifie le contrôle total du gouvernement dans toutes les sphères de la vie de l’individu et sa suprématie sans restriction en tant que conseil central de gestion de la production. Il n’y a pas de compromis possible entre ces deux systèmes.

    Certains peuvent contester l’affirmation de Mises. Après tout, se référer à l’autorité, même à une autorité aussi grande que Mises, ne prouve pas qu’il a raison. Certains diront que le progrès économique dépend sûrement de la sécurité de sa personne et de ses biens. « N’est-il pas évident, disent-ils, que les régimes autoritaires assurent une meilleure sécurité intérieure quelle que soit la dureté des châtiments, que leurs voisins démocratiques plus permissifs ? » Certains pays autoritaires, comme la Chine et certains pays arabes, valident ce postulat. Tant que l’on obéit aux règles, les affaires peuvent prospérer. C’est du moins ce que l’on prétend. Au lieu de simplement opposer les affirmations de Mises à celles des autres, examinons d’autres problèmes liés à l’autoritarisme.

    Les problèmes du régime autoritaire

    L’un des principaux problèmes que pose un régime autoritaire est de déterminer qui doit choisir le dictateur.

    La société occidentale a dépassé le « droit divin » des rois, bien que la succession noble prévale encore dans certains pays du Moyen-Orient. La plupart des autoritaires fondent leur droit de régner sur le renversement violent du régime préexistant. La Chine, Cuba, l’Iran et la Corée du Nord viennent à l’esprit. Mais cela ne constitue guère une base intellectuelle solide pour le pouvoir actuel ou futur. Mises affirme que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement car elle permet des transitions pacifiques entre les administrations. Le peuple décide qui gouverne par le biais d’élections périodiques. Lorsque la société semble aller dans la mauvaise direction, un changement pacifique de direction est préférable à une tentative de coup d’État.

    Le dynamisme est l’essence même d’une économie en progrès. Il implique l’adoption de nouveaux moyens de répondre aux demandes des consommateurs et l’abandon des anciennes méthodes. Joseph Schumpeter a désigné ce processus par le terme de « destruction créatrice ». C’est un anathème pour les sociétés autoritaires. Celles-ci sont soutenues par des flagorneurs incompétents qui ont été placés à des positions favorables par le dictateur lui-même. Cependant, là où il n’y a pas de destruction créatrice, il n’y a pas de progrès. Lorsque j’étais officier dans l’armée de l’air, mon voyage en Union soviétique au début des années 1970 a confirmé ce que je savais déjà. L’Union soviétique s’effondrait de l’intérieur. Il y avait peu de biens de consommation et ceux qui étaient disponibles pour le citoyen soviétique ordinaire étaient de mauvaise qualité, au-delà de mes pires espérances. Dans l’excellente introduction de Requiem pour Marx , Yuri Maltsev souligne que l’une des raisons pour lesquelles le rideau de fer est tombé est que le peuple a tout simplement renoncé à essayer de vivre dans une société de plus en plus folle.

    Hayek nous rappelle que l’autoritaire n’a pas une meilleure idée que quiconque de la manière d’ordonner une économie ; ce n’est pas non plus possible pour un groupe de planificateurs armés des outils les plus puissants. Les milliards de décisions nécessaires sont inconnues et inconnaissables . Rares sont ceux qui en savent plus que ce que leur permet leur spécialisation industrielle, et la nécessité de s’adapter en permanence aux forces du marché dépasse la perception d’une personne en particulier.

    Nous devons tous être prêts à jeter l’ancien et à adopter le nouveau afin de suivre l’évolution des marchés. La loi c’est « change ou meurs ». La mort peut être lente ou soudaine mais rien ne peut remplacer le changement.

    L’importance de comprendre que la liberté est indivisible

    Cinq années d’ expansion de la monnaie fiduciaire ont tellement perturbé les économies du monde entier qu’une grave récession se profile à l’horizon. Les prix augmentent. Le commerce mondial est attaqué. Le monde est au bord de la guerre nucléaire. La dette souveraine a atteint des niveaux absurdes. Toutes ces insultes envers les gens ordinaires nous sont apportées par des gouvernements hors de contrôle qui n’ont aucune compréhension de l’économie réelle et bien sûr aucune compréhension réelle de la création de richesse.

    Un exemple de cela est la façon dont les allocations de chômage somptueuses ont découragé les travailleurs de chercher un emploi. Ne les blâmez pas. Il est dans l’intérêt rationnel de millions de personnes de faire l’aumône quand elles le peuvent. Veuillez plutôt blâmer les politiciens qui ont rendu tout cela possible grâce à l’expansion de la monnaie fiduciaire. Malheureusement, lorsque les fruits amers de ces politiques ratées ne pourront plus être ignorés, trop de gens demanderont au gouvernement de prendre les choses en main et de « faire quelque chose ». Le problème est que le gouvernement a causé le problème en premier lieu et par conséquent n’a pas de solution viable. Mais cela ne l’arrêtera pas. Il doit donner l’impression de faire quelque chose.

    La seule réponse est la liberté totale, tant dans la sphère économique que politique. L’économie doit subir des ajustements difficiles pour réorienter le capital vers sa meilleure utilisation, telle que déterminée par les consommateurs et non par le gouvernement. La réalité doit prévaloir. L’expansion de la monnaie a détruit beaucoup de capital en le dirigeant vers des utilisations moins productives que celles que le public déterminerait dans un environnement de liberté totale.

    Nous devons résister à la tentation de croire qu’un homme fort peut nous sauver. Nous ne pouvons que nous sauver nous-mêmes. L’Occident moderne est caractérisé par la paresse, les dépenses frivoles et la vie au-dessus de ses moyens. Nous devons faire le contraire. Travailler dur, vivre frugalement et économiser sont des solutions que chacun peut adopter pour se protéger des empiètements de l’autoritarisme.

    Traduction Contrepoints

    Sur le web

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      Après la conquête de Mars, à quoi pourrait ressembler la vie économique ?

      Pierre Brisson · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 November, 2020 - 03:30 · 22 minutes

    Par Pierre Brisson.

    On peut se poser des questions sur la nature et l’importance des échanges économiques au sein d’ une société martienne naissante , disons entre 1000 et 10 000 habitants. J’ai mes idées là-dessus et je voudrais vous en faire part dans deux articles que je vais publier cette semaine et la suivante : les contraintes, les activités vitales et les hommes.

    Les contraintes

    Les Martiens seront coupés physiquement du reste de la communauté humaine pendant 26 mois avec, en plus, un décalage de 6 mois de voyage si l’on considère la date limite d’embarquement des fournitures terrestres. NB : si des hommes avaient été installés sur Mars et qu’on ait oublié une pièce essentielle pour faire fonctionner la mission Insight partie de la Terre début mai 2018, on n’aurait pu l’embarquer qu’en juillet 2020 et on n’aurait pu l’ajuster aux équipements arrivés sur Mars fin novembre 2018, qu’au plus tôt en février 2021 puisque la fenêtre de lancement depuis la Terre suivant celle de mai 2018 ne s’ouvrait qu’en juillet 2020.

    Les Martiens auront en permanence toutes les télécommunications possibles avec la Terre mais ils seront irrémédiablement en décalage temporel, décalage qui évoluera le long du cycle synodique, entre environ 3 et 22 minutes (distance entre les deux planètes/vitesse de la lumière).

    Les Martiens auront à disposition dans leurs datacenters , tout le stock de données de la communauté terrestre dont ils auront besoin, du moins ceux pour lesquels ils auront droit d’accès, ainsi que tous les logiciels dont ils pourront avoir besoin et droit d’accès et/ou qu’ils pourront payer.

    L’environnement martien sera hostile dans la mesure où l’atmosphère sera irrespirable, trop peu dense (610 pascals en moyenne), et les radiations spatiales trop fortes pour être supportées continument sans protection. Le sol sera totalement stérile et, de plus, couvert d’une couche de sels de perchlorates.

    Cependant cet environnement aura aussi des aspects positifs puisque l’atmosphère offre des éléments exploitables (carbone et oxygène) et donne une certaine protection (équivalent d’une colonne d’eau de 20 g/cm2). En plus de cette ressource les Martiens auront à disposition dans le sol, de l’eau sous forme de glace et les mêmes éléments chimiques que sur Terre ; même si la minéralogie n’a pas autant évolué et ne s’est pas autant diversifiée que sur Terre.

    Les Martiens auront besoin de générer des revenus pour payer les équipements importés de la Terre. L’établissement sur Mars doit s’avérer profitable, sinon les financements initiaux se tariraient après quelques années.

    Les activités vitales

    Les hommes devront non seulement travailler sur Mars mais aussi y vivre (autonomie minimum compte tenu d’un retour sur Terre 30 mois après en être partis). C’est-à-dire qu’ils devront se nourrir, se vêtir, utiliser toutes sortes d’objets et maintenir leurs espaces viabilisés en bonnes conditions d’hygiène et de confort.

    Se nourrir signifie pratiquer une agriculture sous serres intensive, de l’algoculture et de la pisciculture ou de la crevetticulture en bassins, un petit élevage en habitats dédiés (pour le lait et les œufs – pourvu qu’on puisse transporter des embryons de gallinacés congelés – sinon pour la viande – la viande synthétique serait une alternative préférable).

    Se vêtir c’est fabriquer vêtements et chaussures à partir de fibres synthétiques (éléments minéraux) mais aussi à partir de déchets végétaux ou animaux (fibres, os, peau). C’est aussi réparer tout ce qui peut l’être, collecter les déchets alimentaires, les vieilles chaussures et les vieux vêtements et recycler tout ce qui peut l’être car sur Mars, coupés du reste du monde, les hommes ne devront rien gaspiller, surtout pas les matières organiques car ils devront les produire eux-mêmes et ne pourront le faire qu’à petite échelle.

    Utiliser toutes sortes d’objets signifie les fabriquer sur place mais plus vraisemblablement reproduire les objets terrestres par impression 3D avec de la matière première martienne.

    Maintenir les espaces viabilisés en bonnes conditions, c’est contrôler et entretenir la structure des bulles et des corridors viabilisés, enlever périodiquement la poussière ultrafine (et collante !) de tous les hublots et de toutes les parties critiques des équipements utilisés à l’extérieur, de retour à l’intérieur c’est contrôler et rééquilibrer la pression atmosphérique ou la composition en gaz de l’atmosphère, repérer et remédier à l’éventuelle présence d’agents pathogènes.

    C’est contrôler et réparer le système électrique (certaines pannes pourraient être mortelles), le système de chauffage, la tuyauterie apportant l’eau propre et récoltant l’eau usée. C’est purifier cette eau pour la remettre en circulation dans des tuyauteries chauffées afin qu’elle reste liquide.

    C’est nettoyer régulièrement et fréquemment toutes les surfaces internes des habitats, mêmes celles qui sont en locaux privatifs ou qu’on ne voit pas car elles sont dissimulées par des parois, meubles ou objets, pour éliminer toute plaque de champignons ou de bactéries.

    Qui dit vie dit reproduction. Il y aura des hommes et des femmes sur Mars et il y aura donc des enfants ; et il y aura aussi, malheureusement, des personnes inaptes au travail pour lequel elles seront venues sur Mars. Les enfants seront désirés, ou pas, mais une grande joie pour la communauté puisque gage de pérennité et une responsabilité qu’il faudra assumer.

    Le seul problème c’est que, comme d’ailleurs les femmes enceintes, ils ne pourront pas revenir sur Terre avant la fin de leur adolescence car les radiations auxquelles ils seraient exposés pendant le voyage Terre/Mars seraient trop dangereuses pour leur organisme en développement. Une petite population, les enfants avec au moins un de leurs parents, resteront donc sur Mars au-delà du cycle synodique au début duquel ils sont arrivés.

    Les enfants ne seront évidemment pas des producteurs mais les personnes inaptes ou malades ne le seront pas non plus. Dans la mesure du possible, elles effectueront des tâches non assumées par les autres résidents mais cependant utiles à la communauté, par exemple s’occuper des enfants.

    En cas de graves maladies et inaptes à toute production, ces personnes seront naturellement pris en charge par la communauté qui leur fournira les soins que toute société décente doit assurer à ses membres mais la société martienne ne pourra se permettre le luxe d’être une société « sociale ».

    Pour ces personnes inaptes à la production, le retour sur Terre sera inévitable lors du prochain départ, sauf bien sûr si leur santé ne le permet pas ou si elles peuvent assumer financièrement leur coût ; dans ce cas-ci, pourquoi ne pas rester.

    Il n’y aura pas de chômage de convenance sur Mars. Toute personne capable devra fournir à tout moment un service utile aux autres en échange de l’aide qui lui sera accordée, à moins que financièrement elle puisse assumer son inactivité.

    Enfin, compte tenu du nombre de personnes impliquées et de la complexité d’une vie en société, un minimum de coordination sera nécessaire, un arbitrage en cas de conflit, peut-être un service d’ordre. Comme dans un orchestre de chambre, un musicien jouant l’instrument principal peut donner le tempo mais pour un fonctionnement plus fluide il faut une petite équipe administrative spécialisée avec direction et assistants.

    Ce sera très probablement le cas. Il y aura aussi nécessité de protéger les installations financées par les investisseurs terriens et utilisés bien évidemment localement. Il y aura encore nécessité de constater les besoins généraux et d’en faire part aux mêmes aussi bien qu’aux personnes sur place, afin de permettre toutes sortes de prévision et de planification des développements.

    Les hommes

    Il faudra faire tout cela, et les Martiens ne seront pas nombreux, le voyage coûtera toujours cher, les volumes viabilisés dans les vaisseaux spatiaux seront peut spacieux, les infrastructures d’accueil mettront un certain temps à pouvoir être construites et sécurisées. Il y aura donc beaucoup de robots, autant que nécessaire.

    Mais il faudra aussi des hommes pour les diriger. Il y aura des agronomes, des algologues, des ichtyologues, des carcinologues, des spécialistes des petits animaux, qui non seulement les étudieront pour les adapter toujours le mieux possible à leur environnement clos particulier, mais qui aussi s’occuperont d’eux pour les faire naître et les faire croître, les récolter ou les tuer (donc des poissonniers et des bouchers si on décide de consommer de la viande prélevée sur des animaux plutôt que de la viande synthétique), les stocker, les conserver, les préparer pour la consommation (des cuisiniers), les servir puis récolter tous les restes (personnel de restaurant), les recycler (ingénieurs spécialisés).

    Il y aura des couturiers, des bottiers et des cordonniers, des commerçants de toute sorte. Il y aura des médecins dans toutes les spécialités nécessaires, des microbiologistes pour maintenir l’environnement propre et des pharmaciens (et bien sûr une petite industrie pharmaceutique).

    Il y aura des planificateurs urbains (il sera vital de penser l’implantation des habitats, des lieux de production viabilisés et des volumes sociaux les uns par rapport aux autres), des architectes, des ingénieurs-structures, des producteurs de verre, d’acier, de métaux divers, de produits chimiques divers, à partir de la matière brute qu’il faudra repérer, extraire, transporter, stocker, raffiner, stocker.

    Comme par ailleurs, la population de robots sera importante, les télécommunications avec la Terre seront permanentes. Il faudra pouvoir tout contrôler et réparer aussi vite que possible, il y aura une multitude de capteurs, envoyant constamment leurs données à des centres de contrôle puissamment équipés en informatique et disposant d’un dispositif de stockage de données considérable et dupliqué pour redondance (sécurité !).

    Il y aura aussi une partie de la population qui sera responsable des transports physiques entre la Terre et Mars, même si ceux-ci auront une cyclicité très forte (les fameux 26 mois !) ; et comme ils ne seront pas employés à temps plein, ils devront aussi s’occuper des transports planétaires distants effectués par fusées à moyenne portée (un autre moyen d’amortir le Starship par économie d’échelle !).

    Enfin il faudra télécommuniquer entre Martiens et entre Martiens et Terriens, donc beaucoup de personnes seront dédiées aux télécommunications et à toutes leurs complexités.

    Je n’oublie pas les enfants. Les élever ne sera pas facile au début, surtout qu’ils monopoliseront nécessairement du temps aux parents ce qui représentera un coût important, pour eux et la communauté. Ils devront très vite être pris en charge par un personnel spécialisé. S’ils ne sont pas nombreux, la communauté s’en occupera avec une solidarité minimum pour que les mères puissent assurer le travail pour lequel elles seront venues sur Mars.

    Mais à partir d’une petite douzaine, il y aura des éducateurs professionnels et des personnes chargées de la coordination de leur enseignement grâce aux capacités des nombreux spécialistes présents sur Mars (je vois l’établissement martien tout entier comme une sorte d’Université).

    Pour faire fonctionner tout cela il y aura des producteurs d’énergie, des personnes qui capteront les rayonnements du Soleil avec des panneaux importés de la Terre (il faudra un certain temps pour pouvoir obtenir sur place la pureté du silicium nécessaire), d’autres qui entretiendront les réacteurs nucléaires (il faudra un certain temps avant de pouvoir construire leur cœur sur Mars), d’autres qui repéreront les sources géothermiques et les exploiteront d’une manière ou d’une autre, d’autres qui s’occuperont de la distribution de l’énergie secondaire ou du résidu chaleur et veilleront à une utilisation aussi rationnelle et précautionneuse que possible, compte tenu de l’environnement, la capacité de production énergétique sera primordiale et on s’efforcera d’éviter tout gaspillage.

    La recherche de la rentabilité

    Nous avons vu ci-dessus les activités et les hommes nécessaires au fonctionnement d’un établissement sur Mars. Mais il y a une autre dimension qu’il faut prendre en compte pour qu’à la viabilité d’un tel établissement s’ajoute la pérennité.

    En effet, pour qu’une colonie martienne tienne sur la durée, elle devra produire pour et exporter vers la Terre suffisamment pour atteindre et maintenir une relation équilibrée avec elle car, selon mon propre dicton, « les philanthropes meurent et les gouvernements passent » . Cela implique de donner aux Martiens la possibilité d’exercer d’autres activités que celles précédemment considérées comme nécessaires/vitales, et aussi une certaine organisation favorable à cet exercice.

    Les activités productives et génératrices d’exportations seront indispensables à la pérennité.

    Ces activités optionnelles, c’est-à-dire non nécessaires à la survie, seront quand même essentielles puisqu’elles devront assurer la rentabilité de l’entreprise.

    En effet, à part les commerçants et divers petits producteurs locaux assurant la vie quotidienne, il y aura aussi des capitalistes résidant soit sur Terre soit sur Mars, et disposant de fonds importants investis dans les infrastructures et qui attendront un retour sur investissement pour légitimement rémunérer leur prise de risque et continuer à investir. S’ils ne font que dépenser, ils n’y arriveront pas.

    Il leur faudra des consommateurs payant avec leur argent et d’autres producteurs-investisseurs, vivant dans leur environnement, également consommateurs/utilisateurs de leurs infrastructures, pour générer pour et par leurs activités, d’autres dépenses donc d’autres ressources.

    Pour assurer ce retour sur investissement, la société martienne assurant le fonctionnement de la colonie (ma Compagnie des Nouvelles Indes) devra être accueillante à toutes sortes de personnes solvables désireuses de venir sur Mars pour consommer ou/et pour produire avec trois perspectives :

    • susciter la création de richesses immatérielles exportables de toutes sortes (process conçus dans un environnement extrême, logiciels divers)
    • limiter le besoin d’importations par une production locale
    • mettre à disposition des locaux et des services pour héberger les personnes et permettre ces activités

    Parmi les résidents exerçant ces activités, il y aura bien sûr les chercheurs envoyés par leur université pour une étude bien particulière des astrophysiciens et des ingénieurs en équipements d’observation astronomique car le sol martien sera idéal comme support pour observer le ciel d’un point de vue un peu différent et donc complémentaire de celui de la Terre.

    Il y aura aussi des ingénieurs envoyés par leur entreprise pour tester des équipements ou des matériaux dans des conditions extrêmes (label « vérifié résistant aux conditions martiennes »).

    Il y aura aussi des entrepreneurs qui auront des idées et qui auront voulu les concrétiser, au moins jusqu’à la preuve de concept, dans un milieu particulièrement réceptif aux innovations et riche en capacités scientifiques et ingénieuriales, concernant le recyclage, la robotique, les télécommunications, etc.

    Il y aura des particuliers qui pour une raison ou une autre, auront voulu s’abstraire de leur monde pour une partie de leur vie et qui auront bien entendu les moyens financiers de le faire.

    Il y aura des artistes qui voudront utiliser un environnement particulier pour nourrir leur inspiration.

    Il y aura des spécialistes financiers pour gérer les ressources des particuliers et de la communauté, organiser le financement des projets (y compris lever des fonds sur Terre), piloter le financement des entreprises existantes, c’est-à-dire tout simplement des banquiers ; sans oublier des assureurs pour couvrir les risques (donc faciliter les financements) et lisser l’impact des pertes.

    Il y aura enfin des communicants chargés de mettre en valeur ce qui sera effectué sur Mars afin d’attirer de nouveaux candidats au voyage et au séjour sur ce nouveau monde… et de nouveaux capitaux.

    Toutes ces personnes devront être traitées par d’autres résidents qui devront leur fournir les services dont elles auront besoin pour vivre, se déplacer, exercer leurs talents sur Mars. L’ensemble constituant les consommateurs tout autant que les producteurs martiens.

    Public ou privé ?

    Si comme je le crois, l’installation de l’homme sur Mars se fera à l’initiative du secteur privé américain, dont bien sûr Elon Musk , ce secteur aura une influence très importante sur le comportement des agents économiques d’autant que le secteur public terrestre hésitera à dépenser beaucoup d’argent public pour des causes privées ; en dehors bien sûr de considérations scientifiques et politiques, non nulles.

    Ce secteur privé avec probablement une participation publique (la NASA entre autres), sera sans doute organisé dans la société d’investissement et d’exploitation mentionnée plus haut, la « Compagnie des Nouvelles Indes » (pour marquer, évidemment, la ressemblance avec les grandes sociétés coloniales du passé… même si ce passé n’est pas très bien vu de certains de nos contemporains).

    À noter que ce secteur privé sera considéré un peu comme du public par les Martiens (le « public-martien ») puisque ce sera à lui qu’il faudra payer l’utilisation des commodités, les locations d’habitats ou d’équipements et l’utilisation des services publics. À côté de lui, la multitude d’activités menée par de petits entrepreneurs et individus constituera ce qu’on pourrait appelé par symétrie le « privé-martien ».

    L’esprit dominant l’activité économique sera donc celui du privé, on peut même oser dire du capitalisme, donc de la recherche de l’efficacité et de la rentabilité au moyen de la concurrence et de la responsabilité. Par principe de subsidiarité, ce sera le privé-martien qui prendra en charge toute production ou tout service vital qu’il sera capable d’assumer, le public-martien ne s’occupant que de ce qui ne pourra être effectué par le privé-martien.

    Le public-martien ne sera jamais perdant car tout en allégeant son implication directe, il continuera à percevoir des autres résidents une rémunération pour l’utilisation de ce qu’il mettra à leur disposition.

    Bien entendu, compte tenu de l’isolement et de la nécessité que l’ensemble de la population soit productif, des délais d’adaptation devront être accordés aux entreprises les moins efficientes (constatées comme telles par la concurrence) pour se reconvertir et l’aide de la Cie des Nouvelles Indes assuré pour que cette reconversion soit effective le plus rapidement possible.

    Du côté des producteurs on devra évidemment se contenter d’un tout petit marché local. Cela pose problème car les producteurs ne pourront espérer d’économies d’échelle importantes. Fabriquer un vêtement pour 100 personnes coûte beaucoup plus cher à l’unité que de le fabriquer pour 10 000. Comme les producteurs devront pouvoir vivre de leur travail, les prix unitaires seront forcément très élevés par rapport aux prix sur Terre.

    Cependant la limite haute, celle au-dessus de laquelle les prix martiens ne seraient pas compétitifs avec les prix terriens, sera vraiment très haute puisque le transport coûtera toujours très cher depuis la Terre, sera limité en volume (nombre et capacité d’emport des fusées) et ne pourra être fréquent (on s’efforcera de surmonter cet obstacle par l’impression 3D).

    Donc il y aura une sorte de protection tarifaire très élevée pour les produits martiens, la seule véritable limite étant le coût d’un bien ou service proposé par rapport au pouvoir d’achat du résident martien et par rapport aux alternatives de dépense (point développé plus bas).

    Pour être rentable donc productible, un bien ou service doit être désiré pour un prix supérieur à son coût, même si le producteur peut faire un pari sur une profitabilité future en commençant la commercialisation en dessous de son coût.

    La difficulté sera atténuée par le fait que le pouvoir d’achat du client sera quand même élevé puisque, par définition, tout producteur sera obligé de mettre sur le marché ses produits à un prix élevé puisque pour lui aussi le coût unitaire sera élevé.

    Le prix de chaque objet ou service doit en effet être évalué par rapport au prix de tous les autres objets ou services offerts sur le marché, inclus dans un panier que le consommateur peut acheter.

    À noter, il ne faut pas l’oublier, qu’un élément non négligeable du coût sera constitué des redevances à payer à la Compagnie des Nouvelles Indes pour utiliser les structures et les commodités qu’elle aura mises à disposition pour vivre. Ni l’habitat, ni son entretien, ni l’eau ou l’air ne seront gratuits. Toute utilisation de commodités ou de services publics devra être payée et il y aura des capteurs avec des compteurs partout ; un excellent moyen de limiter le gaspillage !

    La seule nécessité pour la Compagnie des Nouvelles Indes qui les aura financées, sera de ne pas tuer le client, c’est-à-dire que les prix qu’elle demandera devront être raisonnables pour ne pas rendre impossible la vie (production et échanges) des résidents martiens. Mais les gens de la CNI sauront dès le début qu’ils devront être patients et ils ne rechercheront certainement pas à devenir rentables avant une trentaine d’années suivant le démarrage de la Colonie.

    Un produit martien ne sera donc pas du tout compétitif par rapport à un produit terrestre mais cela n’aura aucune importance puisqu’il n’y aura pas de concurrence entre eux, sauf bien évidemment dans le cas des quelques produits provenant de la Terre tous les 26 mois, et que les Martiens ne s’amuseront pas à produire. D’ailleurs ces produits seront précisément ceux que l’on ne pourra pas produire sur Mars (trop grande complexité, ou plutôt nécessité de l’utilisation de toute une filière industrielle qui n’aura pas encore pu être développée sur Mars).

    La monnaie devra être locale mais convertible en monnaies terrestres

    Pour former un prix à la rencontre d’une offre et d’une demande, c’est-à-dire donner une valeur à quelque chose par rapport à autre chose, le meilleur instrument sera la monnaie, bien fongible, commun dénominateur à toute offre et toute demande. Donner un prix dans une monnaie, c’est le seul moyen d’exprimer véritablement à la fois un choix collectif et un choix individuel et de limiter le gaspillage. C’est un moyen beaucoup plus efficace que l’allocation administrative (qui prétend savoir mieux que le consommateur ce qu’il veut) pour déterminer ce qui doit être produit. L’URSS l’a amplement démontré.

    A priori une monnaie martienne correspondant aux spécificités du marché martien serait le premier choix d’instrument. Cependant les personnes qui arriveront sur Mars et qui ensuite seront en relation avec la Terre, ne sortiront pas de l’œuf. Elles auront de l’épargne, certaines seront payées par leur société ou leur université, d’autres généreront leurs revenus exclusivement par leur production et leurs échanges sur Mars ; d’autres encore par leurs exportations vers la Terre.

    Lorsqu’ils reviendront sur Terre, les Martiens voudront non seulement utiliser leur expérience martienne mais aussi le capital qu’ils auront pu accumuler sur Mars (certains partiront même de la Terre pour cela !). Tout ceci entraine la prise en compte de monnaie(s) terrestre(s). La monnaie employée sur Mars pourrait être tout simplement le dollar mais cela ne sera possible que si les composants non-américains de la Colonie (personnes et capitaux) ne sont pas trop nombreux/importants.

    Dans le cas contraire, on pourrait imaginer une monnaie locale convertible dont la contrevaleur serait incontestable ; il faudra pouvoir vendre la monnaie locale contre la monnaie terrestre sans risque de perte, à tout moment. Dans ce cas, le mieux serait un panier de monnaies sous-jacentes actualisé en permanence comme les monnaies composantes.

    Un pari qu’il vaut la peine de prendre

    La réussite du pari d’une économie martienne n’est pas évidente. En fait, les premières années, un petit établissement pourrait vivre uniquement selon des considérations technologiques. Sur le long terme il faudra bien atteindre un équilibre des comptes tel que les communautés terriennes ou les investisseurs terriens qui auront fait le pari, soient récompensés.

    Il s’agit pour les investisseurs au sens strict de devenir bénéficiaires et pour les autres moins motivés par l’argent, de rentrer au moins dans leurs frais. Il faudra que les investisseurs et ceux qui voudront simplement vivre sur Mars soient suffisamment ingénieux pour trouver des sources de revenus adéquates pour générer de nouvelles richesses qui feront de la société martienne pour la Terre, non pas un boulet à trainer mais un partenaire intéressant.

    Rien n’est certain mais le monde tel qu’il évolue et qu’il change, est ainsi fait. Il est fait d’inventivité, d’opportunités, de risque pris, suivis d’échecs ou de réussites constatés monétairement. Espérons pour Mars… mais aussi pour la Terre. La réussite de l’entreprise sera dans l’intérêt de tous, même bien entendu de ceux qui resteront sur Terre, la réussite d’un établissement sur Mars serait un enrichissement pour tous.