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      Il n’y aura pas de transition énergétique sans progrès technologique

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 13 February, 2023 - 03:40 · 3 minutes

    Par Gilles David.

    Construire ou reconstruire des centrales nucléaires et modifier nos comportements ne suffira pas à changer la donne. Avec seulement 0,9 % des émissions mondiales de CO 2 , la France n’aura presqu’aucun impact sur la nécessaire transition écologique mondiale.

    Pour vraiment être moteur, il nous incombe de mobiliser nos scientifiques et ingénieurs pour développer les nouvelles technologies nécessaires et de remettre en cause les dogmes de la décroissance. Toujours pionnier en la matière, notre pays a le devoir moral de porter haut les couleurs du progrès technologique face aux menaces de théories malthusiennes qui se répandent.

    Emission de CO 2 et croissance du PIB : une corrélation démentie

    Si, historiquement, il est établi que les émissions de CO 2 sont liées à la quantité de ressources économiques dont une civilisation dispose (cf. Edgar Hertwich « A Global, Trade-Liked Analysis, Environmental Science and Technology » 1 ), cette théorie est désormais démentie pour les pays aux PIB les plus élevés. Preuve en est que parallèlement à une baisse drastique de leurs émissions ces économies ont malgré tout connu une croissance économique. C’est le cas, notamment, du Royaume-Uni dont le PIB par habitant a progressé entre 2009 et 2020 .

    Figure 1  : Évolution des émissions de CO₂ par habitant et du PIB, Royaume-Uni

    Dans ce cas précis, le remplacement des énergies fossiles par des énergies à faibles émissions, dont le nucléaire n’est qu’une des facettes, en est la principale explication. Preuve que certaines technologies peuvent s’avérer plus efficaces que certains discours mortifères.

    En finir avec l’illusion de l’épuisement des ressources

    Ce mythe ne date pas d’hier puisque déjà au XVIII e siècle William Stanley Jevons théorisait un déclin rendu inévitable du fait d’un manque de ressources naturelles disponibles, conséquence d’un niveau de vie des populations en forte progression 2 . Cette théorie fait le lit de nombre de décroissants mais est pourtant contredite par les faits.

    Ainsi, depuis 2010, la consommation d’électricité domestique par habitant n’a cessé de baisser dans les pays occidentaux. Ce phénomène résulte d’importants gains en termes d’efficacité énergétique. Aujourd’hui, les ménages américains consomment ainsi moins d’électricité qu’il y a cinq ans.

    Il s’explique par le fait que plus de 450 millions de LED y ont été installées à ce jour contre moins d’un demi-million en 2009. Idem avec les ampoules fluocompactes (CFL) encore plus courantes, et que plus de 70 % des ménages utilisent.

    Pourtant, en matière d’efficacité énergétique dans un pays comme le nôtre, le potentiel reste énorme et très sous-exploité, parce que le coût de l’énergie était, est et sera peut-être encore demain, à un prix trop bas pour être économisé.

    Autre mythe auquel il convient de tordre le cou pour, enfin, donner toute sa place au progrès technologique : le Peak Oil ou pic pétrolier. Depuis longtemps, des experts cherchent à déterminer le moment où les réserves mondiales d’hydrocarbures commenceront à décliner. Hélas, annoncé depuis toujours, ce moment risque de se faire attendre. Malgré les tensions géopolitiques, les instabilités spéculatives ou les crises traversées par certains pays, leur succès ne se dément pas 3 . Pire, depuis 2008, la production mondiale de pétrole a même progressé plus vite que la demande.

    En réalité, le Peak Oil se produira bien mais pas pour les raisons avancées par les partisans de la décroissance. Il sera le résultat d’une raréfaction de la demande et non de la ressource, raréfaction provoquée par le progrès technologique. N’avons-nous pas arrêté de chasser la baleine lorsque d’autres alternatives plus efficaces et moins coûteuses ont permis de s’éclairer ?

    1. Edgar G. Hertwich and Glen P. Peters, Carbon Footprint of Nations: A Global, Trade-Linked Analysis, Environmental Science and Technology (2009)
    2. Missemer, A. (2015). La peur du déclin économique face à l’épuisement des ressources naturelles, de W. Stanley Jevons à Herbert S. Jevons (1865-1915). Revue économique, 66, 825-842.
    3. Orsenna, E. (2014). L’énergie nucléaire, une solution à ne pas écarter. Dans : L. des économistes & E. Orsenna (Dir), Un monde de ressources rares (pp. 83-92).
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      Ségolène Royal ne regrette rien

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 February, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Ce mardi 7 février 2023, celle qui se vit un temps la Michelle Bachelet française ne laisse à personne le soin de décliner son panégyrique de femme d’État à la Commission d’enquête parlementaire Souveraineté et indépendance énergétique de la France .

    Elle déclare que sa mission devant l’éternel fut de lancer une massive stratégie bas carbone permettant à notre pays de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, dessein national célébré en grande pompe par une COP21 réputée devoir rester dans l’Histoire.

    La stratégie a consisté à développer une énergie propre, sûre et la moins chère possible de même qu’à en limiter drastiquement la consommation nationale ; une énergie propre essentiellement renouvelable – ça va de soi  – devant occuper 32 % de nos capacités totales de production à l’horizon 2030. Quant aux économies d’énergie, priorité des priorités sans laquelle toute croissance économique serait compromise, on ne mégote pas : diviser par deux notre consommation énergétique de 2012, à l’horizon 2050 !

    Peu importe à la sémillante militante climatique investie de responsabilités qu’on n’aurait jamais dû lui confier que, au-delà de 30 % d’énergie non pilotable, tout système électrique devient ingouvernable, que s’affranchir de ce seuil rédhibitoire devient dangereux, les Américains de l’État de New-York en sachant quelque chose.

    Les grandes manœuvres économiques et sociales ci-après furent donc déployées dès 2015 : la finance verte sous l’impulsion de banques et d’assurances paraît-il traumatisées par la difficulté croissante de dédommager les sinistrés climatiques, au moyen de green bonds jusqu’à 11 milliards d’euros ; un État locomotive ne se privant pas d’appels à projets essentiellement éoliens, tout en évitant d’opposer les énergies entre elles… l’important étant la moins chère ; lyrique appel aux collectivités territoriales à renouer avec les grandes heures de la reconstruction du pays – aménagement hydraulique décidé par le CNR… – et aux femmes, premières victimes du réchauffement climatique, selon l’ancienne ministre.

    On laissera le Français moyen apprécier ce que lui aura coûté et n’a pas fini de lui coûter sa contribution à la lutte planétaire contre le réchauffement climatique, en ayant à l’esprit que la Chine est responsable de 28 % des émissions totales de CO 2 , les États-Unis de 15 %, l’Allemagne de 2,3 %… et la France de seulement 0,9 %.

    À la question de savoir quelle fut sa vision énergétique prospective, en termes d’équilibre production-consommation, et quel était le pilotage mis en œuvre d’une diminution de notre nucléaire à 50 % de la production totale, à échéance 2025, madame Royal se contente de scander « économie d’énergie » et « investissement massif dans les renouvelables ». Selon elle, à l’instar des pionniers de l’éolien et du photovoltaïque que sont Espagnols et autres Chinois, une France pouvant devenir le champion mondial de l’isolement des bâtiments doit être visionnaire ; et de regretter « l’occasion manquée » de l’hydrolien.

    La dame se lance ensuite dans un surréaliste réquisitoire contre notre nucléaire, après qu’on lui ait rappelé sa déclaration de 2011 disant que la France peut sortir du nucléaire en 40 ans et sa déclaration de 2014 disant qu’on ne le peut pas ! Je confirme la sortie possible en 40 ans, s’exclama-t-elle, j’ai toujours été contre l’EPR de Flamanville, contre celui de Penly et contre ASTRID, car mon seul objectif est le développement des renouvelables, un point c’est tout. Si nous avions davantage investi dans ces dernières nous n’en serions pas où nous sommes.

    Plus on investit dans les renouvelables, continue-t-elle, plus le prix de leurs KWh baisse, le contraire dans un nucléaire devenu plus cher que l’éolien et ne nous garantissant aucune autonomie énergétique, dans la mesure où son combustible, l’uranium, est importé. On convie l’ex-ministre des Transitions à prendre connaissance par elle-même du mix électro-énergétique diffusé en permanence par RTE pour constater ce que produisait, ce jour à 9 h 15 précises, une puissance éolienne équivalente à celle de 20 tranches nucléaires, soit 5 % de la consommation nationale !

    Par ailleurs, les déchets représenteraient un grave péril sanitaire dont la gestion par enfouissement, à Bure, est irresponsable. Songez donc : des radioéléments dont la période de décroissance radioactive est de 200 000 ans, quand les pyramides n’ont que 3000 ans !…

    Peut-être faudrait-il attirer l’inquiétude de madame Royal sur le potassium 40 conférant l’essentiel de sa radioactivité à tout organisme humain, dont ladite période est de 1,26 milliard d’années ! Quant à sa prétendue irréversibilité du stockage profond, c’est une flagrante contrevérité.

    Le rapporteur : Sur quels éléments techniques vous êtes vous basée pour considérer tenable de limiter le nucléaire à 50 % et être en mesure de nous prémunir contre l’effet falaise ? Ce que monsieur Brottes et le directeur général de l’énergie n’ont pas jugé crédible.

    Réponse : Cet objectif doit être considéré comme la résultante d’une politique de développement des renouvelables dont monsieur Brottes est allé jusqu’à envisager un scénario à 100 % de ces dernières ! Alors…

    Le rapporteur : Confirmez-vous que vous étiez opposée à l’inscription de la fermeture de 11 réacteurs dans le PPE, ce que firent selon vous vos successeurs, et confirmez-vous qu’on vous a imposé la fermeture de Fessenheim ?

    Réponse : Oui, malgré que ma priorité fut le développement des renouvelables.

    Le rapporteur : Quelles étaient les raisons avancée pour fermer Fessenheim et quel était votre programme de réhabilitation du site ?

    Réponse : Ces raisons étaient que la centrale connaissait très souvent des pannes, ce dont le rapporteur a mis madame Royal en demeure d’apporter toutes affaires cessantes des preuves inexistantes , que ses normes de sécurité étaient dépassées et que se posaient des problèmes d’étiage du Rhin. Pour autant, l’auditionnée dit avoir subordonné la fermeture des deux tranches alsaciennes au démarrage préalable de Flamanville 3. Je voulais faire de ce site un pôle d’excellence du démantèlement et y installer une usine Tesla franco-allemande.

    Hélas, la réalité d’une forfaiture semblable à celle de Superphénix reste inavouable par quelqu’un qui s’en fit le complice, fût-ce à son corps défendant. On en trouvera le contenu dans l’article « Fessenheim : la rançon électorale à 10 milliards d’euros ».

    Sur l’ARENH

    Sans surprise, Ségolène Royal mit en cause le délire libéral d’une Union européenne obsédée par la privatisation de tout marché, traduite chez nous par l’instauration du racket organisé d’EDF.

    « De 2014 à 2017, vous avez pourtant eu largement la possibilité que vous n’avez pas saisie de mettre au pas des racketteurs pudiquement appelés fournisseurs fit remarquer le député Francis Dubois, en augmentant sensiblement le prix d’achat du KWh extorqué (terme utilisé par l’auteur de ces lignes) et en diminuant le volume auquel ils peuvent prétendre. »

    L’intéressée objecta qu’on n’agit pas avec autant de désinvolture avec des contrats de ce type, un argument que le député battit aussitôt en brèche, faisant remarquer qu’elle avait eu en main le rapport Ladoucette – le patron de la CRE – rappelant que ces contrats sont révisés tous les ans et qu’il y avait absence d’arbitrage de la part d’Emmanuel Valls.

    Sur les concessions hydrauliques

    Le député Jean-Philippe Tanguy évoqua le blocage de tout développement hydraulique dont est responsable un accord ni fait ni à faire sur les concessions de barrages, signé il y a 20 ans avec l’UE. Cette paralysie règlementaire empêche tout investissement, comme celui évoqué en séance d’un aménagement de la Dordogne privant le pays d’une ou plusieurs STEP d’une puissance totale de 5 à 6 GW. « Vous a-t-on informée d’un tel potentiel hydraulique en déshérence » demanda le député à l’ancienne ministre ?

    Cinglante, la réponse d’un rare cynisme mettant vertement en cause Jean-Bernard Lévy accentua ainsi le persiflage pratiqué à son égard et à l’égard d’EDF, tout au long de l’audition : depuis quand le patron d’une entreprise nationale a besoin de l’autorisation de tel ou tel ministre pour procéder aux investissements incombant à cette entreprise ? Je reconnais que cette dernière va avoir fort à faire pour implanter de nouveaux réacteurs dont personne ne veut… Sans commentaire.

    Non, chère lectrice et cher lecteur, vous ne rêvez pas : c’est bien à ce personnage que la France doit aujourd’hui son indigence énergético-économique, personnage que l’impéritie et l’incurie au pouvoir depuis plus de 30 ans n’ont rien trouver de mieux que nommer plusieurs fois ministre.

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      EDF face à l’accès régulé à l’électricité nucléaire

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 February, 2023 - 03:40 · 4 minutes

    Beaucoup de monde semble maintenant comprendre ce qu’est l’ARENH, autrement dit l’accès régulé à l’ électricité nucléaire historique. Cet objet économique d’un curieux genre a été inventé par la France pour répondre aux accusations de monopole envers EDF par la Commission de la concurrence européenne.

    La Commission était de mauvaise foi. En effet, si EDF était bien en situation de monopole en France, ce n’était pas le cas en Europe. Or, sur tous les autres sujets concernant l’électricité, en particulier les prix, c’est la plateforme interconnectée européenne qui est considérée, dans laquelle EDF ne répond plus aux critères de monopole.

    Au lieu d’argumenter sur cette incohérence, la France a proposé l’ARENH . C’est en fait l’obligation pour EDF de mettre sur la marché 100 TWh, soit environ 25 % de sa production à un prix fixé par une instance externe et calculé d’après des coûts estimés du nucléaire. L’idée du gouvernement français était de « créer » des concurrents à EDF, dans un premier temps complètement artificiels, avec l’espoir que ceux-ci investiraient dans de nouvelles unités de production avec les gains obtenus via l’ARENH.

    Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Les nouveaux concurrents d’EDF se sont contentés d’enregistrer des gains indus en profitant, selon les périodes et les prix du « vrai » marché, soit de l’ARENH, soit du marché. Pourquoi auraient-ils investi alors qu’ils gagnaient des fortunes, récupéraient des clients, avec une simple activité de trading ?

    Abus de bien social ?

    Or, le prix calculé est un prix calculé pour des installations amorties dont l’investissement a été entièrement financé par l’entreprise, donc par ses clients. L’État n’a pas mis un seul franc ou euro dans cette affaire. Il eût été équitable que les clients historiques puissent bénéficier pleinement de leur effort antérieur après remboursement de la dette. On les prive indirectement de 25 % des gains.

    En outre, tout ceci pour provoquer délibérément une baisse de chiffre d’affaires d’EDF au profit de pseudos concurrents. À une certaine époque, EDF perdait un million de clients par an.

    Cela s’apparente à un abus de bien social, le bien social ici étant des parts de centrales amorties virtuellement cédées sans contrepartie à de nouveaux entrants.

    Et cela s’ajoute à un autre genre d’abus social : la fermeture de Fessenheim , décidée par EDF sous la contrainte de l’État, alors que la centrale était encore parfaitement capable de produire pendant des années.

    La situation nouvelle

    Avec l’envolée artificielle du prix de l’électricité, créée ex nihilo et sans rapport avec la réalité par des algorithmes infondés, les traders demandèrent davantage d’ARENH ! Et contre toute attente, on accéda à leur demande.  On leur attribua 120 TWh au lieu de 100 TWh. Le problème est que beaucoup de clients échaudés revinrent vers EDF qui se retrouva avec plus de besoins et moins de production à sa disposition. On ajouta de l’abus à l’abus. En caricaturant, on pourrait dire qu’actuellement EDF est obligé d’acheter à plus de 100 euros sur les marchés pour offrir du 46 euros à ses concurrents !

    Trop, c’était trop. EDF déposa une requête auprès du Conseil d’État. Le juge administratif  vient de donner ses conclusions.

    « Prise dans un contexte exceptionnel pour contenir la hausse des prix, [le juge administratif suprême] estime que cette mesure n’est pas excessive pour atteindre les objectifs de libre choix du fournisseur et de stabilité des prix, qu’elle ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre d’EDF et qu’elle ne méconnaît pas le droit de l’Union européenne »

    Le texte vaut son pesant de cacahouètes ! La stabilité des prix ? Mais c’est tout le marché européen qui est hors contrôle… plus personne ne peut stabiliser quoi que ce soit, avec ou sans ARENH… Et est-ce que cette situation peut s’éterniser ? Bien sûr que non. L’État ne pourra indéfiniment subventionner les prix pour réguler les tarifs, ni laisser EDF partir à la faillite.

    L’autre mot qu’il faut retenir du texte est « fournisseur ». Qu’appelle-t-on fournisseur ? Très peu des concurrents d’EDF produisent réellement. Et ce sont RTE et ENEDIS, filiales d’EDF, qui assurent le transport et la distribution. En réalité, les concurrents d’EDF sont en majorité des traders et des vendeurs. Cela ne concerne que quelques pour cent du prix au consommateur, cette pseudo concurrence s’exerce donc par nature sur une fraction infime des prix et ne peut en aucun cas provoquer en moyenne des baisses durables.

    La suite

    EDF compte poursuivre la procédure.

    Ce n’est pas « Kramer contre Kramer », mais « État contre État » puisque EDF est en passe d’être nationalisée.

    Décidément, nous vivons une époque formidable.

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      Il faut libéraliser le marché de l’électricité (2)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 February, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    Un article de l’Iref-Europe.

    Première partie de cet article ici .

    Des voies et des moyens

    Par suite de la douceur des températures au début de l’hiver et des efforts de réduction des besoins, dans le sillage d’une réduction du prix du gaz, de 300 euros le mégawattheure (MWh) en août 2022 à un prix plus proche 70 euros le MWh, les tarifs de l’électricité sur les marchés de gros se tassent : ils sont montés à 700 euros le MWh l’été 2022 et le 23 janvier 2023 à 121,48 euros en prix spot du lendemain.  Mais la baisse des prix exprime aussi la décélération de l’économie, ce qui est moins bon signe. Et les aléas du climat peuvent nous réserver des surprises.

    Une solution provisoire a été adoptée par l’Espagne d’abord puis par l’Europe pour bloquer le prix du gaz. Mais c’est une solution mauvaise à long terme, notamment parce qu’elle risque de réduire l’approvisionnement en gaz de l’Europe qui doit importer 90 % du gaz dont elle a besoin. La Commission européenne a pris conscience du besoin de réformer le marché électrique : « Nous travaillons à une intervention d’urgence et à une réforme structurelle du marché européen de l’électricité », a dit Mme Ursula von der Leyen le 29 août 2022. Mais on attend toujours.

    L’efficacité de la concurrence

    L’électricité est aujourd’hui aussi importante pour un pays que l’était – et l’est toujours autrement – le blé autrefois. Et malgré cette malchance, pour lui, que ses réformes de libération du marché du blé aient eu lieu au cours de deux années de disette, Turgot a démontré que sur le fond et dans le temps, il avait raison de vouloir instituer « la liberté du commerce, qui seule peut, par son activité,  procurer des grains dans les cantons où se feraient sentir les besoins, et prévenir, par la concurrence, tout renchérissement excessif » (Arrêt de Turgot du 22 avril 1774). C’est la concurrence mondiale qui nous permet aujourd’hui d’avoir partout la possibilité d’acheter du blé.

    Il faut donc réfléchir aux moyens de revenir à un vrai marché de l’électricité plutôt que le marché administré d’aujourd’hui qui recèle les défauts, plutôt que les qualités, des deux systèmes qu’il essaie vainement de concilier.

    Dans de nombreux pays, les centrales nucléaires elles-mêmes sont confiées à la construction et à la gestion d’entreprises privées. C’est le cas aux États-Unis où la plupart de la centaine de centrales existantes sont gérées par des entreprises privées (Exelon, Entergy, Duke Energy…). La Suède faisait gérer ses quatre centrales par la société allemande UNIPER, une société privée jusqu’aux difficultés subies par celle-ci après l’abandon du nucléaire en Allemagne et à la crise du gaz. L’Espagne a confié à deux entreprises privées, Iberdrola et Endesa, la gestion de son nucléaire dont elle veut sortir (sauf si la crise actuelle devait la faire changer d’avis).

    La France pourrait donc utilement sans doute démultiplier ses opérateurs, voire ses maîtres d’ouvrage, notamment pour ses nouvelles installations nucléaires. La concurrence est toujours créatrice de nouvelles offres et de solutions innovantes que les monopoles et oligopole ont de la peine à faire émerger.

    La vérité des prix

    La concurrence qui s’établirait entre opérateurs ne pourrait toutefois être stimulante que si chacun était libre de ses prix.

    Ne faudrait-il pas alors que chaque opérateur ne soit autorisé à exercer sur le marché que s’il peut garantir sa capacité à délivrer l’électricité requise par ses clients par lui-même y compris à la pointe. C’est-à-dire que chacun devrait disposer d’une capacité à la pointe. Les fournisseurs d’énergies intermittentes devraient ainsi pouvoir offrir d’autres sources d’énergie en cas d’arrêt sauf à subir des pénalités dissuasives. Il est probable qu’on verrait fleurir moins d’éoliennes, ce qui améliorerait la fluidité du marché.

    Les prix moyens, plutôt que celui de la dernière centrale, pourraient tenir compte de ce risque de production à des tarifs plus élevés. On éviterait la volatilité des prix de 2022 tout en incitant chacun à investir pour disposer de moyens de production globalement économiques

    Une augmentation des capacités de production

    L’Europe qui importe 90 % de son gaz pourrait chercher à développer son gaz de schiste en fixant les conditions pour que cette exploitation soit peu nuisible.

    Mais il y a surtout urgence à prévoir le renouvellement, voire l’extension de notre parc nucléaire. À cet égard, le récent vote du Sénat pour fixer un plancher à 50 % de nucléaire plutôt qu’un plafond va dans le bon sens, de même que l’annonce de M. Macron d’un plan de construction de six réacteurs EPR (plus huit posés en option) à déployer en urgence. Il faut aussi dès à présent prévoir le renouvellement à terme des centrales actuelles. Des sociétés privées pourraient utilement financer ces projets.

    La recherche doit être privilégiée dans ce domaine crucial pour améliorer les modes de production nucléaire, en trouver de nouveaux (mini réacteurs), développer les solutions de recyclage et enrichissement d’uranium où la France est déjà très riche de compétences (ORANO)…

    Il faut travailler bien entendu à la découverte de nouvelles énergies et à leur stockage. Et pour ce faire, il faudrait peut-être commencer par moins taxer la production d’énergie pour lui donner les moyens de la recherche et de l’investissement.

    Des taxes plus raisonnables

    L’électricité est surtaxée . Le prix de détail de l’électricité intègre en France deux contributions, la contribution tarifaire d’acheminement CTA et contribution au service public de l’électricité  CSPE, ainsi que deux taxes, sur la valeur ajoutée (TVA) et sur la consommation finale d’électricité. Au total, sur les tarifs non réglementés, les taxes représentent 34 % du prix payé par le consommateur. En résumé, le prix de l’électricité payé par les consommateurs résidentiels se répartit en un tiers pour la part fourniture, un tiers pour le transport et la distribution et un dernier tiers pour les taxes. Il n’y a aucune raison que le produit essentiel qu’est l’électricité soit plus taxé que les autres.

    Certes, la question est encore de savoir si et comment on peut sortir de nos accords européens actuels. Mais la décision est politique et question de volonté. L’évolution du marché ne se fera pas sans quelques délais et s’il fallait encore administrer une partie du marché électrique, il serait sans doute préférable de subventionner seulement les centrales de dernières sources pour réduire le prix de référence imposé aujourd’hui. Mais il ne faut pas attendre pour décider d’une réforme en profondeur.

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      Électricité : les renouvelables créent une hausse des prix

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 February, 2023 - 04:15 · 4 minutes

    On sait depuis longtemps que la multiplication des énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque) entraîne une hausse du coût moyen de la production de l’électricité. La forte corrélation entre poids des renouvelables dans le mélange électrique et niveau des prix de l’électricité le suggère : à faible poids, prix bas (Hongrie) ; à poids moyen, prix moyen (France) ; à poids considérable, prix élevé (Allemagne).

    On sait également que l’année 2022 a montré qu’à cette inflation par les coûts s’ajoute une inflation par la mécanique du marché de gros européen. Les prix de l’électricité en Europe ont été largement déconnectés des coûts de production de l’électricité. En France, par exemple, le coût moyen de production a augmenté d’environ 15 % (du fait de l’augmentation du prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité) alors que le prix de vente moyen a augmenté d’environ 130 %. Cette augmentation des prix de vente provient principalement de la généralisation du prix qui s’établit sur le marché européen de l’électricité à l’ensemble des prix de l’électricité en Europe. En 2022 ce prix a été largement celui de la production des centrales au gaz allemandes .

    Ce que l’on sait moins, c’est qu’il y a une double relation causale entre les renouvelables et cette mécanique infernale :

    • la hausse du prix du gaz est liée au développement des renouvelables,
    • le marché européen a été conçu dans le but de favoriser ces mêmes renouvelables.

    L’éolien et le photovoltaïque sont intermittents

    Durant la majorité des heures de l’année, le vent ne souffle pas et le Soleil ne brille pas. Qui plus est, en particulier pour l’éolien, cette intermittence est aléatoire car on ne sait guère longtemps à l’avance quand les installations vont produire. Pour répondre à la demande, notamment de pointe, il faut donc avoir sous le coude des centrales capables de démarrer instantanément. Les centrales les mieux adaptées à cette tâche sont les centrales au gaz qui est ainsi un complément nécessaire aux renouvelable. Plus de renouvelables, c’est davantage de gaz.

    L’ Allemagne , mais aussi l’Italie et l’Autriche étaient et sont toujours des pays très dépendants des importations de gaz, et en particulier de gaz russe. La décision de Gazprom de diminuer brutalement ses ventes de gaz à ses clients européens a évidemment fait flamber le prix du gaz en Europe, et le prix de l’électricité au gaz sur le marché européen de l’électricité.

    Cet enchaînement maintenant bien connu n’explique pas la contagion de la hausse des prix dans le reste de l’Europe et notamment en France. La part de notre électricité achetée sur le marché européen est faible (même si elle a augmenté en 2022 du fait de l’indisponibilité temporaire d’une vingtaine de nos centrales nucléaires) et de plus l’essentiel de ces achats se font de gré à gré, hors marché.

    Cela aurait dû nous protéger de la contagion. Si cela n’a pas été le cas, c’est à cause d’une « règle » particulière de ce marché européen. La Cour des comptes européenne, qui n’est pas suspecte d’hostilité à ce marché et à cette règle, la présente en ces termes :

    « Toutes les offres de fournisseurs ayant trouvé preneur […] doivent être rémunérées au même prix que l’offre la plus élevée qui équilibre le marché ». 1

    D’où sort cette règle ?

    La Cour des comptes européenne mange le morceau et avoue clairement :

    « Cette méthode vise à faire en sorte que les producteurs d’énergie verte dégagent un bénéfice, et donc un retour sur investissement, ainsi qu’à accroître l’approvisionnement en énergie produite à partir de sources renouvelables».

    Pour faire plaisir aux industriels de l’éolien et du photovoltaïque, les achats obligatoires à prix rémunérateurs (qui existent dans la plupart des pays européens, notamment en France) ne suffisent pas, peut-être parce qu’ils sont trop voyants. L’Union européenne a tenu à les renforcer par des prix élevés totalement déconnectés des coûts de production.

    Les prix élevés de l’électricité qui ruinent les ménages et les industries européennes ne sont donc pas seulement une conséquence imprévue des renouvelables, ils sont au contraire une cause voulue, un moyen conscient de la multiplication des renouvelables. Les boucliers énergétiques dont nos gouvernants dotent à grands frais les consommateurs ne servent qu’à les protéger des flèches et des javelots que ces gouvernants eux-mêmes ont systématiquement et savamment décochés.

    Le gouvernement actuel n’est pas à l’origine de cette absurdité mais il la perpétue. Le président déclare que « l’électricité doit être vendue aux Français à un prix qui correspond à son coût de production », mais en même temps il fait voter le doublement rapide des renouvelables et ne remet pas en cause le mécanisme inflationniste du marché européen qui a la double vertu d’être un marché et d’être européen.

    1. Cour des comptes européenne 2023. L’intégration du marché intérieur de l’électricité . Encadré n°1, p. 33.
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      Électricité : analyse du mois de janvier 2023

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 February, 2023 - 03:50 · 3 minutes

    Sur ce diagramme de RTE (site eCO 2 mix) on voit clairement les mécanismes en jeu du fait des énergies intermittentes. Mais il y a d’abord plusieurs constatations générales à en tirer.

    Considérations générales sur l’électricité

    La consommation reste faible, en particulier la deuxième quinzaine de janvier. Certes, le froid n’a pas été vraiment là. Les maxi à la pointe ont été d’à peine 80 GW. Tout laisse à penser que si les Français ont sans doute commencé à se restreindre c’est malheureusement surtout l’activité économique qui est en berne.

    EDF a quasiment gagné son pari : fin janvier on est à 44 GW de nucléaire. Toutefois, nous savons que l’avenir continuera à être très difficile, entre les grèves, les réparations de tuyaux, les visites décennales, les rechargements de combustible complètement désynchronisés à cause de tout cela, plus le covid… et le manque de personnel.

    D’après les membres de l’association PNC (Patrimoine nucléaire et climat), dès le mois de mai le parc aura 22 tranches à l’arrêt. Or l’expérience montre qu’EDF et ses partenaires n’ont les moyens humains que pour traiter 15 arrêts simultanés. Au-delà c’est l’engorgement et les retards se multiplient. Cette perspective est inquiétante. En attendant, en février, on peut estimer notre capacité « pilotable » mobilisable les nuits sans vent, à 60 GW. Ce n’est pas beaucoup !

    Le passage des pointes de la semaine, qui ont atteint 82 GW, lundi 25 janvier, a été délicat. D’après PNC, les contrats EJP et tempo ont été activés plusieurs jours consécutifs. Les déstockages d’eau ont dépassé 17 GW à la pointe ; les turbines de pointes ont été sollicitées, ce qui signifie que ce moyen de secours pour faire face à la perte d’une tranche de 1300 MW devient d’une utilisation courante ; toutes les centrales à gaz plus la cogénération ont apporté 9 GW, le charbon 1,7 GW et nous avons importé jusqu’à 8 GW. Impossible de savoir si des effacements industriels ont été opérés, ni si la tension a été abaissée. Le site de RTE ne donne pas ces informations pourtant très importantes.

    Électricité : quid du solaire et de l’éolien ?

    Ils nous ont joué un bon tour.

    La première quinzaine de janvier il y avait du vent (jusqu’à 14GW,) mais avec des interruptions spectaculaires il est vrai. Mais on n’avait ni froid, ni activité. Et pile à mi-janvier, avec une remontée assez forte de la consommation, patatras ! Chute quasi instantanée du vent !

    Cela illustre bien qu’avec l’intermittence, on a du courant, certes, mais pas quand il nous le faut, en tout cas pas toujours.

    Les conséquences

    EDF a réagi rationnellement. Plutôt que de faire faire le yoyo au nucléaire et compte tenu des prix spots, la première partie du mois nous avons exporté essentiellement vers l’Angleterre, l’Italie, la Suisse.

    Mais lorsque le vent est tombé, nous avons importé d’Allemagne. Autrement dit nous avons exporté du vent et importé du charbon. On ne saurait mieux dire ! Dans cette situation de janvier, le vent ne nous a été d’aucun intérêt, quand il ne soufflait pas bien sûr, mais aussi quand il soufflait !

    Et la finance, dans tout ça ?

    L’évolution des prix est spectaculaire, elle aussi. On voit bien certains passages à prix nuls. Et on a exporté à 120 euros/MWh et importé à 175 euros/MWH en moyenne. Belle opération !

    Électricité : les Allemands raflent la mise

    Contrairement à la France, les Allemands ont gardé toute leur capacité pilotable en termes d’électricité. Les 130 GW qu’ils ont installés en éolien et solaire sont en plus de leur capacité normale.

    Ils profitent à plein du manque de capacité en Europe et de la fixation de prix débiles. Entre Energiewende (Transition énergétique) et Ostpolitik (gaz russe) ils ont créé la crise et contre toute morale (si tant est qu’il y ait une morale en énergie) ils en retirent des bénéfices.

    Faut-il les en blâmer ? Nous n’avons pas eu besoin d’eux pour nous mettre nous-mêmes dans une situation impossible.

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      La filière nucléaire de quatrième génération n’a aucun avenir

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 6 February, 2023 - 04:15 · 8 minutes

    Cette sentence sans appel a été prononcée ce mardi 31 janvier 2023 par Lionel Jospin , ancien Premier ministre de Jacques Chirac, devant la commission d’enquête parlementaire « souveraineté et indépendance énergétique de la France ».

    Le discours introductif de l’expert par procuration auquel la France doit la mise à mort du surgénérateur Superphénix, prend bien soin de tenir une distance académique avec chiffres et bilans permettant de structurer élégamment une langue de bois faite de poncifs et de généralités éculées. À aucun moment, l’homme ne s’est ensuite départi de sa distinguée rhétorique.

    D’emblée, il assène l’affirmation selon laquelle notre pays n’aurait subi aucune perte d’indépendance énergétique sur la période 1997-2002 et aurait même bénéficié du renforcement de cette dernière ( minute 30 ). Depuis quand l’effet de dispositions politiques sur notre indépendance énergétique se mesure par autre chose que par le surcroît ou le défaut de MWh exportés et importés, enregistrés à distance de ce qu’on est censé avoir fait pour la servir ou pour ne pas l’affecter ?!

    L’ancien premier secrétaire du PS énonce dans la foulée en quoi cette indépendance aurait été sécurisée par son gouvernement :

    • Développement de l’usage du MOX généreusement autorisé par une ministre Dominique Voynet couverte d’éloges (femme rationnelle, intelligente…), réputé être l’alternative à Superphénix ;
    • Préparation de l’aval du cycle combustible par le montage du dossier de création du site de stockage des déchets à Bure ;
    • Préparation et montage du dossier de création de l’IRSN et de l’ASN qui déboucha en 2006 ;
    • Augmentation de 50 % du budget de l’ADEME, en réponse à une brutale augmentation des prix du pétrole en 2000 ( minute 47 ) !

    Sauf que le MOX – mixed oxides , mélange constitué d’environ 92 % d’uranium appauvri et de 8 % de plutonium – n’est qu’un pis-aller condamnant EDF à valoriser tant bien que mal le plutonium produit par des réacteurs PWR ne disposant plus de l’exutoire de consommation prévu au départ, le surgénérateur. De plus, les combustibles MOX usés ne se recyclant pas indéfiniment deviennent difficiles à traiter, la présence croissante d’isotopes indésirables du plutonium rendant l’opération industrielle de plus en plus délicate.

    Quant à se féliciter de la création de cette ASN indépendante , on invite le lecteur à lire l’article intitulé « La souveraineté absolue de l’Autorité de Sûreté Nucléaire en question » pour se faire une idée de ce que coûte cette indépendance à notre pays, et à lire l’ article intitulé « ASN et CNDP : les leurres démocratiques fatals à notre nucléaire » pour savoir comment on a troqué de réelles compétences techniques et industrielles de contrôles pour des compétences notariales et policières de haut niveau universitaire.

    Question du président de la commission à l’ancien Premier ministre

    Quelle était la préoccupation énergétique immédiate et prospective de votre gouvernement, par quoi s’est-elle concrètement traduite dans la politique énergétique que ce dernier a tracée pour le pays ?

    La vacuité du bavardage qui s’ensuit, en guise de réponse, a manifestement pour objet de détourner le regard de l’œuvre en trompe-l’œil de l’historique père des prix durablement et confortablement garantis à l’éolien, l’ inénarrable Yves Cochet .

    Question du président de la commission à l’ancien Premier ministre

    Comment s’accommoder d’une prise de distances avec le nucléaire quand on se préoccupe autant que vous de l’impératif de baisse de CO 2 ?

    À nouveau évasif l’interrogé se réfugie derrière la considération suivante :

    Le climat des idées étaient alors à la baisse de la consommation, à la sortie des énergies carbonées, en même temps qu’à une grande méfiance à l’égard d’un nucléaire auquel Dominique Voynet préférait malgré tout le charbon, à cause des déchets et du risque accidentel

    Quid de l’aventureuse création d’AREVA à laquelle on doit une concurrence suicidaire avec EDF et les fiasco EPR que l’on sait, en Finlande et en France ?

    Lionel Jospin invoque la signature par Chirac de la Directive européenne 96/92/CE à laquelle il dut se plier. Pour ce qui est de la nomination d’Anne Lauvergeon à la tête de la nouvelle entreprise et celle de François Roussely à la tête de l’opérateur historique, il invoque le privilège accordé à un chef de gouvernement de savoir choisir ses capitaines d’industries pour leurs compétences. S’agissant de l’hypothèse évoquée de construire un EPR sur le site de Le Carné, en Bretagne, il déclare qu’aucune demande de ce type ne lui fut formulée par le PDG Roussely.

    Le plat de résistance de l’audition de l’ancien Premier ministre : le prétendu échec de Superphénix

    En substance, Lionel Jospin dit ceci : jamais Superphénix n’a connu de fonctionnement stable et la filière des réacteurs à neutrons rapides (RNR) – surgénérateurs ou pas – dits de quatrième génération n’a pas donné lieu jusqu’ici au moindre développement industriel.

    Pour preuve que cette filière n’a pas d’avenir, l’abandon du surgénérateur Monju par les Japonais, l’exploitation des déjà anciens BN600 et BN800 russes et le développement du China Fast Reacto 600 n’étant que publicité largement fabriquée par les offices d’information d’État de deux pays notoirement non-démocratiques.

    Sur ces bases, l’ancien Premier ministre prétend que sa décision de fermer Superphénix fut davantage fondée sur des considérations techniques et industrielles que sur des considérations politiciennes, voire clientélistes. À aucun moment il ne précise ces considérations, se réfugiant derrière l’argument selon lequel il était solidement conseillé par un groupe d’experts. On en attend encore d’autant plus les noms que lui est rappelé en séance la confidence de beaucoup de socialistes historiques – dont certains de ses proches – reconnaissant aujourd’hui que fermer le surgénérateur fut une erreur. À ce propos, on ne peut pas ne pas mentionner ici que la qualité d’expert a été dénié à quelqu’un comme Yves Bréchet par Julie Laernoes, députée EELV, au profit de celle de lobbyiste nucléaire accusé d’avoir inspiré la commission parlementaire.

    Si le lecteur ne doit se référer qu’à une seule des pièces auxquelles cet article renvoie, c’est sans conteste à la pièce suivante intitulée « Le sabordage de l’outil électronucléaire décrété par Matignon en juin 1992 » . Il y découvrira que Lionel Jospin et ses comparses jetèrent 16 milliards d’euros (en monnaie constante) – 13 pour un développement considéré comme abouti et trois en dédommagements – l’année où Superphénix resta couplé au réseau 250 jours d’affilée, en dépit d’un arrêt programmé de longue date pour réaliser un programme d’essais sur les barres de commande, affichant sur l’année un taux de disponibilité voisin de 96 %, le meilleur de l’ensemble du parc, avec une production de 3,7 milliards de kWh. Ceci est opportunément souligné par le député RN Jean-Philippe Tanguy.

    Ajoutons que, avant de prononcer péremptoirement le non-avenir de la filière RNR, un ancien Premier ministre de la France aurait dû avoir la prudente modestie de se souvenir qu’un surgénérateur français du nom de Phénix, refroidi au sodium et d’une puissance thermique de 563 mégawatts, a consciencieusement délivré au réseau français tout ou partie de ses 250 mégawatts électriques, de 1973 à 2010, tout en étant le siège d’études sur la transmutation des déchets radioactifs.

    Ce même Premier ministre aurait dû faire preuve de la plus élémentaire précaution consistant à s’assurer que la fermeture du réacteur Monju était ou non le signe de la désaffection définitive du Japon pour la filière RNR, lui ayant permis de découvrir qu’il ne l’ était pas et surtout que Monjou avait été développé de concert avec Superphénix, France et Japon partageant largement leurs recherche et développement sur la technologie concernée.

    En définitive, il y a quelque chose de pathétique et d’inquiétant à entendre cet ancien Premier ministre n’ayant manifestement rien appris déclarer que :

    « D’après ce qu’on lui a dit, le nucléaire étant inapte au suivi de charge – y compris en pointe – on regrette (à demi-mot) que le programme « renouvelables » engagé sous son mandat soit aujourd’hui si peu avancé…

    À la fin des années 2000, le remplacement et la construction de nouvelles centrales ne « semblaient » pas s’imposer à son gouvernement…

    La création de l’ASN et de l’IRSN fut justifiée par le manque de transparence dans les décisions prises au plus haut niveau sur les questions nucléaires ; l’arrivée des écologistes dans un gouvernement ayant été une bonne chose de ce point de vue… »

    L’inquiétude de constater lucidement ce qui suit doit être partagée par le plus grand nombre possible de Français et surtout les amener à réagir sans délai pour éviter de préparer à leur pays des lendemains bien sombres : on réalise que depuis 20 ans les mêmes sont toujours peu ou prou aux manettes de la politique énergétique nationale, ou l’influent efficacement dans la presse mainstream , à savoir ceux qui à peu de choses près organisent l’épuisement de nos quelques 16 millions de tonnes d’uranium planétaires, de concert avec celui des réserves pétrolières et gazières pour la fin du siècle, comme recommandé ici par Lionel Jospin.

    Or, nos compatriotes ne voient pas qu’on confie aux amateurs hors sol émergeant de cette mouvance l’insurmontable gageure de doter le pays de réacteurs EPR hors de prix, à l’aide d’un complexe techno- industriel hors d’état et corseté par la gendarmerie ASN, avec des moyens financiers que le pays n’a plus, y compris pour renflouer un opérateur historique endetté jusqu’à la ligne de flottaison.

    Gageons que la vague de froid annoncée pour les prochains jours aide un maximum de Français à méditer le confort spartiate qui pourrait devenir le quotidien de leurs enfants…

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      Les écologistes préfèrent-ils les éoliennes en mer aux baleines ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 5 February, 2023 - 04:30 · 3 minutes

    Cet article est une traduction simplifiée d’un texte en anglais de Leighton Woodhouse et Michael Shellenberger paru sur Public le 29 janvier 2023 : « Why Environmentalists May Make This Whale Species Extinct »

    Pour les organisations écologistes, les éoliennes en mer semblent plus importantes que les baleines…

    Où est passé le principe de précaution ?

    Depuis l’adoption de la loi sur les espèces en voie de disparition de 1973, les écologistes se sont battus pour leur stricte protection. Ils ont exigé que le gouvernement applique le principe de précaution qui énonce qu’une activité humaine entraînant un risque pour l’extinction d’une espèce doit être illégale.

    Pourtant, 50 ans plus tard, un constat s’impose : l’ensemble du mouvement écologiste trahit le principe de précaution en risquant l’extinction de la baleine franche [traduction de « Right Whales » : baleine franche] de l’Atlantique nord.

    La cause de cette trahison environnementale réside dans d’immenses projets d’éoliennes industrielles au large de la côte est des États-Unis. Ces éoliennes géantes dont le sommet des pales atteindra trois fois la hauteur de la Statue de la Liberté se trouveront directement à l’intérieur de l’habitat océanique de la baleine franche de l’Atlantique nord.

    Il ne reste plus que 340 baleines, contre 348 un an plus tôt. Tant de baleines franches de l’Atlantique nord sont tuées par des facteurs d’origine humaine qu’il n’y a eu aucun cas documenté de mort de causes naturelles depuis des décennies. Leur espérance de vie moyenne est passée de 100 ans à… 45 ans. Une seule mort supplémentaire non naturelle pourrait entraîner la perte de l’espèce entière.

    Des implantations dangereuses

    L’exploration, la construction et l’exploitation de projets éoliens industriels, la pollution sonore sous-marine ainsi que les équipements complexes sont susceptibles de blesser et de tuer ces baleines, selon les scientifiques de la National Oceanic and Atmosphérc Administration (NOAA) du gouvernement américain.

    De même, la turbulence générée par les éoliennes pourrait endommager ou détruire les aires d’alimentation du zooplancton.

    La NOAA a cependant accordé à l’industrie éolienne les permis de constructions pour ces grands chantiers qui mettront en danger ces baleines en voie d’extinction.

    Les promoteurs éoliens exigent aussi des autorisations de vitesses plus élevées pour leurs bateaux afin d’éviter de construire des hôtels pour les travailleurs sur les sites, en plein milieu de l’habitat des baleines.

    Les défenseurs de ces éoliennes en mer affirment pouvoir réduire le bruit résultant de la construction du parc éolien.

    Cependant, un scientifique de la NOAA a déclaré que « les impacts des éoliennes installées et en fonctionnement ne peuvent être atténués pendant la durée de vie de 30 ans du projet à moins qu’ils ne soient mis hors service ».

    Les baleines disparaitront. Et alors ?

    D’autres scientifiques représentant aussi des groupes écologistes soutenant les projets d’énergie éolienne industrielle ont pourtant écrit en 2021 que « la population de baleines franches de l’Atlantique nord ne peut pas résister à des stress supplémentaires ; toute modification du comportement de recherche de nourriture peut entraîner des effets sur la population et représente une préoccupation majeure » .

    Un scientifique de la NOAA, Sean Hayes, a conclu que les projets d’éoliens industriels « pourraient avoir des effets sur la population d’une espèce déjà menacée et stressée »,

    Que signifie « des effets au niveau de la population » ?

    C’est simple, en un mot, sa disparition !

    Que se passe-t-il dans la tête des dirigeants écologistes ?

    Quelles sont les raisons qui poussent de grandes organisations écologistes à défendre des projets industriels pouvant conduire à l’extinction d’une espèce de baleine ?

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      50 % de nucléaire ? Un objectif vide de sens

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 1 February, 2023 - 04:15 · 14 minutes

    Les dernières discussions au Sénat ont « sauvé » l’objectif de 50 % de nucléaire… par rapport à un abandon pur et simple, évidemment. Cela a-t-il un sens ?

    Lors des différentes consultations publiques, de nombreuses interventions, tant d’experts, de sociétés savantes et de simples citoyens ont posé la question :

    « À quoi ça sert de baisser le nucléaire à 50 % et de le remplacer par des énergies renouvelables ? »

    Invariablement, l’élément de langage utilisé pour la réponse de la part des autorités techniques et politiques est :

    « Pour avoir une filière de secours en cas de risque systémique sur le nucléaire ».

    On peine à croire que nos dirigeants aient pu cautionner une assertion aussi ridicule. Un enfant comprendrait qu’on ne peut pas sécuriser une filière pilotable par une filière intermittente et aléatoire. En réalité, nous allons montrer qu’il n’y a aucune justification à remplacer du nucléaire par de l’éolien ou du solaire. Si on privilégie les coûts, c’est un ensemble nucléaire et gaz qui convient. Si on veut privilégier l’ indépendance énergétique , c’est le plus possible de nucléaire, avec un peu de gaz.

    En aucun cas les énergies intermittentes ont une quelconque utilité ; pire, elles créent d’innombrables difficultés techniques et rendent le marché de l’électricité hyper volatil sans aucune justification.

    Scenarii à 50 % de nucléaire

    Situation en 2019 (dernière année « normale ») : productions et capacités en France

    • Éolien……….     37 TWh pour 19 GW
    • Solaire………     14,8 TWh pour 14 GW
    • Nucléaire…..  360 TWH
    • Reste………… 111 TWh
    • Total…………. 523 TWh

    Passage à 50 % de nucléaire (objectif de la loi actuelle).

    Imaginons le scenario après arrêt des réacteurs actuels. Les discussions sont en cours pour leur prolongation et ce n’est pas gagné.

    On suppose un montant et un profil de consommation inchangés, ce qui est peu probable si on pousse les transferts d’énergie vers l’ électricité .

    50 % nucléaire cela donne 260 TWh. On peut le faire avec 33 GW de nucléaire en base (taux de disponibilité de 90 %). Soit 20 réacteurs.

    Si le reste du mix gaz et hydraulique ne change pas, les ENR auront 152 GWh. Si on vise moitié/moitié solaire et éolien en puissance, comme en Allemagne, et si on respecte la multiplication par trois des éoliennes et par cinq du solaire, soit les objectifs actuels, on vise à peu près 120 GW d’ENR.

    Avec 17 % de facteur de charge globale (cas allemand) et 120 GW d’ENR, on aurait 178 GWh de production d’énergie. C’est un peu plus que le besoin mais nous n’en sommes pas loin.

    Quelques petits problèmes

    Le problème des pointes

    Lorsque la pointe de 19 heures l’hiver se produit en situation anticyclonique sur toute l’Europe, ce qui arrive plusieurs fois par an, il faut conserver une puissance pilotable égale à la consommation à cette pointe. Ces dernières années, c’était environ 90 GW avec un record en 2012 à 102 GW.

    Dans cette situation, si on arrête le charbon, avec 33 GW de nucléaire, 10 GW de gaz et 17 GW d’hydraulique, 2 GW de biomasse, on aligne 62 GW pilotables. Manquent environ 30 GW. Si on ne veut pas toucher au dogme de 50 % de nucléaire, il faut construire 30 GW de centrales pilotables (gaz ?) supplémentaires.

    Le problème du creux

    Un examen au jour le jour en France et en Allemagne montre que l’ensemble éolien/solaire ne donne guère plus que 60 % de la puissance installée au maximum (quand il y a du vent, il y a peu de soleil et vice-versa). Néanmoins, avec 130 GW, certains jours en Allemagne les ENR sont largement majoritaires.

    Le 16 septembre 2022 à 12 h 30 (Energy charts.de), les ENR donnaient 44GW, le Soleil était à son apogée. Le réseau allemand baissait tout ce qu’il pouvait. Les gros alternateurs donnaient une trentaine de GW. Mais l’Allemagne exportait 8 GW en excédent. Pourquoi ne pas baisser davantage les centrales à combustible fossile ?

    Pour deux raisons :

    1. Il fallait se préparer à la « descente » du solaire vers la nuit.
    2. Il fallait veiller à la stabilité du réseau, garder suffisamment d’énergie cinétique pour pallier les variations rapides. Or, le solaire et l’éolien n’en disposent pas.

    Pour l’instant, l’Allemagne profite de ses voisins ; elle importe et exporte pour pallier la variabilité de ses ENR et profite de l’interconnexion pour « récupérer » l’inertie des gros alternateurs nucléaires français et fossiles polonais.

    Que se passe-t-il si tout le monde fait pareil ?

    L’examen des scenarii à 2050 montre que tous utilisent l’import/export pour compenser les coupures et écouler l’excédent, selon la météo. Il ne vient à personne l’idée que la météo est parfois la même pour tout le monde.

    En réalité, on ne sait pas quel est le seuil technique possible d’insertion des ENR dans un réseau car pour l’instant l’Europe n’est pas assez pénétrée (17 % en global). Certes, on connaît des remèdes à base d’électronique de puissance, de batteries et de condensateurs. Mais cela doublerait probablement le coût des ENR.

    Mais si on stocke les surplus, ça marche ?…

    C’est totalement incompris des décideurs.

    On a calculé ici que pour compenser l’absence de vent de trois semaines qu’on a connue en janvier 2022, il aurait fallu stocker une énergie équivalent, en stockage (par pompage entre deux lacs), à monter les eaux de la totalité du lac de Genève de 220 mètres.

    Le stockage n’est pas un problème de technologie, c’est un problème d’ordre de grandeur.

    Chercher les optimums

    Financier

    Empiriquement et hors problème de gouvernance et d’émission de CO 2 , en France l’optimum financier pilotable serait sans doute (à une pointe d’hiver sans vent de l’ordre de 90 GW) :

    • 40 GW d’EPR
    • 17 GW d’hydraulique
    • 2 GW de biomasse
    • 20 GW de centrales à gaz combinées, peu flexibles mais avec un très bon rendement
    • 10 GW de cogénération
    • 10 GW de turbines à gaz très flexibles

    L’ordre de mérite, c’est-à-dire l’enclenchement des moyens de production en fonction du coût variable est celui décrit ci-dessus. Il faut ajouter en premier les ENR mais les nuits sans vent ça ne change pas grand-chose.

    Mais une question se pose alors : les 120 GW de solaire et d’éolien apportent-ils une économie et une baisse des émissions de CO 2 ? Rien n’est moins sûr. Ils représentent ensemble un million d’euros par MW d’investissement tous les vingt ans, soit d’ici 2050 180 milliards d’euros.

    Une utilisation rationnelle des centrales à gaz nécessaires pour assurer la sécurité d’alimentation coûterait moins cher même avec un prix du gaz élevé. En effet, si on les fait produire continument, leur rendement est au moins le double et les émissions de CO 2 de moitié que lors d’une marche chaotique.

    Indépendance et émissions de CO 2

    Évidemment, l’optimum en termes d’indépendance énergétique ce sont plutôt 60 GW d’EPR et 20 GW de gaz ultraflexible (nécessaire de toutes façons pour suivre les fluctuations rapides de l’éolien et du solaire en plus des STEPs hydrauliques.)

    Dès lors, à quoi servent l’éolien et le solaire ?

    Les 20 GW de nucléaire en plus peuvent donner quand on veut 158 GWh… et les fluctuations des ENR intermittentes obligent à des contorsions du nucléaire qui pourraient être préjudiciables à la durée de vie des réacteurs et à la sureté.

    L’Autorité de sureté nucléaire se demande :

    « La production nucléaire fluctue énormément. Quand la demande est très faible, notamment la nuit, ou que les éoliennes prennent en partie le relais car il y a du vent, EDF réduit la voilure . Avec l’arrêt de la production pilotable d’origine fossile, […] les fluctuations de la demande d’électricité devront être encaissées par le parc nucléaire. La question, c’est : est-ce que ça conduit à effets particuliers en termes de prolongation du parc ? »

    Quel que soit l’objectif, l’éolien et le solaire apparaissent non seulement inutiles mais nuisibles.

    Retour sur la question des coûts et des prix des ENR

    Quelques réflexions.

    Les coûts de l’éolien et du solaires sont sous-estimés.

    Le raccordement, les accessoires supplémentaires (électronique, condensateurs, réseaux additionnels) sont à la charge de RTE, le réseau commun, et donc payés par tout le monde, sauf les opérateurs des ENR. Dans le cas de l’ offshore , cela peut aller jusqu’à 25 % du coût d’investissement d’un projet.

    L’intermittence n’est pas prise en compte. Il faudrait soit en tenir compte dans les coûts et y associer les producteurs appelés en secours en cas de manque. 1 On pourrait en tenir compte dans les prix. Un produit qu’on n’est pas sûr d’obtenir à terme n’a pas la même valeur qu’un produit garanti. On pourrait donc affecter aux prix du MWh des ENR un coefficient réducteur basé sur la probabilité d’avoir le produit pendant la période du contrat.

    Le coût d’investissement de l’éolien et du solaire par kWh est beaucoup plus élevé que celui du nucléaire. La durée de vie des ENR est de 20 ans, celle d’un EPR 60 ans. Le taux de charge de l’éolien est quatre fois moindre, celui du solaire sept fois moindre que celui du nucléaire. Il faudrait donc un coût d’investissement 12 fois moindre pour l’éolien, 20 fois moindre pour le solaire pour arriver à l’égalité. On en est loin. Les coûts d’investissement sont respectivement de : 1,5 million d’euros/MW pour l’éolien ; 5 millions d’euros/MW pour le nucléaire (prévu pour l’EPR2) ; 0,5 million d’euros pour le gaz et le solaire.

    Remarquons en outre que sur un vrai marché libéral, il n’y aurait pas de solaire et d’éolien car par nature ils ne peuvent être rentables. Ils produisent quand Soleil et vent sont abondants donc bradés et quand il est rare, donc cher, ils sont à sec.

    Et quid des prix actuels ?

    Dans un marché normal et sain, la facturation pourrait comprendre un abonnement calculé pour amortir les investissements et un tarif heures pleines/heures creuses au coût marginal. (avec en plus des frais financiers et des marges correctes nécessaires à la pérennité des investissements.) C’est un peu ce que faisait EDF à l’époque du monopole. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

    Il est alors difficile de comprendre que certains voient leurs prix multipliés par 2, 4, 6… Et comment le gaz intervient là dedans alors qu’il ne représente que 10 % de la part des sources de l’électricité ?

    En fait, il y a d’abord une première raison, l’application d’un dogme d’économiste mal compris par les décideurs et les fonctionnaires européens. Les règles du marché boursier qu’ils ont instituées impliquent plus ou moins que soit pris en référence le prix marginal au moment de la transaction d’achat. Une théorie mathématique démontre en effet que dans un marché dont le mix de production est optimisé pour avoir un coût global moyen minimum, la facturation liée au coût marginal de la centrale dernière appelée (celle qui a le coût variable le plus élevé) rémunère à la fois les coûts fixes et les coûts variables de l’ensemble des acteurs. Et même dans le cas de petites variations, le système est vertueux, il tend à inciter les producteurs à avoir le coût marginal en particulier à la pointe, le moins élevé.

    La facturation d’EDF en tant que monopole d’État était plus ou moins inspirée de cette théorie.

    Mais il y a un gros hic : le marché européen n’est pas optimisé !

    Et la théorie montre aussi que dès que le marché s’écarte significativement de l’optimisation, le prix devient très vite aberrant. Appliquer cette théorie nécessite donc d’avoir la maîtrise de la conception du mix et de son optimisation, et que les variables ayant conduit à cette optimisation ne varient pas trop, le tout à très long terme.

    Aucune de ces conditions n’existent sur le marché européen dans son ensemble.

    Au contraire, c’est la cacophonie totale. Et même s’il y avait eu optimisation, elle serait complètement obsolète avec les prix actuels du gaz. La théorie pouvait marcher seulement pour EDF et son nucléaire, avec peu de coûts variables et une vision à long terme.

    Mais on pourrait dire qu’il n’y a pas que des contrats sur le marché en bourse.

    Il y a l’ARENH, tarif « nucléaire » qui oblige EDF, contre son intérêt, à faire profiter quelques spéculateurs de revenus insensés. Il y a aussi des contrats de gré à gré. Pour les vendeurs qui ne produisent rien ou pas grand- chose, c’est en fait un problème de couverture. Ceux qui n’étaient pas assez sécurisés doivent aller en bourse et subir des coûts déments (y compris EDF, avec la crise de disponibilité de ses centrales !) Les situations des différents vendeurs sont donc très diverses : certains sont en faillite, d’autres gagnent des fortunes.

    Vous avez dit libéralisation ?

    Pour « libéraliser » le marché européen de l’électricité, l’Europe a créé trois marchés réglementés :

    1. Un marché de quotas de CO 2 qui pénalise les énergies fossiles.
    2. Une contrainte d’appel au merit order qui impose aux réseaux de prendre toute énergie intermittente produite, même sans besoin et qui de fait, subventionne le solaire et l’éolien.
    3. Une bourse avec une référence idiote liée au coût marginal.

    La France a ajouté trois autres marchés réglementés :

    1. Un marché de capacités.
    2. Le marché ARENH.
    3. Un marché de certificats d’économies d’énergie.

    Et puis jusqu’à cette année, les particuliers pouvaient bénéficier d’un tarif réglementé. Malheureusement, il est déterminé par une péréquation entre les coûts français et les valeurs en bourse. Il devrait doubler pour cette raison alors que rien physiquement n’a changé sur le réseau en France ! C’est la dernière des débilités de la situation globale. Certes, le « bouclier tarifaire » décidé par le gouvernement épargne cela aux particuliers et à certaines très petites entreprises (en subventionnant les traders déficients, d’ailleurs). Jusqu’à quand ? Les très grosses entreprises trouveront sans doute des solutions. Mais pour l’instant, celles de taille intermédiaire en prennent plein la poire. Et on veut réindustrialiser !

    Changer quelque chose dans cette cathédrale baroque où tout est lié est infernal. Ce sera très long et pendant ce temps là une partie de notre PIB et de nos emplois ira ailleurs dans le monde.

    Conclusion

    L’électricité ne se stocke pas et demande des investissements à très long terme.

    Qu’on le veuille ou non, un réseau nécessite des règles de planification de l’ensemble de la zone significativement interconnectée, sous peine soit de surinvestissement, soit de manque. En outre, il existe des critères non techniques et non financiers à prendre en compte, comme l’indépendance énergétique.

    Une fois la planification faite, les opérations peuvent parfaitement être libéralisées avec une vraie concurrence via des appels d’offre. Une concurrence qui s’exerce sur la production, pas uniquement sur un commerce qui s’apparente à du trading et de la spéculation. On peut éventuellement subventionner et donner des avantages à des technologies en devenir mais pour un temps limité. Au-delà, si le besoin de faveurs persiste c’est que ladite technologie n’est pas efficiente. Dans un système d’appels d’offres vraiment libéral, l’éolien et le solaire ne subsisteraient pas.

    On se demande comment nous en sommes arrivés à cette situation ubuesque.

    Certes, la formation du monde politique, des fonctionnaires nationaux et européens, des journalistes, les rend généralement inaptes à une compréhension du sujet. Mais tous les experts indépendants, de nombreuses sociétés savantes (académie des technologies, académie des sciences, académie de médecine) et même certains organismes d’État (Cour des comptes, France Stratégie) ont exprimé l’incohérence de ces programmes énergétiques.

    C’est un constat inquiétant de portée plus générale que le seul domaine de l’énergie : la « vérité » ne sort plus de la bouche des experts mais de l’opinion publique travaillée par un militantisme idéologique.

    1. c’est un peu l’esprit qui a présidé aux marchés de capacités et l’obligation pour les ENR « d’acheter » leur capacité manquante. Ce marché a tourné à la catastrophe. Les « capacités » sont devenues un marché spéculatif complètement déconnecté du physique.