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      Crise sanitaire : l’État est en train d’assassiner le pays

      Patrick de Casanove · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 November, 2020 - 04:45 · 8 minutes

    crise

    Par Patrick de Casanove.

    Il est faux de croire que le gouvernement encaisse une crise planétaire d’ampleur inédite. Il a créé cette crise . Le fait que d’autres gouvernements occidentaux en aient fait autant n’est pas une excuse. C’est un comportement moutonnier caractéristique d’une absence de caractère et de charpente intellectuelle solide.

    Une épidémie prise en charge différemment

    La différence essentielle entre la Covid-19 et les autres épidémies auxquelles nous avons fait face depuis le XXe siècle, pour nous limiter à une période récente, est que cette fois, c’est l’État qui a pris la main et l’a gardée.

    C’est très grave parce que la prise en charge de l’infection a quitté le domaine de la médecine pour celui de la politique. Elle a abandonné le domaine de la science pour celui de la pensée magique .

    La pensée magique c’est l’irrationnel. La France nage dans l’irrationnel. Les Français se désespèrent des incohérences du gouvernement , tant au niveau des consignes purement sanitaires que de celles qui régissent le confinement. Ils sont bien en peine d’y trouver le moindre bon sens. Certes, il y a des bonnes intentions. L’enfer en est pavé. D’ailleurs beaucoup de Français vivent un enfer.

    L’État a commencé à intervenir de manière significative dans la prise en charge d’une épidémie lors de la grippe A H1N1 de 2009. Roselyne Bachelot avait inventé les « vaccinodromes soviétiformes » et écarté les médecins généralistes de la vaccination. Le résultat, pas brillant, fut un énorme gaspillage, une immense défiance vis-à-vis des vaccins et une très mauvaise couverture vaccinale.

    Cela dit, malgré cette entorse partielle en 2009, pour toutes les épidémies précédant la Covid-19, le premier choc a été encaissé par les médecins généralistes. Tout permet de croire aujourd’hui que la Covid est une pathologie du domaine des médecins généralistes, comme bien des maladies infectieuses.

    Or depuis longtemps l’État a le plus grand mépris pour ces praticiens . C’est pourquoi il les a totalement court-circuités dans la prise en charge de l’infection à SARS-coV2, avec les résultats désastreux que l’on connaît.

    En résumé, il a achevé l’œuvre commencée avec les ordonnances de 1945 . Il a complètement retiré aux Français la responsabilité de leur santé.

    « Ce n’est jamais sans créer pour l’avenir de grands dangers et de grandes difficultés qu’on soustrait l’individu aux conséquences de ses propres actes ». — Frédéric Bastiat, Des Salaires (1850)

    « Ce n’est pas un moindre inconvénient à eux de détruire le principe de la responsabilité ou du moins de la déplacer. La responsabilité ! Mais c’est tout pour l’homme : c’est son moteur, son professeur, son rémunérateur et son vengeur. Sans elle, l’homme n’a plus de libre arbitre, il n’est plus perfectible, il n’est plus un être moral, il n’apprend rien, il n’est rien. Il tombe dans l’inertie, et ne compte plus que comme une unité dans un troupeau. » — Frédéric Bastiat, Services privés, service public (1850)

    L’État ne sait pas gérer

    Parce qu’il se prive d’informations

    Il se prive de l’information des prix qui renseigne sur l’offre et la demande , sur les besoins et leurs satisfactions.

    Le résultat est la pénurie : de tests, de masques et de gel hydroalcoolique au début de l’épidémie. Macron s’est vanté que la France réalisait 1,9 million de tests par semaine comme pour exorciser la pénurie du début d’année.

    Ces pénuries de médecins, d’infirmières, de lits existent depuis des années mais sont gravissimes en cette période. À cause de la pénurie, l’État rationne les soins, il trie. Ce fait, occulté avant la crise, est flagrant aujourd’hui. La crise met en exergue les faiblesses du système de soins français .

    L’État ne peut pas appréhender les milliards d’informations que des milliards de personnes échangent à chaque instant sur Terre. Donc il sélectionne, il se focalise sur un seul élément.

    « Le confinement dur ou souple est le seul moyen pour venir à bout de l’épidémie à SARS-coV2. »

    Le confinement est inefficace . Il n’a rien de médical même si des médecins le réclament ; ils sont des êtres humains, eux aussi s’y perdent et peuvent avoir peur. Traiter les patients en début d’infection ne fait pas partie de ce que retient l’État.

    Pire, il a interdit aux médecins d’utiliser l’hydroxychloroquine en phase précoce. Pourtant c’est efficace (voir infra) mais ça ruine sa théorie de « l’épidémie gravissime que l’Humanité n’a jamais connue et dont seul l’État peut nous sauver ».

    Cela ruine aussi la source de son pouvoir puisque il ne peut plus justifier l’ État d’urgence sanitaire. Ça donne un coup au capitalisme de connivence, ici certains laboratoires pharmaceutiques. Or, le capitalisme de connivence sait ne pas être ingrat envers ses serviteurs.

    Parce qu’il n’a pas le savoir-faire, ni la réactivité des acteurs de terrain

    Même épaulé par un Conseil scientifique et un Comité Analyse Recherche et Expertise .

    On ne fait pas d’un énarque, fut-il élu au suffrage universel, tout à la fois un médecin, un ingénieur, un paysan, un enseignant… on n’en fait rien d’autre qu’un énarque élu.

    Non, il n’est pas difficile de gouverner en ce moment.

    Ça l’est pour celui qui veut tout gérer . Ça l’est si l’on adopte une gestion totalement centralisée, lourde et administrative.

    Ça ne l’est pas si chacun reste dans son rôle. Les transmetteurs du savoir transmettent le savoir, les usines produisent, les services rendent des services, les paysans cultivent, les commerçants commercent, les étudiants étudient… les soignants soignent.

    L’État garantit les droits naturels de tout ce monde, point final. Il ne cultive pas à la place des paysans… il ne soigne pas à la place des soignants.

    « Si c’est un malheur que le sens de la responsabilité s’éteigne dans l’individu, c’en est un autre qu’elle se développe exagérément dans l’État. […] et quand l’État se charge de tout, il devient responsable de tout. Sous l’empire de ces arrangements artificiels, un peuple qui souffre ne peut s’en prendre qu’à son gouvernement ; et son seul remède comme sa seule politique est de le renverser. De là un inévitable enchaînement de révolutions. » — Frédéric Bastiat, Services privés service public (1850)

    Parce que son seul mode de gestion est la restriction des libertés

    L’État n’agit que par des règlements et des lois. Il fait croire que seuls les règlements et les lois peuvent régler les problèmes. Le bon sens dit que l’État ne peut pas résoudre les problèmes qu’il a engendrés.

    Chaque règlement, chaque loi est une coercition, une atteinte à la liberté . Quel que soit le problème, ici sanitaire, l’État, s’il s’en occupe, ne peut que restreindre la liberté des Français. La contrainte est minime quand l’État se limite à l’essentiel, qui est la protection des droits naturels individuels.

    Alors, les lois et règlements sont utilisés très parcimonieusement, très judicieusement et la main qui tient la plume est légère. Malheureusement ce n’est pas le cas, l’imagination coercitive de l’État est comme son imagination fiscale : sans limite !

    Avec cette gestion par réglementation, la responsabilité du désastre passe du gouvernement aux individus. L’État se défausse sur la société. Si l’épidémie progresse c’est parce que les Français ne respectent pas la réglementation imposée par le gouvernement qui fait le job. CQFD.

    Le plus désolant dans cette affaire c’est qu’une majorité de Français, médecins inclus, a fini par être convaincue par cette ineptie.

    Non, ce n’est pas la faute des mauvais Français si l’infection s’étend. Non, le gouvernement ne fait pas le job. Faire le job ce n’est pas pondre des règlements et des lois à n’en plus finir. Ce n’est pas enfermer les gens . Ce n’est pas exclure des solutions efficaces, simples et bon marché pour ne gérer que par la coercition et la contrainte.

    Ce n’est pas rouler dans la farine tous ces commerçants, artisans, entrepreneurs qui avaient scrupuleusement, à grands frais, respecté et fait respecter les gestes barrière, aménagé leurs locaux selon les directives sanitaires étatiques, pour pouvoir continuer à travailler, et qui doivent fermer. On remarquera que c’est le secteur marchand qui trinque. Or ce secteur est le seul qui crée des richesses, mesurées au travers du PIB marchand.

    Pour bien des gens, le gouvernement n’avait pas d’autre choix que d’attenter aux libertés. C’est faux. C’est l’État qui a créé la crise et qui s’est interdit tout autre choix. Peut-être par ignorance au départ, mais aujourd’hui par obstination coupable.

    Le résultat est le totalitarisme .

    « L’action gouvernementale se généralise par la contrainte. Elle invoque nécessairement le compelle intrare. Elle procède en vertu d’une loi, et il faut que tout le monde se soumette, car loi implique sanction. » — Frédéric Bastiat, Services privés, service public (1850)

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      Les bases de la domination étatique et de la soumission populaire

      Mises Institute · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 8 November, 2020 - 04:45 · 6 minutes

    domination

    Par Robert Higgs.

    Comme le dit le dicton, la familiarité peut engendrer le désintérêt, mais elle peut aussi entraîner une sorte de somnolence.

    Les gens qui n’ont jamais connu qu’un certain état des choses ont tendance à ne rien remarquer du tout, à ne rien soupçonner, même quand cet état des choses est extrêmement problématique. Ils sont pour ainsi dire comme des somnambules.

    Telle est la situation de l’homme moderne par rapport à l’État. Il l’a toujours vu sous le même angle, et il le prend totalement comme un acquis, le considérant comme il opine sur le temps qu’il fait : qu’il pleuve ou fasse beau, qu’il y ait des éclairs ou des brises printanières apaisantes, l’État est toujours là, comme faisant partie de la nature.

    Même lorsque qu’il se révèle destructeur, ses exactions sont admises comme des « actes de Dieu ».

    Nous sommes liés à l’État par ce somnambulisme, non pas parce que cela est inscrit dans nos gènes, mais parce que nos conditions de vie et un long conditionnement à vivre sous la domination de l’État, fruit de notre histoire, nous prédisposent à réagir de cette manière oublieuse.

    Toutefois, ceux qui ont vécu dans d’autres circonstances ont réagi très différemment. Ce n’est que lorsqu’une population adopte l’agriculture et la sédentarité qu’elle se montre vulnérable à la domination de l’État.

    Il fut un temps où l’humanité ne s’organisait qu’en bandes de chasseurs et de cueilleurs : la fondation d’un État était impossible. Les individus ne possédaient  à titre de richesse que peu ou pas de biens non périssables et pouvant être pillés, et si quelqu’un tentait d’imposer sa domination sur le groupe auquel il appartenait, comme le fait actuellement l’État, ses membres s’enfuyaient tout simplement, mettant autant de distance que possible entre eux et les exploiteurs pour échapper à la prédation de cet État en devenir 1 .

    Cependant, durant les 5000 à 10 000 dernières années, pour la quasi-totalité des habitants de la planète, l’État a existé comme un prédateur omniprésent et agresseur des droits de l’Homme. Son pouvoir de dominer et de piller s’est développé et s’appuie toujours sur son exploitation habile des peurs des hommes, dont la plupart sont associées à l’État lui-même, et les autres aux menaces externes dont l’État prétend protéger ses sujets.

    Quelle que soit la situation, la quasi-totalité de la population a fini par devenir incapable de simplement imaginer une vie sociale sans un État.

    Deux questions principales agitent l’esprit des rares personnes qui ont réussi à sortir de cet aveuglement vis-à-vis de l’État :

    1. Qu’est-ce qui anime ces gens – les chevilles ouvrières de l’État, sa garde prétorienne, ses lèche-bottes et ses partisans venus du secteur privé – pour nous traiter comme ils le font ?
    2. Pourquoi la quasi-totalité d’entre nous s’accommode de ce traitement scandaleux ?

    De ces questions, on pourrait facilement tirer de nombreux livres, articles et manifestes – et d’ailleurs toute une littérature existe sur le sujet. Même si aucun début de consensus n’a émergé, il semble assez clair que les réponses à la première question ont surtout à voir avec la forte prévalence d’individus malintentionnés et arrogants en faveur d’un avantage comparatif en matière de violence et de manipulation de leurs victimes.

    Face au choix fondamental entre ce que Franz Oppenheimer appelait les moyens économiques de s’enrichir (par la production et l’échange) et les moyens politiques (par le vol et l’extorsion de fonds), les membres des classes dirigeantes optent résolument pour la seconde.

    Et c’est en vertu de ce choix que le pape Grégoire VII (1071-1085), chef de la révolution papale capitale qui a commencé pendant son pontificat et s’est poursuivie sur une période de près de cinquante ans (voire plus en Angleterre), n’a pas mâché ses mots quand il a écrit (cité par Harold Berman ) :

    « Qui ignore que les rois et les princes tirent leur origine d’hommes ignorants de Dieu, qui se sont élevés au-dessus de leurs semblables par l’orgueil, le pillage, la trahison, le meurtre – bref par toutes sortes de crimes – à l’instigation du Diable, le prince de ce monde, des hommes aveugles de cupidité et intolérables dans leur audace. »

    Bien sûr, il est possible que certains dirigeants politiques croient sincèrement qu’il y ait une base juste légitimant leur domination sur leurs semblables – surtout de nos jours via la conviction qu’une victoire électorale est équivalente à l’onction divine – mais cette auto-illusion ne change rien à la réalité de la situation.

    Quant à savoir pourquoi nous nous soumettons aux outrages de l’État, les réponses les plus convaincantes ont à voir avec la peur de l’État (et pour beaucoup, de nos jours, avec la peur des responsabilités personnelles également) ; avec la crainte de se distinguer de la masse lorsque d’autres victimes ne voudront pas prendre le risque d’unir leurs forces avec ceux qui résistent ; et probablement la plus importante raison, avec l’hypnose idéologique (au sens de Léon Tolstoï ) qui empêche la plupart des individus d’être en mesure d’imaginer la vie sans État ou de comprendre pourquoi la prétention de l’État à s’abstraire de la morale des Hommes relève du pur délire.

    Si une personne ordinaire ne peut moralement assassiner ou en voler une autre, aucun individu composant l’État ne le peut. Et, bien sûr, parce qu’ils n’ont pas ces droits au préalable, les individus ne peuvent pas déléguer à l’État de droits à voler ou à assassiner.

    Comme Tolstoï, de nombreux auteurs ont reconnu que les classes dirigeantes travaillent très dur pour endoctriner leurs victimes avec une idéologie qui sanctifie l’État et ses actions criminelles. À cet égard, on se sent obligé de convenir que de nombreux États ont historiquement été étonnamment talentueux dans cette voie.

    Ainsi, sous l’ère nazie, le citoyen allemand lambda pensait qu’il était libre, tout comme aujourd’hui les Américains pensent qu’ils sont libres. La capacité de l’idéologie à aveugler l’esprit des citoyens et à les faire sombrer dans le syndrome de Stockholm semble quasiment sans limites, même si un régime tel que celui de l’URSS, qui avait cloué sa population dans une pauvreté persistante, découvrait que ses tentatives d’enchantement idéologique produisaient de facto des retours sur investissements de plus en plus faibles.

    Ainsi, une habile et toujours dynamique combinaison de coercition arrogante et de manipulation insolente peut être considérée comme l’ingrédient principal déployé par l’État dans ses multiples efforts pour plonger ses sujets et victimes dans un état de somnolence.

    Bien sûr, un peu de cooptation ajoute un piquant essentiel au mélange, et ainsi tous les États font de menus efforts pour redonner à leurs victimes quelques miettes du pain qu’ils leur ont arraché. Pour ce don gracieux, elles deviennent généralement infiniment reconnaissantes.

    Article initialement publié en mai 2014.

    1. Voir, par exemple, l’analyse récente de James C. Scott intitulée : The Art of Not Being Governed: An Anarchist History of Upland Southeast Asia .
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      La droite et le Covid : un test révélateur

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 May, 2020 - 02:30 · 6 minutes

    covid droite

    Par Aymeric Belaud.
    Un article de l’Iref-Europe

    Jean-Philippe Delsol, président de l’IREF, avait titré dans un article l’année dernière que la droite française était la plus collectiviste du monde . En période normale, la droite a cette fâcheuse tendance d’approuver certaines mesures socialistes. Et la crise du coronavirus ne fait qu’accentuer cette position.

    Si certains portent l’idée d’une relance de type keynésienne ( comme François Baroin ou Christian Jacob ), pas si étrangère aux chiraquiens, d’autres en revanche se sont fendus de déclarations lunaires, dignes de représentants de la gauche et de l’extrême gauche.

    Aurélien Pradié : le communiste revendiqué contre « les énervés du marché »

    Planification, « révolution des salaires » : les idées-choc du numéro 3 de LR. Voilà le titre de l’entretien de Libération , avec le secrétaire général des Républicains. Des idées plaisantes pour le journal de gauche, que l’on n’attend pas d’un dirigeant de droite… sauf en France.

    M. Pradié appelait son parti à « renverser la table » pour l’après-épidémie, en proposant des mesures choc… mises en place le siècle dernier en Europe de l’Est. Nous en avons vu les résultats.

    Il estime que les réponses ne peuvent plus être celles d’avant ; elles remettent en cause une forme de lâcheté collective des dernières années. Évoque-t-il la lâcheté budgétaire ou l’étatisme grandissant ? Hé bien non…

    À l’inverse, il préfère « interroger le libéralisme » , responsable de tous les maux, « quitte à passer pour un communiste. » Si seulement ce n’était que passer. Il évoque le sacrifice budgétaire de l’État en ce qui concerne la santé, alors que la France dépense comme son voisin allemand , 11,2 % de son PIB dans la santé, pour des résultats bien différents.

    Santé qui, comme l’alimentation, ne devrait pas être soumise au marché ni à un contrôle de gestion, alors que c’est bien cela qui a fait la force de pays comme la Corée du Sud ou l’Allemagne, dont 90 % des directeurs d’hôpitaux sont des chefs d’entreprise .

    Et l’on voit aujourd’hui les résultats, le nombre de tests effectués ainsi que le nombre de morts du virus, qui au 1er mai, s’élevait à 24 376 en France contre 6623 en Allemagne ! Le réel ignore les sophismes de M.Pradié.

    Puis, notre grand homme de droite en vient à évoquer un argument phare : « Je crois à la planification : c’est un point d’accord avec la pensée communiste » . À partir de là, tout est dit .

    Faisant référence au gaullisme, il oublie un peu vite les grandes réformes libérales de Jacques Rueff , homme de confiance du Général De Gaulle, afin de lancer la Vème République sur des bases saines. Il oublie aussi l’action d’ Antoine Pinay , ministre des Finances du Général, et également le fait que les dépenses publiques sous De Gaulle étaient de moins de 40 %, contre près de 56 % aujourd’hui !

    Laissons cette tribune dont rien n’est à garder pour jeter un œil sur les dernières saillies de M. Pradié, à propos de la crise du coronavirus. En grand pourfendeur du libéralisme qu’il est, il a proposé de fixer les prix de plusieurs produits alimentaires, comme le montrent ses tweets du 25 et 26 avril.

    Se défendant des critiques, il en vient à qualifier ceux qui démontrent l’absurdité de ces mesures, d’ « énervés du marché » .

    Ce qui est certain, c’est que M. Pradié devrait rouvrir un manuel ou une revue d’économie, hors Alternatives Économiques , pour s’apercevoir que le dirigisme soviétique n’a jamais fonctionné.

    Ce qui est pourtant simple à comprendre, c’est qu’une fixation des prix ne respectant pas le cours des marchés, entraînerait une perte énorme pour nos agriculteurs (dont ils n’ont pas vraiment besoin en ce moment), et un manque cruel de denrées dans les rayons. À défaut d’être un énervé du marché, il est un énervé de la pénurie.

    Écartons dans cet article les propos de M. Peltier, numéro 2 du parti LR et bien connu pour son socialisme déguisé, qui passent de l’augmentation du SMIC de 25 %, au risque grandissant du communautarisme chrétien. Dans le JDD du 4 avril, il s’était d’ailleurs attaqué à la Finance qui détruit le travail et il proposait un Conseil national de la reconstruction (CNR).

    Attardons-nous plutôt sur une figure montante à droite, Julien Aubert, que l’on aurait pu prendre pour un « libéral-conservateur » jusqu’à un entretien récent très révélateur.

    Julien Aubert : le pourfendeur de l’orthodoxie budgétaire et du néolibéralisme

    Julien Aubert a tenu un entretien avec le journal L’Opinion le 26 avril dernier. Le titre donne déjà le ton : « Avant Montebourg, Séguin et Chevènement ont eu raison trop tôt » .

    Le président du mouvement gaulliste « Oser la France » se réfère donc à Arnaud Montebourg , pourfendeur de l’austérité inexistante, et amateur des recettes colbertistes.

    M. Aubert veut défendre une troisième voie à droite, entre les étatistes Aurélien Pradié et Guillaume Peltier, et les tenants de la rigueur budgétaire que sont Éric Woerth ou Bruno Retailleau.

    Puis la suite de l’interview devient lunaire. Julien Aubert s’attaque au « néolibéralisme », qu’il décrit comme une thèse libérale prônant la déréglementation, la privatisation des « services publics » et l’ouverture commerciale, faisant passer cela pour une horreur absolue.

    Mais, M. Aubert, pas besoin de néologisme ; ce que vous décrivez, c’est simplement le libéralisme. Et non, le président Macron est loin d’être libéral, contrairement à ce que vous croyez. Tout comme l’Union européenne qui se révèle être un nouvel étatisme.

    Ensuite, le député du Vaucluse estime que « pour mener une politique libérale, il faut un État puissant » . Décidément, sa vision du libéralisme ressemble davantage à celle des profs de SES du lycée considérant Keynes comme un libéral…

    Certes, il y a du bon dans les propos de M. Aubert qui décrit la France comme un enfer fiscal et un pays à la bureaucratie soviétique. Mais ces propos sont flous. Quelques idées intéressantes au milieu d’aberrations économiques.

    Aucune maîtrise des concepts, aucune boussole, tout est mélangé. Le diagnostic économique est erroné et les mesures de régulation de l’économie ressemblent fortement au soviétisme qu’il dénonce pourtant.

    Enfin, comment être crédible quand on annonce que les causes du mal français sont les politiques des « adeptes du zéro fonctionnaire et des clercs de l’orthodoxie budgétaire » , dans un pays aux 56 % de dépenses publiques et à la dette publique désormais supérieure à 100 % du PIB ?

    On ne saurait clore cette liste sans y ajouter le communiqué de presse de Renaud Muselier, président de le la région Provence-Alpes-Côte d’Azur mais aussi des Régions de France, qui lance un ultimatum à la grande distribution pour « prouver qu’elle n’avait pas de stock secret de masques pendant la crise » ! Impossible pour la droite française de reconnaître que le marché fonctionne mieux que l’État !

    Si la droite française souhaite se doter d’un programme efficace et cohérent, elle se doit d’adopter une ligne économique libérale. Jamais la France n’a compté autant de partis prônant l’illibéralisme économique. Au milieu d’un marasme socialiste, une droite libérale et débarrassée des démons étatistes pourrait reconquérir le cœur de la France qui entreprend.

    Sur le web

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      Néolibéralisme, le bouc émissaire bien commode

      Johan Rivalland · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 May, 2020 - 03:30 · 13 minutes

    néolibéralisme

    Par Johan Rivalland.

    Le penchant de l’homme à chercher des boucs émissaires responsables de ses malheurs était l’objet du célèbre ouvrage de René Girard intitulé Le bouc émissaire . Il semble bien qu’en ces temps troublés, un néologisme déjà très en vogue depuis un certain temps occupe plus que jamais ce rôle bien commode et rédempteur.

    Il n’est plus un journal, un magazine, une émission radiophonique ou télévisuelle, un ouvrage à la mode, un discours public ou privé, qui ne nous serve à l’heure actuelle des analyses très vagues et très conventionnelles (mais qui se veulent originales) sur ce mystérieux mal qui nous ronge et qui a pour nom « néolibéralisme ». Ne me demandez pas de le définir, je ne sais pas ce que c’est.

    Pas plus que ne le savent vraiment ceux qui le dénoncent , puisqu’à son sujet ils sortent souvent des propos incohérents ou contradictoires qui montrent qu’ils se font leur propre idée du mal en question, en étant tantôt dans le domaine du fantasme, tantôt dans l’erreur la plus manifeste.

    Chacun peut d’ailleurs mettre ce qu’il veut derrière ce mot, c’est ce que l’on constate en écoutant ou lisant les propos des uns et des autres sur tous les côtés de l’échiquier politique ou dans la large palette des « intellectuels ».

    Nous voici presque revenus aux temps mythiques de la chasse aux sorcières. À quand les procès ? À quand les condamnations en bonne et due forme ? À quand les interdits ? (cela a déjà plus que largement commencé).

    Dix-septième volet de notre série « Ce que le libéralisme n’est pas ».

    Un leurre bien commode

    « Le monde va mal. Une pandémie l’a touché. Nous sommes pris au dépourvu. Tout va mal, tout s’écroule. Qu’a-t-il donc pu se produire ? D’où cela est-il venu ?

    – Le néolibéralisme, pardi !
    – Des morts plein les hôpitaux, plein les Ehpad, plein les demeures.
    – Le néolibéralisme.
    – Mais comment a-t-on donc pu ne pas voir venir ? Pourquoi n’avons-nous rien prévu ?
    – Le néolibéralisme.
    – Nous avions pourtant le meilleur système de santé au monde…
    – Le néolibéralisme.
    – Comment avons-nous pu laisser faire ? Comment en sommes-nous arrivés là ?
    – Le néolibéralisme.
    – Des riches toujours plus riches, des pauvres toujours plus pauvres, des hôpitaux sans moyens, un monde sans contrôle, une planète qui va disparaître, un effondrement total… (dépité) : et que sais-je encore ?
    – Le néolibéralisme, vous dis-je.
    – Mais que faire alors, docteur ?
    – Un seul remède : se couper du monde, mettre fin aux égoïsmes et à cette fichue société de consommation. Et promouvoir les solidarités, en lieu et place, en restaurant la paix, l’amour et la solidarité. Vivre d’amour et d’eau fraîche. Chanter la joie, la planète, les petits oiseaux et mettre fin à cette monstrueuse haine qui nous tue à petit feu.
    – Et quoi d’autre ?
    – Mettre fin à cette odieuse mondialisation.
    – Quoi encore, docteur
    S’unir contre cette hydre qu’est le néolibéralisme.

    Le fameux « monde d’après » contre le néolibéralisme

    Les adversaires du néolibéralisme sont légion, ils n’ont même jamais été aussi nombreux et font actuellement feu de tout bois. Les anaphores aussi ont le vent en poupe. Et en la matière, nous avons de grands champions , grands prophètes du désormais très prisé « monde d’après ». Nicolas Hulot égrène ainsi ses 100 préceptes, plus idylliques et exaltés les uns que les autres.

    Sans oublier ces indécents, insupportables et révoltants donneurs de leçons qui, telle une Juliette Binoche – pas à une contradiction près – vivent dans l’aisance, promeuvent les valeurs du luxe (tant que cela rapporte), mais entendraient priver ceux qui ont besoin de consommer. Tandis que d’autres encore – à l’image de notre chère petite Greta – prônent, là aussi pour les autres, ce qu’ils ne s’appliquent pas vraiment à eux-mêmes .

    Mais en matière d’anaphores, nous avons aussi ceux qui, sans cette fois-ci se réfugier derrière l’épouvantail de l’odieux néolibéralisme, s’en prennent plus directement au libéralisme lui-même. À l’image de Laurent Dandrieu, rédacteur en chef culture à Valeurs actuelles (un journal naguère d’esprit plutôt libéral, qui semble en être devenu en l’espace de trois ou quatre ans à peine, un adversaire farouche), qui écrit dans le numéro du 14 mai 2020 un article intitulé « Ne pas faire du libéralisme une vache sacrée ». Une longue litanie déclinée en « C’est bien au nom d’une logique libérale que… », avec pêle-mêle :

    – la mise en cause de la libre circulation des biens et des personnes (vivons confinés),

    – celle du non renouvellement des stocks de masques (bien sûr, la faute au libéralisme, cela va de soi),

    – la dépendance vis-à-vis de la Chine pour l’approvisionnement en masques à cause de la logique économique des coûts de production (le libéralisme, bien sûr, avec son amour entre autres des lourdes charges qui pèsent sur les entreprises, c’est bien connu…),

    – la renonciation à l’indépendance pharmaceutique de la France, qui a laissé aux mains de la Chine et de l’Inde la production de la quasi-totalité des médicaments, au risque de nous asphyxier en cas de conflit mondial (mais c’est bien sûr !),

    – l’abandon par la France de certains de ses fleurons industriels passés sous fleuron étranger (l’inverse, par contre, n’existe pas),

    – la privatisation envisagée par l’État (cherchez l’erreur) d’autres entreprises stratégiques telles ADP,

    – la folie (reprenant les formulations de notre cher Président, il y a peu encore qualifié de libéral ) de déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie à d’autres (halte à l’invasion, replions-nous !).

    Passons sur l’idée de « logique libérale », pour peu que le libéralisme soit doté d’une logique organisée, voire planificatrice, là où elle est plutôt – nous l’avons évoqué à de multiples reprises – une philosophie du droit et des libertés fondamentales. Il n’en reste pas moins que c’est bien de bouc émissaire qu’il s’agit ici. Comme si tous les problèmes évoqués avaient bien pour source commune et fondamentale le libéralisme.

    C’est pourquoi le même journal, dans un numéro spécial du Spectacle du monde, éditait un dossier intitulé « Coronavirus, le monde d’après », dossier entièrement à charge contre le néolibéralisme, la mondialisation libérale, l’idéologie mondialiste, les mécanismes qui ont affaibli l’État, l’individualisme, la soumission commerciale et le consumérisme. Des thèmes devenus chers aujourd’hui à ce journal de droite qui en a fait quelques-unes de ses cibles privilégiées.

    Aujourd’hui, en effet, plus rien ne distingue vraiment droite et gauche en la matière. Et tous s’accordent à rêver du fameux « monde d’après » .

    La course à l’étatisme

    Et pour cela, un seul remède, si l’on en revient à notre fameux docteur, sur le mode « Malade imaginaire » : l’argent (public) qui coule à flots. Là encore, nous sommes dans la surenchère. Droite et gauche confondues, chacun y va de ses propositions à qui mieux mieux. Il suffit de créer de l’argent en abondance … et même de la dette perpétuelle . Mais pourquoi diable n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? (Jean-Luc Mélenchon, lui était un visionnaire, avec quelques-uns de ses amis).

    À gauche comme à droite, cela ressemble même à une véritable compétition , mettant en avant ceux qui se sentent une âme de hérauts. Un Julien Aubert, comme le montre bien Nathalie MP Meyer , ne fait-il pas ainsi partie de ceux qui « osent » dresser le bilan de la « mondialisation néolibérale » ? Oubliant le fait que l’on savait ce qui risquait fortement d’arriver mais qu’on ne l’avait pas anticipé dans les actes.

    Nonobstant qu’il est resté proche de ceux qui ont gouverné la France il y a peu encore (sans jamais s’être réclamés du libéralisme, loin s’en faut) et doivent assumer, de fait, une part certaine de l’héritage français, Julien Aubert ose qualifier la politique sanitaire de la France de « digne du Tiers-Monde » et met en cause la « pensée bruxello-budgétaro-néolibérale » de la droite (tout un programme). Oubliant au passage que la droite française n’a jamais été libérale.

    Il réclame ainsi l’avènement d’un État-stratège et la souveraineté de la France. Ne se distinguant guère de ce que propose la quasi-totalité de l’échiquier politique actuellement, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, sans oublier les grands journaux, de Marianne ou Libération à Valeurs actuelles .

    Mais surtout, il omet de remarquer, comme le rappelle une nouvelle fois et à juste titre Nathalie MP Meyer, que la France reste championne des dépenses publiques et que les effectifs de la fonction publique demeurent eux aussi à un niveau record.

    Comment oser, dans ce contexte, qualifier la politique de la France -que ce soit hier ou aujourd’hui – de « néolibérale » ? Il faut vraiment être de très mauvaise foi ou inculte. Ou alors ne plus avoir le sens des réalités et se laisser emporter par ses fantasmes et la perte du sens des réalités (je pencherais plutôt pour cette solution, en y ajoutant toutefois une certaine dose d’opportunisme politique, bien sûr).

    Le problème est qu’à force de répétition, ces discours creux et purement politiques finissent par s’imprimer dans les esprits, et par déboucher sur toujours les mêmes recettes à base de protectionnisme (quelle que soit sa coloration, « vertueux » ou autre). Dont Pascal Salin , entre autres, avait particulièrement bien mis en lumière les effets dévastateurs .

    L’exemple de la course au vaccin

    Après le scandale des masques , vient la grande naïveté au sujet de la recherche d’un vaccin. Nous n’en sommes même pas encore à l’assurance d’en trouver un rapidement que déjà on se dispute ou on érige certaines morales au sujet de la gratuité que devra avoir l’éventuel vaccin, de son caractère de « bien commun » et de l’interdiction éventuelle que devra avoir l’entreprise qui le trouvera d’en dégager des bénéfices.

    Oubliant les vertus de la concurrence et des initiatives privées sur la stimulation de la recherche, on veut à tout prix imaginer une grande coopération internationale, sous l’égide de gouvernements ou d’organismes publics, dans un contexte de guerre larvée entre la Chine et les États-Unis, qui veulent vraisemblablement en faire une arme pour asseoir leur domination.

    On se souvient du triste spectacle des cargaisons de masques subtilisées par des États à d’autres États. On entrevoit aussi l’immense problème qui va immanquablement se poser le jour où un vaccin sera enfin prêt à être fabriqué mais qu’il faudra de nombreux mois pour en produire des quantités suffisantes pour approvisionner toute la planète. Et on veut faire croire que les États rivaux sauront s’entendre tout d’un coup pour définir les « bonnes » priorités ?

    En attendant, plutôt que de laisser de grands laboratoires tels que ceux de Sanofi travailler en toute quiétude, on leur dresse déjà de mauvais procès avant l’heure . Craignant là encore, n’en doutons pas, les fameux travers du grand méchant « néolibéralisme ». On est toujours mieux servi par la magnifique puissance publique qui, elle, est réputée si efficace.

    Au fait… quel était, déjà, ce fameux « meilleur système médical au monde » ? Ah oui, la France. Et son glorieux service public que le monde entier nous enviait (mais ayant dégénéré sans qu’on s’en soit rendu compte en gestion « néolibérale » ?).

    Et quel est le pays dans lequel on déplore à l’heure actuelle le plus de victimes du covid-19 en proportion de la population ? Ah oui, le Royaume-Uni. Et son fameux système de santé… totalement étatisé. Mais je suis sans doute mauvaise langue.

    Toujours est-il que pendant ce temps-là, la Chine réalise actuellement des essais de 5 vaccins sur un échantillon de 2500 cobayes , pardon, humains. Tous vraiment volontaires ? Et attendra-t-elle, vous croyez, pour lancer la première son vaccin à l’échelle de la planète, pendant que les autres pays se livreront à une foire d’empoigne sous couvert de plan de recherche publique concerté qui relève plus de l’incantation que d’autre chose ? J’en doute.

    Le protectionnisme, du néolibéralisme ?

    Car à bien écouter nos politiques, nous en sommes plutôt à mettre en avant les valeurs de patriotisme. N’est-ce pas d’ailleurs ce que la Chine ou l’Amérique trumpienne tentent d’ériger également ? Tandis que l’Inde, de son côté, semble pratiquer le national populisme. Mais est-ce vraiment le modèle que nous souhaitons suivre ?

    Car le patriotisme chinois, c’est aussi la propagande autour de la supériorité chinoise (il est vrai que nous aussi ne manquions jamais de faire référence à notre « meilleur système de santé au monde, tel que rappelé plus haut).

    En conclusion, si le « néolibéralisme », aux contours flous et mal définis, est un bouc émissaire bien commode pour exorciser tous les maux réels ou imaginaires qui nous poursuivent, nous ferions bien d’envisager des modes de coopération bien plus réalistes et sereins.

    Oui à des relocalisations bien choisies et bien pensées (qui peuvent être d’initiative privée) dans des cas très précis, lorsqu’il y a un réel risque de mise en péril de notre sécurité (peut-on toujours coopérer sans risque avec des États totalitaires ?), mais non, ne nous imaginons pas reconstruire de toutes pièces un monde idéal et fantasmé, fondé autour d’un protectionnisme dont l’histoire a montré qu’il était l’un des plus grands dangers qui nous menacent et une source d’appauvrissement de tous lorsqu’il devient généralisé par un regrettable effet d’escalade.

    Le bien de tous me semble résider plutôt dans l’échange et la coopération (essentiellement privée) que dans les grands schémas ou les grandes constructions théoriques fondés davantage sur le rejet que sur la confiance.

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      3 maladies bien françaises qui pèsent lourd dans le budget

      Rémy Prud'homme · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 27 April, 2020 - 03:20 · 5 minutes

    dépense publique

    Par Rémy Prud’homme.

    La dépense publique est plus importante en France qu’ailleurs, relativement au PIB. Cependant, la qualité des services publics y est plus faible qu’ailleurs. La crise du Covid-19 le montre : tous les pays ont eu à faire face, au même moment, à la même maladie ; mais dans tous les pays (sauf l’Italie, l’Espagne et la Belgique), elle a tué, par rapport à la population, moins, généralement beaucoup moins, qu’en France.

    L’enquête PISA qui mesure avec des tests impartiaux le niveau des collégiens en mathématiques, en sciences, et en compréhension de texte, place nos écoles au vingtième ou trentième rang des pays testés, quelque part entre la Slovénie et le Portugal. Ce qui est vrai de la santé et de l’éducation l’est également de la justice, de la sécurité, ou de l’emploi.

    Au moment où la crise économique générée par un confinement plus long qu’ailleurs va porter cette dépense publique de 57 % du PIB bien au-delà de 65 %, il faut essayer de comprendre ce paradoxe de la dépense publique française.

    La courbe de Laffer appliquée à la dépense publique

    Une analogie avec la courbe de Laffer peut nous aider à représenter le phénomène. Arthur Laffer , s’intéressant à aux recettes publiques, représente les recettes fiscales en fonction des taux d’imposition.

    Avec un taux zéro, les recettes sont égales à zéro. Avec un taux de 100 % elles sont également égales à zéro. Entre les deux, une courbe plus ou moins parabolique atteint un maximum pour un certain taux présenté comme optimal. C’est la représentation graphique d’un vieux principe fiscal : les hauts taux tuent les totaux.

    Cette courbe, conçue pour les recettes budgétaires, peut être utilisée pour les dépenses budgétaires. Remplacez sur l’axe des x, « taux d’imposition » par « taux de dépense » (en % du PIB), et sur l’axe des y, « recettes publiques » par « services publics », et vous avez une description du lien entre montant de la dépense publique et quantité/qualité des services publics.

    La question n’est pas de savoir si on est pour ou contre les services publics (comme la santé ou l’éducation), mais de déterminer le montant de dépenses qui va nous donner le plus de ces services publics. La courbe montre que peut venir un moment où davantage de dépenses publiques produit moins, et pas davantage, de services publics.

    Comment est-ce possible ? On peut évoquer trois pistes, trois virus, trois maladies.

    La précautionite : empêcher les autres de mal faire

    La première est la précautionite. De plus en plus, l’action publique ne consiste pas à bien faire, mais à empêcher le reste de la société de mal faire. Elle prend la forme de règles, de normes, de contraintes, d’autorisations, de prescriptions, de préalables, d’interdictions. L’image des avions pleins de masques bloqués par les douanes est un symbole de cette maladie.

    La délocalisation de l’industrie pharmaceutique a semble-t-il été motivée autant ou davantage par des différences de contraintes que par des différences de salaires, par Nicolas Hulot plus que par Philippe Martinez.

    L’administrativite : empêcher de faire son travail

    L’administrativite est une autre maladie qui affecte la production des services publics. Parkinson avait montré que l’administration fonctionne et grossit indépendamment de ses finalités ; par exemple, le nombre de fonctionnaires du ministère anglais de la Marine est au cours des années inversement corrélé au nombre des vaisseaux de Sa Majesté.

    James Buchanan a expliqué que les bureaucrates, comme tous les agents économiques, sont motivés par leur intérêt propre , qui implique l’augmentation de leurs budgets ; cette observation, qui fait depuis toujours le fond de la conversation des cafés du Commerce, lui a valu un prix Nobel d’économie.

    L’actualité nous a appris que plus du tiers des agents des hôpitaux français ne voient jamais un malade . S’ils faisaient des cocottes en papier, il n’y aurait que demi-mal ; mais ils travaillent dur, à organiser, orienter, contrôler, surveiller, etc. et finalement empêcher médecins et infirmières de faire leur métier.

    Un autre symbole : l’Hôtel-Dieu à Paris. Cet hôpital était depuis Saint-Louis consacré à soigner des malades ; il a été en partie vidé de ses praticiens pour faire place à l’administration des hôpitaux et à un projet immobilier.

    La politisationite : l’État s’occupe de tout, partout

    Un troisième virus, pas le moins paralysant, est la politisationite. Les politiciens veulent s’occuper de tout : de la recherche, de la solitude, de la culture, de l’alimentation, du sport, des entreprises, de la reconstruction de Notre-Dame de Paris comme de Boko Haram, et des masques.

    Dans un monde de plus en plus complexe et incertain, leur temps et leurs connaissances sont limités ; plus ils les étalent sur un champ d’intervention large, et plus la couche est mince – et insuffisante. Le tout-politique est alors le tout-superficiel. Les politiques ont, comme disait ma grand’mère, « les yeux p’us gros que l’ventre » . Ils le savent parfois, et mettent leur talent à le cacher, derrière de belles phrases ou de vilains mensonges.

    Ce déficit de gestion est en France encore aggravé par le jacobinisme . La crise du covid-19 l’a bien montré, puisque les régions et les départements, qui ne sont pourtant pas des parangons d’efficacité, ont fait mieux que l’État.

    Notre État, qui est obèse parce que malade, et inefficace parce que obèse, s’apprête à prendre une dizaine de kilos : cela n’est pas très rassurant.

    Sur le web

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      Pourquoi le cataclysme du Covid-19 n’a aucun rapport avec le libéralisme

      Johan Rivalland · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 31 March, 2020 - 02:30 · 9 minutes

    Par Johan Rivalland.

    En lisant un article intéressant de Claude Robert , et la référence qu’il y fait à un article du philosophe Jean-Claude Monod , ma détermination n’a fait qu’un bond. Il était temps que je mette fin à ma torpeur, suspende quelques heures mon travail, et reprenne enfin mon clavier, laissé trop longtemps de côté.

    La situation actuelle est absolument effrayante, amène à se poser de très nombreuses questions, et sonne l’entrée dans un autre monde. Pour autant, on ne peut continuer à se réfugier dans des analyses fausses et trompeuses. Il faut raison garder et regarder la réalité en face. Sans reprendre des schémas tout faits et surannés.

    Quinzième volet de notre série « Ce que le libéralisme n’est pas ».

    Les origines de la crise

    Car n’oublions pas les origines de cette crise. Quoi qu’on en dise, il ne faut surtout pas oublier que c’est bien parce qu’un État totalitaire, anti-libéral donc par nature, a tenté d’étouffer ceux qui alertaient de la menace à venir , que le virus s’est propagé en toute impunité, sans contrôle.

    Ensuite, certainement avions-nous tort de nous croire relativement invincibles, plus forts que la nature, à l’abri de tous les grands dangers qui font partie de notre condition, sous-estimant la fragilité de nos civilisations et de nos libertés . Alors qu’elles ne sont jamais allées de soi et que leur vulnérabilité est permanente. On ne le voit que trop à présent, de manière tristement éclatante. Et rechercher la responsabilité de l’imprévoyance que nous subissons et déplorons dans des conceptions théoriques abstraites et fantaisistes n’avance à rien. Parler de « faillite du néolibéralisme » pour mettre en question l’impréparation de l’État français face à cette crise d’ampleur est complètement décalé et déplacé.

    La France, un État libéral ?

    Car comment peut-on sans rire imaginer un seul instant qu’un État comme la France, endetté (avant le Covid-19) à près de 100 % du PIB, des dépenses publiques à un niveau d’environ 56 % de ce même PIB, ou encore des prélèvements obligatoires parmi les plus élevés du monde à 45 % du PIB, sans oublier ce fameux système de santé publique « que le monde entier nous envie » , soit un État libéral ? Faillite du « néolibéralisme », dites-vous ? Soyons sérieux !

    Arrêtons avec ces analyses bassement politiciennes, les fantasmes sur le Grand Méchant Marché et autres « souci des plus vulnérables ». Quel libéral digne de ce nom n’aurait pas le souci des plus vulnérables, contrairement à toutes les bêtises qu’on peut lire à ce sujet ? Car, rappelons-le, le libéralisme se soucie bien justement des individus, de chaque individu, par opposition aux esprits de système, dont certains sont marqués plus que d’autres par le collectivisme et la primauté absolue du groupe sur l’individu. Le libéralisme est le contraire de la sauvagerie . Lorsque je vois l’ignominie qui s’empare de plus en plus des réseaux sociaux en ces temps troublés et les propos indécents auxquels l’époque semble laisser libre-court au-delà de toute raison dans certaines réactions à des événements qui devraient laisser place à la pudeur et à la retenue , cela ne s’appelle pas le libéralisme ou la libre-expression. Cela s’appelle la bêtise humaine. Et elle est largement partagée. Nul besoin d’y accoler des étiquettes.

    « La rationalité néolibérale »

    Jean-Claude Monod, dans son article, oppose le « socialisme de guerre » qu’impose selon lui  la situation actuelle à « la rationalité néolibérale ». Si la remise en cause momentanée de cette dernière implique, comme il l’écrit, « fermeture des commerces, des restaurants, des lieux de culture, restriction drastique du droit de se rassembler, d’aller et venir librement », alors on se demande en quoi le « néolibéralisme » serait si condamnable. Si ce philosophe voit en le libéralisme (ou « néolibéralisme » si cela lui fait plaisir, puisque cela sonne plus monstrueux) la liberté de se rassembler, de se déplacer, de commercer, de se rendre dans des lieux de culture, alors… vive le libéralisme !

    Plus sérieusement, lorsqu’il évoque « l’extension néolibérale de la logique du marché aux services de l’État » (toujours cette obsession du vocabulaire), pour mettre en cause les restrictions faites dans les hôpitaux sous les derniers gouvernements qui se sont succédé, qui auraient cédé aux impératifs de rentabilité (la méchante « rentabilité », que beaucoup seraient en peine de définir, surtout ici), s’agit-il d’une plaisanterie ? De ces gouvernements successifs, aucun n’était composé du moindre ministre un tant soit peu libéral, si je ne m’abuse. Mais bien sûr certains, que cela fera certainement sourire si d’aventure ils traînent par ici, ont une telle idée de ce qu’est être libéral que l’on nage en plein quiproquo. Je les laisse à leurs illusions et à leurs fantasmes malsains.

    La méconnaissance totale de ce qu’est le libéralisme conduit même Jean-Claude Monod, sans le moindre sens de la mesure, à qualifier Emmanuel Macron d’ « adepte quasi fanatique du néolibéralisme » . Et à verser dans les caricatures les plus ridicules sur les « politiques favorables aux plus favorisés » et autre lubies habituelles sur les « habitants des beaux quartiers » (dont on peut d’ailleurs imaginer qu’il fasse peut-être partie, mais je n’en sais rien). Je vous laisse apprécier… Parfois, les idées les plus farfelues ont la vie dure. Et si on lit la suite, on continue d’avoir ce déversement de récriminations à l’encontre de tout ce naufrage de l’hôpital public, qui serait bien sûr dû… à un libéralisme qui a bon dos.

    Mais pour mesurer la portée philosophique de l’article en question, qui ne fait qu’être dans le ton habituel du haut niveau intellectuel qui règne habituellement en France depuis si longtemps, la suite est un charabia auquel chacun n’y verra que ce qu’il veut voir. Du type « … un rejet de la soumission de l’action gouvernementale aux volontés antirégulation et antiécologistes du big business, résolument réorienté vers la défense des moins favorisés, et qui n’hésiterait pas à taxer vigoureusement les grandes fortunes et les revenus du capital pour financer un Green New Deal ? ». À vos souhaits.

    Le principe de subsidiarité

    À ces visions fausses, stéréotypées, ou délirantes, au choix, je préfère la référence que Claude Robert fait au principe de subsidiarité , auquel j’adhère pleinement.

    Oui, la France est plutôt malade de l’étatisme. Et lorsque j’observe ces pays autour de nous qui se sont montrés plus prévoyants, mieux organisés, plus fourmis que cigales (quitte à se faire traiter en permanence de sales égoïstes), et plus aptes à tenter de faire face à ce cataclysme, je ne puis que rester songeur… Cherchez l’erreur. Les grilles de lecture de nos chers grands « intellectuels » français ont tout de même quelque chose d’assez pathétique. C’est pourquoi je préfère (la notion floue « d’intérêt général » en moins), un retour au sens des réalités et au rétablissement des vérités :

    Il existe certes beaucoup d’acceptions du terme libéral , mais jamais un libéral  classique ne s’opposera à la lutte contre un risque systémique sous couvert d’interdire à l’État de réaliser ses tâches typiquement régaliennes ! Fidèle au principe de subsidiarité prôné par le libéralisme économique, l’État est censé reprendre les commandes lorsqu’il en va de l’intérêt général et qu’il n’y a plus aucune solution spontanée au niveau des agents économiques eux-mêmes.

    Car, comme le dit ici bien clairement Claude Robert, le libéralisme n’implique pas que l’on soit complètement buté et forcément rétif à toute intervention de l’État dans des situations exceptionnelles (reste cependant ensuite à déterminer de quelle manière…). Le problème est bien plutôt qu’à avoir usé et abusé des recours tentaculaires aux mamelles de l’État et servi les très nombreux profiteurs du capitalisme de connivence, l’État dispose de marges de manœuvre bien érosives. On revient une nouvelle fois à la fable de la cigale et la fourmi.

    La faillite de l’État-providence

    En conclusion, plutôt que de s’en prendre à l’habituel épouvantail libéral, certains feraient bien de s’interroger plutôt sur la faillite de l’État-providence. À quoi assistons-nous ? Au manque de prévoyance et d’anticipation aux plus hauts niveaux de l’État, à la désorganisation, à l’impréparation, au manque de réactivité, aux obstacles bureaucratiques, aux lourdeurs administratives, aux mauvais choix passés. Et je ne jette la pierre à personne. C’est bien un système qui est en cause. Je ne prétends pas qu’untel ou untel serait coupable. C’est davantage d’impéritie dont il est question. Et la faute est certainement collective. De là à incriminer un peu facilement le libéralisme, il ne faut pas pousser.

    Gageons, hélas, que la parade sera malheureusement cherchée toujours plus avant du côté de l’État. On le perçoit d’ores et déjà assez clairement, et pas qu’en France. Mais s’agira-t-il toujours de la servitude volontaire et de l’État-nounou cher à tous ceux qui en attendent tant, ou plutôt d’États autoritaires qui nous feront bien regretter ce temps où on pouvait encore aspirer à la liberté ?

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