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      Les limites du système social français mises en lumière par la crise des retraites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    La retraite ! Il fallait évidemment faire quelque chose, ne jetons pas la pierre au gouvernement ! Et c’est forcément compliqué de demander aux gens de travailler plus.

    Il n’empêche que ça aurait dû se passer mieux. Réfléchissons aux raisons de cette tourmente qui a surpris tous nos voisins européens et comment améliorer notre fonctionnement dans le domaine social.

    Les retraites dans le domaine social

    Nous sommes en effet dans le domaine social dont l’origine remonte au XVI e siècle avec Vincent de Paul qui s’est engagé dans la fondation de congrégations et d’œuvres sociales religieuses (enfants abandonnés, accidents de la vie, hospitalisations…). Les grandes entreprises ont, elles aussi, investi le domaine, initiative très injustement qualifiée de paternalisme. Puis, progressivement, l’État s’est saisi du sujet.

    On a connu plus tard la naissance des syndicats patronaux et salariés. Progressivement, la sphère sociale a été gérée, dans le cas européen, par une sorte de ménage à trois.

    C’est évidemment en France que l’État est devenu le plus actif et c’est ce qui explique les 57 % (avant le covid) de sa sphère publique et sociale (25 % pour le régalien et 32 % pour le social : record du monde).

    Les préoccupations financières ont renforcé l’emprise de l’État : « je comble les trous des caisses mais j’ai un droit de regard sur ce qui se passe dans vos réunions ».

    Petit à petit, nos concitoyens ont pris l’habitude de déléguer à l’État de plus en plus de responsabilités : « avec les impôts que je paye, je ne vais pas en plus m’occuper de tout cela ! ».

    On a vu très vite venir les exhortations de l’État et du politique : « là, il y a un problème, je laisse syndicats et patronat discuter, et s’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, je légifère. »

    Puis est arrivé le funeste concept de l’ État providence , qui a donné la fausse impression que l’argent tombait du ciel. Le « quoi qu’il en coûte » du covid n’a pas arrangé les choses, les Français ayant complètement perdu la notion des coûts du système social.

    Plus grave encore, cette implication de l’État a politisé les syndicats, ravis de ce nouveau champ d’action qui leur était offert : interagir directement avec les politiques, et ce, d’autant plus qu’ils avaient de moins en moins de support dans l’entreprise.

    Il y a 50 ans, 30 % des employés étaient syndiqués, aujourd’hui, ils sont moins de 10 % . L’État a évidemment compensé la baisse des cotisations par des aides financières pas toujours très lisibles : un audit général communiqué au grand public ne ferait pas de mal à la démocratie.

    La grève

    Une incidence dans toute cette affaire, le droit de grève a évolué : on ne devrait pas utiliser le même mot pour qualifier une grève des employés voulant améliorer leur situation financière dans le cadre de l’entreprise et l’action d’un syndicat utilisant son monopole sur une profession dans un domaine indispensable à la vie des Français (essence ou transport), pour peser sur une discussion parlementaire en empoisonnant la vie des concitoyens.

    Ce mélange des genres met en danger notre démocratie, sans parler du levier donné aux Black Blocs lors des manifestations.

    Les problématiques réelles de la retraite

    Les limites du système sont aussi apparues dans la présentation des problématiques de la retraite puisque les considérations financières ont été pratiquement absentes. Impossible de savoir si le système est en équilibre, si les déficits étaient de l’ordre de 10 milliards ou plutôt entre 30 et 40 milliards comme annoncé par le Commissaire au plan.

    Le rapport du COR n’a pas été expliqué au public et a été considéré obscur par ceux qui l’ont lu, le qualifiant même de sorte d’auberge espagnole où on trouvait toujours des chiffres permettant  de défendre n’importe quelle thèse.

    Une seule chose est sûre : partout ailleurs dans le monde , on part au plus tôt à 65 ans et l’allongement a été admis sans difficulté.

    Le cas emblématique est celui de l’Allemagne : pourquoi cela s’est-il si bien passé ? Schroeder était aux commandes ; les dépenses publiques allemandes étaient montées à 57 % du PIB, essentiellement dans le cadre du rattachement de l’Allemagne de l’Est. Schroeder a jugé ces niveaux de dépenses trop élevés et a annoncé qu’il fallait les baisser de 12/13 points. Il a commencé à expliquer que l’argent manquait, il a convaincu et a maintenu sa politique, en prévenant que l’État ne comblerait plus le déficit des caisses de retraites.

    Il a ensuite a invité patrons et syndicats à régler eux-mêmes le problème et tout s’est passé très rapidement ; l’âge de départ à la retraite a été repoussé à 65 ans et les citoyens, confrontés à la réalité des chiffres ont adopté une posture raisonnable.

    L’État doit se recentrer

    Une leçon simple à tirer de cet épisode : l’État doit se recentrer.

    Il y a trois domaines dans l’économie : l’économie privée, l’État (régalien par nature) et la sphère sociale.

    Dans la très difficile période qui s’ouvre sur le plan géopolitique, l’État doit placer toute son énergie dans ses fonctions régaliennes : armée, affaires étrangères, police, justice, immigration. La tâche est immense et le travail sera dur, très dur.

    Le domaine social doit être impérativement redonné aux syndicats et au patronat, qui ont montré récemment qu’ils pouvaient tout à fait se mettre d’accord sur un sujet pointu : le partage de la valeur.

    Revenons à des formules très simples, celles que nous enseignaient nos parents et grands-parents : « qui trop embrasse, mal étreint » et « à chacun son champ, les vaches sont bien gardées ».

    Les responsabilités seront mieux définies, chacun saura ce qu’il a à faire. Cette redistribution des rôles simplifiera les choses, elle permettra aux entreprises de redonner toute leur mesure (la plus grande d’entre elles, le CAC40, montre de quel bois notre sphère privée est faite), et au Parlement de retrouver son rôle. Et la confiance reviendra.

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      États-Unis : Républicains et Démocrates adorent l’État Léviathan

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 15 March, 2023 - 04:10 · 6 minutes

    Dans les cercles libéraux américains, on dit souvent qu’il y a un « parti unique » ( uniparty ) au Congrès. En d’autres termes : il n’y a pas de différences majeures entre Démocrates et Républicains. Les deux sont partisans d’un gouvernement plus important.

    Les Démocrates ne s’en cachent pas, et la dernière proposition budgétaire de Joe Biden le confirme à nouveau. L’introduction du texte contient plusieurs énormités que les vérificateurs de « faits » auraient derechef débusquées si le président avait été de l’autre parti.

    Non, Biden n’a pas créé 12 millions d’emplois : en fait le taux d’emploi n’a même pas atteint son niveau d’avant la pandémie pour la population générale , les blancs et les Hispaniques, et il est à la baisse pour les Asiatiques . Du côté du taux de participation, il maintient des creux historiques de 46 ans pour la population générale, de 47 ans pour les blancs, de 15 ans pour les noirs et les Asiatiques, et 37 ans pour les Hispaniques.

    Une orgie de taxes et de dépenses

    Selon la Tax Foundation, le budget avance une hausse de taxes et d’impôts sans précédent de 4,7 billions (12 zéros) de dollars. Il est notamment proposé :

    • L’augmentation de l’impôt des sociétés à un niveau même plus élevé que la France (au 31 décembre 2021) et des taxes sur le forage. En incluant les impôts sur les gains en capital, c’est en moyenne 66 % des revenus qui sont taxés.
    • De réintroduire le palier d’imposition de 39,6 % diminué sous Trump. Ainsi, plusieurs États auront un taux combiné d’imposition dépassant les 50 %, largement au-dessus de la moyenne de l’OCDE.
    • Un impôt minimum de 25 % sur les « gains à venir » pour les milliardaires. Bref, même si le sale riche ne monnaie pas ses gains, il est sujet à un impôt.

    Mais gardez à l’esprit que les revenus projetés sont statiques . Surveillez la Tax Foundation, qui prédira sans doute sous peu une estimation des revenus dynamiques – qui tiennent compte des incitatifs. Car avec des impôts aussi étouffants, les incitations à investir se trouvent fortement diminuées.

    L’on pourrait (naïvement) croire qu’avec autant de revenus, le président se concentrerait sur la réduction du déficit – mot mentionné 10 fois dans le document de la Maison-Blanche. Mais comme c’est (presque) inévitablement le cas, le contraire va se produire.

    Voici comment Biden propose de dilapider tous ces fonds publics, à hauteur de 6,8 billions de dollars (calcul rapide : 2,1 billions de déficit) :

    • Il veut pelleter les problèmes de capitalisation des programmes sociaux (Medicare, Social Security) par en avant. Faire payer aux riches leur « juste part » (11 mentions mais jamais défini) repoussera la faillite de ces programmes de 25 ans. C’est à se demander comment ça se produira, considérant que les obligations desdits programmes dépassent les 57 billions.
    • Il veut augmenter le financement aux écoles pour, croit-il, aider les élèves défavorisés. Si jeter de l’argent à un problème réglait ce dernier, alors les écoles de Baltimore (21 000 dollars/étudiant) et Chicago (35 600dollars/étudiant) ne seraient pas dans les bas-fonds de l’alphabétisation.
    • Il veut « sauvegarder » le climat (11 mentions) en saupoudrant des fonds pour des énergies intermittentes et onéreuses afin de réduire la « pollution » du CO 2 et « créer » des emplois verts. Ne lui en déplaise, le nombre d’emplois dans le solaire et l’éolien révèle leur grande inefficacité par rapport à l’énergie produite .

    Finalement, pour satisfaire les extrémistes woke , on propose une foule de mesures pour favoriser l’équité – mot (et ses synonymes) mentionné plus de 100 fois . Par contre, on ne parle que deux fois du fentanyl , drogue qui tuerait près de 55 000 personnes par an.

    Envahir le Mexique ?

    Plusieurs Républicains, avec raison, sont consternés face à l’inaction causant autant que morts qu’un 11 septembre tous les 20 jours. Mais leurs « solutions » ne régleraient aucunement l’épidémie d’overdoses.

    Récemment, le sénateur Lindsey Graham, un faucon impénitent, a proposé de désigner les cartels de drogue mexicains comme organisation terroriste afin d’utiliser l’armée pour « régler » le problème.

    Cette proposition farfelue, déjà suggérée par Donald Trump, ne tient pas la route. Non seulement elle risque de fortement perturber le commerce avec le Mexique – des commentateurs conservateurs l’admettent à contrecœur – mais elle ne fera qu’empirer la situation.

    En effet, qui dit marché noir dit illégalité, et simplement s’attaquer aux distributeurs augmente logiquement le prix. De plus, l’illégalité est justement ce qui cause autant d’overdoses. Leur augmentation coïncide avec une diminution des prescriptions d’opiacés. Et comme la douleur aiguë des gens n’a pas changé, ces derniers se tournent vers des options non réglementées et souvent fatales.

    Une Amérique maternante

    Par ailleurs, les plus récents sondages montrent que Donald Trump est encore largement favori chez les Républicains pour 2024. Il est donc important de s’intéresser à ses propositions, aussi farfelues soient-elles.

    Parmi elles , on trouve la construction de « villes de liberté » sur les terres fédérales, un soutien à la création de voitures volantes, l’embellissement des villes et des primes à la naissance. Et comme trop souvent, Trump n’explique pas comment financer ces projets grandioses et futiles.

    Futiles parce que les politiques natalistes sont souvent inefficaces et onéreuses. Une diminution de l’emprise du gouvernement sur nos vies, notamment pour le logement , aurait le double avantage d’aider les ménages et de ne rien coûter. Idem pour l’embellissement des villes : plusieurs sont devenues laides à cause de politiques centralisées, notamment l’urbanisme fonctionnel qui a mis du béton partout. C’est ce qui a donné le bunker à Québec, l’autoroute métropolitaine à Montréal et tous ces HLM en banlieue des grandes villes françaises.

    Quant à la proposition de construire des villes sur les terres fédérales, elle cache une idée qui a pourtant du bon . En effet, le gouvernement fédéral « détient » une quantité incroyable de terres, particulièrement à l’ouest du Mississippi – souvent la majorité des terres des États qui s’y trouvent.  Autoriser les États à les utiliser permettrait certainement aux entrepreneurs de mieux y investir et créer plus de richesses. Mais vouloir y créer des villes « libres » est non seulement un pied-de-nez enfantin aux Démocrates, mais ne vaut pas mieux que les villes-fantôme chinoises , construites sans que la demande ne soit au rendez-vous.

    Bref, ne vous demandez pas pourquoi un cynisme aussi fort émane de chez l’oncle Sam. Les deux principaux partis n’ont d’yeux que pour l’augmentation des programmes gouvernementaux qui leur conviennent. Aucun ne veut vraiment diminuer les dépenses nettes ou réformer en profondeur les arnaques pyramidales que sont Medicare et Social Security.

    Si la récente faillite d’une banque de la Silicon Valley est représentative de la situation économique actuelle, alors attendez-vous à une répétition de 2008 avec des secours financiers et une inflation encore plus forte.

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      Doit-on promouvoir l’abstinence énergétique ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 8 March, 2023 - 03:40 · 9 minutes

    Dans le récent article du journal Le Monde intitulé « Une relance nucléaire décidée dans le plus grand mépris démocratique », la secrétaire nationale d’un parti ayant eu la peau de Fessenheim et celle de Superphénix, avec seulement 6 à 7 % du corps électoral, déplore implicitement le bafouage de sa militante chasse gardée : la CNDP.

    Madame Tondelier surestime manifestement le nombre des nostalgiques de cette mystification consultative et n’a pas encore perçu que ses compatriotes en ont majoritairement soupé de la fallacieuse démocratie dont ils n’ont pas fini d’endurer les effets délétères. Désormais, ces Français veulent être directement pris à témoins de l’appréhension par des experts reconnus de problèmes fondamentaux comme celui soulevé ci-après par Jean-Jacques Biteau 1 , sans travestissement médiatique, ni intermédiaire.


    La liberté relative de chaque être humain de choisir son alimentation et son énergie

    Elle est toute relative, car très différente suivant les pays et les niveaux sociaux des individus.

    Le problème majeur est que la planète Terre a des limites que nous, humains, cernons d’évidence de plus en plus, explorons et exploitons. Cette exploitation ne se construit d’ailleurs pas toujours dans des conditions de préservation naturelle optimales alors que celles-ci deviennent de plus en plus essentielles à nos projets pour les rendre acceptables.

    Il est possible que pour peu que nous découvrions un jour sur Mars ou sur la Lune des éléments utiles à produire notre énergie, nous puissions les extraire et les importer. Ceci n’est certainement pas pour le court et le moyen terme. La fusion nucléaire viendra aussi probablement à moyen terme fournir de l’électricité et, comme la fission nucléaire, sera contrôlée et mise en œuvre par des États, à cause des forts CAPEX, sans parler de sécurité des installations.

    Les limites planétaires sont des limites volumiques. Je ne parle pas de l’uranium mais d’abord des produits carbonés fossiles qui sont pour 80 % ceux de notre énergie. Ils proviennent de stocks animaux et de végétaux déposés, enfouis et fabriqués pendant des millions d’années avec des pertes considérables du début à la fin. La géologie et la durée des processus regorgent de facteurs contraires à leur préservation, ce qui rend ces hydrocarbures et à moindre titre les charbons très précieux et épuisables. Contrairement aux idées répandues, les liquides et les gaz naturels vont se raréfier à moyen terme et décliner en quantités et en volumes d’extraction. Le charbon c’est un empire de mille ans.

    Des consultants comme Rystad ou WoodMackenzie commencent à en parler en citant certains types de pétroles et même tous les hydrocarbures, comme c’est le cas de l’ ASPO depuis 30 ans. Les compagnies pétrolières le savent mais ne vont pas se tirer une balle dans le pied, si j’ose dire ! Vous remarquerez que certaines empruntent les chemins d’autres sources d’énergie, ce qui n’est pas du pipeau – du greenwashing comme disent les journalistes – mais leur survie à terme et leur préparation du futur.

    La démographie humaine fait que nos besoins énergétiques, certes très inégaux entre les continents et les pays, augmentent sans cesse et la transition voulue se révèle être une addition de sources dont certaines que l’on pensait déclinantes comme le charbon ou la biomasse.

    Tout cela mis bout à bout fait qu’une régulation est indispensable (chauffage, transports en commun…). J’y ajouterai bien volontiers l’utilisation de l’eau, un bien commun essentiel à notre alimentation…

    Ces règles que vous trouvez contraignantes seront capables de préserver notre niveau de vie et d’aider ceux qui ont un niveau de survie à élever. Bien sûr, et c’est le point de vigilance, ceci est concevable en évitant de se laisser aller aux endoctrinements et puis aux dictatures que des idéologues dogmatiques et radicaux – « pastèques » ou « khmers verts » – très minoritaires, comme les bolcheviks ou les nazis au début de leurs ascensions, sauraient nous imposer, pour peu qu’on n’anticipe pas cette régulation énergétique et minière.

    Minière, oui nécessairement et ce sera en rouvrant activement des mines notamment en Europe occidentale, à même de nous pourvoir en minéraux critiques que l’électrification de la locomotion nécessitera.

    Pierre-René Bauquis 2 renchérit sur le caractère prégnant de la finitude des ressources énergétiques naturelles.

    La planète devrait pouvoir tolérer sur son sol la présence de 3 à 4 milliards d’êtres humains sans trop de préjudices pour leur biosphère mais pas celle de dix ni même de cinq milliards. Et si une vraie lueur d’espoir assez inattendue et discutable semble se dessiner pour l’aventure humaine, quant à son avenir démographique, la lecture d’une étude de l’ASPO – le président en est Jean Laherrere – me conduit à penser qu’il n’est toujours pas exclu que le vaste rééquilibrage démographique se fasse de façon catastrophique. Certes, il y a une trentaine d’années j’étais convaincu que ce rééquilibrage ne pourrait se faire qu’à coup de famines, de guerres et d’épidémies.

    C’est sous l’angle de ce constat qu’il convient de placer aujourd’hui le débat car le vieux dilemme étatisme versus libéralisme présente, certes, un intérêt pour la gestion court/moyen terme mais pas pour la gestion de long terme.

    Réfléchir dès maintenant à une évolution de la notion d’État vers toujours plus de dirigisme ?

    Sans doute pas, car le devoir premier et permanent d’un État est de promouvoir les conditions permettant au peuple de s’approvisionner suffisamment en eau et en énergie.

    En 2023, ceci signifie adopter l’attitude résolument déterministe consistant à trouver le moyen de garantir à l’économie du pays l’approvisionnement énergétique le plus abondant, le plus sûr et le moins cher possible, laissant à d’autres dont c’est le rôle, la fonction ou le métier de donner une matérialité à des états d’âme prospectifs ou probabilistes.

    Une telle responsabilité interdit en tout cas à l’État de se muer en organisation confessionnelle ou en agence doctrinaire s’autorisant la police morale et/ou la police des mœurs chargées de contingenter les consommations d’énergie. Cette responsabilité consiste au contraire à laisser le soin à des systèmes production-consommation commerciaux loyaux et surtout disciplinés de procéder le plus naturellement du monde à tout contingentement, lorsque nécessaire. Depuis la nuit des temps, le gradient des contingentements le plus lent qui se puisse imaginer résulte en effet de la rencontre permanente des limites physiques de notre univers par les systèmes en question. Hélas, pour le plus grand malheur de la France, l’idéologie depuis trop longtemps au pouvoir nie contre toute évidence que ce gradient a jusqu’ici ménagé à un génie humain toujours plus inventif les temps de réponse suffisant à permettre à la civilisation de s’adapter au fur et à mesure.

    Or, c’est précisément dans cette inventivité que tout État soucieux de l’optimisation du progrès économique et social de ceux qui l’ont constitué est tenu de puiser constamment pour favoriser l’accroissement des rendements et de l’efficacité énergétique de tous les process techniques, organisationnels, sociaux et même intellectuels réclamant de l’énergie, des matières premières et de la main d’œuvre. N’est énoncée là que la banalité de l’optimisation socioéconomique dans laquelle le niveau de vie des citoyens a toujours puisé sa croissance, érigée en précepte depuis un siècle et demi par les économies les plus saines.

    Mais la sobriété, voire l’ascèse énergétique que s’imposerait une société entière ou que lui imposeraient ses gouvernants, portant le nom de récession programmée, n’a rien à voir avec tout ceci. On attend de ceux qui pense le contraire la démonstration selon laquelle la prospérité économique – la croissance pour faire simple – ne serait pas proportionnelle à la consommation de matières premières, à la consommation d’énergie tout particulièrement.

    Si donc on admet que les économies d’énergie ne peuvent être attendues que de l’amélioration de tous les rendements industriels et sociaux, la seule chose à faire est de rendre notre économie la plus performante possible, ce que font très mal, depuis des années, les acteurs qui chez nous en ont la charge et prétendent pourtant faire de leur mieux.

    En tout cas, le gosplan étatique consistant à imposer la rénovation et l’isolation des bâtiments à marche forcée et à un prix d’or 3 qui serait plus utile à financer les moyens de production énergétiques dont on prétend ainsi se passer, ce gosplan donc est bien le contraire d’une optimisation économique. Car, outre qu’on décide d’une baisse de régime de la machine économique, au sens premier du terme, le rendement de la dépense ainsi arrachée aux Français, sans qu’ils aient eu à en choisir l’usage, promet d’être catastrophique, comme tout ce que touche leur État.

    En résumé, la société moderne – la française en particulier – semble plus que jamais confrontée au dilemme suivant : choisir ou non de provoquer la récession économique par une décroissance énergétique volontaire que, même modérée, aucune mesure d’abstinence ne sera capable de compenser, en termes de PIB. Or, en l’état actuel des choses, choisir de ne pas provoquer une telle récession ne peut consister qu’à tout miser sur l’énergie nucléaire de quatrième génération et à laisser à un marché non dévoyé le soin de rendre l’abstinence attractive, à un rythme permettant au consommateur et au contribuable d’en mesurer régulièrement les bienfaits sur leurs factures.

    1. Jean-Jacques Biteau, Ingénieur géologue ENSG Nancy 1977, retraité Elf Aquitaine et Total (1979-2019) ; dernier poste actif : Directeur E&P de la Coordination/Arbitrage Exploration
    2. Pierre-René Bauquis, Géologue ENSG et économiste ayant travaillé à l’Institut Français du Pétrole et au groupe Total, enseignant en économie énergétique en France et à l’étranger.
    3. Se figure-t-on bien les sommes colossales représentées par « la mise à niveau thermique » de l’ensemble du parc immobilier français, dans les courts délais requis par la disparition programmée de nos moyens de production ? Des sommes colossales que l’État se dispose à extorquer quasiment au comptant et non à tempérament au contribuable et au consommateur.
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      Retraites : et si on quittait la tutelle étouffante de l’État ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 16 February, 2023 - 12:00 · 9 minutes

    Candidat déclaré depuis peu, Emmanuel Macron a commencé à divulguer son programme en vue d’un second mandat présidentiel. Au menu, une réforme des retraites qui passerait par le recul de l’âge légal de 62 à 65 ans. Interrogé à ce sujet dans Marianne , l’économiste atterré Henri Sterdyniak a expliqué que ce projet revenait ni plus ni moins à « faire payer le quoi qu’il en coûte aux travailleurs ».

    Disons qu’il n’a pas complètement tort.

    Oh, bien sûr, la formulation « faire payer aux travailleurs » , lourde d’indignation, renvoie immanquablement aux bons vieux réflexes de la lutte des classes. Dans les cercles très atterrés de gauche et d’extrême gauche , chez Jean-Luc Mélenchon par exemple, on préfère de beaucoup faire payer les riches. Plutôt ramener l’âge de la retraite à 60 ans, augmenter la pension minimum à 1400 euros par mois et financer le tout par un ISF de compétition, une taxation inflexible des revenus et des héritages, sans oublier une chasse aux évadés fiscaux « jusqu’en enfer . »

    Mais la remarque de M. Sterdyniak, pour datée et inopérante qu’elle soit par les solutions qu’elle suggère, nous rappelle néanmoins qu’en matière de retraite, notre système très collectivisé, très réparti et très étatisé – très solidaire, disent certains… – nous rend entièrement dépendants des décisions du gouvernement.

    En effet, les cotisations de retraite sont des prélèvements obligatoires qui entrent directement dans les recettes de nos comptes publics tandis que les prestations de retraites font partie intégrante des dépenses publiques. Parmi ces dernières, elles représentent 268 euros sur 1000 selon le document diffusé en 2019 par le gouvernement pour orienter le Grand débat national, soit environ 14 % du PIB de la France (graphe ci-dessous). Ce n’est pas peu dire, c’est même l’un des niveaux les plus élevés au monde :

    retraites

    Or qui dit recettes et dépenses dit évidemment solde – et s’agissant de la France, cela fait des années que ce solde est négatif. Bref, un déficit chronique.

    La bonne orthodoxie budgétaire de l’Union européenne voudrait que ledit déficit n’excédât pas 3 % du PIB. Mais avec le covid puis maintenant la guerre en Ukraine, on ne sait plus très bien. Mais quoi qu’il en soit, la France a toujours eu les plus grandes difficultés à se conformer à cette règle quand d’autres pays, l’Allemagne ou les Pays-Bas par exemple, semblent n’avoir eu aucun mal à accumuler les excédents jusqu’en 2019 – sans être moins prospères pour autant, bien au contraire.

    Mais il y a pire. On pourrait facilement s’imaginer que notre déficit public est purement conjoncturel, qu’il résulte d’événements extérieurs tels que la pandémie de covid et qu’il se résorbera avec la fin de l’événement en question. Or il n’en est rien. La part structurelle du déficit reste élevée et tend même à s’alourdir du fait de dépenses conjoncturelles qui perdurent et du fait de notre structuration idéologico-rigide en État providence. Dans le Projet de loi de finances pour 2022 , le gouvernement table sur un déficit public de 5 % dont 4 % en structurel.

    Et c’est là qu’on en revient au système de retraite.

    Toute variation sur l’âge légal de départ, sur le nombre de trimestres cotisés, sur le montant des pensions versées aux retraités et sur le montant des cotisations payées par les entreprises entraîne structurellement une variation des recettes et des dépenses publiques.

    Toutes choses égales par ailleurs, les autorités compétentes ont calculé que passer l’âge légal de retraite de 62 à 64 ans pourrait rapporter plus de dix milliards d’euros par an dans les caisses de l’État, c’est-à-dire environ 14 milliards du côté des prestations en moins, minorés par 4 milliards d’euros du côté des indemnités chômage, invalidité et maladie à payer en plus. À 65 ans, estime le gouvernement, on commencerait à se sentir à l’aise. Surtout quand on sait que le déficit du système actuel inchangé serait de 10 milliards d’euros par an jusqu’en 2030.

    Non pas que je prenne l’âge légal de départ en retraite pour quantité négligeable. Il est incontestablement plus bas en France que chez nos grands voisins européens et il constitue évidemment un élément à prendre en compte dans le contexte de l’allongement de l’espérance de vie que nous connaissons :

    Mais force est de constater parallèlement que le simple fait de rester intégralement et obligatoirement dans le système par répartition que nous connaissons depuis la Deuxième Guerre mondiale met les retraités à la merci totale de décisions purement politiques, qu’il s’agisse de pallier une mauvaise gestion chronique ou de financer le modèle social ultra-coûteux dont la France, pays pas comme les autres , a le secret.

    Emmanuel Macron nous en a donné un fameux exemple dans le Projet de loi de finances pour 2019. Alors qu’il s’était engagé à ne pas toucher aux pensions et notamment à ne pas les transformer en variable d’ajustement pour arranger les comptes ultra-tendus de la nation, il n’a pas hésité à les revaloriser de 0,3 % seulement en 2019 et 2020, soit bien moins que l’inflation prévue à l’époque.

    On pourrait se dire que les contraintes budgétaires imposées par l’Union européenne jouent directement contre les citoyens retraités et qu’il est temps de s’affranchir de cette tutelle infernale. Mais ce serait s’aveugler sur les raisons véritablement constitutives de cette situation toxique. D’une part parce que d’autres pays européens ne souffrent nullement de ce problème et d’autre part et surtout parce que la faute en incombe directement à cette idée fort totalitaire et fort en cours en France que c’est à l’État d’organiser nos vies dans les moindres détails – passion égalitariste oblige.

    Pourtant, la retraite, c’est très simple. Celui qui travaille a la « prévoyance » de mettre de côté un peu de son salaire chaque mois pour assurer sa subsistance durant ses vieux jours. S’il place les sommes ainsi mises de côté – et personne ne dit qu’il doive les placer en junk bonds ou en actions à très haut risque – il se retrouvera le moment voulu (choisi) avec un capital qu’il aura lui-même constitué.

    Dans le système par répartition, les sommes versées en cotisations retraite par les actifs ne sont pas vraiment mises de côté ; elles sont payées immédiatement aux retraités. L’actif qui cotise n’a encore rien assuré pour sa retraite. Les sommes qui lui reviendront n’existent pas encore et il n’a d’autre choix que de faire confiance à l’administration pour qu’elle maintienne le système en état de marche jusqu’à sa mort.

    Or ce qui fonctionnait quand l’âge de départ en retraite était de 65 ans et l’espérance de vie de 70 ans, ne fonctionne plus aujourd’hui. Entre déficits chroniques qui obligent à remettre une réforme sur la table à chaque quinquennat et décisions arbitraires des pouvoirs publics pour favoriser telle catégorie de citoyens aux dépens des autres (cas des régimes spéciaux de la SNCF ou la RATP) dans le contexte de comptes publics régis par le principe du « quoi qu’il en coûte », une telle confiance n’est pas raisonnable.

    Aussi, lorsque je parle de baisser les dépenses publiques, ce qui m’arrive assez souvent, je ne signifie nullement qu’il faudrait réduire arbitrairement les pensions – ce qu’a fait Macron. Je veux dire qu’il est temps de sortir ce domaine de la mainmise étatique et de rendre aux Français la maîtrise et la responsabilité de leur retraite en cassant le monopole de l’État providence et en permettant à chacun d’ inclure de la retraite par capitalisation dans son plan de retraite.

    On devient certes dépendant de l’activité économique et des marchés financiers, mais on a la possibilité de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et il est possible de lisser le risque à long terme. Du reste, il serait tout à fait erroné de s’imaginer que la répartition nous met à l’abri des vicissitudes économiques. Chaque ralentissement de l’activité entraînant hausse du chômage et baisse des rentrées de cotisations, l’ajustement se fait alors inéluctablement via les impôts, la dette, la baisse des prestations ou la hausse des taux de cotisations.

    Il faut croire d’ailleurs que la capitalisation n’est pas l’horreur si souvent décrite. Lors des négociations (avortées) autour de la retraite universelle à points voulue sans succès par Emmanuel Macron avant l’arrivée du covid, on a pu se rendre compte que les rares professions disposant d’un régime autonome de retraite par capitalisation ne voulaient pour rien au monde s’en passer par crainte de voir le niveau de leurs pensions s’affaisser. Les pharmaciens par exemple.

    Leur cas particulier nous donne justement une bonne idée de ce que pourrait être un système de retraite moderne et performant : au-delà d’un système de base géré par l’État, la possibilité pour tous d’accéder soit individuellement, soit par profession, soit par entreprise à des régimes complémentaires par capitalisation gérés de façon indépendante au plus près des intérêts et des choix des cotisants.

    Cette structure en plusieurs piliers combinant répartition et capitalisation est précisément celle qui prévaut dans les pays les mieux classés dans l’Index Mercer des systèmes de retraite. En 2021, le trio de tête était formé de l’Islande, des Pays-Bas et du Danemark . La France figurait au 21 ème rang sur 43 pays étudiés avec une note de 60,5/100, soit un peu moins que la moyenne. Sur les trois grands axes analysés (niveau des pensions, équilibre financier à long terme, transparence du système), ses résultats étaient corrects pour le premier et particulièrement faibles pour les deux autres :

    Autrement dit, l’existence d’un monopole public dispendieux ne garantit nullement la qualité du système. Après l’éducation et la santé, la France en apporte une nouvelle preuve dans le domaine des retraites.

    Pour finir, je vous suggère un test tout simple pour savoir si votre candidat préféré possède ou non un petit quelque chose de libéral : regardez ses propositions pour la retraite. S’il ne s’agit que de faire bouger l’âge légal et d’instaurer une pension minimum plus ou moins mirobolante, vous pouvez être certain que votre candidat ne compte nullement renoncer au pouvoir de diriger votre vie du berceau au tombeau.

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    Un article publié initialement le 15 mars 2022.

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      La discrète et coûteuse quasi-nationalisation d’Orpea

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 3 February, 2023 - 12:00 · 6 minutes

    La nouvelle ne surprendra que les plus naïfs : la Caisse des Dépôts et Consignations va devenir l’actionnaire majoritaire du groupe Orpea, qui s’occupe de maisons de retraite et connaît d’importantes difficultés financières depuis plus d’un an. Sapristi ! Une quasi- nationalisation discrète et personne ne semble ni s’en émouvoir, ni s’en féliciter…

    Pourtant, les montants évoqués ne sont pas anodins : une dette de 9,5 milliards d’euros, dont 3,5 milliards effacés et une injection de capitaux à hauteur de 1,55 milliard, voilà qui commence à faire des montants dodus qui pourraient faire jazzer.

    Malgré cela, l’opération semble n’intéresser personne et le sort final du leader mondial des EHPAD (72 000 salariés, 255 000 patients et résidents dans ses établissements) ne déclenche guère que quelques articles dans une presse tournée vers d’autres préoccupations depuis les mésaventures des cyclopathes français jusqu’aux prix des péages inévitablement en hausse (la guerre contre les automobilistes continuant de faire rage).

    Orpea, c’est ce groupe qui avait fait parler de lui il y a tout juste un an, à la sortie du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet, consacré à la gestion de ce groupe et aux traitements légèrement sous-optimaux des résidents : les révélations qu’on pouvait y lire avaient mis en avant de gros problèmes institutionnels qui avaient entraîné des procédures judiciaires de l’État. Le groupe est maintenant en pleine restructuration et s’approche dangereusement d’une faillite retentissante alors que la hausse des coûts alimentaires et énergétiques pousse un manque de liquidités au premier trimestre 2023.

    L’annonce de l’intervention massive de la CDC permet ici de sauver les meubles, au moins dans l’immédiat. La nouvelle équipe dirigeante se félicite au passage de l’arrivée de la « puissance publique » dans ce groupe, ce qui « réduira les exigences de rentabilité du groupe ». Réduire la rentabilité du groupe, voilà qui laisse augurer du meilleur pour la dette restante.

    Autrement dit, tout se passe comme d’habitude au pays du miel en retraite et du lait pensionné : en lieu et place d’une solide faillite avec à la clé quelques incarcérations de dirigeants incompétents qui auraient rappelé à tous les concernés leur responsabilité dans cette déroute, l’ État intervient pour corriger tout cela dans la dentelle et le silence ouaté des folliculaires officiels… Et avec le pognon du contribuable, ne l’oublions pas.

    Chose intéressante : les Français vont donc payer pour rétablir la bonne santé financière de ces établissements où la plupart d’entre eux ne pourront même pas aller une fois leur heure venue, l’actuelle retraite étant destinée au même type de déroute que ces établissements. Sauf que l’État n’y pourra plus rien faire à ce moment.

    De façon plus symptomatique, ces établissements profitent directement des retraites versées à leur pensionnaires, qui ne suffisent semble-t-il pas à couvrir leurs frais (d’où l’hippopodette accumulée). Or, coquin de sort, c’est le même État, sauveur du groupe, qui est aussi responsable de la gestion de ces retraites de plus en plus compliquées à verser sans faire pleurer les cotisants. Intéressante perspective qui n’est pas prête de s’améliorer quand on voit le monde dans la rue pour conserver le système tel quel, aussi pourri soit-il.

    Autrement dit, les mêmes causes produisant résolument les mêmes effets, il est raisonnable d’imaginer que la situation d’Orpea va suivre celle des retraites par répartition en France, pour des raisons globalement similaires de gestion à la Va Comme Je Te Pousse Mémé Dans Les Orties, C’est Là Qu’elle Coûte Le Moins Cher.

    L’état général de ces établissements, les frémissements sociaux actuels et les gesticulations grotesques du gouvernement se rejoignent admirablement à ce sujet pour nous garantir une fin misérable à base d’ Inspecteur Derrick en boucle, de nouilles froides au dîner à 18 h 30 et d’extinction des feux obligatoire à 20:45 après l’homélie de Claire Chazal.

    Eh oui : les Français, abrutis par des années de socialisme et de syndicalisme marxiste, d’éducation au rabais qui ne permet plus au citoyen lambda de faire une règle de trois (et encore moins de comprendre le principe pourtant fondamental des intérêts composés), ne saisissent pas toute l’arnaque que constitue l’actuel schéma de Ponzi des retraites par répartition et s’accrochent donc à ce système en refusant d’envisager la capitalisation, pourtant seul moyen réellement fiable d’assurer de vieux jours confortables, quel que soit le profil socio-professionnel.

    Tentant obstinément de faire entrer de gros parallélépipèdes collectivistes dans de petits trous circulaires de l’âpre réalité, ils ne comprennent donc pas comment triturer taille et durée des cotisations, âge de départ et montant des pensions versées pour parvenir à distribuer à tous des retraites vaguement décentes dans un avenir proche.

    Et ce alors même que la base de ceux qui payent s’amenuise d’année en année.

    Manque de bol, les gains de productivité – sur lesquels les néocommunistes et autres turbo-socialistes d’opérette harpent à longueur de débat – ont été largement engloutis dans les fromages de la République toujours plus nombreux et dans l’arrosage massif d’argent public dans l’aide sociale, mais pas dans les retraites.

    À la question « où sont parties les cotisations ? », peu de Français comprennent que la réponse est à chercher dans la multiplication des strates administratives, des personnels bureaucratiques, des errements de l’État dans tous ses milliers de plans grotesques (vous reprendrez bien une éolienne ou deux, non ?) et autres subventions directes, indirectes et cachées, dans le sauvetage de tous les canards boîteux dans lesquels copains et coquins se sont vautrés, ainsi que dans le maintien d’une paix sociale de plus en plus exorbitante.

    Paix sociale tellement exorbitante que le différentiel (colossal) avec ces gains de productivité alimente une dette de 3000 milliards d’euros maintenant . Le moindre incident de parcours, et – pouf ! – cette paix va voler en éclats petits et pointus…

    Or, vu la conjoncture, la démographie, les cadors au pouvoir et dans les oppositions en carton, le problème n’ira qu’en augmentant.

    Avec des Français qui passent déjà 25 années à la retraite , l’avalanche de mauvaises nouvelles (augmentation des cotisations ET rallongement du temps de cotisation ET baisse des retraites) n’a pas fini.

    À côté, rappelons que grâce à la puissance des intérêts composés, une capitalisation de 300 euros par mois pendant 42 ans à 5 % (ce qui est peu quand on se rappelle des volumes dont il est question ici sur les marchés financiers mondiaux), cela permet d’aboutir à 500 000 euros en fin de carrière qui peuvent ensuite en rapporter 25 000 par an (soit 2000 euros mensuel) sans toucher au capital.

    Et comme le prouvent de nombreuses études (et ce livre , par exemple, où les auteurs montrent comment et pourquoi un travailleur moyen peut, par la capitalisation, disposer pendant sa retraite d’une pension supérieure à son dernier salaire), non, les aléas de la bourse n’y changent rien : même en cas de grosses crises, même en cas de guerre, la capitalisation reste un bien meilleur système que la répartition, vol pur et simple sur le dos des générations futures.

    Mais voilà : il n’y aura pas de remise en question, ni des principes de la retraite, ni de ceux qui permettent à des établissements, en toute intégration avec le système actuel, de profiter sans vergogne de ces pensions, ni même du fait que l’État puisse devenir ainsi actionnaire d’un groupe en quasi-faillite.

    Depuis ceux qui sortent dans la rue jusqu’à ceux qui gesticulent dans les couloirs républicains, tout le monde réclame que tout ceci perdure.

    Ceci perdurera donc.

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      Covid : la grossière diversion de la fin de l’isolement des cas positifs

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 3 February, 2023 - 04:15 · 4 minutes

    Lundi, la Direction générale de la Santé (DGS) a annoncé la fin de l’isolement systématique des cas positifs et de la réalisation de tests au bout de deux jours pour les cas contacts à compter du 1er février. Une décision justifiée par un contexte épidémique dit « favorable » sur l’ensemble du territoire.

    L’isolement n’est plus une obligation mais une vive recommandation, comme pour toute infection virale.

    La fin de ces deux mesures s’accompagne de la fin des arrêts de travail dérogatoires sans jour de carence et du service « Contact covid » mis en place par les CPAM.

    Après les grands confinements, la grande libération ? Que nenni.

    Le précédent antiterroriste

    Ceux qui se souviennent du sort de l’état d’urgence antiterroriste ne seront guère si naïfs.

    Critiquées pour leurs nombreux prolongements depuis 2015, les lois relatives à l’ état d’urgence antiterroriste ont fait l’objet, début 2021, d’une introduction dans le droit commun, une entrée qui a constitué une entaille de plus dans un État de droit qui n’en a en réalité que l’intitulé.

    Cette introduction sera largement critiquée par les juristes voyant d’un mauvais œil la mise à l’écart du juge judiciaire , garant des libertés et de la propriété au profit du ministre de l’Intérieur et de ses autorités préfectorales, notamment en matière de liberté de circulation, de culte ou encore de communication.

    Une dilution de l’État de droit

    Professeure de droit public à l’université de Nanterre et directrice du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (Credof), Stéphanie Hennette-Vauchez a écrit La démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente .

    Cet ouvrage porte une critique des états d’urgence à répétition diluant peu à peu la démocratie dans une forme d’autoritarisme soft . Mais cette répétition n’est pas l’unique outil de cette dilution. L’intégration de mesures dans le droit commun en est également un puissant levier.

    L’état d’urgence sanitaire, comme l’état d’urgence antiterroriste, a montré un autre levier après une tentative d’intégration à notre droit commun.

    L’échec du projet 3714

    Le 21 décembre 2021, le Conseil des ministres a présenté le projet de loi n°3714 visant à instituer un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires .

    Si les plus grands totalitarismes ont toujours été ceux qui ont su se draper dans les oripeaux les plus nobles, ce texte visait à remplacer l’oppression par l’incitation. Or, l’article 1er du texte permettait à Matignon de prendre des décisions à l’encontre des personnes non-vaccinées et frappant directement leurs libertés les plus élémentaires, rappelant l’idée d’un passeport vert proposée à la même époque et visant à créer des droits de circulation différenciés selon le régime vaccinal.

    Si ce projet de loi a été retiré dès le lendemain de sa présentation , marquant un peu plus l’amateurisme – volontaire ou non – du gouvernement, ce dernier a tenté une autre méthode.

    La fin des mesures emblématiques

    Puisque le faire de manière frontale faisait courir le risque d’une trop grande levée de boucliers dans un contexte social déjà tendu, le gouvernement a décidé d’agir autrement.

    Le 1er août dernier, l’état d’urgence sanitaire prenait officiellement fin. Plus de confinement, plus de pass sanitaire, plus de couvre-feu mais la possibilité pour les établissements de fixer des règles d’entrée et pour le ministère de la Santé de prendre des arrêtés en cas de reprise épidémique.

    Mais la mesure la plus controversée restera sans doute la non-réintégration des soignants non- vaccinés , l’obligation vaccinale de ces personnels, alors même que la vaccination ne permet pas d’éviter la contagion mais de limiter uniquement la symptomatologie du virus. Pérenniser l’état d’urgence, pas les soignants, donc…

    Cette réintégration est depuis l’objet d’un conflit électoral récurrent de la part du RN et de LFI, lesquels souhaitent se tailler la part du lion de l’électorat infirmier contestataire.

    Davantage qu’une intégration dans le droit commun, la fin de l’état d’urgence sanitaire s’est en réalité soldée par la fin des mesures les plus emblématiques de cette période, sans mettre fin à la logique sous-jacente.

    Une fin de restriction insipide

    Entre répétition, intégration dans le droit commun ou simple arrêt des mesures phares, les moyens d’écorner notre État de droit en pérénisant l’état d’urgence sont nombreux. L’état d’urgence sanitaire n’y fait pas exception et la fin de quelques restrictions, émiettée dans l’actualité normative, tranche par son absence totale de saveur dans un contexte d’exaspération généralisée.

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      Le libre échange contre la destructrice idéologie étatiste

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 21 January, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Par Connor O’Keeffe.

    Après la crise financière de 2008, des appels ont retenti dans les publications de l’establishment et les bureaux exécutifs de Wall Street pour dire que nous assistions à la mort de la mondialisation. Ces appels se sont amplifiés et multipliés après le Brexit , l’élection de Donald Trump , la pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pourtant, les données semblent contester ce récit. Le commerce mondial a atteint un niveau record de 28 500 milliards de dollars l’année dernière et les projections prévoient une croissance en 2023. Le rythme devrait toutefois ralentir. Cette situation s’explique moins par un problème lié à la mondialisation elle-même que par les revers historiques qu’elle a subis.

    Avant de poursuivre, il est important de définir certains termes.

    La mondialisation se produit lorsque les sociétés du monde entier commencent à interagir et à s’intégrer économiquement et politiquement. Le commerce intercontinental vécu à l’époque de la marine à voile et via la route de la soie sont les premiers exemples de mondialisation. La mondialisation a réellement pris son essor après la Seconde Guerre mondiale et a reçu un nouvel élan avec l’adoption généralisée d’Internet. Il est important de noter que dans le discours courant la mondialisation inclut à la fois les activités économiques volontaires entre les peuples de différentes nations et les activités géopolitiques involontaires des États.

    En revanche, Ian Bremmer définit le mondialisme comme une idéologie qui appelle à une libéralisation du commerce et à une intégration mondiale du haut vers le bas, soutenues par une puissance unipolaire. Les étatistes croient que les échanges commerciaux entre les personnes sont littéralement impossibles sans États ; ce n’est que lorsqu’un groupe revendique le monopole légal de la violence, puis construit des infrastructures, assure la sécurité, documente les titres de propriété et sert d’arbitre final des conflits qu’un marché peut exister. Le mondialisme est l’application de cette perspective au commerce international. Les mondialistes pensent qu’une gouvernance mondiale descendante, appliquée et sécurisée par une superpuissance unipolaire, permet la mondialisation.

    Mais, comme les étatistes à une échelle plus locale, le point de vue mondialiste est logiquement et historiquement erroné. Le commerce mondial était déjà bien engagé avant la première tentative majeure de gouvernance mondiale, la Société des Nations, en 1919. L’objectif déclaré de la Société était d’assurer la paix et la justice pour toutes les nations du monde par la sécurité collective. Elle s’est effondrée au début de la Seconde Guerre mondiale et a échoué lamentablement. Mais le mondialisme en tant qu’idéologie a trouvé sa place après la guerre. L’Europe a été dévastée. Les États-Unis et l’URSS sont alors les deux seuls pays capables d’exercer un pouvoir à l’échelle mondiale.

    Ainsi commença l’ère de mondialisation la plus rapide de l’histoire. Le commerce a explosé alors que les gens se remettaient de la guerre. Le projet mondialiste a également pris son envol avec la création des Nations Unies et de la Banque mondiale. Le mondialisme n’est limité que par les différences idéologiques entre les deux superpuissances. L’URSS voulait soutenir les révolutions tandis que les États-Unis visaient une libéralisation du commerce du haut vers le bas – ce qui a éloigné les récents alliés et plongé le monde dans la guerre froide.

    Aux États-Unis, les « néolibéraux » et les néoconservateurs ont dominé le courant politique grâce à leur mission commune d’apporter les marchés et la démocratie au monde sous la menace d’une arme et financés par les contribuables américains. Heureusement pour eux, le rythme auquel leurs interventions à l’intérieur et à l’extérieur détruisaient la société américaine était plus lent que celui des Soviétiques. L’abolition des prix et de la propriété privée a finalement conduit à l’effondrement de l’URSS au début des années 1990. Avec la défaite de leur principal adversaire, les États-Unis ont réalisé l’un des principes centraux du mondialisme, l’unipolarité.

    Dès le début, l’establishment américain s’est gavé de sa nouvelle influence planétaire. Par le biais de nouvelles organisations internationales comme l’Organisation mondiale du commerce, des accords de « libre-échange » ont été introduits. Certains font des centaines de pages alors que tout ce que le libre-échange exige vraiment, c’est une absence de politique. Les États-Unis ont fait naviguer leur marine sur les océans du monde entier en promettant de sécuriser les voies de navigation à la manière des patrouilleurs des autoroutes mondiales. Grâce à la promesse d’une sécurité militaire américaine et au financement d’organisations de gouvernance internationale, les contribuables américains ont été contraints de subventionner le commerce mondial.

    Comme le souligne Murray Rothbard dans Man, Economy, and State with Power and Market , le commerce international n’existe pas dans un marché véritablement libre. Les nations existeraient toujours mais elles seraient des poches de culture plutôt que des unités économiques. Toute restriction étatique sur le commerce entre les personnes en fonction de leur localisation est une violation de leur liberté et un coût pour la société. La plupart des économistes du marché libre le comprennent et plaident en conséquence contre les restrictions étatiques. Mais les subventions au commerce international sont également contraires au marché libre. La position correcte du marché libre est l’absence totale de politique des deux côtés. Pas de restrictions ni de subventions. Laissez les gens choisir librement avec qui ils font des affaires. Il ne devrait pas y avoir de mainmise sur l’une ou l’autre extrémité de l’échelle.

    L’intégration économique était loin d’être le seul objectif du régime américain pendant sa période unipolaire. Trop de gens avaient acquis richesse, pouvoir et statut pendant la guerre froide en faisant partie de la classe guerrière américaine. Malgré l’effondrement total de l’URSS, la dernière chose que les États-Unis voulaient faire était de déclarer la victoire et d’abandonner leur position privilégiée. Au lieu de cela, les États-Unis se sont démenés pour trouver un nouvel ennemi afin de justifier le maintien de ces privilèges. Leurs yeux se sont posés sur le Moyen-Orient où ils allaient, à terme, lancer huit guerres inutiles qui ont tué toute notion d’un « ordre international fondé sur des règles ». L’unipolarité américaine a donné raison à l’Albert Jay Nock : les gouvernements ne sont pacifiques que dans la mesure où ils sont faibles.

    Ce désir institutionnel de guerre allait semer les graines de la destruction pour le moment unipolaire des États-Unis. Alors que les États-Unis éviscéraient toute notion de défense d’un ordre fondé sur des règles par leur aventurisme au Moyen-Orient, la tension couvait en Europe de l’Est et en Asie orientale. À la grande joie des entreprises d’armement et des élites de la politique étrangère, les gouvernements russe et chinois sont redevenus les ennemis des États-Unis.

    L’invasion russe de l’Ukraine en février a été une énorme victoire pour la machine de guerre américaine mais elle a également représenté un énorme pas en arrière pour le mondialisme. Les Russes ont fait sécession de l’ordre mondial que les États-Unis avaient dirigé pendant trois décennies. La réaction de l’Occident, fondée sur des sanctions strictes et un désinvestissement économique forcé, a creusé le fossé dans le système mondial.

    Personne ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais le rêve mondialiste d’un système singulier de gouvernance mondiale est certainement anéanti dans un avenir proche avec la rupture du bloc russo-chinois. Il y aura de la douleur parce que tant de connexions entre les nations sont contrôlées par les gouvernements ; cependant, un degré significatif de mondialisation est toujours apprécié par les consommateurs du monde entier. Les données contredisent l’idée que la mondialisation est en train de s’inverser. Elle ne fait que ralentir alors que les gouvernements tentent d’entraîner les consommateurs dans leur quête de désinvestissement de l’autre côté.

    Malgré les affirmations selon lesquelles la mondialisation est morte, le commerce international est bel et bien vivant. Mais le mouvement vers un monde interconnecté ralentit alors que l’idéologie du globalisme connaît son plus grand revers depuis des décennies. L’amalgame étatiste entre la gouvernance mondiale unipolaire et le commerce international explique d’où viennent ces affirmations et pourquoi elles sont erronées.

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      Les centres de progrès (27) : Hong Kong (non-interventionnisme)

      Chelsea Follett · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 8 January, 2023 - 03:30 · 10 minutes

    Un article de Human Progress

    Notre vingt-septième Centre du progrès est Hong Kong pendant sa rapide transformation en marché libre dans les années 1960. Après avoir longtemps lutté contre la pauvreté, la guerre et la maladie, la ville a réussi à atteindre la prospérité grâce à des politiques libérales classiques.

    Aujourd’hui, la liberté qui a été la clé du succès de Hong Kong est en train de disparaître. La Chine continentale a réprimé les libertés politiques et civiles de la ville, laissant son avenir incertain. Mais comme l’a fait remarquer ma collègue Marian Tupy , « quel que soit l’avenir de Hong Kong, nous devons admirer son accession à la prospérité grâce à des réformes libérales. »

    La région où se trouve aujourd’hui Hong Kong est habitée depuis l’époque paléolithique, certains des premiers résidents étant le peuple She . Le petit village de pêcheurs qui allait devenir Hong Kong est passé sous la domination de l’Empire chinois pendant la dynastie Qin (221-206 av. J.-C.). Après la conquête mongole au XIII e siècle, Hong Kong a connu sa première augmentation significative de population, les loyalistes de la dynastie Song cherchant refuge dans cet obscur avant-poste côtier.

    La position de Hong Kong sur la côte a permis à ses habitants de vivre de la pêche, de la collecte de sel et de la chasse aux perles. Cependant, elle les exposait aussi à la menace constante des bandits et des pirates. Cheung Po Tsai (1786-1822) était un pirate particulièrement célèbre qui aurait commandé une flotte de 600 navires pirates avant que le gouvernement ne le recrute pour devenir colonel de la marine et combattre les Portugais. Sa cachette présumée sur une île située à six miles de la côte de Hong Kong est aujourd’hui une attraction touristique.

    La Chine a cédé une grande partie de Hong Kong à la Grande-Bretagne en 1842 par le traité de Nanjing qui a mis fin à la première guerre de l’opium. Avec l’intensification du commerce de la soie, de la porcelaine et du thé entre la Chine et la Grande-Bretagne, la ville portuaire est devenue un centre de transport et s’est rapidement développée. Cette croissance a d’abord entraîné surpopulation et insalubrité. Il n’est donc pas surprenant que la troisième pandémie de peste (1855-1945) a fait quelque 12 millions de victimes dans le monde et a dévasté l’Asie, et n’a pas épargné Hong Kong.

    En 1894, la peste bubonique est arrivée dans la ville et a tué plus de 93 % des personnes. La peste et l’exode qui en a résulté ont provoqué un ralentissement économique majeur, un millier de Hongkongais quittant la ville chaque jour au plus fort de la pandémie. Au total, environ 85 000 des 200 000 résidents d’origine chinoise de la ville ont quitté Hong Kong. La peste bubonique est restée endémique sur l’île jusqu’en 1929. Et même après, Hong Kong est restée insalubre et ravagée par la tuberculose, ou « peste blanche ».

    Outre la maladie, la vie à Hong Kong était également compliquée par la guerre et l’instabilité sur le continent chinois. En 1898, la deuxième guerre de l’opium (1898) a placé la péninsule de Kowloon de Hong Kong sous contrôle britannique.

    Les souffrances à Hong Kong ont été bien documentées par la journaliste Martha Gellhorn, arrivée avec son mari, l’écrivain Ernest Hemingway, en février 1941. Hemingway ironisera plus tard sur le fait que ce voyage était leur lune de miel. Gellhorn écrit : « La nuit les trottoirs étaient envahis de personnes endormies… Les délits étaient la vente ambulante sans permis et une amende que personne ne pouvait payer. Ces gens étaient le vrai Hong Kong et c’était la pauvreté la plus cruelle, pire que tout ce que j’avais vu auparavant. » Pourtant, les choses allaient encore empirer pour la ville.

    Au cours de la deuxième guerre sino-japonaise (1937-1945), une grande partie de l’aide matérielle que la Chine recevait des nations alliées arrivait par ses ports – en particulier la colonie britannique de Hong Kong, qui acheminait environ 40 % des fournitures extérieures. En d’autres termes, la ville était une cible stratégique. Les autorités britanniques ont évacué les femmes et les enfants européens de la ville en prévision d’une attaque. En décembre 1941, le matin même où les forces japonaises ont attaqué Pearl Harbor à Hawaï, le Japon a également attaqué Hong Kong en commençant par un bombardement aérien. Les Britanniques ont choisi de faire sauter de nombreux ponts et autres infrastructures clés de Hong Kong pour ralentir l’avancée de l’armée japonaise, mais en vain.

    Après la bataille de Hong Kong, les Japonais ont occupé la ville pendant trois ans et huit mois (1941-1945). L’université des sciences et de la technologie de Hong Kong considère cet épisode comme étant peut-être « la période la plus sombre de l’histoire de Hong Kong ». Les forces d’occupation ont exécuté environ 10 000 civils de Hong Kong et ont torturé, violé et mutilé de nombreux autres. La situation a incité de nombreux Hongkongais à fuir et la population de la ville a rapidement diminué, passant de 1,6 million à 600 000 habitants pendant l’occupation. L es Britanniques sont revenus à Hong Kong après la reddition des Japonais aux forces américaines en 1945.

    La même année, un fonctionnaire écossais de 30 ans, Sir John James Cowperthwaite, est arrivé dans la colonie pour aider à superviser son développement économique dans le cadre du ministère des approvisionnements, du commerce et de l’industrie. Il devait initialement se rendre à Hong Kong en 1941 mais l’occupation japonaise l’a contraint à être réaffecté en Sierra Leone. Lorsqu’il arrive enfin à Hong Kong, il découvre une ville ravagée par la guerre, dans un état de pauvreté encore pire que celui décrit par Gellhorn. On la surnomme à juste titre « l’île stérile ». Les affaires étant au point mort, les Britanniques envisagent de rendre à la Chine cette ville apparemment sans espoir, remplie de réfugiés de guerre.

    Mais Cowperthwaite avait quelques idées qui permettraient de transformer Hong Kong d’un des endroits les plus pauvres de la planète en un des plus prospères.

    Quelle était l’intervention miraculeuse qu’il proposait ?

    Tout simplement de permettre aux habitants de Hong Kong de reconstruire leurs magasins, de se livrer à des échanges et en fin de compte de se sauver eux-mêmes et d’enrichir leur ville.

    Cowperthwaite avait confiance dans les capacités des personnes ordinaires à gérer leur propre vie et leurs affaires. Lui et ses collègues administrateurs ont assuré à la ville la liberté, la sécurité publique, l’État de droit et une monnaie stable, et ont laissé le reste aux habitants. En d’autres termes, il a adopté une politique de non-intervention. Cela ne veut pas dire qu’il n’a rien fait, car il était très occupé à surveiller les autres bureaucrates. Il affirmera plus tard que l’une des actions dont il était le plus fier était d’empêcher la collecte de statistiques susceptibles de justifier une intervention économique.

    Cowperthwaite a gravi les échelons de la bureaucratie et a fini par devenir le secrétaire financier de Hong Kong, poste qu’il a occupé de 1961 à 1971. Au cours des années 1960, de nombreux pays ont expérimenté une planification économique centralisée et un niveau élevé de dépenses publiques financées par de lourds impôts et d’importants déficits. L’idée que les gouvernements doivent tenter de piloter l’économie, de la planification industrielle à l’inflation intentionnelle, fait pratiquement l’objet d’un consensus mondial. Cowperthwaite résiste à la pression politique pour suivre le mouvement. De 1964 à 1970, la Grande-Bretagne est dirigée par un gouvernement travailliste favorable à une intervention économique musclée, mais Cowperthwaite s’interpose constamment pour empêcher ses compatriotes de s’immiscer dans le marché de Hong Kong.

    Alors que la Chine continentale contrôlée par les communistes purgeait violemment tout vestige de capitalisme (entre autres) pendant le règne de la terreur appelé plus tard Révolution culturelle (1966-76), Hong Kong a suivi une voie nettement différente.

    En 1961, dans son premier discours sur le budget, M. Cowperthwaite a déclaré : « À long terme, l’ensemble des décisions prises par des hommes d’affaires exerçant leur jugement individuel dans une économie libre, même si elles sont souvent erronées, sont moins susceptibles de causer du tort que les décisions centralisées d’un gouvernement, et le tort est certainement susceptible d’être contré plus rapidement. »

    Il avait raison. Une fois libérée, l’économie de Hong Kong est devenue d’une efficacité époustouflante et a connu une croissance économique explosive. La ville a été l’une des premières d’Asie de l’est à s’industrialiser complètement et a connu une prospérité post-industrielle tout aussi rapide. Hong Kong est rapidement devenue un centre international de finance et de commerce, ce qui lui a valu le surnom de « ville mondiale de l’Asie ». L’essor économique de Hong Kong a considérablement amélioré le niveau de vie local. Pendant le mandat de Cowperthwaite en tant que secrétaire financier, les salaires réels à Hong Kong ont augmenté de 50 % et le nombre de ménages en situation de pauvreté aiguë a diminué des deux tiers.

    Lorsque l’Écossais est arrivé à Hong Kong en 1945, le revenu moyen y était inférieur à 40 % de celui de la Grande-Bretagne. Mais lorsque Hong Kong a été rendu à la Chine en 1997, son revenu moyen était supérieur à celui de la Grande-Bretagne.

    Le successeur de Cowperthwaite, Sir Philip Haddon-Cave, a nommé la stratégie de Cowperthwaite la « doctrine du non-interventionnisme positif ». Le non-interventionnisme positif est devenu la politique officielle du gouvernement de Hong Kong et l’est resté jusque dans les années 2010. Pendant des années, la ville s’est targuée d’être l’économie la plus libre du monde, avec des industries financières et commerciales florissantes et un bilan en matière de droits de l’Homme bien supérieur à celui de la Chine continentale.

    Puis, en 2019, Pékin a commencé à exiger l’extradition des fugitifs de Hong Kong vers la Chine continentale – érodant l’indépendance du système juridique de Hong Kong. En réponse aux manifestations de masse qui en ont résulté, le gouvernement de la Chine continentale a mis en œuvre une répression brutale de l’indépendance politique et économique de Hong Kong. En juillet 2020, une nouvelle loi sur la sécurité nationale imposée par le gouvernement communiste de Pékin a criminalisé les manifestations et supprimé plusieurs autres libertés dont jouissaient auparavant les Hongkongais. Les changements radicaux se poursuivent, notamment la refonte du système éducatif de Hong Kong.

    Hong Kong a été rendu à la Chine à la condition qu’il reste autonome jusqu’en 2047. Mais le « territoire autonome » n’est malheureusement plus vraiment autonome.

    D’une ville affamée en proie à la guerre et à la pauvreté à un phare brillant de prospérité et de liberté, l’ascension de Hong Kong a illustré le potentiel d’un gouvernement limité, de l’État de droit, de la liberté économique et de la probité fiscale. Malheureusement, les piliers sur lesquels s’est construit le succès de Hong Kong s’effritent aujourd’hui sous les poings serrés du parti communiste chinois. Quel que soit l’avenir de la ville insulaire, sa transformation reflète tout ce que les gens peuvent accomplir lorsqu’ils sont libres de le faire. Cette leçon politique historique mérite que Hong Kong soit considéré comme notre 27e Centre de progrès.

    Traduction Contrepoints

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      Les dérives des interprétations de la liberté individuelle

      Alain Laurent · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 6 January, 2023 - 04:30 · 6 minutes

    « Allez vous faire foutre avec votre liberté ! »

    C’est en ces termes peu académiques que le 10 août 2021 sur CNN, le célèbre ancien acteur et gouverneur républicain de Californie Arnold Schwartzeneger s’adressait avec indignation aux antivax américains qui, au nom de leur liberté individuelle, refusaient de se vacciner contre le covid. Et prenaient donc du coup aussi la liberté d’infecter les autres.

    Cette apostrophe aurait aussi bien pu s’appliquer hors du seul domaine sanitaire à quantité d’autres circonstances de la vie courante où, également « au nom de la liberté individuelle », des revendications ou comportements rejettent toute prudence quant aux conséquences des actes accomplis. Téléphone au volant, rendez-vous médicaux non honorés sans prévenir, trottinettes en folie sur les trottoirs,  ascensions de sommets en baskets, fiestas bruyantes sur les terrasses, jets d’objets ou de mégots n’importe où, harcèlement, menaces et diffamations sur les réseaux sociaux, refus d’obtempérer et agressions de pompiers, médecins, enseignants ou agents des autoroutes, sans oublier les libertés prises avec le souci de la vérité (« post-vérité », complotisme).

    La liste est longue de toutes ces dérives et usages irresponsables de la liberté individuelle – en déclinaison d’un « je suis libre de faire tout ce que je veux sans me soucier des conséquences ni qu’on m’en empêche ».

    Les infortunes d’une liberté d’enfants gâtés

    Tous ces manquements relèvent d’une incapacité ou d’un refus délibéré de supporter quelque contrainte que ce soit, de respecter des règles élémentaires de vie en société ouverte, car décrétées inutiles, arbitraires, abusives ou carrément liberticides.

    Mais plus en profondeur, ils témoignent d’une intolérance à la frustration ou la contrariété, par inaptitude au contrôle de soi et à l’autodiscipline – d’où la multiplication des réactions hyperviolentes pour des motifs futiles. De par leur indifférence résolue à l’impact sur autrui, ils procèdent aussi d’une surprenante « annulation » (extension de la cancel culture !) des autres, perçus comme obstacles ou un vague décor encore moins réel que les traces virtuelles figurant sur leurs écrans. « Les autres, allez vous faire foutre », également ?

    Ce qui est donc sous nos yeux à l’œuvre, c’est une régression infantile de masse et par suite une infantilisation des conceptions de la liberté individuelle, devenue une caractérisation majeure de la post-modernité. Sous les outrances des accusations de subir les exactions d’une « dictature » dès que des limites en l’occurrence fort… limitées sont posées aux effets du grand dérèglement ambiant des esprits (que les auteurs de ces surenchères verbales aillent donc expérimenter chez Poutine, en Iran ou en Corée du Nord ce qu’est vraiment une dictature !), tout se passe comme si on en était venu à adopter pour maxime un « J’ai bien le droit de faire tout ce que je veux » relevant d’un âge mental de cinq ans.

    En effet, pour beaucoup trop de nos contemporains l’accès à toujours plus de libertés pour l’individu s’est dégradé en règne d’une boursouflure d’egos capricieux (pour Ayn Rand, la confusion entre  caprices – « whims » – et liberté était une plongée catastrophique dans l’irrationnel) d’un subjectivisme narcissique et hédoniste complètement désinhibé. Comme si avait été acté le triomphe, en termes freudiens, du principe de plaisir (immédiat et sans effort) sur le principe de réalité.

    Il est revenu au grand philosophe libéral José Ortega y Gasset d’annoncer dès 1930 dans sa célèbre Révolte des masses l’émergence de ce qui deviendrait l’ordinaire d’une partie de nos sociétés : l’adulte mué en « enfant gâté ». Parlant de « la psychologie de l’enfant gâté  – gâté par le monde qui l’entoure », il précise que « gâter, c’est ne pas limiter le désir, c’est donner à un être l’impression que tout lui est permis, qu’il n’est soumis à aucune obligation, [c’est] l’accoutumer à ne pas compter avec les autres » : nous y voici !

    La faute à l’individualisme ? Non : au laxisme progressiste et à l’étatisme

    Pour trop de commentateurs, cette dégradation accélérée de la liberté individuelle, c’est naturellement selon le mantra bien-pensant de l’époque la faute à l’individualisme (l’atomisation, le triomphe de « l’individu-roi »…).

    Rien n’est plus faux. Comme selon même les bons dictionnaires courants, l’individualisme se caractérise par le primat accordé à la capacité d’autodétermination de l’individu, la responsabilité rationnelle de soi, à l’indépendance d’esprit et à l’appétence pour le libre examen critique, c’est bien plutôt très exactement à l’emprise croissante de tout ce qui le nie ou le contrefait que l’on assiste.

    Et pour découvrir les causes de la corruption de la liberté individuelle, il faut retourner quelques décennies bien en amont des actuelles auto-infantilisation et addiction compulsive et mimétique au « tribal-tripal » des réseaux sociaux pour découvrir les deux grands facteurs en jeu dont les effets déresponsabilisants convergent. D’un côté, hérités de l’idéologie mai 1968 , l’hédonisme narcissique du « jouir sans entraves » et le tout-est-permis du « il est interdit d’interdire » qui ont lentement mais sûrement infusé dans une grande partie de la société ; et de l’autre côté, fruit d’un État-providence hypertrophié qui a depuis les années 1980 diffusé partout une mentalité d’assisté en tout (y compris dans l’Éducation nationale), un « tout doit m’être donné et tout de suite » sinon je me fâche et je me lâche… Si l’ajoute à cela une « révolte contre la raison » déjà pressentie par Karl Popper , il est logique qu’on en arrive à ces dérives démagogiques imprimant une idée plate et pauvre de la liberté individuelle.

    Pour raviver une conception plus substantielle, exigeante et altière de la liberté individuelle, il faudrait réadmettre que vivre en société de manière civilisée comporte forcément un coût en termes de limitations à notre bon plaisir. La liberté individuelle de chacun n’a de sens qu’en rapport avec l’égale liberté des autres et elle n’est pas un absolu non négociable. Elle dépend nécessairement de contraintes qui n’en sont pas l’ennemi mais la condition de possibilité et doivent la régler, au sens des « règles de juste conduite » chères à Hayek – à rigoureusement respecter sous peine de chaos (à l’analogue de celles du Code de la route, qui permettent à chacun de librement aller en sécurité où il veut sans permission ni autorisation). Mais une authentique liberté individuelle ne peut aller sans reposer sur une préalable liberté intérieure nourrie de rationalité et de responsabilité (qui n’est pas son « revers » mais sa condition logique d’exercice), qui allie contrôle de soi et souci des autres. C’est alors qu’on pourra rappeler qu’au nom de cette liberté individuelle, l’essentiel est de bien limiter ce qui la limite.