• chevron_right

      Les hackers russes s’acharnent sur l’Allemagne pour son envoi de chars Léopard

      news.movim.eu / Numerama · Thursday, 2 February, 2023 - 08:31

    Des groupes d'hacktivistes russes se sont attaqués à des sites gouvernementaux et d'hôpitaux en Allemagne. Les impacts sont minimes, mais le pays fait face à une forte augmentation des cyberattaques russes. [Lire la suite]

    Abonnez-vous aux newsletters Numerama pour recevoir l’essentiel de l’actualité https://www.numerama.com/newsletter/

    • Co chevron_right

      Réforme des retraites : la France doit s’inspirer de ses voisins

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 2 February, 2023 - 04:30 · 2 minutes

    La réforme des retraites soulève les passions et plus généralement, la situation actuelle amène des débats sur la meilleure façon de relever les défis d’aujourd’hui et de demain.

    Toutefois, plutôt que de rester dans la théorie, il est possible de s’intéresser à ce qui se pratique ailleurs et plus précisément chez nos voisins. La nouvelle étude de Contribuables Associés donne des pistes à travers quatre exemple étrangers.

    Réformes des dépenses publiques en Allemagne, Pays-Bas et Suède

    L’étude se concentre sur les dépenses publiques qui sont en France les plus élevées de l’ OCDE en pourcentage du PIB (selon Eurostat en 2020), soit 61 %. En comparaison l’Allemagne est à 50 %, les Pays-Bas à 48 % et la Suisse à 37,8 %. S’il semble illusoire de réduire brutalement en une seule fois, certaines pistes sont avancées.

    Ainsi, sous la coalition sociale-démocrate et écologiste de Schröder , l’ Allemagne a réduit ses dépenses en se concentrant principalement sur le marché du travail, avec la libéralisation et la diminution des avantages chômage. Le taux d’imposition sur le revenu a diminué en plusieurs étapes : le taux le plus bas est passé de 25,9 % à 15 % ; le taux plus élevé de 53 % à 42 %. De plus, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 40 à 25 % et les taxes professionnelles locales ont été réduites pour les petites et moyennes entreprises. Ces mesures ont pu aussi être efficaces grâce à Merkel qui a continué la politique de Schröder lorsqu’elle lui a succédé.

    Concernant les retraites, l’exemple suédois est mis en avant. En Suède, le système est mixte : pour un taux de 18,5 % prélevé sur le revenu, 16 % sont versés au système de retraite par répartition basé sur les revenus et 2,5 % sont versés dans un système par capitalisation. Le cotisant peut choisir son fonds de pension (s’il ne le fait pas, un fonds présélectionné sera choisi pour lui).

    Pour les dépenses de santé, les Pays-Bas sont réputés performants. L’ONG Health Consumer Powerhouse qui évalue les systèmes de soins offre un classement intéressant en matière d’efficacité des politiques menées. En 2018, les Pays-Bas dominaient ceux de l’Union européenne. Le système néerlandais repose sur quatre acteurs pour le financement et la prise en charge du système de soins :

    • L’État pour les soins de long terme et à haut risque
    • Une assurance privée obligatoire pour les soins classiques
    • Une assurance privée optionnelle pour les soins supplémentaires
    • Les ménages pour les autres soins

    Ces exemples détaillés dans l’étude de Contribuables Associés offrent ainsi des pistes concrètes pour réformer des pays. Certes, la mentalité française n’est pas la même que celle des Nordiques. Mais rappelons que la social-démocratie est une part importante de la politique de pays scandinaves comme la Suède.

    • chevron_right

      Audi vs Nio : les constructeurs européens usent de procès pour ralentir la concurrence chinoise

      news.movim.eu / Numerama · Friday, 20 January, 2023 - 08:37

    Audi vient de remporter un procès face à Nio, l’empêchant de faire la promotion de modèles nommés ES6, ES7 et ES8 en Allemagne. Cette affaire n’est pas sans rappeler les méthodes utilisées par Citroën pour bloquer Polestar en France. [Lire la suite]

    Abonnez-vous aux newsletters Numerama pour recevoir l’essentiel de l’actualité https://www.numerama.com/newsletter/

    • Co chevron_right

      La crise énergétique en Allemagne

      Jean Kircher · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 11 December, 2022 - 04:00 · 3 minutes

    Les Allemands sont durement touchés car ils payent plus cher que nous les folles décisions de leurs gouvernants Schroeder et surtout Merkel.

    Sous la pression de leurs gardes rouges 2.0, ils ont pris des options à long terme qu’ils regrettent amèrement aujourd’hui : gaz russe et abandon de la filière nucléaire.

    Quelles sont les réalités et les moyens pour s’en sortir ?

    Les Allemands ne paniquent pas comme nous… Concrètement le gouvernement avance : pour redresser le même désastre hospitalier que le nôtre, l’État débloque un budget de 8 milliards sur 5 ans alors qu’en France nos visionnaires débloquent 200 millions d’euros !

    Pour assurer le passage de l’hiver ils ont remis des dizaines de centrales thermiques en route en assumant le désastre CO 2 que cela provoque.

    Plutôt que de faire des discours ils agissent. À tel point que nous leur achetons des KW à raison de 6 millions d’euros par heure.

    « Il n’y a aucune indication de menace », affirme le ministère fédéral allemand des Affaires économiques et de l’Action climatique. L’Agence fédérale des réseaux considère comme « extrêmement improbable » l’hypothèse de crises.

    L’Allemagne fournit tout de même onze pays en électricité. Elle a d’ailleurs signé un accord avec la France visant à assurer son approvisionnement en électricité cet hiver (un comble !). Pour faire face à la demande, elle cite les « mesures de précaution » qu’elle a mises en place. Certaines centrales destinées aux urgences peuvent désormais produire de l’électricité. Leurs capacités ont été augmentées ainsi que dans les usines de biogaz. Des centrales à charbon fermées depuis plusieurs années dans un objectif de transition énergétique vers le renouvelable ont aussi été autorisées à rouvrir temporairement (source Paperjam).

    La Belgique est approvisionnée à 48 % par l’énergie nucléaire. La mise à l’arrêt des deux centrales belges prévue en 2025, va probablement être retardée.

    Par ailleurs les Allemands ont aménagé dare-dare un nouveau terminal gazier pouvant recevoir du gaz liquide.

    Par anticipation le réseau de distribution de gaz peut très rapidement être réutilisé dès l’arrivée de l’hydrogène. La France ne desservant que les villes en gaz aura du mal à faire de même.

    Dans la ville de Neuss, un groupe scolaire est devenu totalement autonome en mixant le biogaz d’une exploitation agricole voisine avec du photovoltaïque pour produire de l’électricité afin d’alimenter l’ensemble du site y compris la piscine olympique…

    M. Scholz se rend en Chine (sans beaucoup de succès d’ailleurs) et la ministre des Affaires étrangères va en Inde (plutôt fraîchement accueillie). En effet, le monde extérieur leur pardonne moyennement leurs frasques climatologiques pour les riches mais que les moins riches ne peuvent pas se payer. (voir Cop27)

    Et en France ?

    Bizarrement personne ne sait vraiment ce qui est prévu en France. Les débats tournent autour des centrales à l’arrêt avec toutes les polémiques autour de la culpabilité de tel ou tel président. Le gouvernement navigue entre annonces de catastrophes et messages rassurants du sieur Macron. Tout cela ressemble furieusement à une belle cacophonie doublée d’une bonne dose d’incompétence.

    Les Allemands eux se retroussent les manches et leur système fédéral décentralisé permet une réaction rapide plutôt que d’attendre la bénédiction du tout-puissant…

    Mais surtout grâce à ses excédents budgétaires et son petit endettement l’Allemagne détient un solide trésor de guerre ! Elle a les moyens et les subventions prévues pour la France en déconfiture vont maintenant être utilisées pour ses propres besoins y compris l’aide aux entreprises, les transports ferroviaires à prix très bas et plus généralement la meilleure manière de lutter contre l’inflation galopante. Tout en gérant l’arrivée de millions d’immigrés venant d’Ukraine.

    À la sortie on verra qui sera le gagnant dans cette affaire..

    • Co chevron_right

      Énergie : s’appuyer sur les erreurs passées pour construire l’avenir

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 5 December, 2022 - 04:15 · 8 minutes

    Par Jean-Pierre Riou et Michel Gay.

    Notre système énergétique serait bien meilleur aujourd’hui sans l’impéritie des dirigeants de ces 25 dernières années. Il est nécessaire de reconnaître les fautes passées afin de donner aux jeunes l’envie de faire autrement et de fournir les efforts nécessaires pour construire un monde plus confortable pour tous car la décroissance n’est pas une fatalité.

    Interroger le passé

    Seule une analyse honnête des fautes du passé permet la justesse du diagnostic présent et la mise en place des mesures correctrices salvatrices. Interroger le passé permet d’éclairer l’avenir.

    Le potentiel d’alternatives aux énergies fossiles, et notamment le nucléaire, a été sacrifié sur l’autel d’ un électoralisme honteux au lieu de mettre en avant l’intérêt général consistant à diminuer notre dépendance au gaz et au pétrole.

    La future raréfaction des ressources fossiles exige un regard nouveau sur l’utilisation des autres sources disponibles, surtout lorsqu’elles sont décarbonées comme le nucléaire et l’hydraulique.

    L’énergie finale consommée ne représente qu’une partie minoritaire (un tiers) de l’énergie primaire produite dont les deux autres tiers sont actuellement relâchés stérilement dans l’environnement sous forme de chaleur.

    L’énergie dans le monde

    En 2021, les trois quarts de la production mondiale d’énergie primaire proviennent des énergies fossiles (79 %) dont le remplacement par d’autres sources sera difficile.

    Le nucléaire en a fourni 5 % et l’usage traditionnel de la biomasse 4 %.

    Les 12 % « autres » restants sont inégalement répartis dans un fourre-tout trompeur incluant les bioénergies modernes (7 %), l’hydraulique (3 %), l’éolien (1 %) et le solaire (1 %).

    L’énergie en France

    Faute de pétrole, de charbon et de gaz dans le sous-sol français, l’atout de la production d’énergie nucléaire saute aux yeux dans l’illustration ci-dessous provenant du ministère de l’Écologie :

    « À la suite de la mise en place du programme nucléaire, la production française d’énergie primaire est passée de 514 TWh en 1973 (dont 9 % de nucléaire) à 1423 TWh en 2020 (dont 75 % de nucléaire ».

    Le gâchis d’énergie primaire

    Les données de RTE sont exprimées en énergie finale après que les deux tiers de l’énergie primaire nucléaire ont été utilisés pour la produire.

    La notion d’énergie primaire reste fondamentale pour évaluer la quantité d’énergie nécessaire à la source avant transformation en énergie finale (celle qui est payée).

    Or, des technologies permettent de limiter ce gâchis. Il existe également de nombreuses applications non électriques de cette filière nucléaire (chauffage urbain, dessalement d’eau de mer, chaleur industrielle, hydrogène…).

    Ainsi par exemple, la cogénération nucléaire peut faire passer le rendement d’une centrale électrique de 33 % à plus de 80 %, avec des pertes thermiques de 2 % sur une distance de 100 km pour chauffer des agglomérations.

    Le véritable prix du nucléaire

    La prolongation du nucléaire français existant est de loin la plus rentable de toutes les filières de production d’électricité avec notamment un coût de production à moins de 40 euros/MWh pour une prolongation de 10 ans et à environ 30 euros/MWh pour 20 ans.

    Le taux d’intérêt de l’emprunt joue un grand rôle dans le coût de production nucléaire de l’électricité. Avec un taux passant de 7 % à 3 %, le coût du nucléaire français de génération III (EPR2), déjà compétitif, diminuerait d’environ 71 euros/MWh à 45 euros/MWh.

    Cette évaluation de la rentabilité de l’EPR2 est cohérente avec les chiffres publiés par le gouvernement en septembre 2022 qui évalue sa production à 100 euros/MWh pour un coût du capital de 7 % et à 40 euros/MWh pour un taux de 1 %.

    Avec ce taux de 3 %, une centrale à gaz se trouverait disqualifiée par l’augmentation actuelle du prix du gaz qui l’amènerait à une production d’environ 100 dollars/MWh. (Ce coût concerne une centrale belge, à défaut de données disponibles concernant un projet de centrale française à gaz).

    L’AIE attire aussi l’attention sur les comparaisons de compétitivité entre les différentes filières en raison des coûts induits sur le système électrique par l’intermittence de certaines productions (renforcement du réseau, besoins supplémentaires de flexibilité avec des centrales à gaz ou au charbon, moyens de stockage). Ces surcoûts doivent être intégrés dans les MWh produits sans corrélation avec les besoins.

    La fragilisation du réseau électrique

    La variabilité fatale et l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque fragilisent le système électrique.

    En décembre 2021, le gestionnaire du réseau européen (ENTSOE) avait rappelé l’importance de l’inertie dynamique permise par les masses des turboalternateurs des centrales conventionnelles. Elles tournent de façon synchrone sur le réseau européen à 50 Hz pour en stabiliser l’équilibre afin d’éviter des incidents sévères :

    « La diminution des niveaux d’inertie – en raison de l’intégration à grande échelle des sources renouvelables – pose des défis à long terme pour la stabilité des fréquences du système de transport, avec des impacts possibles sur la résilience du futur système ».

    Le 15 novembre 2022, General Electric vient de presser l’Allemagne de réaliser les 30GW supplémentaires de centrales à gaz nécessaires avant 2030 pour stabiliser rapidement les variations de sa production.

    En France le gestionnaire du réseau n’ignore pas que l’introduction des énergies renouvelables intermittentes (EnRI) est « un vrai challenge que RTE devra relever ».

    En mai 2021, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) montrait la difficulté de « garantir un approvisionnement fiable et durable en éléments vitaux pour les véhicules électriques, les réseaux électriques, les éoliennes et d’autres technologies clés » de notre modèle intermittent de transition énergétique bien plus gourmand en minéraux que le système conventionnel .

    Le rendez-vous raté

    Il s’agit de prendre aujourd’hui toute la mesure des rendez-vous ratés des 25 dernières années marquées par l’accord du Parti socialiste avec les verts en 1996 et la scandaleuse fermeture de Superphénix en 1998. Ce réacteur, dont ASTRID aurait pu prendre la suite mais qui a été abandonné en 2019 , aurait permis de développer la technologie de surgénération pour laquelle la France dispose de 5000 ans de combustible en réserve sous forme d’uranium appauvri.

    Une politique visionnaire et courageuse aurait prolongé l’épopée nucléaire d’EDF après l’année 1996 et permit à la France de profiter d’un parc nucléaire intégralement remboursé par EDF grâce à la seule vente de sa production d’électricité parmi les moins chères d’Europe. Cette véritable rente aurait ainsi assuré le renouvellement du parc et l’amélioration des centrales existantes.

    Mais au contraire, l’État s’est ingénié :

    • à spolier EDF de sa « rente nucléaire », en décidant en 2013 de mettre cette entreprise à contribution pour financer la transition énergétique fondée sur des éoliennes et des panneaux photovoltaïques ;
    • à contraindre EDF depuis 2011 à céder 100 TWh (120TWh aujourd’hui) à ses concurrents par l’obligation de l’ARENH ;
    • à vouloir diminuer la puissance de son parc, y compris en fermant des réacteurs en parfait état de fonctionnement , comme Fessenheim ;
    • à démobiliser la filière en l’incitant à changer de métier pour démanteler ses réacteurs.

    Dégradation de l’indépendance énergétique allemande

    En Allemagne, les énergies renouvelables ne représentent que 15,7 % de la consommation d’énergie primaire (contre 12,9 % en France selon le ministère).

    De plus, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en Allemagne (celle réellement consommée) est strictement la même que celle de la France (19,3 %) .

    Pourtant, la Commission européenne menace la France d’une lourde amende ( 500 millions d’euros ) pour n’avoir pas atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables, ce qui consacre sa confusion entre objectifs et moyens. La Commission souligne surtout sa propre politique illusoire et brouillonne de sortie du nucléaire et son gâchis d’argent public engagé dans une impasse dogmatique.

    L’Allemagne a consommé 286 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtoe) d’énergie primaire en 2021 pour une production de 102 Mtoe. La France en a consommé 235 Mtoe pour une production de 128 Mtoe, soit une production nationale de 54,5 % de sa consommation pour la France et de 35,7 % pour l’Allemagne.

    L’Allemagne produisait 53,1 % de son énergie primaire en 1990. Ce pays n’en produit plus que 40,3 % en 2000. Ce pays prouve ainsi l’incapacité de ses EnRI à améliorer son indépendance énergétique.

    La France devrait tirer des leçons de cet échec allemand.

    La souveraineté énergétique ne consiste pas à inonder (en le fragilisant) le réseau électrique européen dès que le vent souffle et que le soleil brille.

    Les erreurs du passé soutiendront l’avenir

    Il importe de prendre la mesure du potentiel nucléaire décarboné sacrifié sur l’autel d’un électoralisme honteux au lieu de le soutenir courageusement pour diminuer la dépendance de la France au gaz et au pétrole.

    Même si le temps presse, la conscience des rustines éparses (éolien, PV) appliquées dans le plus grand désordre depuis près de 30 ans, ainsi que le diagnostic des opportunités manquées et des plaies béantes du mix énergétique d’aujourd’hui sont indispensables avant le développement d’une vision de long terme.

    En délaissant la proie du nucléaire pour l’ombre des renouvelables intermittentes, la France commence seulement à comprendre qu’elle ne pourra pas se passer de l’électricité abondante , bon marché, propre et pilotable du nucléaire.

    Il est urgent de mesurer la gravité du danger de la fragilisation du système électrique par les EnRI et de reconnaître enfin les fautes du passé. Il s’agit de les corriger avant de relancer vigoureusement le nucléaire pour faire renaître cette filière et, avec elle, toute l’industrie française et européenne.

    • Co chevron_right

      Les ONG mentent sur les lobbyistes de l’industrie à la COP27

      David Zaruk · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 1 December, 2022 - 03:30 · 18 minutes

    La semaine dernière, nous avons beaucoup entendu parler des 636 lobbyistes du secteur des énergies fossiles qui ont pris le contrôle du processus de la COP27 et qui sont la cause principale de l’échec de l’accord final.

    La conclusion était évidente : nous devons interdire à l’industrie de participer à toutes les politiques ! Les médias grand public ont couvert cette campagne des ONG, répétant les affirmations et les messages ciblés , amplifiant le dogme anti-industrie sans réellement approfondir les recherches pour voir si les chiffres étaient corrects. Si les journalistes et les dirigeants politiques avaient fait quelques recherches de base (ne serait-ce qu’en cliquant sur le lien vers les données de recherche), ils auraient rapidement découvert que les affirmations et les données étaient complètement bidon, grossièrement exagérées et créées pour susciter la peur et l’indignation.

    Une fois de plus, nous avons été trompés par un groupe d’opportunistes politiques sans éthique qui profitent de la vulnérabilité et de la peur du public pour propager leurs intérêts et répandre leur haine et leur méfiance envers l’industrie et le capitalisme.

    Les allégations de lobbying obstructionniste de l’industrie des énergies fossiles lors de la COP27 ont été formulées par un groupe d’ONG anti-industrie dirigé par Corporate Europe Observatory et Corporate Accountability sur la base de données recueillies par Global Witness . Ces groupes ont créé un mouvement intitulé « Kick Big Polluters Out » (virez les gros pollueurs) qui demande que la COP27 renvoie chez elles ces entreprises des énergies fossiles.

    J’ai beaucoup écrit sur la façon dont le Corporate Europe Observatory se joint à toute campagne environnement-santé, jetant le discrédit sur l’industrie et faisant avancer l’argumentaire des activistes. Ils n’ont aucun scrupule à payer des journalistes indépendants pour qu’ils écrivent sur leurs campagnes ou à utiliser le financement des avocats spécialisés dans la responsabilité civile pour créer de l’incertitude. Ce qui est surprenant ici, c’est qu’un gouvernement européen, celui de l’Allemagne, finance – avec l’argent des contribuables – de la propagande mensongère incitant à la méfiance envers l’indistrie.

    Mais le gouvernement allemand en a-t-il eu pour son argent ?

    Qui pourrait aller à la COP27 ?

    « 636 lobbyistes du secteur des énergies fossiles corrompent le processus décisionnel des Nations Unies afin de pouvoir continuer à réaliser leurs énormes profits pendant que le monde souffre ! »

    Il s’agit là d’un argument émotionnel qui, s’il était vrai, devrait vous faire ressentir de l’indignation et vous inciterai à exiger un changement. Mais ce n’est pas du tout le cas.

    Examinons d’abord le contexte.

    La COP fait partie du processus de la CCNUCC qui se réunit chaque année pour un sommet qui s’est transformé en un grand événement mondial avec des conférences, des événements et des négociations. Il s’agit au final  d’ une grande foire commerciale de deux semaines. Cette année, c’est l’Égypte qui l’a accueillie. Plus de 35 000 délégués se sont envolés vers Charm el-Cheikh pour assister à ces événements et participer au dialogue sur la manière de résoudre le problème du changement climatique.

    Selon le site web officiel , le sommet COP27 était ouvert :

    1. Aux représentants des parties à la convention et des États observateurs,
    2. Aux membres de la presse et des médias,
    3. Aux représentants d’organisations observatrices (système des Nations Unies et ses agences spécialisées, OIG et ONG admises),
    4. Aux membres du public.

    Les organisateurs ont créé une Zone Verte « où les milieux d’affaires, les jeunes, les sociétés civiles et autochtones, les universités, les artistes et les communautés de la mode du monde entier peuvent s’exprimer et faire entendre leur voix. La Zone Verte encourage le dialogue, la sensibilisation, l’éducation et les engagements par le biais d’événements, d’expositions, d’ateliers, de spectacles culturels et de discussions ».

    Le Risk-monger aurait donc pu être un délégué s’il avait voulu « influencer injustement le processus » en tant que l’un de ces « lobbyistes manipulateurs de l’industrie des énergies fossiles ». Mais il n’aurait été délégué que de nom (avec un badge souvenir et, espérons-le, un T-shirt) et n’aurait eu absolument aucun pouvoir pour corrompre le processus. Il ne s’y serait pas rendu en tant que négociateur, aurait été bloqué dans le hall principal et n’aurait eu aucune influence sur les décisions finales et les communiqués officiels. Mais il aurait pu rencontrer d’autres personnes travaillant sur des solutions climatiques comme les piles à hydrogène, la capture et le stockage du carbone ou l’amélioration des technologies solaires. La COP28 sera organisée par les Émirats Arabes Unis sur le site de l’Expo à Dubaï (j’ai de la famille là-bas, je vais peut-être y assister).

    Qui figurait parmi les 636 lobbyistes des énergies fossiles ?

    Si 636 lobbyistes des énergies fossiles sur 35 000 personnes représentent un faible pourcentage (moins de 2 % de l’ensemble des participants), ce n’est pas insignifiant (comme nous le savons tous, l’industrie pétrolière paie le prix fort pour avoir les personnes les plus intelligentes dans la salle). Mais ce qui a éveillé ma curiosité en premier lieu c’est de savoir s’il y avait réellement 636 lobbyistes professionnels dans le monde entier qui travaillaient directement pour Big Oil .

    Il ne m’a pas fallu longtemps pour remarquer quelque chose de très louche dans la « recherche » fournie par Global Witness . Quatre délégués d’associations professionnelles de l’énergie éolienne étaient inclus dans la liste des lobbyistes des énergies fossiles. L’énergie éolienne est-elle un combustible fossile ? Peut-être parce qu’elle produit beaucoup d’émissions de gaz à effet de serre dans la construction de ses turbines massives à la durée de vie limitée…

    Les chercheurs ont recensé les délégués de nombreuses entreprises qui investissent massivement dans la production d’énergie renouvelable (éolienne et solaire) et se préparent à la transition énergétique. La liste des ONG comportait également un certain nombre de délégués qui développaient des technologies vertes à base d’hydrogène et de piles à combustible. Ces entreprises auraient en fait tout à gagner d’une sortie rapide et brutale des énergies fossiles. Dès lors, comment ces entreprises innovantes, axées sur les énergies renouvelables, pourraient-elles diffuser leurs intérêts de la manière que les groupes militants veulent nous faire craindre ? Je soupçonne leurs délégués d’avoir assisté à la COP pour se constituer un réseau et rechercher de nouvelles opportunités dans le domaine de l’énergie verte. Et la recherche d’opportunités, c’est bien une activité de capitaliste… donc cela ne saurait être.

    Les textes plus sombres à droite sont mes commentaires.

    Ce qui est intéressant, c’est que le grand nombre d’entreprises qui font de la recherche sur la capture et le stockage du carbone et qui développent des systèmes d’échange de droits d’émission de carbone ont été regroupées sous la rubrique « lobbyistes des énergies fossiles ». La plupart d’entre elles font des recherches et sont des pionniers qui proposent des solutions pour réduire nos émissions et leur expérience est essentielle à l’élaboration de solutions solides aux problèmes de changement climatique auxquels nous sommes confrontés. Nous avons besoin d’elles, alors qui pourrait vouloir les exclure d’un processus de dialogue sur le changement climatique ? Je suppose qu’il s’agirait de zélateurs activistes qui se préoccupent davantage de dénormaliser l’industrie que de réduire les émissions de carbone ou de protéger l’environnement.

    Il y a eu d’autres erreurs curieusement négligentes dans la recherche des activistes (par exemple, les mêmes délégués ont été cités deux fois sous des catégories ou des organisations différentes), mais si l’on considère l’ensemble de la recherche, je dois dire qu’à l’exclusion des délégations de la Russie et des États du Golfe, seuls 10 % des participants à la COP27 figurant sur la liste des 636 de la campagne activiste représentaient en fait l’industrie des énergies fossiles (en supposant que nous considérions le gaz naturel, comme le fait l’Union européenne, comme une source d’énergie à faible émission, c’est-à-dire verte). Mais ce n’est évidemment pas une raison suffisante pour abandonner une grande campagne mondiale contre l’industrie.

    Dans son rapport , Global Witness définit les « lobbyistes des énergies fossiles comme des personnes qui ont des liens avec des entreprises ayant des activités commerciales importantes dans le domaine des énergies fossiles, ou qui participent aux discussions dans le cadre d’un organisme commercial représentant les intérêts des énergies fossiles ».

    Cela implique donc que chaque chambre de commerce ou association commerciale qui s’est rendue à la COP27 a coché cette case du zèle et du comptage de billes. Si Bill Gates y avait assisté, il aurait figuré sur la liste des « méchants ». Un fournisseur d’énergie investissant massivement dans les énergies renouvelables mais utilisant toujours des générateurs à gaz serait sur la liste. Quelque part parmi les associations professionnelles de l’énergie éolienne, il doit y avoir une entreprise ayant des intérêts dans les énergies fossiles. Honte à vous !

    Admettons simplement l’évidence : ces ONG anti-industrie voulaient un titre alarmiste et cherchaient un moyen de gonfler les chiffres (sinon, elles auraient perdu leur temps… et je ferais quelque chose de bien plus utile avec le mien).

    Je suis parvenu à la conclusion que la liste des 636 lobbyistes de l’industrie des énergies fossiles citait simplement tous les acteurs de l’industrie y compris les mineurs (lithium) et les agri-techs (biocarburants de nouvelle génération). La philosophie ici est que la seule façon de lutter contre le changement climatique est de mettre fin à toute activité industrielle et de revenir à un monde de prosommateurs et d’industries artisanales du type de celles des Amish.

    L’ argument de Naomi Klein selon lequel « vous ne pouvez pas avoir à la fois le capitalisme et lutter contre le changement climatique » sous-tend leur dogme. Ainsi, la seule façon de sauver le monde est d’interdire les entreprises et le commerce international. C’est ce qu’affirme le site web de la campagne dans sa quatrième revendication : « Le capitalisme détruit la vie telle que nous la connaissons. »

    Ce cri de ralliement n’est pas seulement dirigé contre les grands émetteurs de carbone mais est également utilisé pour tenter d’abolir les banques, le transport maritime et l’agriculture moderne. Leur solution consiste à tout arrêter et à laisser la planète se guérir d’elle-même (… et ses populations geler et mourir de faim). J’ai récemment écrit une série d’articles sur la manière dont les groupes d’activistes anti-industrie appliquent contre tous les groupes industriels la même stratégie de campagne que celle qui a permis d’isoler et de délégitimer l’industrie du tabac. Il n’était donc pas surprenant de voir cette campagne commencer par une affirmation clé : « Nous ne laisserions pas Big Tobacco entrer dans une conférence sur la santé ».

    Lorsque ces groupes d’activistes fortunés affirment que nous devons exclure ces « gros pollueurs » de toute discussion sur la politique gouvernementale, ils font référence à toutes les industries, y compris les entreprises de l’éolien et du solaire et celles qui investissent dans la transition énergétique verte, la fixation d’un prix pour les émissions de carbone et le développement de la proverbiale meilleure ampoule. Investir dans des solutions permettant d’avoir des formes d’énergie à plus faible émission de carbone (comme les technologies des piles à combustible) n’est qu’une activité industrielle supplémentaire à laquelle ils ne peuvent pas se fier. Et personne dans les médias n’a pris la peine de les interpeller à ce sujet.

    La coalition Kick Big Polluters Out

    La recherche et la campagne Kick Big Polluters Out étaient-elles donc uniquement le fait de trois organisations ? Non, bien sûr.

    Ces communicateurs chevronnés savent qu’en amenant un grand nombre d’organisations de la société civile à signer, à s’associer et à s’exprimer, leur impact serait plus impressionnant. Plus les voix sont fortes, moins elles seront scrutées. Ils ont donc réuni 450 ONG au sein d’une coalition à laquelle ils ont ensuite donné pour titre un plan d’action axé sur l’impact : la campagne Kick Big Polluters Out .

    Imaginez le Risk-monger , dans son sous-sol (froid) poussiéreux, en train de feuilleter les pages et les pages des organisations de la coalition mondiale des bons et des justes. Tout d’abord il a beaucoup appris sur les organisations qui ne se sont pas jointes à la chasse aux sorcières de l’industrie. Pas de WWF. Seuls quatre chapitres d’Extinction Rebellion ont signé (« Diviseurs ! ») et peu d’unités nationales des Amis de la Terre ou de Greenpeace se sont alignées. Je suppose qu’ils ont encore des problèmes avec l’acceptation de financements gouvernementaux. Les narcissiques de Just Stop Oil, qui ont fait un peu de bruit ces derniers temps, ont manifestement choisi de faire leurs propres démonstrations.

    Mais beaucoup de groupes curieux occupent maintenant une position de prestige au sein du mouvement anti-industrie.

    Par exemple, il existe un groupe appelé Toronto Raging Grannies . Il travaille dans le sous-sol d’une église et leurs membres viendront à vos rassemblements pour vous chanter une chanson ou deux si votre mouvement le souhaite. J’aime particulièrement la façon dont Granny Lizzie atteint les notes aiguës.

    Ensuite, il y a Moxie Consultancy Collective , un « cabinet de conseil international » créé il y a quelques années lorsque trois militants se sont rencontrés lors d’une conférence et ont décidé qu’il n’y avait pas assez de compassion dans ce monde. La principale chose qu’ils ont faite est de raconter leur histoire.

    L’ Enviro Show est un podcast dirigé par un inconnu. Le Centre for Environmental Justice Togo n’a pas de site web (mais il a 19 adeptes sur sa page Facebook ). La Montbello Neighborhood Improvement Association est également membre de la coalition et compte 78 adeptes sur sa page Facebook communautaire (dernière contribution en 2019). Au moins, c’est mieux que End Military Madness Against the Earth , qui fait partie de la coalition Kick Big Polluters Out et qui ne dispose d’aucun site ni d’aucune action de sensibilisation.

    Peut-être que l’inscription d’ End Military Madness Against the Earth était une blague. Je pense que quelqu’un s’est trompé en s’inscrivant comme « ministre ordonné de l’Église catholique », mais bon, cela n’a pas d’importance, nous le compterons comme une organisation (aucun journaliste ne prendra la peine de vérifier les faits de notre campagne et les 9-à-17-heures de Corporate Europe Observatory n’ont que du mépris pour leurs adeptes). Il est facile de s’inscrire et de devenir membre de la coalition. Le Risk-monger , véritablement scandalisé par cet abus industriel, a lui-même demandé à rejoindre la coalition (cela a pris 30 secondes et comme tout le monde je n’ai pas lu ce à quoi je m’engageais). Croisons les doigts.

    Toutes ces organisations mondiales s’expriment d’une seule voix, alors vous feriez bien de les écouter (surtout si elles se mettent à chanter).

    Campagnes de l’« Â ge de la Stupidité »

    Je ne suis plus surpris que presque toutes les grandes organisations médiatiques (de la BBC à Reuters en passant par CNBC et Le Monde ) aient repris aveuglément les mensonges malveillants de ces militants sans prendre la peine de cliquer et de lire les tableaux de recherche qui montraient que la plupart des entités figurant sur leur liste travaillaient sur les énergies renouvelables, la réduction des émissions de carbone et le développement d’outils pour une transition énergétique. C’est ce que j’ai baptisé « l’Âge de la Stupidité », où les gens ne prennent plus la peine de lire et se contentent de retweeter les mèmes qui correspondent à leur parti pris politique dans des communautés fermées de personnes qui pensent comme eux.

    Le dialogue est au point mort dans l’Âge de la Stupidité. Personne dans la coalition Kick Big Polluters Out ne lira cet article car je suis banni de la plupart des groupes qui ont créé une chambre d’écho protectrice pour n’entendre que les revendications qui correspondent à leurs intérêts politiques. Et si je n’ai pas été banni, les algorithmes les obligeront à travailler dur pour me trouver. Comme ces groupes utilisent les outils des réseaux sociaux pour développer leurs plateformes, leur biais de confirmation se durcit. S’ils ne lisent que la propagande anti-industrie 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui pourrait imaginer que nous ayons un jour besoin de l’industrie, de l’agriculture intensive ou du capitalisme ? Et comme leurs invectives bruyantes sont brutales, les décideurs politiques rentrent dans le rang.

    L’objectif du processus de la COP est de créer un lieu de rencontre pour dialoguer, échanger des points de vue et trouver les meilleures solutions possibles pour aller de l’avant. Le fait qu’un groupe hétéroclite d’activistes environnementaux demande qu’on interdise à tous les acteurs de l’industrie d’échanger leurs points de vue et de partager leurs solutions n’est qu’une preuve supplémentaire de cette rupture du dialogue (et de leurs sympathies anti-démocratiques). S’ils y parviennent (comme l’ont fait les activistes gravitant autour de l’OMS en faisant interdire la voix de la recherche de l’industrie du tabac sur le vapotage dans la Convention-cadre pour la lutte antitabac), je me demande alors quel espoir il y aura pour que les prochaines réunions de la COP produisent des résolutions significatives qui seront respectées. Le rejet du dialogue est la première étape de la délégitimation (sauf pour la petite minorité qui reste dans la salle).

    À l’Âge de la Stupidité, il est désormais considéré comme un fait acquis que l’échec de la COP27 est dû aux 636 lobbyistes du secteur des énergies fossiles qui ont pris l’avion (à bord de leurs jets privés, les valises remplies d’argent sans doute) pour perturber les négociations. Plus de 450 organisations mondiales ont confirmé qu’il s’agissait d’une injustice scandaleuse. Continuez à répéter le nombre « 636 » et « lobbyistes des énergies fossiles » (Goebbels 1.01) et ignorez tout ce que vous avez lu ci-dessus (car le Risk-monger travaille manifestement pour ces acteurs industriels maléfiques).

    Note de l’éditeur : Il a travaillé pour l’industrie pour la dernière fois en 2006 . Les faits n’ont pas d’importance (surtout si vous êtes une mamie de Toronto qui a une chanson à chanter).

    Le modèle allemand

    Une évolution effrayante est la façon dont le modèle de campagne des militants a maintenant changé. Par l’intermédiaire de son parti membre de la coalition des Verts, le gouvernement allemand a joué un rôle de premier plan dans la promotion de l’activisme environnemental lors du sommet COP27. La dirigeante des Verts, Annalena Baerbock, s’est rendue en Égypte au moins trois fois pendant le sommet alors que ses responsabilités officielles, en tant que ministre des Affaires étrangères, ne l’exigeaient pas.

    Le Risk-monger peut aussi jouer à ce jeu !

    En février 2022, Baerbock a nommé la directrice exécutive de Greenpeace International , Jennifer Morgan , « secrétaire d’État et envoyée spéciale pour l’action climatique internationale » du gouvernement fédéral allemand. Cette militante américaine a rapidement été naturalisée allemande et a ensuite été nommée chef de la délégation allemande à la COP27. Après la COP, Jennifer prévoit de parcourir le monde pour poursuivre la lutte contre le changement climatique au nom de l’Allemagne. Neuf mois après sa nomination, Greenpeace n’a pas encore nommé son remplaçant. Je suppose donc qu’elle est simplement en congé jusqu’à ce qu’elle s’ennuie (ou qu’elle doive passer l’examen d’allemand).

    La campagne Kick Big Polluters Out a été financée par le gouvernement allemand. J’aimerais bien inventer tout ça. Pourquoi fonds publics à Corporate Europe Observatory ? L’Allemagne exige-t-elle maintenant que l’industrie ne soit plus autorisée à participer au processus de dialogue ? Qu’est-il arrivé à ce fameux processus allemand de consultation et de consensus que d’autres pays européens et l’Union européenne ont depuis adopté ?

    Des idiots utiles… ou des idiots du gouvernement allemand ?

    Le processus politique est donc en train d’évoluer.

    Si les ONG parviennent à prendre pied dans un gouvernement, elles seront alors en mesure de financer et de mener leurs campagnes via des bureaux gouvernementaux, des délégations officielles et des dirigeants politiques tout en prétendant représenter le peuple. Leurs militants peuvent devenir ministres ou chefs de délégation et passer facilement d’un rôle à l’autre car ils ne voient aucune différence entre la promotion de leurs idéaux en tant que directeur de campagne et en tant que fonctionnaire. En finançant et en renforçant ces ONG, le parti vert allemand voit l’opportunité d’avoir un mouvement politique de base plus fort lors des prochaines élections.

    Mais comment des ONG telles que Corporate Europe Observatory ou BUND pourraient-elles s’élever contre le gouvernement allemand alors qu’elles sont essentiellement des agents secrets « achetés et payés » jouant le rôle de leurs idiots utiles ? Je commence à me demander s’il a jamais été question de représenter les intérêts de la société civile ou s’il s’agit simplement de prendre le pouvoir.

    Je n’ai pas peur d’admettre que je suis assez inquiet quant à l’avenir de la démocratie.

    Source : Baffle Them with Bullshit – NGO Lies about Industry Lobbyists at COP27 – The Risk-Monger

    • Co chevron_right

      L’Allemagne coule et l’Europe avec. Bruno Le Maire ne s’en rend absolument pas compte.

      h16 · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 25 November, 2022 - 12:00 · 5 minutes

    Tiens, voilà qu’une Große Katastrophe se profile sur l’horizon teuton : on apprend qu’Uniper, la principale société allemande de vente de gaz et premier distributeur de l’entreprise russe Gazprom, doit faire appel à l’État allemand à hauteur de 55 milliards d’euros suite à une perte nette kolossale établie à 40 milliards d’euros depuis le début de l’année.

    Un milliard d’euros par-ci, un milliard d’euros par-là et rapidement on commence à parler gros sous. En tout cas, à 55 milliards d’euros, voilà une somme rondelette qui va peut-être faire réfléchir Olaf Scholz sur les choix énergétiques opérés ces dernières années par l’Allemagne : manifestement, multiplier les efforts sur les énergies renouvelables revient un peu trop à multiplier aussi les approvisionnements en gaz et à se retrouver en fâcheuse posture lorsque la conjoncture internationale change un tantinet.

    Et s’il y a bien transition énergétique, ce n’est pas exactement vers de nouvelles formes d’énergies mais plutôt vers pas d’ énergie du tout : en somme, tout ne se passe vraiment pas comme prévu en Europe : en quelques mois, des choix très politiques se sont traduits par des conséquences quasi-immédiates aussi économiques que palpables, avec des grosses faillites à la clé.

    Pour une fois, l’Allemagne ne s’en sort pas mieux que les autres et peut-être même au contraire : ces faillites se multiplient à un rythme réellement inquiétant. Ainsi, le fabricant de meubles allemand Hülsta est insolvable, 80 ans après sa fondation. La chaîne de boulangeries Thilmann atteint le même point 85 ans après ses débuts. Pour Wolff Hoch und Ingenieurbau, entreprise de construction, il aura fallu 125 ans, alors que Bodeta, le fabricant de confiseries, aura tenu 130 ans. Borgers, l’équipementier automobile, ferme ses portes après 156 ans et Kappus, le fabricant de savon, après 170.

    Ces quelques exemples étalés en quelques jours seulement donnent à réfléchir : ces entreprises ont survécu à deux guerres mondiales, des changements politiques et sociaux majeurs, pour finalement toutes mourir en 2022 parce qu’essentiellement, les Allemands ont cru dur comme fer que les moulins à vent et les miroirs magiques, tous doublés de turbines à gaz russe, allaient leur éviter de taper dans le charbon, le pétrole et le nucléaire.

    Au bilan, les Allemands ont maintenant davantage de faillites que de gaz, des miroirs et des moulins sous-productifs à ne plus savoir qu’en faire et doivent malgré tout exploiter le charbon, le pétrole et le nucléaire. C’est un échec épique (et ce n’est que le début).

    Peut-être est-ce à cause de ce vent glacial venu de l’est que notre Bruneau de Bercy national a récemment déployé quelques signes clairs de changement de tactique dans sa fine gestion du budget de l’État français : alors qu’en février dernier il était entendu que toute sa puissance intellectuelle serait dédiée à faire plier la Russie, le locataire de Bercy commence à revoir ses objectifs. Avec la souplesse légendaire de ce grand fauve de la République bondissant sans merci sur l’aphorisme et la petite phrase facile, le voilà qui déclare « Fini le royaume du Koikilenkouth », ou quasiment :

    Nous avons arrêté le quoi qu’il en coûte et nous ciblons à présent les entreprises qui en ont le plus besoin.

    Charge maintenant aux entreprises de se faire aussi discrètes que possible sur leurs difficultés économiques pour ne surtout pas recevoir l’aide du ministre qui équivaut sans mal au baiser de la mort.

    Indépendamment de cet aspect, on appréciera à sa juste valeur, dans les déclarations du minustre, les fantasmagories sur les performances de la France dont l’économie se redresserait alors qu’en Europe tous les autres pays s’enfoncent assez vite dans un marasme sans équivalent historique. Eh oui : comme de précédents billets le mentionnaient déjà en mars et en avril , les sanctions contre la Russie ont été absolument dévastatrices… pour l’Europe.

    Et alors même que ces Européens sont justement en train de contourner discrètement ces sanctions dès qu’ils le peuvent, le même Bruno, jamais en panne d’une contradiction, admet multiplier les boucliers tarifaires et autres guichets spéciaux pour aider les particuliers et les entreprises (celles qui résistent si bien en France, disait-il) à surmonter la crise (qui est quasiment invisible dans le pays selon les chiffres officiels), crise qu’on mettra de surcroît sur le dos (de plus en plus large) de la guerre en Ukraine.

    Bref : fini le Koikilenkouth mais tout va bien car les chiffres sont bons mais les entreprises ont besoin d’aides et la guerre est un drame économique pour nous mais la France s’en sort bien mais mettez un pull tout de même.

    On oscille entre la consternation et l’interrogation de plus en plus lancinante sur le déni de réalité des élites qui semblent s’être auto-intoxiquées à cette réalité alternative qu’ils continuent de brosser pour les masses.

    Parce que malgré les saillies inquiétantes d’incohérence globale du ministre de l’Économie, les évidences semblent difficiles à évacuer : ce qui met l’Allemagne dans une telle panade ne peut pas se traduire par une simple gêne économique en France, au contraire . Parce qu’on sait déjà que l’année 2023 affichera un nombre record de faillites dans le pays . Et parce que l’hiver qui vient sera rude, quoi qu’on en dise et même s’il n’y a aucune coupure (ce qui semble de moins en moins évitable ).

    Les indicateurs économiques ne trompent que ceux qui ont intérêt à l’être : on peut pérorer comme le font certains habitués de plateaux médiatiques sur un taux de chômage faible voire sur ce qui est présenté maintenant comme un quasi « plein emploi » – ce qui dénote d’une vision de la réalité réellement alternative – il n’en reste pas moins qu’ un nombre croissant de Français a faim : jamais les Restos du Cœur n’ont autant aidé de personnes dans le besoin – avec des taux d’augmentation à deux chiffres par rapport aux années précédentes.

    Rassurez-vous : selon Bruno et les services de Bercy, ces gens n’auront pas de problème à trouver de l’emploi (pensez donc, la France est presque en surchauffe, qu’ils nous disent !) ce qui tend à montrer que dans ce pays, l’emploi ne permet plus de manger à sa faim et qu’il faut travailler le ventre vide.

    Déni, pipeautage, incohérence et fariboles… Tout ceci va forcément très bien se terminer.

    Sur le web

    • chevron_right

      En Allemagne, la mort du pacifisme

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Thursday, 24 November, 2022 - 17:27 · 29 minutes

    Marquée par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, puis par la partition de la Guerre Froide, l’Allemagne a longtemps été un pays pacifiste. En quelques mois à peine, la guerre en Ukraine a totalement rebattu les cartes. Alors que le conflit présente un risque de dégénérer en guerre nucléaire, les discours appelant à la retenue et à la diplomatie passent désormais pour un soutien à la dictature de Poutine. Les Verts, pourtant historiquement pacifistes, sont à l’avant-garde de cette évolution inquiétante, fruit de décennies de soft power américain. Article du sociologue Wolfgang Streeck, publié par la New Left Review , traduit par Alexandra Knez et édité par William Bouchardon.

    Le 17 octobre, le Chancelier fédéral Allemand Olaf Scholz a invoqué le privilège constitutionnel que lui confère l’article 65 de la Grundgesetz (la Constitution allemande) pour « définir les orientations » de la politique de son gouvernement. Les chanceliers ne le font que rarement, voire pas du tout ; la sagesse politique veut que vous soyez éliminé à la troisième tentative. Il en allait de la durée de vie des trois dernières centrales nucléaires allemandes. L’objet de ce recours au « 49.3 allemand » ? Revenir sur la fermeture prévue des centrales nucléaires d’ici la fin 2022, inscrite dans la loi en 2011 par le gouvernement d’Angela Merkel à la suite de l’accident de Fukushima et destiné à attirer les Verts dans une coalition avec son parti. Désormais au gouvernement avec le SDP (centre-gauche) et le FDP (libéraux), les Verts ont refusé de lâcher leur trophée, craignant les accidents et les déchets nucléaires, mais aussi leurs électeurs de la classe moyenne aisée. Le FDP a quant à lui demandé, compte tenu de la crise énergétique actuelle, que les trois centrales – qui représentent environ 6 % de l’approvisionnement électrique de l’Allemagne – soient maintenues en activité aussi longtemps que nécessaire, c’est-à-dire indéfiniment. Pour mettre un terme aux disputes, Scholz a transmis un ordre aux ministères concernés, déclarant officiellement que la politique du gouvernement était de maintenir les centrales en activité jusqu’à la mi-avril de l’année prochaine. Les deux partis ont plié l’échine, ce qui a permis de sauver la coalition pour le moment.

    Or, si les Verts sont vent debout contre l’énergie nucléaire, ils semblent bien moins préoccupés par l’arme atomique. Alors que la menace nucléaire dans le cadre du conflit en Ukraine est réelle, les Verts n’hésitent en effet pas à participer pleinement à la surenchère guerrière qui fait monter les tensions. Un positionnement qui leur a valu des critiques acerbes de la part de Sahra Wagenknecht, figure de la gauche allemande, qui les a récemment qualifié de « parti le plus hypocrite, le plus distant, le plus malhonnête, le plus incompétent et, à en juger par les dégâts qu’il cause, le plus dangereux que nous ayons actuellement au Bundestag ».

    Pour eux, le renversement du régime Poutine est nécessaire, afin de livrer ce dernier à la Cour Pénale Internationale de La Haye pour qu’il y soit jugé. Une perspective non seulement fantaisiste (la Russie, tout comme les Etats-Unis, n’a pas ratifié le statut de Rome, qui en est à l’origine, ndlr), mais également très risquée au vu des dommages qu’une escalade nucléaire en Ukraine causerait, et ce qu’elle signifierait pour l’avenir de l’Europe et, en l’occurrence, de l’Allemagne. À quelques exceptions près, les élites politiques allemandes, tout comme leurs médias de propagande, ignorent ou font semblant d’ignorer l’état actuel de la technologie des armes nucléaires ou le rôle attribué à l’armée allemande dans la stratégie et la tactique nucléaires des États-Unis.

    La menace nucléaire sous-estimée ?

    Or, après le tournant historique de la politique étrangère allemande (Zeitenwende) décidé par Scholz, l’Allemagne se déclare de plus en plus prête à devenir la nation phare de l’Europe. Dès lors, sa politique intérieure devient plus que jamais une question d’intérêt européen. La plupart des Allemands se représentent la guerre nucléaire comme une bataille intercontinentale entre la Russie (anciennement l’Union soviétique) et les États-Unis, avec des missiles balistiques porteurs d’ogives nucléaires traversant l’Atlantique ou le Pacifique. L’Europe pourrait être touchée ou non, mais comme le monde serait de toute façon plongé dans un abîme, il semble inutile d’envisager cette possibilité. Craignant peut-être d’être accusés de « Wehrkraftzersetzung » (subversion de la force militaire, passible de la peine de mort pendant la Seconde Guerre mondiale, ndlr), aucun des « experts en défense » allemands, soudainement très nombreux, ne semble disposé à prendre au sérieux les avertissements de Joe Biden, qui évoque un « Armageddon » en cas d’usage de l’arme nucléaire.

    Si une escalade nucléaire venait à avoir lieu, une arme de choix est une bombe nucléaire américaine appelée B61, conçue pour être larguée depuis des avions de chasse sur des installations militaires au sol. Bien qu’ils aient tous juré de se consacrer « au bien-être du peuple allemand [et] de le protéger contre tout danger », aucun membre du gouvernement allemand ne souhaite parler des possibles retombées que pourrait produire l’utilisation d’une B61 en Ukraine. Au vu du risque d’élargissement du conflit récemment posé par l’explosion d’un missile en Pologne, la question mérite pourtant d’être posée : où donc les vents porteraient-t-ils les retombées radioactives ? Combien de temps la zone entourant un champ de bataille nucléaire serait-elle inhabitable ? Combien d’enfants handicapés naîtrait-il à cet endroit et aux alentours dans les années qui suivrait une telle attaque ? Tout cela pour que la péninsule de Crimée puisse rester ou redevenir propriété de l’Ukraine…

    Il est assez remarquable que les Verts, défenseurs invétérés du « principe de précaution », n’aient toujours pas appelé à des précautions pour protéger la population allemande ou européenne contre la contamination nucléaire.

    Ce qui est en revanche clair, c’est que, comparé à une guerre nucléaire, même localisée, l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 (qui a accéléré la progression des Verts en Allemagne) apparaît tout à fait négligeable dans ses effets. Il est assez remarquable que les Verts, défenseurs invétérés du « principe de précaution », n’aient d’ailleurs toujours pas appelé à des précautions pour protéger la population allemande ou européenne contre la contamination nucléaire, par exemple en constituant des stocks de compteurs Geiger ou de comprimés d’iode. Après l’expérience du Covid-19, un tel silence est pour le moins surprenant.

    Pourtant, l’Occident se prépare à l’éventualité d’une guerre nucléaire. À la mi-octobre, l’OTAN a organisé un exercice militaire appelé « Steadfast Noon », décrit par le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) comme un « entraînement annuel aux armes nucléaires ». L’exercice a réuni soixante avions de chasse de quatorze pays et s’est déroulé au-dessus de la Belgique, de la mer du Nord et du Royaume-Uni. « Face aux menaces russes d’utiliser des armes nucléaires », explique le FAZ, « l’Alliance a activement et intentionnellement diffusé des informations sur l’exercice pour éviter tout malentendu avec Moscou, mais aussi pour démontrer son état de préparation opérationnelle ». Au cœur de l’opération se trouvaient les cinq pays qui ont conclu un « accord de participation nucléaire » avec les États-Unis : l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et la Turquie. Cet accord prévoit que certains de leurs avions de chasse transportent des bombes B61 américaines vers des cibles désignées par le Pentagone. Une centaine de B61 seraient stockés en Europe, sous la garde de troupes américaines. L’armée de l’air allemande maintient ainsi une flotte de bombardiers Tornado consacrée à la « participation nucléaire ». Mais ces avions sont considérés dépassés et vieillots. Lors des négociations pour la formation de la coalition actuellement au pouvoir Outre-Rhin, l’actuelle ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock (écologiste), a exigé que les Tornados soient remplacés dès que possible par trente-cinq bombardiers furtifs américains F35. Ceux-ci sont désormais commandés et seront probablement livrés dans environ cinq ans, pour un prix de huit milliards d’euros, au grand dam des Français qui avaient espéré obtenir une part du marché. L’entretien et les réparations devraient coûter deux ou trois fois ce montant pendant la durée de vie des avions.

    Il est important de préciser en quoi consiste « Steadfast Noon » : les pilotes apprennent à abattre les avions intercepteurs de l’ennemi et, lorsqu’ils sont suffisamment proches de la cible, à effectuer une manœuvre compliquée, le fameux lancement « par-dessus l’épaule ». S’approchant à très basse altitude, avec une bombe nucléaire attachée sous leur fuselage, les avions inversent soudainement leur direction en effectuant une boucle avant, libérant la bombe au sommet de leur ascension. La bombe continue alors dans la direction initiale de l’avion, jusqu’à ce qu’elle tombe dans une courbe balistique éradiquant ce qu’elle est censée éradiquer au bout de sa trajectoire. L’avion est alors déjà sur son chemin de retour supersonique, ayant évité la vague provoquée par l’explosion nucléaire. Terminant sur une note positive pour ses lecteurs, le FAZ a par ailleurs révélé que des « bombardiers stratégiques à longue portée B-52 » des États-Unis, « conçus pour les missiles nucléaires pouvant être largués à haute altitude », ont également participé à l’exercice.

    Les discours militaristes ont le vent en poupe

    Derrière les déclarations publiques de la coalition au pouvoir, les partis au pouvoir en Allemagne débattent en coulisses de la meilleure façon d’éviter que le peuple ne se mèle d’enjeux aussi cruciaux. Le 21 septembre, l’un des rédacteurs en chef du FAZ, Berthold Kohler, un partisan de la ligne dure, a noté que même parmi les gouvernements occidentaux « l’impensable n’est plus considéré comme impossible ». Selon lui, au lieu de se soumettre au chantage nucléaire de Poutine, les « hommes d’État » occidentaux doivent faire preuve de « plus de courage… si les Ukrainiens insistent pour libérer leur pays tout entier », une insistance qui semble aujourd’hui interdit de contester, faute de passer pour un soutien de Poutine. Tout « arrangement avec la Russie aux dépens des Ukrainiens » – sans doute inévitable lorsque s’engageront des négociations de paix – équivaudrait selon Kohler à « trahir les valeurs et les intérêts de l’Occident ». Pour rassurer ceux de ses lecteurs qui préfèrent néanmoins vivre pour leur famille plutôt que de mourir pour Sébastopol – et à qui l’on raconte que Poutine est un fou génocidaire imperméable aux arguments rationnels – Kohler rapporte qu’à Moscou, la crainte d’un « Armageddon nucléaire dans lequel la Russie et ses dirigeants brûleraient également » est suffisante pour que l’Occident soutienne à fond la vision de Zelensky concernant l’intérêt national ukrainien.

    Quelques jours après cet article, l’un des rédacteurs de Kohler, Nikolas Busse, rappelait toutefois que « le risque nucléaire augmente », soulignant que « l’armée russe dispose d’un grand arsenal d’armes nucléaires plus petites, dites tactiques, adaptées au champ de bataille ». Selon Busse, la Maison Blanche « a averti la Russie, par des voies directes, de lourdes conséquences » si elle les utilisait. Il n’est toutefois pas certain que la tentative américaine « d’accroître la pression sur Poutine » ait l’effet escompté. « L’Allemagne », poursuit l’article, « sous la protection présumée de la stratégie de Biden, s’est permis un débat étonnamment frivole sur la livraison de chars de combat à l’Ukraine », faisant référence à des chars qui permettraient à l’armée ukrainienne de pénétrer en territoire russe, outrepassant ainsi le rôle assigné aux Ukrainiens dans cette guerre par procuration des Américains contre la Russie et provoquant probablement une réponse nucléaire : « Plus que jamais, il ne faut pas s’attendre à ce que les États-Unis risquent leur peau pour les aventures solitaires de leurs alliés. Aucun président américain ne mettra le destin nucléaire de sa nation entre les mains des Européens » notait très justement le journaliste. On peut d’ailleurs ici noter que les dirigeants européens mettent en revanche pleinement le destin de leurs nations entre les mains des Américains.

    Les mises en garde de Busse correspondent à la limite de ce que l’establishment politique allemand est prêt à laisser entrevoir aux sections les plus éduquées de la société allemande sur les conséquences que l’Allemagne pourrait avoir à endurer si la guerre se poursuit. Mais cette frontière est en train de se déplacer rapidement. Une semaine à peine après l’article de Busse, Kohler exprimant également ses doutes sur la volonté des États-Unis de sacrifier New York pour Berlin et appelait en conséquence l’Allemagne à acquérir ses propres bombes nucléaires. Or, depuis 1945, une telle proposition a toujours paru en dehors des limites de la pensée politique admissible en Allemagne. Selon Kohler, l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Allemagne serait à la fois une assurance contre l’imprévisibilité de la politique intérieure américaine et de sa stratégie mondiale et une condition préalable à un leadership allemand en Europe. Disposer de la bombe permettrait en effet à Berlin d’être véritablement indépendant de la France et de renforcer ses liens avec les pays d’Europe centrale comme la Pologne.

    Propagande de guerre

    Francfort, disait Goethe de sa ville natale, « est pleine de bizarreries ». On peut en dire de même de Berlin, ou même de l’Allemagne tout entière, aujourd’hui : ce qui semblait hier encore tabou ne l’est plus. L’opinion publique est étroitement influencée par l’alliance des partis centristes et des médias, et soutenue dans des proportions étonnantes par une censure auto-imposée de la société civile. L’Allemagne, puissance régionale de taille moyenne, apparemment gouvernée démocratiquement, est en train de se transformer en une dépendance transatlantique des grandes machines de guerre américaines que sont l’OTAN, les chefs d’état-major interarmées, le Pentagone, la NSA, la CIA et le Conseil national de sécurité. Lorsque, le 26 septembre, les deux gazoducs Nord Stream ont été touchés par une attaque sous-marine, les tenants du pouvoir ont tenté pendant quelques jours de convaincre le public allemand que l’auteur de l’attaque ne pouvait être que Poutine, dans le but de démontrer aux Allemands qu’il n’y aurait pas de retour au bon vieux temps du gaz russe bon marché. Une affirmation crédible seulement pour les plus crédules : pourquoi Poutine se serait-il volontairement privé de la possibilité, aussi minime soit-elle, d’attirer à nouveau l’Allemagne vers la dépendance énergétique, et ce dès que les Allemands auraient été incapables de payer le prix faramineux du gaz naturel liquéfié (GNL) américain ? Et s’il est vraiment le commanditaire de ce sabotage, pourquoi n’aurait-il pas fait sauter les gazoducs dans les eaux russes plutôt que dans les eaux internationales, ces dernières étant plus fortement surveillées que tout autre espace maritime à l’exception, peut-être, du golfe Persique ? Pourquoi risquer qu’un escadron de troupes de choc russes soit pris en flagrant délit de sabotage, déclenchant ainsi une confrontation directe avec plusieurs États membres de l’OTAN en vertu de l’article 5 ?

    L’Allemagne est en train de se transformer en une dépendance transatlantique des grandes machines de guerre américaines que sont l’OTAN, les chefs d’état-major interarmées, le Pentagone, la NSA, la CIA et le Conseil national de sécurité.

    En l’absence d’un « narratif » un tant soit peu crédible, l’affaire fut vite abandonnée une semaine plus tard. Deux jours après l’explosion, le reporter d’un journal local qui se trouvait à l’entrée de la mer Baltique déclarait avoir aperçu l’USS Kearsarge – un « navire d’assaut amphibie » capable de transporter jusqu’à 2 000 soldats – quitter la Baltique en direction de l’Ouest, accompagné de deux chaloupes de débarquement ; une photo de deux des trois navires a été diffusée sur Internet. Une information qui n’a suscité absolument aucune réaction. Personne dans le monde politique allemand ou dans les médias nationaux n’y a prêté attention, en particulier publiquement. À la mi-octobre, la Suède, actuellement candidate à l’adhésion à l’OTAN, a annoncé qu’elle garderait pour elle les résultats de son enquête sur l’événement ; le niveau de sécurité de ses conclusions était trop élevé « pour être partagé avec d’autres États comme l’Allemagne ». Peu de temps après, le Danemark s’est également retiré de l’enquête menée conjointement.

    Le 7 octobre, le gouvernement a dû répondre à la question d’un député Die Linke (gauche) sur ce qu’il savait des causes et des responsables des attaques sur les gazoducs. Après avoir déclaré qu’il les considérait comme des « actes de sabotage », le gouvernement a affirmé ne disposer d’aucune information, ajoutant qu’il n’en disposerait probablement pas non plus à l’avenir. En outre, « après mûre réflexion, le gouvernement fédéral est parvenu à la conclusion que des informations supplémentaires ne peuvent être fournies pour des raisons d’intérêt public ». Et ce, poursuit la réponse, parce que « les informations demandées sont soumises aux restrictions de la ‘règle du tiers’, qui concerne l’échange interne d’informations par les services de renseignement » et, par conséquent, « porte atteinte au respect du secret qui doit être protégé de telle sorte que l’intérêt supérieur de l’Etat, le Staatswohl, l’emporte sur le droit parlementaire à l’information, si bien que le droit des députés de poser des questions doit exceptionnellement passer après le respect du secret par le gouvernement fédéral ». Malgré la gravité du sabotage de Nord Stream, cette invocation du secret défense par le gouvernement allemand n’a pratiquement pas été évoquée dans les médias.

    Censure et auto-censure

    D’autres événements sinistres de ce genre se sont produits. Dans le cadre d’une procédure accélérée qui n’a duré que deux jours, le Bundestag (Parlement allemand, ndlr), s’appuyant sur les éléments de langage fournis par le ministère de la Justice aux mains du soi-disant libéral FDP, a modifié l’article 130 du code pénal qui considère comme un crime le fait « d’approuver, de nier ou de diminuer » l’Holocauste. Le 20 octobre, une heure avant minuit, un nouveau paragraphe a été adopté, caché dans un projet de loi bien plus large, pour ajouter les « crimes de guerre » à ce qui ne doit pas être approuvé, nié ou diminué. La coalition au pouvoir (SPD, Verts et libéraux) et la CDU/CSU ont voté pour l’amendement, Die Linke (gauche) et l’AfD (extrême-droite) ont voté contre. Aucun débat public n’a eu lieu. Au dire du gouvernement, l’amendement était nécessaire pour la transposition en droit allemand d’une directive de l’Union européenne visant à lutter contre le racisme. À deux exceptions près, la presse n’a pas rendu compte de ce qui n’est rien d’autre qu’un coup d’État juridique.

    Quelles conséquences aura cette modification ? Le procureur fédéral va-t-il entamer des poursuites judiciaires contre quelqu’un pour avoir comparé les crimes de guerre russes en Ukraine aux crimes de guerre américains en Irak, « minimisant » ainsi les premiers ou des seconds ? De même, le Bureau fédéral pour la protection de la Constitution pourrait bientôt commencer à placer les « minimiseurs » de « crimes de guerre » sous observation, ce qui inclurait la surveillance de leurs communications téléphoniques et électroniques. Dans un pays où presque tout le monde, le matin suivant la Machtübernahme (prise de pouvoir par les Nazis), a salué son voisin en s’écriant « Heil Hitler » plutôt que « Guten Tag », le plus grave est qu’il y aura ce qu’on appelle aux États-Unis un « effet de refroidissement ». Quel journaliste ou universitaire ayant à nourrir une famille ou souhaitant faire avancer sa carrière risquera d’être « observé » par la sécurité intérieure comme un « minimiseur » potentiel des crimes de guerre russes ?

    Les limites du politiquement correct se rétrécissent rapidement, et de manière effrayante. Comme pour la destruction des gazoducs, les tabous les plus tenaces concernent le rôle des États-Unis, tant dans l’histoire du conflit que dans son actualité.

    À d’autres égards également, les limites du politiquement correct se rétrécissent rapidement, et de manière effrayante. Comme pour la destruction des gazoducs, les tabous les plus tenaces concernent le rôle des États-Unis, tant dans l’histoire du conflit que dans son actualité. Dans le discours public autorisé, la guerre ukrainienne est entièrement décontextualisée : tous les citoyens loyaux sont censés l’appeler « la guerre d’agression de Poutine », elle n’a pas d’histoire en dehors du « narratif » d’une décennie de rumination d’un dictateur fou du Kremlin pour trouver la meilleure façon d’exterminer le peuple ukrainien, tout ceci rendue possible par la stupidité, combinée à la cupidité, des Allemands qui ont succombé à son gaz bon marché. Comme je l’ai découvert lors d’une interview que j’avais donnée à l’édition en ligne d’un hebdomadaire allemand de centre-droit, Cicero, qui a été coupée sans me consulter, certains faits historiques ne semblent pas avoir droit de cité : le rejet américain de la « maison européenne commune » proposée par Gorbatchev, la destruction par les parlementaires américains du projet de « partenariat pour la paix » de Clinton avec la Russie, ou encore le rejet, pas plus tard qu’en 2010, de la proposition de Poutine d’une zone de libre-échange européenne « de Lisbonne à Vladivostok ». Autant de tentatives de dépasser l’hostilité héritée de la Guerre froide pour ouvrir une nouvelle ère de coopération entre Russie et Occident. De même, il semble interdit de rappeler que les États-Unis ont, durant la première moitié des années 1990, décidé que la frontière de l’Europe post-communiste devait être identique à la frontière occidentale de la Russie post-communiste, qui serait également la frontière orientale de l’OTAN, à l’Ouest de laquelle il ne devait y avoir aucune restriction sur le stationnement de troupes et de systèmes d’armes. Il en va de même pour les vastes débats stratégiques américains concernant les manières possibles de pousser la Russie a viser trop haut pour la déstabiliser, tels que documentés dans les rapports publics de la RAND Corporation (think tank militariste, ndlr).

    Parmi d’autres exemples, citons notamment le programme d’armement sans précédent des États-Unis pendant la « guerre contre le terrorisme » qui s’est accompagné de la résiliation unilatérale de tous les accords de contrôle des armements encore en vigueur avec l’ancienne Union soviétique et les pressions américaines incessantes exercées sur l’Allemagne depuis l’invention de la fracturation hydraulique pour qu’elle remplace le gaz naturel russe par du gaz de schiste américain, d’où la décision américaine, bien avant la guerre, de mettre fin à Nord Stream 2 de quelque manière que ce soit. Citons aussi les négociations de paix qui ont précédé la guerre, y compris les accords de Minsk entre l’Allemagne, la France, la Russie et l’Ukraine, qui se sont effondrés sous la pression de l’administration Obama et de son envoyé spécial pour les relations américano-ukrainiennes, le vice-président de l’époque Joe Biden, et coïncidant avec une radicalisation du nationalisme ukrainien. Et surtout n’oublions pas le lien entre les stratégies européennes et sud-est asiatiques de Biden, notamment les préparatifs américains de guerre contre la Chine.

    Un aperçu de ces intentions a été fourni par l’amiral Michael Gilday, chef des opérations navales américaines, qui, lors d’une audition devant le Congrès le 20 octobre, a fait savoir que les États-Unis devaient être prêts « pour un créneau 2022 ou potentiellement 2023 » à une guerre avec la Chine au sujet de Taïwan. Malgré l’obsession pour les États-Unis du grand public allemand, le fait qu’il soit de notoriété publique outre-Atlantique que la guerre ukrainienne est au fond une guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie lui échappe complètement. Les voix de Niall Ferguson (grand historien britannique, ndlr) ou de Jeffrey Sachs (économiste américain reconnu, ndlr) mettant en garde contre la surenchère nucléaire passent inaperçues ; le premier écrivant dans Bloomberg un article intitulé « Comment la Seconde Guerre froide pourrait se transformer en Troisième Guerre mondiale », qu’aucun éditeur allemand soucieux du Staatswohl n’aurait accepté.

    Les écologistes, anciens pacifistes devenus pro-guerre

    Dans l’Allemagne d’aujourd’hui, toute tentative de replacer la guerre en Ukraine dans le contexte d’une réorganisation du système étatique mondial apparu depuis la fin de l’Union soviétique et du projet américain de « nouvel ordre mondial » défendu par George Bush père est suspecte. Ceux qui osent le faire courent le risque d’être qualifiés de « Poutineversteher » (Poutinophile) et d’être invités dans l’un des talk-shows quotidiens de la télévision publique, pour un pseudo-équilibre face à une armada de va-t-en-guerre bien-pensants qui leur crient dessus. Au début de la guerre, le 28 avril, Jürgen Habermas, philosophe de cour des Verts, a publié un long article dans le Süddeutsche Zeitung , sous le long titre de « Tonalité criarde, chantage moral : Sur la bataille d’opinions entre les anciens pacifistes, un public choqué et un chancelier prudent après l’attaque de l’Ukraine ». Il s’y opposait au moralisme exalté et au bellicisme qui s’emparait de ses partisans, exprimant prudemment son soutien à ce qui, à l’époque, semblait être une réticence de la part du chancelier à s’engager tête baissée dans la guerre en Ukraine. Pour avoir simplement appelé au calme et à la retenue, Habermas a été férocement attaqué au sein de son propre camp, celui des écolos et progressistes pro-européens, et est resté silencieux depuis.

    Ceux qui auraient pu espérer que la voix encore potentiellement influente de Habermas contribue aux efforts de plus en plus désespérés pour empêcher la politique allemande de défendre coûte que coûte sur une victoire totale de l’Ukraine sur la Russie se sont rabattus sur le leader du groupe parlementaire SPD, Rolf Mützenich, un ancien professeur d’université en relations internationales. Mützenich est devenu une figure détestée de la nouvelle coalition de guerre, à l’intérieur comme à l’extérieur du gouvernement, qui tente de le présenter comme une relique d’avant la « Zeitenwende », lorsque les gens croyaient encore que la paix pouvait être possible sans recourir à la destruction militaire de n’importe quel empire maléfique pouvant se mettre en travers du chemin de l’« Occident ». Dans un article récent publié à l’occasion du trentième anniversaire de la mort du chancelier Willy Brandt (dont le mandat avait été marqué par l’Ostpolitik, un rapprochement avec la RDA et l’URSS, ndlr), glissé dans un bulletin d’information social-démocrate, M. Mützenich mettait en garde contre l’imminence de la « fin du tabou nucléaire » et affirmait que « la diplomatie ne doit pas être limitée par la rigueur idéologique ou l’enseignement moral. Nous devons reconnaître que des hommes comme Vladimir Poutine, Xi Jinping, Viktor Orbán, Recep Tayyip Erdoğan, Mohammed bin Salman, Bashar al-Assad et bien d’autres encore influenceront le destin de leur pays, de leur voisinage et du monde pendant plus longtemps que nous ne le souhaiterions ». Il sera intéressant de voir combien de temps les partisans de Mützenich, dont beaucoup de jeunes députés SPD nouvellement élus, parviendront à le maintenir à son poste.

    Ce qui est tout à fait étonnant, c’est le nombre de va-t-en-guerre qui sont sortis de leur niche ces derniers mois en Allemagne. Certains se présentent comme des « experts » de l’Europe de l’Est, de la politique internationale et de l’armée et estiment qu’il est de leur devoir d’aider le public à nier la réalité proche d’explosions nucléaires sur le territoire européen. D’autres sont des citoyens ordinaires qui prennent soudain plaisir à suivre les combats de chars sur Internet et à soutenir « notre » camp. Certains des plus belliqueux appartenaient autrefois à la gauche au sens large; aujourd’hui, ils sont plus ou moins alignés sur le parti des Verts et, en cela, très bien représentés par Annalena Baerbock, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères. Combinaison étrange de Jeanne d’Arc et d’Hillary Clinton, Baerbock est l’un des nombreux « Global Young Leaders » sélectionnés par le Forum économique mondial. Venant d’un parti supposé être pacifiste, Baerbock est pourtant totalement alignée sur les États-Unis, de loin l’État le plus enclin à la violence dans le monde contemporain. Pour comprendre cela, il peut être utile de se rappeler que ceux de sa génération n’ont jamais connu la guerre, pas plus que leurs parents. En ce qui concerne les Verts, on peut également supposer que les hommes les plus âgés ont évité le service militaire en tant qu’objecteurs de conscience jusqu’à sa suspension, notamment du fait de leur pression électorale. En outre, aucune génération précédente n’a autant grandi sous l’influence du soft power américain, de la musique pop au cinéma et à la mode, en passant par une succession de mouvements sociaux et de modes culturelles. Tous ces phénomènes ont été promptement et avidement copiés en Allemagne, comblant ainsi le vide causé par l’absence de toute contribution culturelle originale de la part de cette classe d’âge remarquablement épigone (une absence que l’on appelle par euphémisme le cosmopolitisme).

    L’influence du soft power américain

    En y regardant de plus près, l’américanisme culturel, y compris son expansionnisme idéaliste, s’articule autour de la promesse d’un individualisme libertaire qui, en Europe, contrairement aux États-Unis, est ressenti comme incompatible avec le nationalisme, ce dernier se trouvant être l’anathème de la gauche verte. Il ne reste donc comme seule possibilité d’identification collective qu’un vague « occidentalisme », compris à tort comme un universalisme fondé sur des « valeurs ». En réalité, il ne s’agit que d’un américanisme déployé à grande échelle qui nie les réalités peu enviables de la société américaine. L’occidentalisme est inévitablement moraliste ; il ne peut vivre qu’en hostilité avec un non-occidentalisme autrement moral, et donc immoral à ses yeux, qu’il ne peut laisser vivre et doit donc détruire. En adoptant l’occidentalisme, cette sorte de nouvelle gauche peut pour une fois espérer être non seulement du bon côté mais aussi du côté gagnant : celui de la puissance militaire américaine.

    L’occidentalisme équivaut à l’internationalisation, sous un leadership américain, des guerres culturelles qui se déroulent aux Etats-Unis.

    En outre, l’occidentalisme équivaut à l’internationalisation, sous un leadership américain, des guerres culturelles qui se déroulent aux Etats-Unis. Dans l’esprit occidentalisé, Poutine et Xi Jinping, Trump et Liz Truss, Bolsonaro et Meloni, Orbán et Kaczyński sont tous les mêmes, tous des « fascistes ». L’histoire riche et complexe de chaque pays se retrouve soumise aux humeurs de la vie individualiste et déracinée de l’anomie capitaliste tardive : il y a à nouveau une chance de se battre, et même de mourir pour, au minimum, les « valeurs » communes de l’humanité. Enfin se présente à nouveau une opportunité d’héroïsme qui semblait à jamais disparue dans l’Europe occidentale d’après-guerre et postcoloniale. Ce qui rend cet idéalisme encore plus attrayant, c’est que les combats et les morts peuvent être délégués à des intermédiaires, des êtres humains aujourd’hui (les soldats et civils ukrainiens), bientôt peut-être des algorithmes. Pour l’instant, on ne vous demande pas grand-chose, juste de réclamer que votre gouvernement envoie des armes lourdes aux Ukrainiens – dont le nationalisme ardent aurait, il y a quelques mois encore, répugné les cosmopolites écolos – tout en célébrant leur volonté à sacrifier leur vie, non seulement pour la reconquête de la Crimée par leur pays, mais aussi pour l’occidentalisme lui-même.

    Bien sûr, pour rallier les gens ordinaires à la cause, il faut concevoir des « narratifs » efficaces pour les convaincre que le pacifisme est soit une trahison, soit une maladie mentale. Il faut également faire croire aux gens que, contrairement à ce que disent les défaitistes pour saper le moral des Occidentaux, la guerre nucléaire n’est pas une menace : soit le fou russe s’avérera ne pas être assez fou pour donner suite à ses délires, soit, s’il ne le fait pas, les dégâts resteront locaux, limités à un pays dont les habitants, comme leur président nous rassure tous les soirs à la télévision, n’ont pas peur de mourir pour leur patrie ou, comme le dit Ursula von der Leyen, pour « la famille européenne » – laquelle, le moment venu, les accueillera tous frais payés.