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      Comment la Bolivie a échappé au retour des « présidents en uniforme »

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Wednesday, 3 July - 14:18 · 16 minutes

    Ce 26 juin 2024, la démocratie bolivienne a vacillé. Pendant plusieurs heures, le chef d’état-major des armées, le Général Juan José Zuñiga a tenté de destituer le président Luis Arce et de prendre le pouvoir. Cette tentative de putsch ne peut se comprendre comme un simple coup d’éclat. Elle s’inscrit dans une situation politique et économique explosive. L’aventure du Général Zuñiga rappelle aussi qu’en Bolivie – davantage que dans d’autres pays latino-américains – l’armée demeure une institution insuffisamment dépolitisée, faisant craindre le retour des « présidents en uniforme ».

    15h00, La Paz. Autour de la plaza Murillo, qui concentre les sièges du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, une effervescence peu commune. Des fonctionnaires, sortis de leurs bureaux, quittent précipitamment les alentours de la place, des commerçants ferment boutique, paniqués. Parvenu à l’un des coins de la plaza Murillo, nous constatons que l’accès à cette dernière est bloqué. Des unités de la police militaire – une branche de l’armée de terre bolivienne – en empêchent l’accès, fusils levés. Ils sont flanqués de blindés.

    Rapidement, des groupes de manifestants, appelés par le président bolivien Luis Arce sur les réseaux sociaux à « soutenir le gouvernement et à lutter pour la démocratie » se forment et vont à l’affrontement. Les militaires les repoussent à coups de balles en caoutchouc et de gazs lacrymogènes. Certains exhibent ensuite leurs plaies ensanglantées devant les caméras des télévisions. On crie : Lucho no esta solo carajo ! (Lucho [ surnom du président Luis Arce NDLR] n’est pas seul, bordel!) ou Democracia si, dictadura no ! (oui à la démocratie, non à la dictature). Des femmes en pleurs s’adressent aux médias. « Nous ne voulons pas revivre les événements de 2019 , nous ne voulons pas de nouveau coup d’État, nous voulons vivre en paix et en démocratie ».

    [article url=”https://lvsl.fr/evo-morales-les-nationalisations-ont-permis-des-progres-sociaux-historiques/”]

    La plupart des manifestants présents semblent hagards, comme confrontés à une situation irréelle. Soudain, à 17h30, soldats et blindés opèrent un repli éclair et disparaissent de la place. Les centaines de manifestants se précipitent alors devant le Palacio Quemado [ le palais présidentiel NDLR]. À gorge déployée, ils entonnent l’hymne bolivienne, poing levé. Des ministres descendent sur la place et se joignent aux manifestants, qui les serrent dans leurs bras. L’effusion est totale. Quelques instants plus tard, le président Luis Arce, accompagné de son vice-président David Choquehuanca et de plusieurs ministres, apparaît au balcon présidentiel et salue la foule : « avec vous, avec le peuple, personne ne pourra nous obliger à nous rendre. Personne ne peut nous enlever la démocratie que nous avons gagné dans les urnes et avec le sang du peuple bolivien ». Voilà les événements tels que les manifestants ont pu les vivre, alternant entre confusion, effroi puis sentiment de libération et effusion.

    Des mouchoirs blancs agités par les manifestants en signe de refus d’une potentielle dictature © Tristan Waag pour LVSL

    Mais que s’est-il passé durant ces trois heures ? Qui a dirigé ce que le président Arce a qualifié d’ « opérations militaires irrégulières » ?

    « Je n’ai obéi qu’aux ordres du président » : anatomie d’un coup d’État manqué

    Pour comprendre les événements du « 26 juin », il faut remonter quelques jours auparavant. Le lundi 24, dans une interview au programme « No Mentiras », le chef d’état-major des armées, le Général Juan José Zuñiga déclare, suite à une question portant sur une nouvelle candidature aux élections de l’ancien président Evo Morales : « Légalement, Evo Morales ne peut pas se représenter. La Constitution Politique de l’Etat (CPE) dit clairement qu’il ne peut y avoir plus de deux gestions, et monsieur Morales a déjà été réélu (en 2014). Les forces armées ont pour mission de faire respecter la CPE. Ce monsieur ne peut pas se représenter ». Zuñiga faisait référence à un arrêt polémique du Tribunal Constitutionnel Plurinational, la plus haute autorité juridique du pays, empêchant Evo Morales d’être candidat aux élections présidentielles de 2025.

    Dans cet arrêt, le tribunal réinterprétait un article de la constitution déclarant qu’un président ne peut être élu que « deux fois consécutivement ». Selon le Tribunal, Evo Morales, ayant été élu deux fois, ne peut se représenter, sauf à se placer hors de la légalité constitutionnelle. En réalité, cette réinterprétation était bancale : si la Constitution limite bel et bien les mandats consécutifs au nombre de deux, elle n’empêche nullement un président deux fois élus de se représenter à nouveau après des élections auxquelles il n’aurait pas participé…

    Depuis son bastion du Chaparé (une région productrice de feuilles de coca située dans le département de Cochabamba), Evo Morales s’insurge immédiatement, déclarant que ce type de déclarations ne s’était « jamais vues dans une démocratie ». Il ajoutait que si le général n’était pas immédiatement sanctionné par le président Luis Arce, il s’agirait de facto d’un autogolpe (« auto-coup d’État ») – entendu comme un putsch institutionnel fomenté par le président pour barrer la route à son concurrent Evo Morales .

    [article url=”https://lvsl.fr/les-divisions-profondes-de-la-bolivie-post-evo-morales/”]

    Le lendemain, Luis Arce décide de destituer son chef d’état-major . Un geste interprété par celui-ci comme brutal et irréfléchi de la part de « son » président, qu’il a toujours soutenu, notamment dans sa lutte de pouvoir contre Evo Morales. Alors que dans l’après-midi du 26 juin, Zuñiga doit être officiellement remercié par Luis Arce, celui décide plutôt de réunir des régiments de la Police militaire de La Paz ainsi que des unités blindées et de se rendre sur la Plaza Murillo, cœur du pouvoir politique bolivien. Alors que ses hommes bloquent les accès de la place et gazent les passant qui s’attardent un peu trop, des blindés enfoncent les portes du Palacio Quemado. Plusieurs dizaines de militaires font irruption dans et à l’intérieur du palais présidentiel. Un face-à-face a lieu entre le président Arce et le général Zuñiga, entouré de quarante soldats. Le dialogue, tendu, dure plusieurs minutes . Luis Arce somme l’officier de rentrer dans le rang. Entre plusieurs réponses négatives, Zuñiga prononce une première phrase sibylline qui fera couler beaucoup d’encre : « Je ne peux accepter tant de mépris de votre part après tant de loyauté de la mienne ».

    Après avoir consommé un ultime refus de la part du général rebelle, Luis Arce et ses ministres quittent le Palacio Quemado pour se réfugier au sein de la Casa Grande del Pueblo, siège de l’assemblée bolivienne, à quelques mètres du palais présidentiel. Arce et ses ministres s’emploient alors, pendant plusieurs heures, à appeler à la défense de la démocratie et au respect des institutions. Alors que des manifestants se groupent aux abords de la place afin d’affronter les militaires, de nombreuses personnalités de l’opposition telles que Carlos Mesa ou Jorge Tuto Quiroga appellent au « respect de la démocratie ». Au niveau continental, les alliés d’Arce soutiennent le gouvernement – notamment Lula (Brésil) et Nicolas Maduro (Venezuela), qui dénonce dans le cas du second, un « coup d’État fasciste ».

    L’ONU et l’Organisation des États américains (OEA) préparent quant à elles des communiqués condamnant le putsch. Tout cela ne suffit pas à entamer la détermination du général Zuñiga qui annonce à la presse : « les forces armées ont l’intention de restructurer la démocratie pour qu’elle soit enfin une vraie démocratie, pas celle de quelques-uns qui sont au pouvoir depuis 30 ou 40 ans ». Il déclare dans le même temps vouloir libérer « les prisonniers politiques » désignant par-là l’ex-président par intérim Jeanine Añez et l’ancien leader civique de la région de Santa Cruz, Fernando Camacho, tous deux emprisonnés pour leur participation au coup d’État de 2019 contre Evo Morales

    Aux alentours de 17 heures, le président Arce destitue le général Zuñiga et le remplace par un nouveau chef d’état-major des armées : le Général José Wilson Sanchez Velasquez. Ce dernier ordonne alors aux militaires présents sur la Plaza Murillo, désormais sous son commandement, de « retourner dans leurs casernes ». Quelques minutes plus tard, ceux-ci s’exécutent et quittent la place, laissant se déverser une foule de manifestants pro-Arce dont les clameurs victorieuses résonnent jusqu’à la tombée de la nuit. Le Général Zuñiga, devenu alors instantanément l’homme le plus recherché du pays, est interpellé par les forces spéciales de la police bolivienne devant une caserne de La Paz, en train de donner une interview.

    Avant d’être embarqué, il a juste le temps de déclarer « je n’ai obéi qu’aux ordres du président, c’est lui qui m’a demandé de faire ça pour remonter sa cote de popularité », – propos destinés à jeter le trouble chez de nombreux Boliviens, en particulier ceux qui sont opposés au gouvernement de Luis Arce. Pourtant, cette théorie du complot désormais reprise par une partie de l’opposition bolivienne ne tient pas.

    Un putsch imprévisible ?

    Ce putsch manqué ne peut se comprendre qu’à l’aune des tensions entre l’actuel président Luis Arce dit « Lucho » et son ancien mentor Evo Morales , président de 2006 à 2019 – tous deux membres du « Mouvement vers le socialisme » (MAS), parti de gauche hégémonique en Bolivie. Ces tensions ont fortement polarisé le pays au cours de ces derniers mois. Elles remontent à la fin de l’année 2020, qui voient l’élection de Luis Arce, un an après la destitution d’Evo Morales à la faveur d’un coup d’État .

    [article url=”https://lvsl.fr/des-coups-detat-a-lere-de-la-post-verite/”]

    Alors que nombre d’observateurs ne perçoivent en Arce qu’un président sans envergure, choisi par Evo Morales pour pouvoir être contrôlé, il décide rapidement de prendre ses distances. Il ne nomme aucun soutien de l’ancien président, et critique à plusieurs reprises les « erreurs » commises par ce dernier – en particulier sa volonté de se présenter à un troisième mandat en 2019, l’un des leitmotivs qui avaient mené au coup d’État .

    Evo Morales

    Ces tensions n’ont fait que croître. En décembre 2023, un arrêt du Tribunal suprême interdit à Evo Morales de se présenter aux élections de 2025. Cet arrêt est éminemment polémique car il a été émis par des juges proches de Luis Arce, dont le mandat aurait du être achevé. Arce s’emploie également à évincer Morales de la tête du MAS – par le truchement du même Tribunal suprême.

    Evo Morales n’est pas resté sans réagir. À plusieurs reprises, il a qualifié le gouvernement de Luis Arce de « gouvernement de droite néolibérale » désireux de « commettre un coup d’État ». Ses partisans les plus proches, notamment les cocaleros (cultivateurs de coca) de la région du Chaparé ont déjà menacé de bloquer le pays et de créer le chaos si Morales, était interdit d’élections pour 2025. Des dirigeants syndicaux proches de l’ancien président ont même menacé de « faire couler le sang » si ses droits politiques venaient à ne pas être respectés. À la suite de ces tensions, le président Arce avait d’ailleurs appelé l’armée à le défendre face à de « possibles tentatives de coup d’État », mobilisant par là les hauts gradés, et notamment le Général Zuñiga.

    Alors que l’ensemble des moyens de l’appareil d’Etat sont mobilisés par Arce dans sa lutte son rival, il n’est pas illogique de penser qu’un militaire haut-gradé proche de Luis Arce ait voulu, lui aussi, mobiliser un pan des moyens étatiques – en l’occurrence les forces armées- afin de freiner les ambitions d’Evo Morales. En sortant ainsi de sa réserve et de son rôle constitutionnel, Zuñiga a cependant mis un pied dans l’arène politique, ce qui a pu effrayer Arce, affaibli politiquement par une crise économique d’une certaine ampleur. Une fois Zuñiga démis de ses fonctions, celui-ci se voyait frustré dans son ambition personnelle. C’est l’une des interprétations d’une réplique du général au président lors du dialogue qui les a opposés devant le palais présidentiel : « Je ne peux accepter tant de mépris de votre part après tant de loyauté de la mienne ».

    L’armée bolivienne demeure organiquement liée aux classes supérieures.

    Il faut cependant ajouter que Zuñiga n’aurait probablement pas tenté l’aventure si la situation économique du pays avait été au beau fixe. Depuis début 2023, les réserves de dollars de la Banque centrale de Bolivie (BCB) connaissent un niveau historiquement bas . Les retraits de dollars sont limités à 100 euros par mois. Cette situation est notamment due à la raréfaction le production minière bolivienne, ce qui oblige le pays à importer davantage et préserver sa réserve de dollars.

    Or le billet vert, monnaie internationale, est essentielle pour de les importateurs comme les exportateurs. Cette situation se couple à une inflation qui ne cesse de croître sur certains produits essentiels, provoquant une augmentation sans précédent du commerce de contrebande et une érosion du revenu des ménages. Il est fort probable que Zuñiga ait voulu profiter de ce mécontentement. Cela n’a pas empêché les civils de se ranger du côté des institutions, et non du coup de force.

    Dépolitisation inachevée de l’armée bolivienne

    Le 26 juin se comprend pas mieux à la lueur du rôle historique joué par l’armée depuis l’indépendance du pays. Au XIXème siècle, dans un pays miné par les pertes territoriales à la suite de défaites militaires – région pacifique perdue au cours de la Guerre du Pacifique contre le Chili en 1879, territoires du Chaco perdu dans la Guerre du Chaco contre le Paraguay en 1935 – l’armée devient une institution essentielle, tant pour espérer récupérer un jour les territoires perdus que pour éviter de futures pertes.

    L’armée ne se contente cependant pas d’une fonction purement « externe » : elle entend assumer des prérogatives politiques à l’intérieur du pays. De 1825 jusqu’à 2024, plus de 190 coups d’État ont été tentés en Bolivie – un record à l’échelle continentale. À chaque fois, les « présidents en uniforme » jurent de pacifier et d’unir un pays profondément conflictuel et divisé. La société bolivienne est en effet structurellement fragile, marquée par des conflits ethniques et de classes particulièrement intenses, opposant une mince élite créole – mais détenant l’essentiel des capitaux économiques et culturels – à une majorité indigène paysanne historiquement exclue.

    Ces conflits parcourent le XXème siècle, menant parfois le pays à des situations insurrectionnelles voire révolutionnaires – comme en 1952, qui voit le Mouvement nationaliste révolutionnaire prendre le pouvoir. L’armée bolivienne se charge alors elle-même de réguler ces conflits, principalement en assumant elle-même le pouvoir. Elle le fera de manière quasi ininterrompue de 1964 à 1982 à travers une succession de coups d’État. Dans un pays où les classes moyennes et supérieures sont incapables de proposer un projet d’intégration nationale pouvant inclure l’ensemble des secteurs sociaux, l’armée constitue le seul acteur capable de conserver le pouvoir . Il faut ajouter que l’armée bolivienne demeure une institution organiquement liée à la bourgeoise. Un état des choses entretenu par la mode de recrutement des hauts gradés et aux valeurs d’ordre et d’autorité enseignées dans les collèges militaires .

    A partir de 1982, l’armée bolivienne se retire des affaires civiles et politiques et rentre dans ses casernes. Du moins en apparence. En réalité, l’armée demeure en charge de nombreuses missions de maintien de l’ordre. C’est notamment le cas à la fin des années 1990, lorsque l’armée bolivienne est chargée, conjointement avec la Drug Enforcement Agency (DEA, l’agence anti-drogues étatsunienne), de réprimer les cultivateurs de coca. À partir de l’élection du MAS en 2005, l’armée demeure mobilisée pour assurer ponctuellement des tâches d’ingénierie civile et d’assistance sociale à certains secteurs sociaux. Evo Morales tente d’investir l’armée d’une véritable mission de défense du Proceso de cambio , le programme de transformation sociale et politique engagé par le MAS. Une défense tournée à la fois contre les « ennemis externes » de nature impérialiste, mais aussi contre des « ennemis internes » : l’oligarchie de la région de Santa Cruz qui tente de faire sécession dans les années 2000 bien sûr, mais plus largement, les acteurs qui tenteraient de déstabiliser le gouvernement.

    Cette dépolitisation inachevée de l’armée bolivienne a brutalement resurgi à la faveur du coup d’État de 2019 . À la suite de plusieurs semaines de manifestations violentes organisées par des groupes civiques contre le gouvernement d’Evo Morales – ces derniers l’accusant de fraude électorale – le chef d’état-major des armées de l’époque William Kaliman avait alors décide alors d’outrepasser son rôle constitutionnel et d’intimer à Evo Morales l’ordre de renoncer au pouvoir. Pendant plusieurs semaines, et malgré la prise du pouvoir anticonstitutionnelle de la vice-présidente du Sénat, Jeanine Añez , l’armée détenait de facto les pleins pouvoirs en terme de maintien de l’ordre. Appuyée par l’oligarchie et par des groupuscules de droite issus notamment de la région de Santa Cruz et de Cochabamba, l’armée avait activement réprimé les partisans d’Evo Morales. À Sacaba, ville-banlieue de Cochabamba et à Senkata, un quartier d’El Alto, la métropole indigène qui surplombe La Paz, les militaires font feu et tuent plus de 60 personnes.

    Dans le même temps, de nombreux militaires retirent symboliquement la Wiphala – le drapeau qui représente la majorité indigène quechua et aymara du pays – en signe d’allégeance au nouveau régime. La tentative de coup d’État du Général Zuñiga du 26 juin 2024, comme celui de 2019, révèle ainsi que l’armée bolivienne, institution historiquement élitaire et anti-démocrate, n’a pas achevé son processus de dépolitisation.

    Reste maintenant à déterminer si les événements du 26 juin ne sont que les premières secousses d’un tremblement de terre à venir, ou si les plaques tectoniques de la démocratie bolivienne finiront par s’assembler de nouveau.

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      Evo Morales : « Les nationalisations ont permis des progrès sociaux historiques »

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Monday, 21 November, 2022 - 18:04 · 5 minutes

    Président de Bolivie durant treize ans, Evo Morales est considéré comme une figure majeure du « virage à gauche » d’Amérique latine. Il a été renversé par un coup d’État pro-américain en novembre 2019, auquel Le Vent Se Lève a consacré de nombreux articles. Son parti, le Mouvement vers le socialisme (MAS), est à présent revenu au pouvoir suite à des élections remportées par son allié Luis Arce Catacora . Evo Morales continue d’occuper des fonctions politiques et diplomatiques essentielles. Il considère que l’élection de nombreux chefs d’État progressistes – Gabriel Boric au Chili, Gustavo Petro en Colombie et plus récemment Lula au Brésil – constituent une opportunité pour relancer l’intégration régionale d’une Amérique latine souveraine face aux États-Unis. Nous retrouvons Evo Morales deux ans après une première rencontre . Entretien réalisé par Vincent Ortiz, retranscription Marielisa Vargas.

    LVSL – Quel regard portez-vous rétrospectivement sur la médiatisation du coup d’État que vous avez subi, et le rôle des chancelleries occidentales ?

    Evo Morales – D’une manière générale, je dirais que les médias qui défendent les revendications des peuples ou des mouvements sociaux sont rarissimes. Les médias boliviens sont une arme de destruction massive. Ils sont la voix officielle de l’oligarchie et de la droite bolivienne. Ils ont pour fonction de contaminer idéologiquement les nouvelles générations, qui utilisent surtout les réseaux sociaux, et sur lesquels nous ne sommes pas encore assez performants. Ils propagent la désinformation, comme récemment, à propos de la marche pour la patrie : les médias boliviens ont prétendu que nous étions « quelques centaines de marxistes », alors que nous étions plus d’un million, ce qui constitue un événement historique en Bolivie [ fin novembre 2021, le gouvernement bolivien organisait une marche pour la patrie à laquelle Evo Morales a participé NDLR].

    Quant aux États occidentaux, nous savons aujourd’hui que l’Union européenne – la Commission, pas le Parlement – a pris part au coup d’État. Nous savons également que l’Angleterre a financé le coup d’État.

    LVSL – Selon de nombreuses spéculations, l’accaparement du lithium était l’un des objectifs des auteurs du coup dÉtat. Quelle est votre analyse à ce sujet ?

    EM – La véritable cible du coup d’État, c’était notre modèle économique. Je rappelle que notre modèle économique a permis une croissance et une réduction de la pauvreté qui sont historiques. Il s’est fondé sur la nationalisation des ressources naturelles. Durant les treize années où j’ai gouverné, la Bolivie a pris la tête des États latino-américains en termes de croissance. La nationalisation nous a permis de progresser dans le processus d’industrialisation.

    Revenons au coup d’État. Qu’a dit Elon Musk, le maître de Tesla, à propos du coup d’État ? « Nous renversons qui nous voulons. Deal with it ». Il y a deux semaines, on pouvait lire dans un média : « le commando Sud des États-Unis s’intéresse au lithium ». La dirigeante du commando Sud des États-Unis a qualifié l’Amérique latine de « quartier » des États-Unis.

    Les sources faisant état d’un intérêt des États-Unis pour le lithium sont innombrables. Les États occidentaux ne souhaitent pas que l’Amérique latine s’industrialise. Ils veulent qu’elle continue à leur vendre des matières premières.

    LVSL – Vous avez récemment participé au huitième sommet du Grupa de Puebla, forum politique qui a pour fonction de défendre l’intégration régionale sur des bases de progrès social et de souveraineté. Quelles sont les revendications que vous y avez porté ?

    EM – Le Grupo de Puebla est une organisation qui rassemble divers ex-présidents, ex-ministres, responsables et partis politiques, et qui a émergé en réaction au Groupe de Lima [ coalition politique qui est apparue en 2017, et qui a rassemblé jusqu’à 12 gouvernements conservateurs et pro-américains d’Amérique latine, avec pour fonction de trouver une « issue » à la crise vénézuélienne NDLR ] . Il rassemble les acteurs qui, quelques années plus tôt, avaient été à l’origine de l’UNASUR et des diverses tentatives d’intégration régionale en faveur des peuples. Derrière les partis politiques, on trouve des mouvements sociaux qui défendent une perspective anti-impérialiste et anti-capitaliste.

    Comment nous définissons-nous ? D’abord, par une perspective internationale en opposition à la doctrine Monroe, dont nous commémorons les 200 ans, qui proclamait « l’Amérique aux Américains ! » [ Evo Morales fait référence à la doctrine géopolitique du président James Monroe. « L’Amérique aux Américains » était d’abord un slogan dirigé contre les menées colonialistes des Européens, mais il a rapidement justifié la mainmise de l’Amérique du Nord sur le sous-continent NDLR]. En opposition, nous proclamons : « L’Amérique plurinationale des peuples pour les peuples ». Pour nous, la plurinationalité est l’unité dans la pluralité pour affronter l’adversité.

    C’est la raison pour laquelle nous souhaitons mener à bien un processus d’intégration régionale. Premier objectif : comment en finir avec l’OEA ? [ Organisation des États américains, très controversée en raison de son exclusion de Cuba depuis 1962 NDLR]. Rappelons que cette organisation a exclu Cuba et a soutenu le coup d’État bolivien. L’OEA est une ennemie de l’intégration, et un instrument de l’interventionnisme. Ensuite, en renouant avec l’UNASUR et en institutionnalisant l’appartenance des États latino-américains à la CELAC [ L’Union des nations sud-américaines et la Communauté des États latino-américains et caribéens concernent rétrospectivement l’Amérique du Sud et l’Amérique latine, à l’exclusion des États-Unis NDLR]. Nous souhaitons que la CELAC devienne une OEA sans les États-Unis d’Amérique. En cela, Lula renoue avec l’esprit des Chavez, Kirchner, Correa, Fidel…

    D’un autre côté, nous souhaitons mener une campagne internationale contre l’OTAN. La désinformation est très forte à propos du conflit russo-ukrainien. On compte plus de de 200.000 victimes Russes et Ukrainiennes. Qui doit-on blâmer, l’Ukraine ou la Russie ? Qui a provoqué cette guerre, l’OTAN ou la Russie ? Dans ce conflit, nous souhaitons conserver notre autonomie et notre souveraineté.

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    Secrétariat #international #CNT : #Communiqué de condamnation contre les violences fascistes en #Bolivie

    En entier : http://www.cnt-f.org/international/Communique-de-condamnation-contre-les-violences-fascistes-en-Bolivie.html

    Orlando Gutiérez, secrétaire général de la FSTMB (Fédération syndicale des travailleurs des mines boliviennes) a été exécuté par l’’extrême droite. Le Secrétariat International de la CNT condamne avec la plus grande fermeté les menaces et violences dont sont victimes les militant-es et sympatisant-es du MAS, et soutient le combat #antifasciste en Bolivie : les travailleur-euses bolivien-nes ont en effet de fortes raisons de craindre un second coup d’état, qui remettrait en place un pouvoir d’extrême-droite, marqué par sa violence et son #racisme structurel.

    #internationalisme #syndicalisme #fascisme #lutte #répression #amerique #bolivia #syndicat #actu #actualité #social #société #politique
    Journée #internationale des victimes de disparitions forcées

    Le 30 août, le Groupe #Amériques du Secrétariat International de la #CNT s’associe à la Journée Internationale des Victimes forcées, et témoigne tout son soutien aux familles des victimes, ainsi qu’aux organisations qui luttent pour la vérité et la justice à travers le sous-continent latino-américain.

    En effet, depuis les années des dictatures en #Argentine, au #Chili, en #Uruguay, au #Paraguay, au #Pérou, au #Brésil, en #Bolivie et dans de nombreux autres pays, les familles des disparus continuent de réclamer la vérité sur le sort de leurs proches qui reste généralement opaque, malgré les efforts déployés grâce aux luttes pour la mémoire et la dignité…

    http://www.cnt-f.org/international/Journee-internationale-des-victimes-de-disparitions-forcees.html

    #répression #lutte #social #politique #internationalisme