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      Faire la peau à la bureaucratie : et si c’était la mauvaise question ?

      Philippe Silberzahn · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 27 January, 2021 - 03:30 · 7 minutes

    bureaucratie

    Par Philippe Silberzahn.

    J’étais interrogé il y a quelques jours par une journaliste au sujet de la bureaucratie qui, semble-t-il se développe beaucoup dans les grandes entreprises et empoisonne leur existence, ralentissant leur fonctionnement et démobilisant leurs collaborateurs. Certes, l’enjeu est d’importance à l’heure de la crise où tout le monde doit être sur le pont dans un environnement qui change rapidement. Mais je ne crois pas qu’attaquer la bureaucratie soit la bonne approche.

    Gary Hamel , un gourou du management des années 1990, veut faire la peau à la bureaucratie. Qui serait contre ? Je ne connais personne qui aime la bureaucratie. Et pourtant, cette approche est problématique.

    D’une part parce que le vocabulaire est guerrier, et que les organisations ont trop souffert de ce type d’impératif qui reflète des modèles mentaux viciés à la base : ici, celui selon lequel la bureaucratie est un mal et qu’il peut être combattu à condition d’être courageux et de trancher ce qui doit être tranché. La violence de la posture nourrit sa propre défaite qui ne viendra malheureusement qu’après beaucoup de souffrances et de dégâts causés à l’organisation et à ceux qui y travaillent.

    D’autre part parce que l’utilisation du mot bureaucratie de façon explicitement péjorative est un jugement de valeur, ce qui est toujours un très mauvais point de départ dans un diagnostic organisationnel. Car la bureaucratie a des avantages, c’est ce qu’a montré le sociologue Max Weber il y a longtemps : des règles claires, identiques pour tous, la prédictabilité des décisions, la capacité à faire fonctionner de très grandes organisations, entre autres.

    La sociologie moderne, notamment avec les travaux de Michel Crozier et Ehrard Friedberg, nous a en outre appris depuis longtemps que si une situation de gestion persiste, c’est qu’elle présente un intérêt et qu’elle répond à un besoin d’une partie au moins de l’organisation et de ses membres.

    La bureaucratie : un symptôme, avant d’être une cause

    Il y a quelques temps, j’intervenais auprès d’une grande entreprise industrielle qui menait un grand projet de transformation avec un objectif de simplification de son fonctionnement.

    « Nous étouffons sous les procédures » , me disait son responsable. « Par exemple, le moindre projet, si petit soit-il, doit avoir un comité de pilotage. Il faut simplifier tout ça! »

    Et pourtant, toutes les tentatives de simplification avaient échoué et ce bien que toutes les parties prenantes m’aient assuré qu’elles voulaient absolument réduire la bureaucratie. Et donc tout le monde devenait fou : la bureaucratie se développait, tout le monde était contre, mais rien ne changeait et elle continuait sa course folle.

    Dans notre ouvrage Stratégie modèle mental , Béatrice Rousset et moi avons abordé cette question et montré que dans ces situations, il faut remonter à la source du phénomène qui semble inextricable. Il y a quelque chose qui bloque, et ce quelque chose ce sont les modèles mentaux, c’est-à-dire les croyances individuelles et collectives de l’organisation. Vue sous cet angle, la bureaucratie, ou ce qu’on nomme bureaucratie, est le produit d’une certaine façon de penser, et c’est elle qu’il faut mettre en lumière.

    Un atelier a permis de montrer que cette entreprise a une très forte culture industrielle et s’est bâtie autour de la notion d’expertise. Les managers sont pour la plupart ingénieurs de formation et voient leur fonction comme une fonction d’expertise : un manager, parce qu’il (ce sont en majorité des ils) est le chef, est un expert, et un expert doit avoir réponse à tout.

    La terreur absolue de ces managers est d’être pris en défaut, de ne pas savoir répondre à une question dans une réunion et donc d’être déconsidéré par leurs collègues, tout aussi terrorisés qu’eux. Cette terreur a développé un manque de confiance et une peur de l’échec, qui a entraîné un besoin de se protéger à tout prix. La bureaucratie, mot qui ici qualifie le développement de procédures apparemment inutiles, est la réponse de ces managers à leur besoin de protection. Le comité de pilotage d’un projet existe pour mouiller les collègues et faire en sorte que si échec il y a, celui-ci soit collectif.

    Autrement dit, la bureaucratie est une réponse parfaitement rationnelle des managers à leur modèle mental de peur.

    Le miroir aux alouettes de la simplification

    Avec ce qui précède, on comprend donc pourquoi les efforts de simplification échouent. Si vous dites à un manager que désormais il pourra gérer son projet tout seul, la panique le saisit. Ce n’est pas du tout ce qu’il veut, même si par ailleurs il déteste cette bureaucratie qui le mine jour après jour, comme un fumeur qui sait que le cancer le guette mais qui ne peut renoncer à sa cigarette.

    Si vous simplifiez en exigeant des réunions plus courtes, les managers en feront deux au lieu d’une. Et donc les entreprises qui suppriment les strates d’organisation et les processus superflus se font des illusions car ces strates et ces processus jugés superflus remplissent en fait une fonction, et que cette suppression se heurtera au mur de l’immunité organisationnelle. Vue comme une agression et une mise en danger, elle fera l’objet d’une résistance qui, il faut insister là-dessus, sera parfaitement rationnelle. Le problème n’est pas le processus superflu ; le problème est ce qui donne naissance à ce processus. Vous appuyez sur l’accélérateur (la simplification) tout en ayant le pied sur le frein (le modèle mental bloquant).

    L’erreur consiste donc à poser le problème en termes de bureaucratie et la solution en termes de simplification . Quand vous pensez bureaucratie, les managers entendent protection . Quand vous parlez de simplification ils entendent danger et ils ont raison.

    Dans notre exemple, la solution a consisté à exposer le modèle mental profond « Un manager est un expert qui doit avoir réponse à tout » pour amener les participants à le questionner.

    Puis nous avons identifié quelques occasions où un manager pouvait essayer un modèle alternatif, par exemple : « Un manager est un coordinateur qui s’appuie sur l’expertise des autres » .

    Ces occasions ont été choisies de façon qu’elles soient sans impact important en cas d’échec (qu’elles représentent des pertes acceptables). De fait, un manager qui n’est plus saisi par la peur de ne pas savoir répondre à une question technique ressentira moins le besoin de se protéger par des mesures bureaucratiques. On ne guérit pas la fièvre, mais la source de la fièvre. Et surtout, on la guérit en partant d’une posture de reconnaissance et de respect de ce qui est, ici la peur des managers.

    Au-delà, nous avons mis en lumière un modèle mental encore plus profond qui a trait à la confiance. En l’occurrence ici, l’organisation avait laissé diminuer la confiance accordée aux managers avec le temps, ce qui était l’une des sources de leur peur et de la démultiplication des procédures. La notion de confiance est donc apparue comme un sujet majeur sur lequel l’organisation devait travailler.

    Deux choses en conclusion

    Cesser de proposer des solutions simplistes basées sur l’identification d’un coupable ou d’un mal « facilement curable à condition qu’on s’en donne les moyens. » Cela revient à prendre les collaborateurs des organisations pour des imbéciles ou des poules mouillées, ce qu’ils ne sont assurément pas. Si c’était aussi simple, ils l’auraient déjà fait.

    Les phénomènes organisationnels sont intrinsèquement compliqués ; là encore la sociologie nous l’a abondamment montré depuis bien longtemps. Des recommandations simplistes voire naïves comme « limiter les réunions à 1 heure » ou « réduire les niveaux organisationnels » ne prennent pas du tout en compte la réalité organisationnelle et n’iront nulle part.

    Remonter à la source des comportements qui peuvent sembler aberrants mais qui sont en fait rationnels. Et cette source, ce sont les modèles mentaux, nos croyances profondes. L’exposition de ces croyances et leur ajustement respectueux est la seule façon de remettre l’organisation en mouvement.

    Sur le web

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      Économie française : la grande glaciation

      Pierre Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 04:30 · 9 minutes

    Par Pierre Robert.

    Il n’y a pas que les doses de vaccin que l’on stocke dans des congélateurs. On y a aussi mis notre économie qui s’y engourdit dangereusement et, en France plus qu’ailleurs, risque d’avoir bien du mal à en sortir.

    Le 14 janvier 2021, les annonces de Jean Castex ont encore fait descendre la température de quelques degrés.

    Il n’y a pas que les personnes en surpoids qui sont affectées par la Covid. Elle frappe aussi nos administrations obèses en révélant une fois de plus leur prodigieuse inefficience. La crise a agi comme un scanner montrant que des pans entiers de l’action publique sont défaillants, minés par un excès de bureaucratie, « ce mécanisme par lequel une personne est confortablement coupée des conséquences de ces actes » selon la définition de Nassim Nicholas Taieb ( Jouer sa peau , éd. Les Belles Lettres, 2017).

    Ce qui est désormais en jeu, c’est la survie même de notre économie qu’un empilement de décisions administratives prises sur la base d’une erreur initiale d’appréciation a plongé dans un état de plus en plus préoccupant.

    Un étrange mimétisme

    À la fin de l’hiver dernier, une époque qui parait déjà si lointaine, le surgissement de l’épidémie a fait entrer le monde dans une période de radicale incertitude. L’avenir proche est devenu subitement illisible pour ceux qui doivent prendre des décisions. La théorie économique montre que dans ce cas le plus sûr est d’observer ce que font les autres et de les copier.

    Conformément à ce schéma la plupart des gouvernements ont adopté une stratégie de confinement, poussés par les conclusions alarmistes d’une étude menée au sein de l’Imperial College de Londres par l’équipe du professeur Neil Ferguson estimant que le virus pourrait infecter 80 % de la population et tuer entre 2 et 3 % des personnes contaminées

    À cela s’ajoute le fait qu’en France plus encore qu’ailleurs sévit le principe de précaution dont les retombées judiciaires poussent les décideurs à privilégier le scénario le plus pessimiste. C’est ce que s’est empressé de faire le Conseil scientifique mis en place par notre gouvernement pour éclairer ses décisions. Il craignait que le virus ne provoque une hécatombe hexagonale faisant en quelques mois de 300 000 à 500 000 morts.

    Une stratégie mortifère

    Toute la stratégie adoptée découle de cette analyse initiale. Elle n’est dictée que par un seul objectif, éviter l’engorgement de notre fragile système de soins, elle ne se réfère en dernier ressort qu’à un seul indicateur, le nombre de décès directement dus au virus.

    Tout a donc été subordonné aux impératifs sanitaires sans prendre en compte les dommages collatéraux engendrés. Or ceux-ci sont énormes, en France plus qu’ailleurs pour des raisons spécifiques à notre pays et tenant à l’inefficience de ses administrations et à la spécialisation de son économie dans des secteurs très vulnérables à la propagation du virus (tourisme, automobile, aéronautique).

    Ce qui rend la situation plus tragique encore est qu’on a réagi à l’excès sur la base de données erronées et qu’en dépit des dégâts provoqués par cette stratégie, la logique que suit le gouvernement le conduit à ne pas la remettre en question.

    Le maître du désastre

    C’est ainsi que certains de ses collègues épidémiologistes ont surnommé le professeur Neil Ferguson.

    En 2002, son modèle annonçait qu’au Royaume- Uni 150 000 personnes pourraient mourir de la maladie de la vache folle ; il y en a eu 177.

    En 2005, il prévoyait que la grippe aviaire pourrait faire jusqu’à 150 millions de morts dans le monde ; il y en a eu 282.

    Selon les spécialistes le modèle dont sont issues ses prévisions de 2020 est basé sur un code non divulgué de sorte que d’autres scientifiques n’ont pu à l’époque en vérifier les résultats.

    Pour la Suède il envisageait qu’en juin 2020 100 000 personnes seraient mortes du SARS-CoV-2 ; à ce jour on y a enregistré 9834 décès.

    Les limites manifestes de cette modélisation sont qu’elle se fonde sur des hypothèses exagérément alarmantes. Avant d’atteindre l’immunité collective qui limitera la transmission, ce sont entre 20 et 40 % de la population, et non 80 %, qui devraient être contaminés avec un taux moyen de mortalité par infection d’environ 0,25 %, dix fois inférieur à ce qui était annoncé.

    Dans une atmosphère de panique générale , cette étude n’en a pas moins eu un impact considérable sur les décisions prises. De fait, elle était en phase avec les angoisses et les peurs du moment et par effet de rétroaction les a puissamment catalysées. Au printemps dernier, c’est le scénario le plus pessimiste qui a paru le plus crédible et qui l’a emporté en provoquant d’énormes dommages collatéraux.

    Des dommages collatéraux très importants

    Par décisions administratives, nous ne pouvons plus depuis des mois aller ni au restaurant, ni au café, ni au cinéma, ni au théâtre, ni au concert, ni au musée, ni dans les salles de sports ; les voyages prévus ont dû être annulés, les mariages ont dû être reportés, les enterrements se font à la sauvette.

    Les fontaines à gel hydro alcoolique sont partout, les files d’attente s’allongent devant les magasins quand ils sont ouverts et nous ne croisons plus dans l’espace public que des personnes masquées. Dans cet environnement anxiogène on ne peut plus faire de projets, ce qui est un handicap majeur pour les chefs d’entreprise quand ils peuvent encore exercer leur activité.

    Outre le coût social très lourd qu’elle engendre la situation a un impact de plus en plus violent sur notre économie. Privée d’oxygène, elle fonctionne au ralenti avec des performances encore plus mauvaises en France qu’ailleurs.

    En 2020 le PIB est en recul de 4,2 % dans le monde, de 7,5 % dans la zone euro mais de plus de 9% en France selon l’OCDE. En 2021 des emplois y seront détruits en grand nombre, l’avenir des secteurs les plus touchés par les mesures de confinement et de couvre-feu paraitra de plus en plus incertain et les nuages s’accumuleront sur les étudiants en formation dont l’employabilité ne peut que se dégrader s’ils restent trop longtemps éloignés du marché du travail.

    En revanche, la victoire de l’économie de plateforme (celle que régissent Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft ou encore Zoom et autres Netflix,) est écrasante alors que les acteurs européens et singulièrement français en sont dramatiquement absents. De cette économie digitale dont les maîtres deviennent plus influents que les États nous ne détenons pas les clés.

    Nous devrons donc en subir la domination, faute d’avoir investi à temps dans les secteurs d’avenir. Reste seulement à espérer ne pas rater la prochaine révolution technologique, celle qui avec la 5G et les objets connectés devrait s’ordonner autour de la santé, de l’éducation, de la culture et de l’environnement. Mais pour y parvenir notre pays cumule des handicaps aggravés par la crise sanitaire.

    Quand on en verra la fin, son économie en sortira écrasée par la dette publique , une dette qui depuis 40 ans finance non des investissements porteurs d’avenir mais les dépenses courantes. En 2020 elle a servi à compenser les pertes de revenus des agents empêchés d’exercer par décision administrative. Elle a donc financé la chute du niveau de vie et l’appauvrissement du pays. Une fois l’épidémie jugulée, pour le malade le risque est désormais de mourir guéri.

    Réévaluer le dispositif

    Ce qui se passe depuis le printemps dernier est entièrement subordonné à des mécanismes politiques. La viabilité des firmes est directement conditionnée par des mesures administratives les autorisant ou non à fonctionner normalement. Leur multiplication a plongé notre économie dans une sorte de coma.

    Il est urgent de rectifier le tir en faisant quelque chose que nos administrations détestent faire par-dessus tout : évaluer l’efficacité des dispositifs qu’elles ont imposés à tous. Le bon sens voudrait pourtant que soit dressé le plus vite possible un bilan de leurs coûts et de leurs avantages. D’ores et déjà on peut en prédire la seule conclusion raisonnable : les dégâts de toute nature provoqués par cette stratégie de verrouillage sont infiniment supérieurs à ses avantages.

    Il ne s’agit pas pour autant de ne rien faire mais de cibler les mesures de protection, qui par définition ont un aspect coercitif, sur les 10 à 12 millions de personnes vulnérables face au virus en raison de leur âge, de leur poids ou de certaines pathologies. Cela permettrait de délivrer les 55 millions d’autres du carcan qui les étouffe sans pour autant les exposer à un risque significatif.

    Quant à la couverture vaccinale , il faut l’établir de la manière la plus large et la plus rapide que possible, ce que la France a les moyens de faire si on parvient à neutraliser les excès de sa bureaucratie.

    Remonter la pente ?

    Selon Robert Boyer se référant aux enseignements de l’histoire il faut beaucoup de temps pour effacer les traces d’une grande pandémie ( Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie , Ed. La Découverte, 2020). Mais ce délai varie selon les pays en fonction du degré plus ou moins élevé de réactivité de leur appareil industriel. À cet égard on retrouve le vieux clivage entre le nord et le sud de l’Europe. En passant du sixième au 26ème rang pour ce qui est du revenu par habitant, notre pays a depuis 40 ans dangereusement tendance à basculer du mauvais côté.

    La crise sanitaire peut être l’occasion de corriger le tir en rectifiant ce qui ne fonctionne pas ou mal.

    Cela veut dire réduire les dépenses publiques qui financent des administrations qui ont fait une fois de plus la preuve de leur inefficience. La France consacre à ses dépenses publiques l’équivalent de 56 % de son PIB, douze points de plus que l’Allemagne dont la population est pourtant plutôt mieux administrée, mieux soignée et mieux éduquée. Rien ne justifie un tel écart .

    Cela veut dire aussi stimuler l’investissement productif privé par des mesures fiscales d’allègement et non en les subordonnant aux oukases d’une superposition de comités Théodule qui tels le canard sans tête n’ont ni boussole ni direction.

    Le mieux que puisse faire aujourd’hui l’État c’est de favoriser et d’accélérer le plus tôt possible le retour du marché. Le danger fatal serait qu’il prétende réparer lui-même ce qu’il a détruit. Ce sont au contraire les forces du marché qu’il faut réactiver après qu’elles ont été trop longtemps étouffées.

    Pierre Robert est l’auteur de Fâché comme un Français avec l’économie , ed. Larousse, 2019.

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      « Nous Français, avons la meilleure administration du monde »

      Pierre-Joseph d’Haraucourt · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 03:40 · 5 minutes

    Par Pierre-Joseph d’Haraucourt.

    En 1980, le secrétaire d’État à la fonction publique, Jacques Dominati , estimait que nous possédions, nous Français, la meilleure administration du monde. La preuve : des délégations étrangères défilaient sans cesse dans notre pays pour prendre modèle.

    Quarante années plus tard, son lointain successeur ne pourrait tenir les mêmes propos sans déclencher l’hilarité générale, les nombreux exemples récents étant suffisamment éloquents.

    Que s’est-il donc passé ?

    Comme dans toute organisation, il faut s’intéresser à ce qui se passe en haut de la pyramide.

    Jusque dans les années 1970, les jeunes gens ambitieux avaient comme modèles ces grands fonctionnaires qui avaient reconstruit la France après la Seconde Guerre mondiale puis qui l’avaient modernisée.

    Pour ne citer que quelques exemples : Louis Armand pour le transport ferroviaire, Pierre Guillaumat pour le pétrole et l’énergie atomique, Pierre Massé pour l’électricité, Paul Delouvrier pour les infrastructures et les villes nouvelles, Maurice Lauré pour la banque, plus tard Gérard Théry pour les télécommunications. Tous étaient de véritables bâtisseurs. Ils alliaient expertise technique et même scientifique, créativité et compétence managériale. On pouvait les qualifier au risque de l’oxymore, d’entrepreneurs publics.

    On cherche en vain aujourd’hui chez les hauts fonctionnaires ce type de profils emblématiques. Récemment, l’un d’entre eux, un des plus capés, Jean-Pierre Jouyet, qui a occupé tous les postes prestigieux de la République, vient de publier ses mémoires, L’envers du décor .

    On s’attendait à ce qu’un acteur et témoin privilégié de ce calibre remette en perspective tous les événements qu’il a vécus, les missions qu’il a ou aurait menées à bien, et en livre les clés pour mieux les comprendre. Hélas, il ne s’agit que de chroniques de Cour.

    Les étudiants des années 2010 qui ont encore le sens de service public n’ont plus de modèles à qui ils pourraient s’identifier.

    Les raisons connues de cette baisse de niveau

    Les privatisations, les délégations de service public, les conséquences de la RGPD de 2007 – excellente initiative sous-estimée, les résultats ne pouvant s’apprécier que sur le long terme- sont souvent mises en avant. Elles sont parcellaires.

    D’abord, en 40 ans, les différences de rémunérations entre les secteurs publics et privés se sont considérablement accrues. La mondialisation des grandes entreprises aidant, les salaires et autres avantages financiers des PDG se rapprochant des standards mondiaux, il a bien fallu faire de même pour leurs collaborateurs et de proche en proche, pour l’ensemble de l’encadrement supérieur.

    Par ailleurs, l’État, et c’est une bonne chose, s’est progressivement mué de maître d’œuvre à maître d’ouvrage. L’exemple de la Délégation Générale de l’Armement, administration de qualité qui a permis le renouveau de la production d’armement français sous les Quatrième et Cinquième Républiques est éclairant. De producteur et concepteur d’armes avec ses usines, laboratoires et centre d’essais, elle est devenue maitre d’ouvrage, c’est-à-dire spécificateur d’armes et de systèmes d’armes.

    À noter d’ailleurs que ce désengagement bienvenu de l’État ne s’est pas accompagné d’une baisse des effectifs de la fonction publique mais c’est un autre sujet, abondamment traité par les contributeurs de Contrepoints.

    Imaginons donc le cas d’un jeune ingénieur de l’armement.

    Il a le choix entre rester à la DGA, pour définir, spécifier, suivre les délais et les coûts des systèmes dont il est en charge, bref rester au balcon, ou se faire embaucher dans le privé pour contribuer à les réaliser dans les bureaux d’étude et les usines, et cela pour un salaire très supérieur à son traitement et avec une satisfaction intellectuelle supérieure. Si, de plus, il a le sens du service public, il pourra à juste titre considérer qu’il y sert mieux la collectivité nationale.

    À partir de 35 ans, les meilleurs fonctionnaires sont dans le privé

    Tous les DRH le savent. À plus de 35 ans, les meilleurs des fonctionnaires sont dans le privé. Bien sûr, cette appétence pour le privé ne concerne pas ceux en charge du régalien : militaires, diplomates, préfets, policiers, magistrats, professeurs, etc. Mais dans ces cas, il s’agit souvent de vocations, de métiers parfois prestigieux avec de vrais pouvoirs.

    Ce constat ne concerne pas non plus les fonctionnaires passés dans le privé et qui reviennent plus tard pour occuper de très hautes fonctions dans le cœur du réacteur nucléaire de l’exécutif.

    Face à cela, certains libéraux s’en félicitent. Cela ne peut que contribuer à l’affaiblissement de la sphère étatique. Mais c’est oublier que si ces fonctionnaires en place n’ont plus la capacité à avoir un rôle de locomotives, ils conservent néanmoins le pouvoir d’empêcher ou de ralentir.

    Il y a peu de solutions évidentes. Augmenter les rémunérations serait illusoire et aurait un effet boule de neige sur l’ensemble de la grille salariale de la fonction publique. Pas vraiment opportun !

    Discrimination positive et quotas ne règleront en rien la baisse constatée du niveau de notre administration

    Einstein disait qu’un problème sans solution est un problème mal posé. C’est vrai dans le domaine des sciences dures ; dans celui des organisations humaines, beaucoup moins. En tout cas, il est plus important d’essayer de trouver des solutions à celui-ci que de vouloir à tout prix revenir sur les principes de l’article 6 la Déclaration de Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 postulant que « tous les citoyens sont également admissibles à tous emplois publics et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

    Discrimination positive et quotas ne règleront en rien la baisse constatée du niveau de notre administration, sentiment maintenant partagé par la majorité de nos concitoyens.

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      Bureaucratie contre terrorisme : le match perdu d’avance

      Claude Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 22 October, 2020 - 03:15 · 7 minutes

    Par Claude Robert.

    En France, le déni de la classe politico-médiatique est tel qu’évoquer la montée de l’insécurité a toujours soulevé les qualificatifs les plus méprisants du moment. Avec l’évidente multiplication des actes, parmi lesquels la récente et abjecte décapitation d’un professeur , ce problème d’insécurité est à présent bien plus qu’encombrant. Mais comment, chez notre élite administrative qui n’a qu’une vision très distanciée, la collision avec le réel pourrait-elle provoquer un choc opérationnel ?

    Ce choc n’aura vraisemblablement pas lieu. Pour deux raisons aussi dramatiques l’une que l’autre :

    • la capacité de déni de notre caste au pouvoir atteint des sommets vertigineux, des sommets à la hauteur desquels l’idéologie remplace l’objectivité, la rhétorique et les symboles remplacent l’action ;
    • le profil même des membres de cette caste, tous issus d’une sélection et d’une cooptation dangereusement endogames, constitue le rempart le plus solide contre toute prise de conscience salutaire.

    L’élite politique française, ou la fuite dans la dialectique

    Ces quelques postures choisies parmi tant d’autres en disent tellement long :

    -au lendemain de l’attentat de Trèbes, le président Emmanuel Macron s’affiche dans les salons de l’Elysée en compagnie de l’Imam du Danemark ;

    -à peine élu ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti visite les prisons pour s’assurer des bonnes conditions de détention de nos prisonniers ;

    -très récemment, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin évoque dans une interview la menace des suprémacistes blancs.

    En toute logique, le comportement de Macron, Dupont-Moretti et Darmanin devrait s’interpréter de cette façon :

    -les minorités musulmanes sont victimes de violences de la part de la population française historique et il est donc important de montrer un exemple d’ouverture et de tolérance ;

    -la France maltraite ses prisonniers, voire remplit ses prisons de façon abusive, pour un oui pour un non, il est donc urgent de mettre fin à ces injustices ;

    -en France, deux camps s’affrontent avec une égale violence : les suprématistes blancs et les islamistes, il ne s’agit surtout pas d’en punir un plus que l’autre.

    Or, dans le premier cas, les auteurs du carnage n’étaient pas du tout des chrétiens. Dans le second, à force de ne pas vouloir stigmatiser certaines minorités et par manque de moyens, la France semble n’enfermer des détenus que lorsqu’elle ne peut vraiment pas faire autrement.

    Enfin, dans le troisième, il n’y a aucune menace émergente de ce type-là, si ce n’est dans l’imagination d’un ministre qui, pour des raisons idéologico-politiques, ne veut surtout pas chatouiller la susceptibilité d’une communauté qu’il ne faut pas nommer.

    Plus tard, les livres d’histoire feront certainement beaucoup rire (ou pleurer) sur cette actuelle propension à ne pas vouloir regarder la réalité en face, et à lui affubler des qualificatifs les plus fantasques afin d’en dissimuler les aspérités.

    N’est-il pas incroyable en effet que dans son discours sur le projet de loi contre ce qu’il qualifie de « séparatisme islamique », début octobre, le président n’ait même pas prononcé une seule fois le mot « immigration » ?

    Quant à cette appellation de « séparatisme », n’est-ce pas du camouflage pur et dur ? Ce que le Larousse définit comme une « tendance à sortir d’un ensemble national et à former une entité politique distincte de l’État d’origine » n’a en effet rien à voir avec les tentatives d’imposer la loi religieuse et la terreur en remplacement de la loi de la république.

    Quelle est donc la nature des motivations du gouvernement ? Ménager l’électorat musulman ? Dissoudre les ferments de la nation française au sein d’un ensemble multiculturel chaotique ? En découdre avec les traditions chrétiennes bourgeoises qui faisaient l’art de vivre du pays ?

    On ne saura sans doute jamais. Une chose est sûre cependant : à l’instar de ses prédécesseurs, mais avec un bien meilleur talent de magicien du verbe, Macron n’a pas vraiment fait la démonstration d’un immense pragmatisme face à la montée de l’insécurité. Ce sont encore et toujours les postures idéologiques qui prévalent.

    Et à chaque nouveau coup de boutoir d’un réel toujours plus désagréable, car nous sommes pris dans un processus d’escalade, la classe politico-médiatique nous gratifie d’un déferlement toujours plus exubérant de symboles : hommages posthumes, funérailles nationales, éloges enflammés, minutes de silence, cérémonies de commémoration, décorations et honneurs rétroactifs exceptionnels… Faut-il pourtant le rappeler : rien ne permet de ressusciter les victimes. Lorsque le crime a été commis, il est tout simplement trop tard.

    L’élite politico-médiatique française, ou la toxique endogamie

    Il y a déjà plus de 40 ans, Michel Crozier , sociologue des organisations, fustigeait ce qu’il appelait « la sélection de l’élite française ». Lui-même ancien juré de l’ENA, il avait déclaré : « je n’ai jamais rencontré des étudiants aussi fermés intellectuellement » et militait pour sa « fermeture immédiate ». Cela se passait à la fin des années 70 !

    Depuis, l’école existe toujours. Elle administre avec luxe, calme et volupté le puissant déclin industriel du pays, ce pays qui a perdu la moitié de son industrie en à peine plus de 20 ans, ce pays qui est passé de la 5 ème à la 25 ème place mondiale en matière de richesse per capita. Non seulement rien a changé depuis les propos de Michel Crozier, mais le premier président à s’être engagé à mettre un terme à cette école aux résultats funestes ne cesse de s’entourer de ses diplômés. L’un chasse l’autre, notamment chez ses premiers ministres successifs.

    L’inclination pour l’administration est telle que Macron se targue de vouloir réformer la « sélection de la haute fonction publique ». Ainsi, devons-nous comprendre que le pilotage du pays doit rester l’apanage du fonctionnaire.

    Il n’est même pas venu à l’idée du président d’imaginer une absence de filière, ce qui permettrait pourtant d’assurer une totale diversité des profils… Et avec un peu de chance, la possibilité de recruter des personnalités de la société civile, sur la base de leur réussite en entreprise, meilleur gage d’une quelconque efficacité !

    Quasi courtelinesque, ce déterminisme administratif est hélas profondément enraciné dans les mentalités du pouvoir. L’actuel ministre de l’économie n’avait-il pas lui aussi évoqué la fermeture de l’ENA pour… la remplacer par une autre école ? N’ayant jamais connu rien d’autre, la caste qui dirige le pays ne peut envisager que ce fameux canal historique unique d’accession au pouvoir.

    Ce canal permettant à n’importe quel diplômé en administration de se retrouver très rapidement au sommet de l’Etat sans jamais avoir été confronté au management des hommes, à la concurrence internationale, aux problématiques de Recherche & Développement, de disparités de coûts de main d’œuvre, de conflits sociaux et culturels au sein d’une même organisation…

    Il ne faudrait tout de même pas oublier qu’aujourd’hui, l’activité principale de la planète consiste en une espèce de guerre économique dans laquelle la course à l’enrichissement est le sport favori de la quasi-totalité des nations, entreprises et individus. Comment, dans cette course pourtant débridée, un pays dirigé par des profils administratifs comme la France pourrait-il s’en sortir ? La trajectoire qui est la nôtre depuis 40 ans nous en fournit la réponse indiscutable.

    Alors, maintenant qu’une guerre terroriste à composante religieuse fait également rage sur notre territoire, comment ces mêmes profils administratifs, qui n’ont d’ailleurs rien voulu voir arriver, trouveraient-ils tout d’un coup la solution ?

    Sur le web

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      État d’urgence sanitaire : comment l’administration a remplacé le politique

      Jonathan Frickert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 19 October, 2020 - 03:45 · 9 minutes

    administration

    Par Jonathan Frickert.

    Chassez le naturel, il revient au galop. Seulement trois mois après avoir été levé, l’État d’urgence sanitaire est à nouveau en vigueur depuis ce samedi sur l’ensemble du territoire national.

    Le nouveau régime permet de possibles confinements partiels, des réquisitions de véhicules et de bâtiments privés tels que des taxis ou des hôtels ainsi que la mise en place d’un contrôle des prix, soit un bond en arrière de 34 ans pour l’économie française qui s’était semble-t-il débarrassée de cette triste maladie économique.

    Si la situation est officiellement exceptionnelle, l’histoire récente a montré que les situations d’exception ont une fâcheuse tendance à entrer dans le droit commun .

    De quoi laisser songeur quant à un possible retour à la normale, rendu d’autant plus improbable qu’en France, le politique semble avoir cédé à la place à l’administration.

    À cela s’ajoute l’imbroglio administratif que connaît le pays, une nouvelle fois révélé par la crise sanitaire, ainsi qu’une tendance gouvernementale à prendre de plus en plus de libertés avec l’État de droit.

    Trois phénomènes qui contribuent aujourd’hui à faire péricliter un peu plus l’esprit démocratique dans ce pays.

    L’énarchie au sommet de l’État

    L’ENA est-elle la panacée lorsqu’on prétend à des fonctions politiques ? Si la réponse est malheureusement évidente, Dominique de Villepin a lui-même vendu la mèche lors d’un passage chez Laurent Ruquier en 2010.

    Justifiant politiquement son aversion notoire pour Nicolas Sarkozy, l’ancien Premier ministre estimait que l’exécutif de l’époque ne savait pas ce qu’étaient les affaires de l’État. La raison évoquée était que le couple exécutif était uniquement composé de juristes et non d’énarques.

    Difficile de ne pas mettre cette pique en parallèle avec la formation des deux présidents de la République qui ont suivi, qu’il s’agisse de François Hollande ou d’Emmanuel Macron, pour lequel l’ex-bras droit de Jacques Chirac a par ailleurs déclaré avoir voté.

    Aujourd’hui, la composition de l’exécutif est particulièrement claire .

    Si les gouvernements qui se sont succédé durant le mandat de François Hollande et les deux gouvernements Philippe ont compté peu d’énarques comparativement à d’autres, l’équipe formée autour de Jean Castex redonne un poids certain à la haute-administration dans la vie politique nationale. Sur les 16 ministres du premier gouvernement Castex se trouvent ainsi près de 6 énarques .

    Seulement, un ministre n’est pas un haut-fonctionnaire, ni un simple administrateur, mais une personnalité politique. Si la plupart des juristes s’accordent à dire qu’il existe une porosité entre ce qui relève du politique et ce qui relève de l’administration, la distinction est claire : le politique définit des objectifs que l’administration réalise.

    Le ministre change, l’administration reste

    C’est donc là que l’administration s’arrête, avec pour principale ligne de crête les cabinets ministériels qui peuvent avoir en leur sein des personnalités plus éclectiques que les services de l’État.

    Ainsi, l’administration ne décide pas. Elle exécute. Or, les gouvernements mis en place depuis 2017 voire 2012 montrent que les personnalités politiques se sont effacées au profit de la Haute fonction publique.

    Ensuite, même si les ministres changent, l’administration, généralement, demeure, et de nombreuses enquêtes journalistiques ne manquent pas d’en souligner l’importance. Pour ne citer que Dans l’enfer de Bercy , de Frédéric Says, cette différence de durée de vie entre les ministres et leurs administrations pose un certain nombre de problèmes.

    En France, depuis 1958, un ministre reste à son poste moins de deux ans en moyenne. Cette différence, ajoutée à la technicité des dossiers que le ministre est amené à gérer, crée un filtrage entre la mesure souhaitée par le ministre et le texte sorti des bureaux, à la manière d’un tamis.

    Les crises ont une tendance à renforcer ces dynamiques.

    L’administration comme refuge du pouvoir

    Si historiquement, la peur a toujours favorisé l’émergence de chefs charismatiques, qu’en est-il lorsque ce dernier est lui-même frappé de frilosité ?

    Loin d’être théorique, cette question se pose de plus en plus lorsqu’on constate le comportement d’Emmanuel Macron au regard de la crise sanitaire, comme lorsqu’il retrouvait ses réflexes idéologiques.

    Ainsi, au moment où la perspective d’un confinement commençait à se poser et que les avis ont divergé à la tête de l’exécutif , Édouard Philippe s’est montré plus sensible au maintien de la vie économique et sociale, tandis que le président de la République privilégiait la fermeture, avec les résultats que nous connaissons. Par cette mésentente, chacun retrouvait sa position au sein d’un clivage politique qu’ils s’étaient pourtant employés à gommer.

    Si c’est bel et bien dans l’adversité que les hommes révèlent leur vraie nature, celle d’Emmanuel Macron s’est particulièrement bien révélée ces derniers mois. Le politique s’est ainsi effacé au profit de l’administration.

    Déresponsabilisation du politique

    Dans le cas du Covid-19, le galimatias décisionnel français composé d’une myriade d’agences et d’administrations créées pour conseiller le souverain a tristement rappelé leur perniciosité.

    Les défenseurs de la liberté portent en eux un concept administratif très simple et pourtant très peu appliqué : la subsidiarité .

    Théorisée par la pensée chrétienne et formalisée par le philosophe Johannes Althusius , la subsidiarité se base sur un principe simple voulant que chaque décision doive être prise au niveau qui lui est le plus adapté.

    L’objectif était donc ici de définir quel échelon est responsable de telle décision, tel problème ou plus largement de tel domaine.

    Très mal comprise en France où l’on évoque souvent le concept pour justifier des suppressions d’échelons administratifs au nom de la lutte contre le fameux millefeuilles administratif , la subsidiarité suggère au contraire une diversité des niveaux de décision afin de s’adapter au mieux à la diversité des situations. Les régions, départements ou communes ont tous leur place.

    Le problème tient dans ce que nous pouvons appeler « un millefeuilles horizontal », composé des différents organismes et agences prenant part à la décision publique. En effet, ces dernières entraînent lenteur, désorganisation et surtout déresponsabilisation du politique au profit des structures administratives.

    Ainsi, outre le défaut d’anticipation lié à la polémique sur les vaccins lors de l’épidémie de H1N1 et la relégation en second plan de la question sanitaire au profit du risque terroriste, le fameux rapport Pittet sur la gestion française de la crise sanitaire remis la semaine dernière pointe du doigt la complexité de l’organisation administrative française , que l’épidémiologiste genevois n’hésite pas à qualifier de « labyrinthe ».

    Le résultat est sans appel : à l’ efficacité du système décentralisé allemand qui a su isoler plus rapidement et plus efficacement les différents foyers de contamination, l’imbroglio français a fait perdre énormément de temps et d’énergie dans la lutte contre le virus.

    On décide d’abord, on régularise ensuite

    Enfin, dans le cas de l’État d’urgence sanitaire, la manière employée par l’exécutif suit une mécanique particulière : on crée le consensus politique, on prend la décision, et l’on ne régularise juridiquement qu’ a posteriori.

    C’est ainsi que les mesures prises avant la loi du 23 mars 2020 sur l’État d’urgence sanitaire ont suscité de nombreuses interrogations, notamment à travers le décret du 16 mars 2020 instaurant le confinement.

    Ce décret, et en particulier la question de coordination entre les mesures sécuritaires et sanitaires, que ce soit nationalement ou localement, a été considéré comme illégal par certains juristes , même si ces derniers s’accordent sur le fait que ces mesures peuvent être justifiées par la théorie des circonstances exceptionnelles, déjà invoquée lors des deux conflits mondiaux et ce jusqu’aux différentes lois qui les ont depuis régularisées.

    Cette manière de procéder n’est pas sans rappeler deux événements fondateurs de notre régime politique.

    D’une part, la création de la Cinquième République, sur laquelle plusieurs juristes avaient émis des doutes sur sa constitutionnalité. Ils rappelaient que la Quatrième République ne pouvait être modifiée par référendum et que la procédure opérée par le général de Gaulle était inconstitutionnelle.

    D’autre part, le référendum de 1962 sur l’élection du président de la République au suffrage universel direct, convoqué non par l’article 89 initialement prévu pour modifier la Constitution, mais par l’article 11, prévu initialement pour questionner sur une loi. Saisi par le président du Sénat de l’époque, le Guyanais Gaston Monnerville, le Conseil constitutionnel s’était finalement déclaré incompétent pour juger une loi référendaire.

    Pour cause, en 1962 comme en 1958, ces écarts ont été régularisés par « le droit souverain du peuple à disposer de lui-même ». En vertu de sa qualité de souverain en dernier ressort, le peuple tranchait et les institutions s’y soumettaient.

    Si cette manière d’agir est donc le propre des grandes crises, la différence principale avec la situation actuelle tient dans le mode de régularisation qui, en 1958 comme en 1962, passait par un vote direct du peuple.

    Une carence démocratique

    La France n’a pas connu de référendum national depuis maintenant plus de 15 ans. Depuis 1958, cet écart n’a été dépassé qu’une seule fois : entre celui portant sur l’entrée du Royaume-Uni, de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège dans la CEE en avril 1972 et celui portant sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en novembre 1988, soit un peu plus de 16 ans et demi sans consultation nationale.

    Or, le manque de consultation des citoyens pose un véritable problème démocratique, en particulier dans un contexte de doute économique, social, identitaire et désormais sanitaire où le pouvoir retrouve sa vieille tentation liberticide.

    Une situation qui n’est pas près de s’arrêter, alors que les scrutins régionaux et départementaux pourraient connaître un report , que ce soit pour des raisons sanitaires ou de purs faits du Prince.

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      Emmanuel Macron ou la tyrannie du consensus bureaucratique

      Laurent Sailly · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 17 October, 2020 - 03:45 · 5 minutes

    énarchie verticale bureaucratique

    Par Laurent Sailly.

    L’Île-de-France et huit métropoles (Lille, Rouen, Lyon, Grenoble, Saint-Étienne, Aix-Marseille, Montpellier, Toulouse) vont retrouver les délices du confinement , de 21 heures à 6 heures du matin. Vingt millions de Français sous couvre-feu pour au moins quatre semaines. C’est ainsi que l’on peut résumer l’intervention d’Emmanuel Macron, ce mercredi soir.

    Une bureaucratie « soviétique » de la santé : comment ça marche ?

    Auprès du Premier ministre, le ministère des Solidarités et de la Santé élabore et met en œuvre les politiques de santé.

    À la tête de ce ministère, on trouve un ministre titulaire accompagné d’un ministre délégué et d’un secrétaire d’État. Pour accomplir sa mission, le ministre titulaire dispose d’un cabinet de 12 membres dont un directeur de cabinet, un directeur adjoint de cabinet et un chef de cabinet.

    De même, le ministre délégué et le secrétaire d’État peuvent se reposer sur un cabinet respectivement de 11 et 9 membres. N’oublions pas les deux conseillers santé qui siègent à Matignon auprès du Premier ministre, ainsi que le conseiller santé du président de la République.

    Le ministère de la Santé est divisé en deux grandes directions, dont la célèbre Direction Générale de la Santé (plus de 300 agents répartis en 4 sous-directions, un secrétariat général, 4 « missions »), chargée de préparer la politique de santé publique et de contribuer à sa mise en œuvre.

    Pour accompagner ses décisions, la DGS s’appuie sur des rapports scientifiques émanant de multiples structures, tel le Haut Conseil de la Santé Publique (dirigé par un collège d’une quinzaine de membres et comprenant 4 commissions spécialisées et 2 groupes de travail permanents), la Haute Autorité de Santé (dirigée par un collège de sept membres et composée de sept commissions), mais aussi de 14 agences ou instituts nationaux dont la fameuse agence nationale de santé publique (Santé Publique France).

    Créée par la loi de modernisation du système de santé (dite «loi Santé) du 26 janvier 2016, l’agence nationale Santé publique France repose sur le regroupement de 3 agences sanitaires existantes : l’Institut de veille sanitaire (InVS) ; l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) ; et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Éprus).

    Cette agence est composée d’un conseil d’administration de 32 membres, d’un conseil scientifique de 27 membres, d’un comité d’éthique de 7 membres, d’un comité d’orientation de 10 à 20 membres, d’une direction générale, de 10 directions scientifiques transversales, de 5 directions supports et d’une direction de soutien à l’activité. Le tout fait vivre plus de 600 agents au niveau national.

    Pour mettre en œuvre ses missions en région, Santé Publique France dispose de 15 cellules régionales, cellules rattachées à une Direction des Régions.

    Au niveau local, on trouve les Agences Régionales de Santé. Les ARS sont chargées de décliner et mettre en œuvre la politique de santé publique. Chaque ARS est gouvernée par un directeur général et est composé d’un conseil de surveillance, d’une conférence régionale de la santé et de l’autonomie et d’un comité de coordination divisé en deux commissions. Elles sont représentées dans chaque département par une délégation territoriale.

    … et « en même temps »

    Le gouvernement d’Emmanuel Macron a considéré que ce dispositif était insuffisant pour gérer la crise de la Covid-19. Le 11 mars 2020, Olivier Véran fonde le Conseil scientifique, chargé d’éclairer la décision publique pour lutter contre la pandémie.

    Composé de 12 membres, il produit des avis publics (enjeux du confinement, scénarios pour le post-confinement, territoires d’outre-mer). Le 24 mars suivant, il est doublé d’un second conseil également de 12 membres, le Comité analyse recherche et expertise.

    Face à cette surabondance d’experts , comment voulez-vous que cela fonctionne ? Cette bureaucratie politico-scientifique cherche, chacune à son niveau, à exister en émettant des avis qui aboutissent tous au chef suprême du bureau politique, Emmanuel Macron. Tout en se concurrençant, ces apparatchiks qui se connaissent de longue date se protègent mutuellement pour ne pas tomber en disgrâce.

    Un consensus bureaucratique traduit dans l’intervention du président de la République du 14 octobre 2020

    Choisir, c’est renoncer. Mais à quoi ? Emmanuel Macron cherche à concilier l’inconciliable. Et c’est bien là que le bât blesse marquant les limites de la théorie du « en même temps ».

    Face à la situation, le président de la République se déclare « ni inactif, ni dans la panique. » Très bien. C’est presque rassurant… Puis il ajoute « on sait que [la Covid-19] tue » et en même temps « nous n’avons pas perdu le contrôle » . Ah ?

    Alors certes on ne pourra plus aller chez les amis, en famille… mais « nous allons continuer à travailler » et en même temps on pourra partir en vacances.

    Ensuite, nous ne pourrons pas être plus de six personnes à table ; et en même temps qu’on se rassure, les familles qui comptent plus de six personnes ne sont pas concernées par cette recommandation. Quid ?

    Enfin, Emmanuel Macron concède que c’est dur d’avoir 20 ans en 2020 ; en même temps, sûrement pas plus dur qu’en 1914 ou 1940… Mais bon.

    Benjamin Franklin aurait (citation apocryphe) un jour écrit qu’ « un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. » Cette belle citation est objectivement fausse ! Dans tous les domaines ou presque, liberté et sécurité constituent deux aspirations en tension, et augmenter l’une revient presque toujours à diminuer l’autre.

    Emmanuel Macron doit cesser de faire de la communication . Les Français ont besoin d’un arbitre, pas d’un conciliateur…

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      Mais arrêtez donc d'emmerder les Français !

      eyome · Friday, 31 July, 2020 - 14:10

    Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! par Charles Gave, Philippe Pascot, Hervé Juvin.

    Débat intéressant entre Charles #Gave, Philippe #Pascot, Hervé #Juvin

    #France, #Politique, #fr, #bureaucratie

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      Stocks de masques : la comédie politicienne continue

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 2 July, 2020 - 08:11 · 3 minutes

    stocks de masques

    Par Frédéric Mas.

    La secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier-Runacher a indiqué ce mercredi que les entreprises devront prévoir un stock de 10 semaines de masques en prévision d’une éventuelle seconde vague du coronavirus, en précisant au passage que « nous avons désormais des producteurs français ».

    L’État s’est révélé totalement incapable de gérer son propre stock , mais s’estime tout de même compétent pour dicter aux entreprises ce qu’elles doivent faire en la matière, après bien entendu avoir plus ou moins interdit la vente de masques aux particuliers au moment où nous en avions le plus besoin.

    L’intention du gouvernement n’est d’ailleurs qu’accessoirement sanitaire. Elle vise surtout à maintenir à bout de bras une production de masques nationaux qui n’a plus aucune raison d’être la crise passée.

    L’État gère les stocks de masques

    L’Assemblée nationale a auditionné cette semaine Agnès Buzyn et Marisol Touraine pour avoir le fin de mot de l’histoire sur la disparition du stock de masques stratégique de l’État à la veille de la crise sanitaire. Les réponses sont confuses ou évasives. Elles décrivent toutes une administration en roue libre, en réorganisation permanente, sans doctrine sanitaire précise, dans laquelle les responsabilités sont suffisamment diluées pour ne pas avoir à assumer quoi que ce soit. Loin du milliard de masques stocké en 2009, les citoyens ont dû lors de la crise se contenter de ceux fabriqués en urgence, avec les moyens du bord, par les bénévoles puis les PME.

    Au moment où la population en a eu le plus besoin, alors que la communication gouvernementale expliquait que les masques n’étaient pas indispensables, l’État réquisitionne les stocks qu’il n’a pas pu conserver pour les distribuer au personnel soignant prioritaire. Cela entraîne la pénurie et l’assèchement des commandes, sur fond d’interdiction de vente de masques aux particuliers.

    L’empilement de décisions administratives, avec sa clarté proverbiale, désorganise la production au pire moment. C’est la société civile qui sauve la mise de l’État, les bénévoles qui se mobilisent, les entreprises qui réorganisent pour l’occasion leur production pour soutenir l’effort collectif.

    Tout ça est oublié aujourd’hui, et tout le monde réclame davantage de socialisme. L’expérience n’a visiblement pas été suffisamment claire.

    Maintenant, aux entreprises de gérer les stocks

    La crise sanitaire est derrière nous, la crise économique devant. Bien entendu, le gouvernement se prépare à la première en aggravant la seconde. Il faut désormais faire peser le coût de la sécurité sanitaire sur des entreprises qui sont en train de lutter pour leur survie, et cela en imitant les excellentes méthodes étatiques sur la question, méthodes qui ont fait leurs preuves ces derniers mois.

    L’ambition du gouvernement est cependant assez transparente politiquement : il s’agit de soutenir la filière française du textile, qui avec la crise s’est lancée dans la production de masques, et qui aujourd’hui se retrouve avec des millions d’invendus avec sa disparition.

    Il s’agirait donc de soutenir avec l’argent public et la réglementation des filières entières qui ne répondent à plus aucune demande pour maintenir une industrie nationale et des emplois et cela au détriment d’entreprises qui, elles, sont encore rentables pour peu que l’État les laisse un peu tranquilles.

    Plutôt que de pétrifier la production nationale au nom du sacro-saint principe de précaution, il serait temps de retenir la véritable leçon donnée par la gestion bureaucratique de la crise sanitaire : laissez faire les entreprises, laissez faire les citoyens.

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      Médaille aux soignants : la solution du gouvernement pour aider l’hôpital français

      Olivier Maurice · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 May, 2020 - 03:15 · 4 minutes

    médaille

    Par Olivier Maurice.

    Une blague ciculait à l’époque de la guerre froide :

    « Comment reconnait-on un soldat de l’armée rouge d’un général de l’armée américaine ?
    – Le soldat de l’armée rouge, c’est celui qui a le plus de médailles. »

    Ceux qui ont vécu cette période se souviennent de ces photos de vétérans sibériens, les cheveux hirsutes, le sourire édenté et les yeux perdus dans le vague, que la propagande soviétique affichait régulièrement en prenant bien soin de mettre en avant le tapis de breloques qui couvraient leur poitrine : les héros du peuple, immensément récompensés par la nation reconnaissante pour leur sacrifice et leur abnégation.

    Peut-on aller jusqu’à trouver des points communs entre les pauvres recrues envoyées une semaine après leur incorporation à l’assaut des mitrailleuses allemandes avec un fusil pour trois et le folklore de la guerre contre l’ennemi invisible et sournois (sic) qui a été le quotidien des soignants pendant un mois et demi ? Absence totale de préparation, absence incompréhensible de matériel, conséquences dramatiques de la lourdeur d’une machine hiérarchique et administrative omniprésente, omnipotente et totalement dépassée par les événements…

    La fleur au fusil

    Nos héros de Stalingrad à nous, ce sont ces étudiants en sixième année qui ont été envoyés en service de réanimation avec un masque pour trois. Les mêmes qui découvrent aujourd’hui le montant de leur « sacrifice envers la nation » : une prime de 47,18 euros et une médaille en chocolat. Eux, et tous les autres : infirmières et médecins, personnels des EPHAD, médecins de ville…

    Cela fait combien de temps que le personnel médical français hurle son mécontentement ?

    « Ni bonnes, ni nonnes, ni connes » , scandaient les infirmières en septembre 1988. Certains se souviennent encore de leur campement de fortune qui était resté planté devant le ministère de la Santé et avait bloqué tout le quartier Ségur pendant des mois.

    Cela fait combien d’années que la Sécu est en déficit , que les hôpitaux subissent des coupes sombres, des réorganisations, des reports de travaux pour faute de budget, des fermetures de services ?

    Cela fait combien de temps que l’on nous répète en boucle que nous avons « le meilleur système de santé au monde, que le monde entier nous envie » alors qu’absolument aucun personnel médical ne doute que cette affirmation n’est qu’ une immense mascarade faite pour museler la grogne d’une profession totalement sinistrée, sacrifiée à l’autel du « service public » qui en l’occurrence signifie service régenté par l’administration, la paperasserie et les apparatchiks.

    Mais nos héros auront bientôt leur médaille : une médaille créée au XIXe siècle, ce qui illustre parfaitement la manière dont a été gérée cette crise : comme si la France avait subitement fait un énorme bond en arrière dans le temps , comme si cette épidémie avait effacé deux siècles de progrès, deux siècles d’innovations techniques, économiques et sociales.

    Les enfants du marais

    Elle illustre parfaitement l’épidémie de nostalgie romantique, de mélancolie passéiste qui frappe gravement la société française et plus particulièrement sa classe politique qui ne parvient pas à s’intégrer dans le monde moderne : la nostalgie du fait-maison et de l’agriculture d’avant l’industrialisation, de l’école publique et de ses instituteurs laïcs, du monde des petits commerçants et des artisans traditionnels, du médecin de famille avec sa barbe et sa pipe : un monde sans voiture, sans ordinateur, sans internet, sans nucléaire, sans pesticides, sans mondialisation et sans virus chinois.

    Les deux premières actions politiques de la première semaine de déconfinement auront été consacrées à célébrer ce culte du retour en arrière : censurer Internet et inscrire l’épidémie de coronavirus dans l’imaginaire populaire des épidémies de choléra du XIXe siècle et des drames nationaux historiques.

    Combien de temps encore une minorité d’enfants gâtés pourra-t-elle continuer à imposer son utopie du temps des cerises à toute une population ? Que faudra-t-il pour que la population se réveille et réalise que nous ne pouvons pas vivre dans un parc d’attractions dirigé par un marionnettiste qui contrôle nos moindres actions, que nous ne pouvons pas vivre dans l’illusion qu’il existe toujours quelqu’un pour vivre notre vie à notre place ?