• Co chevron_right

      Libérons les territoires en libérant les mobilités

      Yannick Harrel · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 11 January, 2023 - 03:30 · 9 minutes

    Dans un article remontant à juillet 2020, « Tour de France des immobilités : découverte d’un écomusée », j’avais relaté l’impressionnante propension des communes de campagne, ou territoires périphériques, à investir dans les ouvrages d’art antimobilité aussi disgracieux que dispendieux.

    Cette propension ne s’est pas arrêtée plus de deux ans après mais elle s’est adaptée à une nouvelle donne : la contraction des dotations d’ État et la baisse des recettes issues des impositions locales. Preuve que le mal est profond et traduit une véritable éleuthérophobie, ou aversion pour la liberté, chez nos élus.

    La France démobilitée

    En effet, là où les dispositifs les plus baroques – et parfois les plus dangereux – pour les usagers de la route se multipliaient afin de leur faire regretter la traversée de leur localité (feux tricolores, chicanes, ralentisseurs, séparateurs, rétrécisseurs), désormais le temps est aux économies (ce qui n’empêchera pas le douloureux passage de la réfection des ouvrages d’art précités, charge budgétaire souvent oubliée ou minorée par les élus locaux).

    Comme il faut toujours s’attendre au pire avec la déliquescence de nos sociétés, les édiles ont trouvé une solution toute nouvelle : tracer des signalisations de stop, fût-ce en pleine rue principale. Troublante mesure qui pose d’emblée quatre défauts majeurs :

    1. Pollution sonore
    2. Pollution atmosphérique
    3. Augmentation du temps de passage
    4. Augmentation énergétique

    La raison est que l’arrêt puis le redémarrage du véhicule thermique, et même électrique, demande de l’énergie pour mouvoir icelui. Or, le plus gros coût énergétique est celui du démarrage, ou redémarrage, bien plus que celui de la prolongation du mouvement déjà initié. En effet, toute la masse du véhicule inerte doit être déplacée alors que lorsqu’il est déjà en mouvement la consommation est stabilisée, c’est- à-dire moindre (précisons dans le cas d’une conduite normalisée, sans à-coups). Le bon sens –  et plus encore les règles physico-chimiques – prévaudrait de favoriser la fluidification des flux.

    Sur nos véhicules actuels, là encore thermiques et électriques, il est très facile d’avoir un aperçu de cette surconsommation sur l’écran de contrôle. Ce dispositif visant à freiner le véhicule est donc particulièrement malvenu d’un point de vue consommation énergétique mais tend, hélas, à rapidement proliférer. Pis, il est même employé dans des situations complètement grotesques, comme la pose de cette signalisation en pleine montée : il est facile de comprendre que la surconsommation énergétique est décuplée tant l’effort devant être fourni par le véhicule est plus conséquent que sur route plane… sauf pour le décideur d’une telle mesure.

    Sur le plan de la pollution sonore, atténuée toutefois avec les électromobiles, il est tout aussi logique que le bruit soit accentué par l’effet de redémarrage en lieu et place d’un bref passage sonore. Sur le plan de la pollution atmosphérique, nous savons par diverses études que le rejet de polluants s’effectue majoritairement par l’abrasion mécanique et non plus par le rejet des échappements 1 . Or lorsque la contrainte physique des liaisons au sol est plus importante pour la nécessité d’une poussée, il est là aussi logique que les émissions s’envolent.

    Pour le temps de passage, cela répond à une autre évidence : lorsque vous avez un tronçon d’une traversée de village de 3 kilomètres et que son élu passe cet axe de 50 à 30 km/h, cela signifie qu’au lieu de mettre 3 minutes et 36 secondes pour le parcourir, vous mettrez 6 minutes ! Alors imaginez avec un, deux, trois stops plus une limitation à 30 km/h (ce qui n’est pas un cas d’école malheureusement), vous explosez les chronos… dans l’autre sens.

    Une politique de démobilité absurde qui prolifère

    Cette politique est une aberration pour ces collectivités qui, étrangement, se plaignent continuellement du manque d’attractivité de leur territoire.

    Mais comment peut-on rendre attractifs des territoires où l’on est obligé de rouler à la même vitesse qu’il y a plus cent ans !? Comment ces élus peuvent-ils être aussi déconnectés des réalités d’emploi où les usagers réfléchissent davantage en termes de temps de transport qu’en termes de distance ? Alors que la traversée d’une commune qui prendrait 40 % de temps supplémentaire, au bas mot (c’est-à-dire uniquement avec le passage du 50 à 30 km/h) pénalise les déplacements, c’est-à-dire l’économie et l’emploi : toute traversée devient pénible pour ceux obligés de recourir à un transport individuel ou collectif, sans compter la gêne occasionnée pour les riverains qui sont parfois placés devant le fait accompli.

    Honte à ces élus locaux qui parsèment leur commune d’ouvrages onéreux et surtout dangereux et qui sont prêts à risquer l’intégrité des usagers transitant par leur municipalité sans compter la dégradation accélérée de la mécanique de leurs véhicules et la surconsommation énergétique inhérente. L’on ne traverse plus un village ou un bourg de nos jours : l’on surmonte une série d’obstacles.

    Je répète : comment autant d’élus peuvent en arriver à prendre de telles décisions ? Est-ce par contrainte, par mimétisme, par clientélisme, par idéologie ?

    Quant aux communes urbaines, elles continuent à leur manière de promouvoir leur politique de stigmatisation et d’exclusion avec force nouveaux dispositifs de vidéoverbalisation et de radars automatiques de dernière génération. D’autant que l’ extension territoriale des ZFE (Zones de Faibles Émissions) est actée et qu’elle est instaurée aussi fermement que les dogmes religieux les plus fanatiques.

    Et pour 2023, l’on nous promet une débauche de moyens technologiques pour faire respecter les règles du Code de la route, de l’environnement et certainement bientôt sociétales. Car lorsqu’un délire a pris une voie d’accélération dans les esprits, il est très compliqué de l’arrêter jusqu’à sa brutale sortie de route. Et c’est hélas ce qui va advenir en France comme dans tout pays qui choisit l’option de restreindre les libertés.

    L’électromobilité ne nous rendra pas notre liberté de circuler

    Qui se souvient que les premières mesures de limitation des autoroutes ont été décidées en 1973, année du choc pétrolier, sur une base uniquement économique et non environnementale ou sécuritaire ? Mesures qui par ailleurs avaient été annoncées comme temporaires. En 2023, cinquante ans après, nous y sommes encore et l’électrification des mobilités n’y changera rien.

    D’ailleurs sur ce point, qui est celui de l’électromobilité, l’on constatera que la baisse de la vitesse sur les axes routiers est désormais actée sur un fondement environnemental mais que les électromobiles demeurent soumises à la même règle alors que – théoriquement – elles devraient bénéficier d’une exemption de limitation en raison de leur absence – théorique – d’émissions. Une nouvelle fois, la tartufferie des mesures écologistes est mise à nue.

    Un rapide aparté sur la croyance, renforcée par les allégations politiques, que les électromobiles sont totalement zéro émissions. Or, la société d’analyse anglaise Emissions Analytics a mis en garde en 2022 sur les risques de surproduction d’émissions de particules fines par les véhicules électriques en raison du phénomène d’abrasion mécanique amplifiée par le poids et le couple de ce type de motorisation. Le système régénératif appuyé par une conduite très mesurée permet de limiter ce risque mais il n’en demeure pas moins que le poids des véhicules électriques est en augmentation constante d’où inexorablement un phénomène d’abrasion mécanique tant qu’il y aura des liaisons à sol.

    « Quite remarkably, but as testament to the filtration efficiency of the latest gasoline particulate filters (GPFs), tailpipe mass emissions are now as low as 0,02 mg/km.  Gasoline vehicles were tested as they represent the majority of new passenger cars sold today.  Therefore, the mass wear from new tires is 16 times greater than the maximum permitted from the tailpipe, but 3,650 times greater than actual tailpipe emissions. Taking the full-life average tire emissions, that premium falls to the 1,850 times mentioned earlier. The excess emissions under aggressive driving should alert us to a risk with BEVs: greater vehicle mass and torque delivered can lead to rapidly increasing tire particulate emissions. Half a tonne of battery weight can result in tire emissions that are almost 400 more times greater than real-world tailpipe emissions, everything else being equal.» 2 .

    Il n’en demeure pas moins que les électromobiles doivent demeurer un choix technologique pour les ingénieurs et les constructeurs et non une obligation : là encore, avoir tout misé sur les véhicules électriques est une absurdité puisque nous faisons les mêmes erreurs stratégiques que pour le diesel en misant tout sur une technologie par exclusion des autres. Ce choix purement binaire en dit long sur l’état d’esprit de dirigeants incapables de souplesse d’esprit et d’approche scientifique. Les électromobiles ont toutes leur place dans la grande famille des mobilités mais pas au détriment artificiel de toutes les autres.

    De toute façon, électromobilité ou pas, les mesures de démobilité continueront à proliférer.

    Une pensée politique diffuse tendant à la démobilité

    Pour en revenir à la problématique de fond, c’est un mouvement de pensée politique diffus (ce n’est pas une doctrine formalisée) mais cependant très profond qui irrigue jusqu’aux mairies les plus reculées de France et des pays européens de l’Ouest (je précise à escient tant la différence est nette avec les pays d’Europe de l’Est). Ce mouvement de pensée, celui de la démobilité, a pour point de chute l’immobilité. Il est initié par certains acteurs (l’Union européenne et les métropoles) pour gangrener le tout le dernier stade des collectivités, c’est-à-dire les plus nombreuses, à savoir les communes. Et nous le subissons désormais quotidiennement au prix d’une neurasthénie économique et d’une précarisation sociale.

    Et ajoutons que le secteur routier n’est pas le seul visé. C’est l’ensemble des transports qui sont ciblés par des mesures contraignantes (physiques, administratives et fiscales) pour qu’à terme, ceux-ci ne deviennent l’apanage que de privilégiés, très largement issus des métropoles.

    Somme toute, les « gagnants » d’une mondialisation illibérale trônant sur les restes de libertés zombifiées , ces dernières érigées comme des totems que les peuples asservis continueront de vénérer par contrainte, voire même par simple habitude.

    J’ai une seule solution à faire valoir : libérons les territoires en libérant les mobilités. Car au-delà des mobilités, c’est tout un écosystème qui réapprendra à respirer.

    1. Marianne Talbot, Particules fines : 59 % des émissions ne proviennent pas de l’échappement , Roole.fr, 8 septembre 2022, lien : https://media.roole.fr/quotidien/au-volant/particules-fines-59-des-emissions-ne-proviennent-pas-de-lechappement
    2. Emissions Analytics, Gaining traction, losing tread Pollution from tire wear now 1,850 times worse than exhaust emissions , 11 Octobre 2022, lien : https://www.emissionsanalytics.com/news/gaining-traction-losing-tread
    • Co chevron_right

      Les propriétaires vont payer la suppression de la taxe d’habitation

      Victor Fouquet · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 7 November, 2022 - 04:15 · 3 minutes

    Un article de l’IREF Europe

    Depuis la loi de finances pour 2018, le coefficient de revalorisation forfaitaire des valeurs locatives, qui sert notamment de base de calcul à la taxe foncière , n’est plus fixé chaque année en loi de finances initiale mais codifié à l’article 1518 bis du Code général des impôts .

    Le calcul de ce coefficient revient très concrètement à indexer les valeurs locatives sur l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) publié au mois de novembre par l’Insee. Suivant cette formule, la revalorisation légale devrait être de 6,8 % l’an prochain, soit le double de cette année (+ 3,4 %), qui constituait déjà un record depuis 1989.

    Cette flambée est l’une des conséquences indirectes de la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale

    Conformément à ce qu’il avait indiqué aux associations d’élus locaux soucieux de préserver leurs recettes fiscales, le gouvernement n’a pas changé le dispositif dans le projet de budget 2023 présenté fin septembre en Conseil des ministres et n’a pas davantage prévu de le modifier en cours de navette parlementaire ; et ce malgré l’adoption en commission des finances d’un amendement du député centriste Charles de Courson visant, à titre exceptionnel, à plafonner la hausse à 3,5 % (2,5 % en Outre-mer) « afin de protéger les foyers contre l’inflation et une hausse de leur pression fiscale en 2023 ».

    L’envolée de la taxe foncière votée par les collectivités territoriales (avec environ 36 milliards d’euros de recettes, cet impôt local représente la principale ressource du bloc communal) et supportée par les propriétaires immobiliers devrait donc se poursuivre et avec d’autant plus de vigueur que les prochaines élections municipales n’auront lieu qu’en 2026. L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) faisait récemment observer qu’entre 2021 et 2022, la taxe foncière a déjà crû de 4,7 % en moyenne dans les 200 plus grandes villes de France (hausse liée pour une partie à l’inflation, et pour une autre partie à la hausse des taux décidée par les collectivités).

    Cette flambée est l’une des conséquences indirectes – hélas prévisible ! – de la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale et corrélativement de l’amenuisement de l’autonomie fiscale des collectivités locales. Il était sûr que moins d’impôts prélevés sur les locataires aboutirait à davantage d’impôts ponctionnés sur les propriétaires immobiliers. Car malgré l’obsolescence des valeurs locatives cadastrales sur lesquelles son paiement était assis, la taxe d’habitation – laquelle servait à financer des services publics concourant généralement à la qualité du logement occupé – donnait aux contribuables-résidents principaux la qualité d’électeur local, en conformité avec le principe du lien entre taxation et représentation.

    Un autre danger menace les propriétaires immobiliers

    Or, en reportant l’intégralité de la charge fiscale sur les propriétaires, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidents principaux et l’augmentation subséquente de la taxe foncière rompent ce lien et cassent le ressort intime de la démocratie décentralisée en déconnectant la fixation de l’impôt de l’effort fiscal.

    Le problème véritable posé tient au fond à ce grand écart entre ceux qui paient l’impôt (une fraction de résidents principaux et les résidents secondaires, qui souvent ne votent pas dans la commune afférente, et les propriétaires au titre de la taxe foncière, qui ne sont pas nécessairement électeurs) et ceux qui en décident (la majorité des résidents principaux désormais dégrevée ou exonérée de taxe d’habitation et les locataires qui ne paient pas de taxe foncière).

    Un autre danger menace les propriétaires immobiliers : la décorrélation du taux de la taxe d’habitation sur la résidence secondaire de celui de la taxe foncière sur les propriétés bâties, réclamée aux parlementaires par un grand nombre de maires afin de leur permettre d’alourdir la fiscalité sur les résidents secondaires, réputés pourtant consommer moins de services publics locaux. Un éloignement trop prononcé de la population des contribuables de celle des électeurs témoigne d’une démocratie en mauvaise santé. Il serait périlleux de s’enfoncer encore un peu plus dans cette voie, en ciblant immodérément les propriétaires fonciers.

    Sur le web

    • Co chevron_right

      Résidences secondaires : une surtaxe jusqu’à 60 %

      Alexandre Massaux · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 4 November, 2022 - 04:20 · 1 minute

    La taxe d’habitation sur les résidences principales va disparaître le 1 er janvier 2023. Mais pour les résidences secondaires la situation est différente et beaucoup moins positive. En effet, la surtaxe de celles-ci est étendue à davantage de villes, une solution qui ne va pas résoudre les problèmes immobiliers. La taxation restant le moyen d’action privilégié des autorités en France.

    En l’espèce cet outil sera entre les mains des communes ce qui pourrait avoir des conséquences économiques pour elles.

    La surtaxe des maisons secondaires : quelles conditions

    Jusqu’à présent , la loi permet à des communes considérées comme étant en zones tendues et ayant plus de 50 000 habitants d’appliquer une surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires.

    La nouvelle loi de finances autorise davantage de villes à utiliser ce dispositif de surtaxe, notamment en autorisant celles de moins de 50 000 habitants de l’utiliser. Ainsi le nombre de villes autorisées passe de 1136 à 5000. Les communes concernées sont principalement sur le littoral méditerranéen (PACA, Corse) et l’Île-de-France.

    Jusqu’en 2017, cette surtaxe était à un taux fixe de 20 %. Néanmoins, ce taux est désormais modulable par les communes entre 5 % et 60 %.

    Les communes vont-elles s’attaquer aux propriétés ?

    L’application ou non de ce dispositif est décidée par les communes autorisées. On peut se poser la question de savoir si l’application de cette surtaxe ne va pas faire fuir les propriétaires et envoyer un mauvais signal. Les propriétaires pourraient être incités à investir dans des villes où il n’y aura pas de surtaxe. De l’argent à court terme pour ces communes, mais une perte pour le long terme.

    L’objectif de cette surtaxe, introduite sous le mandat de François Hollande, était de compenser une pénurie de logements. Mais cette mesure n’a pas réglé le problème et se révèle être un moyen pour certaines communes d’avoir plus de revenus au détriment des propriétaires.