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      Covid-19 : les biais cognitifs qui nous ont conduit à l’affaissement des libertés

      Contrepoints · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 30 November, 2022 - 04:00 · 20 minutes

    La crise du covid a amené des restrictions des libertés.

    La question qui se pose est de savoir pourquoi celles-ci ont été soutenues par une partie non négligeable de la population. Contrepoints s’est entretenu avec Samuel Fitoussi qui a étudié l’économie à Cambridge et à HEC.

    Contrepoints : Irresponsables par nature : vous revenez sur la séquence ahurissante des auto-attestations, dont les plus fervents défenseurs posaient la bêtise des Français comme un fait établi. Là aussi, la croyance des bureaucrates a donc conditionné la réponse autoritaire des pouvoirs publics ?

    Samuel Fitoussi : Pendant la pandémie , les défenseurs les plus fervents des restrictions ont semblé se ranger à l’idée de l’existence d’un tempérament français.

    Défini selon eux par l’indiscipline et la connerie (« les Français sont des cons »), il a justifié toutes formes de contraintes et permis de déconsidérer les comparaisons avec la gestion de pays voisins. Combien de mesures peu reprises à l’étranger ont été défendues au motif que les Français forment un peuple irresponsable que l’on doit gouverner d’une main de fer et qu’il faut contraindre plutôt que raisonner ? La France a par exemple été un des seuls pays d’Europe (avec l’Italie et la Grèce) à mettre en place un système d’auto-attestation , bureaucratisant ainsi la sortie à la boulangerie et le retour du bureau après 18 heures.

    Le dispositif fut peu remis en cause (l’attestation représentant selon certains le seul moyen de faire comprendre aux Français le sérieux de la situation) alors qu’autour de nous la plupart des pays s’en passait. De même, l’interdiction des balades en forêt, les fermetures des parcs et le concept de plages dynamiques (l’interdiction de s’asseoir sur le sable) furent défendus au nom de la crainte « d’abus », les Français étant jugés indignes de confiance.

    On peut aussi citer l’obligation du port du masque dans la rue, qui de l’aveu du gouvernement, servait avant tout à éviter que certains citoyens oublient de le remettre en entrant dans un lieu clos ou une rue bondée et à envoyer un signal rappelant l’importance des gestes barrières. En France, on continua longtemps après avoir eu la certitude scientifique de l’inutilité du masque en extérieur à l’imposer dans la rue au moindre rebond épidémique : il était encore obligatoire à Paris en décembre 2021 et janvier 2022.

    Mais existe-t-il vraiment un tempérament national ? Cela ne signifierait-il pas que certains traits de caractères se retrouveraient chez tous les Français mais que pris au hasard, un Français aurait plus de chance d’exhiber certains traits qu’un Espagnol, un Anglais ou un Américain ? Dans une étude publiée dans la revue Science en 2005, 65 chercheurs de toutes nationalités se sont penchés sur la question. 3989 volontaires issus de 49 cultures devaient évaluer en fonction de 30 critères la personnalité type correspondant au caractère national de leur pays.

    Les critères correspondaient à ceux utilisés par le test NEO PI-R, questionnaire de personnalité standardisé dont les scientifiques avaient obtenu les scores de 11 479 participants issus de ces mêmes 49 cultures. En comparant la personnalité moyenne réelle d’une nation avec la personnalité moyenne attribuée à cette nation par ses propres citoyens, les chercheurs aboutissent à une conclusion surprenante : il n’existe aucune corrélation entre l’idée que se font les citoyens de leur tempérament et la réalité.

    Conclusion des chercheurs : « Les perceptions du caractère national apparaissent comme des stéréotypes infondés dont la fonction est peut-être de préserver un sentiment d’identité nationale. »

    Si l’irresponsabilité des Français n’est pas inscrite dans leur patrimoine génétique, il est possible que la croyance qu’elle l’est mène à une infantilisation qui en retour crée un environnement sociétal où tout ce qui n’est pas explicitement interdit (ou strictement empêché) semble autorisé (ou toléré).

    Dans un monde où ils n’auraient jamais connu le concept d’attestation, les Français auraient sans doute respecté un confinement à l’anglaise autant que les Anglais. Après avoir été habitués aux attestations, ils les auraient peut-être moins respectées. Autrement dit : la croyance que les Français sont cons rend les Français cons.

    De cette croyance a découlé une différence majeure entre la philosophie des restrictions en France (et souvent dans les pays latins) et au Royaume-Uni (et souvent dans les pays du nord de l’Europe ). Tandis que les premiers ont souvent supprimé les libertés dont les citoyens auraient pu faire mauvais usage, les seconds se sont souvent contenté d’interdire les mauvais usages.

    À l’hiver 2020/2021, parce que nous savions que le virus se transmettait peu à l’extérieur mais beaucoup à l’intérieur, les gouvernements français et britannique ont voulu réduire le nombre de rassemblements en lieu clos. Les Anglais ont pour cela interdit les rassemblements en lieu clos tandis que les Français ont mis en place un couvre-feu pour que nous ne puissions plus sortir dans la rue, sortie qui aurait pu nous permettre de nous rendre dans des lieux clos.

    Il est d’ailleurs possible que la méthode française ait été contreproductive.

    Sans couvre-feu, une partie de ceux qui, au mépris des règles, se regroupaient en intérieur se serait sans doute retrouvée dans des parcs, sur les berges de la Seine ou dans la rue où le risque de contamination était jusqu’à dix fois inférieur. Même en imaginant que le nombre total d’interactions ait été inférieur en France à celui des pays sans couvre-feu, il est possible que cela ait été plus que compensé par un ratio interactions intérieures/extérieures plus élevé. Dans le même esprit, une réouverture des terrasses (fermées du 30 octobre 2021 au 19 mai 2021) quelques semaines plus tôt (notamment dès le retour des températures printanières) aurait peut-être provoqué une substitution intérieur/extérieur suffisamment significative pour qu’elle ait un effet positif sur la dynamique épidémique.

    Du 16 février au 19 mai, les restaurants étaient ouverts en Espagne, fermés en France et c’est pourtant nous qui comptions chaque jour de toute la période le plus de cas et de décès quotidiens. Beaucoup de facteurs ont pu jouer mais il n’est pas impossible que la différence s’explique en partie par le fait que les Espagnols se regroupaient moins dans la sphère privée (et donc moins en lieu clos) que nous. En tout cas, on peut s’étonner que de telles mesures (couvre-feu, fermeture des terrasses) aient été mises en place et reconduites si longtemps sans certitudes sur leur efficacité.

    Certains, au pire moment de la crise, ont affirmé que la « liberté n’était pas celle de contaminer autrui » pour approuver les restrictions les plus radicales.
    En quoi leur raisonnement était-il faussé ?

    « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ».

    L’idée formulée pour la première fois par le philosophe britannique John Stuart Mill au XIX e siècle, a été brandie pour justifier toutes sortes de restrictions de liberté. La formule est pourtant fausse et porteuse de projets de société totalitaires. D’abord, on peut toujours la renverser : est-ce ma liberté de sortir sans masque qui doit s’arrêter là où commence celle de mon voisin à ne pas risquer la contamination ? Ou est-ce sa liberté de ne pas risquer la contamination qui doit s’arrêter là où commence la mienne de sortir sans masque ?

    Ensuite, vivre dans une société libre implique de pouvoir faire courir un certain niveau de risque aux autres. Appliquée rigoureusement, la formule légitimerait la mise en place d’un passe sanitaire de vaccination contre la grippe, l’abolition des voitures manuelles (les accidents y sont plus fréquents qu’en automatique), l’interdiction des cigarettes (votre liberté de fumer s’arrête là où commence ma liberté de ne pas financer vos soins en cancérologie). Elle pourrait aussi justifier l’interdiction du voile (votre liberté de le porter crée une pression sociale qui nuit à ma liberté de ne pas le porter) et des avions (votre liberté de voyager nuit à ma liberté d’habiter une planète décarbonée).

    On peut imaginer que les adeptes de cette formule confondent condition suffisante et condition nécessaire.

    Un gain de liberté pour certains est une condition nécessaire mais pas suffisante à la restriction d’une liberté pour d’autres. Pour qu’une restriction soit légitime, il faut aussi que la somme des libertés obtenues grâce à celle-ci soit supérieure à la somme des libertés supprimées. On en arrive donc à la question de la proportionnalité dont on a trop eu tendance à s’affranchir pendant la crise.

    Vous expliquez que l’extension des normes bureaucratiques amenuisaient le capital social des institutions libérales. Pouvez-vous développer ?

    Dans un papier publié en 2014, les économistes Mathew Jackson et Daren Acemoglu montrent qu’une loi contraire aux normes sociales peut se révéler contreproductive.

    Elle sera peu respectée, transformera des citoyens modèles en « délinquants » et modifiera le rapport de la population à l’autorité, alimentant une culture de la défiance.

    Jackson prend l’exemple de lois restreignant strictement la liberté des entreprises à recruter des sans-papiers :

    « Les patrons qui continuaient à embaucher des sans-papiers, puisqu’ils devenaient des hors- la-loi, avaient tendance à cesser de respecter d’autres règles plus importantes comme celles de sécurité sur les chantiers ».

    Pendant la pandémie, de nombreuses restrictions sont restées en place alors qu’elles n’étaient plus respectées. La plupart des jeunes ont par exemple fini par systématiquement contourner le couvre-feu. La loi n’étant plus de leur côté, il devenait moins intimidant pour eux de briser d’autres règles (isolement systématique lorsque cas contact, pas de soirées…).

    Pire : puisque les interdits s’additionnaient, beaucoup de citoyens sont passés d’une attitude de coopération à une posture de défiance, les restrictions étant devenues des obstacles à contourner plutôt que des règles à respecter par responsabilité citoyenne. Conclusion : la suppression de certaines restrictions aurait peut-être permis de mieux lutter contre l’épidémie.

    On pense à la formule de Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

    Jackson et Acemoglu discutent aussi d’un autre mécanisme : si trop de gens enfreignent la loi, la criminalité n’est plus stigmatisée socialement et le regard des autres n’a plus d’effet dissuasif. En mars 2020, les injonctions morales à rester chez soi furent effectivement un facteur de respect du confinement au moins aussi puissant que la peur des 135 euros d’amende. Dix-huit mois plus tard, la sévérité des restrictions ayant conduit la plupart des Français à enfreindre la loi, il restait peu de donneurs de leçons.

    Vous analysez les erreurs commises au moment de la crise sanitaire sous le prisme des biais cognitifs. Vous discutez notamment de la théorie de l’inoculation, qui aurait pu immuniser une partie de la population contre l’analyse critique des mesures sanitaires.

    Emprisonnés par la Corée du Nord après la guerre de Corée dans les années 1950, plusieurs soldats américains renient leur pays et les valeurs occidentales. Devant cet échec, le gouvernement américain souhaite prendre des mesures pour qu’à l’avenir, l’ennemi ne réussisse plus à laver le cerveau de captifs.

    Le psychologue William McGuire argue que munir les soldats d’arguments solides n’est pas la solution la plus efficace : le mieux est de les exposer à des arguments anti-américains facilement réfutables. Il utilise une analogie médicale. Pour se protéger d’un virus, il existe une stratégie dite « de soutien », consistant à renforcer notre organisme (vitamines, sport…) mais aussi une stratégie dite « d’immunisation », consistant à nous exposer à une version affaiblie du pathogène pour stimuler nos défenses. Dans le cadre d’idées ou d’attitudes, la stratégie d’immunisation correspond à l’exposition à des contre-arguments mauvais.

    En 1961, McGuire évalue par exemple la solidité de la croyance selon laquelle il convient de faire une radio pulmonaire chaque année. Dans un premier temps, il explique brièvement à des volontaires les mérites de cette radio annuelle. Ensuite, il divise les participants en deux groupes. Il fournit aux premiers des arguments solides en faveur de la radio annuelle (stratégie de soutien), tandis qu’il expose les seconds à des contre-arguments contenant des erreurs de logique flagrantes (stratégie d’immunisation).

    Enfin, il soumet chaque participant à une discussion avec un contradicteur qui tente, via des arguments solides, de contester l’utilité d’une radio pulmonaire annuelle. Résultat : les participants du groupe « immunisé » étaient beaucoup moins enclins à revenir sur leur position que ceux du premier groupe, même lorsque les contre-arguments employés par le contradicteur n’avaient aucun rapport avec ceux auxquels ils avaient été exposés. Ces participants avaient été immunisés contre le changement d’avis.

    Dès le début de la campagne sanitaire, les défenseurs de mesures sanitaires en rapport avec le vaccin (passe sanitaire, passe vaccinal, politique des doses de rappels…) ont dû répondre à des arguments attaquant les mesures au nom de la prétendue inefficacité ou nocivité du vaccin. La vaccination et Bill Gates, la vaccination et la 5G, la vaccination et Big Pharma, la vaccination et le bras aimanté, le vaccin inefficace car la majorité des décédés sont vaccinés (réfutable — les vaccinés sont plus nombreux dans la population), le vaccin inefficace car nous atteignons des records de cas quotidien malgré 92 % d’adultes vaccinés (réfutable — le vaccin limite la probabilité de formes graves), etc.

    Confrontés à des mauvais arguments, ils se sont vu renforcés dans leurs croyances et ont développé le réflexe de balayer les objections sans réellement les examiner. Puisque l’irrationalité est présente chez mes contradicteurs elle ne peut être présente chez moi ; toute mesure à laquelle on oppose des arguments irrationnels ne peut être que rationnelle.

    Immunisés contre l’analyse critique des mesures sanitaires, beaucoup d’opposants aux antivaccins ont été vaccinés contre le doute. Conséquence : la force avec laquelle ils ont soutenu le passe n’a été nullement influencée par l’évolution du contexte (incapacité du vaccin à couper la transmission, réduction du réservoir de non-vaccinés, augmentation du taux d’immunisés par l’infection parmi les non-vaccinés, inclusion de la troisième dose dans le passe…) ou par les modalités de son application (gratuité ou non des tests PCR, applicabilité à partir de 12, 16 ou 18 ans…). Tout a fonctionné comme s’il avait existé une stricte équivalence entre l’adhésion au vaccin et l’adhésion à toute mesure visant à augmenter le taux de vaccination.

    Le phénomène a sans doute été amplifié par la division artificielle du débat public entre d’un côté le camp des « obscurantistes antitout » et de l’autre les garants de l’héritage de Pasteur, soucieux de la vie d’autrui et donc défenseurs de l’action du gouvernement. Cette division entretenue de manière un peu trop habile par l’exécutif a participé à l’impossibilité d’une analyse rationnelle des mesures.

    Dès lors qu’elle est apparue dans les esprits, elle a biaisé le débat d’idées : une mécanique d’auto-identification à un groupe s’est mise en place, l’adhésion à certaines idées est devenue une façon d’affermir son estime de soi et l’énonciation de convictions politiques une façon de se positionner socialement. La rationalité — c’est-à-dire l’analyse de mesures pour elles-mêmes — a disparu progressivement.

    Vous écrivez que le cerveau est incapable d’appréhender les distributions exponentielles. En quoi cela a-t-il pu nous pousser à surestimer le risque que posait le covid chez les enfants ?

    Tout en reconnaissant que le risque du Covid-19 augmente avec l’âge, nous estimons que le différentiel de gravité entre le Covid-19 et les autres maladies reste constant avec l’âge. Si le Covid-19 est en moyenne plus mortel que la grippe, nous en concluons que pour les enfants il est plus néfaste que la grippe. L’erreur de raisonnement : nous nous représentons une augmentation linéaire du risque du Covid-19 avec l’âge plutôt qu’une augmentation exponentielle.

    Imaginez que sur un jeu d’échecs on place un grain de riz sur la première case, deux sur la deuxième, trois sur la troisième et ainsi de suite pour arriver à 64 grains de riz sur la 64ème et dernière case.

    Deux constats :

    1. La dernière case reçoit 64 fois plus de grains de riz que la première.
    2. La moitié des cases reçoit un nombre de grains de riz inférieur à la moyenne.

    C’est ainsi que nous nous représentons l’augmentation du risque Covid-19 avec l’âge.

    Imaginez maintenant que sur un deuxième jeu on place un grain de riz sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, puis huit, seize et ainsi de suite, doublant à chaque fois la somme pour arriver à deux puissance 63 grains de riz sur la dernière case.

    Deux constats :

    1. La dernière case reçoit 9 000 000 000 000 000 000 fois plus de grains de riz que la première.
    2. 57 cases, soit 90 % des cases, reçoivent un nombre de grains de riz inférieur à la moyenne.

    C’est ainsi que nous aurions dû nous représenter l’augmentation du risque Covid-19 avec l’âge.

    En mars 2021, un papier publié dans Nature (Bauer, Brugger et König) démontre que 98,3 % des décès en Europe et aux États-Unis concernent les personnes de plus de 40 ans et que le taux de mortalité du Covid-19 augmente exponentiellement. Constat que les données de mortalité françaises semblent confirmer puisqu’au 1er janvier 2021, les plus de 80 ans (6,3 % de la population) représentaient 74,9 % des décès tandis que les plus de 90 ans (1,4 % de la population) en représentaient 32 %.

    On peut énoncer deux répercussions statistiques contre-intuitives de cette augmentation exponentielle du risque avec l’âge.

    1. Le taux de mortalité en cas d’infection au covid est pour la très grande majorité de la population inférieur au taux de mortalité moyen du covid.
    2. Le covid peut être en moyenne bien plus létal que la grippe tout en étant moins létal que celle-ci pour plus de 50 % de la population.

    Ce n’est donc pas parce que le covid posait un problème d’ordre collectif plus grave que la grippe qu’il était pour les enfants plus dangereux que la grippe — raisonnement théorique confirmé par les données.

    Le 19 mai 2022, un rapport de Santé Publique France indiquait que l’on recensait en tout (en 26 mois de pandémie) 31 cas de décès de mineurs potentiellement imputables au covid ; seuls cinq de ces enfants ne présentaient pas de « comorbidités sévères ». À titre de comparaison, 90 enfants meurent chaque année de diverses maladies infectieuses et parasitaires (grippes, gastroentérites, bronchiolites…).

    Au Royaume-Uni, un rapport de l’Office National des Statistiques (ONS) datant du 23 mai 2022 démontre qu’entre mars 2020 et avril 2022, on a compté 45 décès liés au covid chez les moins de 14 ans contre 56 liés à la grippe et à la pneumonie.

    Tout ceci ne signifie évidemment pas que le covid ne posait aucun danger pour les enfants mais qu’il posait un danger d’ordre de grandeur comparable à celui de maladies que l’on avait toujours tolérées.

    Par conséquent, les mesures à l’école (masques obligatoires en cours pendant deux ans dès l’âge de 6 ans, interdiction du brassage interclasse, fermetures régulières des classes dès la détection d’un cas…) servaient avant tout à protéger indirectement les adultes et non à protéger les enfants comme on a pu vouloir se le faire croire (pour se donner bonne conscience ?).

    Vous pensez que d’une certaine manière, plus les sacrifices exigés étaient douloureux, plus nous avons pu avoir tendance à les juger légitime. Avons-nous cherché à rationaliser coûte que coûte les efforts auxquels nous avons consentis ?

    Sous certaines conditions, le cerveau humain a tendance à rationaliser même ce qui relève de l’irrationnel et il n’est donc parfois pas facile de nous rendre compte que nous nous enfonçons dans l’erreur .

    Je cite notamment l’expérience suivante.

    En 1959, deux psychologues américains (Mills et Aronson) organisent, dans le cadre d’une expérience, une conférence sur « la psychologie des rapports sexuels » à laquelle s’inscrivent 63 étudiantes (qui ne savent pas qu’elles deviennent un sujet d’étude).

    Celles-ci sont divisées en trois groupes.

    Pour 21 d’entre elles, la participation à la conférence est conditionnée à l’accomplissement d’un rite initiatique « très embarrassant » (la lecture devant une foule de spectateurs de courts extraits érotiques).

    Pour les 21 suivantes, la participation est conditionnée à un rite « moyennement embarrassant » (la lecture de mots liés à la sexualité).

    Les 21 dernières échappent à toute forme d’épreuve d’admission. Toutes obtempèrent et finissent par assister à la discussion.

    Le jour J, les trois oratrices (complices des expérimentateurs) rendent la conférence ennuyeuse : elles discutent des caractéristiques sexuelles secondaires d’animaux incongrus.

    À la sortie, les étudiantes doivent noter l’événement :

    • Score moyen attribué par les étudiantes qui avaient été soumises au rite initiatique « très embarrassant » : 14,46/20.
    • Score des étudiantes soumises au rite « moyennement embarrassant » : 12,1/20.
    • Score des participantes librement admises : 11,8/20.

    Pourquoi ? Parce que pour les étudiantes du premier groupe, la fadeur de la discussion crée une dissonance cognitive, la valeur de l’évènement ne correspondant aucunement aux efforts fournis pour y participer.

    Pour la résoudre et ne pas perdre la face vis-à-vis d’elles-mêmes, elles développent une stratégie inconsciente consistant à surévaluer son intérêt. Les étudiantes des deux autres groupes sont moins sujettes à ce biais : moins l’admission est éprouvante (moins son coût est élevé), moins il y a besoin de « surnoter » l’événement (se persuader d’en avoir tiré un bénéfice élevé) pour lui rétablir une balance coût-bénéfice neutre.

    « L’homme, écrit Aronson, n’est pas un animal rationnel, c’est un animal rationalisant qui tente de paraître rationnel à la fois aux yeux des autres et vis-à-vis de lui-même ».

    La mère qui pendant près de deux ans voit son enfant contraint de porter le masque huit heures par jour a besoin de rationaliser cette obligation. Commence alors une stratégie inconsciente de surestimation des bénéfices du masque (efficacité dans la limitation de la circulation virale en classe, danger du covid long pour son enfant) et/ou de sous-estimation de ses coûts (les enfants s’adaptent).

    De même, après plusieurs mois sous couvre-feu, envisager l’idée que la situation sanitaire aurait été peu ou prou la même avec un couvre-feu à minuit plutôt qu’à 18 heures est impossible puisque cette conviction créerait une dissonance cognitive : tout ça pour rien ?

    C’est en partie parce que les efforts demandés (et fournis) pendant deux ans étaient conséquents que nous considérons qu’ils étaient nécessaires.

    Nietzsche défendait cette idée à sa manière :

    « La conclusion tirée par tous les imbéciles est qu’il doit bien y avoir quelque chose de vrai dans une cause pour laquelle on accepte de mourir. […] Cette conclusion a constitué un obstacle considérable à l’examen, à l’esprit d’examen et de prudence. »

    On pourrait aujourd’hui reformuler :

    « Il doit bien y avoir quelque chose de vrai dans une cause pour laquelle on a obligé des enfants de six ans à porter le masque dans la cour de récréation, pour laquelle on a interdit à six millions de citoyens de prendre le train ou de boire un café, et au nom de laquelle on a accepté pendant huit mois de ne plus avoir le droit de sortir de chez soi après 19 heures. »

    Retrouvez la note de l’Institut Sapiens ici

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      Obliger les soignants à se faire vacciner ? Chantage et manipulation !

      Patrick de Casanove · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 7 March, 2021 - 04:45 · 8 minutes

    vacciner

    Par Patrick de Casanove.

    La peur fait délirer. Le gouvernement a réussi à créer une telle panique avec la Covid que l’affolement et l’émotionnel priment dans toute décision.

    La dernière trouvaille serait l’obligation vaccinale pour les soignants, accusés de transmettre la Covid en tant qu’infection nosocomiale.

    Revue de presse

    Dans Les Échos : « Dans les services Covid, on a 80 % de vaccinés mais ailleurs beaucoup moins. Ce n’est pas possible. C’est inacceptable. Le Covid-19 est devenu la première maladie nosocomiale à l’hôpital. Ceux qui ne veulent pas le faire maintenant, c’est par principe », relève un participant au Conseil de défense, qui souligne qu’il y a déjà plusieurs vaccins obligatoires pour les soignants (contre l’hépatite B par exemple).

    « On ne peut plus accepter que des personnels refusent la vaccination » , a lancé le Pr François Chast mardi 2 mars sur France Inter. Pour cet ancien chef de la pharmacie de l’hôpital Necker à Paris, la piqûre « fait partie des bonnes pratiques », au même titre que « le port de la charlotte, du masque ou de la blouse pendant les soins ».

    Sachant que l’injection est potentiellement efficace pour limiter les contaminations, « si cette prévention n’est pas faite, elle devient une faute professionnelle », a-t-il asséné…

    Dans Ouest-France : « Jeudi soir, le Premier ministre Jean Castex les a appelés « solennellement » à se faire vacciner « très rapidement » , pour permettre le retour d’une « vie sociale apaisée » dans ces établissements et un assouplissement « du droit de visite pour les familles ». »

    Et aussi : « Plus largement, avec environ 30 % de soignants vaccinés, « clairement, ça ne suffit pas », a insisté Olivier Véran, qui enverra vendredi une lettre à l’ensemble des professionnels de santé pour les inciter très fortement à se faire vacciner. »

    Et le Huffingtonpost ajoute : « Je vous le demande pour vous-même, votre entourage, les Français. » Dans une missive publiée ce vendredi 5 mars dans l’après-midi sur son compte Twitter, le ministre de la Santé Olivier Véran incite l’ensemble des soignants à aller se faire vacciner contre le covid-19. »

    Émotionnel, chantage, culpabilisation, manipulation

    L’émotionnel, c’est la peur du soignant contaminant. Ce qui est d’autant plus paniquant que le soignant est une personne qui rassure, prend soin, et qui guérit autant que faire se peut. Cela peut passer pour une trahison et un manque d’éthique professionnelle.

    Il y a aussi du chantage à la reprise de la vie normale pour les personnes en établissement, et à la sanction professionnelle pour le soignant.

    Également de la culpabilisation : le soignant se voit chargé du fardeau de la responsabilité d’infections nosocomiales, donc de décès, et de la prolongation des mesures coercitives.

    En vérité le gouvernement fuit ses responsabilités et fait porter par d’autres le poids de ses manques. Si l’épidémie continue ce n’est pas de la faute du gouvernement qui fait le job. C’est celle des personnes qui ne respectent pas les gestes barrière et des soignants qui ne sont pas vaccinés. Ce sont des boucs émissaires.

    Il s’agit d’une manipulation. Elle consiste à faire passer un doute pour une certitude. Le vaccin est décrit comme « potentiellement efficace pour limiter les contaminations ». « Potentiellement » signifie « d’une façon qui est plausible ou possible ». C’est reconnaître que l’effet troupeau , s’il est espéré, n’est pas avéré.

    La HAS reconnaît que cette protection collective n’est pas certaine . Elle ne fait pas partie des objectifs vaccinaux.

    « Les premiers objectifs du programme de vaccination contre le Sars-Cov-2 seront de réduire la morbi-mortalité attribuable à la maladie (hospitalisations, admissions en soins intensifs et décès) et de maintenir les activités essentielles du pays, particulièrement celles du système de santé pendant l’épidémie. Pour que la stratégie vaccinale vise le contrôle de l’épidémie, il est nécessaire d’attendre que les études établissent la preuve que les vaccins ont une efficacité possible sur la transmission du virus.. » .

    Le Conseil d’État en prend d’ailleurs acte : « L’administration fait néanmoins valoir, d’une part, l’existence d’études récentes invitant à la prudence quant à l’absence de contagiosité des personnes vaccinées, d’autre part, l’incertitude scientifique sur l’immunité conférée par la vaccination en cours à l’égard des variants du virus » .

    Se faire vacciner ou non : retour au sang froid, au bon sens et aux faits

    Petit rappel sur les infections nosocomiales

    Le pionnier dans la découverte et le traitement des maladies nosocomiales, Ignace Philippe Semmelweis , a établi en 1847 le socle de leur prévention. C’est la désinfection et le lavage des mains.

    Toutes ne peuvent être évitées mais il est possible de les réduire fortement. La prévention concerne à la fois les soignants, les patients et les visiteurs. Ce sont les soignants qui sont au cœur de la polémique aujourd’hui. Regardons les recommandations qui les concernent, ainsi que l’explique le Docteur Sandra Fournier , de l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène Direction de l’organisation Médicale et des relations avec les Universités, AP-HP :

    « Les infections nosocomiales ne sont pas toutes évitables mais le respect par tous de règles simples d’hygiène permet de diminuer le risque.

    Les membres du personnel

    • se désinfectent les mains à l’aide de solutions hydroalcooliques avant et après chaque soin,
    • portent des gants en cas de contact avec du sang ou tout autre produit d’origine humaine
    • nettoient et désinfectent le matériel et les surfaces entre chaque patient. »

    Quand elle existe, la vaccination ne figure pas parmi les préconisations systématiques de prévention des maladies nosocomiales. La vaccination contre l’hépatite B est obligatoire pour les professionnels de santé, mais c’est pour protéger… le soignant, d’une maladie autrement plus grave que la Covid.

    La protection des personnes à risque est essentielle. Si un soignant est vacciné mais ne respecte pas les gestes barrière il peut transmettre la maladie. S’il n’est pas vacciné et les respecte, il ne la transmettra pas.

    Si la personne fragile est vaccinée et que le soignant ne l’est pas, elle sera certainement protégée. Si elle n’est pas vaccinée et que le soignant l’est, sa protection est bien plus incertaine.

    En tout état de cause, être vacciné ne dispense pas le professionnel d’appliquer les protocoles de prévention sus-cités. C’est plutôt sur ce terrain là qu’il faut creuser, si la volonté est réellement de diminuer les maladies nosocomiales et pas de culpabiliser les soignants.

    « Toute insuffisance dans l’organisation des soins crée de nouvelles portes d’entrée potentielles d’infection.
    Cinq types d’erreur sont particulièrement lourdes de conséquences :

    • hygiène des mains défectueuse
    • désinfection insuffisante
    • asepsie insuffisante
    • stérilisation inefficace
    • antibiothérapie aveugle. »

    D’abord ne pas nuire

    Le bon sens consiste à faire de la médecine, donc à regarder les indications vaccinales. Cela permet d’apprécier la balance bénéfice/risque. « Le port de la charlotte, du masque ou de la blouse pendant les soins », le lavage des mains n’ont jamais porté tort à personne. Mais aucun vaccin n’est anodin. Leurs effets secondaires existent.

    La maladie est très peu mortelle et il existe des traitement précoces, non validés, mais efficaces. Beaucoup de personnes n’ont aucun risque de décéder de la maladie. Pour elles le risque vaccinal est plus important que son bénéfice.

    La profession de soignant comprend implicitement l’acceptation de risques pour sa vie. Il n’est cependant pas éthique d’imposer un risque vaccinal certain, même faible, à des personnes pour qui le risque vital lié à la maladie est nul. Surtout si c’est pour, peut-être, éviter un risque « potentiel » à des personnes fragiles.

    Cette prise de risque ne peut être que librement consentie. Ces personnes fragiles peuvent être protégées bien plus efficacement par d’autres moyens qui ne portent tort à personne : respecter les préconisations pour éviter les infections nosocomiales, les gestes barrière, vacciner celles qui le souhaitent, traiter précocement en cas d’infection .

    Se faire vacciner ou la liberté de disposer de sa personne

    Cela comprend son corps, son esprit, son libre arbitre. Le libre arbitre permet de dire Non. Ce Non doit être respecté. Nul, pas même l’État, ne peut imposer à autrui une action qui pourrait altérer son intégrité physique ou psychique. Nul, pas même l’État, ne peut détruire le libre arbitre de quelqu’un.

    « Personnalité, Liberté, Propriété, — voilà l’homme. » Frédéric Bastiat, La Loi (1848).

    Toute atteinte à la personne lui nie son humanité, la chosifie.

    L’atteinte à la liberté de quelques-uns détruit celle de tous.

    « Quand ils ont détruit le libre arbitre des restaurateurs, je n’ai pas protesté, je ne suis pas restaurateur,
    Quand ils ont détruit le libre arbitre des sportifs, je n’ai pas protesté, je ne suis pas sportif,
    Quand ils ont détruit le libre arbitre des soignants, je n’ai pas protesté, je ne suis pas soignant,
    Quand ils ont détruit mon libre arbitre, il n’y avait plus personne pour protester. » (inspiré par le poème de Martin Niemöller à Dachau).

    L’État totalitaire

    La société que les politiciens ont créée depuis des années est une société infantilisante. Avec gestion de la Covid l’infantilisation atteint des sommets. Les individus sont considérés comme des enfants irresponsables, incapables de prendre une bonne décision. Il sont de plus présentés comme caractériels et capricieux, opposants par principe, des « Gaulois réfractaires ».

    De même que les enfants sont sous la responsabilité de leurs parents, les Français, ces grands gamins, doivent être sous la tutelle de l’État . Au prétexte de la Covid, l’État dispose de leur personne, aliène leur propriété, détruit leur liberté.

    C’est du totalitarisme.

    Le propre du totalitarisme est de régner par la peur. Gouverner la France par la peur c’est la trahir. Honte à ceux qui gouvernent par la peur.

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      Covid, confinement : il était une fois la Suède

      Gabriel Lacoste · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 March, 2021 - 04:45 · 5 minutes

    Suède

    Par Gabriel Lacoste.

    Cette pandémie est l’occasion rêvée d’histoires faciles à raconter à la cafétéria. Certains se démarquent en étant plus informés que d’autres des arguments à la mode. Et pourtant, ils se trompent…

    La Suède est un bon exemple de conversation typique.

    Un sceptique avance que toutes les mesures ne servent à rien. Un petit futé qui consulte des reportages accrédités lui répondra, au choix, qu’il y a dix fois plus de morts par habitant qu’en Norvège, au Danemark ou en Finlande ; que la Suède vient juste d’admettre son échec en adoptant des mesures plus sévères ; que les Suédois sont naturellement distants et plus disciplinés.

    Le plus informé de tous, celui qui consulte des revues comme Nature , The Lancet , The British Medical Journal , JAMA network ou Science peut même aller jusqu’à dire, citation à l’appui qu’ une étude a prouvé que les mesures sévères fonctionnent.

    La discussion s’arrêtera là et le sceptique sera rabroué. Et pourtant…

    Un peu d’épistémologie

    En épistémologie , le concept de faillibilisme proposé par Karl Popper apporte un autre éclairage. Selon lui, la meilleure méthode n’est pas celle qui compile le plus grand nombre de faits en faveur d’une hypothèse, mais celle qui cherche des moyens efficaces de la contredire et qui échoue à le faire.

    La pratique scientifique réelle, publiée dans les revues prestigieuses, ignore souvent ce conseil. C’est ainsi que les « études » disponibles vont s’appuyer la plupart du temps sur des observations corrélationnelles de pays qui adoptent tous la même approche, en lui ajoutant des calculs mathématiques opaques au public. Or, ce que la logique de Karl Popper exige , c’est plutôt de s’attarder aux quelques pays marginaux qui ne le font pas, pour vérifier si le résultat est différent.

    À cet effet, John Ioannidis est, parmi d’autres, un opposant et épidémiologue crédible face à la folie sanitaire. Dès 2005, il avait publié « une étude » expliquant pourquoi la plupart d’entre elles sont fausses . Ce n’est pas un hasard si c’est lui, le sceptique.

    Voilà pourquoi comparer la Suède aux autres pays européens est scientifiquement beaucoup plus pertinent que ce que le plus érudit de tous réussit à trouver dans The Lancet .

    La performance de la Suède

    Une partie du public pense que la situation épidémiologique de la Suède est catastrophique comparée aux autres pays. Par exemple, l’Allemagne est très bien perçue. Lors d’une joute intellectuelle sur Facebook, quelqu’un m’avait répondu que la Suède déplorait cent fois plus de décès que les autres pays.

    Pourtant, la réalité est la suivante :

    La performance de la Suède est donc comparable à celle d’autres pays européens importants. Voilà un fait qui mérite l’étonnement , sentiment à l’origine de la meilleure science.

    La Suède a durci ses mesures

    À ce stade de la discussion, les journalistes et militants favorables à la sévérité sanitaire ont des réponses toutes prêtes, comme celle consistant à évoquer une Une sensationnelle du style « ils viennent de comprendre leur erreur et changent d’approche. »

    Pourtant, celui qui lit attentivement cet article constatera que la Suède n’a pas imposé de confinement, les restaurants sont encore ouverts et les masques sont obligatoires seulement dans les transports en commun. Lorsque les autorités durcissent les mesures, il s’agit de contraindre les restaurants et les bars à une fermeture à 21 h 30 et d’élargir la durée du port du masque dans les transports en commun. Bref, l’approche suédoise est toujours légère.

    L’argument est pertinent seulement dans une logique binaire . La Suède ne peut pas être citée pour prouver l’inutilité de toutes les mesures, puisqu’elle en utilise certaines. Cependant, sur le spectre de la sévérité , le pays est davantage attaché à la liberté.

    La Suède fait pire que ses voisins

    La comparaison avec la Norvège, la Finlande et le Danemark relève d’un contre- argument simpliste.

    Il se résume sur la carte et le graphique suivant :

    Les autres pays scandinaves ne sont pas plus sévères que la Suède sur le plan sanitaire. Aucun d’entre eux n’a imposé un confinement.

    Ensuite, en suivant l’évolution d’un index de sévérité des mesures, il apparaît que la Suède a été le pays le plus sévère des quatre (et non, les autres n’ont pas un meilleur contrôle aux frontières, car c’est un exemple de mesure mieux ciblée et donc plus légère) !

    La culture suédoise est différente

    Les Suédois seraient naturellement distants et disciplinés.

    Le niveau de la discussion n’est pas scientifique, mais anecdotique. Nous sommes plutôt sur un argument du style « je connais un gars qui est allé en Suède et il a trouvé que… »

    Un moyen simple de contredire cette hypothèse est de citer l’exemple de régions ou États ayant adopté des mesures plus souples.

    Il y a la ville de Madrid vs le reste de l’Espagne :

    Il y a la Floride vs la Californie et New-York :

    S’il n’y avait que la Suède à citer en exemple, nous pourrions toujours accorder une crédibilité à l’hypothèse culturelle. Cependant, les habitants de Madrid ne diffèrent pas des Espagnols, pas plus que les Floridiens des Californiens.

    La morale de l’histoire

    Qu’est que tout cela signifie ? Au royaume de la bien-pensance, c’est la paresse qui règne. Celui qui veut être un champion de karaté étudiera les mouvements d’une ceinture noire et non ceux d’une ceinture blanche. Celui qui passe son temps à chercher à combattre avec plus faible que lui ne progressera jamais.

    Dans une joute intellectuelle, c’est la même chose. Celui qui se tient informé des arguments à la mode diffusés par les médias réputés, puis passe son temps à les répéter, se la joue facile. Il ne s’efforce jamais d’aller à la découverte de ceux qui s’informent à davantage de sources que lui, puis réfléchissent de façon critique.

    Voilà la paresse intellectuelle. Elle nous domine.

    Le comble a été atteint, cette semaine, au Québec. Devant des journalistes, le Premier ministre s’est vanté naïvement de faire fi des avis de son conseiller scientifique et de se baser sur ce qu’il apprend en consultant CNN. Il n’a pas saisi le ridicule de cette confidence. Et personne pour le lui faire remarquer…

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      Restrictions sanitaires : la France s’enlise, le Texas se libère

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 4 March, 2021 - 10:04 · 4 minutes

    Texas

    Par Frédéric Mas.

    Pendant que toute la France attend de l’intervention de Jean Castex prévue ce soir de nouvelles restrictions sanitaires liées à la crise covid , le Texas a décidé de les lever et de mettre fin au port du masque obligatoire.

    Le gouverneur de l’État américain Greg Abbott a en effet annoncé mardi que le Texas était de nouveau 100 % ouvert, et que « les gens et les entreprises n’ont plus besoin que l’État leur dise comment fonctionner » . Dès la semaine prochaine, les mesures seront effectives, et tous les commerces seront libres de rouvrir complètement.

    Dans les comtés 1 où le taux d’hospitalisation reste élevé, c’est-à-dire où le nombre de patients atteints du covid atteint 15 % de la capacité d’hospitalisation, les autorités locales auront le droit de limiter l’activité commerciale, à condition que le plafond ne soit pas inférieur à 50 %.

    Si le masque n’est plus obligatoire, cela ne signifie pas que M. Abbott l’estime inutile, bien au contraire. « Les individus sont fortement encouragés à se couvrir le visage lorsqu’il n’est pas possible de maintenir les distances sociales entre personnes ne faisant pas partie du même ménage » a-t-il déclaré. Les Texans n’encourent plus de poursuites en cas de non-port du masque. Désormais, c’est aux individus de prendre leurs propres dispositions pour se protéger de l’épidémie.

    L’opposition démocrate, Joe Biden en tête, a vertement critiqué l’initiative du républicain Abbott, et appelle à ignorer ses déclarations. « Les masques font la différence… La dernière chose dont nous avons besoin est une pensée de Néandertal » a même déclaré le président des États-Unis , transformant au passage les propos du gouverneur. Il faut croire que l’homme de Néandertal est plus respectueux des libertés individuelles et moins accoutumé au paternalisme étatique qu’Homo Sapiens Democratus.

    En Europe, on déconfine ou on se prépare à déconfiner. Angela Merkel a annoncé mercredi que l’Allemagne allait s’engager à assouplir les restrictions sanitaires par étapes. Le plan de déconfinement progressif se mettra en place d’ici le 8 mars prochain. Autour de nous, l’Espagne, l’Italie ou la Suisse rouvrent leurs secteurs fermés et revoient leurs mesures sanitaires.

    Alors que la campagne vaccinale française était censée nous laisser entrevoir le bout du tunnel, il y a quelques mois, le gouvernement, prisonnier de l’immobilisme du « en même temps » hésite entre reconfinement et statu quo .

    Ce mercredi, le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal a déclaré à la sortie d’un conseil des ministres un hypothétique retour à la vie normale « mi-avril » , même si entretemps auront lieu « des semaines de gros temps » . Le couvre-feu dure depuis des mois, on reconfine le Pas-de-Calais, après Nice et Dunkerque, tout en épargnant Paris et sa proche banlieue, et cela malgré les messages de la mairie de Paris (qui a rétropédalé depuis et s’est lancée dans une campagne de communication tous azimuts pour dire tout et son contraire sur le sujet).

    La vaccination n’avance pas, les restrictions sanitaires sont toujours là, et l’épidémie demeure. Mais la France sera prête en avril, sans doute par l’opération du Saint Esprit.

    Depuis quelques semaines, le conseil scientifique de Macron s’est effacé. Quelques esprits de bon sens commencent à relativiser la pertinence du système de mesures prises pour justifier l’autoritarisme sanitaire triomphant qui est toujours en train de sacrifier nos libertés et notre jeunesse .

    La classe politique française semble avoir repris la main mais navigue à vue, ballottée entre les demandes de reconfinement comme de déconfinement. La campagne vaccinale continue de s’enliser dans les méandres bureaucratiques de notre modèle social franco-français, et le gouvernement n’a à ce jour aucun plan et aucun courage pour sortir le pays de la situation liberticide dans laquelle il est enlisé.

    Quelle différence avec le Texas, qui apparaît comme le contre-modèle français ! Le modèle texan repose sur la liberté individuelle et accepte la prise de risque, le modèle français vénère le collectivisme politique et a fait du principe de précaution sa religion séculière.

    1. L’État du Texas, qui compte 28 millions d’habitants, se subdivise en 254 comtés, équivalents de nos municipalités locales.
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      Covid-19 : l’OMS trace des perspectives, la France est sur la touche

      Pierre Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 4 March, 2021 - 04:30 · 9 minutes

    oms

    Par Pierre Robert.

    « Il serait très prématuré et je pense irréaliste de penser que nous allons en finir avec ce virus d’ici la fin de l’année » . C’est ce que vient de déclarer Michael Ryan, le directeur des opérations d’urgence de l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.).

    Contre la Covid pas de victoire rapide en vue selon l’OMS

    Le monde est donc loin d’avoir tourné la page d’une pandémie qui a déjà fait plus de 2,5 millions de victimes à l’échelle de la planète. Au passage, les chiffres disponibles montrent qu’à ce stade, la Covid a causé davantage de morts par habitant en France qu’au Brésil, pays dont on a tendance ici à moquer les médiocres performances sanitaires (un décès pour 816 habitants contre un pour 779 dans l’Hexagone).

    Les objectifs raisonnables que l’OMS fixe aujourd’hui à ses membres sont de maintenir la transmission du virus à un niveau bas, d’aider à prévenir l’apparition de variants et de réduire le nombre de personnes contaminées. Selon Michaël Ryan, c’est la vaccination du personnel de santé et des plus vulnérables qui permettra de « retirer la peur et la tragédie de la pandémie » . Si ce responsable est convaincu que 2021 ne sera pas l’année où le monde vaincra la Covid-19, il estime en revanche que « ce avec quoi nous pouvons en finir, si nous sommes intelligents, ce sont les hospitalisations, les morts et la tragédie associées à cette pandémie. »

    Encore faut-il « être intelligents » et réactifs. Les recommandations de l’OMS sont de se focaliser sur les deux grands axes de lutte contre le virus que sont les gestes barrières et les campagnes de vaccination. Pour que cela fonctionne il faut aussi pouvoir s’appuyer dans chaque pays sur la capacité du système hospitalier à recevoir ceux qui tombent malades.

    Atteindre de tels objectifs peut être difficile pour un pays pauvre mais devrait être à la portée d’un pays riche et développé. Ce n’est pourtant pas le cas de la France confrontée à la saturation de ses hôpitaux et à des demandes répétées de mise sous cloche qui étoufferaient encore un peu plus son économie et les libertés de sa population.

    Or, celle-ci est déjà soumise depuis de longs mois à la pression plus ou moins appuyée d’une sorte de garrot qui l’étrangle sans pour autant laisser entrevoir la fin du supplice.

    Reste à comprendre pourquoi.

    Une défaite bizarre mais pas vraiment étrange

    Depuis le départ la « stratégie » française est dictée par un seul objectif : garantir que ceux qui tombent malades puissent être accueillis à l’hôpital. Or, la capacité de réaction de notre système de santé a été sérieusement affaiblie par les 35 heures et par la prolifération de l’armée de bureaucrates qui le contrôle ; elle représente désormais 30 % de ses effectifs au détriment du personnel soignant.

    En découle inéluctablement une séquence inefficace de stop and go :

    Lorsque le nombre de cas devient élevé, des mesures restrictives (couvre-feu, puis confinement) sont imposées ; lorsque le nombre de cas est redevenu faible, ces mesures sont levées, en conséquence de quoi, après un certain temps, le nombre de cas remonte et les mesures restrictives sont de nouveau imposées – Philippe Aghion, Patrick Artus – Le Monde , tribune du 24 février 2021

    Cet échec global se décline en un grand nombre d’échecs spécifiques :

    • incapacité du pays de Pasteur à mettre au point un vaccin ,
    • lenteur de la campagne de vaccination alors que nous sommes supposés être en guerre contre le virus,
    • défaillances de notre système de santé hospitalo-centré qui veut tout régir et tout contrôler,
    • carences de la logistique que ne maitrise pas une administration dont la principale compétence est de produire de la norme.

    De ce fait, le retard de la campagne de vaccination est de plus en plus criant. Soixante jours après son lancement, à peine trois millions de personnes sur 67 millions d’habitants sont partiellement protégées par une première injection et parmi elles, un peu plus de la moitié seulement, soit 1,6 million, a eu les deux doses.

    À titre de comparaison, le 1er mars plus de 5 millions d’Israéliens avaient reçu une première injection et 3,7 millions les deux dans un pays sept fois moins peuplé que le nôtre.

    Plus proche de nous, le Royaume-Uni a un taux sept fois supérieur pour une population comparable.

    Aux États-Unis , alors que 78 millions de doses ont déjà été administrées, le Président a annoncé le 2 mars qu’à la fin du mois de mai il y aurait suffisamment de vaccins pour protéger tous les adultes. Son administration vient d’approuver le produit mis au point par Johnson & Johnson et Merck, son rival dont les recherches n’ont pas abouti, lui apporte sans restriction son concours pour le fabriquer, « le type de collaboration qu’on a vu pendant la seconde guerre mondiale » selon Joe Biden.

    Au sein de l’Union européenne dont la stratégie d’acquisition de vaccins a été co-construite par la France, elle est également à la traîne. Grèce et Pologne soumises aux mêmes règles ont un taux de vaccination supérieur au nôtre de 1,5 point. Si la France était au même niveau, un million de personnes supplémentaires auraient pu être vaccinées, par exemple tous les agents de l’Éducation nationale. Allemagne et Espagne nous dépassent aussi largement

    Tous ces échecs étalent au grand jour les faiblesses structurelles du pays suradministré et sous gouverné.

    Des faiblesses structurelles mises à nu par la crise sanitaire

    Elles expliquent en premier lieu notre incapacité à trouver rapidement un vaccin efficace, ce qu’a clairement mis en évidence une note récente du Comité d’Analyse Économique (CAE) au titre révélateur : « Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français ? »

    On y retrouve toutes les faiblesses du contre-modèle français.

    Entre 2010 et 2019, la recherche française en santé a régressé en passant à côté de l’essor des biotechnologies. Cette décennie a été perdue pour l’innovation en l’absence de coopération efficace entre les universités et l’industrie, deux univers que séparent une profonde méfiance réciproque. Ce critère fait l’objet d’un classement de la banque mondiale : la France y figure en 35ème position alors qu’en tête du classement se trouvent les États-Unis avec le tandem Harvard/Moderna, le Royaume-Uni où Oxford a su tisser des liens étroits avec Astra Zeneca et l’Allemagne où Mayence a su unir ses efforts à ceux de Bion Tech/Pfizer.

    Autre élément décisif, alors que les dépenses de transfert n’ont cessé de progresser, les crédits de la recherche en santé ont été diminué. Entre 2011 et 2018 ils ont baissé de 28 % alors qu’ils progressaient de 8 % aux États-Unis, de 11 % en Allemagne et de 16 % au Royaume-Uni.  Aujourd’hui, deux fois moins de moyens y sont consacrés qu’en Allemagne. On prévoit d’y affecter 25 milliards d’ici à 2030 pour rattraper notre retard, là où l’Allemagne en a annoncé 60 milliards.

    Par ailleurs, le retard de la campagne de vaccination devient dramatique, il est à relier à un système administratif à la fois centralisé et fractionné dont les multiples niveaux se paralysent réciproquement quand ils ne se contredisent pas, mais aussi au corporatisme des professions médicales qui chacune défendent leur pré carré. Les généralistes viennent seulement d’être intégrés au dispositif vaccinal , les pharmaciens ne le sont pas encore.

    Corporatisme, méfiance, suradministration , dilution des responsabilités, 35 heures, niveau trop élevé des dépenses sociales : ce sont autant de points faibles que dénoncent depuis longtemps les libéraux mais que la crise sanitaire a mis au premier plan et auxquels il va bien falloir s’attaquer pour la surmonter

    Les voies du sursaut

    Dans l’immédiat et pour revenir aussi vite que possible à une vie économique et sociale normale, il est indispensable d’accélérer fortement le calendrier des vaccinations et à cette fin de se procurer des vaccins en ne négligeant aucune source. Cela suppose de créer une task force de vaccination capable de contourner les verrous bureaucratiques qui freinent le processus.

    Pour s’approvisionner rapidement en vaccins dans les quantités appropriées, il devient aussi urgent de changer de cap en s’inspirant des pays de l’Union européenne qui ont décidé de ne plus dépendre exclusivement d’elle pour les obtenir.

    D’ores et déjà la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne font appel à la Russie et à la Chine.

    Quant à l’Autriche, son chancelier a dénoncé le 1er mars les dysfonctionnements de l’Agence Européenne du Médicament, « trop lente pour approuver les vaccins » , ce qui conduit « à des goulots d’étranglement » dans la chaine de production. Il a annoncé que son pays travaillerait désormais avec Israël pour produire des doses de vaccin de deuxième génération. Le Danemark a décidé de lui emboiter le pas.

    Plus discrets plusieurs autres dirigeants des pays de l’UE accusent en coulisses la Commission de ne pas avoir anticipé les besoins en matières premières nécessaires à une production de masse. La Commission répond en attribuant la responsabilité des retards dans la campagne de vaccination à la diversité des structures administratives des États membres qui freinent les opérations.

    La France, championne toute catégorie de la surinterprétation des normes et du principe de précaution , est ici particulièrement visée. Il est pour elle devenu crucial de retrouver un minimum d’agilité pour faire face à la crise sanitaire en cours et à celles qui pourraient survenir demain.

    Si notre pays ne parvient pas à obtenir rapidement une couverture vaccinale satisfaisante, sa population en souffrira en effet doublement. Au plan interne elle sera lentement asphyxiée par les mesures de stop and go dont on ne parviendra pas à s’affranchir, ce qui pourrait conduire à une explosion sociale. Vis-à-vis de l’extérieur, ses ressortissants ont toutes les chances d’être mis au ban des nations et empêché de se déplacer lorsque, grâce à la vaccination, les autres pays auront considérablement réduit la circulation du virus et s’approcheront de l’immunité collective.

    Ne restera plus alors qu’à subir l’humiliation des blâmes que l’OMS ne manquera pas de décerner au pays.

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      Alpes-Maritimes : reconfinement partiel et nouvelles restrictions sanitaires

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 22 February, 2021 - 11:51 · 4 minutes

    Alpes-Maritimes

    Par Frédéric Mas.

    Le Préfet des Alpes-Maritimes Bernard Gonzalez a pris la parole ce midi pour confirmer ce que tout le monde savait déjà : de nouvelles mesures de restrictions sanitaires vont être prises pour faire baisser le taux d’incidence du covid-19 anormalement élevé dans la région, dont le reconfinement partiel d’une partie de la région.

    En plus d’une intensification de la campagne vaccinale, qui va se traduire par 4500 vaccins Pfizer de plus que les 90 000 prévus en mars, et la livraison « massive » de vaccins AstraZeneca, monsieur Gonzalez a également annoncé de nouvelles limitations à la liberté de commercer et de circuler.

    Pour le Préfet, le problème vient du brassage lié aux activités commerciales, et nécessite donc d’en freiner l’activité par la fermeture des centres et galeries marchandes de plus de 5000 mètres carré, priés de faire du click and collect pour y survivre.

    Le littoral urbain est reconfiné pour les deux semaines qui viennent à compter de vendredi prochain, à partir de 18 heures jusqu’au lundi matin 6 heures, sauf dérogations et attestations individuelles comme ce fut le cas pour le premier confinement. Le beau temps revenait, et avec lui les touristes, il fallait que ça cesse.

    Le masque obligatoire est généralisé dans les grandes zones urbaines, la musique « amplifiée » ainsi que la consommation d’alcool interdites et les contrôles aux frontières resserrés. Paradis sanitaire et sécuritaire se confondent donc.

    Les élus locaux comme le préfet s’étaient accordés sur l’aspect « dramatique » de la situation humanitaire et sur la « nécessité d’éviter à tout prix que les personnes entrent dans le département ou que les Niçois et Maralpins puissent quitter le département » , rapporte FranceInfo .

    La panique sanitaire qui s’est emparée des décideurs politiques va donc très concrètement atteindre la région au moral et au portefeuille en décourageant politiquement le tourisme, hier source de prospérité, aujourd’hui d’angoisse. La mesure se ferait sur fond de morosité générale des Français et dans un climat de défiance à l’endroit des politiques publiques encore jamais atteint en situation de crise sanitaire.

    Un sondage Cevipof publié ce matin indique que 41 % des personnes interrogées sont lasses de la situation, soit une hausse de 13 % par rapport à la dernière évaluation du Baromètre de confiance proposée par l’institut de sondage. 59 % des sondés se défient de l’exécutif.

    Le retour du demi-confinement ?

    Déjà, ce week-end, les propositions de mesures liberticides et à l’efficacité tout à fait contestable ont fusé. On avait déjà évoqué la possibilité de reconfiner partiellement le week-end, en plus du couvre-feu, pour ralentir la circulation du virus, comme pour tester auprès de l’opinion l’acceptabilité sociale des règles déjà présentes dans tous les esprits des élus et des bureaucrates.

    Mais la peur du Covid ne fait pas seulement trembler à Nice et à Antibes. D’autres élus locaux réclament leur confinement et se plaignent que l’État ne boucle pas d’office les populations pour faire face au virus.

    Ainsi, le maire de Metz en Moselle en appelle aussi au reconfinement de sa ville. François Grosdidier s’est en effet agacé de l’« incohérence » de l’État , qui envisage de reconfiner Nice mais pas Metz, alors que la situation sanitaire de cette dernière serait largement comparable, en particulier après l’arrivée des variants brésilien et sud-africain. L’autoritarisme au sommet s’alimente ainsi de la peur à la base.

    Ces voix qui en appellent au repli et au confinement semblent confirmer les chiffres du sondage Cevipof sur le recul de la confiance générale des Français envers tout ce qui ne vient pas de leur famille ou de leurs voisins, et qui semblent préférer les institutions politiques locales aux instances nationales.

    L’efficacité sanitaire d’un reconfinement partiel est loin de faire consensus parmi les scientifiques et les praticiens du soin. Confiner totalement est insoutenable sur le plan des principes éthiques, celui des libertés publiques, comme sur celui pratique de la vie économique.

    Placer le curseur à échelle locale plutôt qu’à échelle nationale changerait-il la donne ? Accentuer le couvre-feu, comme l’a proposé Olivier Véran, fera-t-il autre chose que désorganiser une population qui déjà ne comprend plus la cohérence des mesures sanitaires étatiques et doit endurer des privations de liberté plus ou moins durables ?

    Comme l’observait déjà Jonathan Frickert dans Contrepoints en octobre dernier : « En voulant lisser dans le temps le nombre de patients en réanimation, le gouvernement procède à un dépeçage en règle de la vie économique et sociale de ce pays, avec des conséquences que beaucoup ne parviennent pas encore à mesurer. »

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      Face à la résurgence du tout collectif, revenir aux leçons de Jean-François Revel

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 22 February, 2021 - 04:35 · 9 minutes

    collectif

    Par Matthieu Creson.
    Un article de l’Iref-Europe

    La crise du Covid-19 aura remis au premier plan de nos sociétés les valeurs du tout collectif. Le 15 octobre 2020, Emmanuel Macron déclarait ainsi :

    On s’était progressivement habitués à être une société d’individus libres, nous sommes une nation de citoyens solidaires.

    Remarquons ici deux choses : la substitution du mot citoyen au mot individu ; l’opposition apparente entre liberté et solidarité.

    La crise du Covid nous aura conduits à porter à nouveau aux nues les valeurs de la seule collectivité

    Depuis la conférence prononcée en 1819 par Benjamin Constant, « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes », on sait pourtant que l’individu moderne, s’il est en effet un citoyen, ne se réduit pourtant nullement à celui-ci : sa liberté ne réside en effet pas uniquement dans la possibilité pour lui de participer aux débats de la Cité, mais dans son aptitude à s’affranchir des grands desseins collectifs pour exercer son autonomie propre et se rendre ainsi le plus possible maître de sa propre existence.

    Faut-il donc croire que la crise du Covid-19 nous fera revenir plus de 200 ans en arrière en nous conduisant à ne plus pouvoir penser l’être humain autrement que comme simple atome social et politique ?

    Quant à la solidarité , celle-ci présuppose au contraire la liberté des individus : ne méritent vraiment d’être qualifiés de solidaires que les comportements d’individus décidant librement de s’entraider, de se porter mutuellement assistance lorsque les circonstances l’imposent.

    Nous voyons donc que la crise du Covid-19 s’est accompagnée d’un retour à l’exaltation des valeurs collectivistes au détriment des valeurs individuelles . Elle nous aura ainsi fait oublier la grande leçon qui avait tout d’abord semblé devoir s’imposer à nous après plus de 2500 ans d’histoire de l’Occident : à savoir que la civilisation que nous avons bâtie au fil des siècles, assise sur la démocratie, la science moderne et le capitalisme, avait peut-être principalement pour but la libération de l’individu.

    Les totalitarismes, les collectivismes du XXe siècle avaient justement tenté de contrecarrer cette aspiration de l’individu à l’autonomie personnelle, pour la remplacer par un mortifère désir de soumission envers le seul pouvoir politique. Les totalitarismes ayant été à jamais discrédités et balayés par l’histoire du XXe siècle, on avait cru que l’individu allait enfin pouvoir s’épanouir durablement dans une société qui le laisserait être libre de ses propres choix et acteur de sa propre destinée.

    Eh bien voilà que la survenue d’une crise sanitaire, certes grave, voilà maintenant un an, semble avoir remis en cause cet héritage essentiel qui est pourtant à la base même de notre civilisation moderne.

    « Il incombe à la politique de débarrasser l’homme de la politique »

    Cette leçon sur le sens de notre civilisation, Jean-François Revel (1924-2006) l’a rappelée dans plusieurs de ses écrits. On peut par exemple lire dans sa préface à la traduction française du livre de Dinesh D’Souza What’s so great about America – Pourquoi il faut aimer l’Amérique en français (Paris, Grasset, 2003) :

    Outre le développement économique, scientifique et démocratique, ce qui caractérise la civilisation moderne, c’est la libération de l’individu. (page 17)

    Dans Le Regain démocratique (Paris, Fayard, 1992), Revel va même jusqu’à écrire :

    Il incombe à la politique de débarrasser l’homme de la politique, ou, pour mieux dire, de lui apprendre à se déterminer par lui-même au lieu d’être déterminé par la collectivité. (pages 473-474)

    Cette dernière phrase de Revel, étonnante de perspicacité sur les conditions du bon fonctionnement de la démocratie libérale, aucun commentateur n’oserait aujourd’hui l’écrire, tant la crise du Covid nous aura conduits à porter à nouveau aux nues les valeurs de la seule collectivité.

    Ainsi les professionnels de la politique semblent-ils avoir renoué avec leurs rêves ancestraux de définir et de mettre en œuvre un programme régissant le fonctionnement de l’ensemble de la société, société dans laquelle l’individu n’a plus d’autre raison d’être que de se conformer, bon gré mal gré, au rôle social qui lui est imparti par le pouvoir politique.

    Nos dirigeants et collectifs médico-sanitaires – ces derniers ayant été omniprésents dans les médias depuis presque un an – nous proposent ainsi un nouvel idéal hygiéniste , à la réalisation duquel les individus sont tenus d’œuvrer collectivement. Entendons-nous bien : par sa gravité, la crise actuelle doit certainement nous conduire à modifier rationnellement, pour une durée déterminée, certains de nos comportements individuels habituels.

    Reste qu’elle ne devrait pas permettre aux inconditionnels surmédiatisés du tout-sanitaire d’imposer aussi facilement à la société tout entière leur nouvel idéal de santé publique, pour bien intentionné qu’il se voulût. Car rappelons-nous que vouloir à tout prix faire advenir le Bien peut aussi finir par causer beaucoup de mal.

    Ils veulent confisquer notre liberté, notre autonomie de jugement et notre capacité à nous montrer responsables

    Nous touchons ici sans doute à l’une des clefs de l’extraordinaire soumission du politique au médical de par le monde depuis le début de la crise sanitaire : ne pouvant sans doute concevoir qu’il soit possible de faire de la politique sans proposer d’idéaux collectifs, nombre de dirigeants en exercice s’en sont alors remis à une certaine classe médico-sanitaire, qui semble avoir décidé quasiment à elle seule du sort de nos sociétés : confinements, couvre-feux, fermetures de commerces déclarés non essentiels , des restaurants, des théâtres, des cinémas, des musées, autant de mesures prises pour lutter contre la crise sanitaire, « quoi qu’il en coûte » .

    Il fallait en effet écouter les médecins , mais il fallait aussi à l’évidence donner davantage la parole aux autres acteurs de la société civile (économistes, entrepreneurs, innovateurs, commerçants, travailleurs, etc.), et ne pas laisser certains professionnels de la santé confisquer notre liberté, notre autonomie de jugement et notre capacité à savoir nous montrer responsables en tant qu’individus .

    La soumission du politique au médical durant la crise du Covid s’explique ainsi peut-être en partie par une certaine incapacité que nous avions déjà depuis longtemps à accepter l’idée que la société ne doit plus s’attacher à dicter à l’individu la conduite que celui-ci devrait adopter.

    Ici encore, relisons Revel dans Le Regain démocratique :

    C’est une erreur de reprocher à la société libérale de ne plus proposer d’idéal. C’est justement là sa noblesse, et même son but. L’individu a besoin que la société lui propose un idéal lorsqu’il est incapable de s’en proposer un à lui-même. Ce n’est alors pas un adulte, ce n’est même pas un adolescent. (pages 473-474)

    Les politiques n’ont pas à proposer un idéal collectif, sanitaire ou autre, aux individus : ils doivent pouvoir leur garantir le respect de leurs droits fondamentaux afin qu’ils soient en mesure de réaliser leur propre idéal.

    En d’autres termes, il ne devrait y avoir d’idéaux dans une société moderne que ceux que les individus se proposent à eux-mêmes d’accomplir : la tendance persistante des États à l’infantilisation des individus vient précisément de ce fait qu’il leur est toujours difficile d’accepter une fois pour toutes que seuls les individus sont fondés à tenter de mettre en œuvre les idéaux qu’ils se sont forgés.

    Il appartiendrait donc plutôt aux politiques en temps de crise comme celle que nous vivons d’émettre des recommandations et de garantir le libre accès des personnes à l’information, à toute l’information, et non pas uniquement à celle qui relève d’un certain politiquement ou sanitairement correct, qu’il est de bon ton de véhiculer dans la société.

    « C’est la démocratie qui permet à l’homme libre de naître, mais c’est l’homme libre qui permet à la démocratie de durer »

    La crise sanitaire actuelle ne doit pas non plus nous amener à occulter le caractère déterminant de l’éducation de l’individu, dans le sens d’accès à l’indépendance intellectuelle et culturelle.

    C’est encore ce que nous rappelle Revel dans le même passage déjà cité du Regain démocratique :

    La condition du bon fonctionnement de la démocratie et de sa solidité, c’est cette accession du citoyen à l’autonomie personnelle, autrement dit à la culture comprise comme capacité de se conduire tout seul… »

    Certes, en écrivant ces lignes en 1992, Revel l’exemple d’une pandémie sous les yeux. Reste que la vraie question est de savoir si, au nom de la lutte légitime contre une épidémie aux conséquences indéniables, nous devons accepter d’abdiquer aussi facilement en tant qu’individus nos aspirations et notre autonomie personnelles pour nous fondre dans une nouvelle masse guidée par une sphère politico-médicale qui entend œuvrer au nom d’un même idéal collectif.

    Tranchant sur les propos couramment colportés par cette dernière concernant les vertus supposées de l’idéal collectif du tout médical et du sanitairement correct, cette autre citation de Revel semble ainsi retrouver toute sa pertinence dans le contexte mondial actuel :

    Ce sont les politiques professionnels qui veulent nous faire croire que seul le collectif importe, parce qu’ils redoutent de perdre leur champ d’action. C’est quand les sociétés s’enfoncent dans les tempêtes et les utopies que l’homme retombe au rang d’atome impersonnel, balloté par des forces qui le noient dans l’uniformité, l’écrasent et décident de son destin à sa place.

    Mais quoi de plus ennuyeux que ces grands mélodrames de l’abrutissement grégaire ? Où voit-on davantage les hommes se ressembler entre eux et psalmodier plus de sottises identiques, inventées par d’autres ?

    Il n’est pas de démocratie durable sans autonomie culturelle des individus, de chacun des individus. C’est la démocratie qui permet à l’homme libre de naître, mais c’est l’homme libre qui permet à la démocratie de durer. (pages 474-475)

    Pour légitime qu’elle puisse donc paraître, la focalisation depuis près d’un an sur la seule santé collective comme nouvel horizon social ne doit donc pas pour autant nous conduire à oublier que notre civilisation se définit avant tout par la place centrale accordée à la liberté et à l’autonomie des individus, lesquelles conditionnent ni plus ni moins la bonne marche de nos démocraties libérales.

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      Ski : la pandémie ne permettra pas forcément de réinventer le tourisme de montagne

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 21 February, 2021 - 04:35 · 8 minutes

    montagne

    Par Hugues François 1 , Carlo Carmagnola 2 , Emmanuelle George 3 , Laura Rouch 4 , Lucas Berard-Chenu 5 , Samuel Morin 6 .
    Un article de The Conversation

    La fermeture généralisée des remontées mécaniques pour les vacances de Noël puis de février a provoqué un choc chez les professionnels du secteur et de nombreux élus des territoires de montagne . Cette décision est d’autant moins bien perçue que certaines destinations hivernales européennes ne sont pas soumises aux mêmes restrictions , alors que la France est parmi les leaders mondiaux dans un secteur très concurrentiel.

    Cette situation exceptionnelle est à lire à l’aune du fonctionnement et de la gouvernance de l’activité économique dans les zones de montagne française. Historiquement, la construction des stations avait pour objectif de participer à l’aménagement du territoire. Dès les années 1960, les pouvoirs publics ont ainsi promu le tourisme hivernal.

    Ce dernier occupe aujourd’hui une place centrale dans l’économie des territoires concernés mais les stations ont connu des dynamiques différenciées . La phase de transition dans laquelle les territoires touristiques sont engagés, motivée notamment par l’effet du changement climatique sur les conditions d’exploitation des domaines skiables , s’opère également de façon différenciée, car tous les territoires n’ont ni les mêmes moyens, ni les mêmes besoins pour répondre à ces enjeux.

    Il est pourtant frappant de constater la gestion uniforme dont ils ont fait l’objet depuis le début de la crise sanitaire. Quel que soit le massif ou le type de station, elles ont toutes été l’objet des mêmes décisions. Cette saison blanche – après une saison 2019-2020 déjà écourtée – aura probablement des conséquences de long terme, plus ou moins marquées en fonction de leur situation touristique initiale, sur les territoires de montagne et leur capacité à relever les défis de la transition .

    Logique de différenciation ou de performance des stations de montagne

    Revenons d’abord sur les différentes formes de développement qu’ont connu les stations de montagne. Dans un contexte concurrentiel, deux grandes méthodes existent pour booster l’attractivité d’un territoire : la logique de différenciation, avec un développement spécifique (par exemple la valorisation des produits locaux) ou la logique de performance, avec un développement générique (comme la pratique du ski alpin).

    Ces deux axes stratégiques sont souvent complémentaires, et les stations les mobilisent à des degrés divers. À une extrémité, il y a les stations d’altitude « disneylandisées » où le ski est devenu le principal moteur du tourisme. À l’autre celles où le ski ne peut être qu’une activité touristique accessoire, un produit d’appel vers le territoire et non son facteur majeur de différenciation. Dans de nombreux cas, les conditions d’enneigement ne garantissent pas que la pratique du ski soit possible chaque année ou toute la saison.

    Cette dichotomie des modes de développement se retrouve également au niveau des stratégies d’adaptation aux impacts du changement climatique : faut-il se diversifier ou fiabiliser l’enneigement ?

    Ces stratégies peuvent paraître concurrentes, notamment vis-à-vis du soutien public au tourisme, mais tout l’enjeu de la transition repose sur leur complémentarité et leur articulation. Cela dépend en grande partie de la place qu’occupe le tourisme hivernal dans les territoires, de son importance pour leur vitalité économique et de son rôle de pourvoyeur de fonds pour les collectivités locales.

    Une gestion de la neige qui s’anticipe

    Le maintien de l’activité d’un domaine skiable est à double tranchant.

    D’un côté, elle peut conforter économiquement la capacité d’adaptation des acteurs privés et contribuer au développement d’activités alternatives.

    De l’autre, il existe un risque de cercle vicieux à continuer d’investir dans les remontées mécaniques : cela peut renforcer l’impératif d’exploitation et de production de neige, ainsi que la nécessité d’optimiser la fréquentation du domaine skiable et donc de freiner la transition vers d’autres activités. La question est ainsi de trouver l’équilibre pour que le maintien des activités existantes concoure à la résilience globale du territoire et ne l’enferme pas dans une trajectoire de développement rigide.

    Les pratiques de gestion de la neige sont en outre assez peu flexibles, car le début d’une saison de ski s’anticipe. Il est d’usage de produire avant la saison touristique une sous-couche de neige, quel que soit l’enneigement naturel à venir. L’exploitation des créneaux de froid, plus rares et moins favorables en avant-saison, accroît le risque d’épuiser la réserve en eau disponible et limite la capacité de réponse future au cours de la saison et l’exploitation de conditions de production plus favorables.

    L’impact des stations de ski sur l’environnement. (Brut, février 2019).

    Du point de vue économique, les coûts de préparation des pistes, dont la production de neige constitue une perte sèche en cas de non-ouverture. Par conséquent, les stations se révèlent plus difficiles à piloter dans l’incertitude. Cela explique en partie l’insistance des exploitants et acteurs du secteur à être informés le plus en amont possible des conditions d’ouverture au cours de l’hiver 2020-2021, dans le contexte de crise sanitaire.

    Malgré les moyens techniques déployés, ils s’inscrivent dans le cadre politique et réglementaire, avec des répercussions en chaîne qui vont peser sur l’avenir de la filière et au-delà.

    Stations de montagne : tout un secteur fragilisé

    La crise aura des impacts à long terme sur la compétitivité des stations de montagne quand on envisage la destination touristique dans sa globalité. Le séjour touristique ne repose pas uniquement sur l’activité de loisir (ski par exemple), mais également sur un ensemble de prestations complémentaires ou connexes, telles que la découverte du terroir, du patrimoine naturel ou culturel, qui contribuent directement à l’attractivité des destinations.

    Ces activités parviendront-elles à surmonter la crise actuelle et si oui, dans quel état ? Les saisonniers seront-ils toujours disponibles ou auront-ils été contraints de changer d’activité ? Les producteurs agricoles seront-ils toujours présents pour fournir les commerces et restaurants locaux ou proposer des produits de terroir ?

    De nombreux acteurs ont souligné « l’opportunité » offerte par la crise pour réinventer le tourisme de montagne . Les prestataires touristiques ont effectivement été très réactifs, en proposant d’autres loisirs pour accueillir les publics présents, dans le contexte d’une demande soutenue d’activités de plein air à la suite des confinements.

    Mais quelle sera la pérennité de cette dynamique ? Comme le montrent les politiques de diversification depuis la fin des années 1990, réinventer le modèle économique des territoires de station ne se conçoit que dans le temps long.

    En second lieu, la question des impacts à long terme se pose également au regard des modalités de commercialisation du produit « ski », et notamment des voyagistes ou hébergeurs. L’achat anticipé de séjours par lot peut représenter une part significative des volumes de vente.

    En contrepartie, ces acheteurs demandent des garanties quant à l’ouverture du domaine skiable. La production de neige a en partie comme objectif d’y contribuer, mais ces partenaires commerciaux des stations seront-ils toujours présents après la crise ou se seront-ils définitivement tournés vers les concurrents internationaux qui auront maintenu l’ouverture des remontées mécaniques malgré le contexte sanitaire ?

    Une perte de ressources pour les collectivités

    Au-delà des conséquences économiques pour le secteur touristique, les collectivités locales risquent d’être fortement touchées par les effets de la crise. Rappelons que les remontées mécaniques sont un service public sous la responsabilité des communes et des départements, qui perçoivent donc une taxe sur la vente de forfaits dite « taxe loi Montagne » .

    Cet apport financier est relativement élevé : variable d’une année à l’autre, le produit de la taxe représente autour de 30 millions d’euros pour 130 communes et près de 10 millions d’euros pour 10 départements comme l’indique un rapport de 2008 de la direction du tourisme . Il contribue non seulement à accompagner et soutenir le développement du tourisme local mais aussi au fonctionnement ordinaire des collectivités.

    Ce manque à gagner aura donc probablement des conséquences sur leur action, voire leur capacité à assumer leurs missions ordinaires et à accompagner les évolutions locales dans le contexte de la transition touristique et territoriale.

    La crise actuelle se répercutera bien au-delà du court terme et des activités directement concernées par les mesures restrictives et les dispositions compensatoires. La menace plane ainsi non seulement sur l’activité dominante des stations de montagne, mais aussi sur les démarches de transition initiées par les territoires.

    Sur le web The Conversation

    1. Ingénieur de recherche tourisme et système d’information, Inrae.
    2. Chercheur en physique de la neige, centre d’études de la neige, Météo France.
    3. Chercheuse en aménagement touristique, Inrae.
    4. Doctorante en géographie et aménagement, Inrae.
    5. Doctorant en géographie du tourisme, à l’Inrae et Météo-France, Université Grenoble Alpes (UGA).
    6. Chercheur et directeur du Centre national de recherches météorologiques (Météo-France – CNRS), Météo France.
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      Chômage en France en 2020 : on n’a encore rien vu

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 19 February, 2021 - 04:40 · 6 minutes

    chômage

    Par Nathalie MP Meyer.

    D’ici quelques années, un journaliste ou un historien curieux qui chercherait à se renseigner sur l’impact économique des confinements anti-Covid en consultant uniquement la liste des taux de chômage en France en 2020 pourrait facilement s’imaginer que ce fut tout au plus l’affaire d’une petite année un peu difficile avec retour à la normale dès les premiers jours de 2021.

    L’INSEE vient en effet de faire savoir qu’après être passé par des bas (7,1 % au second trimestre) et des hauts (9,1 % au troisième trimestre), le taux de chômage en France entière hors Mayotte s’est établi à 8,0 % en moyenne au quatrième trimestre 2020, soit légèrement en dessous de son niveau d’avant-crise sanitaire de 8,1 % à fin 2019 :

    Tout irait-il donc pour le mieux sur le front de l’emploi ? Pas exactement.

    À ce stade, quelques précisions. Le taux de chômage n’est pas la seule façon de rendre compte de l’emploi dans un pays donné. Ce taux est calculé relativement à la population active qui comprend aussi bien les personnes ayant un emploi que les personnes officiellement au chômage. Mais la population active ne représente qu’une partie de la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans selon la définition du Bureau international du travail).

    C’est pourquoi, afin de voir si notre économie utilise judicieusement ses ressources de travail, il est également utile de suivre le taux d’activité qui donne la part de la population active par rapport à la population en âge de travailler et le taux d’emploi qui donne le ratio de la population ayant un emploi sur la population en âge de travailler.

    À noter entre parenthèses que pour la France, même sans parler de la pandémie de Covid, ces taux sont généralement assez médiocres au sein des pays de l’OCDE :

    Taux d’activité, OCDE 2019

    Taux d’emploi, OCDE 4T  2019

    Pour en revenir à la situation particulière de l’année 2020, les deux confinements anti-Covid du 17 mars au 11 mai (huit semaines) puis du 30 octobre au 15 décembre (six semaines) ainsi que les restrictions qui furent maintenues entretemps ont tellement perturbé l’activité économique et le comportement quotidien des personnes que les suivis trimestriels habituels des organismes dédiés aux statistiques de l’emploi peinent à rendre compte de la réalité du choc subi.

    Comme le souligne l’INSEE, la baisse du chômage observée aujourd’hui résulte surtout d’un effet « en trompe-l’œil » qu’on a déjà vu à l’œuvre au deuxième trimestre au moment du premier confinement : de nombreuses personnes ont arrêté de chercher un emploi (ou n’ont pas entrepris de recherche si elles venaient de se faire licencier), soit parce que leur secteur d’activité (transport, culturel, hébergement, restauration, etc.) était mis à l’arrêt, soit parce qu’elles devaient garder leurs enfants, soit parce que la limitation des déplacements ne leur permettait pas d’effectuer les démarches nécessaires.

    Non pas qu’elles ne souhaitent plus travailler, mais du fait des circonstances, elles ont basculé temporairement dans l’inactivité. On constate ainsi logiquement qu’entre fin 2019 et fin 2020, le taux d’activité a baissé de 71,8 % à 71,4 % de la population en âge de travailler et que le taux d’emploi a suivi le même chemin.

    N’apparaissant plus dans la population active, ces personnes n’apparaissent plus non plus dans le taux de chômage, d’où un agréable taux « en trompe-l’œil » de 8,0 % au quatrième trimestre 2020 correspondant à 2,353 millions de chômeurs 1 .

    Voir tableau ci-dessous :

    chômage Sources : INSEE ( Chiffres provisoires Population Chômage 4T 2019 Chômage 4T 2020 ) –
    Note : les données soulignées sont issues des publications de l’INSEE ; les autres données sont calculées à partir des précédentes.

    Seconde parenthèse : on voit dans le tableau que la population française augmente légèrement tandis que la population en âge de travailler diminue. Nulle contradiction à cela. La décomposition par tranche d’âge montre que la croissance se fait uniquement chez les 60 ans et plus, et surtout à partir de 65 ans, tandis que les effectifs des moins de 60 ans sont en baisse :

    chômage Il en résulte que la population active a diminué en 2020 non seulement sous l’effet de la baisse du taux d’activité induit par les confinements comme on l’a vu, mais également du fait du vieillissement de la population. Rien à voir avec la crise actuelle, mais je le signale en passant car c’est un problème que la France devra affronter. Fin de la parenthèse !

    Si les primes à l’embauche des jeunes et les mesures de chômage partiel prises dès le premier confinement ont permis d’amortir la crise, sans compter les prêts garantis par l’État qui aident les entreprises à tenir face aux restrictions sanitaires, l’INSEE constate que l’emploi d’aujourd’hui n’est pas d’aussi bonne qualité que celui d’il y a un an. Le nombre moyen d’heures travaillées par emploi a reculé de 2,2 % sur un an tandis que la part du sous-emploi a augmenté sous l’effet des mesures de chômage partiel.

    Avec la fin du confinement qui redonne une certaine latitude de recherche d’emploi aux personnes qui avaient basculé dans l’inactivité cet automne, il n’est pas du tout exclu qu’on assiste à un rebond du taux de chômage dès ce premier trimestre 2021 exactement comme ce fut le cas au troisième trimestre 2020 après le premier confinement.

    Le phénomène sera d’autant plus amplifié à moyen terme que le « quoi qu’il en coûte » qui porte actuellement des pans entiers de l’activité et de la société à bout de bras prendra forcément fin un jour. L’argent des autres, et en l’occurence celui des générations futures puisque tout passe – pour l’instant – par un surcroît d’endettement public, est certainement très pratique, mais il n’est pas inépuisable, comme le savait fort bien Margaret Thatcher.

    Dans cette incontournable perspective, la leçon de ce taux de chômage revenu ponctuellement à 8 % – ce qui reste de toute façon très haut par rapport à nos voisins néerlandais ou allemands – n’est certainement pas que la France a surmonté brillamment les écueils économiques et sociaux des confinements anti-Covid, mais bien plutôt qu’en fait de crise économique, de faillites et de plans de licenciements, on n’a encore rien vu.

    Sur le web

    1. Il existe un autre suivi du chômage, celui de la DARES, qui compte le nombre d’inscrits à Pôle Emploi. Au quatrième trimestre 2020, il recense 3,8 millions de demandeurs d’emploi en catégorie A (sans emploi) en France entière hors Mayotte. Pour le décryptage des différences avec l’INSEE, voir Chômage : bazar bizarre (mars 2016).