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      Les centres du progrès (29) : Berlin (chute du communisme)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 22 January, 2023 - 04:00 · 11 minutes

    Un article de Human Progress

    Berlin a joué un rôle central dans la chute du communisme et le triomphe du libéralisme. Lorsque le mur qui avait divisé Berlin a été soudainement et joyeusement abattu en 1989, la ville a changé l’histoire de l’humanité.

    Aujourd’hui, Berlin est la ville la plus peuplée de toute l’Union européenne, avec environ 3,8 millions d’habitants. Célèbre pour son histoire, son art, sa musique et ses graffitis, Berlin attire chaque année des millions de touristes ainsi que de nombreux voyageurs d’affaires. L’économie de la ville tourne autour des industries de haute technologie et des services, et la métropole est un important centre de transports.

    Le site où se trouve aujourd’hui Berlin est habité depuis au moins le neuvième millénaire avant J.-C. et de nombreux artefacts tels que des pointes de flèches ont été conservés dans les anciens villages de la région. Au cours de l’âge du bronze et de l’âge du fer, les principaux résidents étaient des membres de la culture lusacienne, un peuple agricole qui préférait incinérer ses morts plutôt que de les enterrer. Diverses tribus ont migré à travers la région et au VII e siècle après J.-C., les peuples slaves peuplaient la région. Le nom de Berlin signifie probablement « marécage » en polonais, une langue slave aujourd’hui disparue.

    La similitude entre le nom de la ville et le mot moderne ours (bär en allemand), ainsi que l’ours figurant sur les armoiries de la ville, ont conduit à une idée fausse selon laquelle la ville porte le nom de cet animal. Le blason a en fait été donné à la ville par un noble connu sous le nom d’Albert l’Ours, qui a pris le contrôle de la région au XII e siècle lorsqu’il a établi le margraviat de Brandebourg en 1157.

    Officiellement fondée en 1237 (mais en fait avant), Berlin a connu deux siècles tumultueux. Malgré un incendie dévastateur en 1380, Berlin a réussi à atteindre une population d’environ 4000 habitants en 1400. Berlin a ensuite subi des dommages considérables pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648) mais s’est à nouveau relevée, connaissant une forte croissance après être devenue la capitale du nouveau royaume de Prusse au XVIII e siècle. En tant que siège du pouvoir prussien, la ville est un centre administratif et entrepreneurial. Des ateliers ont vu le jour et Berlin s’est fait connaître pour ses artisans qualifiés.

    Au XIX e siècle, l’accès limité à l’énergie générée par les roues hydrauliques a contraint la ville à adopter rapidement l’énergie à vapeur. Son exploitation a permis à Berlin de s’industrialiser rapidement et de devenir un important producteur, des vêtements aux produits chimiques en passant par les machines lourdes. La situation centrale de la ville en a fait la plaque tournante du transport ferroviaire en Allemagne et Berlin est rapidement devenue une puissance économique.

    Au fur et à mesure de sa prospérité, la ville est devenue un sanctuaire pour le mouvement romantique allemand, accueillant peintres, musiciens, poètes et écrivains. Le compositeur romantique d’origine autrichienne Franz von Suppé (1819-1895) aurait écrit des paroles qui se traduisent par « Tu es fou mon enfant, tu dois aller à Berlin / où se trouvent les fous / ta place est là-bas « . Si ces paroles (rendues célèbres par une citation dans un film de 1958) sont probablement un ajout ultérieur à une mélodie composée par Suppé, elles n’en reflètent pas moins l’esprit créatif qui s’est emparé de la ville. Berlin a rapidement acquis la réputation d’être un foyer pour les « inadaptés » artistiques venus de tout le continent.

    Au XX e siècle, Berlin a conservé cette réputation, les peintres et cinéastes expressionnistes allemands expérimentant de nouveaux styles dans la ville. Malgré l’instabilité économique et politique croissante de la République de Weimar, Berlin était un centre renommé de vie nocturne et de création pendant les années folles. Les intellectuels de la ville ont également apporté des contributions notables à la science et ses universités ont gagné en importance. Le physicien Albert Einstein (1879-1955) a remporté le prix Nobel de physique en 1921 alors qu’il travaillait à l’université Humboldt de Berlin.

    La liberté intellectuelle qui imprégnait la ville s’est soudainement et dramatiquement éteinte avec la montée du national-socialisme (nazisme) et l’établissement du Troisième Reich totalitaire (1933-1945). Nombre d’artistes et de scientifiques qui avaient fait connaître la ville, dont Einstein, ont fui Berlin pour échapper au régime génocidaire d’Adolf Hitler (1889-1945). Après la défaite d’Hitler à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés ont divisé l’Allemagne en quatre zones d’occupation différentes. L’Union soviétique a pris le contrôle de la partie orientale de Berlin et a déclaré la ville capitale du nouvel État satellite soviétique d’Allemagne de l’Est.

    Le nom officiel de l’Allemagne de l’Est est la République démocratique allemande. Son gouvernement est calqué sur celui de l’Union soviétique : planification centrale, propriété publique des moyens de production, limitation de la propriété privée, parti unique de facto, censure, vaste réseau d’espionnage et de répression et engagement apparent en faveur de l’égalité des classes.

    Berlin-Ouest et l’Allemagne de l’Ouest se sont rapidement remis de la Seconde Guerre mondiale et se sont enrichis mais les contrôles étroits exercés par le gouvernement sur l’économie de l’Allemagne de l’Est ont empêché une reprise similaire. Bien qu’elle soit peut-être la meilleure expérience naturelle de l’histoire mettant à l’épreuve le capitalisme contre le communisme, la partition a été dévastatrice pour la population d’Allemagne de l’Est. Entre 2,5 et 3 millions d’Allemands de l’Est ont fui vers l’Ouest. En 1961, on estime qu’environ un millier d’Allemands de l’Est fuyaient chaque jour, la plupart en passant par Berlin. Les personnes ayant fait des études supérieures ou possédant des compétences professionnelles sont particulièrement susceptibles de s’enfuir pour retrouver leur liberté. Alors que le jeune État socialiste perdait un grand nombre de ses citoyens les plus brillants, ses dirigeants étaient désespérés. Walter Ulbricht, le principal décideur d’Allemagne de l’Est, reçoit la bénédiction du Premier ministre soviétique Nikita Khrouchtchev pour mettre fin à l’exode par une barrière physique.

    En août 1961, des soldats érigent une barricade de fils barbelés pour bloquer l’accès de Berlin-Est à Berlin-Ouest. La barrière de fil de fer a ensuite été remplacée par un énorme mur. Le mur de Berlin était fait de blocs de béton massifs, mesurait 1,80 mètre de haut et s’étendait sur 96 km. Ses tours de garde, ses projecteurs et ses postes de mitrailleuses étaient tenus en permanence par des officiers (VoPos) formant la Volkspolizei. La barrière séparait les familles et les amis.

    Une force de police secrète, la Stasi, dont le siège était à Berlin-Est, surveillait la vie privée des citoyens afin de détecter et d’empêcher les plans d’évasion ou toute activité susceptible de remettre en cause le régime communiste. La campagne de surveillance de masse de la Stasi comprenait la lecture secrète de tout le courrier envoyé par le système postal d’État, la mise en place d’un vaste réseau d’informateurs et l’installation d’écoutes téléphoniques au domicile de nombreux citoyens.

    La Stasi cherchait à détruire psychologiquement les dissidents identifiés par ses espions grâce à un programme connu sous le nom de Zersetzung (décomposition). Les agents de la Stasi manipulaient la vie des victimes afin de perturber leur carrière et toutes leurs relations personnelles significatives (par exemple, en introduisant de fausses preuves d’adultère dans la vie d’un couple). L’objectif était que la victime se retrouve isolée, en échec social et professionnel et sans plus aucune estime de soi. On pense que le programme a fait jusqu’à dix mille victimes et en a endommagé mentalement de manière irréversible au moins cinq mille. (aujourd’hui les survivants reconnus de la Zersetzung reçoivent des pensions spéciales).

    Malgré les risques, les fréquentes pénuries matérielles et la pauvreté relative engendrées par le dysfonctionnement du système communiste un flot continu d’Allemands de l’Est a essayé de s’échapper. Entre 1961 et 1988, plus de 100 000 Allemands de l’Est ont tenté de franchir le mur de Berlin mais presque tous ont été appréhendés. Au moins 600 d’entre eux ont été abattus pendant leur tentative de fuite vers l’Ouest. Seuls 5000 environ ont réussi à franchir le mur au cours de cette période de 27 années.

    Le 26 juin 1963, le président américain John F. Kennedy a prononcé à Berlin-Ouest ce qui est considéré comme l’ un des plus grands discours de l’histoire .

    Ses paroles ont trouvé un écho auprès des Berlinois :

    « Beaucoup de gens dans le monde ne comprennent pas vraiment ou disent ne pas comprendre quel est le grand problème entre le monde libre et le monde communiste. Qu’ils viennent à Berlin ! Certains disent que le communisme est la tendance de l’avenir. Qu’ils viennent à Berlin ! […] La liberté présente de nombreuses difficultés et la démocratie n’est pas parfaite mais nous n’avons jamais eu à ériger un mur pour retenir notre peuple, pour l’empêcher de nous quitter… [Le] mur est la démonstration la plus évidente et la plus vivante des échecs du système communiste […] Tous les hommes libres, où qu’ils vivent, sont des citoyens de Berlin et par conséquent en tant qu’homme libre, je suis fier des mots « Ich bin ein Berliner » ! »

    Alors que les Berlinois de l’Est rêvaient de s’échapper, Berlin-Ouest prospérait et attirait à nouveau des artistes et des musiciens révolutionnaires. À la fin des années 1970, le chanteur anglais David Bowie a qualifié Berlin-Ouest de « plus grande extravagance culturelle que l’on puisse imaginer ». Sa chanson Heroes de 1977, écrite à Berlin et inspirée par la vue d’un couple s’embrassant près du mur, est depuis devenue un hymne officieux de la ville et plus largement de la résistance au totalitarisme. (après le décès du chanteur en 2016, le gouvernement allemand a même reconnu l’impact de la chanson et a remercié Bowie pour son rôle dans sa participation à la chute du mur). Parmi les autres succès musicaux de Berlin-Ouest pendant cette période, citons l’hymne anti-guerre de 1983 99 Luftballons .

    L’opposition au mur de Berlin ne cesse de croître. En 1987, alors qu’il séjournait à Berlin-Ouest, le président américain Ronald Reagan a lancé un appel célèbre au dirigeant soviétique pour qu’il retire la barrière : « M. Gorbatchev, démolissez ce mur ! ».

    Le 9 novembre 1989, alors que la non-viabilité du socialisme devient de plus en plus difficile à nier et que la guerre froide se dégèle, le porte-parole du Parti communiste de Berlin-Est annonce de manière inattendue que le franchissement du mur de Berlin sera légal à minuit. Un raz-de-marée de Berlinois de l’Est et de l’Ouest s’y sont précipités en scandant « Tor auf ! » (ouvrez la porte !). À minuit, des amis, des membres de la famille et des voisins séparés depuis longtemps franchissent la barrière pour se réunir et faire la fête.

    On estime que plus de deux millions de Berlinois de l’Est sont passés à Berlin-Ouest ce week-end-là, donnant lieu à ce qu’un journaliste a décrit comme « la plus grande fête de rue de l’histoire du monde ». Les fêtards ont joyeusement fait des graffitis et brisé le mur à coups de marteau tandis que des bulldozers démolissaient d’autres sections.

    La chute du mur de Berlin a symbolisé la fin du soutien généralisé au communisme et un tournant mondial vers des politiques de plus grande liberté économique et politique.

    « Pour les Allemands de l’Ouest, rien n’a changé à part les codes postaux. Pour les Allemands de l’Est, tout a changé », a déclaré à Reuters un Allemand vivant dans l’ancien Est.

    La ville a été réunifiée mais aujourd’hui encore les cicatrices économiques et psychologiques de la partition de la guerre froide se font sentir. Berlin-Est est toujours en proie à des niveaux de criminalité plus élevés et à des niveaux de confiance plus faibles que Berlin-Ouest, bien que les Berlinois de l’Est aient pour la plupart rattrapé leurs homologues de Berlin-Ouest en matière de qualité de vie.

    L’histoire de Berlin se lit comme une parabole sur l’importance de la liberté. La chute du mur a non seulement libéré des millions d’Allemands de la pauvreté et du despotisme mais s’est révélée être un moment crucial de l’histoire qui a aidé des millions d’autres personnes à atteindre une plus grande liberté économique et politique. Pour avoir abattu le mur, Berlin a gagné sa place en tant que vingt-neuvième Centre du progrès.

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      Stop à la tyrannie syndicale

      Jean-Philippe Delsol · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 18 January, 2023 - 04:20 · 4 minutes

    Un article de l’IREF Europe

    Depuis longtemps les syndicats français cherchent à faire la loi en France. La Constitution de 1958 leur en a fixé l’horizon en proclamant que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Puis M. Gérard Larcher leur en a offert les moyens en faisant voter la loi du 31 janvier 2007 sur le dialogue social transposée notamment ainsi à l’article 1 du Code du travail :

    Tout projet de réforme envisagé par le gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation.

    À cet effet, le gouvernement leur communique un document d’orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.

    Lorsqu’elles font connaître leur intention d’engager une telle négociation, les organisations indiquent également au gouvernement le délai qu’elles estiment nécessaire pour conduire la négociation.

    Est ainsi instituée une obligation de négociation collective préalable à toute loi sociale. Depuis lors, les syndicats se considèrent comme législateurs aux côtés du législateur sinon à sa place. Mais le poison était déjà dans le préambule de la Constitution de 1946 qui a transformé le droit de travailler sans discrimination en droit « au » travail en affirmant que « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».

    La relation entre le salarié et l’employeur s’est fondue alors dans des négociations collectives dont les syndicats ont revendiqué le monopole ( Cf. Jacques Garello ). Ainsi a été légitimée la démocratie sociale qui substitue la dictature des syndicats à la liberté des contrats.

    Une puissance syndicale inversement proportionnelle à sa représentativité

    Une telle substitution est d’autant plus inadmissible que les syndicats dits représentatifs par les vertus de la loi ne représentent pas grand monde.

    Dans sa dernière étude datée du 21 décembre 2021 la direction de l’Animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) explique qu’en 2019, « 10,3 % des salariés déclarent adhérer à un syndicat, 11,0 % des hommes et 9,5 % des femmes, en France (hors Mayotte) » .

    Il y aurait 18,4 % de syndiqués dans la fonction publique et 7,8 % dans le secteur privé. Entre l’âge de 40 et de 49 ans, le pourcentage moyen est de 12,6 % et à partir de 50 ans, il remonte à 14,7 %. Chez les plus jeunes, les moins de 30 ans sont seulement 2,7 % à adhérer à un syndicat.

    C’est dire que l’avenir syndical est sombre en France. Les salariés se détournent des syndicats qui s’occupent moins de leur sort que de politique et d’idéologie. Trop d’organisations syndicales œuvrent à l’encontre des entreprises avec l’argent des contribuables et des employeurs qui les financent pour l’essentiel, puisque les cotisations ne représentent sans doute pas plus de 10 % de leurs ressources et que ces cotisations donnent droit au bénéfice des cotisants à un crédit d’impôt de 66 %.

    Par comparaison les cotisations comptent pour 80 % des ressources des syndicats en Europe du nord où le taux de syndicalisation est très élevé : 49 % en Autriche, 67,5 % au Danemark, 60 % en Finlande, 50 % en Norvège, 65,5 % en Suède… Mais les syndicats nordiques rendent des services, eux !

    La démocratie sociale est une démocratie dévoyée

    À l’instar des démocraties dites populaires, la notion même de démocratie sociale est dangereuse parce qu’elle est floue et sans limite et qu’elle accorde des droits excessifs à des minorités agissantes qui dénaturent ainsi la démocratie plus qu’ils ne la consolident.

    Ainsi, les syndicats, qui ne représentent en France qu’à peine plus de 5 % des électeurs, s’arrogent indûment le droit d’imposer leurs positions, archaïques d’ailleurs, par la rue quand ils n’y arrivent pas par la négociation. Ou ils utilisent des procédés déloyaux comme ceux qui consistent à faire faire la grève à de très petits groupes de salariés clés dans leur secteur pour bloquer tout un pays. Ainsi quand une partie des aiguilleurs des voies ferrées – 3000 emplois sur les 270 296 employés de la SNCF en 2021 – se mettent en grève, ils interrompent tout le trafic ferroviaire et bloquent la France.

    La démocratie repose sur la règle de la majorité dans le respect des droits de tous. Il est souhaitable qu’elle recherche les consensus et le dialogue préalablement à toute décision difficile, mais il ne faut pas qu’elle tombe pour autant sous la tyrannie des minorités. Elle ne remet pas le pouvoir directement entre les mains du peuple mais elle lui permet d’élire régulièrement des représentants pour décider en son nom. En transportant le pouvoir dans les mains des syndicats comme de quelconque convention citoyenne et autre Conseil national de la refondation (CNR), la République affaiblit la démocratie plus qu’elle ne la renforce ou la renouvelle. Les représentants du peuple y perdent leur crédibilité et leur légitimité abandonnées à ces comités populaires dont l’histoire a montré l’habituel dévoiement.

    Il est utile qu’il y ait des contre-pouvoirs dans les entreprises comme ailleurs mais pour autant qu’ils soient contributifs. Il est temps de limiter le pouvoir destructeur des syndicats en cantonnant leur action au monde de l’entreprise et sans entraver le travail de ceux qui ne partagent pas leurs opinions.

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      14 signes de totalitarisme

      Foundation for Economic Education · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 29 December, 2022 - 03:50 · 3 minutes

    Par Jon Miltimore.

    Nous connaissons tous les inconvénients de Twitter , mais l’un de ses avantages est qu’il permet la découverte de personnes intéressantes.

    L’un de mes nouveaux followers préférés est Benjamin Carlson , un gourou des relations publiques et ancien rédacteur en chef de The Atlantic . Ses tweets sont parmi les meilleurs que l’on puisse trouver sur Twitter et il a manifestement une compréhension aiguë des intersections entre les médias et le gouvernement, le pouvoir et la propagande (à la fois actuels et historiques).

    L’un de ses récents tweets a attiré mon attention et j’en partage une adaptation ci-dessous.

    1. La dissidence est assimilée à la violence.
    2. Les médias sont contrôlés.
    3. Le système juridique est coopté par l’État.
    4. Le pouvoir est exercé pour étouffer la dissidence.
    5. La police d’État protège le régime, pas le peuple.
    6. Les droits – financiers, juridiques et civils – sont subordonnés à la conformité.
    7. La conformité massive des croyances et des comportements est exigée.
    8. Le pouvoir est concentré dans un cercle restreint d’institutions et d’élites.
    9. La violence semi-organisée est autorisée (dans certains cas).
    10. La propagande cible les ennemis du régime d’État.
    11. Des classes entières sont persécutées.
    12. Des actions extralégales sont tolérées contre les opposants internes au régime.
    13. Application stricte de la loi contre les classes défavorisées.
    14. Les leviers de pouvoir privés et publics sont utilisés pour imposer l’adhésion aux dogmes de l’État.

    Une liste troublante sur le totalitarisme

    La liste est un peu troublante. À tout le moins, certaines de ces techniques se déroulent sous nos yeux. Cependant, cela ne signifie certainement pas que les États-Unis sont un État totalitaire.

    Il existe de nombreuses définitions du totalitarisme et je ne crois pas que l’on puisse sérieusement affirmer que les États-Unis en sont arrivés là. Mais l’autoritarisme est certainement dans l’air et il émane plus fortement de la capitale de notre pays.

    Alors que la droite et la gauche politiques s’accusent mutuellement de nourrir des ambitions tyranniques, le philosophe Karl Popper a donné une idée du moment où un gouvernement légitime franchit la ligne et devient tyrannique.

    Popper a écrit :

    « Vous pouvez choisir le nom que vous voulez pour les deux types de gouvernement. Personnellement, j’appelle « démocratie » le gouvernement qui peut être supprimé sans violence et l’autre « tyrannie. »

    La citation de Popper est un rappel important : le peuple a finalement le droit de choisir son gouvernement.

    Dans son ouvrage fondamental Two Treatises of Government, John Locke a défini ce qui allait devenir la base de la philosophie fondatrice de l’Amérique, comme l’a récemment expliqué Dan Sanchez de FEE.

    « L’égalité, au sens premier du terme, non pas l’égalité des capacités ou des richesses, mais la non-soumission ;

    Les droits inaliénables, non pas aux droits du gouvernement, mais à la vie, à la liberté et à la propriété ;

    La démocratie, au sens premier du terme, non pas le simple vote majoritaire, mais la souveraineté populaire : l’idée que les gouvernements ne doivent pas être des maîtres mais des serviteurs du peuple ;

    Consentement des gouvernés : l’idée que les gouvernements ne peuvent légitimement gouverner que par le consentement des gouvernés, c’est-à-dire du peuple souverain ;

    Gouvernement limité : l’idée que le seul but et la portée appropriée d’un gouvernement légitime est uniquement de garantir les droits du peuple ;

    Droit de révolution : l’idée que tout gouvernement qui outrepasse ses limites et piétine les droits mêmes qu’il était chargé de garantir est une tyrannie, et que le peuple a le droit de résister, de modifier, voire d’abolir les gouvernements tyranniques. »

    Au fur et à mesure que l’État s’éloigne de son objectif moral, il devient de plus en plus important de comprendre les droits de l’Homme et les limites du gouvernement.

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      Abandon du nucléaire : l’erreur historique des démocraties

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 19 December, 2022 - 04:30 · 7 minutes

    Jamais l’Homme n’a renoncé à une technologie nouvelle et efficace basée sur une découverte majeure. La découverte de l’énergie contenue dans le noyau de l’ atome et libérée par fission ou fusion constitue sans le moindre doute une avancée scientifique fondamentale. Personne ne le conteste mais l’utilisation de cette source d’énergie serait dangereuse.

    Aussi, certains écologistes considèrent-ils l’ énergie nucléaire comme une énergie du passé, une erreur de l’humanité du XX e siècle. Seules les énergies dites renouvelables (solaire photovoltaïque, éolien, hydraulique) représenteraient l’avenir.

    Comment renoncer à mettre en œuvre nos connaissances ?

    Il est presque inimaginable que cette dernière affirmation se réalise sur le long terme historique.

    Pourquoi ? Parce que seule la coercition étatique peut contraindre à abandonner un savoir aussi essentiel. Mais cette violence dite légitime qui accorde au pouvoir politique la capacité juridique de contraindre, présente une forte dimension idéologique. Démocraties plus ou moins libérales, dictatures mafieuses, régimes théocratiques, totalitarismes à base idéologique se côtoient sur notre petite planète. La capacité d’écraser l’Homme sous le pouvoir n’est jamais acquise. Elle est même toujours contestée.

    L’ambition idéologique écologiste visant à un monopole de certaines sources d’énergie sous contrainte politique est donc très fragile. Elle est pourtant à l’œuvre mais principalement dans les démocraties occidentales. Prenons les exemples allemands et français. L’Allemagne disposait au début du XXI e siècle de nombreux réacteurs nucléaires. Elle a décidé de les fermer en totalité à la suite de l’accident de Fukushima au Japon, qui n’est pas dû à un dysfonctionnement mais à un séisme de magnitude 9 suivi d’un tsunami. C’est donc l’emplacement de la centrale qui était en cause et non la technologie elle-même.

    Les considérations électoralistes ont joué un rôle important dans la décision du gouvernement allemand présidé par Angela Merkel. Les écologistes recueillant entre 10 et 15 % et suffrages aux élections législatives, ils constituent une force politique importante avec laquelle il faut compter. Par ailleurs, la population a acquis la sensibilité écologiste un peu naïve apparue dans la plupart des pays riches et qui innerve l’ensemble du spectre politique mais avec le caractère grégaire et conformiste du monde germanique. L’abandon du nucléaire était donc dans l’air du temps. Il fallait se mettre à jour, se conformer à la doxa dominante.

    La France a été tout aussi médiocre , mais avec davantage de modération. Disposant d’un parc nucléaire de premier ordre et d’un savoir presque unique au monde dans ce domaine, elle a peu à peu, dans les vingt premières années du XXI e siècle, interrompu les investissements et l’effort de formation sous l’impulsion négative de politiciens préoccupés par la crainte irrationnelle du nucléaire entretenue dans la population par des militants écologistes relayés par l’intelligentsia bien-pensante.

    Le coup de grâce est venu du président François Hollande, qui avait besoin des voix écologistes d’EELV. Il fallait donc faire acte d’allégeance. Ce fut la promesse la diminuer progressivement de 75 à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité et donc la fermeture de centrales nucléaires. D’où l’absurde fermeture de Fessenheim pour des raisons d’une petitesse électoraliste rarement atteinte.

    Outre l’absence de conviction philosophique sur les capacités de l’intelligence humaine, c’est donc aussi la médiocrité électoraliste des gouvernants occidentaux qui a conduit à l’abandon d’une technologie représentant très vraisemblablement l’avenir à long terme. La science et la technologie, le savoir accumulé par l’humanité, se heurtent ici aux impératifs à court terme du pouvoir et à la démagogie.

    La haine de la technique

    La découverte par Einstein en 1905 de la relation entre matière et énergie a fait l’admiration de tous. E=mc2. L’énergie (E) est égale à la masse (m) multipliée par la vitesse de la lumière (c) élevée au carré. La matière est énergie. Puiser l’énergie dans le noyau de l’atome n’est pas anodin puisqu’une réaction en chaîne peut se produire. Mais le feu effrayait également les Hommes du paléolithique lorsqu’ils l’ont découvert et il a fallu bien longtemps avant de le maîtriser correctement. Ce qui d’ailleurs n’élimine pas à 100 % le risque d’incendie. Nous enfonçons des portes ouvertes.

    Il en ira de même pour le nucléaire dont le potentiel énergétique est tel que son abandon définitif n’est pas envisageable. Le risque subsistera mais pourra être limité et cantonné technologiquement pour atténuer les effets des dysfonctionnements. Pourquoi alors tant de haine écologiste envers l’énergie nucléaire ? La réponse est toute simple : l’idéologie politique. Pour certaines personnes et organisations, la science et la technologie sont des ennemies.

    La pensée écologiste se développe au XX e siècle dans l’opposition à la technique. En France, Jacques Ellul (1912-1994) est l’auteur le plus connu dans ce domaine avec La technique ou l’enjeu du siècle (1954), manifeste antitechniciste dont le succès a été beaucoup plus important aux États-Unis que dans notre pays. Pour Ellul, la technologie, au sens large du terme englobant les techniques de gestion par exemple, s’autonomise progressivement. Tout problème doit alors avoir une solution technique et l’Homme devient l’esclave de la technologie alors qu’elle avait pour objectif de le libérer.

    L’idéologie écologiste s’est largement construite à partir de ce présupposé antitechnologique. L’énergie nucléaire ne peut donc être perçue que comme l’ultime et nocive avancée de la technique au cœur de la matière. Elle ne peut être dans l’esprit des adeptes de l’écologisme que le parachèvement d’une évolution suicidaire.

    Les simplismes pour militants faibles d’esprit

    Une autre conséquence majeure de cette défiance envers la science et la technique doit être soulignée : la prévalence du politique sur la technologie.

    Pour les écologistes, ce sont les militants et ceux qu’ils désignent comme leurs leaders qui doivent gouverner effectivement. La technique ne doit pas conduire au règne des scientifiques et des ingénieurs par incompétence des militants, sacrés dirigeants par la magie des votes à l’intérieur des partis. Or, il est clair que le nucléaire n’est vraiment accessible dans ses réalisations concrètes qu’à des personnes de haut niveau technologique. Le contrôle des centrales lui-même ne peut être réalisé que par des spécialistes pointus. En France, ce contrôle extrêmement strict est de la compétence de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) employant plus de 500 personnes.

    Cette organisation de la gestion de l’énergie est exactement celle qu’abhorrent les écologistes militants, d’où leur addiction à l’éolien et au photovoltaïque qui permettent une gestion décentralisée et même très locale pouvant descendre jusqu’au niveau communal. En caricaturant, le militant écologiste du conseil municipal de Trifouilly-les-Oies pourra intervenir sur les choix énergétiques avec l’éolien et le solaire mais n’aura pas son mot à dire avec le nucléaire.

    On peut facilement adhérer à l’idée que la décentralisation des décisions politiques est souhaitable et que la verticalité excessive de l’exercice du pouvoir conduit souvent à des aberrations décisionnelles apparaissant dix ou vingt ans plus tard comme des erreurs historiques. Mais ce raisonnement doit-il conduire à éliminer totalement certaines technologies majeures ? Certes non. Le principe de subsidiarité doit toujours rester présent à notre esprit. Le nucléaire et le renouvelable ne sont pas des technologies incompatibles mais bien évidemment des technologies complémentaires. La permanence du nucléaire supplée à l’intermittence du vent et du solaire. La nécessaire gestion centralisée du nucléaire par des personnels de haut niveau n’est pas incompatible avec des choix locaux d’implantations d’éoliennes ou de panneaux solaires.

    La grossière idéologisation du sujet conduit à opposer de façon infantile les bons et les méchants, l’innocuité et le danger. Les militants adorent. Le manichéisme, le binarisme simpliste permettent de recruter des personnes cherchant des raisons de vivre à travers les causes à défendre. Ainsi se constituent les partis extrêmes ayant peu de chances d’accéder au pouvoir mais toutes les chances d’instiller le trouble dans les esprits faibles.

    Tout espérer de l’intelligence

    La conclusion est éclairante : il est tout à fait estimable de chercher à capter le rayonnement solaire ou à utiliser la force du vent, mais vouloir imposer le monopole de ces technologies l’est beaucoup moins. Seule une idéologie politique profondément hostile à la liberté conduit à une telle aberration. Il y a plus. Jamais l’humanité n’abandonnera l’espoir de créer de micro-soleils produisant une énergie abondante sans émission polluante. Pour renoncer à ce rêve, il faut ne plus croire en l’Homme, ne plus rien espérer de son intelligence.

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      Les centres de progrès (24) : Wellington (Suffrage)

      Chelsea Follett · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 18 December, 2022 - 03:50 · 8 minutes

    Un article de Human Progress

    Notre vingt-quatrième Centre du progrès est Wellington à la fin du XIX e siècle, lorsque la ville a fait de la Nouvelle-Zélande le premier pays au monde à accorder le droit de vote aux femmes.

    À l’époque, cette décision était considérée comme radicale. Les réformateurs qui ont adressé avec succès une pétition au Parlement néo-zélandais ont ensuite parcouru le monde, organisé des mouvements pour le suffrage dans d’autres pays. Aujourd’hui, grâce au mouvement initié à Wellington, les femmes peuvent voter dans toutes les démocraties, à l’exception du Vatican, où seuls les cardinaux votent lors du conclave papal.

    Aujourd’hui, Wellington est surtout connue comme la capitale de la Nouvelle-Zélande la plus au sud du monde. Cette ville balnéaire venteuse compte un peu plus de 200 000 habitants. Elle est réputée pour ses boutiques et cafés branchés, ses fruits de mer, ses bars excentriques et ses brasseries artisanales. Elle possède des téléphériques rouges pittoresques et son Old Government Building , construit en 1876, reste l’une des plus grandes structures en bois du monde. Wellington abrite également le mont Victoria, le musée Te Papa et un quai où se tiennent fréquemment des marchés pop-up et des foires artistiques. Jeune et entreprenante, Wellington a été classée comme l’un des endroits les plus faciles au monde pour créer une nouvelle entreprise. C’est également un centre d’arts créatifs et de technologie, célèbre pour le travail des Weta Studios, situés à proximité, sur la franchise cinématographique du Seigneur des anneaux .

    Selon la légende, le site où se trouve aujourd’hui Wellington a été découvert par le chef Māori Kupe à la fin du X e siècle. Au cours des siècles suivants, différentes tribus Māori se sont installées dans la région. Les Māori ont baptisé la région Te Whanganui-a-Tara, ce qui signifie « le grand port de Tara », du nom de l’homme qui aurait été le premier à l’explorer pour le compte de son père, Whātonga l’explorateur ; ou encore Te Upoko-o-te-Ika-a-Māui , qui signifie « la tête du poisson de Māui », en référence au demi-dieu mythique Māui qui a attrapé un poisson géant qui s’est transformé en îles de Nouvelle-Zélande.

    Constatant l’emplacement parfait du site pour le commerce, un colonel anglais acheta en 1839 des terres locales aux Māori pour y installer des colons britanniques. Un quartier d’affaires s’est rapidement développé autour du port, le transformant en un port actif. L’année suivante, des représentants du Royaume-Uni et divers chefs Māori signèrent le traité de Waitangi qui fit entrer la Nouvelle-Zélande dans l’Empire britannique et fit des Māori des sujets britanniques. Wellington a été la première grande colonie européenne en Nouvelle-Zélande, baptisée ainsi en l’honneur d’Arthur Wellesley, premier duc de Wellington – un des nombreux hommages au célèbre Premier ministre et chef militaire qui a vaincu Napoléon à la bataille de Waterloo en 1815.

    Il est intéressant de noter que la Nouvelle-Zélande ne célèbre pas de « jour de l’indépendance » reconnu par tous. La souveraineté du pays semble plutôt avoir été acquise progressivement , avec des événements clés en 1857, 1907, 1947 et 1987. Ce n’est que cette dernière année que la Nouvelle-Zélande a « révoqué unilatéralement tout pouvoir législatif résiduel du Royaume-Uni » sur la nation.

    La démographie de la nation coloniale évolue rapidement.

    En 1886, la majorité des résidents non-Māori étaient des immigrants nés en Nouvelle-Zélande plutôt que nés en Grande-Bretagne, bien que ces derniers aient continué à affluer dans le pays. Bien que de nombreuses personnes se considèrent comme britanniques, le terme néo-zélandais devient plus courant. En 1896, la Nouvelle-Zélande comptait plus de 700 000 immigrants britanniques et leurs descendants ainsi que près de 40 000 Māoris.

    Pendant la majeure partie de l’histoire, les femmes ont été largement exclues de la politique, mais il est important de se rappeler que la plupart des hommes l’étaient également. Le pouvoir politique avait tendance à être concentré entre les mains d’un petit groupe, comme une famille royale, tandis que la majorité des hommes et des femmes n’avaient pas leur mot à dire à propos des décisions politiques. Cependant, si l’histoire a certainement connu son lot de femmes politiques puissantes, de l’impératrice byzantine Théodora à l’impératrice chinoise Wu Zetian, la majorité des dirigeants de toutes les grandes civilisations ont été des hommes.

    En d’autres termes, dans un monde doté d’institutions politiques hautement exclusives qui laissaient presque tout le monde de côté, les femmes étaient encore plus susceptibles d’être marginalisées que les hommes. De même, lorsqu’une vague de démocratisation a élargi la participation politique à une part sans précédent de la population du XIX e siècle, les listes électorales excluaient toujours les femmes.

    La jeune Nouvelle-Zélande n’a pas fait exception et les femmes se sont vu refuser le droit de vote dans un premier temps. Une croyance populaire voulait qu’elles ne soient adaptées qu’à la sphère domestique, laissant la vie publique aux hommes. Mais à la fin du XIX e siècle, alors que de plus en plus de femmes accédaient à des domaines professionnels auparavant réservés aux hommes, elles ont commencé à être considérées comme plus aptes à participer à la sphère publique.

    Ces changements ont contribué à galvaniser le mouvement pour le suffrage féminin en Nouvelle-Zélande. Des suffragettes comme Kate Sheppard ont recueilli des signatures de soutien croissant du public en faveur du suffrage féminin. En 1891, 1892 et 1893, les suffragettes ont compilé une série de pétitions massives demandant au Parlement d’adopter le droit de vote pour les femmes. La pétition de 1893 a recueilli quelque 24 000 signatures ; une fois collées ensemble, les feuilles ont formé un rouleau de 270 mètres, qui a ensuite été soumis au Parlement à Wellington.

    Le mouvement pour le suffrage féminin a été facilité par un large soutien des hommes de Nouvelle-Zélande. En tant que pays de « frontière coloniale », la Nouvelle-Zélande comptait beaucoup plus d’hommes que de femmes car les hommes célibataires étaient généralement plus susceptibles d’immigrer à l’étranger. Désespérant de trouver de la compagnie, ils ont cherché à attirer davantage de femmes en Nouvelle-Zélande et ont souvent romancé ces dernières. De nombreux Néo-Zélandais pensaient que l’afflux de femmes pacifierait l’environnement en faisant baisser le taux de criminalité et le taux de consommation d’alcool et en améliorant la moralité.

    En effet, les recherches suggèrent que des ratios hommes/femmes très inégaux peuvent causer des problèmes : les sociétés où les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes connaissent des taux plus élevés de dépression, d’agressivité et de criminalité violente chez les hommes. Il est fort probable que ces effets négatifs découlent des tensions apparaissant lorsqu’une majorité d’hommes pense avoir peu d’espoir de trouver un jour une épouse.

    Cependant, pour l’opinion populaire en Nouvelle-Zélande au XIX e siècle les femmes étaient considérées moralement supérieures aux hommes ou plus susceptibles d’agir pour le bien commun. S’appuyant sur cette croyance, les partisans du suffrage ont présenté les femmes comme des « citoyennes de moralité » et ont fait valoir qu’une société où elles pouvaient voter deviendrait plus vertueuse. En particulier, le mouvement pour le suffrage des femmes était étroitement lié au mouvement pour la prohibition de l’alcool. Les hommes qui soutenaient la prohibition de l’alcool pour des raisons morales étaient donc fort susceptibles de soutenir le droit de vote féminin.

    La Nouvelle-Zélande n’est pas une exception : les autres pays ayant accordé très tôt le droit de vote aux femmes étaient aussi typiquement frontaliers. Comme la Nouvelle-Zélande, ces pays disposaient d’une majorité d’hommes. Ils étaient convaincus que les électrices avaient une conscience morale et se mobiliseraient contre les problèmes sociaux. Les plus importants de ces maux étaient l’alcool et la polygamie dans l’ouest des États-Unis, pratiquée par certains adeptes du jeune Mouvement des saints des derniers jours . On pensait également que les femmes s’opposeraient aux guerres inutiles et favoriseraient une politique étrangère plus pacifiste. Parmi les premiers à adopter le suffrage féminin aux États-Unis figurent les États frontaliers des montagnes de l’Ouest : le Wyoming (1869), l’Utah (1870), le Colorado (1893) et l’Idaho (1895). Les territoires frontaliers d’Australie du Sud (1894) et d’Australie occidentale (1899) ont suivi le même schéma.

    Mais la Nouvelle-Zélande a ouvert la voie en étant le premier pays à accorder le droit de vote aux femmes. Motivé par les efforts inlassables des suffragettes et de leurs nombreux alliés masculins, le gouvernement s’est lancé dans une expérience radicale. À Wellington, le gouvernement de Lord Glasgow a signé une nouvelle loi électorale le 19 septembre 1893 qui donne aux femmes le droit de vote aux élections parlementaires.

    Depuis lors, les femmes ont joué un rôle actif dans la gouvernance du pays depuis la capitale Wellington. Non seulement la Nouvelle-Zélande a eu trois Premières ministres différentes mais des femmes ont occupé des postes clés du gouvernement néo-zélandais. La Nouvelle-Zélande a eu une femme Premier ministre, gouverneur général, président de la Chambre des représentants, procureur général et juge en chef. Le pays reste fier de l’étape pionnière vers l’égalité juridique entre les sexes qui a été franchie à Wellington. La suffragette Sheppard figure même sur le billet de banque de 10 dollars.

    Après sa victoire législative, Sheppard et ses alliés ont fait le tour de plusieurs autres pays et ont contribué à l’organisation de mouvements pour le suffrage à l’étranger.

    Siège du gouvernement néo-zélandais, Wellington a été au centre de la première campagne réussie visant à accorder le droit de vote aux femmes d’un pays. Pour avoir accueilli une victoire législative révolutionnaire pour le suffrage des femmes, Wellington est à juste titre notre 24e Centre du progrès.

    Traduction Contrepoints

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      Jacques Trentesaux : « L’information est un bien commun »

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Saturday, 10 December, 2022 - 16:12 · 18 minutes

    Jacques Trentesaux est rédacteur en chef de Mediacités, un média d’investigation à l’échelle locale, qui depuis sept ans propose articles et enquêtes dans quatre villes (Lille, Lyon, Nantes et Toulouse). Ce média résume son projet sous la forme d’un triptyque : enquêter, expliquer, participer. Il revient pour LVSL sur le rôle démocratique de l’indépendance de la presse dans un climat de défiance relative des citoyens à l’égard des médias et des élus.

    Le Vent Se Lève – Sur votre site, on peut lire que Mediacités est une « entreprise de presse à haute intensité démocratique ». Par quels moyens votre media participe-t-il à la restauration du débat public ?

    Jacques Trentesaux – Pour qu’il puisse y avoir un débat public, il faut que les conditions soient réunies. Si, dans l’absolu, on constate aujourd’hui un appauvrissement de ce côté-là, c’est sans doute dû en premier lieu à la manière dont les informations circulent. Le débat prenait auparavant la forme de réunions publiques. Désormais, tout se passe sur internet, qui n’est pas un lieu propice à l’instauration d’un débat démocratique : les réseaux sociaux créent des invectives et favorisent l’anathèmes au détriment de la discussion. Mais en dehors de tous ces biais favorisés par les GAFAM et dont je n’ai pas besoin de vous parler, il y a par ailleurs un mouvement de déni, ou de détournement démocratique, qui se caractérise par un désintérêt croissant du public pour la chose publique, et ce pour plusieurs raisons.

    Tout d’abord, la chose publique est quelque chose de complexe : nous vivons dans des sociétés très sophistiquées, et le ticket d’entrée pour pouvoir débattre, pour s’estimer légitime de parler, est élevé. Ajouter à cela le fait que les citoyens ne se sentent plus représentés, et ils ont raison parce qu’il y a un problème de représentativité des hommes et des femmes politiques. Mais cette défiance à l’égard de la chose publique rencontre également des raisons qui sont moins bonnes, à savoir le fait qu’aujourd’hui, on ne voit pas trop l’intérêt de réfléchir ensemble. On constate une sorte de repli des individus sur eux-mêmes. C’est ce qu’on a pu appeler « l’individuation des sociétés ».

    À Mediacités nous essayons d’aller à rebours de ce constat, grâce à une approche qui est très journalistique, au sens classique du terme. Pour nous, l’information est un bien commun qui peut être vecteur de débat, parce qu’en partageant l’information, on élève le niveau global de connaissance. En donnant accès, de la manière la plus objective possible, à un large public des informations sans biais idéologique, on concourt et favorise le débat public.

    « La démocratie en tant que tel est un chantier sur lequel nous avons travaillé. »

    Notre approche est celle du journalisme non partisan mais engagé. « Engagé » au regard de notre professionnalisme, de notre connaissance du terrain et des domaines où nous estimons qu’il nous est possible de pousser pour que les choses avancent. La démocratie, en tant que tel est un chantier sur lequel nous avons travaillé. Notamment à la faveur d’un manifeste pour une démocratie locale réelle, dans lequel nous formulons des propositions pour améliorer les processus démocratiques.

    Nous allons ainsi un peu plus loin que le journalisme classique parce que nous faisons des propositions, sans pour autant défendre une position qui serait biaisée, idéologiquement parlant. C’est-à-dire que nos opinions n’apparaissent pas, sauf exceptions sur certains dossiers, comme la démocratie locale.

    Nous misons ainsi sur la dimension participative du journalisme d’investigation local. Nous essayons de favoriser le débat public en donnant la bonne information, et en travaillant avec notre public sur des sujets d’enquête. L’objectif étant d’être plus pertinent, de peser plus fort, et aussi bien sûr d’impliquer nos lecteurs. Nous avons par exemple mené il y a un peu plus d’un an une belle opération sur la gentrification, au cours de laquelle nous proposions à nos lecteurs de nous faire part des thèmes qu’ils aimeraient voir traiter dans nos articles. Partant du constat que les métropoles et les centres-villes dans lesquels nous étions présents s’embourgeoisent, il nous semblait intéressant de consulter nos lecteurs sur ce qu’ils avaient envie de connaître sur le thème. Nous n’avons pas été plus directifs que cela, afin de voir ce qui remontait. Nous avons eu 350 contributions. Certains nous livraient leur témoignage sur l’évolution du quartier, d’autres nous demandaient de définir le sens de ce terme, de comparer la situation française avec d’autres métropoles internationales. D’autres encore nous interrogeaient sur les moyens de lutter contre la gentrification, ou encore quelles étaient les raisons de ce type de phénomène.

    « On dit toujours que Emmanuel Macron est un président jupitérien, mais moi je dis tranquillement, qu’il y a des dizaines de milliers de maires qui sont des Macron en puissance. »

    À partir de ces retours, nous avons bâti un programme éditorial, qui comprenait plusieurs enquêtes agrémentées de prises de positions, de témoignages, et nous avons bouclé la boucle en organisant des ateliers débats. Chaque événement comprenait une quarantaine de personnes environ, que nous avons réparti par table, chacune animée par une ou deux personnes qui en savaient un peu plus sur le sujet. Nous avons également organisé des conférences plus classiques, notamment au moment des municipales. Nous avons enfin des accords avec des cinémas d’art et essai qui projettent des films qui font échos à nos enquêtes. Toutes ces initiatives font de Mediacités un acteur à part entière du débat démocratique – ce qui est l’une des missions que doit remplir la presse.

    LVSL – En dehors des articles de presse, on trouve sur votre site des contenus – le projet Radar , le manifeste pour une démocratie locale réelle et ses 25 propositions etc. – qui visent à rendre publiques et à clarifier pour les contribuables le contenu des documents (procès-verbaux, promesses électorales) produits par les conseils municipaux. Y-a-t-il, dans le prolongement, une promesse des médias numériques sur cette question, un enjeu « d’éditorialisation » de l’information politique à l’échelon locale ? Pour ainsi ré-ancrer les décisions et promesses dans la vie quotidienne des contribuables ?

    J. T. – Il y a un enjeu énorme en matière de démocratie locale dont nous parlons trop peu. On dit toujours que Emmanuel Macron est un président jupitérien, mais moi je dis tranquillement, qu’il y a des dizaines de milliers de maires qui sont des Macron en puissance parce qu’ils concentrent énormément de pouvoir. Or la démocratie c’est le fait de donner le pouvoir au peuple, c’est du collectif. C’est donc aussi du contre-pouvoir.

    « La fraction de la population qui apprécie son maire est en réalité de plus en plus restreinte, étant donné que, pour beaucoup, nous ne savons même pas de qui il s’agit. »

    L’outil radar est par exemple un merveilleux outil de contrôle des promesses électorales. Beaucoup de gens disent que les politiques ne tiennent jamais leurs promesses, qu’ils ne font que ce qu’ils veulent et qu’ils nous prennent pour les dindons de la farce. Nous les prenons au mot : nous avons numérisé l’ensemble des promesses des candidats aux municipales, nous la consignons et demandons à nos lecteurs de nous alerter lorsqu’une promesse qui les concerne particulièrement a évolué en bien ou en mal. La logique est celle d’une ré-application citoyenne autour de projets. Nous sommes là au cœur du processus démocratique.

    LVSL – Alors que les maires sont régulièrement qualifiés élus « les plus appréciés » des Français, est-ce que vous pensez qu’il y a un mal de démocratie à l’échelon local, qu’il est difficile pour les citoyens de percevoir les enjeux qui s’y jouent ? L’importante abstention des dernières élections en serait-elle le symptôme ?

    J.T – J’aimerais revenir sur l’idée selon laquelle « les maires sont les élus les plus appréciés de l’opinion publique ». C’est quelque chose qui est toujours vrai mais qui l’est moins qu’autrefois. Je vais vous donner deux chiffres pour que vous compreniez bien ce qui se passe : il y a à peu près une vingtaine d’années, un sondage a été publié qui montrait qu’il y avait plus de 80% des gens qui étaient capables de citer le nom de leurs maires (sondage de l’AMF, de l’association des maires de France). Nous avons refait ce sondage récemment et le pourcentage était diminué de 20 points. Cela veut dire que le lien s’effiloche entre les maires et les citoyens. Certes le maire reste plus apprécié que les hommes et femmes politiques parce que c’est un élu de proximité. Mais la fraction de la population qui apprécie son maire est en réalité de plus en plus restreinte, étant donné que, pour beaucoup, nous ne savons même pas de qui il s’agit. Comment peut-on apprécier son maire si on ne le connait pas ? Cela permet de relativiser les choses.

    Pour l’abstention du dernier scrutin municipal, le Covid-19 n’explique évidemment pas tout. Et il suffit de regarder les différents scores des municipales au fil du temps pour constater que la participation diminue scrutin après scrutin. Le détournement démocratique que l’on observe au niveau national touche aussi le local et c’est fort de ces convictions que nous avons réfléchi aux raisons de ces dysfonctionnements.

    « Est-ce qu’on va arrêter le processus de destruction des emplois via des fonds d’investissement qui cherchent la spéculation à tout crin ? Nous n’y parviendrons pas tout seul. Mais nous allons éclairer le public sur les excès du capitalisme. »

    Ce qui nous a marqué, en premier lieu, c’est le défaut de transparence. Même en développant l’open source, il reste très compliqué de trouver des données publiques. Soit parce qu’elles sont cachées, soit parce qu’il faut au préalable les extraire de tableurs pour les rendre accessibles. Il faut aussi reconnaître un défaut dans le processus d’élaboration des décisions publiques. Pour beaucoup, ces décisions sont prises sans que les citoyens soient consultés ou qu’ils puissent contribuer. Ce qui est intéressant, c’est que la faute n’incombe pas totalement aux élus, qui ont pu se montrer déçus en constant l’absence de participation citoyenne. Finalement, chacun se renvoie un peu la responsabilité : les citoyens sont inactifs, passifs mais considèrent aussi qu’ils ne sont pas assez partis prenantes des décisions qui sont prises. Il faut donc sortir de cette opposition en trouvant les moyens d’une démocratie contributive, en réfléchissant à de nouveaux processus d’élaboration des décisions publiques : nous avons vu apparaître le RIC au moment des Gilets Jaunes et il y a eu la convention citoyenne pour le climat.

    LVSL – Dans un article du 10 juillet 2020 sur l’usine Cargill Haubourdin, vous montrez comment les désengagements et réductions d’activités menées par des fonds d’investissement ont conduit à un plan de restructuration qui a permis le licenciement de plus de la moitié des employés de l’usine, dans l’indifférence générale. L’usine fournit pourtant des dérivés d’amidon aux industries alimentaires et pharmaceutiques. Les secteurs qui devaient répondre présents pendant la crise du Covid-19. Face à un tel constat, que peut le journalisme d’investigation ? Ou plus précisément, à quel point ce type d’article sur des conflits locaux pèse-t-il contre les intérêts des actionnaires ? Y compris lorsque le conflit social ne peut acquérir qu’un retentissement national limité ?

    J.T – C’est une question très difficile. Ce n’est parce que nous avons du mal à mesurer l’impact de nos enquêtes qu’il n’y en a pas. Pourquoi je peux être aussi catégorique ? Parce que nous sommes dans une société où l’image compte énormément, notamment dans le secteur économique. Je suis donc persuadé qu’un article qui démonte un dispositif négatif, comme l’action néfaste de fonds de pension, a un impact. Est-ce qu’on va arrêter le processus de destruction des emplois via des fonds d’investissement qui cherchent la spéculation à tout crin ? Nous n’y parviendrons pas tout seul. Mais nous pouvons éclairer le public sur les excès du capitalisme.

    « Nous ne vendons pas des savonnettes mais de l’information. »

    Cargill est une multinationale du secteur agro-alimentaire, spécialisée dans la production et la transformation d’amidon et qui fait plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaire avec une centaine de sites dans le monde. Haubourdin n’est donc qu’un point sur une carte. Nous avons décrit dans notre enquête comment l’entreprise a été progressivement détruite : par des mutations de chefs, par une perte de mémoire du site et par des prises de décisions qui ont été sorties du lieu pour remonter soit à Paris, soit à Chicago. Le dossier est très particulier parce qu’en période de Covid, et après avoir été menacé, l’usine a été jugée hautement stratégique et les salariés ont même obtenu une prime pour continuer de travailler en période de confinement. Puis le cours de l’histoire a repris comme si rien ne s’était passé. L’enquête met bien en valeur le cynisme des dirigeants. En faisant ce travail, nous avons décrit un univers, celui de l’usine, dans lequel beaucoup de nos lecteurs n’ont jamais mis les pieds.

    LVSL – Parmi les initiatives pour reprendre contrôle sur l’information, on peut notamment citer celle de l’économiste Julia Cagé, avec « Un bout des médias ». Dans un article consacré à ce sujet, vous semblez avoir un avis mitigé sur cette démarche : « Cette initiative va-t-elle sauver la presse ? Non, bien sûr. Car les sommes récoltées n’y suffiront pas et que rien ne changera vraiment sans une refonte en profondeur d’un système d’aide à la presse obsolète et inique. Toutefois, son grand mérite est de faire naître dans l’esprit du public l’idée que la presse doit s’extraire d’une logique purement capitalistique : que l’information est un bien commun ; que les journaux poursuivent une mission d’intérêt général ; et, donc, que leur propriété doit revêtir une dimension populaire. » Êtes-vous optimiste quant à à l’avenir de la presse indépendante ? À l’heure où comme vous le soulignez dans ce même article, seulement 23 % des citoyens français accordent leur confiance aux journaux ? Pourriez-vous nous en dire plus sur « cette refonte en profondeur du système d’aide à la presse » ?

    J.T – La période de l’immédiat après-guerre est très intéressante au regard de l’histoire de la presse en France. C’est un moment où il est décidé de refonder la société sur d’autres bases : on crée la sécurité sociale, on renforce le système des retraites. Du côté du secteur de la presse, un épineuse question se pose : comment réguler un secteur qui a collaboré avec l’ennemi ? En effet, la plupart des journaux voire la quasi-totalité des journaux avaient été collaborateurs. La solution a consisté à mettre des résistants à la tête des journaux et – parce que nous ne vendons pas des savonnettes mais de l’information – certains parlementaires ont proposé de sortir d’un système capitalisme classique. Il a été décidé du maintien d’un secteur marchand tempéré par des aides publiques importantes. C’est de là que sont nées les aides à la presse. Aides à la presse qui n’ont cessé de croître pour représenter 10% des chiffres d’affaires de la presse.

    Nous sommes donc les dépositaires de cet héritage, d’un système marchand hautement subventionné. Toutes aides confondues – aides directe et indirecte – les aides à la presse –représentent entre 800 millions et un milliard d’euros par an. C’est colossal. Je ne suis pas certain que le public sache aujourd’hui qu’une partie de ses impôts est rétribuée à des entreprises de presse.

    Depuis, ce système sous forme de prime est devenu une véritable usine à gaz, valorisant les insiders , ceux qui sont déjà dans le coup et savent défendre leur bout de gras. Ce qui conduit aujourd’hui à des aberrations, avec des journaux très lucratifs, qui sont aussi les plus subventionnés. Télérama reçoit énormément d’aide à la presse en raison des aides au portage postal, alors que c’est un des rares journaux qui gagne encore beaucoup d’argent. Pendant longtemps, l’Express , qui était détenu par le milliardaire Patrick Draghi recevait des centaines de millions d’aide à la presse, alors que de petits sites comme celui du Vent Se Lève , ou Médiacités cherchent de l’argent partout.

    Bref, notre système est opaque, obsolète, et on pourrait très bien envisager, comme le fait d’ailleurs Julia Cagé de donner la possibilité à tout un chacun d’user de bons pour la presse, à sa guise. Chacun aurait un droit de tirage, proportionné au montant global des aides accordées à la presse par le nombre de citoyens et chacun aurait la possibilité de choisir où placer cet argent. Les citoyens français auraient ainsi la possibilité de flécher cette aide sur les médias qu’ils suivent. Ce système serait beaucoup plus démocratique, beaucoup plus sain.

    En dehors de ce chantier de refonte des aides à la presse, il y a aussi ce que porte Julia Cagé, qui est – il faut l’avouer – un peu seule dans son combat. Julia Cagé défend une utopie de réinvestissement, de reconquête citoyenne des médias par le capital. Tout un chacun pourrait donc monter pour un prix modique, dans le capital des médias afin de participer à la vie des médias et de participer à la vie d’un média. C’est donc une très belle idée ! Beaucoup d’entreprises disposent aujourd’hui d’administrateurs salariés, et il suffit d’avoir une part – même faible de salariés au capital pour les faire peser sur la stratégie des entreprises.

    Parallèlement à cette initiative d’un bout du monde, on a donc vu fleurir des fonds de dotation. Des fondations avec un système plus simple de fonctionnement, nourries par l’épargne populaire et qui ont pour but de soutenir l’activité de médias indépendants, au pluriel. Un peu sur le modèle de la fondation de recherche de la lutte contre le cancer mais cette fois pour la presse. Mediapart a créé son fonds, le fonds pour la presse libre. Libération va changer de statut pour être adossé à un fonds pour la presse indépendante. Le Monde réfléchit également à transférer les actions détenues par des privés au sein d’un fonds de dotation.

    Une mutation se fait donc sentir et si c’est le cas, nous nous rapprocherons de ce qui existe parfois à l’étranger, comme par exemple en Angleterre avec le Scotland Trust , qui porte l’activité du Guardian . Mais il faudrait également regarder du côté de l’Allemagne où certains groupes sont détenus par des fondations.

    Contrairement aux choix qui a été fait dans l’immédiat après-guerre, il s’agirait de ainsi de revenir sur un mode de fonctionnement qui ne serait plus public ou parapublic mais coopératif. C’est intéressant parce que la presse est dans la situation que vous savez en raison de l’érosion des recettes publicitaires mais aussi de la défiance croissante des publics qui pose le problème de l’offre éditoriale. C’est quelque chose qu’on ne dit pas assez. Seul 23% des Français ont confiance dans la presse, la considérant comme connivente, superficielle ou excessive.

    C’est pourquoi on a lancé Mediacités . Nous voulons une presse différente dont l’offre, la proposition éditoriale soit différente et à même de reconquérir un public qui s’est détourné de la presse. Ce qui passe par des actions participatives, des financements et des modes financements différents. Avec Mediacités , nous avons bâti un mode de gouvernance reposant sur une société des amis qui réunit des sociétaires, de petits copropriétaires et une société d’exploitation qui réunit une quarantaine d’actionnaires. En cumul cela fait plus de 110 actionnaires qui donnent à Mediacités une dimension plus citoyenne et démocratique, à même de regagner la confiance perdue du public envers sa presse.

    NDLR : Entretien réalisé à l’automne 2020.

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      Face à l’abstention, comment mieux représenter et impliquer les citoyens

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 28 November, 2022 - 03:40 · 9 minutes

    Par Tommaso Vitale et Emilien Houard-Vial.

    Si cette année Giorgia Meloni et Marine Le Pen ont concentré l’attention des commentateurs des deux côtés des Alpes, l’abstention est bien la donnée politique la plus importante qui ait émergé de ces élections. Le choix délibéré de millions de citoyens de se détourner de l’arène politique est souvent agrémenté de propos négatifs sur leur supposée irresponsabilité ou manque d’éthique. Pour autant, le registre de la culpabilité est-il le plus pertinent pour répondre au grave problème du désengagement électoral ?

    Car la citoyenneté active qui s’exprime dans le vote est une nécessité démocratique aussi bien qu’un extraordinaire levier d’apprentissage collectif . Les démocraties sont capables de se corriger, d’accepter les demandes sociales et d’élaborer des politiques redistributives, y compris en faveur des plus démunis, multipliant les opportunités de conquêtes civiles, sociales et économiques. La démocratie est même une condition nécessaire pour garantir l’expression de chacun et une juste distribution des possibilités d’améliorer sa vie et demande pour cela la participation électorale de tous les citoyens.

    « Entrer » en politique

    Les citoyens ne votent pas seulement parce qu’ils sont convaincus que la démocratie est le meilleur des régimes politiques. Ils observent de l’extérieur l’arène parlementaire et gouvernementale, et se demandent s’ils peuvent « entrer » : s’il leur semble qu’il n’y a plus de place pour eux, ils passent à autre chose et utilisent ailleurs leur temps, leur sociabilité et leur capacité d’expression.

    « Entrer », dans le cas de la politique, ne veut pas dire être élu ou en faire une profession mais dans le sens classique attribué à ce terme par le politiste américain Lester W. Milbrath : appartenir objectivement et subjectivement à un collectif.

    Toutes les enquêtes sociologiques convergent vers ce fait : dans un régime démocratique, on vote quand on se sent représenté , quand chacun est écouté à la fois comme individu et comme membre d’un ou plusieurs groupes auxquels il tient.

    Lors des dernières élections italiennes, la coalition de droite a plutôt stabilisé son nombre d’électeurs, avec d’importants flux internes en direction de Frères d’Italie. Toutes les autres coalitions se sont effondrées : elles n’ont pas su convaincre les habitués de l’abstention et ont perdu un grand nombre de leurs électeurs. En France, la coalition présidentielle a perdu près d’1,5 million d’électeurs entre le premier tour des législatives de 2017 et celui de 2022 et la gauche n’a pu améliorer sa représentation à l’Assemblée que grâce à une meilleure coordination, peinant à convaincre de nouveaux électeurs . Seul le Rassemblement national a su tirer son épingle du jeu avec presque 1,3 million d’électeurs supplémentaires, le tout sur fond d’abstention atteignant un maximum historique (52,5 %) depuis le début de la V e République.

    Que signifie exprimer un vote ?

    Pourtant, les Italiens et les Français sont plus éduqués que jamais, ont acquis un sens critique et disposent d’un large accès à une pluralité de médias et de sources d’information. Ils s’intéressent aux questions politiques et choisissent de voter ou non .

    Ce paradoxe est bien documenté : en analysant 22 pays européens à l’aide des données de l’Enquête sociale européenne, Simon Bienstman, Svenja Hense et Markus Gangl expliquent en réalité la montée de l’abstention par la méfiance à l’égard de la classe politique et du système politique en général, notamment quant à leur capacité à régler les problèmes.

    D’importants programmes de recherche en sociologie urbaine et régionale , centrés sur les contextes territoriaux, cherchent à expliquer les taux élevés d’abstention dans certains territoires où se concentrent des personnes « désenchantées », qui se sentent abandonnées par les politiciens et les politiques publiques mais aussi des individus qui choisissent de ne pas voter afin d’envoyer un message explicite de protestation contre l’offre politique existante .

    Il s’agit de zones en déclin ou présentant des difficultés économiques et une marginalisation de long terme . Dans ces territoires, l’abstention est donc bel et bien un choix, exprimant un jugement sur les leaders politiques et les partis du gouvernement et des oppositions.

    Les abstentionnistes se sentent frustrés, disent n’avoir jamais rencontré quelqu’un qui se soit préoccupé de leurs besoins et de leurs priorités. Il est impressionnant de voir la divergence radicale entre les priorités d’action qui émergent dans les sondages et les thèmes développés dans les manifestes politiques et les programmes électoraux .

    La sociologie des partis nous apprend que la construction des programmes électoraux et de l’agenda du gouvernement ou de l’opposition ne repose pas sur la consultation et la synthèse de requêtes provenant de citoyens isolés ou associés. Dans nos recherches, nous avons trouvé que même les citoyens particulièrement actifs s’associant pour faire entendre leur voix n’ont pas l’impression que leurs propositions sont écoutées et représentées . Tout ceci ne doit pas être interprété sur un mode populiste, mais nous oblige à reconsidérer l’essence de la démocratie comme régime de représentation : la souveraineté se trouve dans les mains des citoyens.

    Municipalisme et démocratie

    Les élus des administrations locales réussissent à mobiliser l’électorat : ils ont inventé des façons d’écouter les citoyens, d’en faire la synthèse, de représenter des intérêts divergents. Par exemple, sur 566 processus délibératifs tenus depuis les années 1980 dans les pays dans l’OCDE, 86 % sont à l’initiative des communes et régions . Celles-ci ont utilisé des stratégies délibératives, à travers des mini-débats, des référendums et des initiatives citoyennes, favorisant des sources de savoir diverses ainsi que le respect et la confiance mutuels. Elles ont promu des processus participatifs impliquant les citoyens dans la prise de décision et dans le contrôle de la gouvernance locale, comme le bilan participatif ou la coévaluation des impacts sociaux, de façon à améliorer la fourniture de services et de biens collectifs .

    À l’inverse, trop peu est fait au niveau national, de la part des partis comme des institutions, pour bâtir la transparence, la responsabilité et la gouvernance ouverte qui sont pourtant des prérequis pour améliorer la confiance et l’engagement civique.

    La Première ministre Jacinda Arden remporte l’élection en Nouvelle-Zélande en 2020, sur la base d’un programme qui se veut représenter au plus près ses électeurs.

    Il est évidemment plus difficile de mettre en place une représentation accessible au niveau national qu’au niveau local, car cela demande une organisation plus diffuse et des modalités d’écoute et d’élaboration plus transparentes. Aujourd’hui, on fait campagne avec des idées déjà pensées et des programmes et manifestes déjà écrits et non pas coproduits dans la perspective de représenter les paroles et intérêts collectés.

    Même les maires les plus innovants ne savent pas comment développer plus largement des processus de représentation capables de mobiliser un électorat frustré et en colère. Ils ne parviennent que rarement à devenir des leaders nationaux car la manière de représenter les intérêts des habitants d’une ville ne peut se transposer à la représentation des citoyens à l’échelle nationale.

    Il s’agit ici de communiquer de manière continue et rigoureuse avec des intérêts diffus et divers, d’élaborer une offre politique évolutive à partir de leurs propositions, en déterminant ce qui est à représenter ou non. C’est ce qui a caractérisé beaucoup de leaders nationaux ayant réduit l’abstention comme Gabriel Boric au Chili, Jacinda Ardern en Nouvelle-Zélande, Justin Trudeau au Canada, Alar Karis en Estonie et, parmi les conservateurs, Mark Rutte aux élections hollandaises de mars 2021.

    Un agir communicationnel à prendre en compte

    Il faut donc chercher à tirer les leçons de ces quelques leaders nationaux qui ont su faire des choix mobilisant les abstentionnistes, avec humilité et sans chercher de recette miracle. Il y a notamment dans lesdits cas une organisation préexistant à la campagne électorale, capable d’identifier les priorités d’action et d’élaborer des débuts de propositions par la suite rediscutées par les citoyens. Pas de primaires pour définir le leadership, mais des consultations sur les enjeux et les moyens de s’y confronter. Autrement dit, une attention particulière portée au caractère réciproque de la communication politique.

    Cet « agir communicationnel », comme le définit le philosophe allemand Jürgen Habermas , est au service d’un changement riche prenant en compte les groupes d’intérêts, que ce soit ceux de la société civile altruiste et dynamique, ou ceux plus fermés et autocentrés des associations professionnelles et du monde économique.

    Pour revenir aux fondements de la représentation, l’agir communicationnel nous semble plus précieux que les raccourcis adoptés dans certains pays comme les amendes en cas de non-vote (en Belgique), le vote postal (en Allemagne) ou l’introduction du vote électronique (Estonie).

    La promesse de la démocratie

    La démocratie contient en elle-même la promesse exigeante de participer et de compter à travers la sélection des représentants. Nous sommes dans une période où elle traverse ses pires moments : attaquée idéologiquement par de puissants régimes autoritaires, affaiblie en interne par l’abstention.

    Cette situation appelle une démocratie toujours plus exigeante et doit nous inciter à apprendre comment les pratiques et les innovations démocratiques contribuent à donner de la voix aux personnes structurellement marginalisées . L’enjeu est de construire une démocratie à l’intersection de la politique représentative et des dispositifs participatifs qui permette de reconnaître, de valoriser et de construire les compétences de ces groupes, facilitant leur engagement dans les processus partant du bas et centrés sur les droits.

    Il faut revenir au cœur de la promesse démocratique : seulement alors nous pourrons redécouvrir l’intérêt d’une démocratie qui n’a pas peur et qui se dote d’outils pour mettre en commun les savoirs, les besoins et les intérêts des citoyens.

    Tommaso Vitale , sociologue, doyen de l’École urbaine de Sciences Po, chercheur au Centre d’études européennes et de politique comparée, Sciences Po et Emilien Houard-Vial , doctorant en science politique, Centre d’études européennes (Sciences Po), Sciences Po

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons . Lire l’ article original . The Conversation

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      Le doigt cassé démocratique

      Karl Eychenne · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 3 November, 2022 - 03:40 · 5 minutes

    « Docteur, j’ai mal partout, quand je touche mon ventre avec mon doigt j’ai mal, quand je touche mon genou j’ai mal, quand je touche ma tête j’ai mal… » ; et le docteur de répondre : « vous avez juste le doigt cassé » .

    Le gouverné aussi dit avoir mal partout, mais c’est son doigt qui est cassé, son doigt démocratique.

    Est-ce du spleen ou du blues qu’éprouve le gouverné, difficile de trancher. Mais le mal être est indubitable. Pourtant, nous essayons, nous nous débattons, tentons de trouver une position plus agréable, pour un moment, « comme ces malades qui se tournent dans toutes les positions possibles dans leur lit, pensant trouver un moment de répit », nous rappelle Giuliano da Empoli l’auteur du Mage du Kremlin .

    Ainsi donc, nos démocraties vivent des moments irritants, qui n’empêchent pas d’y croire, mais éprouvent la foi. Se pourrait-il que nous misions à chaque fois sur le mauvais cheval ? Faut voir. Si nous avons si mal partout, si longtemps, quel que soit le traitement proposé, peut-être n’est-ce pas LA politique qui est fautive, mais LE politique ? Pas la fonction, mais l’organe ? Pas l’œuvre mais l’auteur ?  Peut-être la fable du doigt cassé proposée dans l’introduction nous éclaire-t-elle quant à la nuance :

    • Docteur, j’ai mal partout, quand je touche mon ventre avec mon doigt j’ai mal, quand je touche mon genou j’ai mal, quand je touche ma tête j’ai mal
    • Vous avez juste le doigt cassé

    Dans le cas qui nous intéresse, le doigt cassé serait donc LE politique, seul responsable de la douleur du gouverné , plutôt que LA politique qui serait alors condamnée par avance. D’où qu’il vienne le gouvernant pourrait dire ou agir, son sort serait scellé dès la sortie des urnes. Le politique dans l’exercice du pouvoir, en charge du bien vivre ensemble, dans le meilleur des mondes, et quoi qu’il en coûte, serait par défaut accusé d’aveuglement, d’errement, d’hypocrisie, d’hérésie, d’actes manqués avant que d’être mis en œuvre.

    Peut-être. Peut-être sommes-nous victimes d’un tel biais émotionnel, un biais où la charge du ressentiment envers LE politique l’emporterait sur LA raisonnable politique. Peut-être sommes-nous trop peu réceptifs à l’œuvre, et bien trop à l’artiste. Peut-être alors est-ce la faute du gouverné si le gouvernant fait chou blanc…

    Un peu fort de café quand même. Non, la fable du doigt cassé ne dit pas cela, ou plutôt pas que cela. D’ailleurs, cette fable du doigt cassé est bien moins débilitante que celle du doigt du sage, plus connue mais moins à l’avantage du gouverné : « quand le sage regarde la lune, l’idiot regarde le doigt » , proverbe chinois. Bref, le doigt du sage est un étendard de l’idiot du village (le gouverné), alors que le doigt cassé relèverait plutôt d’une forme d’illusion de ce même gouverné, ou plutôt de désillusion.

    Du doigt à la Douât

    Nous ne sommes donc pas véritablement victimes d’un biais émotionnel, c’est-à-dire d’une charge déraisonnable contre le gouverné, mais plus probablement d’une terrible désillusion. Comme une histoire qui n’est pas conforme au résumé que l’on nous en fait. Un résumé qui présumait le politique en capacité de virer de bord, dans la bonne direction, sans faire chalouper de trop le navire. Et puis la désillusion de l’histoire ressentie : « Le roman déchire le rideau, celui des idées reçues » .

    Nous avons cru que croire suffirait, un moment, et puis nous avons été lassés, comme un enfant dont l’émerveillement s’émousse à la vue du même tour de magie répété inlassablement, et dont il démasque les manques et les fraudes. Peut-être l’anachorète se satisfait-il de croire encore et toujours, et ne voit-il pas dans le réel des preuves suffisantes de son errement. Mais l’Homme de la cité est moins patient, et s’agace d’un monde qui ne ressemble pas aux promesses qu’on lui fit.

    Peut-être avons-nous été trop naïfs pour croire que l’élu annoncerait la providence ? Le comique de service fera remarquer que le doigt cassé de la fable tend à se confondre avec la Douât , ce lieu de passage hostile où le dieu solaire Ré (mythologie égyptienne) doit lutter contre Apophis qui incarne le chaos, ou bien le doigt cassé se confond-il avec l’autre Douât séjour dans l’au-delà de l’âme des défunts.

    L’amer aigri d’humeur moins badine préfèrera nous rappeler sa prière du matin :

    « Il faut être sacrément obtus ou débile profond pour croire encore que la formule magique pour vivre dans le monde des bisounours existe quelque part, au détour d’un théorème découvert par hasard par quelque professeur Tournesol calculant l’âge du capitaine, ou d’un palimpseste jaunâtre remis à jour à la lecture du pouvoir en place ».

    Le doigt totalitaire

    Peut-être. Mais un doigt cassé, c’est peut-être mieux que pas de doigt du tout. Le doigt cassé nous donne la faculté d’en éprouver la douleur, alors que le doigt manquant pas du tout. De la même manière la démocratie nous donne la faculté d’éprouver la douleur du mauvais élu, alors que la dictature pas du tout. Peut-être même que la dictature prive le « gouverné » de sa faculté de souffrir du doigt cassé, mais ne le prive pas de la douleur du membre fantôme : la liberté de choisir celui que l’on critiquera demain.

    Un reggae man qui ne s’intéresse pas à la politique doit faire du zouk ! Tiken Jah Fakoly

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      La défaite du libéralisme signifie la victoire des régimes illibéraux

      Alexandre Massaux · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 29 October, 2022 - 03:30 · 3 minutes

    L’actualité n’est pas vraiment marquée par une victoire des idées de libertés. La mondialisation est est de plus en plus remise en cause du fait des restrictions liées au covid puis par les tensions et conflits avec la Chine et la Russie, tout comme l’absence de réformes dans nos pays. La démission de Liz Truss semble en outre avoir ravi les critiques du libéralisme (que beaucoup surnomment néolibéralisme , mot devenu fourre-tout).

    Outre le fait qu’il y aurait des choses à redire sur le libéralisme de Liz Truss, il faut remarquer que ceux qui se réjouissent de la crise du libéralisme ne sont pas conscients des grands gagnants de ce petit jeu politique.

    Car s’ils veulent la fin du libéralisme tel qu’on l’a connu, alors ils vont être servis : les illibéraux ont le vent en poupe et sont bien partis pour occuper le paysage politique.

    Pourtant, beaucoup de critiques du libéralisme et du soi-disant néolibéralisme se disent défenseurs de la démocratie libérale. Mais les choses ne se passent pas comme ils l’espèrent.

    L’illibéralisme consolide son poids politique

    2022 n’a pas été une année agréable pour les partis centristes au pouvoir.

    En France, le parti d’Emmanuel Macron n’a pas réussi à avoir la majorité et a vu la montée en puissance de la France Insoumise et le retour du Rassemblement national à l’Assemblée. En Italie, le gouvernement de centre a perdu et a laissé place à une alliance de droite dirigée par les Frères d’Italie (qui il y a moins de 5 ans représentait moins de 5 %). La Suède gouverne désormais avec un gouvernement soutenu par la droite radicale des Démocrates Suédois.

    En Amérique du Sud, ce sont des populistes de gauche qui ont remporté les élections : en Colombie, un président de gauche a été élu pour la première fois. L’année dernière, la gauche radicale a gagné les présidentielles au Chili . Et le Brésil va choisir ce dimanche entre la droite radicale de Bolsonaro, et celle aussi radicale de Lula.

    Pendant ce temps, les illibéraux se maintiennent.

    Dans les démocraties, Viktor Orban a été réélu avec une majorité absolue. Dans les régimes autoritaires, Xi Jinping vient de consolider son pouvoir suite au Congrès du parti communiste chinois. Quant à Vladimir Poutine, il arrive à se maintenir malgré les aléas du conflit en Ukraine.

    L’alternative au libéralisme n’amènera pas plus de démocratie

    Ces différents exemples montrent que la tendance n’est pas à davantage de démocratie.

    Il est intéressant de remarquer que beaucoup de personnes se déclarant défenseurs de la démocratie libérale passent leur temps à critiquer le libéralisme jugé trop individualiste et trop capitaliste. À bien des égards elles souhaitent un libéralisme avec un État intervenant davantage, une forme de social-démocratie qui irait plus loin que le libéralisme au sens américain.

    Sauf que la situation générale n’ira pas en leur faveur. Si le libéralisme disparait, ce seront des dirigeants illibéraux qui gagneront. Ce sont les valeurs de liberté et du capitalisme qui ont amené la prospérité et la puissance de l’Occident dont jouissent ses élites. Si ces dernières les mettent à bas, elles risquent de subir une montée populiste de grande ampleur.