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      Centrales nucléaires : vers un rendement amélioré ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 21 April, 2023 - 03:15 · 8 minutes

    Quelque disciple d’un Amédée Gordini ayant fait autrefois de la Renault 8 et de l’Alpine Renault deux redoutables machines de course a sans doute inspiré l’idée à madame Borne que doit exister le moyen de doper le rendement de nos centrales électronucléaires, à l’instar de celui du moteur à combustion interne par la turbocompression . On souhaite bien du plaisir aux professionnels que le pouvoir a chargé de jouer une telle martingale, ceux auxquels le pays doit l’admirable transition écolo énergétique d’EDF, boostée comme chacun sait par un marché du kWh élargi et optimisé.

    Considérons donc le cahier des charges remis par le Premier Ministre à ces derniers, rapporté comme suit par La Tribune :

    « J’ai demandé à EDF de mettre à l’étude une augmentation de puissance du parc nucléaire français, en lien avec l’ASN […] une mesure pouvant contribuer à augmenter la production d’électricité nucléaire, qui reste encore inférieure à son potentiel ».

    Selon Sylvie Richard, directrice du programme de grand carénage d’EDF, doper ainsi nos capacités permettrait des gains de puissance de l’ordre de « 4 – 5 % » pour certains réacteurs, 3 % au total, soit l’équivalent de la puissance de« deux réacteurs ».

    L’étude technique évaluera prioritairement les modifications possibles dans le circuit secondaire, là où la vapeur produite dans le circuit primaire est envoyée dans les turbines géantes du turbo-alternateur pour être transformée en électricité. Le circuit secondaire est choisi en priorité, car « les enjeux de sûreté devraient [y] être moins structurants que sur le circuit primaire », la partie abritant le combustible nucléaire.

    Ajoutons que le gouvernement compte travailler sur la réduction de la durée des arrêts de maintenance et sur « l’excellence opérationnelle » pour relever la production d’ EDF dans une fourchette située entre 350 et 380 Térawattheure (TWh) encore loin des 430 TWh produit en 2005.

    Ainsi, ingénieurs et techniciens d’EDF ont pour missions de réduire la durée des arrêts de tranches et d’améliorer les procédures d’exploitation et d’entretien du circuit secondaire de nos 56 tranches, de sorte à obtenir un meilleur rendement de leur production ; ceci sans toucher autant que faire se peut aux procédures homologues du circuit primaire, une litote signifiant qu’il est impossible de toucher à ce circuit sans contrevenir aux Règles Fondamentales de Sûreté (RFS), aux Règles de Conception et de Construction des Matériels Mécaniques (RCCM) et aux autres Règles de Surveillance en Exploitation des Matériels de l’ilot nucléaire (RSEM), des matériels pour la plupart classés Importants Pour la Sûreté (IPS).

    C’est pourtant au niveau du dimensionnement et des modalités d’exploitation du circuit primaire que siègent les plus grandes marges d’accroissement d’un rendement de la tranche nucléaire aujourd’hui guère supérieur à 35-36 %. Or, pour ce qui est du dimensionnement, on n’imagine pas mesdames Borne et Pannier-Runachet aller jusqu’à se mettre en tête d’installer des générateurs de vapeur, des pompes primaires et des pressuriseurs plus performants que ceux en place… pas plus d’ailleurs que de nouvelles turbines et de nouveaux alternateurs sur le circuit secondaire !

    Une évidence aussi patente appelle donc forcément la démonstration ci-après qu’il y a loin de la coupe aux lèvres entre les ambitions improvisées du gouvernement et leur réalisation concrète, même agréée par des responsables EDF dont on se demande s’ils ont bien les pieds sur les planchers machines.

    Produire plus de kWh en limitant la durée des arrêts de tranche

    Cette durée est la somme des durées optimisées des opérations élémentaires constituant le chemin dit « critique » d’un arrêt. Ce chemin n’est autre que le programme de l’intervention ayant nécessité d’arrêter la tranche : renouvellement du combustible ; réparation fortuite, accidentelle, imposée par la sûreté ou par la maintenance prédictive ; exigences d’exploitation diverses décrétées par la direction du site, par ses organismes de tutelle… ou imposée par telle situation sociale.

    Toutes les interventions d’entretien, de modifications, de recharge ou de renouvellement des consommables, d’optimisations diverses des dispositifs techniques d’exploitation ayant été programmées pour l’occasion doivent se faire en temps dit « masqué », c’est-à-dire durant la progression du chemin critique caractérisé ci-avant, en s’efforçant d’en altérer le moins possible la durée théorique.

    Où l’on ne distingue que deux moyens de réduire notablement la durée des arrêts :

    1. Disposer quantitativement et qualitativement des compétences aptes à s’acquitter des travaux requis dans les délais prescrits les plus exigeants.
    2. Optimiser et alléger les règlements de sûreté et de radioprotection pesant lourdement sur les procédures d’intervention françaises.

    Le premier moyen renvoie à l’impossibilité de pallier à court terme un dépouillement des compétences pratiqué sur le temps long par des politiques ineptes, en matières industrielle, d’éducation scolaire et universitaire, d’orientation et de formation professionnelles continues ou non ; quant au second moyen, inutile de s’y attarder, le père Fouettard ASN en détenant sans partage les clés d’une optimisation ergoteuse dont il est de surcroît le maître des horloges, comme nulle part au monde.

    Obtenir un supplément de kWh par le fonctionnement plus fréquent en Stretch out

    Stretch out est la désignation usuelle du fonctionnement d’une tranche en prolongation du cycle combustible consistant à épuiser jusqu’à la corde le potentiel d’activité de ce dernier. Cette optimisation technico-économique consiste à apporter un supplément de réactivité par la disparition complète du bore neutrophage dans une eau primaire – le modérateur – dont on a fortement abaissé la température (pour rendre négatif le coefficient du même nom) par réduction d’une puissance du cœur seulement contrôlée par les grappes de régulation.

    Sauf que, ce faisant, il n’est pas rare que survienne une pollution Xénon contrecarrant sensiblement l’apport recherché du supplément d’activité et que, l’ilotage de la tranche sur ses auxiliaires étant interdit en Stretch out , l’arrêt de cette dernière est définitif au premier incident de réseau imposant son découplage.

    Obtenir du seul circuit secondaire un gain de puissance d’au moins 3 %

    Ce gain de puissance est attendu du processus énergétique s’exerçant entre l’admission de la vapeur à la turbine et la délivrance de la puissance électrique aux bornes de l’alternateur, c’est-à-dire de l’amélioration en conséquence du rendement du groupe turbo-alternateur. L’alternateur n’étant qu’un organe passif ayant pour fonction de réguler la tension du réseau dont il n’est pas maître de la dégradation causée par la nature des consommations, l’essentiel du challenge imposé par madame Borne aux opérateurs d’EDF ne repose donc que sur la possibilité d’améliorer le rendement de la turbine.

    On se fourvoierait gravement en comprenant par là qu’il s’agit d’améliorer le rendement nominal de la machine : le rendement en question est celui du cycle eau-vapeur sommairement schématisé ci-dessous , dont on attend qu’il amène à l’admission du corps Haute Pression (HP) de la turbine une vapeur à au moins 253°C et véhiculant une énergie de quelque 2950 Kilo-Joules/Kg (KJ/Kg) d’ enthalpie , pour une tranche de 900 MW.

    Il n’aura échappé à personne que l’eau reprise du condenseur pour être transformée en vapeur destinée à la turbine est réchauffée à deux niveaux BP et HP, avant d’être introduite dans le générateur de vapeur.

    Optimisation thermodynamique du cycle eau-vapeur

    Conformément aux lois de la thermodynamique, obtenir une délivrance optimale de la puissance turbine exige que chaque étape du cheminement de l’eau destinée à la vaporisation soit optimisée en débit et en température. Le schéma détaillé ci-dessus montre clairement comment ce réchauffage préalable de l’eau est tout bonnement obtenu par un prélèvement de vapeur vive à différents étages des corps HP et BP de la turbine, au moyen de six soutirages : deux sur le corps HP, R5 et R6, un à l’échappement du corps HP, R4, et trois sur le corps BP, R1, R2, R3.

    Qui peut croire qu’un tel compromis de répartition du débit de vapeur vive entre l’entraînement de la turbine et le réchauffage de l’eau alimentaire résulte d’une improvisation de l’opérateur en poste sur la tranche, à un moment donné ? Qui peut croire possible d’en accroître indéfiniment l’optimisation et à l’absence de sa codification rigoureuse aux différents régimes de la turbine ? Ce serait méconnaître qu’en existe une indépassable optimisation, fruit de nombreux calculs et simulations de cycles itératifs, réalisés dans le cadre du dimensionnement de l’installation.

    C’est pourquoi laisser croire possible d’obtenir une augmentation des performances de l’installation par la transgression de telles grandeurs de dimensionnement serait non seulement fallacieux, mais aurait quelque chose d’irresponsable et de dangereux.

    Le seul moyen de tirer davantage d’énergie de notre parc électronucléaire

    Madame le Premier ministre, madame la directrice du programme de grand carénage d’EDF, peut-être n’en êtes-vous pas convaincues, mais d’évidence, les procédés d’augmentation de la production électrique examinés ci-dessus souffrent tous d’une précarité que, en l’état, notre complexe industriel n’est pas en mesure de surmonter ; sauf le dernier d’entre eux, sur le degré d’optimisation duquel on n’a, hélas, aucune prise.

    Aussi, le bon sens professionnel ne saurait-il trop vous suggérer de recourir au plus efficace de ces procédés : renoncer à utiliser notre parc électronucléaire en servile supplétif du parc éolien et le cantonner définitivement à son régime de production de base à 100 % de puissance, comme prévu à l’origine.

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      Renationalisation d’EDF : la Macronie prise au piège du climat social

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 17 February, 2023 - 04:00 · 3 minutes

    La majorité présidentielle a t-elle trouvé sa parade à l’obstruction parlementaire ? Alors que l’État vient de franchir le seuil des 90 % du capital d’EDF fin janvier, le sujet aura été le théâtre de fortes crispations à l’ Assemblée nationale .

    Le jeudi 9 février, les députés Renaissance, pourtant relativement majoritaires, ont purement et simplement quitté l’hémicycle du palais Bourbon en plein vote d’une proposition socialiste visant à refuser le démantèlement d’EDF et à étendre le bouclier tarifaire énergétique aux artisans et notamment aux boulangers.

    EDF renationalisé

    Après le Modem en octobre, LFI en novembre, Les Républicains en décembre et le RN début janvier, c’était désormais au tour des socialistes de voir leur niche parlementaire étudiée dans l’hémicycle.

    C’est dans ce cadre qu’a été présentée une proposition visant à renationaliser EDF , une proposition qui a provoqué des remous dans les rangs majoritaires. Il faut dire qu’elle a reçu l’appui d’une bonne partie de l’opposition, de LFI au RN en passant par LR. La proposition a ainsi été adoptée par 205 voix contre une, celle du député Modem de Haute-Garonne Laurent Esquenet-Goxes. Le refus du groupe macroniste s’appuyait sur le fait que le texte aurait constitué un cavalier parlementaire, soit un texte sans lien avec la proposition initiale de la nationalisation d’EDF mais aussi et surtout un texte inconstitutionnel.

    Une niche consensuelle

    Conscients des difficultés posées par leur niche, les socialistes avaient préalablement accepté de mettre au placard une proposition inique sur la taxation des bénéfices exceptionnels des grandes entreprises, une proposition qui sera toutefois l’objet d’un amendement dans le cadre du vote sur les retraites. Que voulez-vous, quand un socialiste a une idée fixe…

    Après être parvenus à faire voter une proposition de loi renforçant la protection des victimes de violences intrafamiliales et, à l’unanimité, la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la vie chère dans les collectivités ultramarines , les choses se sont rapidement tendues s’agissant des repas à un euro pour tous les étudiants, qui échoua d’une seule voix avec le renfort de LR.

    Cette tension est donc montée d’un cran lorsqu’il s’est agi de la proposition relative à EDF, dont la privatisation, comme celles des autoroutes ou de grandes entreprises comme La Poste ou la SNCF, n’en sont pas vraiment dans la mesure où il ne s’agit généralement que de concessions ou de transformations en sociétés à capitaux toujours publics et donc toujours détenues par l’État.

    Une pratique récurrente

    La pratique consistant à quitter l’hémicycle est quasiment devenue une coutume parlementaire tant elle est récurrente et participe de la grandiloquence parlementaire. On peut évoquer les différents incidents de séance qui agrémentent l’hémicycle, des invectives aux interprétations larges du règlement en passant par l’ intrusion en 2009 de militants écologistes dans l’enceinte du palais Bourbon.

    Contrairement aux idées reçues, ces départs ne sont pas davantage le fait de l’opposition que de la majorité.

    La pertinence de la manœuvre est également quelque peu relative, comme en témoigne le cas du vote de la renationalisation d’EDF, pourtant adoptée. Alors pourquoi ?

    Des députés sous pression

    Les députés PS ont leur explication : celle de ne pas avoir à justifier auprès de leurs électeurs du refus de soutien aux professions artisanales par une mesure gourmande en argent public.

    Une explication qui apparaît cohérente et qui révèle davantage encore la situation des députés Renaissance. Ces derniers sont déjà mis sous pression dans leur circonscription s’agissant d’un projet de réforme des retraites rejeté par 7 Français sur 10.

    L’échec du réformisme social-démocrate

    La révolution promise par Emmanuel Macron en 2016 montre une nouvelle fois ses faiblesses. Ce qui se voulait être une disruption de l’action publique s’est révélé être un jacobinisme technocratique alimentant un consensus loin de révolutionner quoi que ce soit.

    La crise des Gilets jaunes et les différents mouvements sociaux ont déjà mis à mal les tentatives de réforme, parfois ambitieuses, d’un gouvernement qui est désormais pieds et poings liés par un climat social alimenté par l’inflation.

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      Ségolène Royal ne regrette rien

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 February, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Ce mardi 7 février 2023, celle qui se vit un temps la Michelle Bachelet française ne laisse à personne le soin de décliner son panégyrique de femme d’État à la Commission d’enquête parlementaire Souveraineté et indépendance énergétique de la France .

    Elle déclare que sa mission devant l’éternel fut de lancer une massive stratégie bas carbone permettant à notre pays de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, dessein national célébré en grande pompe par une COP21 réputée devoir rester dans l’Histoire.

    La stratégie a consisté à développer une énergie propre, sûre et la moins chère possible de même qu’à en limiter drastiquement la consommation nationale ; une énergie propre essentiellement renouvelable – ça va de soi  – devant occuper 32 % de nos capacités totales de production à l’horizon 2030. Quant aux économies d’énergie, priorité des priorités sans laquelle toute croissance économique serait compromise, on ne mégote pas : diviser par deux notre consommation énergétique de 2012, à l’horizon 2050 !

    Peu importe à la sémillante militante climatique investie de responsabilités qu’on n’aurait jamais dû lui confier que, au-delà de 30 % d’énergie non pilotable, tout système électrique devient ingouvernable, que s’affranchir de ce seuil rédhibitoire devient dangereux, les Américains de l’État de New-York en sachant quelque chose.

    Les grandes manœuvres économiques et sociales ci-après furent donc déployées dès 2015 : la finance verte sous l’impulsion de banques et d’assurances paraît-il traumatisées par la difficulté croissante de dédommager les sinistrés climatiques, au moyen de green bonds jusqu’à 11 milliards d’euros ; un État locomotive ne se privant pas d’appels à projets essentiellement éoliens, tout en évitant d’opposer les énergies entre elles… l’important étant la moins chère ; lyrique appel aux collectivités territoriales à renouer avec les grandes heures de la reconstruction du pays – aménagement hydraulique décidé par le CNR… – et aux femmes, premières victimes du réchauffement climatique, selon l’ancienne ministre.

    On laissera le Français moyen apprécier ce que lui aura coûté et n’a pas fini de lui coûter sa contribution à la lutte planétaire contre le réchauffement climatique, en ayant à l’esprit que la Chine est responsable de 28 % des émissions totales de CO 2 , les États-Unis de 15 %, l’Allemagne de 2,3 %… et la France de seulement 0,9 %.

    À la question de savoir quelle fut sa vision énergétique prospective, en termes d’équilibre production-consommation, et quel était le pilotage mis en œuvre d’une diminution de notre nucléaire à 50 % de la production totale, à échéance 2025, madame Royal se contente de scander « économie d’énergie » et « investissement massif dans les renouvelables ». Selon elle, à l’instar des pionniers de l’éolien et du photovoltaïque que sont Espagnols et autres Chinois, une France pouvant devenir le champion mondial de l’isolement des bâtiments doit être visionnaire ; et de regretter « l’occasion manquée » de l’hydrolien.

    La dame se lance ensuite dans un surréaliste réquisitoire contre notre nucléaire, après qu’on lui ait rappelé sa déclaration de 2011 disant que la France peut sortir du nucléaire en 40 ans et sa déclaration de 2014 disant qu’on ne le peut pas ! Je confirme la sortie possible en 40 ans, s’exclama-t-elle, j’ai toujours été contre l’EPR de Flamanville, contre celui de Penly et contre ASTRID, car mon seul objectif est le développement des renouvelables, un point c’est tout. Si nous avions davantage investi dans ces dernières nous n’en serions pas où nous sommes.

    Plus on investit dans les renouvelables, continue-t-elle, plus le prix de leurs KWh baisse, le contraire dans un nucléaire devenu plus cher que l’éolien et ne nous garantissant aucune autonomie énergétique, dans la mesure où son combustible, l’uranium, est importé. On convie l’ex-ministre des Transitions à prendre connaissance par elle-même du mix électro-énergétique diffusé en permanence par RTE pour constater ce que produisait, ce jour à 9 h 15 précises, une puissance éolienne équivalente à celle de 20 tranches nucléaires, soit 5 % de la consommation nationale !

    Par ailleurs, les déchets représenteraient un grave péril sanitaire dont la gestion par enfouissement, à Bure, est irresponsable. Songez donc : des radioéléments dont la période de décroissance radioactive est de 200 000 ans, quand les pyramides n’ont que 3000 ans !…

    Peut-être faudrait-il attirer l’inquiétude de madame Royal sur le potassium 40 conférant l’essentiel de sa radioactivité à tout organisme humain, dont ladite période est de 1,26 milliard d’années ! Quant à sa prétendue irréversibilité du stockage profond, c’est une flagrante contrevérité.

    Le rapporteur : Sur quels éléments techniques vous êtes vous basée pour considérer tenable de limiter le nucléaire à 50 % et être en mesure de nous prémunir contre l’effet falaise ? Ce que monsieur Brottes et le directeur général de l’énergie n’ont pas jugé crédible.

    Réponse : Cet objectif doit être considéré comme la résultante d’une politique de développement des renouvelables dont monsieur Brottes est allé jusqu’à envisager un scénario à 100 % de ces dernières ! Alors…

    Le rapporteur : Confirmez-vous que vous étiez opposée à l’inscription de la fermeture de 11 réacteurs dans le PPE, ce que firent selon vous vos successeurs, et confirmez-vous qu’on vous a imposé la fermeture de Fessenheim ?

    Réponse : Oui, malgré que ma priorité fut le développement des renouvelables.

    Le rapporteur : Quelles étaient les raisons avancée pour fermer Fessenheim et quel était votre programme de réhabilitation du site ?

    Réponse : Ces raisons étaient que la centrale connaissait très souvent des pannes, ce dont le rapporteur a mis madame Royal en demeure d’apporter toutes affaires cessantes des preuves inexistantes , que ses normes de sécurité étaient dépassées et que se posaient des problèmes d’étiage du Rhin. Pour autant, l’auditionnée dit avoir subordonné la fermeture des deux tranches alsaciennes au démarrage préalable de Flamanville 3. Je voulais faire de ce site un pôle d’excellence du démantèlement et y installer une usine Tesla franco-allemande.

    Hélas, la réalité d’une forfaiture semblable à celle de Superphénix reste inavouable par quelqu’un qui s’en fit le complice, fût-ce à son corps défendant. On en trouvera le contenu dans l’article « Fessenheim : la rançon électorale à 10 milliards d’euros ».

    Sur l’ARENH

    Sans surprise, Ségolène Royal mit en cause le délire libéral d’une Union européenne obsédée par la privatisation de tout marché, traduite chez nous par l’instauration du racket organisé d’EDF.

    « De 2014 à 2017, vous avez pourtant eu largement la possibilité que vous n’avez pas saisie de mettre au pas des racketteurs pudiquement appelés fournisseurs fit remarquer le député Francis Dubois, en augmentant sensiblement le prix d’achat du KWh extorqué (terme utilisé par l’auteur de ces lignes) et en diminuant le volume auquel ils peuvent prétendre. »

    L’intéressée objecta qu’on n’agit pas avec autant de désinvolture avec des contrats de ce type, un argument que le député battit aussitôt en brèche, faisant remarquer qu’elle avait eu en main le rapport Ladoucette – le patron de la CRE – rappelant que ces contrats sont révisés tous les ans et qu’il y avait absence d’arbitrage de la part d’Emmanuel Valls.

    Sur les concessions hydrauliques

    Le député Jean-Philippe Tanguy évoqua le blocage de tout développement hydraulique dont est responsable un accord ni fait ni à faire sur les concessions de barrages, signé il y a 20 ans avec l’UE. Cette paralysie règlementaire empêche tout investissement, comme celui évoqué en séance d’un aménagement de la Dordogne privant le pays d’une ou plusieurs STEP d’une puissance totale de 5 à 6 GW. « Vous a-t-on informée d’un tel potentiel hydraulique en déshérence » demanda le député à l’ancienne ministre ?

    Cinglante, la réponse d’un rare cynisme mettant vertement en cause Jean-Bernard Lévy accentua ainsi le persiflage pratiqué à son égard et à l’égard d’EDF, tout au long de l’audition : depuis quand le patron d’une entreprise nationale a besoin de l’autorisation de tel ou tel ministre pour procéder aux investissements incombant à cette entreprise ? Je reconnais que cette dernière va avoir fort à faire pour implanter de nouveaux réacteurs dont personne ne veut… Sans commentaire.

    Non, chère lectrice et cher lecteur, vous ne rêvez pas : c’est bien à ce personnage que la France doit aujourd’hui son indigence énergético-économique, personnage que l’impéritie et l’incurie au pouvoir depuis plus de 30 ans n’ont rien trouver de mieux que nommer plusieurs fois ministre.

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      EDF face à l’accès régulé à l’électricité nucléaire

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 February, 2023 - 03:40 · 4 minutes

    Beaucoup de monde semble maintenant comprendre ce qu’est l’ARENH, autrement dit l’accès régulé à l’ électricité nucléaire historique. Cet objet économique d’un curieux genre a été inventé par la France pour répondre aux accusations de monopole envers EDF par la Commission de la concurrence européenne.

    La Commission était de mauvaise foi. En effet, si EDF était bien en situation de monopole en France, ce n’était pas le cas en Europe. Or, sur tous les autres sujets concernant l’électricité, en particulier les prix, c’est la plateforme interconnectée européenne qui est considérée, dans laquelle EDF ne répond plus aux critères de monopole.

    Au lieu d’argumenter sur cette incohérence, la France a proposé l’ARENH . C’est en fait l’obligation pour EDF de mettre sur la marché 100 TWh, soit environ 25 % de sa production à un prix fixé par une instance externe et calculé d’après des coûts estimés du nucléaire. L’idée du gouvernement français était de « créer » des concurrents à EDF, dans un premier temps complètement artificiels, avec l’espoir que ceux-ci investiraient dans de nouvelles unités de production avec les gains obtenus via l’ARENH.

    Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Les nouveaux concurrents d’EDF se sont contentés d’enregistrer des gains indus en profitant, selon les périodes et les prix du « vrai » marché, soit de l’ARENH, soit du marché. Pourquoi auraient-ils investi alors qu’ils gagnaient des fortunes, récupéraient des clients, avec une simple activité de trading ?

    Abus de bien social ?

    Or, le prix calculé est un prix calculé pour des installations amorties dont l’investissement a été entièrement financé par l’entreprise, donc par ses clients. L’État n’a pas mis un seul franc ou euro dans cette affaire. Il eût été équitable que les clients historiques puissent bénéficier pleinement de leur effort antérieur après remboursement de la dette. On les prive indirectement de 25 % des gains.

    En outre, tout ceci pour provoquer délibérément une baisse de chiffre d’affaires d’EDF au profit de pseudos concurrents. À une certaine époque, EDF perdait un million de clients par an.

    Cela s’apparente à un abus de bien social, le bien social ici étant des parts de centrales amorties virtuellement cédées sans contrepartie à de nouveaux entrants.

    Et cela s’ajoute à un autre genre d’abus social : la fermeture de Fessenheim , décidée par EDF sous la contrainte de l’État, alors que la centrale était encore parfaitement capable de produire pendant des années.

    La situation nouvelle

    Avec l’envolée artificielle du prix de l’électricité, créée ex nihilo et sans rapport avec la réalité par des algorithmes infondés, les traders demandèrent davantage d’ARENH ! Et contre toute attente, on accéda à leur demande.  On leur attribua 120 TWh au lieu de 100 TWh. Le problème est que beaucoup de clients échaudés revinrent vers EDF qui se retrouva avec plus de besoins et moins de production à sa disposition. On ajouta de l’abus à l’abus. En caricaturant, on pourrait dire qu’actuellement EDF est obligé d’acheter à plus de 100 euros sur les marchés pour offrir du 46 euros à ses concurrents !

    Trop, c’était trop. EDF déposa une requête auprès du Conseil d’État. Le juge administratif  vient de donner ses conclusions.

    « Prise dans un contexte exceptionnel pour contenir la hausse des prix, [le juge administratif suprême] estime que cette mesure n’est pas excessive pour atteindre les objectifs de libre choix du fournisseur et de stabilité des prix, qu’elle ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre d’EDF et qu’elle ne méconnaît pas le droit de l’Union européenne »

    Le texte vaut son pesant de cacahouètes ! La stabilité des prix ? Mais c’est tout le marché européen qui est hors contrôle… plus personne ne peut stabiliser quoi que ce soit, avec ou sans ARENH… Et est-ce que cette situation peut s’éterniser ? Bien sûr que non. L’État ne pourra indéfiniment subventionner les prix pour réguler les tarifs, ni laisser EDF partir à la faillite.

    L’autre mot qu’il faut retenir du texte est « fournisseur ». Qu’appelle-t-on fournisseur ? Très peu des concurrents d’EDF produisent réellement. Et ce sont RTE et ENEDIS, filiales d’EDF, qui assurent le transport et la distribution. En réalité, les concurrents d’EDF sont en majorité des traders et des vendeurs. Cela ne concerne que quelques pour cent du prix au consommateur, cette pseudo concurrence s’exerce donc par nature sur une fraction infime des prix et ne peut en aucun cas provoquer en moyenne des baisses durables.

    La suite

    EDF compte poursuivre la procédure.

    Ce n’est pas « Kramer contre Kramer », mais « État contre État » puisque EDF est en passe d’être nationalisée.

    Décidément, nous vivons une époque formidable.

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      Il faut libéraliser le marché de l’électricité (2)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 February, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    Un article de l’Iref-Europe.

    Première partie de cet article ici .

    Des voies et des moyens

    Par suite de la douceur des températures au début de l’hiver et des efforts de réduction des besoins, dans le sillage d’une réduction du prix du gaz, de 300 euros le mégawattheure (MWh) en août 2022 à un prix plus proche 70 euros le MWh, les tarifs de l’électricité sur les marchés de gros se tassent : ils sont montés à 700 euros le MWh l’été 2022 et le 23 janvier 2023 à 121,48 euros en prix spot du lendemain.  Mais la baisse des prix exprime aussi la décélération de l’économie, ce qui est moins bon signe. Et les aléas du climat peuvent nous réserver des surprises.

    Une solution provisoire a été adoptée par l’Espagne d’abord puis par l’Europe pour bloquer le prix du gaz. Mais c’est une solution mauvaise à long terme, notamment parce qu’elle risque de réduire l’approvisionnement en gaz de l’Europe qui doit importer 90 % du gaz dont elle a besoin. La Commission européenne a pris conscience du besoin de réformer le marché électrique : « Nous travaillons à une intervention d’urgence et à une réforme structurelle du marché européen de l’électricité », a dit Mme Ursula von der Leyen le 29 août 2022. Mais on attend toujours.

    L’efficacité de la concurrence

    L’électricité est aujourd’hui aussi importante pour un pays que l’était – et l’est toujours autrement – le blé autrefois. Et malgré cette malchance, pour lui, que ses réformes de libération du marché du blé aient eu lieu au cours de deux années de disette, Turgot a démontré que sur le fond et dans le temps, il avait raison de vouloir instituer « la liberté du commerce, qui seule peut, par son activité,  procurer des grains dans les cantons où se feraient sentir les besoins, et prévenir, par la concurrence, tout renchérissement excessif » (Arrêt de Turgot du 22 avril 1774). C’est la concurrence mondiale qui nous permet aujourd’hui d’avoir partout la possibilité d’acheter du blé.

    Il faut donc réfléchir aux moyens de revenir à un vrai marché de l’électricité plutôt que le marché administré d’aujourd’hui qui recèle les défauts, plutôt que les qualités, des deux systèmes qu’il essaie vainement de concilier.

    Dans de nombreux pays, les centrales nucléaires elles-mêmes sont confiées à la construction et à la gestion d’entreprises privées. C’est le cas aux États-Unis où la plupart de la centaine de centrales existantes sont gérées par des entreprises privées (Exelon, Entergy, Duke Energy…). La Suède faisait gérer ses quatre centrales par la société allemande UNIPER, une société privée jusqu’aux difficultés subies par celle-ci après l’abandon du nucléaire en Allemagne et à la crise du gaz. L’Espagne a confié à deux entreprises privées, Iberdrola et Endesa, la gestion de son nucléaire dont elle veut sortir (sauf si la crise actuelle devait la faire changer d’avis).

    La France pourrait donc utilement sans doute démultiplier ses opérateurs, voire ses maîtres d’ouvrage, notamment pour ses nouvelles installations nucléaires. La concurrence est toujours créatrice de nouvelles offres et de solutions innovantes que les monopoles et oligopole ont de la peine à faire émerger.

    La vérité des prix

    La concurrence qui s’établirait entre opérateurs ne pourrait toutefois être stimulante que si chacun était libre de ses prix.

    Ne faudrait-il pas alors que chaque opérateur ne soit autorisé à exercer sur le marché que s’il peut garantir sa capacité à délivrer l’électricité requise par ses clients par lui-même y compris à la pointe. C’est-à-dire que chacun devrait disposer d’une capacité à la pointe. Les fournisseurs d’énergies intermittentes devraient ainsi pouvoir offrir d’autres sources d’énergie en cas d’arrêt sauf à subir des pénalités dissuasives. Il est probable qu’on verrait fleurir moins d’éoliennes, ce qui améliorerait la fluidité du marché.

    Les prix moyens, plutôt que celui de la dernière centrale, pourraient tenir compte de ce risque de production à des tarifs plus élevés. On éviterait la volatilité des prix de 2022 tout en incitant chacun à investir pour disposer de moyens de production globalement économiques

    Une augmentation des capacités de production

    L’Europe qui importe 90 % de son gaz pourrait chercher à développer son gaz de schiste en fixant les conditions pour que cette exploitation soit peu nuisible.

    Mais il y a surtout urgence à prévoir le renouvellement, voire l’extension de notre parc nucléaire. À cet égard, le récent vote du Sénat pour fixer un plancher à 50 % de nucléaire plutôt qu’un plafond va dans le bon sens, de même que l’annonce de M. Macron d’un plan de construction de six réacteurs EPR (plus huit posés en option) à déployer en urgence. Il faut aussi dès à présent prévoir le renouvellement à terme des centrales actuelles. Des sociétés privées pourraient utilement financer ces projets.

    La recherche doit être privilégiée dans ce domaine crucial pour améliorer les modes de production nucléaire, en trouver de nouveaux (mini réacteurs), développer les solutions de recyclage et enrichissement d’uranium où la France est déjà très riche de compétences (ORANO)…

    Il faut travailler bien entendu à la découverte de nouvelles énergies et à leur stockage. Et pour ce faire, il faudrait peut-être commencer par moins taxer la production d’énergie pour lui donner les moyens de la recherche et de l’investissement.

    Des taxes plus raisonnables

    L’électricité est surtaxée . Le prix de détail de l’électricité intègre en France deux contributions, la contribution tarifaire d’acheminement CTA et contribution au service public de l’électricité  CSPE, ainsi que deux taxes, sur la valeur ajoutée (TVA) et sur la consommation finale d’électricité. Au total, sur les tarifs non réglementés, les taxes représentent 34 % du prix payé par le consommateur. En résumé, le prix de l’électricité payé par les consommateurs résidentiels se répartit en un tiers pour la part fourniture, un tiers pour le transport et la distribution et un dernier tiers pour les taxes. Il n’y a aucune raison que le produit essentiel qu’est l’électricité soit plus taxé que les autres.

    Certes, la question est encore de savoir si et comment on peut sortir de nos accords européens actuels. Mais la décision est politique et question de volonté. L’évolution du marché ne se fera pas sans quelques délais et s’il fallait encore administrer une partie du marché électrique, il serait sans doute préférable de subventionner seulement les centrales de dernières sources pour réduire le prix de référence imposé aujourd’hui. Mais il ne faut pas attendre pour décider d’une réforme en profondeur.

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      Il faut libéraliser le marché de l’électricité (1)

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 1 February, 2023 - 03:50 · 7 minutes

    Un article de l’IREF

    Avec la guerre en Ukraine et la rupture des approvisionnements en gaz russe , les prix de l’électricité ont flambé. Mais l’ Ukraine n’a été qu’un déclencheur sur le marché électrique désormais si administré qu’il a perdu sa flexibilité et sa capacité de réaction. Après un état des lieux, ci-dessous, nous publierons le lundi 6 février une analyse de quelques voies et moyens pour remédier aux difficultés rencontrées.

    État des lieux

    Le marché électrique est compliqué à gérer parce que la demande électrique varie quotidiennement en fonction de paramètres incontrôlables, comme la température, et que ce produit n’est pas stockable.

    L’offre est assurée par des sources très variées (thermiques, nucléaires, hydrauliques, éoliens, etc.) qui proposent à chaque instant leur électricité à un prix différent selon leurs facteurs de production. Certaines sources comme le gaz peuvent être disponibles très rapidement tandis que d’autres sont moins réactives, comme le nucléaire qui a besoin de plusieurs heures pour établir le cycle vapeur. Ici les coûts fixes sont de loin les plus importants, là ce sont les coûts variables.

    L’électricité est un produit de première nécessité

    Elle est indispensable pour tous les services industriels, professionnels ou domestiques.

    Pour répondre à ce besoin, l’Europe a organisé un marché de gros de telle façon que chaque source de production propose en continu ses produits dont le prix est fixé au niveau du coût marginal du dernier des moyens de production classés par coût marginal croissant (ou merit order ).

    Par ailleurs, sur le marché court terme, un mécanisme de couplage de marché a été mis en place il y a une quinzaine d’années pour favoriser la meilleure disponibilité et les échanges au meilleur prix entre les pays au travers d’une étroite coordination entre différentes bourses d’électricité.

    Enfin, en aval, a été encouragée une libre concurrence entre fournisseurs pour que les consommateurs finaux bénéficient des meilleurs prix de distribution. Des gestionnaires du réseau de transport, comme en France RTE, filiale d’EDF, veille à la rencontre à tout moment de l’offre et de la demande, le cas échéant en commerçant avec les réseaux étrangers via les nombreuses interconnections établies.

    Sur le marché de gros, l’idée était que le prix de la dernière centrale permette aux autres fournisseurs de dégager des marges pour investir de façon à améliorer et augmenter leurs outils de production et tendre vers des prix plus bas en augmentant l’offre, contribuant ainsi à ce que le marché puisse se passer progressivement des centrales de production les plus onéreuses et les plus polluantes.

    Sauf que cette vision angélique n’a pas fonctionné notamment à cause de la montée en puissance des énergies renouvelables (EnR) qui a déstabilisé le système pour diverses raisons.

    Ces EnR intermittentes ont bénéficié de larges subventions publiques et de garanties de prix de vente qui ont empêché les marchés de délivrer les bons signaux prix. D’autant plus que ces énergies ont obtenu une priorité de délivrance de leur électricité sur les marchés pour s’assurer que leur production, intermittente et aléatoire, soit utilisée de manière optimale dans un souci écologique. Elles ont ainsi obligé à maintenir de nombreuses sources de production au gaz ou au charbon pour les suppléer et elles ont tout à la fois détruit les incitations à produire de manière plus économique et contribué à augmenter les prix.

    Les pouvoirs publics sont intervenus à tous les niveaux

    Parallèlement, l’électricité étant un élément de consommation très sensible, les pouvoirs publics sont intervenus à tous les niveaux de la production et de la distribution pour en gérer les prix et les moyens d’accès.

    La Cour des comptes observe qu’en France ont été prévus, notamment avec la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, une programmation pluriannuelle des investissements (PPI devenue PPE), des tarifs en obligation d’achat pour les énergies renouvelables (puis des compléments de rémunération organisés en guichet dans le cadre d’arrêtés tarifaires), un accès réglementé au réseau (TURPE) et ses principes de calcul (péréquation géographique, tarification « timbre poste »…), une compensation des surcoûts géographiques à l’approvisionnement (zones non interconnectées – ZNI)…

    Sur le marché de détail, dès avant les aides et plafonds décidés en 2022, ont été mis en place des soutiens aux clients précaires (tarif social ou de première nécessité devenu chèque énergie) et des tarifs réglementés de vente (TRV, dont les tarifs bleus). Sur le marché de gros, des facilités ont été accordées aux fournisseurs alternatifs, en particulier dans le cadre du Virtuel Power Plants de la Commission européenne en 2001), puis depuis 2011, avec le régime de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) créé par la loi NOME qui permet aux fournisseurs alternatifs d’obtenir auprès d’EDF de l’électricité d’origine nucléaire à un prix fixe et imbattable, 42 €/MWh depuis 2012.

    Un marché administré

    L’Europe avait voulu instaurer des mécanismes de marché mais à force de contraintes administratives auxquelles il est soumis, le marché électrique n’est plus que l’ombre d’un marché.

    L’Europe avait cru pouvoir instituer des règles pour que fonctionne un libre marché, mais dès le début se sont donc multipliées les entraves à la concurrence, le marché a été de plus en plus administré, en particulier en France où l’État, qui ne voulait pas laisser la main à d’autres, a transformé EDF en société anonyme de droit privé tout en continuant à détenir plus de 80 % de son capital et en lui imposant des contraintes diverses et variées en même temps qu’en la maintenant comme un quasi-monopole de fait. EDF assure près de 85 % de la production, suivie d’Engie (4 %).

    La position dominante d’EDF lui permet de gérer elle-même ses pointes de fournitures en disposant de moyens de production ou d’effacement nécessaires à la sécurisation de l’alimentation du réseau. Mais à l’effet de garantir l’équilibre des offres et des demandes d’électricité à tout moment, tous les fournisseurs d’électricité sont tenus de s’approvisionner en garanties de capacités pour couvrir la consommation de l’ensemble de leurs clients en périodes de pointe de consommation nationale.

    Ces garanties de capacité sont obtenues en investissant dans des moyens de production ou d’effacement ou auprès des exploitants de capacités. Elles font l’objet de règlements financiers incitatifs fixant des prix administrés et de référence des livraisons, ce qui est une atteinte de plus aux règles d’un libre marché. La gestion des pointes électriques est de plus en plus difficile à piloter au fur et à mesure que progressent les énergies renouvelables et volatiles. En témoigne le blackout électrique du Texas lors des grands froids du 14 au 19 février 2021, dû notamment à l’importance de l’éolien dans cet État américain pour couvrir la demande.

    L’Europe avait voulu instaurer des mécanismes de marché mais à force de contraintes administratives auxquelles il est soumis, le marché électrique n’est plus que l’ombre d’un marché. Les acteurs y sont publics et privés, mais tous, du moins en France, sont comme des marionnettes qui dansent au pas convenu par le marionnettiste qu’orchestre l’État avec l’Europe. Il existe une sorte de collusion entre les fournisseurs privés et publics et les autorités publiques, une sorte de capitalisme ou plutôt d’étatisme de connivence qui protège les intérêts des entreprises sans égard pour les consommateurs quitte à rattraper partiellement les dommages créés en surimposant les profits de ces rentes pour financer des subventions aux consommateurs. L’État n’en est pas mécontent puisqu’il reste au centre du jeu et en contrôle toute la filière.

    Mais cette opacité du marché est aussi sans doute une cause de ses dysfonctionnements en cas de difficultés comme la guerre d’Ukraine ou des vagues de froid ou de chaleur intenses. Alors comment y remédier ?

    Sur le web

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      Quel programme nucléaire d’ici à 2070 ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 23 January, 2023 - 04:30 · 3 minutes

    Le gouvernement débat actuellement sur un texte visant à accélérer le programme nucléaire par simplification des procédures.

    Le Sénat a apporté un amendement visant à pointer du doigt l’incohérence qu’il y a à vouloir accélérer le programme de nouvelles centrales tout en prévoyant une réduction du nucléaire de 75 à 50 % de l’énergie produite et l’arrêt de 14 réacteurs de 900 MW d’ici 2035, identifiés et proposés par EDF à la demande de l’État.

    Quel est le programme du nucléaire dans le mix prévu par les textes ?

    Franchement, on n’en sait rien. Y a-t-il (ou y avait-il) une corrélation entre les 50 % et les 14 réacteurs, y compris Fessenheim ? Avant l’arrêt de Fessenheim et en tenant compte de l’EPR (1600 MW) on avait 64 GW. En fermer 13 GW représente une baisse de 20 % de la puissance installée.

    On peut alors faire le calcul autrement.

    On a, avec l’EPR et Fessenheim, 54 réacteurs.  En fermer 14 représente une baisse de 25,9 %. DE 75 à 25% ? …Bon, c’est une blague, ça n’a aucun sens… encore que, dans la tête d’un sciences-po ENA, qui n’a pas vu une règle de trois depuis sa classe de seconde…

    On en conclut que cette baisse de 75% à 50% est probablement calculée en énergie, en kWh, et pas en kW. Pourquoi, dans ces conditions, arrêter des centrales nucléaires ? Il suffit de bourrer la France d’éoliennes et de panneaux solaires, cela collerait avec une baisse de 75% à 25% du nucléaire en énergie produite, il suffirait que les centrales nucléaires produisent moins sans être arrêtées.

    D’autant plus que nous aurons besoin de toute leur puissance (les kW) pour passer les pointes de consommation les nuits d’hiver sans vent.

    En réalité, c’est encore maintenant le chaos total dans le programme de production d’électricité malgré une loi, une Programmation pluriannuelle et trois consultations publiques.

    Alors, le gouvernement actuel a enfin compris que nous avons besoin du nucléaire et réagit vigoureusement : on en arrête 14, on va en construire 14. D’ailleurs, cela tendrait à confirmer qu’on raisonne en nombres de réacteurs et donc ni en puissance, ni en énergie… Ce n’était donc pas une blague ?

    On comprend les sénateurs qui pensent nécessaire de clarifier tout ça avant de « simplifier » les procédures de constructions de réacteurs.

    Examinons les programmes réalistes

    Nous disposons actuellement de 61 GW de nucléaire.

    Attribuons lui un taux de disponibilité en hiver de 90 %, ce qui est ambitieux compte tenu du grand carénage. Cela fait 54 GW. On peut aligner au maximum 10 GW de gaz, 17 GW d’hydraulique, 2GW de biomasse. On arrêtera définitivement le charbon et le fioul. Tout ça fait 83 GW. C’est insuffisant pour passer une pointe à 90 GW fréquemment atteinte ces dernières années par grand froid anticyclonique, donc sans vent. Il ne reste plus qu’à espérer que les Allemands développent leur lignite.

    Mais quid du futur ?

    On peut supposer qu’on va abandonner l’idiotie de fermer douze centrales supplémentaires et essayer de les prolonger à 60 ans, ce qui est courant aux USA, mais pas assuré en France avec la propension à trouver des fissures partout.

    Ci-dessous, la courbe d’évolution en puissance du nucléaire selon différentes hypothèses. Le scénario de prolongement à 60 ans a été revu par EDF (pointillés) pour tenir compte des contraintes industrielles. En effet, notre problème est paradoxalement la performance incroyable des constructeurs des années 1980 qui ont connecté tout le parc en un temps record. Cela nous oblige maintenant à anticiper et étaler les actions de remplacement quelles qu’elles soient.

    De l’avis général, en lançant un programme dès maintenant, le premier nouveau réacteur serait couplé vers 2035/2037. Or EDF prévoit d’arrêter déjà plus de 10 GW à cette date (pour raison technique sauf si on découvre qu’on peut monter jusqu’à 80 ans, ce qui n’est pas exclu aux USA).

    Non seulement la situation ne sera pas améliorée au fil du temps mais elle sera encore de plus en plus critique.

    Et l’échéancier d’EDF montre que ce ne sont pas 14 réacteurs qu’il faut programmer dès maintenant mais 45.

    En admettant qu’on arrive à coupler deux réacteurs par an, on aura fini en 2057/2059.

    Conclusion

    Malgré des hypothèses très volontaristes (construire 2 réacteurs par an dès maintenant et pendant plus de 30 ans), on n’arrive pas à la sécurité d’approvisionnement complète avant 2050/2060…et encore, sans prévoir d’augmentation de la consommation.

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      Les efforts de sobriété payent : la consommation électrique en forte baisse à Noël

      news.movim.eu / Numerama · Wednesday, 28 December, 2022 - 08:54

    La consommation électrique en France a baissé de -7,4 % lors de la première semaine de congés de décembre 2022, par rapport aux années précédentes. [Lire la suite]

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      L’audition édifiante de l’ancien président d’EDF Henri Proglio

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 20 December, 2022 - 04:15 · 18 minutes

    Comment en sommes-nous arrivés là ?…

    Deux acteurs principaux, l’Europe et le gouvernement français, ont conduit la France dans la désastreuse situation énergétique actuelle.

    Extraits de l’audition (deux heures) d’Henri Proglio le 13 décembre 2022 devant la Commission d’enquête de l’ Assemblée nationale visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France.

    EDF : une formidable aventure

    […]

    En 2009, j’ai été très fier d’arriver à la tête d’une formidable entreprise (EDF) avec un chiffre d’affaires d’un petit 90 milliards, connue dans le monde entier pour sa pertinence et son efficacité, avec des caractéristiques financières très satisfaisantes.

    EDF est le premier opérateur européen et probablement mondial si on excepte la Chine .

    EDF a été le résultat d’une formidable aventure, d’une vision, et d’une volonté, celle d’un gouvernement qui en 1946 a considéré que l’énergie, et donc l’électricité, était un élément essentiel de la vie économique, et qu’il était donc important de la considérer comme stratégique.

    […]

    Le gouvernement de l’époque s’est lancé trois défis majeurs :

    1. Le défi de l’indépendance énergétique,
    2. Le défi de la compétitivité du territoire,
    3. Le défi du service public de l’électricité accessible à tous, avec la même qualité et au même prix.

    C’était un défi incroyablement exigeant adossé à un choix technologique clair : l’hydraulique et le nucléaire.

    Il y a eu une vision à long terme et une volonté claire d’aboutir et c’est ça qui a donné naissance à cette aventure industrielle.

    […]

    La destruction : pourquoi ? Comment ?

    EDF était un architecte ensemblier et l’opérateur du service public de l’électricité. C’était un système intégré, cohérent et optimisé comprenant la production, le transport et la distribution.

    Au début du XXI e siècle, EDF est exportateur d’énergie, avec une électricité la moins chère d’Europe (deux fois et demi moins cher que l’Allemagne), un contrat de service public qui fait référence dans le monde et elle donne à la France un atout formidable en matière de gaz à effet de serre.

    Les paris ont été relevés, il n’y avait plus qu’à tout détruire… C’est chose faite !

    Pourquoi ? Comment ?

    Puisqu’on était arrivé à l’asymptote, comment en sommes-nous arrivés à la situation actuelle ? Je vois deux acteurs principaux : l’Europe et le gouvernement français.

    Le premier acteur : l’Europe

    Toute la réglementation européenne depuis 10 ans ne vise que la désintégration de l’entreprise EDF.

    Cette Europe qui a pris comme axe idéologique quasi-unique la concurrence qui bien sûr, « fait le bonheur des peuples »… On voit ce que ça donne en matière d’énergie.

    Cela s’est traduit concrètement pour EDF :

    Par la mise en concurrence des barrages. Formidable idée, un barrage étant essentiellement un outil d’optimisation du système électrique puisque c’est le seul moyen de stockage intelligent et efficace qu’on ait aujourd’hui. Un barrage sert d’abord à stocker beaucoup plus qu’à produire. La mise en concurrence consistait à supprimer le stockage. C’est génial. Les barrages appartiennent à l’État et sont gérés par EDF. L’État avait envisagé d’obéir à la doctrine européenne et de mettre en concurrence les barrages. Rien n’a encore été conclu, mais rien n’est réglé. On reste en lévitation… On sera sanctionné sans doute.

    La deuxième loi géniale, c’est la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité) qui consiste à imposer à EDF la vente à prix cassé, puisque inférieur au coût de revient, de 25 % de sa production électronucléaire à ses propres concurrents pour qu’ils puissent vendre leur énergie aux clients d’EDF. Ça a très bien fonctionné, ils sont devenus riches. C’est d’une pertinence absolue et je l’ai dénoncé pendant des années avec l’efficacité que vous voyez.

    Pour couronner le tout, il fallait définir un prix de marché qui a été indexé sur le prix du gaz.

    Pourquoi, alors qu’on n’en utilise pas ?

    Parce que les Allemands utilisent le gaz et que toute la démarche est allemande et que la réglementation européenne est allemande.

    L’Allemagne a choisi l’industrie comme axe majeur de son économie et l’ Ostpolitik pour son développement. C’est clair et cohérent pour l’Allemagne. Ils ont tenté leur Energiewende (la transition allemande) qui s’est transformée en catastrophe absolue puisqu’elle s’est traduite par un affaiblissement des opérateurs allemands quasi en ruines.

    Comment voulez-vous que ce pays qui a fondé sa richesse, son efficacité, sa crédibilité sur son industrie accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ?

    L’obsession des Allemands depuis 30 ans, c’est la désintégration d’EDF. Ils ont réussi !

    Tout ça va dans le sens de la désoptimisation du système auquel nous avons droit aujourd’hui.

    Le deuxième acteur : le gouvernement

    Le deuxième acteur est la politique nationale française. Là, on a assisté à la recherche pathétique d’un accord électoral avec un parti antinucléaire. On en voit les prémisses dès 1997-1998 avec l’abandon de la filière des réacteurs à neutrons rapides qui remettait en cause la logique du système nucléaire français.

    Ensuite, il y a eu la formidable campagne de communication de Fukushima avec les 20 000 morts qui n’ont jamais existé puisqu’on a confondu le tsunami et l’accident.

    Et puis l’apogée avec la campagne (présidentielle) de 2012 avec son cortège de joyeusetés. La fermeture annoncée de 28 réacteurs nucléaires, rien que ça, qui s’est transformée par l’engagement de fermeture de Fessenheim , et l’abaissement à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique.

    J’ai assisté à la mise au point d’une théorie absurde qui m’a été imposée avec beaucoup d’insistance par les pouvoirs publics : la théorie de la décroissance électrique. Il fallait considérer que la demande électrique allait baisser en France et que par conséquent il fallait diminuer la puissance du nucléaire surpuissant.

    Conséquences : baisse des efforts de recherche, le désalignement des stratégies des entreprises dépendant de l’État, AREVA, CEA et EDF mus par des courants divergents, avec comme corollaire l’affaiblissement global du système et les difficultés de recrutement qu’on a connu dans ce paysage où le nucléaire était considéré comme infâme et sans avenir.

    Comment voulez-vous recruter des gens compétents dans ces conditions où en plus les salaires sont moins élevés que dans la finance ou dans le privé ?

    Voilà la situation. Rien n’est jamais désespéré mais les choses ont été très abimées.

    Le constat s’impose à nous alors qu’on le voyait depuis des années et que je l’ai dénoncé depuis très longtemps.

    Que faire pour redresser la situation ?

    Il faut se consacrer à des sujets et actions prioritaires. La réflexion est faite, c’est l’action qui doit aujourd’hui être menée.

    Donnez la priorité au développement de l’hydraulique. Il y a encore des opportunités d’accélérer dans l’hydraulique en France.

    Faisons ce qu’il faut pour sécuriser la durée de vie du parc nucléaire existant.

    Si on faisait l’un et l’autre on pourrait progressivement redresser la barre et se donner le temps de relancer le nucléaire parce qu’il faudra 10 à 15 ans.

    Voilà quelques explications sur ce que j’ai vécu.

    Extraits des questions des députés et des réponses d’Henri Proglio

    Je me suis battu sans relâche pour obtenir l’ ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) à 42 euros alors que mes interlocuteurs proposaient 39 euros voire 36 euros. Aucune évolution n’a évidemment été prise en compte depuis.

    Dans mon combat en 2012 contre les administrations réputées compétentes, j’ai laissé filer la réglementation thermique 2012 tant le combat sur l’ARENH était compliqué. Je me suis dit, tant pis je sacrifie ce combat-là qui conduit aujourd’hui à une catastrophe qui favorise totalement le gaz.

    Ce prix (42 euros) a été fixé par voie autoritaire au bout d’un combat très inégal puisque j’ai essayé de défendre le bon sens, donc j’étais dans le mauvais camp. Le principe même de ce prix de cession était absurde. Le principe pour un industriel d’accepter de céder sa propre production à ses concurrents virtuels qui n’ont aucune obligation de production eux-mêmes. C’est quand même surréaliste. On a fait la fortune de traders , pas d’industriels.

    On n’a pas de concurrents ou si peu. Quelques éoliennes dispersées aux quatre vents et quelques champs photovoltaïques, vous voyez l’aspect risible du sujet.

    Et vous voyez des campagnes de communications de ces traders qui prétendent vendre de l’énergie verte. On a assisté à ça pendant des années avant que le client qui s’est laissé abuser finisse par se rendre compte du fait qu’il n’avait plus de garantie.

    Où est le service public de l’électricité qui nous a tant et tant récompensé ?

    Pourquoi l’avoir abattu ?

    Pourquoi est-ce à l’État aujourd’hui de faire les compensations nécessaires pour que les gens à faible revenu puissent accéder à l’électricité ?

    Tout ça était prévu !

    […]

    J’ai vécu tous les chantages. Le seul chantage qui m’obsède est l’intérêt de la France.

    Pourquoi prendre la France en otage sur ce genre de réglementation absurde ?

    Comment expliquer cette réglementation ?

    Je voudrais qu’on réponde simplement à cette question : pour qui et à quoi servent ces réglementations ? Quel est le but ?

    On me répondait : « on fait le bonheur du peuple ! La libre concurrence ! »

    Mais il y a un seul producteur, camarade !

    Il était clair que ça allait se traduire par un désastre. On y assiste aujourd’hui.

    […]

    Question : Prévisions de la décroissance. Avez-vous le sentiment que RTE a contribué à abonder cette théorie avec des études supposées techniques ?

    Réponse : Les extrapolations des technocrates étaient d’un manque de réalisme total. Ils sont nombreux, il faut qu’ils s’occupent à faire des extrapolations. Mais comment voulez-vous l’expliquer à quelqu’un de bon sens ?

    Si on avait mis un artisan boulanger à la tête de la direction générale de l’énergie, il n’aurait probablement pas réagi comme ça.

    […]

    Le chiffre de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique s’est construit totalement au doigt mouillé en disant on va baisser la part du nucléaire de 75 % à 50 %. Personne ne l’a jamais estimé autrement que comme ça ! On en a déduit qu’il fallait réduire le nombre de réacteurs…

    Par contre, personne n’a jamais su d’où venaient les autres 50 %…

    Il y a bien l’hydraulique qui est une très belle énergie renouvelable stable. Le reste du renouvelable, c’est l’expérience allemande. Ils ont investi 500 milliards d’euros dans le renouvelable. 500 milliards d’euros ! On en voit l’efficacité…

    […]

    EDF était le chef de file du nucléaire français. Le nouveau gouvernement de l’époque a dit « pas du tout, c’est le Premier ministre » (Jean-Marc Ayrault). Il organisait des réunions à Matignon de répartition des rôles du nucléaire à l’international. Ubu roi…

    J’ai assisté à des réunions hautes en couleurs…

    […]

    La dérive d’ AREVA vient de la vanité. AREVA avait sa mission : chaudronnier et gérer des centres de retraitement. Concevoir et vendre des réacteurs, ce n’était pas son métier. On a vu les conséquences de cela dans la conception de l’EPR et dans la réussite phénoménale d’Olkiluoto qui a cloué le cercueil d’AREVA.

    […]

    On oublie de mentionner qu’EDF a financé tout le programme nucléaire français et l’endettement d’EDF était parfaitement acceptable.

    […]

    2014, c’est 78 milliards de chiffres d’affaires, 17,5 milliards d’EBITDA, 3,75 milliards de résultat net après impôts. C’est le meilleur résultat d’EDF dans toute sa vie.

    EDF était en pleine forme malgré toutes les vicissitudes venant à la fois de la réglementation française et européenne, des lois NOME et compagnies. Évidemment, ça abime durablement les performances de l’entreprise et on en a vu les conséquences.

    […]

    Une préoccupation de fond qui était le sujet du renouvellement des cadres du nucléaire auquel on n’a pas réussi à apporter une vraie réponse. Le désamour du nucléaire dans l’opinion publique et dans les médias, et le fait de respecter une norme de rémunération exigeante.

    […]

    J’ai alerté sur les dangers de l’ARENH suite au rapport Champsaur et j’ai eu une réponse politique : « je comprends, je comprends,… ». Il arrive un moment où la décision l’emporte sur la réflexion.

    Cette mesure (l’ARENH) était inique et était destinée à casser une entreprise comme EDF. Je déplore qu’elle ait été acceptée par le gouvernement français sous la pression bruxello-allemande.

    J’ai alerté le politique pendant toute ma période de responsabilité.

    […]

    J’ai négocié avec les pouvoirs publics au plus haut niveau une pente tarifaire pour avoir une visibilité sur les augmentations successives. C’est mieux pour tout le monde.

    […]

    J’ai obtenu une pente tarifaire de mon interlocuteur mais quelques mois plus tard elle a été cassée par la nouvelle ministre.

    C’est un métier où on gère le temps long. Les investissements sont amortis économiquement sur 40, 50, 60 ans et même 100 ans pour les barrages. Avoir des ministres dont la durée de vie ne dépasse pas neuf mois est difficile à gérer. Chaque ministre est demandeur de communication et d’attacher son nom à quelque chose qui soit populaire. Refuser d’augmenter l’électricité est effectivement populaire à court terme. J’ai eu droit à ça aussi.

    […]

    Question : Selon le rapport Foltz, l’EPR de Flamanville est estimé en mai 2006 à 3 milliards d’euros avec une mise en service prévue en juin 2012, puis le coût passe à 5 milliards d’euros en juillet 2010 avec un couplage prévu au réseau en 2014 et, en novembre 2014, on est à 9 milliards d’euros et un démarrage prévu en 2017. Pouvez-vous expliquer ce qui s’est passé ?

    Réponse : Malheureusement oui. L’EPR est un engin beaucoup trop compliqué, quasi-inconstructible. La dérive d’organisation du système nucléaire et la prédominance d’AREVA dans ce dispositif pour des raisons non techniques et absurdes font que c’était le seul outil disponible dans notre univers.

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    Il y a un vrai problème de l’EPR. J’ai changé les équipes, je n’ai pas réussi à changer l’EPR.

    Il y a la conjonction de deux phénomènes : la complexité du design de l’EPR qui est totalement à revoir et la filière nucléaire française qui n’a plus construit de réacteur depuis 20 ans.

    Il fallait refaire un nouveau design qui allait nous prendre 10 à 12 ans de mise au point.

    Il se construit 10 réacteurs par an en Chine et les Russes ont environ 40 réacteurs en commande, et je pensais que, en attendant un nouveau réacteur, nos entreprises pouvaient travailler avec les Russes et les Chinois. On en connait la suite.

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    Il y a un déficit d’expérience des sous-traitants dans la construction. L’effet de série qui avait tellement réussi à la France, on a construit jusqu’à 5 réacteurs par an, a eu un effet extrêmement positif sur la filière. Le fait de n’en avoir pas construit depuis 15 ans a eu un impact extrêmement négatif sur la filière (BTP, industrie lourde, chaudronnerie). On voit les conséquences aujourd’hui.

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    La France n’est pas un pays où le renouvelable a une place considérable à prendre.

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    EDF est un ensemblier et un opérateur : 180 000 collaborateurs. L’essentiel des travaux sont sous-traités.

    L’impact de la masse salariale (11 %) sur le résultat est très faible. Si on regarde EDF société mère (production et recherche soit l’essentiel de ce qui reste aujourd’hui chez EDF), on descend à 9 %. Faire 10 % d’économie sur la masse salariale d’EDF, l’impact sur le résultat est très faible.

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    Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de concurrence dans le nucléaire qu’il ne faut pas payer les gens plus qu’ils n’acceptent de l’être. Ce n’est pas comme ça qu’on les recrute non plus. J’ai essayé de corriger le tir ce qui m’a valu une remarque acerbe de la Cour des comptes : « Proglio achète la paix sociale ».

    Il faut avoir ça en tête quand on parle d’un sujet à horizon long terme. La compétence de demain c’est aujourd’hui qu’on la construit. On a perdu des gens, on continue à en perdre. Il faut savoir reconnaitre leurs mérites et leurs talents et pas uniquement en termes de concurrence. Ce n’est pas par le nombre mais par le talent qu’on construit une aventure.

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    Je suis convaincu qu’on peut gagner entre 10 % et 15 % de capacité hydraulique, ce qui peut être extrêmement important pour les années à venir.

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    (Diner d’Henri Proglio en 2012 en Allemagne à la foire de Hanovre avec Angela Merkel)

    Elle m’a dit : « Je suis une scientifique d’Allemagne de l’est, je crois totalement au nucléaire » mais il fallait qu’elle bâtisse un accord de coalition. Elle a donc ouvert une négociation avec les Verts conservateurs allemands. Chez les Allemands il y a des Verts conservateurs et des Verts de gauche, ce ne sont pas les mêmes. Pour boucler ces négociations, elle a lâché le nucléaire. Elle me l’a dit : « Je l’ai fait pour des raisons politiques, pas du tout techniques, ni scientifiques ».

    L’Allemagne est consciente de ses propres intérêts. Personne en Allemagne ne parle du couple franco-allemand. Il n’y a qu’en France qu’on parle du couple-franco-allemand.

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    Je pense qu’on n’a rien lâché contre le sacrifice d’EDF. Je n’ai pas connaissance de contreparties.

    Je ne vois pas pourquoi la France ne prend pas l’initiative, comme l’Espagne et le Portugal, de sortir du marché européen de l’énergie.

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    On ne peut pas rendre monsieur Montebourg responsable du démantèlement d’Alstom. Il a démissionné à cause de cela. On ne peut pas le rendre complice de cette action. Il était révolté contre la vente d’Alstom aux Américains. J’en ai été le témoin.

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    J’ai essayé de sauver Photowatt parce que c’était la dernière entreprise européenne et française dans le domaine du photovoltaïque et j’ai considéré que c’était de mon devoir d’essayer de la sauver. Encore fallait-il obtenir que Photowatt ait une petite priorité dans l’installation des parcs de panneaux voltaïques, ce qui n’a pas été le cas ; et donc aujourd’hui tout est chinois. On s’en satisfait. Il n’y a pas eu de stratégie de filière française. Elle n’a pas existé.

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    Que Suez ait obtenu dans les arbitrages ministériels de construire un EPR à Penly était psychédélique. J’ai réussi à le faire comprendre. On aurait un EPR de plus et ça aurait été encore pire fait par Suez qui n’avait aucune centrale nucléaire en dehors des Belges dont ils avaient hérité par Electrabel dans son patrimoine. On a enterré Penly avec les honneurs dus à ses promoteurs.

    Fessenheim : ne remuez pas le couteau dans la plaie… J’ai demandé à l’État 8 milliards de compensation […] EDF a obtenu 400 millions. No comment , je n’étais plus là.

    Avant mon arrivée, EDF avait un slogan : « nous vous devons plus que la lumière ». Ça m’avait marqué parce que pour une fois une entreprise disait qu’elle devait quelque chose. C’est ça le contrat de service public, on vous doit quelque chose et plus que la lumière. Je trouve que c’était un bon résumé. J’aurais dû garder ce slogan.

    […]

    Il est hors de question que la France se prive de ses barrages. La France doit dire niet à l’Europe. D’où sort cette absurdité ?

    Ça serait un gâchis épouvantable en termes industriel et économique. Il faut simplement dire non, quitte à payer des amendes. Il appartient à ce pays de faire valoir ses intérêts vitaux.

    […]

    Nous avons perdu le marché (20 milliards de dollars) d’Abu Dabi parce que la France s’est mal organisée, c’est tout. Ni plus, ni moins. C’est simplement un échec pour la France.

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    La Russie : le nucléaire n’est pas sous sanction.

    On se réunit de temps en temps dans un conseil consultatif (un Espagnol, un Italien, un Japonais, un Russe et moi) pour parler des nouvelles technologies nucléaires et notamment des petits réacteurs.

    EDF et le nucléaire français continuent de travailler avec le nucléaire russe et devra encore durablement travailler avec le nucléaire russe et chinois.

    Note du rédacteur : Cette audition de 2 heures (dont les extraits les plus saillants sont reproduits dans cet article) est édifiante sur les pratiques et la courte vue de certains politiciens et technocrates français et européens pour « faire le bonheur des peuples ! »

    Le compte rendu écrit complet sera probablement publié vers fin décembre 2022 ou début janvier 2023.