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      Pourquoi le film Barbie ne sortira pas en salles au Vietnam

      news.movim.eu / Numerama · Thursday, 13 July, 2023 - 16:23

    La superproduction hollywoodienne réalisée par Greta Gerwig devait sortir officiellement au Vietnam le 21 juillet. Mais, début juillet, le ministère de la Culture a annoncé que la licence du film était invalidée à cause d'une frontière contestée en mer de Chine. [Lire la suite]

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      Que se passe-t-il si une bombe nucléaire explose dans votre jardin ?

      news.movim.eu / Numerama · Saturday, 10 June, 2023 - 13:45

    explosion nucléaire

    Des sites spécialisés montrent à quel point les bombes nucléaires sont terrifiantes. [Lire la suite]

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      Migrations et frontières : une brève histoire du passeport

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 March, 2023 - 03:40 · 7 minutes

    Par Marie-Carmen Smyrnelis.

    Au moment où les responsables français discutent du « projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » il est utile de revenir sur l’histoire d’un document devenu essentiel aussi bien pour les individus que pour les États : le passeport.

    À quelques exceptions près, comme l’espace Schengen , il est actuellement impossible de franchir une frontière internationale sans un document officiel attestant de son identité et de sa nationalité. Le passeport est progressivement devenu indispensable pour toutes les personnes désirant se rendre dans un pays étranger.

    Son histoire reflète la lente construction des États-nations et des moyens qu’ils ont mis en place au cours des siècles pour mieux identifier leurs ressortissants, les distinguer des étrangers et enfin pour contrôler les mobilités.

    Le contrôle des flux de populations

    L’usage du passeport se développe à partir du XV e siècle en France mais également dans le Saint-Empire ou en Suisse, en remplacement des sauf-conduits qui, au Moyen Âge, étaient délivrés à des groupes de voyageurs (émissaires royaux, marchands, etc.) par leurs autorités pour garantir leurs droits lors de leurs déplacements.

    En témoigne d’ailleurs l’apparition en 1420 du mot passeport dans la langue française . Le document, auparavant délivré à des groupes, se transforme petit à petit. Dans le courant du XIX e siècle, il est remis à des individus ou du moins à des membres d’une même famille circulant ensemble.

    Il s’agit pour les États non seulement de faciliter mais aussi de limiter les mobilités de certains. Si l’arrivée trop importante d’indigents dans une région ou une ville fait toujours peur aux autorités de celle-ci, les départs de soldats et de marins, ou encore d’artisans et d’ouvriers, inquiètent tout autant – par crainte des désertions dans le premier cas, de la perte d’une main-d’œuvre éventuellement spécialisée dans le second.

    Pour les États du XIX e siècle, il est essentiel, au moyen des passeports, d’« étreindre » leur population, pour reprendre les termes de l’historien américain John Torpey dans son ouvrage publié en français en 2000 sous le titre L’Invention du passeport. États, citoyenneté et surveillance . Cette « étreinte » vise à affirmer la souveraineté de l’État sur le territoire national ; à en permettre la défense par la conscription ; à percevoir les impôts ; à identifier et recenser les citoyens ; à leur accorder aide et protection pendant leurs voyages ; et enfin à contrôler les mobilités à une époque où elles connaissent une forte croissance.

    Au fur et à mesure que chaque État se définit comme national, l’étreinte implique de surcroît l’établissement d’une distinction claire entre ses ressortissants et les étrangers, et donc des papiers pour la mettre en œuvre.

    Le passeport et les autres documents d’identification (livrets militaires et ouvriers par exemple) deviennent, pour chacun, obligatoires pour se déplacer et le cas échéant décliner son identité. Tout au long du XIX e siècle, en France, mais aussi au Royaume-Uni, en Prusse, en Grèce ou dans l’Empire ottoman, des lois et règlements sont édictés pour préciser leur forme et leur usage.

    Standardisation et précision du passeport

    De nombreux pays disposent alors de deux types de passeports, chacun assigné au contrôle d’un type différent de mobilité : ceux pour l’intérieur, destinés à la seule circulation au sein du pays, visent à limiter, comme aux siècles précédents, l’accès de certains (vagabonds, ruraux, etc.) principalement aux villes, tandis que ceux pour l’extérieur ont pour objectif de surveiller les départs vers l’étranger et d’empêcher les étrangers de pénétrer dans le pays sans que les autorités en soient informées.

    La jeune Grèce, créée en 1830, et l’Empire ottoman imitent en cela des pays comme la France ou l’Empire russe et adoptent les deux modèles de passeports, respectivement dès sa création et, pour le second, dans les années 1810. L’Empire ottoman a d’abord recours à des « feuilles de route » (ou passeports pour l’intérieur) avant de ressentir le besoin d’instituer en 1844 les passeports pour l’extérieur, établissant ainsi une distinction claire entre les papiers nécessaires aux diverses mobilités.

    Au XIX e siècle, les pays européens mais également les Empires comme le russe ou l’ottoman, tâtonnent pour normaliser le format de leurs passeports. Imprimés sur un registre à souche et sur du papier spécial pour lutter contre les falsifications, ils comportent le nom et le sceau de l’autorité émettrice (consulat à l’étranger, gouverneur de province, ministère des Affaires étrangères, préfet de région, etc.), ainsi que la date et le lieu de délivrance.

    Les informations sur le porteur du passeport s’affinent tout au long du siècle : ses nom, prénom, date et lieu de naissance, profession, lieu de résidence, s’ajoutent des caractéristiques physiques précises. Sont ainsi mentionnés taille, couleur de ses cheveux et des yeux, éventuels signes particuliers, et dans certains passeports, la forme de son visage, de sa bouche ou de son nez, la couleur de son éventuelle barbe ou moustache, de ses sourcils ou encore de son teint.

    À l’extrême fin du XIX e siècle, sont créées de nouvelles méthodes d’identification par le corps (empreintes digitales, anthropométrie) pour améliorer la reconnaissance des individus . Inspirées des techniques de l’identité judiciaire et d’abord, à partir de l’extrême fin du XIX e siècle, appliquées à des personnes recherchées par la police et à des catégories sociales particulièrement surveillées (tels que les Tsiganes), elles s’étendent très vite. Le signalement de l’individu devient plus précis. Les passeports du début du XX e siècle comprennent souvent une photographie, de même que les empreintes digitales de leur détenteur.

    Un justificatif d’identité nationale

    Jusqu’au début du XX e siècle, le passeport peut être utilisé pour établir son identité, mais pas nécessairement pour attester de sa nationalité. Les individus jouent souvent de cette ambiguïté et cherchent à s’appuyer sur ce document pour confirmer leur identité, y compris nationale, lors de chacun de leurs déplacements, et en particulier quand ils arrivent en pays étranger. De leur côté, les autorités de plusieurs pays le reconnaissent parfois comme une preuve de la nationalité lorsque la mention de celle-ci figure sur le passeport, sans toutefois que cela soit la règle. Par exemple, dans son article 18, le règlement ottoman sur les passeports de 1911 précise qu’« en cas de contestation de la nationalité, le passeport seul ne pourra pas être considéré comme une pièce justificatrice ».

    Le déclenchement de la Première Guerre mondiale change profondément la donne : les contrôles des passeports, donc des mobilités et des identités individuelles, sont rétablis sur tout le continent européen mais également aux États-Unis. Il s’agit d’interdire l’accès à certaines parties des territoires nationaux (dont les zones de combat), de mieux identifier les suspects d’activités pacifistes ou d’espionnage, de surveiller les départs vers l’étranger pour éviter que certains ne se soustraient à leurs obligations militaires et de distinguer les nationaux des étrangers dans un contexte d’exacerbation de la xénophobie.

    À l’issue de la guerre, les contrôles deviennent permanents. La surveillance de ceux qui franchissent les frontières nationales, à l’entrée ou à la sortie, est renforcée par de nombreux pays qui exigent, à l’image du Royaume-Uni, qu’à défaut de pouvoir présenter un passeport, l’individu puisse disposer d’un document d’identité, avec une photographie, attestant de sa nationalité. Les passeports de différents pays mentionnent désormais systématiquement la nationalité du porteur. Les catégories d’apatrides, exilés, étrangers prennent tout leur sens à partir de cette période tourmentée.

    Par ce long processus d’élaboration, le passeport emprunte progressivement la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. S’il évolue encore avec le développement de la biométrie , son objectif reste le même : celui de la construction d’une communauté nationale par l’identification et le contrôle de ses membres et de leurs mobilités. The Conversation

    Marie-Carmen Smyrnelis , Professeur ordinaire à l’Institut Catholique de Paris (EA 7403) et Fellow de l’Institut Convergences Migrations, Institut catholique de Paris (ICP)

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

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      La France face au retour des guerres ouvertes

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 5 March, 2023 - 03:50 · 2 minutes

    Par Philippe Wodka-Gallien.

    Ce livre arrive au bon moment alors même que s’élabore une nouvelle Loi de programmation militaire . L’entreprise éditoriale a été pilotée par Patrick Gaillard, professionnel affuté des questions de défense, précisément des relations complexes entre stratégies et technologies.

    Pour produire ce livre, il a fait appel à une jeune génération de chercheurs et d’enseignants. Préfacé par le général François Lecointre, ancien CEMA, il présente un panorama complet des désordres régionaux, et en réponse, il analyse les points forts des armées françaises.

    « Objectivement, les marchandages budgétaires conduisent donc les armées à mettre en danger la vie des combattants » peut-on lire en guise de conclusion du chapitre présentant l’organisation, la doctrine, les missions et les équipements structurants des armées françaises (Rafale, Caesar, porte-hélicoptères, missiles, etc.).

    Le diagnostic proposé est sans concession : les atouts du pays sont sous-exploités et les armées françaises souffrent d’une politique de restrictions budgétaires drastiques qui remonte aux débuts des années 1990, alors même que depuis une décennie les défis s’accumulent. Résultat : notre posture peut vite devenir critique pour nos intérêts, spécialement nos territoires ultramarins, dans l’océan Indien, en Asie-Pacifique. Ne cachant pas ses ambitions pour une France jouant en première division, cette équipe a posé la nouvelle problématique née du contexte contemporain de la « haute intensité », donc l’ Ukraine , sans préjudice, pour les autres risques et menaces.

    Le 24 février 2022 a donc été un choc qui a remis en question le subtil équilibre entre dissuasion et OPEX que les politiques ont bâti depuis trois décennies depuis la chute du mur de Berlin et Desert Storm. De ce point de vue, les auteurs dressent un bilan positif de la séquence mais il s’agit désormais de négocier le nouveau virage stratégique des années 2020. Devant nous, donc, la perspective de la transformation des forces, selon les auteurs, un processus qui nécessitera une démarche vigoureuse. Autre point fort pour le pays, une industrie de défense en dynamique prompte à répondre en souveraineté aux besoins.

    On saluera ce texte précis, factuel, accessible à tous, avec juste ce qu’il faut d’illustrations, à l’écart des formules qui font le charme de la profession.

    Nous recommandons ce petit livre aux étudiants qui entament leur formation en géopolitique, aux enseignants à la recherche de réponses, aux cercles politiques qui souhaitent mieux saisir les enjeux de défense et de diplomaties de notre pays. Son approche sera enfin très utile à la préparation des concours internes aux Armées. C’est 10 euros : un investissement à haut rendement !

    La France face au retour des guerres ouvertes , Sous la direction de Patrick Gaillard, Préface du général François Lecointre, Edition Kandaar, 228 pages.

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      Ukraine : trois scénarios de rupture

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 21 February, 2023 - 03:40 · 9 minutes

    Par Florent Parmentier et Cyrille Bret.

    Faut-il se préparer au pire ? Pour l’Ukraine ? Pour la Russie ? Et pour l’Europe tout entière ? Si le pire n’est jamais certain, le « déjà-vu » n’est pas nécessairement le plus probable. Avec ce conflit hautement évolutif, il ne faut exclure ni les ruptures majeures, ni les catastrophes inattendues. La guerre en Ukraine n’est pas finie. Mais rien ne dit qu’elle continuera comme elle a commencé.

    Un an après le début de l’invasion russe, plusieurs scénarios probables se profilent (nous les avons détaillés ) : celui d’une reconquête par l’ Ukraine de la partie est de son territoire ; celui de succès russes tangibles dans le sud et le nord du pays ; enfin, celui d’un conflit non résolu mais meurtrier de grande ampleur déstabilisant durablement la sécurité collective européenne.

    Ces scénarios probables n’épuisent pourtant pas le champ des possibles.

    Des scénarios de rupture doivent être également envisagés, sur un mode exploratoire, car la guerre d’Ukraine a multiplié les surprises tactiques et stratégiques : l’offensive russe a surpris les états-majors européens ; la résistance ukrainienne a pris de court les autorités russes ; l’unité européenne a battu en brèche les anticipations, etc. La guerre en Ukraine ne demande pas seulement la prospective des évolutions probables ; elle exige l’anticipation des ruptures possibles.

    Le scénario Mannerheim ou la partition forcée de l’Ukraine

    La hiérarchie militaire de Moscou estime au départ que quelques jours suffiront pour obtenir une victoire totale. Son attaque, visant à récupérer un ancien territoire de l’empire tsariste, lui vaut une très large condamnation internationale. La guerre est dure, la résistance adverse très déterminée. Malgré un bilan humain, économique et diplomatique très lourd, Moscou réussit à faire main basse sur une partie du territoire adverse.

    Ce scénario est « bien connu » en Russie : c’est celui de la guerre de Finlande, il y a presque 85 ans.

    Lors de la guerre d’Hiver (novembre 1939 – mars 1940) , l’URSS avait attaqué la Finlande, laquelle avait obtenu son indépendance de la Russie fin 1917 , peu après la prise du pouvoir par les bolcheviks. L’agression soviétique fait suite à l’échec de la négociation soviéto-finlandaise au sujet de la création d’un espace tampon protégeant la ville de Saint-Pétersbourg ; elle découle également du Pacte Molotov-Ribbentrop, qui faisait entrer la Finlande dans la zone d’influence soviétique.

    L’agression soviétique avait provoqué l’exclusion de l’URSS de la Société des nations . En dépit d’une résistance acharnée, à un contre quatre, et parfois bien moins, et du fait de l’épuisement de stock de ses munitions, Helsinki fut contrainte de céder une région essentielle de son territoire, la Carélie. La conclusion du Traité de Moscou , signé à l’issue d’une guerre terrible et meurtrière, doit beaucoup à l’autorité du maréchal finlandais Mannerheim , qui a appelé ses troupes à accepter de douloureuses concessions, lesquelles devaient néanmoins confirmer la souveraineté et l’indépendance de la Finlande.

    Certains cercles dirigeants de Kiev sont-ils en train de préparer l’opinion nationale à perdre une partie du territoire du pays afin d’éviter un alourdissement du bilan humain pour les Ukrainiens, ce qui correspondrait à une sorte de « moment Mannerheim » ?

    En décembre, le chef d’état-major des armées Valeri Zaloujny a demandé aux Occcidentaux de fournir à l’Ukraine dès que possible 300 chars, 600-700 véhicules de combat d’infanterie et 500 obusiers. En dépit de l’annonce de la livraison des chars Leopard de fabrication allemande, des Abrams américains et des Challenger 2 britanniques, il n’est pas certain que ces armes soient livrées à temps pour contenir une nouvelle offensive russe. En outre, une diversité de matériels engendre pour une armée des difficultés logistiques : les besoins ne sont pas les mêmes ; l’approvisionnement en pièces détachées est plus compliqué à organiser ; le temps de formation incompressible retarde d’autant l’effectivité du renfort armé.

    En cas de reculs ukrainiens sur le terrain, le président Zelensky serait probablement tenu responsable par l’opinion publique des difficultés militaires et l’armée deviendrait la valeur refuge d’une grande partie de la société. Les multiples démissions et limogeages des dernières semaines, sur fond de scandales de corruption, sont peut-être une manifestation de sourdes luttes intestines qui n’ont pas encore émergé, mais qui bouillonnent de manière sous-jacente.

    Tout cela pourrait aboutir à une rupture dans la posture stratégique constante de l’Ukraine. Celle-ci consentirait, en partie peut-être sous la pression de ses partenaires, à une réduction de son territoire internationalement reconnu en 1991, en échange de garanties de sécurité.

    Le scénario de l’emploi de l’arme électromagnétique

    Tandis que se déroule dans le Donbass la sanglante bataille de Bakhmout , l’état-major ukrainien anticipe depuis plusieurs semaines la possibilité d’une puissante nouvelle offensive russe, pas seulement dans le Donbass, mais aussi depuis le Nord. Il ne s’agirait pas d’une attaque des seules forces biélorusses ; en dehors de quelques supplétifs et spécialistes sur des profils déterminés, l’apport armé de Minsk serait faible .

    En revanche, une véritable rupture serait le déclenchement d’une nouvelle offensive russe depuis (et avec) la Biélorussie. Cette attaque viserait Kiev, qui ne se situe qu’à 150 km de la frontière… à moins que l’objectif ne soit d’empêcher la livraison des armes occidentales, en se positionnant à la frontière polono-ukrainienne. Que le but fixé soit l’un ou l’autre (ou les deux), les Russes pourraient faire exploser une bombe à impulsion électromagnétique de forte ampleur près de Lviv, la grande ville de l’ouest de l’Ukraine, située à proximité de la frontière polonaise.

    Les effets seraient dévastateurs pour la suite de la guerre. En effet, en libérant une onde électromagnétique très brève et de forte amplitude, une telle explosion rendrait les appareils électroniques inopérants à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. Un cadre adéquat pour lancer une offensive dans un brouillard stratégique, et prendre l’armée ukrainienne à revers.

    Un tel développement pourrait aussi entraîner des effets secondaires significatifs pour les voisins polonais et baltes, ainsi que pour les livraisons d’armes. Un moindre approvisionnement en armes, couplé à une fatigue des opinions publiques européennes, constituerait une rupture qui affaiblirait nettement le camp ukrainien. Le plus sûr moyen d’y arriver serait encore de faire exploser une bombe atomique non au sol, mais en haute altitude .

    Le scénario de l’escalade incontrôlée, jusqu’au nucléaire ?

    L’historien australien Christopher Clark a montré comment un enchaînement de décisions a pu déboucher sur la Première Guerre mondiale, sans qu’aucun acteur n’ait recherché la guerre en première intention. Cette peur de l’escalade incontrôlée explique sans doute en partie la politique prudente de l’Allemagne vis-à-vis du conflit russo-ukrainienne, d’Angela Merkel à Olaf Scholtz.

    Le scénario de l’escalade se nourrit d’abord des discours et des idées. La surenchère verbale constitue un véritable « piège rhétorique » qui contraint les acteurs : la référence récurrente à la « Grande guerre patriotique » côté russe alimente une vision eschatologique du conflit : c’est la survie même de la Russie qui serait en jeu, ce qui implique que le recours au nucléaire, en dernière instance, doit être envisagé.

    Au-delà de la rhétorique, les livraisons d’armes à l’Ukraine nourrissent évidemment cette escalade. Progressivement, les premières livraisons ont permis d’envoyer des armes soviétiques, puis des armes de type OTAN. La livraison des canons HIMARS et des Caesar a coïncidé avec la préparation de la contre-offensive ukrainienne réussie de l’automne . Il est parfaitement logique pour l’Ukraine de demander un soutien en armement toujours plus important. Après les tanks, la prochaine étape ne serait-elle pas d’envoyer des avions ?

    Dans cette situation, on observe des deux côtés une foi en la victoire et un profond effroi quant à la perspective d’une défaite : pour la Russie, une défaite contribuerait à déconsidérer le régime et pourrait conduire à sa chute, voire au démantèlement du pays ; pour le camp d’en face, une défaite signifierait non seulement la fin du rêve d’arrimage à l’ouest de l’Ukraine, mais aussi une humiliation de l’OTAN, ce qui pourrait inciter la Russie, et d’autres acteurs comme la Chine, à déclencher d’autres attaques dans un avenir prévisible.

    Quand pour toutes les parties engagées, la victoire apparaît possible et la défaite catastrophique, faut-il craindre le risque d’un va-tout nucléaire ? Ce qui est certain, c’est que la période actuelle est celle de la « vulnérabilité nucléaire » , une notion qui permet de prendre en compte la dimension matérielle du risque nucléaire (il n’y a pas de protection contre des explosions nucléaires, délibérées ou accidentelles), mais également du rôle de la chance, trop souvent occulté par la croyance dans la sûreté et la contrôlabilité parfaite de ces systèmes d’armes (en dépit des risques d’accident et de manipulation à distance).

    Cette peur avait été très présente lors des combats autour de la centrale de Zaporijia en août 2022, mais la menace de l’utilisation d’une arme nucléaire tactique est aussi régulièrement agitée dans les moments de difficulté par les autorités russes, afin d’impressionner l’opinion publique européenne. L’emploi en Ukraine d’une telle arme ne pourrait pas laisser les États-Unis sans réaction, sans qu’ils aillent pour autant jusqu’à une riposte nucléaire contre le territoire russe. Il n’en reste pas moins que nous serions dans une situation inédite et face à un danger paroxystique.

    Ces trois scénarios de rupture, dont aucun n’apparaît positif pour l’Ukraine, n’ont pas aujourd’hui une probabilité forte. Mais les risques qu’ils comportent sont si considérables, spécialement pour les deux derniers, qu’il est indispensable de les avoir à l’esprit. The Conversation

    Florent Parmentier , Secrétaire général du CEVIPOF. Enseignant à Sciences Po. Chercheur-associé au Centre HEC Paris de Géopolitique, Sciences Po and Cyrille Bret , Géopoliticien, Sciences Po

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

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      Le retour des diasporas

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 21 February, 2023 - 03:30 · 3 minutes

    Par Nicolas Hague.

    La démographie mondiale est en train de se retourner. Partout sur la Terre le taux de fécondité  diminue jusqu’à passer sous la barre des 2,1 enfants par femme nécessaires au renouvellement des générations. En Europe la moyenne est de 1,53. La France résiste plutôt mieux que les autres pays européens avec 1,86 (en dessous du taux de renouvellement) alors que l’Allemagne est à 1,54. On estime ainsi que l’Allemagne devrait être moins peuplée que le France en 2045 . D’ici 2060, l’Allemagne devrait perdre 15 millions d’habitants et avoir une population de 66 millions d’habitants contre 80,5 millions actuellement.

    Mais ce phénomène n’est pas qu’européen.

    Le taux de fécondité est de 1,6 en Chine (1,87 aux États-Unis et 1,75 au Brésil. Même des pays ayant traditionnellement beaucoup d’enfants voient leur taux de fécondité baisser rapidement. Il est passé en 50 ans de 7,57 à 2,66 en Algérie, de 5,41 à 2,40 en Inde. Seule l’Afrique noire résiste mais même le Niger qui est le pays ayant le taux de fécondité le plus important au monde constate une baisse pour l’instant modeste (de 7,60 à 6,35 en 50 ans).

    Dans ces conditions, la population va devenir une ressource de plus en plus rare et précieuse pour de nombreux pays. Cette « ressource humaine » est d’ailleurs d’autant plus recherchée quand elle est jeune, diplômée, riche (ce qui peut compenser la jeunesse) et facilement intégrable dans le pays d’accueil. Cela va créer une concurrence exacerbée entre les États voire à des guerres.

    La guerre en Ukraine peut d’ailleurs être considérée comme l’une des premières « guerre démographique ». Malgré une politique nataliste, la Russie a un très faible taux de fécondité (1,61) et une population de seulement 143,4 millions d’habitants pour peupler le plus vaste pays du monde. En dehors de l’aspect géostratégique, une augmentation de sa population est la chose la plus précieuse que la Russie peut gagner dans cette guerre. En effet le pays ne manque pas de matières premières ni de terres cultivables mais plutôt de bras pour s’en occuper. En 2014, l’annexion de la Crimée lui a déjà fait gagner deux millions d’habitants et il y aurait actuellement presque trois millions de réfugiés ukrainiens en Russie , sans compter les populations des territoires nouvellement annexés. Cette population est par ailleurs particulièrement précieuse puisqu’elle se considère souvent elle-même déjà russe, avec la même langue, la même religion et la même culture.

    De son côté, la Hongrie a adopté une politique beaucoup plus pacifique. Suite au traité du Trianon de 1920 qui a redéfini les frontières, de nombreux Hongrois se sont retrouvés en dehors de leurs pays, ce qui représente environ deux millions de personnes dont plus de la moitié en Roumanie . La politique hongroise consiste à apporter des aides financières à ces pays avec pour objectif le maintien de la culture et de la langue hongroise. Elle permet à ces populations et à leurs descendants d’accéder à la citoyenneté hongroise. Cela permet à la Hongrie de disposer d’une réserve de population facilement assimilable sans recourir à une immigration allogène.

    Pour ce qui est de la France, il est pour l’instant exclu de procéder à un tri de l’immigration. Mais il est par contre possible que le phénomène inverse se produise. En France des communautés sont restées proches de leur pays d’origine et leurs descendants s’identifient encore à lui, comme par exemple 1,7 million de Marocains dans notre pays (6) et environ 2 millions d’Algériens. Si la situation économique de la France continuait à se dégrader alors que celle des pays d’origine s’améliorait on pourrait assister à une remigration massive, sachant par exemple que trois-quarts des Marocains résidant à l’étranger pensent revenir au Maroc un jour . Cette perspective serait vue d’un bon œil par certains politiques français mais matérialiserait et accentuerait un déclin économique puisque ce sont toujours les plus diplômés et les entrepreneurs qui partent en premier. Le phénomène a déjà été constaté avec la population juive de France qui est passée de 530 000 en 1970 à 449 000 aujourd’hui . La plupart ont été s’installer en Israël qui favorise cette immigration.

    Les prochaines années vont donc voir une concurrence accrue des pays du monde pour une main- d’œuvre de plus en plus rare. Les diasporas seront particulièrement ciblées car souvent bien éduquées et rapidement intégrables dans leur pays d’origine.

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      Un rapport parlementaire souligne les carences dans la défense antiaérienne

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 19 February, 2023 - 04:30 · 3 minutes

    Les conclusions d’un rapport de la commission de la défense nationale et des forces armées (Assemblée nationale), présentées mercredi 15 février 2023 soulignent les principales carences de la défense antiaérienne en France et en Europe (Défense Sol-Air ou DSA) et proposent des clés pour investir les 5 milliards d’euros prévus dans le projet de loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM 2024-2030).

    Les deux députés, rapporteurs de la mission flash constituée le 18 octobre 2022 , Natalia Pouzyreff (Renaissance) et Jean-Louis Thiériot (LR), estiment que la Défense Sol-Air (ci-après DSA) « a été longtemps sacrifiée » ; mais la guerre en Ukraine a changé la donne.

    Il y a un an, Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès (aujourd’hui Secrétaire d’État aux côtés du ministre des Armées Sébastien Lecornu) faisaient le constat des lacunes de la DSA française .

    Un an plus tard le constat n’a que peu changé, alors que la France a cédé des capacités à l’Ukraine.

    « La défense sol-air est au cœur du tournant marqué par le conflit en Ukraine : la capacité de l’armée ukrainienne à contenir et empêcher la supériorité aérienne russe constitue un élément clef des premiers mois de la guerre, ayant conditionné la suite des affrontements » selon les deux rapporteurs. Ces derniers rappellent qu’en une seule journée, les armées ukrainiennes « consomment jusqu’à 200 missiles pour défense antiaérienne, soit l’équivalent de ce que produisent potentiellement en un an l’ensemble des industries alliées. »

    Or, note le rapport, « la DSA [ndlr : en France] a été longtemps sacrifiée car la menace aérienne avait quasiment disparu d’une part et les armées devaient gérer au mieux la pénurie de leurs budgets d’autre part. » La France ne compte plus qu’un régiment de défense en antiaérien (vs quatre en 2002). Néanmoins, les députés se félicitent que la LPM 2024-2030 prévoie un investissement de 5 milliards d’euros dans ce domaine, incluant la lutte anti-drone.

    Pourtant, face à l’urgence et la gravité de la situation internationale, on peut s’interroger sur le temps que prendra la montée en puissance de cette nouvelle priorité, comme par exemple le remplacement des Crotale NG à leur retrait de service en 2026. Le ministre des Armées a certes annoncé une commande de missiles français VL Mica . « On ne peut pas parler aujourd’hui de trou capacitaire » car « tous les segments de la DSA de la très courte portée à la moyenne/longue portée sont couverts », constate le rapport.

    « La France est un des rares pays à avoir maintenu des missiles Mistral [ndlr : MBDA], Crotale [ndlr : MBDA/Thalès] et Mamba » déclare Jean-Louis Thiériot, mais dans une guerre à la haute intensité « se pose la question des volumes et des stocks. » Aussi, « un réinvestissement au niveau des équipements est indispensable pour éviter le déclassement de notre DSA » à horizon 2035.

    Le député LR estime incontournable la remontée de l’équipement à 12 systèmes SAMP-T Mamba contre 8 actuellement. Ces nouveaux systèmes offriraient un supplément de 16 lanceurs (à relier à la commande récente par la France et l’Italie de 700 missiles Aster 30 B1 et B1NT – livraison 2026). De son côté, Natalia Pouzyreff juge tout aussi « indispensable » de financer les évolutions du Mamba, au-delà des Aster B1NT EC dont « la mise en service est prévue en 2027 ».

    Jean-Louis Thiériot est également favorable au renforcement de la défense antiaérienne très courte portée : « Le retour du canon [ndlr : Rapid Fire de Nexter et Thalès] est le seul moyen de traiter les défenses saturantes de type drone à un coût acceptable ». Le succès impressionnant des Gepard envoyés à Kiev par l’Allemagne a montré l’extrême utilité des canons antiaériens contre les attaques de drone.

    En Ukraine, le défense antiaérienne des deux camps a cloué au sol l’aviation des deux belligérants, les empêchant l’un comme l’autre de mener une offensive décisive. Un nouvel enseignement pour la défense française à tirer du conflit ukrainien.

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      Individualisme ou collectivisme (3) : a propos de l’extension de l’OTAN

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 17 February, 2023 - 03:30 · 10 minutes

    La propagande poutinienne met en avant deux justifications de la guerre déchaînée contre l’Ukraine. La première est l’extension de l’OTAN depuis 1997, qui représenterait pour la Russie une menace existentielle. La deuxième justification est idéologique. La Russie serait engagée dans un combat civilisationnel pour la défense des valeurs chrétiennes et slaves, pour le maintien de l’ordre collectiviste westphalien, contre l’individualisme libéral et la mondialisation.

    À Yokosuka, une lointaine banlieue de Tokyo, à l’extrémité de la baie, les Japonais ont aménagé un parc et érigé un monument consacrés tous deux au commodore Matthew C. Perry . Ce marin commandait une escadre de « vaisseaux noirs », des bâtiments de guerre dépêchés par le gouvernement américain pour forcer le Japon à ouvrir ses ports et commercer avec le monde extérieur. En effet, depuis 1603 le pays ermite interdisait à ses ressortissants de le quitter et ne laissait aborder, à Nagasaki seulement, que de rares étrangers, essentiellement des Hollandais. Le 14 juillet 1853, après deux siècles et demi d’isolationnisme, l’empereur cède. Un traité de commerce est signé. Perry a gagné.

    Il faut de la vigueur morale pour reconnaître qu’on s’est trompé. Les Japonais auraient pu vivre le coup de force de Perry dans le ressentiment. Ils auraient pu se sentir humiliés – comme les Chinois, qui n’ont cessé depuis un siècle de récriminer sur les « traités inégaux », ou les Latino-Américains, qui chignent encore sur la « diplomatie de la canonnière ». Les Japonais, eux, en 1901, ont élevé ce majestueux monument au capitaine des canonnières, et à l’endroit même où Perry reçut la reddition des envoyés de l’empereur. Car les Japonais avaient compris que la défaite n’était pas la leur mais celle d’un système féodal répondant à une époque de leur histoire, et qu’ils pouvaient mettre en place un autre système indispensable à une époque nouvelle. Perry n’était pas leur vainqueur, mais leur mentor.

    Les Russes ne sont pas des Japonais. Il faut croire que la célébrée « âme russe » n’a pas la résilience manifestée par celle des fils du soleil levant. Elle n’apparaît capable que de souffrance et de ressentiment. Les Russes n’ont rien compris de l’expérience soviétique et rien appris du succès de leurs vainqueurs.

    La Russie de la rancœur et de la mythomanie

    « Nous avons perdu la guerre froide, nous sommes humiliés » geignaient des Russes que je côtoyais dans les années 1990. « Et vous avez toutes les raisons de l’être, je ne manquais jamais de répondre. 70 ans de dictature barbare, vos goulags, des dizaines de millions d’exécutions arbitraires et de déportations, tant d’autres vies gâchées, une économie ruinée – qui ne serait humilié d’appartenir à ce pays ? » 1

    Mais le redressement est toujours possible. La voie pour y parvenir fut suivie par l’Allemagne. Aucun pays ne subit plus d’opprobre que celui-là après 1945. Aujourd’hui, dans le monde entier, Made in Germany estampille des merveilles de technologie et de design, de Porsche à Bosch, de SAP à Siemens, de DHL à Adidas, d’Audi à Aldi… Les Allemands sont respectés. Les Russes n’ont pas choisi cette voie du redressement économique. Ils en avaient les moyens, une population instruite, des ressources naturelles, un vaste marché intérieur… Mais ils n’ont pas débolchevisé. Les cadres du vieux Parti sont restés au pouvoir. Le petit chef qu’ils se sont donné a préféré le canon au beurre, les armes à l’abondance, la menace au marché. 2 Dans un monde que façonnent des mastodontes économiques, USA, EU, Chine, Japon…, les Russes sont des avortons.

    Au G7, devenu G8 après qu’on eut admis la Russie en 1997 (autant pour ceux qui prétendent qu’on a tourné le dos au pays après la chute de l’URSS), Poutine s’est plaint que George W Bush, puis Obama, ne le traitaient pas en égal. Il imaginait un format « G2 + 6 », et voilà qu’il était ravalé au rang des « petits », le Japon, l’Allemagne, la France… Qu’espérait-il ? L’économie russe était la moins développée de tous les pays présents. Mais seul compte pour un autocrate le pouvoir de tuer, et l’héritière des soviets stockait 6000 ogives nucléaires. 3 Pour Poutine, l’économie n’a besoin de fabriquer que des engins de mort. C’est sa logique collectiviste. La production d’armes n’ajoute rien au bien-être des individus, mais elle renforce l’État. Qu’importe que les Russes soient pauvres du moment que la Russie soit redoutée.

    C’est le délire collectiviste à son acmé.

    Premier prétexte de la guerre contre l’Ukraine : l’extension de l’OTAN

    Entre 1999 et 2009, dix pays à l’est de l’Europe ont rejoint l’OTAN. Tous, sauf deux, l’Albanie et la Croatie, étaient des membres du Pacte de Varsovie ou d’anciennes républiques de l’URSS. « Cette avancée de l’OTAN est une menace permanente d’agression militaire contre notre pays, argue la diplomatie russe. Or, en contrepartie de son assentiment à la réunification de l’Allemagne, le secrétaire d’État américain James Baker avait promis à Gorbatchev que les troupes de l’OTAN ne s’étendraient pas à l’est de leurs positions de l’époque. »

    On peut faire remarquer qu’il n’appartenait ni aux Américains ni aux Russes, mais aux seuls Allemands de décider de la réunification du pays. Mais de toute façon, si huit ans plus tard, huit pays est-européens avaient bien rejoint l’OTAN, aucune « troupe de l’OTAN » n’avait pris position dans ces pays. Ces nouveaux entrants n’auraient eu pour attaquer la Russie que leurs propres forces, c’est-à-dire rien. Leur adhésion à l’OTAN ne leur garantissait l’intervention des « troupes de l’OTAN » que si eux-mêmes étaient attaqués.

    Pour la sécurité de la Russie, l’important n’est pas qu’un pays soit membre de l’OTAN sur le papier, mais qu’il possède une capacité militaire d’attaque. Or non seulement aucune « troupe de l’OTAN » n’était stationnée dans ces pays avant 2014, date de la première agression russe contre l’Ukraine (ce qui avait donné quand même à réfléchir), mais les troupes positionnées à l’ouest avait perdu une grande partie de leurs moyens. Confiants dans la nouvelle direction que la Russie semblait prendre après 1991, l’OTAN avait sabré ses effectifs, les Américains s’étaient en grande partie redéployés ailleurs, et les pays européens avaient taillé dans leur budget militaire – le fameux « dividende de la paix » .

    Puisqu’on parle de tanks ces jours, il est utile de rappeler qu’en 1991, l’armée allemande en alignait 7000, les Américains 5000 en Europe ; en Europe aujourd’hui, les Américains n’en ont plus un seul et les Allemands ne peuvent en trouver que quelques dizaines en état de marche. Les Russes menacés ? Ils possèdent entre 12 000 et 15 000 tanks suivant les estimations (avant d’en perdre quelques 1200 en Ukraine ces derniers mois).

    Encore plus effrayantes que les tanks, les armes nucléaires tactiques : en 1991, l’OTAN aurait pu en détonner 3000 sur un théâtre d’opérations, elle n’en compte plus qu’une centaine aujourd’hui. Dans le cadre d’accord de désarmement réciproque, les Russes auraient dû procéder à la même réduction. Mais ne brandissent-ils pas à chaque occasion leurs 6000 ogives nucléaires, dont 2000 tactiques ?

    L’OTAN s’est étendue à l’est, c’est un fait, elle a gagné plus de bras, c’est vrai, mais pas plus de griffes. L’OTAN n’a jamais présenté le moindre risque pour une Russie pacifique et les maîtres du Kremlin le savaient pertinemment. Car pour attaquer la Russie, il eut fallu l’unanimité des 30 pays membres. Elle fut possible un temps pour deux interventions, dites humanitaires, très restreintes, au Kosovo et en Lybie (cette dernière approuvée par le Kremlin), mais on ne peut pas concevoir un instant que les 30 pays tombent d’accord pour envahir la Russie. On constate à quels contorsions et palabres les diplomates doivent se plier aujourd’hui pour maintenir l’unité entre eux, alors que la Russie est clairement l’agresseur.

    Les maîtres du Kremlin ne cherchaient pas à repousser et affaiblir l’OTAN pour s’en protéger, mais bien plutôt pour que l’OTAN ne puisse protéger ses membres que la Russie se réserve en tout temps le droit d’attaquer.

    Pourquoi alors cette agression contre l’Ukraine ? Pourquoi la Russie voulait-elle engager une action militaire massive et cruelle contre un peuple, dont elle affirme en même temps qu’il est de la même culture, de la même famille, qu’il ne forme avec la Russie qu’une seule entité ? Quel intérêt les Russes pouvaient-ils y trouver ?

    À quoi sert l’OTAN pour la Russie ?

    Il faut avoir l’esprit bien collectiviste pour imaginer que l’OTAN a la moindre importance pour les hommes et les femmes de Russie. Leur gouvernement affirme que cette alliance encercle le pays. Mais qu’on y réfléchisse une seconde. L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, ne sont pas seulement « encerclés » par l’OTAN, ils sont occupés par l’OTAN. Ils en hébergent des bases et des troupes sur leur territoire. Or, est-ce qu’on vit moins bien en Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni à cause de cette présence ? La vie y est-elle plus dure, les gens y sont-ils privés d’initiatives et de liberté à cause de l’OTAN ?

    Et de l’autre côté du front, si le Kremlin oubliait l’OTAN, les Russes seraient-ils plus malheureux ? Si le gouvernement à Moscou se préoccupait moins d’empire et plus d’économie, s’il débâillonnait les médias et libérait les initiatives individuelles, les Russes ne mèneraient-ils pas une vie plus douce, plus enrichissante, parce que moins militarisée. Ils n’alièneraient pas leur culture (pas plus que les Britanniques et les Italiens et les autres n’abandonnent la leur à cause de l’OTAN). Seuls, les ex-KGBistes seraient perdants. Ils perdraient ce prétexte d’une menace extérieure pour oppresser l’intérieur.

    L’OTAN est utile au Kremlin d’une autre manière maintenant que la guerre bat son plein. « La glorieuse armée russe n’est pas tenue en échec par la résistance ukrainienne mais par une formidable coalition de toutes les puissances de l’Occident. » Dit comme ça, l’échec paraît moins minable.

    Si l’OTAN et son extension n’ont pas causé l’agression russe en Ukraine, quelle en est le mobile ? Aucun pays, même aux mains du dictateur le plus cinglé, ne jette des centaines de milliers de ses hommes dans une telle aventure sans raison. Poutine en avait une. Elle est idéologique, réfléchie, argumentée, partagée par son entourage et parfaitement exprimée par lui-même dans ses discours et ses écrits.

    C’est ce mobile idéologique que j’exposerai dans un prochain article.

    1. Les Occidentaux prirent grand soin d’éviter tout triomphalisme après la défaite du bloc soviétique dans la guerre froide. Gorbatchev fut traité par les vainqueurs avec tous les égards, fut même révéré par beaucoup. Ce n’est pas la faute des Occidentaux si les Russes élurent ensuite Boris Eltsine, qui manquait – c’est un euphémisme – de noblesse, et ensuite un petit KGBiste, qui se montra incapable de redresser son pays.
    2. Imagine-t-on un ex-colonel de la Gestapo à la chancellerie de Bonn en 1955 ?
    3. Le Pakistan et la Corée du Nord aussi possèdent l’arme nucléaire. Elle ne leur ouvre pas le portail de la cour des grands.