Par Claude Goudron.
Quand s’arrêtera donc la descente aux enfers de notre industrie en très grand danger ?
Deux signaux devraient nous alerter.
Le premier est national et concerne la part de l’industrie dans le PIB. Au début des années 2000, comme en Allemagne, la part de l’industrie était de 22 %, et elle est passée à 25,8 % en 2018… En France elle a chuté à 10 %.
Le second signal me touche personnellement. C’est la situation dans ma région, la Franche-Comté, pourtant reconnue la plus industrialisée de France, et plus particulièrement mon village de 3000 habitants, Giromagny, situé au pied du Ballon d’Alsace, qui m’a accueilli lorsque j’ai voulu développer mon activité dans des locaux plus grands.
En 1990, il y avait sept entreprises industrielles, dont la mienne, et une de plus de 200 salariés. À ce jour il n’en reste plus qu’une, celle que j’ai créée, ULTRALU, et qui compte 35 employés.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Je pense que tout a commencé en 2001 avec Alcatel et son patron Serge Tchuruk qui a défendu une idée qui lui a paru géniale… « Une entreprise sans usines » pour arriver tout naturellement à « une usine sans ouvriers » : après avoir fusionné avec Lucent en 2015 le groupe se fait racheter par Nokia qui, en 2016 en possède 95 % des droits de vote.
Bien entendu, aidé par les 35 heures et la retraite à 60 ans il ne pouvait en être autrement, un employé français travaillant 30 % de moins que son collègue d’outre-Rhin.
Pendant que nos amis Allemands jouaient à fond la carte industrie, en France, nous étions persuadés que l’avenir économique de notre pays serait dans le service, oubliant au passage que le plus grand consommateur de service était en fin de compte… l’industrie.
En effet, depuis les années 1980, l’effectif industrie/service était équivalent, soit chacun 23 % des emplois en France ; en 2016 c’était 10 % pour l’industrie (moins 13 points) mais seulement 30 % pour le service (plus 7 points) ; donc une perte d’emplois de 5 points (source insee.fr).
Quelles conséquences ?
Elles sont nombreuses et prévisibles :
Tout d’abord un chômage structurel augmenté que l’on traîne depuis une quinzaine d’années reste bloqué à +5 points.
Une grande dépendance sur des produits stratégiques depuis les masques, les tests et les vaccins Covid-19 mais aussi notre sécurité nationale avec par exemple le porte- avions Charles de Gaulle qui, depuis le rachat d’Alstom Power par GE, ne peut entretenir son pont d’envol sans l’accord des Américains.
Une balance commerciale négative depuis 2004. Nous affichons, pour l’année 2018 le déficit s’èlève à 60 milliards d’euros, tandiq que l’Allemagne affiche un excédent de 228 milliards.
La perte de plus de 50 % des capacités industrielles du pays a amputé les rentrées fiscales et sociales que l’État a essayé de compenser par une hausse des cotisations et impôts en tout genre (impôts de production principalement) pénalisant encore plus nos entreprises. Ce qu’il a finalement admis, mais sans cesser pour autant d’augmenter ses dépenses, cette fois-ci par de la dette, honteusement sur le dos de nos enfants et petits-enfants.
Les entreprises, principalement industrielles, pénalisées par une ponction nettement supérieure à leurs concurrents étrangers, ont été obligées de rogner sur leur marge pour se maintenir dans la course, réduisant alors leurs fonds propres, donc leur trésorerie, ce qui les rend vulnérables en temps de crise. Cette vulnérabilité en fait des proies toutes trouvées pour les requins internationaux. Et c’est comme cela que notre tissu industriel disparaît irrésistiblement .
Beaucoup plus sournois mais très nocif à terme, le déclassement du pays peut mettre en péril sa participation à l’Europe, voire la faire exploser.
Les mesures urgentes indispensables pour l’industrie
Elles sont connues, mais aucun décideur n’ose s’y aventurer.
C’est d’une part un choc de simplification administrative, enclenché par François Hollande mais très vite abandonné, par l’allègement de la réglementation des TPE & PME et d’autre part une baisse importante des charges et impôts afin de revenir au niveau de l’Allemagne, en s’inspirant des réformes Hartz mises en place par le socialiste Schroeder.
Il faut impérativement et très rapidement diviser par deux les pressions fiscales et sociales sur toutes les entreprises en rapport avec l’industrie. En France, les charges sociales restent deux fois plus élevées qu’en Allemagne sur un salaire de 4000 euros et trois fois plus sur un salaire de 8000 euros.
Ces mesures ne seraient pas aussi pénalisantes qu’on pourrait le croire pour le budget de l’État. Elles seraient même à terme bénéfiques en application de la courbe de Laffer ou le trop d’impôt tue l’impôt .
En effet, en divisant par deux les charges sociales, il n’est pas impossible de retrouver à moyen terme le niveau d’industrie dans le PIB des années 2000, entraînant le doublement de l’effectif : charges divisées par deux sur un effectif multiplié par deux égales rentrées identiques.
Un cercle vertueux s’enclencherait alors avec moins de chômeurs à indemniser, soit environ 15 milliards d’euros sur les 31 milliards dépensés chaque année. Tout bénéfice pour les comptes de l’État.
Un très bon programme pour un candidat à la présidentielle qui s’afficherait en véritable libéral, c’est-à-dire un candidat sachant tout simplement compter.