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      Procès du 13-Novembre: ce qu'est la perpétuité incompressible requise contre Salah Abdeslam

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 29 June, 2022 - 04:30 · 6 minutes

    Jugé pour son rôle dans les attentats perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, Salah Abdeslam a vu la perpétuité incompressible être requise contre lui. Une condamnation rarissime en France, encore jamais prononcée pour des faits de terrorisme (dessin d'audience réalisé en septembre 2021, lors des premiers jours du procès). Jugé pour son rôle dans les attentats perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, Salah Abdeslam a vu la perpétuité incompressible être requise contre lui. Une condamnation rarissime en France, encore jamais prononcée pour des faits de terrorisme (dessin d'audience réalisé en septembre 2021, lors des premiers jours du procès).

    JUSTICE - “Votre verdict pourra au moins assurer aux vivants que c’est, ici, la justice et le droit qui ont le dernier mot.” Camille Hennetier, l’une des trois avocats généraux au procès des attentats du 13 novembre 2015, a demandé le 10 juin dernier à la Cour d’assises spéciale de Paris de prononcer des peines exemplaires contre les accusés. La Cour, présidée par Jean-Louis Périès, doit annoncer son verdict ce mercredi 29 juin.

    Si les cinq magistrats suivent les réquisitions, Salah Abdeslam , le seul des accusés à être considéré comme un “coauteur” des attentats de Paris et Saint-Denis, et à ce titre exposé à une peine rarissime, pourrait être condamné à la perpétuité incompressible. Cette sentence n’a jamais été prononcée pour des faits de terrorisme depuis qu’elle a été créée en 1994 .

    Les avocats généraux ont estimé que les faits reprochés au seul survivant des commandos ayant frappé le stade de France, les terrasses parisiennes et le Bataclan -un homme qui a louvoyé entre excuses , dénégations de toute responsabilité et appartenance assumée à l’organisation terroriste État islamique- étaient d’une “exceptionnelle gravité” justifiant une sanction “en adéquation avec cette gravité”.

    Mais qu’est-ce que cette “perpétuité réelle”? Le HuffPost a demandé l’éclairage de deux pénalistes: maîtres Juliette Chapelle , avocate au barreau de Paris, et Marion Ménage , du barreau de Pontoise.

    Prison, sûreté et perpétuité

    Pour commencer, il convient d’expliquer comment fonctionnent les condamnations à des peines de prison dans le droit français. En l’occurrence, précise Juliette Chapelle, “l’idée du législateur est que l’être humain évolue, et qu’au bout d’un moment, durant une peine de prison, il doit être possible d’aménager sa détention pour lui permettre de revenir progressivement à la liberté”. Cela peut passer par une suspension de la peine, des permissions de sortie, une liberté conditionnée à un bon comportement hors de prison...

    En général, des périodes de sûreté sont donc prononcées en plus de la peine en soi. Il s’agit d’une durée durant laquelle la personne condamnée ne pourra pas demander d’aménagement, en général la moitié de la durée de la peine. “Et si c’est une peine à perpétuité, alors la période de sûreté est de 18 ans et peut monter à 22”, explique Marion Ménage. Au terme de ce délai, les détenus peuvent, devant un juge d’application des peines, envisager un aménagement.

    C’est là qu’intervient le concept de perpétuité réelle, ou “incompressible”, qui existe “pour les peines les plus graves et qui est très limitée par le législateur”, insiste Juliette Chapelle. Contrairement à la période de sûreté qui est limitée dans le temps, la perpétuité incompressible rend cette peine de sûreté illimitée. Pour autant, in fine, un aménagement reste possible. “Au bout de trente ans de détention, le condamné pourra demander au tribunal de l’application des peines de revenir sur cette impossibilité de formuler la moindre demande”, décrit Marion Ménage.

    Rien avant 30 ans

    “Mais cela ne veut pas dire qu’au bout de 30 ans, les personnes sortent”, prévient Juliette Chapelle. “Le juge d’application des peines peut ne jamais donner droit à la demande d’aménagement et la personne restera en prison jusqu’à sa mort.” Car une fois la demande formulée, il reste encore un processus avant que celle-ci soit approuvée.

    Marion Ménage liste: “l’avis d’une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation”, des “gages sérieux de réadaptation sociale” donnés par le détenu qui formule la demande, une expertise psychiatrique réalisée par un collège d’experts pour évaluer la dangerosité du condamné... Elle ajoute que “le tribunal s’assure également que sa décision n’est pas susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public et recueille l’avis des victimes”. Ce point pourrait se révéler particulièrement délicat dans le cas du 13-Novembre.

    Un dispositif bardé de garde-fous donc, mais motivé par cette idée que “l’être humain peut changer”, comme le résume Juliette Chapelle. Et c’est d’ailleurs ce qu’a estimé la Cour européenne des Droits de l’Homme en 2014 , considérant que cette possibilité d’une demande d’aménagement après 30 ans de détention constituait malgré tout un espoir de libération du détenu. Sans cette perspective, pour l’avocate, la France aurait sans doute été condamnée.

    Quatre personnes condamnées, dont Fourniret

    Par le passé, cette perpétuité incompressible n’a été prononcée qu’à quatre reprises, à chaque fois pour des meurtres d’enfants précédés de viol ou d’acte de torture ou barbarie. Y ont été condamnés “Pierre Bodein dit ‘Pierrot le fou’ en 2007, Michel Fourniret en 2008, Nicolas Blondiau en 2013 et Yannick Luende Bothelo en 2016”, détaille Marion Ménage. Jamais donc pour des faits de terrorisme, ce qui pourrait créer un élargissement du champ d’application de cette peine si Salah Abdeslam y était condamné, précise Juliette Chapelle.

    Camille Hennetier et les avocats généraux du procès du 13-Novembre ont longuement justifié leurs réquisitions. Notamment en évoquant une réinsertion qui semble impossible, eu égard à “cette idéologie mortifère” qui a motivé les attaques terroristes de 2015. “Je ne crois pas qu’un retour en arrière soit possible, pas pour le moment en tout cas”, a déclaré la magistrate.

    Et cela en s’appuyant sur une citation de Voltaire : “Lorsque le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant?” Elle ajoutait: “Nous sommes sans illusions sur ce que représente ce temps carcéral. Mais c’est la seule réponse sociale acceptable pour protéger la société.” Avançant également la “minimisation des faits” par Salah Abdeslam et se disant convaincu qu’il n’était aucunement un simple chauffeur ou un invité de dernière minute non averti du projet terroriste du commando, le parquet a donc requis la perpétuité réelle. Charge désormais au tribunal de se prononcer.

    À voir également sur le HuffPost : Au procès du 13-Novembre, le récit de l’horreur au Bataclan

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      Procès du 13 novembre: on a assisté à la dernière journée d'audience

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 27 June, 2022 - 17:22 · 1 minute

    13 NOVEMBRE - “Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur”. Lundi 27 juin, le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’est terminé par les excuses et les dénégations de la plupart des 14 accusés présents dans le box au palais de justice historique de Paris.

    Pour cette dernière audience avant le verdict, qui devrait être rendu mercredi 29 juin, la parole était donnée aux accusés. À l’exception de l’un d’entre eux, tous ont profité de cette dernière chance pour faire pencher la balance en leur faveur et éviter les lourdes peines énoncées lors des réquisitions .

    Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article , notre reporter a assisté à cette étape importante du procès, qui étaient particulièrement attendue par de nombreuses parties civiles, avocats et journalistes. “C’est un exercice très compliqué. On peut se foutre en l’air. Il faut trouver un juste équilibre en la préparation et quelque chose qui vienne du coeur”, explique Xavier Nogueras, avocat de Mohamed Amri.

    Durant une matinée, les accusés ont, pour la plupart, exprimé des excuses et des mots de compassion à l’égard des victimes, tout en niant avoir participé à la préparation des attentats ou avoir eu connaissance du projet à lequel ils ont pu apporté une aide logistique directe ou indirecte.

    Des mots qui touché leur cible? À la sortie de l’audience, les sentiments étaient partagés parmi les parties civiles. “On va de la froideur absolue, celui qui ne parle pas, à celui qui a failli défaillir tellement il était ému”, relate Catherine Orsenne, blessée au Stade de France , pour qui cette audience restera un “temps fort” de ce procès.

    À voir également sur Le HuffPost : “Novembre” à Cannes: les avis divergent sur le timing de ce film sur les attentats du 13-Novembre

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      Les derniers mots de Salah Abdeslam au procès du 13-Novembre

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 27 June, 2022 - 10:49 · 5 minutes

    Les derniers mots de Salah Abdeslam au procès du 13-Novembre (photo prise le 8 septembre 2021 lors de l'ouverture du procès des attentats du 13-Novembre). Les derniers mots de Salah Abdeslam au procès du 13-Novembre (photo prise le 8 septembre 2021 lors de l'ouverture du procès des attentats du 13-Novembre).

    JUSTICE - “J’ai fait des erreurs [...], mais je ne suis pas un tueur.” Comme les 13 autres accusés présents au procès des attentats du 13-Novembre , Salah Abdeslam a pris, ce lundi 27 juin, la dernière fois la parole devant la cour d’assises spéciale de Paris, qui est ensuite partie délibérer. Le verdict est attendu mercredi soir .

    “Les débats sont terminés”, a conclu le président Jean-Louis Périès à l’issue de cette 148e et ultime journée de ce procès-fleuve, après dix mois de débats. “L’audience est suspendue, elle reprendra normalement le mercredi 29 juin 2022, à partir de 17 heures”, a-t-il ajouté. Comme le prévoit la procédure, il avait auparavant donné la parole aux 14 accusés présents devant la cour. Six autres, dont cinq présumés morts, sont jugés en leur absence.

    “Mes premiers mots seront pour les victimes”, a déclaré le principal d’entre eux, le Français de 32 ans, Salah Abdeslam. “Je vous ai présenté mes excuses, a-t-il ajouté. Certains vous diront qu’elles sont insincères, que c’est une stratégie [...] comme si des excuses pouvaient être insincères à l’égard de tant de souffrance.”

    L’accusation a requis contre lui la r éclusion criminelle à perpétuité incompressible , la plus lourde sanction prévue par le code pénal qui rend infime la possibilité d’une libération. “La perpétuité est sans doute à la hauteur des faits, mais pas à la hauteur des hommes qui sont dans le box”, a affirmé le seul membre encore en vie des commandos ayant causé la mort de 130 personnes à Paris et à Saint-Denis le 13 novembre 2015.

    “Je ne suis pas un assassin”

    “L’opinion publique pense que j’étais sur les terrasses occupé à tirer sur des gens, que j’étais au Bataclan. Vous savez que la vérité est à l’opposé”, a-t-il aussi dit. “J’ai fait des erreurs, c’est vrai, mais je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur. Si vous me condamniez pour assassinat vous commettriez une injustice.”

    Salah Abdeslam, quasiment muet durant l’instruction, s’est montré ambivalent pendant le procès, oscillant entre arrogance en se proclamant “combattant de l’Etat islamique” au premier jour d’audience le 8 septembre et compassion quand il a présenté, en larmes, ses “condoléances et [ses] excuses à toutes les victimes ”. Au cours des débats, il a expliqué avoir renoncé à actionner sa ceinture explosive dans un bar du XVIIIe arrondissement de Paris par “humanité”.

    “Quoi qu’on en dise, ce procès n’aurait pas du tout été le même si Salah Abdeslam avait gardé le silence. Il y aurait eu un profond sentiment d’échec si tel avait été le cas”, avait fait valoir vendredi son avocat Martin Vettes lors des ultimes plaidoiries.

    Pas convaincu par le “numéro d’équilibriste” de Salah Abdeslam qui a cherché systématiquement à “minimiser les faits”, le parquet national antiterroriste (Pnat) a requis la réclusion criminelle à perpétuité incompressible à son encontre, la sanction la plus lourde permise par le droit français, qui rend infime la possibilité d’une libération. Elle équivaut à une “peine de mort lente”, a dénoncé l’autre avocate de Salah Abdeslam, Me Olivia Ronen.

    “Regrets” et “excuses” des coaccusés

    Ses coaccusés s’étaient levés tour à tour avant lui pour redire leurs “regrets” ou “excuses” et “condoléances” aux victimes pour certains, et remercier leurs avocats. “Je fais confiance à la justice”, “j’attends beaucoup de votre verdict”, ont aussi dit plusieurs d’entre eux.

    Autre accusé contre lequel la perpétuité a été requise, avec une période de sûreté de 22 ans, Mohamed Abrini, ami d’enfance de Salah Abdeslam. Il a lui aussi beaucoup parlé durant l’audience, reconnaissant qu’il était “prévu pour le 13-Novembre”, mais il est resté avare d’explications sur son renoncement.

    Trois autres accusés contre lesquels le Pnat a requis la réclusion criminelle à perpétuité -Osama Krayem, Sofien Ayari et Mohamed Bakkali- ont préféré garder le silence durant les débats.

    “Personne n’est ici pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé et avoir des réponses (...) Ce procès est une illusion”, avait indiqué Osama Krayem en janvier par la voix de son avocate, Me Margaux Durand-Poincloux.

    Pour des gars comme moi, avoir de l’espoir, c’est dangereux”, avait dit le Tunisien Sofien Ayari pour justifier son mutisme.

    Mohamed Bakkali, déjà condamné pour l’attentat du Thalys , a expliqué quant à lui que sa parole n’avait “pas de valeur”. “Je suis dans une situation où tout est défavorable (...) Quoi que je fasse, tout sera considéré comme de la ruse”, avait-il dit en janvier en faisant valoir son droit au silence.

    Abdellah Chouaa, soupçonné d’avoir apporté un soutien logistique à la cellule qui a préparé les attentats du 13 novembre 2015, a assuré ne pas être un terroriste. “Je t’en veux Mohamed, tu as détruit ma vie, a-t-il déclaré après s’être tourné vers son ami. Je ne sais pas si un jour je te pardonnerai, mais j’en souffre.”

    Au total, des peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la perpétuité ont été requises contre les 20 accusés.

    À voir également sur le HuffPost : Au procès du 13-Novembre, le récit de l’horreur au Bataclan

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      Procès du 13-Novembre: ce qu'est la perpétuité incompressible requise contre Salah Abdeslam

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 27 June, 2022 - 04:30 · 6 minutes

    Jugé pour son rôle dans les attentats perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, Salah Abdeslam a vu la perpétuité incompressible être requise contre lui. Une condamnation rarissime en France, encore jamais prononcée pour des faits de terrorisme (dessin d'audience réalisé en septembre 2021, lors des premiers jours du procès). Jugé pour son rôle dans les attentats perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, Salah Abdeslam a vu la perpétuité incompressible être requise contre lui. Une condamnation rarissime en France, encore jamais prononcée pour des faits de terrorisme (dessin d'audience réalisé en septembre 2021, lors des premiers jours du procès).

    JUSTICE - “Votre verdict pourra au moins assurer aux vivants que c’est, ici, la justice et le droit qui ont le dernier mot.” C’est par ces mots que Camille Hennetier, l’une des trois avocats généraux au procès des attentats du 13 novembre 2015, a demandé le 10 juin dernier à la Cour d’assises spéciale de Paris de prononcer des peines exemplaires contre les accusés.

    Parmi les condamnations requises (le verdict est attendu dans la semaine), le parquet a demandé la prison à perpétuité pour tous ceux qui l’encouraient dans ce procès historique. À commencer par Salah Abdeslam , le seul des accusés à être considéré comme un “coauteur” des attentats de Paris et Saint-Denis, et à ce titre exposé à une peine rarissime: la perpétuité incompressible, jamais prononcée pour des faits de terrorisme depuis qu’elle a été créée en 1994 .

    Les avocats généraux ont estimé que les faits reprochés au seul survivant des commandos ayant frappé le stade de France, les terrasses parisiennes et le Bataclan -un homme qui a louvoyé entre excuses , dénégations de toute responsabilité et appartenance assumée à l’organisation terroriste État islamique- étaient d’une “exceptionnelle gravité” justifiant une sanction “en adéquation avec cette gravité”.

    Mais qu’est-ce donc que cette “perpétuité réelle” requise contre Salah Abdeslam , et pour laquelle un verdict doit être rendu mercredi 29 juin? Le HuffPost a demandé l’éclairage de deux pénalistes: maîtres Juliette Chapelle , avocate au barreau de Paris, et Marion Ménage , du barreau de Pontoise.

    Prison, sûreté et perpétuité

    Pour commencer, il convient d’expliquer comment fonctionnent les condamnations à des peines de prison dans le droit français. En l’occurrence, précise Juliette Chapelle, “l’idée du législateur est que l’être humain évolue, et qu’au bout d’un moment, durant une peine de prison, il doit être possible d’aménager sa détention pour lui permettre de revenir progressivement à la liberté”. Cela peut passer par une suspension de la peine, des permissions de sortie, une liberté conditionnée à un bon comportement hors de prison...

    En général, des périodes de sûreté sont donc prononcées en plus de la peine en soi. Il s’agit d’une durée durant laquelle la personne condamnée ne pourra pas demander d’aménagement, en général la moitié de la durée de la peine. “Et si c’est une peine à perpétuité, alors la période de sûreté est de 18 ans et peut monter à 22”, explique Marion Ménage. Au terme de ce délai, les détenus peuvent devant à un juge d’application des peines d’envisager un aménagement.

    C’est là qu’intervient le concept de perpétuité réelle, ou “incompressible”, qui existe “pour les peines les plus graves et qui est très limitée par le législateur”, insiste Juliette Chapelle. Contrairement à la période de sûreté qui est limitée dans le temps, la perpétuité incompressible rend cette peine de sûreté illimitée. Pour autant, in fine, un aménagement reste possible. “Au bout de trente ans de détention que le condamné pourra demander au tribunal de l’application des peines de revenir sur cette impossibilité de formuler la moindre demande”, décrit Marion Ménage.

    Rien avant 30 ans

    “Mais cela ne veut pas dire qu’au bout de 30 ans, les personnes sortent”, prévient Juliette Chapelle. “Le juge d’application des peines peut ne jamais donner droit à la demande d’aménagement et la personne restera en prison jusqu’à sa mort.” Car une fois la demande formulée, il reste encore un processus avant que celle-ci soit approuvée.

    Marion Ménage liste: “l’avis d’une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation”, des “gages sérieux de réadaptation sociale” donnés par le détenu qui formule la demande, une expertise psychiatrique réalisée par un collège d’experts pour évaluer la dangerosité du condamné... Et elle ajoute que “le tribunal s’assure également que sa décision n’est pas susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public et recueille l’avis des victimes”. Ce point pourrait se révéler particulièrement délicat dans le cas du 13-Novembre.

    Un dispositif bardé de garde-fous donc, mais motivé par cette idée que “l’être humain peut changer”, comme le résume Juliette Chapelle. Et c’est d’ailleurs ce qu’a estimé la Cour européenne des Droits de l’Homme en 2014 , considérant que cette possibilité d’une demande d’aménagement après 30 ans de détention constituait malgré tout un espoir de libération du détenu. Sans cette perspective, pour l’avocate, la France aurait sans doute été condamnée.

    Quatre personnes condamnées, dont Fourniret

    Par le passé, cette perpétuité incompressible n’a été prononcée qu’à quatre reprises, à chaque fois pour des meurtres d’enfants précédés de viol ou d’acte de torture ou barbarie. Y ont été condamnés “Pierre Bodein dit ‘Pierrot le fou’ en 2007, Michel Fourniret en 2008, Nicolas Blondiau en 2013 et Yannick Luende Bothelo en 2016”, détaille Marion Ménage. Jamais donc pour des faits de terrorisme, ce qui pourrait créer un élargissement du champ d’application de cette peine si Salah Abdeslam y était condamné, précise Juliette Chapelle.

    Camille Hennetier et les avocats généraux du procès du 13-Novembre ont longuement justifié leurs réquisitions. Notamment en évoquant une réinsertion qui semble impossible, au égard à “cette idéologie mortifère” qui a motivé les attaques terroristes de 2015. “Je ne crois pas qu’un retour en arrière soit possible, pas pour le moment en tout cas”, a déclaré la magistrate.

    Et cela en s’appuyant sur une citation de Voltaire : “Lorsque le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant?” Elle ajoutait: “Nous sommes sans illusions sur ce que représente ce temps carcéral. Mais c’est la seule réponse sociale acceptable pour protéger la société.” Avançant également la “minimisation des faits” par Salah Abdeslam et se disant convaincu qu’il n’était aucunement un simple chauffeur ou un invité de dernière minute non averti du projet terroriste du commando, le parquet a donc requis la perpétuité réelle. Charge désormais au tribunal de se prononcer.

    À voir également sur le HuffPost : Au procès du 13-Novembre, le récit de l’horreur au Bataclan

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      Procès du 13-Novembre: Comment les victimes vivent la défense des terroristes

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 24 June, 2022 - 04:30 · 8 minutes

    Neuf mois après le début du procès du 13-Novembre, ces semaines de la mi-juin sont consacrées aux plaidoiries des avocats de la défense. Un moment éprouvant pour les victimes et leur famille, qui doivent faire face à la défense des actes des protagonistes des attentats (photo prise en septembre 2021, dans les premiers jours du procès). Neuf mois après le début du procès du 13-Novembre, ces semaines de la mi-juin sont consacrées aux plaidoiries des avocats de la défense. Un moment éprouvant pour les victimes et leur famille, qui doivent faire face à la défense des actes des protagonistes des attentats (photo prise en septembre 2021, dans les premiers jours du procès).

    TERRORISME - “Ce qui me dérange le plus, c’est que ces gens-là auraient pu éviter d’autres drames.” Depuis début juin, le procès des attentats perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis est entré dans sa dernière ligne droite. Après les réquisitions du parquet , ce sont désormais les avocats de la défense qui se succèdent face à la cour pour plaider en faveur des accusés, et tenter de réduire, voire d’éviter leur condamnation .

    Un temps forcément particulier dans le processus judiciaire, après neuf mois à entendre les récits d’horreur des survivants et des secours, à revenir sur la planification des attaques, à retracer la vie et le parcours de leurs acteurs. Une période où la nuance, la contextualisation et la recherche d’empathie s’invitent dans les débats au sujet de ceux vers qui tous les regards sont tournés.

    À commencer par Salah Abdeslam , dont les conseils, maîtres Martin Vettes et Olivia Ronen, plaident ce vendredi 24 juin. Un rendez-vous très attendu par les victimes et leur famille, toujours en quête d’explications sur ce qu’il s’est passé ce soir de novembre. Sa ceinture explosive a-t-elle dysfonctionné? A-t-il eu peur ou des remords ? Quelle que soit la réponse, tous les participants et observateurs du procès attendent avec impatience la plaidoirie de ce vendredi.

    L’appréhension avant d’entendre la défense de Salah Abdeslam

    “Je ne craignais pas cette période qui me paraît tout à fait nécessaire dans le cadre du débat contradictoire”, commence d’une voix posée le chercheur Stéphane Sarrade, père d’Hugo, mort à 23 ans au Bataclan . “Il y a d’ailleurs eu de très belles plaidoiries et j’ai une vraie curiosité vis-à-vis de celle qui concernera Salah Abdeslam. Je suis curieux de voir quel va être l’angle choisi pour le défendre”, explique celui qui envisage de se “dégager du temps” pour assister sur place à ce moment, sans pour autant singulariser le jihadiste jusqu’à en faire “un martyr ou une célébrité”.

    Patricia Correira aussi attend ce moment. Aujourd’hui vice-présidente de l’association de victimes “13Onze15” après avoir perdu sa fille et le compagnon de celle-ci au concert des “ Eagles of Death Metal ”, elle livre ses pensées: “Abdeslam aurait pu éviter les attentats, mais il a préféré fuir pour essayer de sauver sa peau parce qu’il savait que Daech lui tomberait dessus. Je me demande bien comment son avocate va pouvoir lui trouver des circonstances atténuantes, ce qu’elle va dire pour défendre ce type. Car au lieu de dénoncer ce qu’il allait se passer, il s’est dégonflé.” Et de conclure: “J’espère qu’il ne sortira jamais de derrière les barreaux.”

    Un avis que ne partage pas tout à fait Paul-Henri Baure. Le 13 novembre 2015, lui travaillait pour une société de sécurité aux abords du Stade de France. Quand un terroriste a déclenché sa ceinture d’explosifs à quelques mètres, il a été très gravement blessé aux jambes, au point de ne plus pouvoir retravailler pendant plus de deux ans.

    Aujourd’hui, c’est pourtant lui qui appelle à la clémence: ”Évidemment qu’il faut qu’il puisse être défendu, comme chaque personne qui fait des bêtises. J’espère qu’il sera condamné à une peine lourde, avec une peine de sûreté de 30 ans”, précise-t-il, voulant croire à une possible réinsertion, même dans un futur très lointain.

    Car Salah Abdeslam symbolise toute la pénibilité de la période des plaidoiries pour les victimes et leur famille, comme le résume encore Stéphane Sarrade: “C’est quelqu’un qui a slalomé entre le fait de dire qu’il n’avait pas de sang sur les mains et sa revendication ‘Je suis un soldat de l’État islamique’.” Entre sa négation en bloc et sa fierté assumée d’avoir contribué aux attentats les plus graves perpétrés sur le sol français, tout cela sans exprimer de regrets malgré quelques excuses , difficile ensuite pour ceux qui ont perdu un proche d’assister à une longue défense.

    Le “manque de courage” incompréhensible de certains accusés

    Reste toutefois l’attachement aux valeurs républicaines, au fait que chacun des accusés écope de peines “proportionnées”, “cohérentes avec ce qu’ils ont fait”, comme le dit Stéphane Sarrade. À l’opposé donc de l’idéologie qui a semé la mort en 2015. “Je ne mets pas Salah Abdeslam à part, et je suis même opposé à ce qu’on le fasse: il a droit à une défense”, assure ainsi le père d’Hugo. “Et d’ailleurs, la peine qu’il recevra aura de la valeur parce que l’on aura suivi tout ce processus.” Ce que confirme Paul-Henri Baure, qui voit là une occasion de “comprendre ce qu’ils avaient dans la tête quand ils sont passés à l’acte”.

    Il n’en reste pas moins que certaines plaidoiries ont été particulièrement difficiles à entendre. Patricia Correira, elle, a été choquée par les mots de maître Xavier Nogueras . L’avocat, qui a notamment défendu Jawad Bendaoud par le passé, a plaidé l’acquittement pour Mohamed Amri, qui est venu chercher Salah Abdeslam pour le ramener en Belgique après les attentats. “On se demande comment des avocats peuvent défendre ces gens”, s’interroge-t-elle.

    Ce que la vice-présidente de l’association 13Onze15 déplore, c’est “le manque de courage de ceux qui n’ont rien dit” parmi les accusés. “Ces gens-là, qui auraient pu dénoncer Salah Abdeslam ou Mohamed Abrini ne l’ont pas fait parce qu’ils avaient peur. Mais ils auraient pu empêcher l’attentat de Bruxelles s’ils avaient parlé.”

    Et de prendre l’exemple de “Sonia”, cette femme qui a dénoncé Abdelhamid Abaaoud quand celui-ci s’est réfugié à Saint-Denis, et qui vit désormais sous une nouvelle identité, comme Le HuffPost l’a raconté . Une décision qui a permis l’intervention des forces de l’ordre et d’éviter une série d’attaques (une crèche, un commissariat ou le quartier de la Défense étaient visés, selon les enquêteurs ). “Ma fille était déjà morte quand Amri est venu chercher Abdeslam, je ne prêche pas pour ma paroisse. Mais si ces gens-là avaient parlé, ils auraient eu une protection comme Sonia. C’est grave qu’ils n’aient pas le cran de dénoncer.”

    La culpabilité qui s’inverse

    Une distinction entre accusés que font la plupart des acteurs joints par Le HuffPost . “Il y en a qui ont été entraînés, et qui ne savaient même pas dans quoi”, insiste Paul-Henri Baure, le survivant du Stade de France. Avant de préciser sa pensée avec simplicité: “Si je prête ma voiture à un ami et qu’elle sert à un cambriolage, je serai furieux contre mon ami. Mais je comprendrais que je puisse être condamné.”

    Même son de cloche chez Patricia Correira. “Certaines personnes sont impliquées de très loin et il faut minimiser les peines pour elles”, assure-t-elle. “Il faut distinguer ceux qui avaient l’intention de tuer et ceux qui fréquentaient ces gens sans le savoir et qui ont été entraînés par la vague. Mais il faut quand même qu’il y ait des peines.”

    Un numéro d’équilibre loin d’être aisé pour les parties civiles, surtout quand les arguments des différents représentants de la défense se répètent jour après jour dans une longue litanie. “Je le vis assez mal”, admet Stéphane Sarrade quand on le joint au sortir d’une nouvelle journée à écouter la retransmission du procès. “Il y a quelque chose qui m’apparaît autour de la notion de culpabilité”, décrit cet universitaire qui a tenté de comprendre les terroristes en rencontrant des parents de jeunes partis en Syrie, en s’intéressant à la déradicalisation...

    “Il y a de la culpabilité chez nous, les parties civiles: celle d’avoir survécu, la mienne d’avoir payé les billets de mon fils Hugo pour le concert. Et à l’inverse, il n’y en a aucune chez les accusés”, détaille-t-il. “Il y a même une inversion de la vision parce qu’eux se considèrent comme des victimes.” Une dimension renforcée par les plaidoiries des avocats visant à défendre leurs clients: ”Ça finit par être surréaliste: ce ne sont plus des accusés, mais des citoyens qui n’ont pas fait grand chose, ce serait la religion que l’on jugerait et non pas eux etc.”

    Reste, comme l’image Paul-Henri Baure, que ce temps du procès est indispensable, qu’il faut en passer par là: “Si je me roule par terre, ça ne va rien changer.” D’autant qu’en dépit de la “gêne” et de la “douleur” qu’elle ressent, Patricia Correira voit un but supérieur à atteindre grâce au procès: “que les gens réalisent qu’on ne peut pas tuer des innocents au nom d’un dieu, que c’est la justice qui aura le dernier mot”. Un objectif qui sera atteint selon elle si “les avocats de la défense ne parviennent pas à renverser les peines assez exemplaires requises” par l’avocate générale Camille Hennetier. Car de toute façon, conclut-elle, quelle que soit la décision du tribunal, cela “ne fera jamais revenir nos enfants”.

    À voir également sur L e HuffPost : Commémorer le 13-Novembre en plein procès, un moment “historique” pour les rescapés

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      Au procès du 13-Novembre, le réquisitoire étrille les "versions" et "mensonges" des accusés

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 8 June, 2022 - 21:51 · 1 minute

    JUSTICE - Neuf mois jour pour jour après l’ouverture d’une audience inédite, le parquet national antiterroriste (Pnat) a débuté, ce mercredi 8 juin, ses réquisitions au procès du 13-Novembre en reconstituant pièce par pièce “le puzzle” des attentats, étrillant “versions” et “mensonges” des accusés.

    Ce réquisitoire à trois voix, prévu pour s’étaler sur une quinzaine d’heures et trois jours , s’est ouvert sur un propos liminaire rappelant le fracas “dans la vie de tous les Français” des pires attaques commises sur le territoire, la “sidération” suscitée au-delà des 130 morts à Paris et Saint-Denis.

    Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article , notre reporter a assisté à cette journée d’audience. Il raconte l’ambiance sur place et détaille les premières conclusions des avocats généraux.

    Le ton, solennel dans les premières minutes du réquisitoire, s’est rapidement fait précis, méthodique, parfois aride, pour démontrer les responsabilités dans ces attentats des 20 accusés, dont six sont jugés en leur absence. Et repousser point par point les pions avancés par les accusés et leur défense.

    Pour cette première journée de réquisitions, l’accusation s’est concentrée sur la genèse des attentats projetés depuis la Syrie par l’État islamique et sur les liens unissant “les 33 terroristes identifiés” de la cellule jihadiste qui a également frappé Bruxelles le 22 mars 2016.

    À voir également sur Le HuffPost : Procès 13-Novembre: Ce rescapé du Bataclan revient sur ce premier jour d’audience

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      "Novembre" à Cannes: les avis divergent sur le timing du film sur les attentats

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 23 May, 2022 - 17:11 · 1 minute

    FESTIVAL DE CANNES - Cédric Jimenez était de retour ce dimanche 22 mai sur la Croisette. Après Bac Nord l’an passé , le réalisateur est venu cette fois-ci présenter le très attendu Novembre , un long-métrage sur les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Le film doit sortir dans les salles le 5 octobre prochain.

    Novembre retrace l’enquête policière et la traque des terroristes en Belgique et à Saint-Denis par les enquêteurs, incarnés à l’écran par Jean Dujardin et Sandrine Kiberlain.

    Sept ans après les faits et alors que le procès se tient en ce moment même à la cour d’assises spéciale de Paris, jusqu’au mois de juin, est-ce le bon moment pour relater ces événements au cinéma? Le HuffPost a demandé son avis au public du Grand théâtre Lumière à la sortie de la projection à Cannes, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article. Et les spectateurs semblent partagés.

    Certains estiment qu’il est encore trop tôt pour faire un film sur le sujet, alors que les familles des 130 victimes tentent de se reconstruire. D’autres en revanche pensent qu’une telle œuvre a une valeur pédagogique et contribue au devoir de mémoire.

    Hasard du calendrier, un second film sur les attentats du 13-Novembre était aussi présenté à Cannes cette année. Il s’agit de Revoir Paris d’Alice Winocour, en salles le 7 septembre prochain. Si les deux œuvres abordent le même sujet, elles n’ont toutefois rien à voir. Alice Winocour s’intéressant aux survivants, plutôt qu’à l’enquête policière, comme Cédric Jimenez.

    À voir également sur Le HuffPost: Khaby Lame, star du Festival de Cannes mais inconnu des festivaliers

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      Mort de Françoise Rudetzki, porte-parole des victimes du terrorisme en France

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 18 May, 2022 - 17:52 · 5 minutes

    Notamment fondatrice de l'association Notamment fondatrice de l'association "SOS Attentats", François Rudetzki a été la porte-parole des victimes du terrorisme pendant près de 40 ans. Elle est décédée ce 18 mai à Paris, à l'âge de 73 ans (photo d'archive prise aux Invalides en septembre 2012).

    TERRORISME - “Femme d’exception” ayant mis sa vie au service des victimes du terrorisme après avoir été elle-même grièvement blessée lors d’un attentat en 1983, Françoise Rudetzki est décédée dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 mai à Paris, à 73 ans, a-t-on appris ce mercredi auprès de sa famille.

    “Jusqu’au bout, elle aura milité pour la reconnaissance et la prise en charge des victimes d’attentats”, a déclaré sa fille Deborah Rudetzki, contactée par l’AFP.

    Et rapidement, les hommages se sont multipliés pour celle qui aura notamment initié la création du fonds de garantie des victimes du terrorisme . Le président de la République Emmanuel Macron a notamment salué “une figure tutélaire pour toutes les victimes d’attentats”, rappelant que François Rudetzki aura vécu “une vie de douleurs, de combats et de victoires”.

    “Sa voix ne s’éteindra pas”, a quant à lui réagi le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, exprimant sa “tristesse” face à la disparition d’une femme qui “a fait de ses blessures son plus grand combat en consacrant sa vie aux victimes du terrorisme”.

    Une figure majeure et protectrice pour toutes les victimes

    Des victimes qui ont elles aussi honoré la mémoire de la septuagénanire. L’association Life for Paris, qui rassemble de nombreuses victimes des attentats du 13-Novembre, a notamment salué dans un communiqué la “grandeur d’âme unique” de cette “femme d’exception”, qui “a permis de faire de la France un exemple de la prise en charge des victimes” et apporté une “aide fondamentale” à l’association à ses débuts.

    Une autre association liée aux attentats survenus à Paris et Saint-Denis en 2015, 13Onze15 a également réagi, par le biais d’un communiqué de son président. Elle évoque notamment “une interlocutrice privilégiée des pouvoirs publics et de tous les acteurs de ‘l’environnement’ des victimes, en France comme à l’étranger, celles attentats, mais aussi des accidents collectifs et de toutes les catastrophes”.

    “Son ambition doit être notre héritage et notre boussole”, a aussi réagi dans un communiqué Frédérique Calendra, déléguée interministérielle à l’aide aux victimes, saluant la “pugnacité” et l’“enthousiasme” de Françoise Rudetzki dans son combat.

    “Françoise Rudetzki a toujours voulu se battre pour la dignité, pour la reconnaissance des droits” des victimes et “elle ne lâche jamais prise”, avait déclaré le président François Hollande en lui rendant hommage en 2016 à l’Élysée, avant de la décorer de l’Ordre national du mérite.

    Activiste inlassable aux nombreuses victoires

    Juriste, Françoise Rudetzki avait créé SOS Attentats, première association de défense des victimes d’actes de terrorisme, en décembre 1985, une date qui marquait le début d’une vague d’attentats meurtriers liés au conflit du Proche-Orient à Paris.

    Et dès 1986, elle avait obtenu la création du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme, financé par un petit prélèvement sur chaque contrat d’assurance de biens , une garantie étendue en 1990 à l’ensemble des victimes d’infractions pénales (viols, agressions, braquages).

    “Jusqu’à son décès”, elle est restée “membre du conseil d’administration” du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), ont indiqué dans leur communiqué les familles Rudetzki et Dab.

    Elle avait aussi réussi à faire reconnaître aux victimes du terrorisme le statut de victimes civiles de guerre et la possibilité pour les associations de se porter partie civile lors des procès. En 2018, elle avait également défendu la création d’un Centre national de ressources et de résilience (CN2R), destiné à améliorer la prise en charge des victimes d’évènements traumatiques.

    “À cette époque, on ne parlait jamais des victimes”

    Le 23 décembre 1983, Françoise Rudetzki avait été victime d’un attentat à la bombe au restaurant le Grand Véfour, sous les arcades du Palais-Royal, à Paris, où elle fêtait ses dix ans de mariage avec son mari. L’explosion avait projeté une porte métallique qui avait écrasé les jambes de la jeune femme d’affaires.

    Opérée à des dizaines de reprises pour soigner ses blessures, elle avait contracté le VIH et le virus de l’hépatite C lors d’une transfusion.

    “À cette époque, on ne parlait jamais des victimes”, avait plus tard confié à l’AFP Françoise Rudetzki. “Le mot ‘victime’ était un peu comme un mot qu’il ne fallait pas prononcer et seuls les médecins s’occupaient des victimes”.

    Par la suite, les chroniqueurs judiciaires l’auront croisée d’innombrables fois aux audiences et dans les couloirs du palais de justice de Paris, où elle se déplaçait à l’aide de béquilles.

    “Nous mesurons la perte que cela va représenter pour les victimes”, a souligné l’avocat Frédéric Bibal en annonçant son décès à la reprise d’audience au procès des attentats du 13 novembre 2015 , qui se déroule en ce moment à Paris. Françoise Rudetzki avait “accompagné de nombreuses victimes au cours de procès d’attentats terroristes”, a rappelé maître Bibal, qui représente plusieurs dizaines de parties civiles au procès du 13-Novembre.

    Ses obsèques auront lieu dans la plus stricte intimité familiale, ont indiqué ses proches.

    À voir également sur le HuffPost : Commémorer le 13-Novembre en plein procès, un moment “historique” pour les rescapés

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      Procès du 13-Novembre: le chanteur des Eagles of Death Metal assure avoir pardonné aux "pauvres âmes"

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 17 May, 2022 - 15:38 · 4 minutes

    À gauche, Jesse Hughes et à droite Eden Galindo, deux membre du groupe de rock qui ont pris la parole à la barre pour livrer leur témoignage de victime des attentats du 13-Novembre 2015.  À gauche, Jesse Hughes et à droite Eden Galindo, deux membre du groupe de rock qui ont pris la parole à la barre pour livrer leur témoignage de victime des attentats du 13-Novembre 2015.

    13 NOVEMBRE - “On ne peut pas tuer le rock’n’roll”, lâche finalement Jesse Hughes en citant Ozzy Obourne lors de la fin de son audition à la barre du procès du 13-Novembre. Lui et Eden Galindo, l’ancien guitariste du groupe Eagle of Death Metal ont apporté leur témoignage de victimes des attentats parisiens de 2015 .

    Pour la reprise du procès des attentats du 13-Novembre , la cour d’assises spéciale de Paris a pris ce mardi 17 mai des allures de salle de spectacle pour l’audition de deux membres du groupe qui se produisait le soir de l’attaque.

    Des rescapés et des proches de victimes du Bataclan étaient en nombre dans la salle pour entendre leur idole. “Les événements qui se sont produits le 13-Novembre ont changé ma vie à jamais”, a raconté, via une interprète, le chanteur américain.

    “Tous ceux qui étaient au concert ce soir-là étaient mes amis”

    D’une voix forte et claire, Jesse Hughes a rappelé comment, “au milieu du concert”, il a entendu des tirs. “Venant d’une communauté désertique en Floride, je connais le son des armes. J’ai reconnu que c’était des tirs. Je savais ce qui allait arriver, je sentais la mort se rapprocher de moi”.

    Ce soir-là, “90 de mes amis ont été tués de manière haineuse devant nous, témoigne-t-il avec émotion. Tous ceux qui étaient au concert ce soir-là étaient mes amis”. “Ce que les assaillants ont essayé de faire ce soir-là, c’est de faire taire la joie liée à la musique mais ils ont échoué”, poursuit le chanteur, qui assure avoir “pardonné” aux “pauvres âmes qui ont commis ces actes”.

    Impatient de participer au procès, il a toutefois confié à la barre que plus l’échéance approchait, plus il était “réticent à l’idée de venir” témoigner. Notamment car “la mémoire de ces événements a commencé à être erronée, les souvenirs sont plus vagues”, a-t-il précisé.

    Et c’est donc avec les mots empruntés au leader du groupe Black Sabbath que Jesse Hughes a terminé son audition “you can’t kill rock’n’roll” soit “on ne peut pas tuer le rock’n’roll”. Tout un symbole pour le chanteur, devenu avec le reste du groupe des “EODM”, l’un des symboles de cette nuit sanglante.

    À la sortie de l’audience, Jesse Hughes au bord des larmes, a dit se sentir “mieux”, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessus . Il assure que “l’amour l’emporte toujours” et qu’il est primordial “de pardonner” en tant que chrétien. “Je les pardonne et j’espère qu’il trouveront la paix”, a-t-il ajouté au sujet des terroristes.

    “Je ne serai plus jamais le même”

    L’ex-guitariste du groupe Eden Galindo s’était présenté avant lui à la barre pour un livrer un témoignage plus brut sur son expérience dans la salle de concert du Bataclan. “Après quelques chansons, j’étais sur le côté de la scène et j’ai commencé à entendre le bruit sourd de tirs, je pensais que le système de son était en train d’exploser”, a-t-il d’abord raconté.

    “Je me souviens qu’ils me regardaient (les terroristes). J’ai vu l’expression sur leur visage. On a couru, on s’est tous mis les uns sur les autres. Nous pensions que ça allait s’arrêter, mais ça continuait”, a-t-il poursuivi avec une vive émotion dans la voix.

    Il a raconté le difficile retour à la vie normale après avoir détaillé le moment où le groupe a été exfiltré de la salle dans un taxi parisien. “Je suis rentré mais c’était très difficile de faire les choses normalement après tout ça. Je me sentais comme brisé. Je ne serai plus jamais le même après cette nuit-là”, a-t-il finalement lâché, tête baissée.

    Le chanteur et l’ex-guitariste ont finalement quitté la salle d’audience. Jesse Hughes a pris dans ses bras plusieurs parties civiles. Certains pleuraient. Le leader des Eagles of Death Metal aussi.

    À voir également sur le HuffPost : Les Eagles of Death Metal en concert à Paris avant de témoigner au procès du 13-Novembre