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      Les 6 causes du chômage

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 6 November, 2022 - 03:40 · 2 minutes

    Par Jacques Garello

    Même si le mois de septembre a enregistré une baisse importante du taux de chômage, ce qui a enthousiasmé les médias et le gouvernement, le chômage reste un problème endémique pour la France et un échec de la politique menée par François Hollande : depuis son élection en mai 2012, le ministère du Travail a recensé 617 000 chômeurs supplémentaires en catégorie A.

    Alors qu’approche l’année électorale 2017, la question du chômage, qu’il monte ou qu’il baisse selon les catégories dont on parle ou qu’on ignore , sera primordiale dans les choix des électeurs. On ne peut plus faire l’économie de regarder en face quelles sont les causes réelles de ce drame si corrosif pour la société.

    Nous avons expliqué l’importance du chômage depuis des années dans cette rubrique de conjoncture, au risque de lasser nos lecteurs.

    Ce que nous proposons aujourd’hui est de hiérarchiser les causes, compte tenu des enseignements de la science économique, ignorée bien sûr de quelques Nobel comme Stiglitz ou Krugman.

    1. La fiscalité personnelle progressive

    Elle attaque ceux qui réussissent. Les contribuables arbitrent donc en faveur du loisir et réduisent leur activité.

    La reaganomics s’est inspirée de cette réalité. L’ effet Laffer montre que la baisse de la progressivité accroît les recettes fiscales : les gens se mettent à travailler dès que ce n’est plus pour le fisc.

    2. Le SMIC

    Surtout quand il est proche du SMIC médian, il frappe par priorité les juniors et les seniors, en fermant la porte de l’emploi à ceux qui n’ont pas encore ou déjà plus une qualification élevée.

    Plus généralement, le SMIC rend le travail qualifié meilleur marché et dissuade celui qui a un emploi peu qualifié d’améliorer sa qualification. Il devient plus vulnérable au chômage.

    3. La rigidité du marché du travail

    Elle est due aux législations et à l’action syndicale.

    Les petits boulots sont interdits et la précarité est prohibée.

    4. La fiscalité des entreprises

    Cette fiscalité dissuasive empêche les entreprises d’investir, mais aussi tous les investisseurs potentiels.

    5. Le poids des charges sociales

    Ce poids excessif réduit la compétitivité des entreprises, comme la fiscalité, et il pénalise particulièrement les systèmes d’assurance-maladie et de retraites fondés sur la seule répartition.

    Avec une logique assurancielle et une capitalisation le poids diminue.

    6. Le malinvestissement

    L’État confisque l’épargne pour choisir des investissements non rentables, les projets rentables disparaissent faute de financement. Le malinvestissement se produit également en cas de politique monétaire laxiste, l’accès au crédit étant possible pour des emprunteurs insolvables, et l’inflation permettant d’éponger les dettes.

    Cher François Hollande, vous avez trois mois pour suivre ce régime : si vous réussissez, nous voterons pour vous. Mais serez-vous candidat ?

    Article publié initialement le 27 octobre 2016 .


    Sur le web .

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      La notion de « génération Z » entrave l’intégration des jeunes sur le marché du travail

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 28 October, 2022 - 02:40 · 8 minutes

    Par Marc Loriol.

    Classer les salariés en « générations X, Y, ou Z » pose question. On s’aperçoit bien vite qu’il n’y a pas d’accord sur les limites chronologiques ou sur les qualités et défauts supposés de chaque génération : vivre à une même époque ne suffit pas à définir une expérience commune à toute une classe d’âge et les enquêtes empiriques vont à l’encontre des clichés sur une supposée spécificité des jeunes générations. Les boomers se sont, par exemple, vus reprocher dans les années 1970 certains traits communs avec ceux attribués aujourd’hui aux générations Y ou Z.

    Des travaux sociologiques ont déjà tenté de rendre compte des conflits entre générations sur un lieu de travail, comme ceux de Stéphane Beaud et Michel Pialoux dans les usines de Sochaux-Montbéliard. Dans l’industrie, une partie des ouvriers nés après la Deuxième Guerre avaient tenté en leur temps d’autres expériences de travail et la plupart n’ont pas voulu que leurs enfants deviennent ouvriers. Le contexte culturel post 1968 et, localement, les changements organisationnels et les fermetures d’usines, expliquent en partie leur déception face au travail et des relations difficiles avec les plus jeunes générations, parfois plus diplômées que leurs pairs avec la création du baccalauréat professionnel.

    Ces travaux, à la suite desquels nous inscrivons les nôtres , montrent aussi que les conflits entre générations découlent souvent des politiques de ressources humaines. Alterner des phases sans embauches de jeunes , puis de recrutements précaires, traiter différemment jeunes et anciens, les séparer voire les opposer, penser que le diplôme peut remplacer l’expérience et tout un tas d’autres pratiques conduisent à la méfiance, une moindre transmission du métier et à un accroissement des divergences.

    Si enfermer tous les jeunes sous une même étiquette peut, certes, fournir un outil de gestion pratique, cela reflète mal la diversité des situations ni la complexité des processus qui façonnent le rapport au travail . Il ne faudrait pas oublier de prendre en compte les parcours individuels ainsi que l’importance de la transmission d’un métier et de l’intégration au sein du collectif de travail pour donner un sens aux efforts consentis au quotidien.

    Effet de parcours ou de génération ?

    Le rapport au travail est notamment structuré par la position sociale. Les jeunes peu diplômés des régions touchées par le chômage soulignent plus que les autres l’importance d’avoir un emploi , et cela vaut aussi bien pour les générations X, Y ou Z. Les plus diplômés ont, eux, davantage de marges de manœuvre pour expérimenter et trouver l’activité qui leur convient.

    Des études longitudinales (qui suivent les mêmes personnes dans le temps) montrent, en outre, que les priorités peuvent évoluer avec les premières confrontations au monde du travail. Lors de la recherche d’un premier emploi beaucoup souhaitent trouver un travail qui a du sens à leurs yeux, qui correspond à un domaine qui les passionne ou qui offre de bonnes rémunérations. Au bout de 3 à 5 ans ils mettront plutôt en avant la bonne ambiance de travail ou la recherche d’un équilibre, comme premier critère d’un emploi satisfaisant. C’est là plus un effet de trajectoire que de génération.

    La socialisation professionnelle plus ou moins aboutie au sein d’un collectif de travail doit permettre de justifier ou non les efforts consentis et de construire puis d’entretenir l’intérêt pour une activité particulière. Deux illustrations issues d’entretiens informels pour une enquête en préparation sur le rapport au travail dans les entreprises des technologies de l’information et de la communication en témoignent.

    Moments de changements

    Un jeune ingénieur UX designer (il a pour mission de diminuer au maximum les questions que peut se poser l’utilisateur d’un site Internet) a fait plusieurs stages dans des start-up. S’il en a apprécié l’ambiance, il déplorait l’absence de contacts avec d’autres personnes exerçant la même activité ainsi qu’un manque d’organisation. Des appels d’offre sur lesquels l’équipe avait beaucoup travaillé ont, par exemple, été manqués suite à un dépôt trop tardif.

    Pour son premier poste, il a ensuite choisi une entreprise qui propose des services numériques aux amateurs et collectionneurs de bandes dessinées. Pourtant lui-même passionné par le neuvième art, il découvre que là encore son travail reste peu reconnu. Ses projets sont systématiquement critiqués par le créateur de l’entreprise qui finit cependant par les adopter, faute d’alternatives techniques viables. D’autres tâches (de marketing, de saisie) occupent une part croissante de son temps. L’absence de progression dans son métier le conduit à douter de ses choix de carrière.

    Il démissionne alors pour intégrer la filiale spécialisée en UX design d’un grand groupe. Le travail sur de gros projets, avec d’autres UX designers ayant des expériences et formations différentes, lui permet de renouer avec son intérêt initial pour la spécialité. Il n’envisage plus de changer de travail.

    L’autre exemple est celui d’un Français parti à 19 ans étudier dans une capitale étrangère. À cause de l’épidémie liée au coronavirus, il n’a pas pu faire de stage dans son cursus. Après sa licence, pour connaître le monde du travail et gagner un peu d’argent, il se fait embaucher par une plate-forme de livraison de repas pour laquelle il doit gérer, depuis l’étranger, les livreurs français. Pris en charge par une collègue expérimentée il apprend vite et est bien noté.

    La capacité de ses collègues plus âgés à jongler avec plusieurs écrans d’ordinateurs tout en maintenant une bonne ambiance dans l’équipe et avec les livreurs l’enthousiasme. Il peut donner du sens à son travail en trouvant des moyens d’arranger la vie et le travail des livreurs qu’il apprécie.

    Toutefois, arrive le moment ou pour augmenter la rentabilité, l’entreprise restructure le service et les algorithmes. Ses collègues les plus expérimentées trouvent d’autres emplois et les marges de manœuvre avec les livreurs disparaissent. Plusieurs salariés du service se mettent en arrêt pour burn-out. La reprise d’un master devient alors un moyen de fuir cet emploi devenu sans intérêt.

    Un âge de transition

    La jeunesse comme âge spécifique entre l’adolescence et l’âge adulte est une construction récente comme l’expliquent les travaux du sociologue Olivier Galland. Elle a d’abord concerné les hommes de la bourgeoisie qui, au XIX e siècle, quittaient leur famille pour les études. Ce temps de liberté, d’expérimentation des idées, du mode de vie, de la sexualité, questionnait peu le futur travail, déterminé par les études et l’origine familiale.

    À partir des années 1960, ce modèle va peu à peu se démocratiser avec l’extension des études supérieures. Les transformations structurelles du marché du travail (moins d’ouvriers, plus de professions intermédiaires et de cadres), l’apparition de nouvelles filières et de nouveaux métiers et, à partir de la fin des années 1970, la montée du chômage, font que la recherche de soi et l’interrogation sur l’avenir se portent de plus en plus sur la carrière envisagée. La plupart des jeunes salariés doivent passer par une période de précarité plus ou moins longue suivant le diplôme.

    La promesse d’un emploi stable et d’une progression de carrière en contrepartie de la docilité et d’un fort investissement au départ se révèle de plus en plus illusoire. La situation que vivent les nouveaux entrants sur le marché du travail est paradoxale : avec moins de repères que leurs aînés ils doivent trouver leur voie et faire leur place, alors même que la stabilité professionnelle et les collectifs de travail capables de transmettre un métier font plus souvent défaut .

    En réaction, certains jeunes peuvent développer un rapport au temps paradoxal. Alors qu’ils savent par expérience, notamment les plus modestes, qu’un CDI reste indispensable pour faire des projets à long terme (développer un métier, fonder une famille), certains craignent de s’enfermer trop précocement dans une voie dont ils ne perçoivent pas l’intérêt .

    Ceux qui en ont les moyens peuvent alors multiplier les expériences d’emploi et de formation. D’autres, à qui ne sont proposés que des emplois sans intérêt et mal payés, finissent par concevoir l’intérim comme un moyen de gagner un petit peu plus d’argent et de temps pour des activités plus valorisantes. Cette période reste toutefois vécue comme transitoire , jusqu’au moment où l’on pourra enfin trouver sa place.

    Catégoriser et traiter chaque âge en fonction de clichés pas toujours validés par l’observation peut ainsi opposer les salariés, empêcher la coopération entre les âges et finalement rendre l’intégration des jeunes plus difficile. Il semble que ce ne soit pas un baby-foot ou des journées de bénévolat offertes à des associations qui vont fidéliser les jeunes entrants, mais la transmission d’un métier et la construction collective d’un sens positif au travail .

    Marc Loriol , Directeur de recherche CNRS, sociologue, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

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      Comment le social pourrait avoir ruiné le travail, l’éducation et la formation en France

      Didier Cozin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 8 March, 2021 - 04:30 · 10 minutes

    social

    Par Didier Cozin.

    S’il est un domaine où la France est leader incontesté en Europe et même dans le monde c’est bien celui du social, des dépenses publiques, des aides et subventions accordées aussi bien aux entreprises (Air France ou la SNCF) qu’aux associations comme aux ménages.

    La dette est à la fois la cause et la conséquence d’un social hors de contrôle

    Autrefois, via la redistribution , qui rimerait avec la « lutte contre les inégalités », notre pays avait pris l’habitude de prendre aux « riches », aux actifs et aux entreprises (la CSG est passé de 1,3 % en 1991 à plus de 9 % en 2021) ; mais pour ce faire il faut désormais emprunter des milliards d’euros chaque année pour payer nos retraites, nos dépenses maladies, nos allocations chômage…

    Le social qui était une annexe de l’économie en devient la principale composante.

    Jadis le social dépendait de la quantité de travail et des créations de richesses

    Un pays pouvait s’offrir davantage de social à condition que ses moyens économiques le lui permettent. Le social était donc lié à l’activité réelle, et on avait coutume de dire que l’économie précédait le social qui dépendait dès lors des richesses créées : on ne peut pas répartir plus qu’on ne produit.

    La taxation de la richesse ayant des limites encadrées par la Constitution et les lois économiques, c’est désormais par l’endettement que le social prospère en France. La création de richesses devenant insuffisante pour financer un social infini, celui-ci s’achète à crédit, chaque mois sur les marchés financiers.

    Le social n’est plus simplement le produit de notre travail mais il constitue une production industrielle dominante, déconnectée de la richesse produite par le pays et ses habitants.

    La formation et l’éducation sont des projections dans le futur, des anticipations du travail

    On a coutume de dire que la formation et l’éducation sont des investissements, qu’elles reflètent les capacités de projection à la fois des individus, des entreprises comme des administrations et du pays tout entier.

    Dans un pays qui a massivement choisi et voté pour l’extinction du travail depuis la fin des années soixante, mai 68 et son cortège de slogans anti-pouvoir et anti-travail, il faut chaque année repousser nos échéances (la dette éternelle), compenser par le social une fuite organisée mais non assumée du travail.

    Le chômage de masse en France, un choix sociétal

    En dotant les travailleurs de droits infinis et quasi illimités , en considérant chaque salarié comme un être faible et sans défenses (le fameux « lien de subordination ») notre pays a engagé le travail, particulièrement sous sa forme salariée, sur une pente qui pourrait lui être fatale sous les coups répétés des crises qui se succèdent depuis vingt années : crise technologique des années 2000, financière de 2008, sanitaire et sociale de 2020.

    Marx avait prédit l’extinction du salariat et de l’État. Nous pourrions rapidement y parvenir dans les entreprises tant l’emploi est devenu conflictuel, complexe, coûteux et fragile.

    Le social en France, pour éviter de changer, de s’adapter, d’apprendre et de comprendre

    Apprendre, notamment pour un adulte, c’est à la fois se mettre dans la position régressive de l’enfant en devenant un élève qui ne sait pas tout, qui aurait l’humilité de reconnaître qu’il est un adulte mais que d’autres savent des choses qu’il ne sait pas. Mais c’est aussi s’ouvrir au changement, se mettre dans la position de s’adapter et d’innover dans un monde nouveau, loin des canons d’une société industrielle qui était celle des grandes masses sociales et des rapports de forces, le patronat contre les forces ouvrières.

    Ces efforts à travers la formation continue et d’intenses apprentissages sont d’autant plus indispensables que les travailleurs sont peu qualifiés ou n’auront pas bénéficié d’une éducation initiale conséquente.

    Aujourd’hui en France les forces sociales, arcboutées sur les avantages acquis , ne sont pas prêtes à abandonner les deux présents que leur ont légué le XXe siècle : la consommation et les loisirs.

    Très peu de travailleurs ou d’organisations sont prêts à monter en compétences durablement et qualitativement ; les velléités d’apprendre sont nombreuses mais les tergiversations et reports bien plus fréquents.

    Le social à haute intensité entraîne une déresponsabilisation collective

    Aux États-Unis en 2019, ce pays ultra-libéral que certains considèrent encore comme un Far West, les entreprises américaines ont dépensé en moyenne 1300 dollars (1100 euros) pour former chacun de leurs salariés, contre 300 euros pour les entreprises françaises malgré quatre lois formations depuis 2004 et des obligations sociales et éducatives innombrables.

    Aux États-Unis, ces montants privés considérables sont le plus souvent complétés directement par les travailleurs eux-mêmes qui investissent leur argent, ou empruntent, pour leur éducation comme pour celle de leurs enfants.

    Aux États-Unis, les entreprises dépensent plus de 1000 euros par an et par salarié. En France, les dépenses sont trois fois moins importantes car notre pays a décidé il y a plus de 100 ans avec Jules Ferry, de mettre tous ses œufs dans le même panier éducatif via une école publique censée tout faire depuis la maternelle jusqu’à la faculté et même pour des trentenaires ne parvenant pas toujours à se lancer dans la vie.

    Un rapport parlementaire datant de 2016 a bien expliqué que nous dépensions bien peu pour l’éducation des actifs qui sont 30 millions contre 15 millions pour les élèves :

    « La somme de 32 milliards d’euros que l’on présente souvent comme celle investie dans la formation professionnelle est une addition de choux et de carottes. Elle inclut par exemple la formation dispensée dans les lycées professionnels, les salaires d’un certain nombre d’enseignants, etc. Le montant des sommes investies par les entreprises dans la pure formation professionnelle représente environ 6 milliards d’euros . C’est sur cette somme qu’il faut travailler. Il reste des choses à faire mais la formation professionnelle n’est pas un immense gâchis. »

    Les dépenses sociales françaises sont-elles des dépenses d’avenir ?

    Tous les régimes sociaux sont déficitaires et empruntent pour financer la maladie, la vieillesse et le chômage. Le seul régime social qui prépare l’avenir n’a pas le droit d’investir ni d’emprunter.

    Les entreprises peuvent amortir ou sur-amortir des machines ou des matériels souvent made in China mais en matière de formation, au niveau comptable, la formation n’est qu’une dépense courante, comme la propreté ou la sécurité, pas un investissement qu’il serait possible d’amortir fiscalement sur plusieurs années.

    Il manque des travailleurs

    Aujourd’hui les travailleurs de France se forment en moyenne 12 heures par an, il en faudrait 10 fois plus, soit 10 % du temps travaillé.

    Le Commissariat au plan l’avait signifié dans un rapport datant de 2015 :

    « Dans 20 ans [en 2015] les travailleurs devront passer 10 % de leur temps travaillé à se former » – Jean Fourastié .

    Aujourd’hui, moins de 1 % du temps travaillé est consacré à apprendre alors que le monde du travail est soumis à d’immenses tensions dues à trois bouleversements qui traverseront le siècle :

    • climatique et environnemental.
    • technologique avec la numérisation et la mise en réseau de toutes les activités humaines.
    • sanitaire et social avec une pandémie dont les conséquences seront durables et les répliques peut-être nombreuses.

    Selon l’OCDE en 2019 la France a dépensé 32 % de son PIB pour son social, soit près de 776 milliards d’euros. En 2020, sous le poids de la crise Covid-19, cette part des dépenses sociales pourrait avoir grimpé à 35 % : baisse du PIB de 8 % et en parallèle augmentation très forte des dépenses de chômage et d’assurance maladie.

    1 % de notre richesse pour apprendre contre 32 ou 35 % pour réparer et soigner.

    La formation des salariés et donc l’éducation des adultes représente 0,7 % de nos dépenses sociales (officiellement 1,5 % du PIB en incluant des dépenses annexes). Jacques Delors initiateur en 1971 de la première loi sur la formation a tenté de parvenir à 2 % des dépenses en formation. Nous en sommes loin, le 1 % prôné en 1971 est maintenu avec peine.

    En Allemagne comme en Angleterre les dépenses de formation et apprentissage financées pour la plupart directement par les employeurs s’élèvent entre 2 et 2,5 % du PIB. En France elles sont près de deux fois inférieures.

    L’employabilité au cœur des sociétés libérales et du XXIe siècle

    Aux États-Unis les employeurs conseillent souvent à leurs salariés de maintenir au mieux leurs compétences car ils n’ont aucune garantie d’emploi dans l’organisation. Un entretien annuel d’évaluation porte non seulement sur les résultats mais sur la capacité ou non de l’entreprise à continuer d’employer chacun de ses salariés.

    En France, les discussions avec les partenaires sociaux ne portent pas ou si peu sur l’amélioration du travail, mais sur de nouveaux droits sociaux.

    Au Danemark, le Code du travail compte moins de 200 pages. Il est régulièrement remis à zéro ; le pays pratique avec succès une flexisécurité que notre pays est bien incapable de seulement initier. En cas de difficulté économique, de crise, de mauvais résultats, une entreprise danoise peut licencier sans délais, le soir même, son ou ses salariés surnuméraires. Elle le fera sans être mise en cause par les syndicats qui collaborent avec les patrons pour préserver au mieux les intérêts de l’entreprise et donc du groupe face aux individus salariés, ni être pénalisée pour cause de chômage.

    Au Danemark la phraséologie marxiste n’a pas cours, on se fiche des profits boursiers existants ou fantasmés, on œuvre de concert pour développer et adapter en permanence le pays, les entreprises et le travail, loin des idéologies mortifères des XIX et XXe siècles.

    Le désengagement continuel du travail par toute la société coïncide avec la hausse continuelle des dépenses sociales

    Une récente enquête d’un sociologue l’a démontré : l’emploi et peut-être la moitié de l’activité dépend des TPE en France. Ces entreprises de moins de 10 salariés sont dirigées par un petit patron qui ne compte ni ses heures, ni sa peine ni les risques encourus. À chaque instant un entrepreneur est en infraction, qu’il le sache ou non. Ces petites entreprises pourraient disparaître ou régresser dans les prochaines années car nombre de leurs dirigeants ont la tentation de jeter l’éponge, ne trouveront pas de repreneurs et ont souvent dépassé de beaucoup l’âge de 65 ans.

    Le social étouffe la France et les Français, c’est un piège dont nous aurons le plus grand mal à sortir

    En 1959 la France dépensait 14,3 % de son PIB dans le social, 24,5 % en 1981 et plus de 30 % depuis 2010, avec la conjonction des 35 heures et de la crise financière de 2008.

    Il est à craindre la baisse du PIB de 8 % en 2020. Les dépenses sociales s’étant envolées, nous pourrions avoir dépensé 35 % de notre PIB dans le social, ceci ne compensant nullement une chute de l’emploi, de la richesse réelle produite et une augmentation de la pauvreté.

    Les effets ciseaux de la crise vont s’accentuer jusqu’à un point de rupture

    La France est championne du monde des dépenses sociales . Pour moins de 1 % de la population mondiale elle représente 15 % des dépenses dans le monde. Cette industrie du social est à la foisdangereuse et la ruine de nos économies et de nos compétences. Car comment imaginer une population résiliente et courageuse si celle-ci est maintenue dans un cocon sanitaire, règlementaire et social ? Plus que jamais le social doit être réinterrogé en France.

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      Le télétravail, casseur d’emplois

      Alain Goetzmann · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 March, 2021 - 04:35 · 4 minutes

    télétravail

    Par Alain Goetzmann

    Après avoir modérément encouragé le télétravail comme moyen de lutter contre la circulation de la Covid-19, madame la ministre du Travail, son cabinet, les hauts dirigeants de son administration, accentuent maintenant leur pression sur les entreprises pour qu’elles y recourent de façon plus massive , commençant même à menacer les récalcitrants de sanctions.

    Une fois de plus, l’administration, qui ne connaît rien à l’entreprise et à son fonctionnement, met en œuvre des mesures bureaucratiques à court terme, sans se donner la peine d’en mesurer préalablement les effets sur le long terme.

    Il est vrai que le parcours brillant de la ministre : X-ponts, collège des ingénieurs, préfète, SNCF, cabinets ministériels et, dernière étape avant un ministère, présidente de la RATP, ne la porte pas, instinctivement, à s’intéresser aux enjeux des PME de Guéret, Plougastel ou Argenteuil et de leurs salariés, pas plus que son entourage, d’ailleurs constitué, cela va sans dire, d’énarques bon teint.

    Il ne s’agit pas, ici, de s’opposer au télétravail. Bien au contraire, il constitue un progrès indéniable dans l’organisation du travail, mais lorsqu’il devient utile de l’envisager, il faut que ce soit avec prudence, à l’issue d’une réflexion approfondie sur ses enjeux et ses objectifs , entreprise par entreprise.

    D’abord, sur le plan humain, c’est une véritable rupture avec l’usage, tant pour les salariés que pour les employeurs. Les liens sociaux qui se nouent par le travail en commun, au service d’un projet, constituent un volet non négligeable de la bonne santé mentale des salariés et du succès des entreprises.

    Qu’on le veuille ou non, les mini-réunions improvisées autour d’un problème simple, mais urgent à résoudre, les échanges devant la machine à café, souvent d’ordre professionnels, les pots, célébrant les quick-wins , constituent des marqueurs indélébiles du travail en équipe. D’ailleurs, un nombre croissant de salariés en télétravail imposé n’aspire qu’à revenir au bureau, las de l’inconfort fréquent du travail à domicile et désireux de renouer le fil de relations conviviales.

    L’esprit collectif, la culture partagée, les échanges impromptus sont générateurs d’enthousiasme. Et s’il est une ligne qui n’apparaît dans aucun bilan comptable mais qui fait les résultats flatteurs des entreprises, c’est bien l’enthousiasme.

    Ensuite, le télétravail constitue, au sein des organisations, une source d’inégalité qui ravive la vieille querelle entre cols bleus et cols blancs. Les premiers, à l’action, sur place ; les seconds chez eux, devant leur écran. La question se pose alors : à quel niveau s’arrête la présence effective des cols blancs auprès des cols bleus ? Il y aurait donc, dans les entreprises, une séparation nette entre ceux qui font et ceux qui les accompagnent ?

    C’est éminemment contradictoire avec la volonté de réindustrialiser notre pays par la relocalisation d’activités autrefois externalisées.

    Enfin, justement, se pose dès lors un vrai problème. Le télétravail ne fait-il pas peser une menace grave sur l’emploi ainsi externalisé ? D’abord, la relation employeur/employé fait progressivement place à une relation client/fournisseur.

    Avec les moyens de suivi qu’autorisent les outils numériques, le travail à la tâche revient insidieusement et l’évaluation de la qualité de l’action individuelle en est facilitée.

    Mais surtout, une fois le lien social estompé, le télétravailleur isolé va progressivement être mis en concurrence avec des freelances, locaux d’abord mais pourquoi pas ensuite avec des freelances plus lointains, du Maghreb ou d’Afrique francophone, à l’efficacité identique mais dix fois moins cher et exonérés des lois sociales complexes et rigides de notre pays.

    Tim Ferris, auteur américain célèbre pour avoir écrit The 4-Hour Workweek y détaille, dès 2007, le processus qu’il a engagé pour travailler moins en utilisant des freelances du monde entier. Alors, attention ! La bonne mesure est sans doute un mélange entre présentiel et distanciel, que seules les entreprises et leurs salariés peuvent concevoir à l’aune des particularités de leur métier.

    Laissons donc la liberté aux entreprises de s’organiser comme elles le jugent utile, dans un esprit d’efficacité et de compétitivité. Les oukases venus du pouvoir provoquent la plupart du temps plus de dégâts qu’ils ne règlent de problèmes.

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      Comment mesurer le chômage et le travail au XXIe siècle ?

      Didier Cozin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 23 February, 2021 - 03:40 · 10 minutes

    le chômage

    Par Didier Cozin.

    « Quand ton voisin perd son emploi, c’est une récession. Quand tu perds le tien c’est une dépression ». Harry Truman, 1884-1972, ancien président des États-Unis

    La société industrielle a tout catégorisé et figé

    La société industrielle a tout catégorisé et figé : le travail, les travailleurs comme le chômage. Depuis des dizaines d’années les politiques économiques prétendent faire de l’emploi et du PIB les indicateurs principaux de la santé économique du pays.

    Les partis politiques tout comme les médias s’affrontent sur la question des chiffres du chômage : y a-t-il en France 3 ou 6 millions de chômeurs, la France a-t-elle perdu des emplois ou « gagné » des chômeurs en 2020 ? Faut-il encore se référer aux indicateurs traditionnels que ceux-ci soit produits par l’ INSEE , la DARES ou le BIT (Bureau International du Travail) ?

    Ces questions clivantes orientaient jadis les programmes et les choix politiques : les keynésiens estimaient que l’intervention de l’État était majeure dans la création d’emploi (de là le « quoi qu’il en coûte » présidentiel de mars 2020) et les libéraux qui pensaient que le marché faisait la différence (entre les entreprises comme entre les travailleurs).

    Ces anciens baromètres de l’emploi (sous-entendu salarié) pourraient désormais être bornés, et dépassés au sein d’une économie devenue celle de l’information, de la connaissance mais aussi celle des disruptions et des bouleversements de l’ancien monde.

    Aujourd’hui le travail est changeant

    Dans notre nouveau monde post-industriel le travail change sans cesse de formes, de lieux, de nature, d’acteurs ou de modes de réalisation.

    Désormais le travail est tout à la fois fortement dématérialisé (même le déménageur qui transporte des meubles trouve ses clients, son matériel et ses personnels sur le réseau) et très coûteux (il est moins cher d’acheter des robots ou un service sur Internet que d’employer des salariés mensualisés).

    Il est aussi complexe (300 000 textes de lois et codes encadrent et enserrent la totalité des actions et du travail de nos concitoyens) et furtif (le travail change et mute, les travailleurs n’ont plus un emploi pour la vie, la plupart des startups disparaissent avant leur troisième anniversaire, une petite entreprise (sur)vit en moyenne 7 ans, les grandes entreprises sont sans cesse challengées ; tous les constructeurs automobiles réunis, souvent centenaires, valent moins en bourse que l’unique entreprise TESLA.

    Dans cette économie nerveuse, exigeante, mobile et furtive la carrière d’un salarié pèse très peu. Le travailleur du futur changera 10 ou 20 fois d’entreprise, de métier ou de statut et dans ces conditions nos anciens répertoires, classifications et qualifications n’ont plus guère de sens.

    Le travail traditionnel pourrait fuir à mesure que notre modèle social prendra l’eau.

    Les internautes, des milliards de nouveaux travailleurs cachés… et très rentables

    Autrefois les hommes chassaient, cultivaient, extrayaient ou transformaient la matière, puis ils apprirent à manipuler des formulaires-papier. Désormais l’information est numérique (image, son, textes, interactions sociales) et l’humain surfe, achète, revend, échange, polémique, traduit, collabore, spécule ou se distrait.

    Sur Internet chacun d’entre nous laisse des traces, ces empreintes numériques (encore nommées identité numérique) les GAFAM et de nombreuses licornes trop rarement européennes les collectent, les organisent et les commercialisent et nous œuvrons tous à leur prospérité.

    Ces milliards d’heures passées dans la galaxie Internet sont du travail, elles créent de la richesse, de l’information, des données exploitables grace à l’intelligence artificielle.

    L’internaute, que celui-ci soit simple badaud-consommateur, professionnel de la communication ou utilisateur compulsif, contribue à la production de données massives, appelées big data .

    Ces données constituent un travail qui n’est pas directement rémunéré mais qui crée de la richesse sans que les États soient capables de le comptabiliser, de le chiffrer ni évidemment de le taxer.

    Une législation et une organisation qui n’ont pas évolué

    Notre travail a muté au XXIe siècle mais ni son organisation ni sa législation ni sa comptabilisation n’ont évolué en France.

    Le « modèle social » français est d’abord un retardant (un retardataire) ; il ne vise pas tant à l’adaptation permanente au monde actuel qu’à en ralentir le rythme. En France il faut de longs mois, voire des années, avant qu’un projet de loi soit élaboré, discuté, voté puis appliqué, cette vitesse (acquise au temps de la vapeur) n’est plus celle des électrons et du village planétaire.

    À peine une règlementation, une loi ou un programme est-il imaginé et conçu qu’il ou qu’elle est déjà dépassé, obsolète, impossible à appliquer ou même à améliorer.

    Le travail est devenu furtif, notre modèle administratif et social est captif.

    Le travail désormais peut être réalisé par tous (des amateurs comme des professionnels) en tout lieu (à l’autre bout de la rue comme à l’autre bout du monde) et à tout instant (le jour, la nuit, le dimanche…) mais ce travail qui mute comme jamais, plus encore que pendant la Révolution industrielle du XIXe siècle, reste en France à la fois enserré dans un carcan (le contrat de travail, le lien de subordination, le Code du travail avec ses 2000 pages) et conventionnel : le travail reste en France vécu comme pénible, réalisé dans des lieux spécialisés, entraînant douleurs et plaintes face à un temps libre promu au rang de paradis sur Terre.

    Le chômage de masse a démarré il y a 50 ans en France

    La productivité de la maison France s’est affaissée à chaque crise depuis l’après-68

    • Après les accords de Grenelle de 1968 (augmentation des salaires de 10 % et du SMIG de 30 %) de nombreuses entreprises furent déstabilisées et de nombreux emplois furent définitivement perdus,
    • En 1977, quatre ans après le premier choc pétrolier, le pays atteint un million de chômeurs,
    • En 1982 la France socialiste comptabilisa son deuxième million de chômeurs,
    • En 1993 sous le gouvernement Bérégovoy le troisième million de chômeurs fut atteint,
    • En 2020 en fonction des indicateurs ou des catégorisations la France oscillerait entre 3 et 6 millions de chômeurs avec près de 10 millions d’adultes insuffisamment occupés (temps partiel subi, contrats précaires, études à rallonge, stagiaires perpétuel de la formation continue, les préretraités (des retraites maison dès 60 ou 62 ans).
    • Fin 2021, sous le coup d’une crise (que personne ne veut encore définir comme une dépression) nous pourrions compter de 1 à 1,5 million de chômeurs supplémentaires.

    Pour réduire ou plutôt cacher ce chômage bien plus structurel que conjoncturel, la France inventa dans les années 1980 le traitement social du chômage
    Plutôt que de développer ou au moins de conserver notre compétitivité, le socialisme des années 80 offrit du temps libre, il torpilla la productivité et l’attractivité du pays  : retraite à 60 ans, cinquième semaine de congés payés, 35 heures… Pour masquer notre faible productivité on inventa le traitement social du chômage :

    • Des études généralisées et à rallonge, même sans débouchés, des universités transformées en asiles pour jeunes dilettantes,
    • Des stages parkings (occupationnels) longs pour les chômeurs (un chômeur en formation ne cherche plus officiellement un travail),
    • Des retraites prématurées et des pré-retraites (laissons la place aux jeunes) pour les seniors dès 55 ou 60 ans (une vie active désormais dure à peine 30 années).

    Notre pays n’est plus compétitif ni attractif

    En développant sans mesure ni réflexion globale notre droit social et le temps libre nous avons réduit la compétitivité de notre pays et son attractivité.

    Durant des siècles (depuis Colbert au moins) notre pays s’était protégé des productions étrangères et donc de la concurrence en fermant ses marchés, en protégeant ses productions quitte à les subventionner, ou en instituant des quotas ; jusqu’en 1971 les appareils électroniques made in Japan étaient presque interdits d’importation.

    L’art de vivre à la française pouvait attirer les touristes du monde entier mais au temps du Covid et du réchauffement climatique les choses pourraient durablement changer.

    Il faut cesser de surprotéger

    Au XXIe siècle pour bâtir une résilience collective et individuelle il faut cesser de surprotéger.

    L’Europe construite depuis le traité de Maastricht est libérale et ouverte. Elle a fait du marché libre et non faussé et des compétences (sommet de Lisbonne) ses moteurs et son axe majeur de développement.

    Les Français, trop protégés et refermés dans leurs frontières culturelles et sociales se sont pris les pieds dans les tapis européens et de la mondialisation : exposés à la concurrence ils réclament sans cesse de nouvelles aides et subventions (23 milliards d’Euros pour la seule PAC française) car ils ont mis tous leurs œufs dans un même panier : celui de l’État et d’institution éducative comme l’école publique.

    Nous n’arrivons pas à fournir les efforts de plus en plus considérables pour nous remettre à niveau, apprendre tout au long de notre vie ; la formation continue reste et restera marginale tant que nous ne travaillerons que sur l’indemnisation et la réparation plutôt que sur la prévention des déclassements professionnels.

    La concurrence améliore les produits et les services mais déstabilise les chasses gardées. En refusant pendant des décennies de se confronter aux marchés internationaux et à ce concept de concurrence honni par certains, de changer leurs modèles éducatifs, économiques et sociaux les travailleurs et entreprises français sont désormais déstabilisés par la vitesse et la profondeur du changement.

    À quoi bon comptabiliser le taux de chômage si le travail n’est plus salarié ?

    Les concepts de main-d’œuvre, de plein emploi, datent de l’après-guerre. L’ANPE, devenue pôle emploi en 2008 n’a plus guère de sens ni d’intérêt aujourd’hui, tout en étant très coûteux.

    Aujourd’hui le travail comme l’emploi ont muté. Il n’y a plus guère de cases vides à remplir (un employé en face de chaque emploi), l’adéquationnisme ne peut plus fonctionner car le monde change trop vite et c’est à chacun de créer les conditions de son (ses) activité(s), de son développement économique, de son employabilité, bien loin des concepts classiques de qualifications ou de statuts.

    Changer ou s’effondrer

    La France et les Français vont devoir opérer des choix douloureux pour épouser le siècle, les bouleversements induits sur une planète aux ressources limitées, surpeuplée et chavirée par le réchauffement climatique, les pandémies (liées en partie à ce réchauffement) ou à la fin de la suprématie occidentale.

    Notre société ne pourra plus faire reposer tout son social sur les entreprises et l’emploi (à vie) salarié. Il va falloir tout à la fois augmenter les impôts des particuliers, baisser nos frais généraux, mieux traiter les entreprises, réduire l’emprise et les périmètres des administrations, libérer les métiers, les études, les carcans professionnels tout en faisant évoluer les concepts de contrats de travail, de cotisations sociales, de reversements ou de redistribution.

    Sans cette remise à plat, notre « modèle » social pourrait se dissoudre à très brève échéance, n’être plus que des créances douteuses dans un pays musée des traditions ouvrières des XIXe et XXe siècle.

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      Le Code du travail : le troisième frein à l’entreprise

      Claude Goudron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 22 February, 2021 - 04:45 · 5 minutes

    code du travail

    Par Claude Goudron.

    Tout d’abord une petite anecdote. C’était en 2007, Nicolas Sarkozy venait d’être élu et une de ses premières annonces a été : « nous allons dépoussiérer le Code du travail. »

    J’ai bien entendu applaudi à cette nouvelle et j’ai patiemment attendu le passage à l’acte. C’est donc en 2008 que ce Code du travail dépoussiéré est arrivé, une experte du droit du travail est venue nous le présenter.

    Je lui ai posé une question préalable :
    « Pouvez-vous aller à la dernière page et nous donner le numéro de celle-ci ?
    Elle m’a répondu :
    « 3200 »

    La version avant dépoussiérage ne comptait que 2800 pages. Sans commentaire !

    Une exception française

    Le Code du travail en Suisse est inférieur à 200 pages, au Danemark il n’y en a pas et une récente étude européenne confirme que c’est justement dans ce pays que les employés se sentent le plus en sécurité, principalement grâce à la flexisécurité mise en place depuis 20 ans.

    Le Code pénal français compte 3041 pages, celui du travail 3800 pages, uniquement pour les conflits en entreprise privée. Pour le passage aux 35 heures ce ne sont pas moins de 400 pages qui y ont été ajoutées. Une histoire de fous !

    Le même Code du travail pour les TPE et au Cac 40

    À part quelques obligations liées au passage des différents seuils d’effectifs , le Code du travail s’applique à tous les salariés… mais pas aux fonctionnaires !

    Nul n’étant censé ignorer la loi, le petit artisan perd un temps fou dans ce maquis réglementaire et se trouve dans l’illégalité en permanence et sans le savoir.

    Exemple de stupidité du Code du travail avec la création en 2001 du document unique de sécurité en entreprise . Un chef d’entreprise ne peut pas y être opposé. Le problème est que ce document s’ajoute aux 72 registres qu’une entreprise se doit par décret de tenir à jour et mettre à la disposition de l’inspection du travail à partir de dix salariés.

    Devançant l’incrédulité des représentants de l’État invités par notre député Michel Zumkeller pour le projet CIEL du ministre Renaud Dutreil , j’avais au préalable demandé à mon responsable qualité d’en faire la liste avec numéro, date du décret et décret d’application.

    Après l’avoir découvert, le représentant de l’État m’a répondu : « Mais on n’a pas pu faire ça ! »

    Mais si, ils l’ont fait et en ont même ajouté depuis !

    Un seuil mortifère à 50 salariés

    Une des plus stupides obligations du Code du travail est le passage de 49 à 50 salariés. En effet, il déclenche une liste de contraintes aussi impressionnantes que décourageantes.

    Parmi les contraintes que chacun peut découvrir sur un site internet (la liste est trop longue pour les citer ici), le plus démotivant est le surcoût de 4 % supplémentaire sur la masse salariale.

    Une conséquence de cette stupidité est qu’en France on compte 1600 entreprises à 49 salariés et seulement 600 à 50 salariés. Donc 1000 entreprises bloquent leur développement pour ne pas passer ce cap ! (source Insee)

    Des textes d’un autre âge qu’on ne peut supprimer

    Il existe dans notre Code du travail certaines aberrations qui ont la vie dure.

    On peut citer le cas des boulangers qui ont obligation de fermer leur magasin un jour par semaine alors que le pain peut être vendu 7 jours sur 7 dans un magasin d’alimentation.

    Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail, à boire « sans modération » car aucune limite n’est imposée.

    Les mineurs n’ont plus le droit de monter sur un escabeau … Mais ils peuvent faire de l’alpinisme.

    Les salariés qui travaillent pendant leurs congés peuvent être poursuivis… C’est tellement mieux de travailler au noir.

    Des locaux dédiés à l’allaitement sont toujours obligatoires pour les entreprises de plus de 100 salariés … Mais pas le droit de venir avec un bébé.

    Les 12 000 articles du Code du travail, qu’aucun patron n’est censé ignorer, ne doivent pas manquer d’autres contradictions !

    Code du travail et prudhommes

    Les deux sont extrêmement liés et là encore c’est une exception française. Nous avons vu que l’URSSAF disposait de sa propre  juridiction ; le Code du travail aussi, en l’occurrence, le conseil de Prud’hommes .

    En France on aime bien complexifier les choses jusqu’à ce qu’elles deviennent des  monstres administratifs d’une lourdeur qui n’a aucun équivalent dans le monde judiciaire des pays évolués.

    Le conseil des Prud’hommes se nourrit des complexités de notre Code du travail. Un chef d’entreprise qui n’a pas encore eu affaire à lui ne peut pas comprendre sa  nuisance ; et dans le cas contraire il prie pour ne pas y retourner, quitte à faire des concessions que les syndicats maitrisent bien.

    La seule et première fois que j’ai été aux Prud’hommes j’ai été roulé dans la farine : pour un motif non contestable j’ai choisi de ne pas trop charger un salarié dans le cadre de sa démission afin qu’il ne soit pas handicapé pour trouver un autre emploi… ça m’a coûté à l’époque 40 000 francs.

    Pour les rares cas de licenciements suivants, l’accompagnateur du salarié cherchait systématiquement à me faire dire que j’avais l’intention de le licencier. C’est un piège grossier mais que peu de chefs de petites entreprises connaissent, car admettre cette intention signifie que le procès est perdu, quel que soit le motif du licenciement. En effet, aux Prud’hommes on juge majoritairement sur la forme. La loi m’obligeant à un délai de réflexion de 48 heures, j’aurais perdu d’avance. J’en étais venu à lire bêtement un texte pré-imprimé et ne surtout pas en dévier.

    En conclusion

    Il faut supprimer le Code du travail dans sa version actuelle, le revoir en partant d’une feuille blanche et en limiter le nombre de pages à 200.

    Il faut supprimer cette exception française que sont les Prud’hommes, qui datent de Napoléon, et utiliser la voie judiciaire classique.

    Tout le monde serait gagnant et cela libérerait des finances que l’on pourrait transférer à notre justice qui en manque cruellement.

    En France, avec à ce jour 3800 pages, nous restons en conflit permanent, y compris pendant la pandémie.

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      Chômage en France en 2020 : on n’a encore rien vu

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 19 February, 2021 - 04:40 · 6 minutes

    chômage

    Par Nathalie MP Meyer.

    D’ici quelques années, un journaliste ou un historien curieux qui chercherait à se renseigner sur l’impact économique des confinements anti-Covid en consultant uniquement la liste des taux de chômage en France en 2020 pourrait facilement s’imaginer que ce fut tout au plus l’affaire d’une petite année un peu difficile avec retour à la normale dès les premiers jours de 2021.

    L’INSEE vient en effet de faire savoir qu’après être passé par des bas (7,1 % au second trimestre) et des hauts (9,1 % au troisième trimestre), le taux de chômage en France entière hors Mayotte s’est établi à 8,0 % en moyenne au quatrième trimestre 2020, soit légèrement en dessous de son niveau d’avant-crise sanitaire de 8,1 % à fin 2019 :

    Tout irait-il donc pour le mieux sur le front de l’emploi ? Pas exactement.

    À ce stade, quelques précisions. Le taux de chômage n’est pas la seule façon de rendre compte de l’emploi dans un pays donné. Ce taux est calculé relativement à la population active qui comprend aussi bien les personnes ayant un emploi que les personnes officiellement au chômage. Mais la population active ne représente qu’une partie de la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans selon la définition du Bureau international du travail).

    C’est pourquoi, afin de voir si notre économie utilise judicieusement ses ressources de travail, il est également utile de suivre le taux d’activité qui donne la part de la population active par rapport à la population en âge de travailler et le taux d’emploi qui donne le ratio de la population ayant un emploi sur la population en âge de travailler.

    À noter entre parenthèses que pour la France, même sans parler de la pandémie de Covid, ces taux sont généralement assez médiocres au sein des pays de l’OCDE :

    Taux d’activité, OCDE 2019

    Taux d’emploi, OCDE 4T  2019

    Pour en revenir à la situation particulière de l’année 2020, les deux confinements anti-Covid du 17 mars au 11 mai (huit semaines) puis du 30 octobre au 15 décembre (six semaines) ainsi que les restrictions qui furent maintenues entretemps ont tellement perturbé l’activité économique et le comportement quotidien des personnes que les suivis trimestriels habituels des organismes dédiés aux statistiques de l’emploi peinent à rendre compte de la réalité du choc subi.

    Comme le souligne l’INSEE, la baisse du chômage observée aujourd’hui résulte surtout d’un effet « en trompe-l’œil » qu’on a déjà vu à l’œuvre au deuxième trimestre au moment du premier confinement : de nombreuses personnes ont arrêté de chercher un emploi (ou n’ont pas entrepris de recherche si elles venaient de se faire licencier), soit parce que leur secteur d’activité (transport, culturel, hébergement, restauration, etc.) était mis à l’arrêt, soit parce qu’elles devaient garder leurs enfants, soit parce que la limitation des déplacements ne leur permettait pas d’effectuer les démarches nécessaires.

    Non pas qu’elles ne souhaitent plus travailler, mais du fait des circonstances, elles ont basculé temporairement dans l’inactivité. On constate ainsi logiquement qu’entre fin 2019 et fin 2020, le taux d’activité a baissé de 71,8 % à 71,4 % de la population en âge de travailler et que le taux d’emploi a suivi le même chemin.

    N’apparaissant plus dans la population active, ces personnes n’apparaissent plus non plus dans le taux de chômage, d’où un agréable taux « en trompe-l’œil » de 8,0 % au quatrième trimestre 2020 correspondant à 2,353 millions de chômeurs 1 .

    Voir tableau ci-dessous :

    chômage Sources : INSEE ( Chiffres provisoires Population Chômage 4T 2019 Chômage 4T 2020 ) –
    Note : les données soulignées sont issues des publications de l’INSEE ; les autres données sont calculées à partir des précédentes.

    Seconde parenthèse : on voit dans le tableau que la population française augmente légèrement tandis que la population en âge de travailler diminue. Nulle contradiction à cela. La décomposition par tranche d’âge montre que la croissance se fait uniquement chez les 60 ans et plus, et surtout à partir de 65 ans, tandis que les effectifs des moins de 60 ans sont en baisse :

    chômage Il en résulte que la population active a diminué en 2020 non seulement sous l’effet de la baisse du taux d’activité induit par les confinements comme on l’a vu, mais également du fait du vieillissement de la population. Rien à voir avec la crise actuelle, mais je le signale en passant car c’est un problème que la France devra affronter. Fin de la parenthèse !

    Si les primes à l’embauche des jeunes et les mesures de chômage partiel prises dès le premier confinement ont permis d’amortir la crise, sans compter les prêts garantis par l’État qui aident les entreprises à tenir face aux restrictions sanitaires, l’INSEE constate que l’emploi d’aujourd’hui n’est pas d’aussi bonne qualité que celui d’il y a un an. Le nombre moyen d’heures travaillées par emploi a reculé de 2,2 % sur un an tandis que la part du sous-emploi a augmenté sous l’effet des mesures de chômage partiel.

    Avec la fin du confinement qui redonne une certaine latitude de recherche d’emploi aux personnes qui avaient basculé dans l’inactivité cet automne, il n’est pas du tout exclu qu’on assiste à un rebond du taux de chômage dès ce premier trimestre 2021 exactement comme ce fut le cas au troisième trimestre 2020 après le premier confinement.

    Le phénomène sera d’autant plus amplifié à moyen terme que le « quoi qu’il en coûte » qui porte actuellement des pans entiers de l’activité et de la société à bout de bras prendra forcément fin un jour. L’argent des autres, et en l’occurence celui des générations futures puisque tout passe – pour l’instant – par un surcroît d’endettement public, est certainement très pratique, mais il n’est pas inépuisable, comme le savait fort bien Margaret Thatcher.

    Dans cette incontournable perspective, la leçon de ce taux de chômage revenu ponctuellement à 8 % – ce qui reste de toute façon très haut par rapport à nos voisins néerlandais ou allemands – n’est certainement pas que la France a surmonté brillamment les écueils économiques et sociaux des confinements anti-Covid, mais bien plutôt qu’en fait de crise économique, de faillites et de plans de licenciements, on n’a encore rien vu.

    Sur le web

    1. Il existe un autre suivi du chômage, celui de la DARES, qui compte le nombre d’inscrits à Pôle Emploi. Au quatrième trimestre 2020, il recense 3,8 millions de demandeurs d’emploi en catégorie A (sans emploi) en France entière hors Mayotte. Pour le décryptage des différences avec l’INSEE, voir Chômage : bazar bizarre (mars 2016).
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      Le télétravail est mauvais pour l’économie

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:20 · 6 minutes

    télétravail Masques obligatoires en entreprise

    Par Philbert Carbon.
    Un article de l’Iref-Europe

    Élisabeth Borne ferait mieux de se demander pourquoi le télétravail est aujourd’hui en baisse, plutôt que de se répandre en déclarations sans grande portée puisque dans le Code du travail, rien n’oblige les entreprises à mettre en œuvre cette pratique.

    Il est vrai que la question divise les employeurs comme les salariés, chaque partie ayant des arguments favorables ou défavorables. Mais, finalement, si le télétravail est en baisse, c’est bien parce qu’il n’est pas efficace . Plusieurs études récentes nous expliquent pourquoi.

    Des salariés échaudés après le télétravail du premier confinement

    Si la plupart des salariés ont apprécié le télétravail au début du premier confinement (l’attrait de la nouveauté ?), ils semblent aujourd’hui en grande partie lassés par le dispositif.

    En mai 2020, selon une enquête OpinionWay-Square Management pour Les Échos et Radio Classique, 80 % des actifs qui avaient fait l’expérience du télétravail déclaraient qu’ils aimeraient continuer à le pratiquer, au moins en partie. Beaucoup louaient le travail à distance, synonyme de concentration renforcée, d’efficacité accrue, de liberté pour organiser sa journée de travail, et de confiance donnée au collaborateur.

    Mais après un an de pratique, nombreux sont ceux qui craquent, critiquant le temps passé en réunions virtuelles et l’absence de contacts humains.

    Des employeurs dubitatifs

    Du côté des employeurs, ce n’est pas mieux. Selon une étude du cabinet de conseil Génie des Lieux, 77 % des entreprises ont pour objectif cette année de faire revenir leurs collaborateurs au bureau.

    Ce samedi, dans Le Figaro , Fabrice Zerah, fondateur de la société Ubi Solutions, expliquait que l’activité commerciale « demande le plus souvent de se rencontrer vraiment ». De même, ajoutait-il, on ne mobilise pas « ses équipes par écrans interposés ». Le télétravail fait aussi perdre « tous les moments informels de la vie sociale dans l’entreprise » , qui sont aussi « des moments de création de valeur » , de créativité, d’innovation. L’entrepreneur critiquait également la « fusion du bureau et du salon qui n’est qu’une aliénation » puisqu’elle bouleverse irrémédiablement « l’équilibre si précieux entre vie professionnelle et vie personnelle ».

    Télétravail et productivité en baisse

    Des experts ont affirmé que le télétravail augmentait la productivité : moins de temps passé en pauses et bavardages inutiles, absentéisme réduit, stress diminué, en particulier par la suppression des temps de transport domicile-travail (avec leur lot de bouchons, retards, fatigue…), et des déplacements chez les clients. Par ailleurs le collaborateur se sentirait davantage considéré et s’investirait plus dans son travail. Bref, les entreprises auraient tout à y gagner.

    De surcroît, avec l’absence des collaborateurs, de nombreux locaux sont sous-occupés. Beaucoup d’entre eux profiteraient donc de l’aubaine pour résilier leurs baux, réduire la surface louée et faire ainsi de substantielles économies, les locaux étant souvent le deuxième poste de dépenses après les salaires. Le télétravail serait donc appelé à durer, car les entreprises n’auraient de toute façon plus la capacité d’accueillir tous leurs salariés en même temps.

    Plusieurs études récentes montrent pourtant que le télétravail n’a pas toujours les effets positifs qu’on lui attribue.

    Le Monde , dans son édition du 28 décembre 2020, citait une étude du CNAM concluant que le « travail à distance peut occasionner jusqu’à 20 % de perte de productivité s’il est appliqué à 100 % ».

    Dans une étude pour la Banque de France , les économistes Gilbert Cette et Antonin Bergeaud citent les travaux de Bloom et al. (2015) montrant que le passage au télétravail de « salariés volontaires d’un centre d’appel chinois dans une entreprise équipée et préparée à ce mode d’organisation » a pu amener des gains de productivité de l’ordre de 20 %. En revanche, les travaux de Morikawa (2020) montrent que la productivité a baissé de 40 % dans un institut de recherche japonais qui, subitement et sans préparation, est passé au télétravail durant la période du confinement.

    Les deux auteurs citent également une étude de l’OCDE qui conclue que le télétravail peut avoir, selon son intensité, des effets négatifs sur la productivité : « la relation entre les gains de performance et l’intensité du télétravail aurait la forme d’une courbe en U inversée » comme le montre le graphique ci-dessous :

    Relation en U inversée entre intensité du télétravail (en proportion de la durée travaillée) et productivité pour deux activités différentes
    PNG - 22.2 ko

    Source : Antonin Bergeaud et Gilbert Cette et OCDE.

    Dans une note de la direction générale du Trésor , Cyprien Batut et Youri Tabet indiquent :

    « La littérature économique n’est pas univoque sur l’impact du télétravail sur la productivité. Il dépend de nombreux facteurs :

    • les conditions de sa mise en place (outils, formation des télétravailleurs et de leurs managers) ;
    • l’organisation du travail dans l’entreprise et du type de management (autonomie du salarié, valorisation du résultat plutôt que de la présence, capacité d’adaptation du management) ;
    • les caractéristiques de chaque métier (degré d’interdépendance à d’autres tâches, caractère créatif ou non des tâches, autonomie) ».

    Quant à Pierre Pora de l’ INSEE , après avoir passé en revue nombre d’études sur le sujet, il conclut que « la nature du travail effectué, le souhait des salariés d’en bénéficier et la façon dont il est mis en œuvre dans les entreprises conditionnent l’effet qu’un passage massif en télétravail pourrait avoir sur la productivité ».

    En conclusion, nous pouvons dire que le travail à distance pourrait avoir des effets bénéfiques sur la productivité s’il est anticipé, dans des entreprises qui ont la réelle volonté de le mettre en place, et avec des salariés volontaires. Dans les autres cas, la productivité risque fort d’être en baisse. Comme elle l’est assurément avec un télétravail à 100 %.

    Laisser les entreprises s’organiser

    Le travail à distance a été indispensable lors du premier confinement pour maintenir un minimum d’activité économique et éviter un effondrement total. Mais on peut se demander s’il n’est pas temps aujourd’hui de lâcher la bride, employeurs et salariés n’en pouvant plus de cette situation . Surtout que le télétravail à 100 % que rêve d’imposer la ministre Élisabeth Borne est néfaste pour l’économie.

    Croit-on réellement que l’intérêt des employeurs est de faire revenir leurs collaborateurs au travail pour qu’ils soient contaminés par le coronavirus ? Croit-on vraiment que les salariés veulent revenir au boulot dans le secret espoir de tomber malades ? Non, bien sûr. Alors, laissons les dirigeants d’entreprises s’organiser à leur guise, en concertation avec leurs salariés. Faisons appel à la responsabilité et au bon sens de chacun. Il en va de la reprise notre économie.

    Comme le dit l’entrepreneur Fabrice Zerah, déjà cité,

    le télétravail, ce n’est pas la modernité, c’est même l’anti-progrès économique et social.

    Sur le web

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      Interdire les licenciements : les syndicalistes cassent le thermomètre

      Pierre Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 7 February, 2021 - 04:45 · 7 minutes

    licenciements

    Par Pierre Robert.

    En 1957, alors que sévissait l’inflation, Guy Mollet, président du Conseil, prétendait l’éradiquer en bloquant les prix. La droite qui s’opposait à cette politique de gribouille fut alors qualifiée de « droite la plus bête du monde » par un chef du gouvernement manifestement ignorant des réalités économiques les plus élémentaires : on ne fait pas baisser la température (la hausse des coûts) en cassant le thermomètre (l’indice des prix).

    Un scénario du même type se rejoue aujourd’hui. La CGT , la FSU et d’autres organisations de gauche exigent que soient bloqués les licenciements. Le 4 février ils étaient quelques milliers à battre le pavé un peu partout en France aux cris de « aucun licenciement, augmentation de tous les salaires » ou encore « à bas le capitalisme ».

    Là encore la bêtise et l’ignorance sont du côté de ceux qui pensent qu’en bloquant les variables-clés de notre économie, on améliore le bien-être général.

    Les deux visages du marché du travail

    Les économistes savent qu’en permanence le marché du travail non seulement détruit des emplois mais en crée simultanément. Chaque année environ 15 % d’entre eux disparaissent mais 15 % d’emplois nouveaux, un peu plus ou un peu moins selon la conjoncture, réapparaissent.

    Ce processus est un élément-clef de la destruction créatrice , ce processus qui par l’innovation a permis aux pays développés d’emprunter le chemin de la prospérité et d’atteindre un niveau de vie incomparablement plus élevé que celui qui prévalait avant la Révolution industrielle.

    Bloquer ce flux permanent en multipliant les obstacles au licenciement a un impact désastreux sur les gains de productivité et le pouvoir d’achat. À la limite on se retrouve dans la configuration de la défunte Union soviétique.

    Les licenciements y étaient interdits mais le niveau de vie y était extrêmement médiocre. Fonctionnant dans un état permanent de pénurie, l’économie a fini par s’y effondrer.

    Une gestion longtemps désastreuse du capital humain

    « En réalité croissance et chômage sont déterminés conjointement par le processus de destruction et de créations d’emplois » . Dans Les ennemis de l’emploi (Flammarion, 2015), Pierre Cahuc et André Zylberberg ajoutent : « C’est la manière dont chaque pays gère ce processus qui conditionne ses performances en matière de chômage et de croissance ».

    Or en France nous l’avons longtemps très mal géré.

    Ce qui est ici en cause c’est le manque de pertinence de nos choix politiques passés : semaine de 35 heures , protection excessive des salariés en CDI, règles d’ indemnisation du chômage , rigidités de tous ordres.

    À cet égard les politiques dites néo-libérales qui en ont pris le contrepied avec plus ou moins de conviction depuis la loi El Khomri ont été bénéfiques. Durant les quatre années qui ont précédé la crise sanitaire le nombre d’emplois n’a cessé de progresser et le chômage de diminuer en lien direct avec le desserrement des contraintes qui étouffaient leurs créations.

    Subsiste toutefois un énorme point noir dû aux mauvaises performances de notre système de formation aussi bien initiale que continue. Il se dégrade et affaiblit de plus en plus notre économie comme le montre le score très médiocre obtenu par la France dans les enquêtes internationales menées par l’OCDE pour suivre les acquis des élèves de 15 ans (programme PISA) et évaluer les facultés cognitives des adultes (programmes PIAAC).

    Ce qui est ici en cause c’est le degré insuffisant de compétence de la main-d’œuvre disponible, c’est l’inefficacité de notre lourde bureaucratie éducative pour y remédier. L’interdiction des licenciements ne pourrait en rien répondre à cette carence. Bien au contraire, procédant d’une ignorance profonde des mécanismes économiques, une telle mesure n’aurait que des effets désastreux

    Les ressorts de la création d’emplois

    Ce sont les entreprises qui créent des emplois , et non l’État. C’est en fonction de leur activité et donc des commandes de leurs clients qu’elles peuvent ou non le faire.

    Interviennent aussi les anticipations de leurs dirigeants sur l’état futur des affaires, l’évolution des prix grâce auxquels elles se procurent ce dont elles ont besoin pour produire et le cours pris par le progrès technique. Des licenciements peuvent en résulter.

    Mais si l’administration les empêche d’ajuster leurs effectifs, cela a toutes les chances de les mener à terme à la faillite ou de les inciter à ne pas grandir.

    En outre cela ne règle en rien la question du chômage car simultanément on dissuade les entreprises d’augmenter leurs effectifs. C’est un moyen très sûr pour faire exploser le taux de chômage.

    Les administrations publiques ne peuvent créer des emplois que sur la base des prélèvements qu’elles opèrent sur la valeur ajoutée par les entreprises privées. Là encore ce n’est pas en les accablant de charges qu’on les encourage à investir et à augmenter leurs effectifs.

    Les effets pervers d’un excès de protection

    En outre, l’analyse économique montre qu’une protection excessive des salariés a des effets pervers en créant une segmentation très forte du marché du travail. Dès lors que la réglementation protège trop les salariés en place, ceux qui ont un contrat à durée indéterminée ont des emplois stables et bien payés.

    Mais simultanément se constitue un volant de plus en plus important de travailleurs précaires et mal rémunérés. La surprotection des uns se fait au prix d’une plus grande précarité pour les autres avec en France une coupure plus marquée qu’ailleurs entre les insiders titulaires de bons emplois et les outsiders en situation de vulnérabilité.

    Les premiers y sont protégés par leur statut dans le cadre d’un système corporatiste. En revanche, enfermés dans un circuit où ils enchaînent des périodes d’emploi, de formation souvent inadaptée et de chômage, les précaires supportent tout le poids des ajustements.

    Le fait qu’en France des millions de fonctionnaires bénéficient de l’ emploi à vie renforce cette coupure qui est une prodigieuse source d’inégalités. Défendre les services publics ne devrait pas consister à grossir des effectifs déjà pléthoriques.

    Il serait bien plus pertinent de recentrer les administrations sur les missions essentielles de l’État au lieu d’entretenir une armée de mécontents occupant des postes nombreux mais déqualifiés et de peu d’utilité sociale.

    Licenciements : faites ce que je dis, pas ce que je fais

    Le Parti socialiste porte une lourde responsabilité dans la mauvaise gestion de la question de l’emploi qui a trop longtemps caractérisé notre pays. Le 4 février, soit le même jour que celui où la CGT et la FSU appelaient à manifester, il a présenté son projet pour l’emploi pour la présidentielle de 2022 prônant notamment la mise en place d’un dispositif « former plutôt que licencier » .

    Cela n’a pas empêché cet organisme qui vit sur fond public et dispose selon un de ses responsables d’un confortable magot d’annoncer le 26 janvier un plan social prévoyant la suppression d’au moins un quart de ses effectifs salariés .

    Comme le déclare sa trésorière :

    Un parti politique, ce n’est pas une association de macramé ! Il faut que les métiers s’adaptent aux transformations, et par ailleurs, il y avait des doublons, on ne pouvait pas se le permettre.

    Cela est a fortiori encore plus vrai pour des entreprises qui chaque jour doivent se battre pour affronter la concurrence, développer leurs activités ou tout simplement survivre lorsque les temps deviennent vraiment difficiles.