Le journalisme d’investigation est-il mort ? Pas aux États-Unis en tout cas. Et il influe sur la politique européenne. Cette semaine, la presse européenne a révélé que le New York Times attaque en justice la Commission européenne devant la Cour de Justice de l’Union européenne.
La cause : le refus de la présidente de la Commission de publier ses échanges avec le PDG de Pfizer Albert Bourla. Ces messages pourraient contenir des informations sur le contrat de plusieurs milliards conclu par la Commission et visant à acheter des doses du vaccin Pfizer. L’affaire est désormais référencée sur le site de la CJUE sous l’appellation Stevi and The New York Times v Commission Case T-36/23.
Cette affaire est le dernier épisode traduisant la bonne santé du journalisme d’investigation aux États-Unis. Une situation qui contraste avec l’Europe.
L’enquête du New York Times sur la diplomatie personnelle de Von der Leyen
En avril 2021, la directrice du bureau du New York Times à Bruxelles, Matina Stevis-Gridneff écrit un article intitulé « How Europe Sealed a Pfizer Vaccine Deal With Texts and Calls » (comment l’Europe a conclu un accord sur les vaccins Pfizer avec des SMS et des appels). L’article met en avant le fait que cet accord a été le fait d’une « diplomatie personnelle » de la part de la présidente de la Commission avec le PDG de Pfizer Albert Bourla.
Si l’article ne tire pas de conclusion, il a néanmoins provoqué des réactions, notamment sur le manque de transparence et la crainte de conflit d’intérêts de la part d’Ursula Von der Leyen. Cette affaire a commencé à circuler au sein des institutions européennes. Le comité covid du Parlement européen tout comme l’Ombudsman européen se sont par exemple saisis de l’affaire. Avec un résultat modeste pour l’instant.
Une affaire qui a peu fait parler médiatiquement en Europe
Malgré l’article du New York Times , peu de médias européens ont mis en avant cette affaire. Le journal allemand Bild a bien aussi lancé des affaires judiciaires dans le passé pour pousser à la révélation des documents liés à la négociation entre la Commission et Pfizer.
Ce faisant on assiste à un phénomène paradoxal où un journal américain mène davantage d’investigations sur la politique européenne que la très grande majorité des médias européens.
La culture de chien de garde des journalistes davantage présente aux États-Unis qu’en Europe et en France ?
Cette affaire montre une différence de culture politique entre les deux continents. Malgré les discours politiques, la recherche de la transparence est moins recherchée en Europe qu’aux États-Unis. Par exemple, l’Europe n’a pas connu d’affaire similaire au Watergate qui a abouti à la démission du président Nixon . Certes, certaines ont conduit à la démission de ministres, mais pas à un tel niveau de scandale d’État.
Cette différence vient du poids important de l’État dans de nombreux pays européens comme la France. La séparation de la presse et de l’État comme des groupes d’intérêts qui gravitent autour de ce dernier est indispensable pour garantir l’indépendance des médias, pièce essentielle de la démocratie libérale.