Sommaire
Ce journal est une réponse au
journal de papap
. Au départ, j'avais commencé par écrire un commentaire. Mais vue la taille du commentaire, il a fini par me sembler plus pertinent d'en faire un journal autonome. Et puis, vu le
titre du journal
, c'était le moins que je puisse faire !
De l'analogie foireuse
Il y a effectivement, en surface, une analogie entre virus informatiques et biologiques. Elle disparaît dès qu'on gratte un peu le vernis.
La première différence, fondamentale, tient à leur mode de génération. Les virus informatique relèvent de l'
intelligent design
: écrits par un humain dans un but précis, capable de se transmettre sans aucune mutation, ils sont d'emblée optimaux dans ce but, qui n'est pas la reproduction mais l'atteinte du but fixé (qui peut inclure la reproduction, mais s'y limite rarement).
À l'inverse, les virus biologiques sont issus de l'évolution darwinienne. Dépourvus de tout but
même
la reproduction, ils n'ont pas d'intentionnalité.
IL se trouve
que les virus optimaux pour la reproduction ont tendance à prédominer, mais ce n'est pas le résultat d'une action consciente et encore moins volontaire. D'ailleurs, même cette prédominance subit des contraintes : je t'invite à te renseigner sur la
dérive génétique
et la notion de
paysage adaptatif
.
Par ailleurs, les virus biologiques évoluent dans un environnement qui n'a aucun équivalent informatique : celui d'espèces animales et végétales multiples. Le franchissement de barrière d'espèce n'a pas d'équivalent informatique (ou alors il est pensé et anticipé par l'auteur du virus, ce qui fait une sacrée différence).
Enfin, là où le comportement d'un virus informatique, une fois franchie la barrière de l'antivirus, est déterministe, celui d'un virus biologique est variable en fonction de l'hôte et notamment de son immunité. La seule raison pour laquelle l'herpès ne nous tue pas, c'est que nous avons un système immunitaire efficace. Mais un nouveau-né ou un malade du SIDA peuvent tout à fait mourir d'un herpès.
De l'opposition entre virulence et transmissibilité
Or qu'apprend-on en les étudiant ?
Et bien, que plus un virus est virulent moins il se reproduit et réciproquement. En effet, si un virus détruit son hôte, il ne peut plus se reproduire.
C'est souvent vrai, mais c'est loin d'être une règle absolue. Prends en exemple le virus de la rage : ce virus se transmet par la salive. Il pourrait faire comme les herpèsvirus et attendre gentiment qu'on se fasse des bisous, mais il est plus efficace d'être transmis par une morsure. Ce virus va donc rendre son hôte particulièrement agressif et/ou sociable (voire sociable puis agressif), ce qui l'encourage à mordre et donc à transmettre la rage. Inconvénient de cette stratégie : l'animal infecté meurt à tous les coups de l'encéphalite. Mais il a transmis la rage bien plus efficacement que sans encéphalite, vu qu'il se serait probablement de toute façon fait dégager par le système immunitaire en quelques semaines.
On peut aussi parler du VIH : sans traitement, il est mortel à tous les coups. Mais il met suffisamment de temps à tuer pour se transmettre dans l'intervalle.
Ou alors, tu as l'hépatite B. Dans l'hépatite B, ce n'est pas le virus qui te tue : c'est ton propre système immunitaire qui surréagit et détruit ton foie. Comme on ne saurait vivre sans foie, c'est assez fréquemment mortel. Point intéressant : si ton système immunitaire ne réagit pas, tu survis et tu fais une hépatite B chronique (en général, ça se finit en cancer après avoir contaminé tous tes partenaires sexuels. L'hépatite B, c'est moche et il n'y a pas de traitement. Vaccinez-vous).
Une stratégie
1
possible, pour un virus, consiste non pas à rendre contagieux longtemps, mais à rendre très contagieux sur un temps court. Pour ce faire, il faut se répliquer considérablement (en bon langage médical, on parle de
charge virale élevée
), quitte à casser quelques trucs au passage. C'est le cas de la rougeole ou de la grippe. Ces infections sont très contagieuses et elles tuent toutes les deux environ une personne sur 1000. Noter toutefois que la grippe se contente généralement d'accélérer un décès qui allait survenir sous peu, tandis que la rougeole tue plutôt des enfants (elle peut tuer n'importe qui, mais elle est tellement contagieuse que si on n'est pas vacciné, on la rencontre tôt dans la vie). Les deux tuent volontiers des femmes enceintes, parce que quand on est enceinte, l'immunité se met en standby pour ne pas attaquer le fœtus. C'est aussi la stratégie d'une maladie dont tu ne savais même pas qu'elle existait, parce qu'elle n'existe plus : la variole. Mais les antivax n'aiment pas qu'on leur rappelle la variole, parce que ça les force à se confronter à l'un des plus grands
échecs de la non-vaccination
.
Cette stratégie a été observée à l'échelle des variants du Covid : le variant Delta était à la fois plus contagieux
et
plus virulent que ses prédécesseurs.
De la confusion entre "intérêt du virus" et réalité des faits
Supposer une intentionnalité à un virus ou à la sélection naturelle amène naturellement à croire que le virus agit dans son propre intérêt, et à attribuer une rapidité excessive à la sélection naturelle. Or, ce n'est pas ce qui arrive. Même en supposant que le virus a intérêt à ne pas être trop virulent (ce qui, on l'a vu, n'est pas toujours vrai), ceci ne permet de tirer de conclusions qu'une fois atteint un état d'équilibre entre virus et hôte. Or, le Sars-CoV-2 est un organisme dont nous avons assisté à l'émergence. Il n'y a aucune raison de le considérer d'emblée comme à l'équilibre, et d'ailleurs, il s'est avéré assez méchant au départ (probablement aussi parce que seuls les malades les plus évidents, donc les plus graves, ont été testés). De plus, il se peut tout à fait qu'un virus n'atteigne jamais l'équilibre : on a au moins
un cas décrit
d'agent infectieux qui s'est auto-éradiqué en éradiquant son espèce hôte. On n'en trouve pas tous les 4 matins parce que les virus ne laissent pas de traces fossiles (ni les agents infectieux en général).
Du caractère complètement hors-sujet de la question
Tu nous parles de virulence, mais tu ne nous donnes aucun chiffre. C'est pourtant pas bien compliqué, ils sont disponibles sur le site de Santé Publique France : le Covid, c'est
167642 décès
en France au moment où je rédige ce journal. Note d'ailleurs que, s'agissant d'une maladie qui tuerait une personne sur 1000, on s'attendrait à avoir 66000 décès sur la France : on est à 2 fois et demie ce chiffre. Alors, certes, on peut contester la méthodologie de Santé Publique France : ils reçoivent tous les certificats de décès de France, et s'il y a indiqué "Covid-19" dans le champ "Cause du décès", c'est comptabilisé. C'est aussi comme ça qu'on compte les décès par cancer, par accident de la route, par maladie cardiovasculaire… La question, c'est : à quel niveau de virulence une maladie devient-elle socialement acceptable ? Les accidents de la route, c'est 3 à 4000 morts par an en France. On y consacre une énergie considérable. Le Covid, c'est 15 fois plus, et on a un moyen simple de réduire drastiquement sa sévérité. Quel gouvernant responsable ne le saisirait pas ?
Du caractère erroné de ton postulat… même en informatique !
Il est de notoriété publique que les attaques par ransomware sont particulièrement redoutées. Or, un ransomware est le cas d'école de l'agent infectieux contagieux et… pas du tout discret ! Le but d'un ransomware est précisément d'être vu pour que l'utilisateur sache à qui payer la rançon.
De la gêne occasionnée, et en guise de conclusion
Aille, aille, ça ne passe pas, n'est-ce pas ? On peut parler de pornocriminalité, mais des virus et du Covid, là, ça fait une indisgestion.
C'est tout l'inverse, ça fait chier.
Alors non, ça ne
me
fait pas chier. C'est juste que quand tu racontes des conneries d'un air suffisant sur un sujet que tu ne maîtrises manifestement pas, ben tu te fais vertement recevoir, ce qui est assez légitime. Cependant, je tiens à te remercier. J'apprécie beaucoup l'impitoyable méritocratie de DLFP, mais il me manque le bagage technique pour contribuer utilement à un sujet sur Wayland ou la sécurité logicielle d'une alarme pour domicile. Mais tu me fournis un prétexte pour poster sur un sujet que je maîtrise, merci ! En plus, à nous deux, nous sommes en train d'établir le record des deux journaux titrés identiquement, portant sur le même sujet, et avec le plus grand différentiel de karma ! Bon, certes, je suis du meilleur côté de ce karma. Mais tout cela n'aurait pas été possible sans toi !
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