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      Comment se forment les tempêtes de sable ?

      news.movim.eu / Numerama · 3 days ago - 16:18

    Les tempêtes de sable sont un phénomène météorologique impressionnant. Le vent soulève des poussières, formant des murs de couleur orange et de plusieurs kilomètres de haut. [Lire la suite]

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      Afrique : faut-il viser l’autonomie alimentaire ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 11 March - 04:10 · 7 minutes

    Par Benoit Faivre-Dupaigre.

    Inflation, conflits, changement climatique… Pour toutes ces raisons, l’insécurité alimentaire en Afrique refait l’actualité : début janvier 2023, l’ONU alertait notamment sur la hausse de l’insécurité alimentaire « grave » au Sahel .

    Depuis trente ans, c’est la pauvreté, plus que le déficit de production, qui est mise en exergue comme cause profonde de l’insécurité alimentaire. Mais avec une population africaine qui pourrait presque doubler d’ici 2050 , la question de l’offre et donc de la production locale d’aliments redevient une priorité.

    L’insécurité alimentaire en hausse en Afrique

    La définition de l’insécurité alimentaire a évolué au cours des dernières décennies pour mieux prendre en compte ses manifestations et ses causes immédiates.

    La sous-alimentation, indicateur le plus marquant de l’insécurité alimentaire, est caractérisée par un accès moyen déficient à une alimentation saine , nutritive et suffisante . Elle touchait 278 millions d’Africains en 2021 , soit un tiers des personnes concernées dans le monde. L’Asie en représente actuellement la moitié ; mais en 2030, la sous-alimentation devrait concerner autant d’Africains que d’Asiatiques .

    En complément, des indicateurs d’insécurité alimentaire modérée et grave ont été établis à partir d’enquêtes de ménages afin de déceler des périodes de restriction ou de privation de nourriture allant jusqu’à mettre en péril la santé des personnes. L’insécurité modérée se manifeste par des repas sautés ou des quantités ingérées réduites, alors que l’insécurité grave se traduit par des journées entières sans manger.

    L’Afrique est la région du monde où non seulement la prévalence de l’insécurité alimentaire globale est la plus élevée (58 % de la population craint de ne pas pouvoir, ou ne peut pas, se nourrir tous les jours), mais aussi celle où la part de personnes en situation d’insécurité grave est la plus forte.

    Au total, 322 millions d’Africains sont touchés par l’insécurité alimentaire grave et 473 millions supplémentaires par des formes modérées, pour une population de plus de 1,2 milliard de personnes sur le continent. Sans oublier que l’Afrique concentre sept des huit pays où plus de 80 % des habitants sont en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave.

    La pauvreté mise en exergue

    La principale cause de la sous-alimentation est, en Afrique comme dans le reste du monde, la pauvreté. Les ménages pauvres qui achètent leur nourriture, notamment dans les villes, doivent y faire face à un coût de l’alimentation particulièrement élevé .

    L’alimentation saine en Afrique, qui coûte 3,46 dollars par personne et par jour, était en moyenne plus chère qu’en Amérique du Nord et en Europe , où la dépense moyenne équivalait à 3,19 dollars en 2020. Parallèlement, la population rurale, encore majoritaire en Afrique, dispose de peu de moyens (terres, eau, intrants) lui permettant de produire suffisamment de nourriture jusqu’à la récolte suivante.

    Logiquement, donc, c’est grâce à la forte croissance économique enregistrée lors de la décennie avant 2015 que la sécurité alimentaire avait pu s’améliorer. Dans certains cas, elle s’est accompagnée d’une nette amélioration des indicateurs de malnutrition, notamment en ce qui concerne le retard de croissance des enfants de moins de 5 ans ou l’émaciation des enfants. Ces progrès sont à mettre au crédit de politiques plus performantes de ciblage des familles vulnérables et des femmes allaitantes.

    Une dépendance alimentaire généralement modeste

    L’idée que l’insécurité alimentaire en Afrique est liée aux difficultés d’accès aux denrées (faute de revenus suffisants) plus qu’au manque de disponibilité de la nourriture est bien ancrée.

    Cependant, une autre fragilité entre dans l’équation : la dépendance alimentaire, c’est-à-dire la proportion des biens alimentaires importés par rapport à l’ensemble de ceux consommés. Globalement, elle reste modeste, puisque la part de l’approvisionnement alimentaire national issu des importations n’est que de 16 % en moyenne sur le continent (contre 13 % à l’échelle mondiale) . Mais ces chiffres cachent des inégalités au sein du continent. Ainsi, dans la moitié des pays, la dépendance aux importations céréalières est supérieure à 40 % (30 % en moyenne). Cette dépendance est encore plus marquée dans des pays comme l’Algérie, le Congo, le Gabon, le Botswana et le Lesotho, qui sont dépendants des importations céréalières à plus de 70 % (à l’inverse, d’autres, comme ceux du Sahel, ont une dépendance inférieure à 10 %).

    Or, l’analyse sur de larges données montre que plus un pays est dépendant de l’extérieur pour son alimentation, plus les indicateurs d’insécurité alimentaire sont sensibles aux dégradations macroéconomiques liées aux échanges internationaux . Cela place ces pays dans une situation de vulnérabilité en cas de choc économique, notamment sur les marchés internationaux et intra-africains, comme ce fut le cas en 2022 avec la guerre russo-ukrainienne .

    Dès lors, les perspectives de croissance démographique de l’Afrique et donc d’une hausse de la demande en nourriture couplées aux conséquences du changement climatique sur son agriculture , remettent la question de l’offre et de l’autonomie alimentaire des Africains au premier plan.

    Une demande alimentaire croissante

    D’ici à 2050, 60 % de l’augmentation de la population mondiale se produira en Afrique, et ce continent sera le seul dont la population rurale aura continué à croître (+ 35 %). L’Afrique devra satisfaire une demande alimentaire qui sera supérieure de plus de 160 % à ce qu’elle est aujourd’hui .

    La recherche de l’autonomie alimentaire est donc essentielle à la sécurité alimentaire de l’Afrique comme stratégie de réduction de la dépendance externe, de création de richesse en direction des ruraux pauvres – les plus vulnérables à l’insécurité alimentaire – et de création d’emplois (nécessaire à court terme, notamment dans les campagnes).

    Le dilemme d’une sécurité alimentaire soutenable

    La croissance de la production alimentaire est indispensable mais avec une contrainte : si l’on veut éviter l’expansion des cultures sur de nouvelles terres, notamment au détriment des forêts, cette croissance doit être atteinte en privilégiant la hausse des rendements. Cela revient à s’éloigner de la trajectoire suivie depuis les indépendances, largement fondée sur l’extension des surfaces cultivées .

    La marge de manœuvre est étroite puisque différents scénarios réalistes projettent pour l’Afrique des besoins en surfaces supplémentaires allant d’une centaine jusqu’à plus de 500 millions d’hectares – et ce avec des hypothèses souvent modestes de changement climatique et de son impact sur les rendements .

    Si l’on devait se limiter à cultiver les surfaces actuellement cultivées (hors herbages), on devrait multiplier par huit les importations alimentaires en Afrique subsaharienne. D’autres études montrent que pour maintenir le niveau d’autosuffisance, il faudrait non seulement combler le fossé de rendement entre l’existant et le potentiel, mais aussi multiplier le nombre de récoltes sur une même surface, ce qui impose d’irriguer beaucoup plus largement.

    Investir dans le développement de la productivité agricole

    Un compromis reste à trouver mais la hausse des rendements demeure incontournable.

    Dans cette logique, le soutien à l’agriculture par l’amélioration de la productivité de la terre aurait une triple vertu : limiter l’impact environnemental de cette croissance, lutter contre la dépendance aux marchés internationaux mais aussi lutter contre la pauvreté et donc améliorer la sécurité alimentaire. Soutenir l’agriculture en Afrique serait deux fois plus efficace que de mettre en œuvre des politiques visant à augmenter la productivité dans le secteur industriel pour lutter contre la pauvreté.

    La relance de l’offre agricole – qui bénéficierait aux agriculteurs, qui sont aussi les plus pauvres – et la recherche de plus d’indépendance alimentaire redeviendront donc des sujets prioritaires dans les années à venir.

    Cet article a été co-écrit avec Bio Goura Soulé (Institut de recherches et d’applications des méthodes de développement/Cédéao). Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire L’Économie africaine 2023 , paru aux éditions La Découverte en janvier 2023 . The Conversation

    Benoit Faivre-Dupaigre , Chargé de recherche, département Diagnostics économiques et politiques publiques, Agence française de développement (AFD)

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

    The Conversation

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      Démocratie : que se passe-t-il en Tunisie ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 8 March - 03:30 · 20 minutes

    Une question légitime au vu de la situation de ce pays qui a pu paraître, pour nombre d’observateurs, comme une exception dans le paysage arabe musulman, réussissant ce qu’on a appelé à tort révolution du prétendu Printemps arabe . Car la situation est bien plus complexe qu’on n’ose l’évoquer et les choses n’y sont pas aussi simples qu’on le dit.

    Que se passe-t-il donc en cette Tunisie supposée, depuis peu, acquise à la démocratie ? Y a-t-il eu coup ou coups d’État ? Y assiste-t-on réellement à la mise à mort d’une démocratie naissante ? Et quid du modèle sui generis espéré sur sa terre d’une démocratie islamique ?

    Un régime traditionnellement autoritaire

    De fait, la Tunisie a souvent constitué un modèle et ce même du temps de la dictature, réputée comme élève studieux et appliqué dans l’apprentissage de la modernité. C’est que le dictateur Ben Ali, déchu en 2011, se réclamait volontiers du legs du premier président de la Tunisie indépendante, Habib Bourguiba.

    Certes, il l’avait déposé à la faveur de ce qu’on a appelé coup d’État sanitaire ; or, ce fut en application de la Constitution de l’époque et l’état de santé de Bourguiba, notoirement malade et quasiment inapte à gouverner, pouvait justifier une telle entreprise. Au reste, elle fut saluée par nombre de démocrates comme un acte courageux et salutaire dans l’intérêt bien compris du pays. Au point que pratiquement personne n’a contesté le sort indigne réservé au père de l’indépendance tunisienne, qui a fini sa vie reclus en prisonnier politique dans l’une de ses résidences de luxe.

    Il faut dire que le dictateur eut soin de se ménager le soutien de nombreuses figures éminentes de la Tunisie moderne, compagnons de route de Bourguiba, mais aussi opposants illustres à son autoritarisme et au culte entretenu de sa personne. Il a aussi tenu, au début de son règne, à faire des gestes significatifs, quoique simulés, en vue d’un assainissement de la situation politique vers le pluralisme et la démocratie, attendus par tout le peuple.

    Au vrai, il n’a fait que louvoyer, simuler et dissimuler, tournant vite sa cuti dès qu’il estima venu le moment de mettre le pays et son peuple jugé par trop turbulent s’il lui arrivait d’avoir ses droits et ses libertés, d’ailleurs jamais acquises même sous Bourguiba, pourtant chantre de la modernité du pays.

    Aussi Ben Ali a-t-il été le dictateur affiché que n’était pas Bourguiba, mais qui n’était pas moins un autocrate, éclairé certes, mais guère démocrate, un dictateur caché. Ainsi, le fruit de l’autoritarisme était bien dans le fruit Tunisie et la dictature n’a fait que le rendre visible, l’admettre même pour divers motifs et par nombre de subterfuges, dont les plus sophistiqués. La preuve ? Un arsenal juridique liberticide qui est, au demeurant, toujours en vigueur.

    Si Ben Ali n’avait pas les capacités intellectuelles de Bourguiba et encore moins sa vision de la politique et son charisme, il n’était pas moins un pur produit du système sur lequel a été érigée la Tunisie postcoloniale. Celui d’un État jaloux de son pouvoir, y voyant sa nécessaire force, l’exerçant au travers des forces de l’ordre et surtout d’une administration pléthorique, tatillonne dans le formalisme et le service de son magistère assimilé à celui du prestige de l’État. Et peu importe si cela se confond avec la classe au pouvoir ou la personne des gouvernants, fut-il un seul. Ce qui n’est pas seulement une spécificité du pays, mais également une idiosyncrasie culturelle que l’islam, ou du moins l’exégèse qu’on en a faite, a magnifiée en la dotant de ce qui lui manquait : un caractère indu de sacralité.

    La politique tunisienne a de la sorte toujours été sans ses lettres de noblesse, quoique la forme y était du temps de Bourguiba, mais non dénuée, au-delà des apparences de la force s’ajoutant à la rouerie de la politique à l’antique. Or, en cela, excellait Ben Ali, le miliaire pur jus. Ainsi, en termes de ruse s’est-il fait servir par des compétences qui se dévouaient, pour nombre d’entre elles, moins pour sa personne qu’à la cause du peuple. C’est un tel désintérêt de la politique chez pas mal de grands commis de l’État qui a assuré le succès tant vanté à l’étranger de la gestion du pays pas son régime autoritaire et ce malgré l’absence de démocratie.

    Pareille attitude chez ce personnel dévoué à la chose publique se retrouve être un trait sociopsychologique du peuple tunisien dont la capacité d’adaptation à toutes les situations est phénoménale avec une propension au fatalisme d’avoir des chefs maniant la cravache. Trop libre et même libertaire, le Tunisien accepte de céder sa liberté formellement pour pouvoir, en catimini, à l’ombre des lois répressives, vivre à sa guise son hédonisme, sacrifiant pour cela son droit à la citoyenneté. Ce qui n’était que pain bénit pour la dictature qui a alors su moduler l’usage de la force, parfois par trop sauvage, selon le degré de la gêne trouvée à assouvir sa passion d’abuser à gouverner et le faire, elle aussi, à sa guise.

    Un coup d’État déguisé en coup du peuple

    C’était, à grand trait brossé, l’état de la Tunisie à la veille de ce qu’on a appelé bien à tort révolution du jasmin et qui ne fut au mieux que ce que j’ai nommé dès le départ, coup du peuple. En fait, il s’agissait d’un coup d’État fomenté par les services américains dans le cadre de leur stratégie géopolitique et en exécution de leurs accointances avec l’islam rigoriste. Un signe qui ne trompe pas : la prétendue fuite de Ben Ali, déshonneur suprême pour un militaire, qui s’est retrouvé retenu en Arabie Saoudite. Ce qui n’aurait pu se faire sans la défection de ses cercles les plus rapprochés au vu de la défiance du peuple à l’égard du régime et son muet rejet.

    On a pu dire que Ben Ali n’a récolté que ce qu’il avait semé, n’ayant jamais eu le souci de ce que voulait son peuple : ses droits et ses libertés, en contrepartie du lourd tribut payé à supporter sa dictature et les exactions de sa famille. Or, même en catimini et à bas bruit, le peuple de moins en moins pouvait le faire. Aussi, lui garantir le minimum vital, ce à quoi veillait Ben Ali ne suffisait plus aux yeux des masses démunies de tout, surtout de la dignité de son vouloir être particulier précité.

    Or, ce coup d’État dont on ne parle pas est la première turpitude des élites tunisiennes post-dictature, particulièrement celles se prétendant au service des libertés et de la démocratie. La seconde, la plus importante à maints égards, fut évidemment de ne pas satisfaire la cause d’un pareil silence, subterfuge qui était destiné à permettre la réussite d’une transition sans heurts de la dictature à la démocratie, mais une vraie démocratie. Ce qui pouvait se justifier si l’on avait osé satisfaire les attentes populaires en termes de droits et de libertés concrets. Ce qu’on s’est gardé de faire.

    Ainsi, plus de dix ans durant, soit de janvier 2011 à juillet 2021, date de ce qu’on a appelé coup de force du président actuel, rien n’a été fait pour abolir la législation scélérate de la dictature. On s’est limité à singer l’Occident en adoptant une Constitution consacrant théoriquement les droits fondamentaux et les libertés privatives, mais avec l’intention délibérée de la garder lettre morte. On l’a même entendu sur les travées de l’Assemblée des représentants du peuple, le Parlement tunisien. Cela s’est vérifié d’abord avec le refus d’instaurer la Cour constitutionnelle, formalité essentielle prévue pourtant par le texte fondamental avec une date butoir à son installation. Et bien évidemment, cela s’est confirmé avec le refus d’abolir les textes les plus perfides de la dictature.

    De telles turpitudes ne furent pas de la seule faute des islamistes contrôlant les rouages essentiels de l’État. Pour ce faire, ils avaient besoin des compromissions des supposés modernistes et laïques ; et ils les ont eues. Ces derniers leur ont permis de rester au pouvoir et même après l’arrivée à la magistrature suprême du défunt président Caïd Essebsi, supposé émule de Bourguiba, élu avec les voix des femmes et des jeunes avec la ferme promesse de leur rendre leurs droits et qui ne l’a pas honorée sciemment en pratiquant le mensonge au nom d’une bien vicieuse realpolitik.

    L’occasion ratée d’un contrecoup du peuple

    On l’a dit supra, le peuple arrivait de moins en moins à vivre à sa guise bien qu’en cachette, ce qui était une forme de dignité à ses yeux ; il en venait aussi de plus en plus ouvertement à rejeter ce qu’on avait appelé dictature souriante. Le Tunisien commençait même à muer psychologiquement, loin de l’archétype habituel de personne souriante, ouverte à l’altérité, car il supportait de moins en moins sa vie de claustration dans un pays devenu une réserve alors qu’il a dans le sang le besoin de bouger, circuler librement.

    C’est ce qui explique la terrible vision, au lendemain de la chute de la dictature, des multitudes de la jeunesse tunisienne se ruant sur les plages désertées par les forces de l’ordre pour « brûler » comme on dit populairement, faire la traversée de la Méditerranée vers les îles italiennes proches. On était pourtant à l’orée d’une aube nouvelle mais ces jeunes de Tunisie rêvaient d’autre chose : leur liberté chérie, comme s’ils savaient à l’avance qu’elle n’aurait pas droit de cité encore dans le pays. Car c’est pour elle qu’ils ont fait le coup de feu contre les sbires du dictateur et que nombreux parmi eux ont payé de leur vie sous les coups des snipers stipendiés, semble-t-il, par les forces occultes agissant à la chute de la dictature populairement honnie.

    Effectivement, la situation du peuple ne varia pas d’un iota puisque la législation de la dictature est restée en vigueur ; et elle l’est toujours même si le président actuel ne cesse de claironner son intention de rétablir sa souveraineté dans le pays. Pire, il n’arrête pas dans le même temps de réclamer son souci d’être juste, assurant que la loi est à appliquer à tous, sans distinction ; or, la loi elle-même, bien que légale, est déjà injuste car scélérate, ayant servi au maintien de la dictature ; elle est donc illégitime. Car il ne faut pas oublier que les textes liberticides du droit positif en Tunisie sont non seulement ceux de la dictature (dont la honteuse loi 52 réprimant sauvagement le cannabis et martyrisant les jeunes), mais aussi un héritage de la colonisation (dont le fameux article 33 du Code pénal réprimant l’homosexualité qui n’a jamais constitué un péché en Islam pur).

    Aussi le coup de force du 25 juillet 2021 fut-il salué par le peuple comme une délivrance. On se remit à espérer que ce qui ne fut pas fait en 2011 le sera. Et on faisait confiance à son auteur qui avait été porté au pouvoir par une majorité écrasante et qui avait la réputation d’honnêteté et dont les mains étaient propres en un pays mité par la corruption. Une bonne partie de la classe politique a aussi salué l’entreprise, entamée au demeurant en conformité avec la Constitution.

    Toutefois, ce qui ne manque pas de surprendre, c’est que personne n’a réclamé l’abolition de la législation qui brimait et brime le peuple ou à tout le moins demandé l’adoption d’un moratoire à l’application de ses plus perfides dispositions dans l’attente de voter des textes de substitution. Il faut croire que les opposants au président Saïed étaient et restent trop obnubilés par le pouvoir et ses aficionados par leurs règlement de comptes avec les islamistes pour se soucier de ce que réclame le peuple : ses droits au quotidien et ses libertés privatives, intimes y compris. Pour les premiers, c’est d’autant plus incompréhensible que de telles lois scélérates sont appliquées pour harceler tant le peuple que la classe politique qui crie à la dictature de Saïed. Pour les seconds, une telle pulsion de vengeance d’ennemis politiques dénote leur degré d’adhésion à une vraie démocratie.

    Aussi, le retournement tragicomique de l’histoire a voulu que l’ennemi des uns et le héros des autres n’a fait qu’appliquer des lois que les anciens politiques au pouvoir ont tout fait pour garder en vigueur ; ce faisant il n’a fait qu’emboîter le pas à ceux qu’il dénonçait et punissait. Ainsi, le premier coup d’État, qui a trahi sa justification, a généré un autre n’en étant pas le contrecoup du peuple espéré, perdant de la sorte sa légitimité populaire avérée à son occurrence, tout comme pour le premier.

    Une démocratie introuvable

    Parler donc de combat pour la démocratie chez les uns et les autres, notamment de la part des opposants au président Saïed, relève moins du sérieux que du subterfuge. Tous luttent pour le pouvoir et rien d’autre. En effet, qu’est-ce qu’une démocratie sinon des lois et des libertés, pas seulement théoriques, inscrites dans des textes jamais appliqués. La dictature n’est pas non plus une opération électorale vidée de tout sens, étant ignorée, sinon boycottée, par les plus larges masses. Ce qui fut le cas des élections législatives, notamment la dernière voulue par M. Saïed, qui prouvent que rien n’a changé encore dans le pays. De fait, une démocratie honnête et véridique en Tunisie consiste à commencer par débarrasser le peuple de tout ce qui l’empêche de vivre paisiblement et dignement sa vie. Outre les lois scélérates de la dictature, cela implique aussi qu’on lui reconnaisse son droit à circuler librement.

    Or, que fait M. Saïed ? On le voit certes se soucier de la corruption, cette hydre qu’il n’est pas facile de vaincre et se soucier de ce qui est nettement plus facile à faire, édicter le texte salutaire libérant le peuple de ses chaînes légales ! Bien pis ! involontairement peut-être, il a suscité une bien malheureuse polémique sur la présence des subsahariens en Tunisie. Que n’a-t-il plutôt saisi cette occasion pour être le héraut du droit à circuler librement entre les deux rives de la Méditerranée, cause principale de la venue en Tunisie de ces malheureux subsahariens accusés désormais de tous les maux !

    C’est cependant ce qu’on se doit de faire si l’intention affichée par le président Saïed est avérée, à savoir d’être juste de voix et de voie. Et ce d’autant mieux que l’antidote aux problèmes de la migration clandestine et à ses drames existe bel et bien : le visa biométrique de circulation. Outil parfaitement sécurisé, connu dans les chancelleries, il devrait être substitué au visa actuel devenu obsolète étant respectueux des réquisits sécuritaires. Concrètement, il consiste à délivrer gratuitement en contrepartie de la levée des empreintes digitales, suprême concession sans contrepartie, le droit de circuler librement aux ressortissants des pays dits à tort d’émigration, car ils ne deviennent immigrés qu’à cause de l’impossibilité pour eux de circuler librement. Un tel visa de circulation valable un an au moins et renouvelable par tacite reconduction permettra d’entrer en Europe mais avec l’obligation d’en sortir avant trois mois consécutifs de séjour avec toutefois la possibilité d’y revenir aussitôt pour un nouveau séjour de la même période et avec la même exigence durant la validité du visa.

    Voilà, entre autres, une recette utile au service du peuple tunisien, de la paix et de la démocratie en Tunisie et en Méditerranée ; et elle traduit une adhésion à l’esprit et à la lettre de la démocratie voulue dans ce pays, un régime de dignité avec des droits et des libertés citoyens et non une fausse et introuvable démocratie. C’est ce dont devraient parler et pour laquelle pourraient agir tant le président Saïed que les cercles de son opposition qui dénoncent sa dictature sans être crédibles, le peuple n’ayant rien vu des deux bords qui soit susceptible de changer sa vie au quotidien, une existence de misère du fait de l’absence de la dignité d’être un peuple vraiment souverain, et non seulement en termes de slogans, étant doté de ses droits basiques et de ses libertés privatives les plus évidentes.

    L’impératif catégorique de la réforme juridique et religieuse

    Que se passe-t-il donc en Tunisie, au final ? Coup d’État de Kaïs Saïed ? Ce ne serait alors que la réplique d’un autre coup d’État tu et qui ont tous les deux eu l’adhésion populaire avant que, pour le premier, la déception ne soit totale et, pour le second, le désenchantement ne soit encore de mise. Pour les deux événements, on a effectivement agi au nom d’un peuple qui en espérait gros pour sa dignité, mais pour finir de ne point satisfaire ses attentes. La preuve ? on l’a dit : le maintien en vigueur encore de la législation qui le brime de la dictature que tout un chacun condamne.

    Est-ce que l’homme fort actuel du pays règle ses comptes avec ses opposants ? N’est-il pas plutôt en train d’appliquer la législation liberticide en vigueur que ses opposants, qui étaient bien au pouvoir durant la décennie passée, ont veillé à garder pour se servir et brimer leurs propres opposants ?

    Quid enfin de la démocratie qu’on bafouerait et du modèle tunisien qu’on tue ? De quelle démocratie parle-t-on ? On l’a vu, le peuple est dans la même situation que sous la dictature car il n’a vu l’adoption, au mieux, que de textes et initiatives de pure forme, les élections libres étant contrôlées par des partis sans programme ni véritable assise populaire en dehors de leurs adhérents, leurs sympathisants et obligés. D’ailleurs, le record historique d’abstention à la dernière manifestation électorale ne vient pas de nulle part, il ne fait que confirmer le désintérêt populaire massif pour la chose publique telle qu’elle a été incarnée la dernière décennie par une classe politicienne qui était en total décalage avec les réalités du pays, coupées du peuple, autiste à ses attentes les plus légitimes.

    La responsabilité de ce qui se passe aujourd’hui est donc assumée par toute la classe politique, celle au pouvoir aujourd’hui certes mais surtout celle qui y a été et qui n’a pas su saisir la chance historique qu’elle devait honorer de transformer le pays en une véritable démocratie. Ainsi, le parti islamiste n’a fait que prétendre être une démocratie musulmane ; il a usé et abusé de slogans creux et de faux semblants, sinon de mensonges. Ce faisant, toute son attention allait au maintien au pouvoir afin de servir ses intérêts tant matériels qu’idéologiques. S’il a eu du talent, ce ne fut pas au service du peuple, mais à avoir les soutiens nécessaires, tant à l’étranger que dans le pays, parmi les supposés démocrates qui ont, de même, pratiqué la politique sans nulles lettres de noblesse.

    Pourtant les exhortations à cesser de jouer un tel jeu malsain n’ont pas manqué et ce dès l’arrivée des islamistes au pouvoir, les exhortant à assumer leur devoir d’ aggiornamento à la fois politique et religieux en s’attelant à l’impératif catégorique de la réforme du pays, notamment sur le plan juridique et religieux. Ils n’y ont point prêté attention, se laissant aller à leur péché mignon qui, il est vrai, ne leur était pas propre, relevant de ce que je nomme « jeu du je », une duplicité assumée en ce qu’ils prenaient pour un théâtre d’ombres, où il est fatal de simuler et de dissimuler, même ce qui relève de l’évidence.

    Quel avenir alors pour la Tunisie ?

    Assurément le meilleur, sa classe politique ayant atteint le pire, toutes tendances confondues, au même moment où son peuple a retrouvé les automatismes de son esprit de contradiction libertaire. On ne peut donc qu’entrevoir une évolution bien meilleure que les derniers événements, tirant profit des vicissitudes de la décennie ratée en autant d’expériences utiles en vue d’une nouvelle tentative démocratique duodécimale.

    Déjà, ce samedi 4 mars 2023, la puissante centrale syndicale a organisé la plus importante manifestation contre le pouvoir en place. D’aucuns y voient un bras de fer entre l’héritière du patriote absolu, amant du peuple que fut Farhat Hached, et le président Saïed dont l’issue sera déterminante pour la démocratie dans le pays. Il faut toutefois se garder de voir les choses en termes de personne, K. Saïed n’étant que le produit du système autoritaire toujours en place qu’on a décrit. Il n’y aura donc de démocratie que le jour où l’on osera réformer ce système en commençant par abolir toutes les lois de la dictature et de la colonisation que les politiques actuels acceptent sans oser les dénoncer.

    Si l’on se décide enfin à quitter le clair-obscur entretenu sur la législation scélérate du pays, notamment les aspects présentés comme ayant une connotation morale et/ou religieuse, et sur lesquels l’on se tait pudiquement ou s’interdit de gloser, on fera enfin le pas décisif fatal vers la démocratie. Car, répétons-le, celle-ci n’est que l’octroi de ses droits et libertés au peuple, tous ses droits et toutes ses libertés sans nulle restriction idéologique ou supposée religieuse.

    Ce qui impose par la même occasion d’avoir le courage enfin d’ouvrir la voie à une nouvelle exégèse de l’islam afin de renouer avec son esprit et ses visées véritables puisque, dans sa lecture pure, il est une foi de droits et de libertés. D’ailleurs la nouvelle Constitution voulue par M. Kaïs Saïed, encore plus que la précédente, réfère à cette religion du peuple en imposant d’en appliquer les valeurs. Ce qui constitue, par conséquent, le noeud gordien de la moindre réforme dans le pays, non seulement en termes religieux, mais aussi politiques, économiques et juridiques, l’islam n’étant pas qu’une religion, étant tout autant une politique, une philosophie de vie. C’est pour cela qu’il importe de reconnaître cette dimension éminente de l’islam qui est loin d’être pur culte, étant d’abord une culture avant d’être que simples rites.

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      Yaoundé, future « Tel Aviv de l’Afrique » : une alternative au Singapour africain

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 23 February - 03:30 · 3 minutes

    Entre innovation « en miniature » et opportunités grandeur nature, Yaoundé est le siège de l’Organisation africaine de la Propriété intellectuelle (OAPI). La seconde plus ancienne organisation panafricaine fondée en 1962, juste après Air Afrique, fêtait son soixantième anniversaire en 2022, une date anniversaire qui invite à explorer le champ des possibles en 2023. Tant avec l’imagination que pourrait prendre demain une capitale afro-futuriste de la « New Nature Economy » en explorant des enjeux d’innovation, d’agriculture régénérative et de forêts connectées et comestibles grâce aux nouvelles technologies. Et peut-être l’ambition d’une alternative au modèle de Singapour africain au Rwanda ?

    Tel Aviv signifie en hébreu « colline du printemps ». Une colline de la renaissance des forêts ? de l’agriculture régénérative ? Dans sa Cité antique, Fustel de Coulanges voit dans la religion et le culte des morts les fondements des sociétés. C’est ce culte qui selon lui régit les règles en matière de propriété, d’héritage, de transmission… L’origine de ce que nous sommes.

    Dans ce parallélisme, Tel Aviv peut être vue comme la métaphore d’une incarnation moderne qui  entretient aussi des racines anciennes, comme sa ville sœur, Yaoundé, la capitale des sept collines, où  ont convergé au fil du temps de nombreuses diasporas méditerranéennes de la Grèce au Liban .

    À l’origine, le nom Tel Aviv vient du livre d’Ezéchiel, où il désigne une localité babylonienne en Mésopotamie. Le mot « Tel » signifie en hébreu une colline artificielle formée par un tas de ruines, tandis que le mot aviv signifie Printemps. Ce nom a ensuite été choisi par Nahum Sokolow pour être le titre hébreu de l’Altneuland par Theodor Herzl.

    Dans cette histoire, Friedrich Löwenberg, un jeune intellectuel juif viennois fatigué de sa vie en Europe, entame un voyage en Asie avec l’intention de se retirer sur une île de l’océan Pacifique. Il part avec un aristocrate prussien, Kingscourt. En chemin, ils s’arrêtent à Jaffa et y découvrent la Palestine à l’état d’abandon. Ils se sont ensuite retirés sur leur île pendant vingt ans. À leur retour, lorsqu’ils repassent par la Palestine, ils découvrent la région transformée, muée en une société cosmopolite florissante.

    De réelles opportunités s’offrent aux entrepreneurs afro-futuristes dans les domaines de l’agroforesterie, de l’industrie pharmaceutique, des sciences de la vie, de la nutrition et des technologies de la santé. Il suffit d’observer la place que jouent les échanges transfrontaliers entre le Cameroun, le Nigéria et ses voisins, en matière de valorisation de produits forestiers non-ligneux.

    Les aspects cosmétiques, alimentaires et médicinaux de ces produits sont aujourd’hui valorisés par de nombreux acteurs Nigérians, à travers le champ de la « New Nature Economy ». Cameroon BioValley pourrait représenter un incroyable pôle de sourcing végétal, basé sur les coproduits de la flore et des forêts du bassin du Congo.

    Les arbres ont développé au cours de leur évolution millénaire une capacité de résistance et  d’immunité qui peut être très utile dans la fabrication de produits efficaces et bénéfiques pour  l’Homme.

    Un tel mouvement pourrait encourager des startups afro-futuristes prêtes à développer des solutions  pour répondre aux défis sociétaux, par exemple : le photovoltaïque sur les terres cultivées pour  optimiser la production alimentaire, les logiciels de conduite économe en énergie et autonome, la  stimulation optique et magnétique pour la cicatrisation des plaies chroniques, la détection précoce de  l’infestation de ravageurs des céréales stockées à l’aide de capteurs optiques sensibles.

    Si l’on y associe aussi le thème : « Design & Additive Manufacturing », il s’agit de nouvelles façons de  concevoir et de produire localement. Tel Aviv of Africa est une source d’inspiration pour agir localement et penser global.

    Demain prend racine aujourd’hui.

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      Maroc : la liberté d’expression malmenée

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 February - 03:30 · 5 minutes

    Toute société démocratique se fonde sur un pilier fondamental et indispensable : la liberté d’expression . C’est le droit propre à chaque individu qui lui permet de rendre publics ses émotions, ses sentiments et ses opinions. La participation des citoyens à la vie politique garantit le fonctionnement démocratique de l’État.

    Cette participation peut prendre différentes formes mais elles relèvent toutes du droit à la liberté d’expression : critiquer le pouvoir en place, révéler des vérités, exprimer son refus des politiques instaurées, etc. La garantie de ce droit requiert des institutions répondant aux normes démocratiques, soit un ensemble de règles et de principes encadrant leur fonctionnement transparent, responsable, équitable et indépendant.

    Dans les régimes autoritaires le pouvoir doit être nécessairement centralisé autour d’une seule personne ou un petit nombre de personnes ayant le pouvoir de contrôle et de manipulation des institutions de l’État. Les règles démocratiques qui assureraient leur bon fonctionnement doivent être brisées par le recours à des restrictions de la liberté d’expression afin de limiter la capacité des individus à observer, réfléchir, critiquer et remettre en question le contrat établi.

    Même les démocraties avancées peuvent recourir à des restrictions de la liberté d’expression mais pas de façon fréquente et structurelle comme celle des pays où règne l’autoritarisme, où le pouvoir politique réprime et censure dès qu’il se sent en danger.

    Au Maroc, comme dans plusieurs pays arabes ou du tiers monde, les individus sont confrontés à des atteintes à leur liberté d’expression, des journalistes aux activistes et jusqu’au citoyen lambda.

    La répression n’est pas un intrus dans la vie politique du Maroc , elle en est un élément crucial qui fait partie de l’ADN marocain. Des professeurs à l’université ou à l’école ont cette relation autoritaire répressive avec les étudiants, des parents avec leurs enfants, des responsables des administrations publiques, et toute personne pouvant jouir d’un tout petit pouvoir supplémentaire sur une autre pourra appliquer son autoritarisme. Pas seulement le régime.

    Depuis 2017, la répression a explosé

    Le nombre de détenus politiques et d’expression est allé crescendo. Depuis la crise du covid la limitation du droit de réunion et de manifestation s’est accrue grâce notamment à la promulgation de l’état d’urgence sanitaire toujours d’actualité. Les arrestations arbitraires des activistes rifains du Hirak en 2017 et les peines de prison surréalistes par rapport aux présumés crimes, les procès se caractérisant par la non-équité des journalistes et des activistes des droits humains, et les détentions des blogueurs des réseaux sociaux à cause de leurs opinions.

    De nombreuses fondations et associations de défense des droits de l’Homme tant marocaines qu’étrangères ont critiqué ces atteintes à la liberté des citoyens et ont plusieurs fois demandé des procès équitables pour tous les détenus, la libération de certains d’entre eux et la fin de ces pratiques qui nuisent à l’image du pays et provoquent des dégâts multidimensionnels sur les individus de cette génération et la suivante. La résolution adoptée par le Parlement européen sur la dégradation de la situation de la liberté d’expression n’a rien apporté de nouveau mais a appuyé les affirmations et les dénonciations des activistes et des victimes qui n’ont pas de crédibilité pour l’opinion publique marocaine. Mais pour beaucoup, même la majorité du Parlement européen ayant voté pour l’adoption de la résolution manque de crédibilité et d’objectivité, et considèrent qu’il s’agit d’un complot contre le Maroc et sa politique étrangère avec les États-Unis, Israël et les pays d’Afrique.

    L’expansion des discours médiatiques influencés par le régime ont renforcé la polarisation sociale ainsi que l’extension des faux comptes de réseaux sociaux pour influencer l’opinion publique et diffuser les campagnes de diffamation contre les « ennemis du régime » et leur entourage.

    Cependant, il semble que le régime néglige les effets de la propagation de la désinformation et des discours de haine, lui qui réprime et justifie ses comportements et politiques autoritaires par la garantie de la stabilité et la paix et la lutte contre la discorde qui sème la zizanie et se retrouvera in fine comme la Syrie. Cet exemple de la Syrie diffusé largement par les discours politiques et médiatiques, continue d’être évoqué par un nombre non négligeable de Marocains comme une forte motivation de leur silence : « on accepte les atteintes à notre égard pour éviter la situation actuelle de la Syrie » ; « On peut vivre sans liberté mais pas sans pain » ; « ils l’ont arrêté parce qu’il ne se mêle pas de ses affaires » ; « vous voulez revenir à l’ère du siba (l’anarchie) ? Alors taisez-vous et foutez la paix au Makhzen » etc. Les manifestations et les révolutions ont été largement associées au chaos et aux guerres civiles déclenchées après les mouvements du Printemps des peuples en 2011, les gens ont cru en ces idées et les ont adoptées.

    Cette polarisation accrue a biaisé les visions et les opinions vis-à-vis des opposants aux politiques émanant du pouvoir et toute personne qui ose exprimer un avis contraire ou révéler des vérités en relation avec ce pouvoir. Accepter un certain statu quo consiste en fait à se rebeller contre les lois de la nature à caractère dynamique fondamentalement. L’univers s’inscrit dans une continuité de mutations et de changements infinis, le soleil, les planètes, les étoiles et les galaxies se déplacent constamment, les espèces naturelles et les races humaines depuis leur création sont en évolution constante et les régimes politiques à leur tour ne sont pas rigides, sont soumis aux transformations et n’échappent pas à la loi du dynamisme.

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      Quelle transformation de l’économie marocaine à l’horizon 2035 ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 1 February - 03:30 · 8 minutes

    Au Maroc, la volonté du changement est exprimée au plus haut sommet de l’État. Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste, et conformément à une méthode de travail qui a donné ses preuves, le souverain a mis au travail une Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) qui a passé au scanner tous les sujets anxiogènes, notamment les inquiétudes et insatisfactions des citoyens marocains. À cet effet, la transformation de l’ économie marocaine comme moteur de développement et d’essor du pays et de sa population, occupe une place de choix dans le rapport du Nouveau modèle de développement remis au Roi le 26 mai 2021 par le président de la Commission.

    Ainsi, la question qui se pose est de savoir quelle transformation de l’économie marocaine à l’horizon 2035 dans le cadre du modèle de développement ?

    Réussir la transformation de l’économie marocaine nécessite une nouvelle génération de réformes plus complexes, inscrites sur le long terme et portées par un soutien politique fort. Afin de déclencher une dynamique économique systémique mobilisant l’ensemble des acteurs, le nouveau modèle de développement propose une feuille de route fondée sur cinq choix stratégiques :

    1. Sécurisation de l’initiative privée pour éliminer les entraves réglementaires, les barrières administratives et l’économie de rentes.
    2. Orientation des acteurs économiques vers les activités productives à forte valeur ajoutée à travers un dispositif complet d’appui et d’incitations.
    3. Choc de compétitivité pour réduire les coûts des facteurs de production et améliorer leur qualité.
    4. Cadre macroéconomique au service du développement.
    5. Émergence de l’économie sociale comme nouveau pilier du développement.

    Les choix stratégiques proposés par le nouveau modèle de développement doivent être mis en œuvre d’urgence pour construire l’économie de l’après Covid-19 , lit-on dans le rapport. L’épidémie de la Covid-19 a provoqué une crise économique d’une profondeur inédite qui a révélé les faiblesses du tissu productif national et altéré fortement son potentiel de croissance.

    Selon les membres de la CSMD, cette crise nécessite une action volontariste pour la sauvegarde des entreprises, et laisse présager de nouvelles opportunités avec le développement des industries de la vie et la relocalisation des chaînes d’approvisionnement, qu’il s’agira de saisir pleinement par une libération de l’initiative entrepreneuriale et par l’émergence d’une nouvelle génération d’entreprises porteuses de transformation productive.

    Sécuriser l’initiative entrepreneuriale

    La sécurisation de l’initiative privée vise à garantir des règles stables et impartiales à tous les opérateurs économiques qui doivent trouver dans l’administration publique un partenaire de confiance.

    La libération des énergies entrepreneuriales requiert une amélioration notable de l’environnement des affaires pour résorber les foyers de blocage, d’incertitude et de corruption. Pour instaurer une nouvelle relation de confiance, les membres de la CSMD proposent entre autres d’éliminer de manière systémique les barrières administratives et réglementaires.

    À cela doit s’ajouter impérativement une concurrence saine et une régulation renforcée. Garantir un fonctionnement sain et concurrentiel des marchés est une condition nécessaire à la dynamisation de l’initiative privée. Et ce sans oublier une meilleure protection des entreprises grâce à des mécanismes de recours efficaces.

    Orienter les acteurs économiques vers les activités productives

    Selon le rapport de la CSMD remis au Souverain par son président, Chakib Benmoussa, les interventions publiques doivent encourager les opérateurs privés à s’orienter vers de nouvelles activités porteuses de modernisation, de diversification, de montée en gamme et d’internationalisation.

    Pour concrétiser cet objectif, plusieurs actions sont formulées notamment l’élaboration d’une politique nationale de transformation économique pour libérer le potentiel de croissance du Maroc sur tous les secteurs. Ceci doit impérativement s’accompagner par la mise en place d’un mécanisme de pilotage et de mise en œuvre harmonisés pour réaliser les ambitions sectorielles stratégiques.

    Le rapport appelle à une révision du cadre incitatif pour orienter les investisseurs vers les activités productives et soutenir plus fortement le développement des PME. De même que financer de manière volontariste la diversification productive et la montée en gamme de l’économie. Un accompagnement des entreprises pour renforcer leurs capacités managériales, organisationnelles et technologiques est également préconisé.

    Par ailleurs, le rapport recommande la mise en place d’un cadre favorable pour promouvoir l’innovation au sein des entreprises et faire émerger des start-ups de dimension régionale et mondiale.

    Il réitère l’importance de la commande publique comme levier stratégique de développement productif. Enfin, le rapport appelle à intégrer l’informel par une logique incitative, progressive et adaptée à la nature des acteurs.

    Réaliser un choc de compétitivité

    Un choc de compétitivité est indispensable pour créer les conditions de la transformation productive et concrétiser la vocation du Maroc en tant que hub régional attractif pour les investissements.

    Bien que le Maroc dispose de nombreux atouts compétitifs, les facteurs de production sont relativement chers au regard de leur qualité, ce qui limite la compétitivité des entreprises marocaines et pénalise l’attractivité du pays auprès des investisseurs étrangers.

    Le nouveau modèle de développement préconise quatre actions pour que le Maroc devienne le pays le plus compétitif de la région en investissant dans la qualité des facteurs de production et en réalisant les réformes structurelles nécessaires pour optimiser leurs coûts.

    Il s’agit particulièrement de réduire les coûts de l’énergie par la réforme du secteur et le recours aux énergies renouvelables et à bas carbone, ainsi que de réduire les coûts logistiques et améliorer la qualité des services par la restructuration du secteur.

    Le rapport souligne l’impératif de développer des zones d’activité de qualité et à prix compétitifs accessibles à toutes les entreprises et de faire du numérique et des capacités technologiques un facteur majeur de compétitivité, de modernisation des entreprises et de développement de nouveaux métiers et secteurs en phase avec les transformations mondiales.

    Il appelle par ailleurs à un dialogue social régulier intégrant les transformations en cours et à venir du monde du travail.

    Un cadre macroéconomique au service du développement

    La stabilité et la compétitivité du cadre macroéconomique sont déterminantes pour l’initiative privée.

    Le Maroc bénéficie d’un environnement macroéconomique et d’un système financier stables qu’il convient de préserver. Néanmoins, ce cadre doit être amélioré pour servir davantage la croissance économique, à travers quatre actions :

    1. Optimiser les dépenses budgétaires par de nouveaux instruments de gestion.
    2. Réduire la charge fiscale pesant sur les activités productives et concurrentielles.
    3. Prendre en compte l’objectif de multiplication des acteurs et de diversification des mécanismes de financement de l’économie dans les politiques monétaires et bancaires.
    4. Mettre en place les conditions pour développer les marchés des capitaux.

    Faire émerger l’économie sociale comme pilier de développement

    Aux côtés du secteur privé et du secteur public, le nouveau modèle vise à faire émerger plus fortement le troisième pilier de développement porté par l’économie sociale. Ce pilier sera animé par une diversité d’acteurs afin de concilier activité économique et intérêt général (associations, coopératives, entreprises sociales, etc.).

    Il s’agit de rompre avec une vision de l’économie sociale dominée par les activités de subsistances à faible valeur ajoutée pour en faire un secteur économique à part entière, porté par des entrepreneurs dynamiques, structurés et innovants, pourvoyeur d’emplois en complémentarité avec les emplois marchands et publics, producteur de services publics notamment dans la santé et l’éducation, et vecteur de promotion des territoires.

    Trois actions sont proposées pour initier la dynamique d’émergence de la nouvelle économie sociale.

    D’abord, adopter un cadre fondateur pour la nouvelle économie sociale. L’émergence d’une nouvelle économie sociale est une innovation majeure du Nouveau Modèle de Développement.

    Ensuite, promouvoir la délégation de services publics aux acteurs de l’économie sociale par une démarche expérimentale. Certains domaines prioritaires du nouveau modèle de développement peuvent mettre à contribution l’économie sociale à travers la délégation de services publics, notamment dans les domaines de la santé, l’assistance sociale, l’éducation, la petite enfance, la culture, l’économie circulaire et l’insertion professionnelle.

    Enfin, développer l’entrepreneuriat social innovant.

    Afin de structurer les acteurs de l’économie sociale et faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs sociaux innovants, il est proposé de :

    • mettre en place des programmes d’accompagnement dédiés à l’entrepreneuriat social dans les territoires, à travers notamment des incubateurs spécialisés ;
    • développer des centres de recherche et développement pour l’innovation sociale en collaboration avec les établissements d’enseignement supérieur destinés à élaborer et diffuser des pratiques innovantes productrices d’impact ;
    • créer un nouveau statut juridique adapté à l’entreprise sociale.

    Prospérité, capacitation ( empowerment ), inclusion, durabilité, et leadership régional : tels sont les objectifs de développement fixés par les membres de la CSMD pour changer la face du Maroc d’ici 2035. Reste à savoir si ladite commission sera au rendez-vous.

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      « Tirailleurs » avec Omar Sy est « un film assez juste sur le plan historique », commente un historien

      Mathias Poujol-Rost ✅ · Sunday, 8 January - 14:48 edit

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      Coupe du monde de football : la défaite du Maroc n’est pas celle de l’Afrique

      Jean-Michel Lavoizard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 16 December - 04:30 · 3 minutes

    Au lendemain d’une demi-finale attendue de la Coupe du monde de football, la défaite (par 2 buts à 0) de l’équipe du Maroc n’est pas plus celle de l’Afrique que la victoire des « pays du Nord », d’Europe, sur les « pays du Sud ».

    On ne s’étendra pas ici sur les allégations soutenues de corruption dans le processus d’organisation des championnats internationaux de football, y compris de cette Coupe du monde exotique et controversée au Qatar, que renforcent les scandales actuels de conflits d’intérêts, de trafic d’influence et d’enrichissement illicite au sein de l’Union européenne. La série Netflix bien documentée FIFA : Ballon rond et corruption , éclairante sur le règne croissant de l’argent sans odeur dans le milieu du football professionnel depuis cinquante ans suffit à dégoûter tout public exigeant sur les valeurs supposées saines du sport.

    Autre tendance, depuis l’Afrique on entend avec lassitude les nombreux et bruyants commentaires média politisés et idéologisés en provenance de la France sur cette Coupe du monde.

    Les « décoloniaux » français, Français de souche renégats ou d’adoption ingrats, voudraient imposer dans ce feuilleton mondialisé le scenario d’une revanche imaginaire. La vengeance fantasmée des pays du Sud (Noirs et métissés) où ils ne vivent pas, contre ceux du Nord (Blancs) où ils ne s’intègrent pas ; des opprimés qu’ils n’ont jamais été contre d’anciens dirigeants dont ils ne retiennent que les excès ; des victimes d’un passé qu’ils invoquent indument contre leurs exploiteurs dont ils convoquent injustement les descendants au tribunal mémoriel. Les Français éclairés d’aujourd’hui intenteraient-ils un procès contre l’Italie, au titre de dommages infligés par l’Empire romain dont les bienfaits de la colonisation ont largement contribué au développement ?

    Cette tentative idéologique de récupération et de manipulation s’appuie sur une vision simpliste, anhistorique et décontextualisée.

    En effet, cette vision assimile le Maroc, pays du Maghreb, à l’Afrique. Or, le continent africain se définit avant tout par sa diversité politique, ethnique et culturelle. Le projet de panafricanisme reste plombé par des ambitions rivales, nationales et claniques.

    Le roi Mohammed VI a fait sienne cette phrase de son père , Hassan II :

    « Le Maroc est un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe » .

    Or, depuis le ralentissement de la croissance économique en Europe, il mène une campagne très active de diplomatie politique et d’investissement économique sur le continent africain pour rejoindre la CEDEAO (Communauté Économique des Pays d’Afrique de l’Ouest), tout en maintenant des liens particuliers avec les pays du pourtour méditerranéen et une relation spéciale avec les États-Unis (premier pays à avoir reconnu le Maroc). Cette ambition dominante d’un puissant pays arabo-musulman souvent admiré et respecté en Afrique suscite toutefois une certaine crainte de domination auprès des populations d’Afrique noire, occidentale et centrale.

    Lors de cette demi-finale, tandis que l’équipe du Maroc (composée exclusivement de Marocains de souche) était unanimement soutenue par les pays musulmans d’Afrique, du Golfe et d’ailleurs, de nombreux Africains d’Afrique noire soutenaient ouvertement l’équipe de France pour la raison politique évoquée et du fait de sa composition ethnique très métissée dans laquelle ils se reconnaissaient.

    Dans La haine de l’Occident , essai publié en 2008, Jean Ziegler, ancien député socialiste de Genève et rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, confondait les termes « Occident, Nord, Blancs » pour cibler et justifier la « méfiance viscérale » des pays de l’hémisphère sud face à leur arrogance et à leur aveuglement, et « l’exigence de réparations » de leurs « crimes historiques ».

    Soixante ans après les indépendances, cette rhétorique persistante et dépassée entre Nord et Sud exonère toute responsabilité des dirigeants et des peuples africains dans leur sous-développement chronique. On retiendra et soutiendra plutôt cet appel final et salutaire de Jean Ziegler :

    « C’est dans leurs cultures autochtones, leurs identités collectives, leurs traditions ancestrales, que les peuples du Sud puiseront le courage d’être libres. ».

    En attendant, on espère voir avant tout du sport de qualité dans la finale prochaine d’une Coupe du monde décidément très politisée.

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      Francophonie, état des lieux

      Yves Montenay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 11 December - 04:30 · 18 minutes

    Début 2015, dans La langue française : une arme d’équilibre de la mondialisation je dressais un panorama de la situation du français dans le monde, point d’appui pour les militants de la langue française et avec l’espoir de les multiplier.

    Sept années ont passé, voyons comment la situation a évolué.

    Les Français ont l’impression que leur langue est en recul

    Ils constatent l’invasion des mots anglais dans leur environnement et l’usage de l’anglais à Bruxelles malgré le Brexit.

    À l’inverse les études de l’OIF sont plutôt optimistes et les déclarations d’ Emmanuel Macron au sommet de la francophonie à Djerba 19 novembre 2022 sont offensives, bien qu’il évoque un recul dans le même discours : « La francophonie s’étend par la démographie de certains pays […] mais il y a aussi des vrais reculs ».

    Mon livre sur la francophonie exposait l’histoire du français et sa situation géographique et professionnelle. Il signalait notamment que, sauf postes ou métiers particulier, l’utilisation de l’ anglais dans l’entreprise n’allait souvent pas dans le sens de l’efficacité .

    Sept années ont passé

    Voyons comment la situation a évolué.

    Ceux qui veulent des explications plus détaillées pourront se référer à mes récents articles sur la francophonie que je signalerai au passage au fur et à mesure de cet état des lieux.

    Tout d’abord le nombre de francophones est en forte augmentation, atteignant 321 millions, selon l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie). Pour la petite histoire, je rappelle que Philippe Rossillon m’avait chargé il y a une cinquantaine d’années de compter le nombre mondial de francophones. Nous en avions trouvé alors entre 60 et 70 millions. Il y en a donc aujourd’hui cinq fois plus.

    La France est toujours le principal pays francophone mais ne représente maintenant qu’un francophone sur cinq (20 %).

    La montée de l’anglais en France

    Dans notre pays les défenseurs du français sont pessimistes car ils constatent un envahissement du vocabulaire et des noms propres (entreprises, marques…) par des mots anglais auxquels s’ajoutent maintenant des expressions, mais pas (encore ?) des phrases entières.

    Et une grande partie des contacts avec l’étranger, que ce soit en France ou hors de France, se font en anglais. Pour cette raison, et « pour l’avenir de nos enfants » les parents poussent les institutions de l’enseignement supérieur à avoir de plus en plus de cours en anglais.

    Certains relativisent cette anglicisation du vocabulaire : « Si certain nombre d’anglicismes sont poussés par les nouvelles technologies, il y a une vivacité de la langue française qui les remplace peu à peu et des anglicismes d’il y a trente ans ont disparu des dictionnaires. »

    Cet envahissement du français s’est accéléré après la Première Guerre mondiale et surtout la Deuxième dans un contexte de domination économique et culturelle des États-Unis. L’inflation de l’usage de l’anglais est manifeste aussi bien dans les milieux dirigeants du fait de leurs obligations internationales que dans des milieux populaires, via les films, chansons, marques et autres moyens de l’influence américaine.

    Depuis quelques dizaines d’années s’ajoute à cette influence américaine un usage de l’anglais plus technique et indépendant de l’américanophilie, celui d’une langue internationale commune. Bref l’anglais n’est plus seulement la langue du monde anglo-saxon et de ses anciennes colonies mais aussi une sorte de « latin du Moyen Âge » à l’occasion de la mondialisation.

    Dans les entreprises et institutions, grande est l’influence des services chargés de la communication. Ils flattent leurs dirigeants en leur faisant miroiter une audience internationale alors que ce n’est pas toujours le cas et que la numérisation leur permet aujourd’hui de segmenter la communication par langue. Parallèlement, la traduction automatique est devenue de bonne qualité à l’écrit et progresse à l’oral.

    Face à cette évolution, les militants de défense de la langue crient à la trahison alors qu’il s’agit d’un choix considéré – à tort ou à raison – comme pratique ou inévitable.

    Les partisans de l’anglais, y compris dans la hiérarchie moyenne ses entreprises, sont impressionnés par l’usage de l’anglais parmi les couches supérieures et à l’étranger et ne demandent même plus à leur interlocuteur s’il parle français, alors que ça reste relativement fréquent dans beaucoup de pays : en Arabie Saoudite réputée anglophone, j’ai travaillé en français avec les très nombreux Libanais qui avaient des postes qualifiés.

    Oublier de poser la question : « Parlez-vous français ? » a des conséquences psychologiques catastrophiques puisque celui qui se voit aborder en anglais par un Français en déduit qu’il n’a aucun intérêt à apprendre le français.

    En politique, le français souffre d’être surtout défendu par la droite identitaire et une partie de la gauche, notamment les communistes. Bien qu’extrêmes, ces courants politiques insistent sur un argument tout à fait valide à mon avis : la langue française constitue une partie essentielle de la France.

    Mais à l’étranger, cette assimilation du français à la France peut être contre-productive.

    En effet, comme le soulignait le président Macron le 20 mars 2018, « Le français s’est émancipé de la France, il est devenu une langue monde ». Non seulement c’est exact et depuis longtemps : les officiers russes avaient beau être francophones, ça ne les empêchait pas de se battre contre Napoléon.

    Cette assimilation du français à la France irrite à l’étranger, un peu en Belgique, Suisse et Canada, mais surtout en Afrique ! Il faut insister sur le fait que le français y est une langue africaine et non une langue coloniale.

    De plus il est de notre intérêt et de celui de francophones de bien rappeler aux États-Unis, à la Chine et bien d’autres que le français ce n’est pas seulement la France, mais une bonne partie du monde et que 80 % des francophones sont aujourd’hui installés ailleurs qu’en France.

    Remarquons que ce que nous venons d’écrire à propos de la pression de l’anglais sur le français en France est valable pour toute l’Europe et d’autres parties du monde. Dans certains pays l’enseignement supérieur est totalement en anglais, ce qui déclenche d’ailleurs des réactions nationales. Quant à l’affichage et au vocabulaire, la situation est souvent pire qu’en France.

    En Europe, une lointaine deuxième place derrière l’anglais

    En Belgique, au Luxembourg et en Suisse

    Outre la France, l’Europe comprend trois pays francophones : la Belgique, le Luxembourg et la Suisse.

    En Belgique et en Suisse, le français est minoritaire et la situation linguistique est figée, dans le calme dans ce dernier pays mais dans l’hostilité réciproque en Belgique, tandis que le plurilinguisme avec l’allemand et le luxembourgeois l’emporte massivement au Luxembourg.

    Dans ces trois pays le français est enseigné à l’ensemble de la population.

    En Suisse où le poids du français augmente doucement tout en restant très minoritaire (21 %), son enseignement est critiqué comme deuxième langue dans la partie germanophone qui préférait l’anglais, demande refusée jusqu’à présent.

    Le reste de l’Europe

    En dehors de ces trois pays partiellement francophones, le français est la deuxième langue enseignée après l’anglais, mais loin derrière, et dans les pays où il y a deux langues étrangères au programme.

    Il garde une place honorable dans certains pays : la Roumanie, Chypre et le Portugal mais inférieure à l’époque où il était obligatoire comme représentant la culture humaniste. Concernant notre plus important partenaire européen, l’Allemagne, seulement 15 % des élèves de chaque pays apprennent la langue de l’autre.

    Mais quand on parle du français en Europe, beaucoup pensent à sa place dans des institutions européennes, symbolisées par le mot « Bruxelles ». À ne pas confondre avec la capitale de la Belgique, francophone à 85 %.

    Le Brexit n’a pas freiné le recul du français à Bruxelles

    L’Union européenne de Bruxelles a commencé à fonctionner en français seulement, puis en français et anglais à partir de l’acceptation de l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne par Georges Pompidou.

    Depuis l’admission des pays d’Europe centrale et orientale, la part du français à Bruxelles s’est malheureusement écroulée.

    Aujourd’hui, malgré le Brexit, l’anglais est devenu langue commune dans les institutions européennes.

    Cela s’explique par le remplacement du français par l’anglais pour les nouvelles générations des cadres européens qui ont été diplômées aux États-Unis.

    C’est particulièrement le cas en Europe centrale et orientale, où la bourgeoisie francophone a été éliminée par les nazis puis les communistes et où se sont précipitées des universités américaines et leurs bourses dès la chute du mur en 1990. La langue commune entre un Français et un Tchèque est maintenant l’anglais.

    Résultat : l’ usage du français dans l’Union européenne post Brexit est devenu marginal.

    E n 2017, 84,4 % des textes pour lesquels une traduction est demandée à la Commission européenne étaient en anglais, 2,6 % en français, 2 % en allemand. » ( source Vie Publique )

    Au Québec, une francophonie contrastée

    En Occident, on cite souvent le Québec comme un autre pays francophone. La réalité est plus complexe.

    Le Québec est juridiquement et économiquement une province canadienne où l’anglais a les mêmes droits que le français malgré quelques textes symboliques.

    De plus le Canada est un pays confédéral où le pouvoir est partagé entre Ottawa, à dominante anglophone, et Québec. À titre d’illustration, remarquons que le Québec et, séparément, le Canada font tous les deux partie de l’Organisation Internationale de la Francophonie.

    Le poids du français dans l’ensemble du Canada diminue du fait du développement de certaines provinces plus rapides que le Québec et donc de l’immigration qui les alimente. Il n’est plus aujourd’hui que de 23 % de la population canadienne, auxquels on peut ajouter quelques points d’anglophones bilingues.

    Au Québec, la métropole de Montréal, 2,7 millions d’habitants, se « bilinguise » de plus en plus. La majorité francophone y est minorisée, notamment par le nombre d’Américains et de Canadiens anglophones de passage. Ça ne se constate pas statistiquement mais plutôt culturellement.

    Un symptôme en est qu’une petite partie de la jeunesse francophone veut y faire ses études secondaires en anglais : « En 2018, 3000 étudiants de langue maternelle française sont inscrits au cégep (enseignement secondaire ) anglais à Montréal » avec comme résultat paradoxal de diriger l’argent des contribuables québécois vers l’anglicisation . « Ce nombre a doublé depuis 1995. Et si les immigrés francophones (maghrébins, africains, haïtiens) se tournent vers l’enseignement en français, les autres s’inscrivent massivement au cégep anglais. » Et ces immigrants francophones ne suffisent pas pour maintenir l’effectif de l’enseignement secondaire en français du fait de la chute de la fécondité des Québécois.

    Ce phénomène, parmi d’autres, illustre une certaine diminution de l’identité québécoise à Montréal : la « révolution tranquille » de 1963 qui avaient relancé le français au Québec s’appuyait sur le mépris de la minorité anglophone. Maintenant que ce mépris a largement disparu, la motivation communautariste en faveur du français a diminué : la révolution est menacée par son succès !

    Par contre, presque tout le reste du Québec est largement unilingue français et y assimile les immigrants.

    La situation en Afrique contraste avec ce tour d’horizon globalement pessimiste.

    Grands progrès du français en Afrique

    En francophonie, il y a le Maghreb et l’Afrique subsaharienne.

    Au Maghreb, on note à juste titre la pression de l’arabe par l’enseignement et les médias de la péninsule arabique, et celle de l’anglais, favorisée par la mondialisation et les gouvernements. Mais tout cela fait oublier la profonde imbrication des sociétés maghrébines et francophones du nord, concernant tant les entreprises que les individus avec des familles à cheval sur le nord et le sud et de nombreuses entreprises et institutions fonctionnant en français.

    Dans la presque totalité des pays francophones d’Afrique subsaharienne, l’enseignement primaire, secondaire et supérieur se fait quasiment exclusivement en français. Le problème pour l’instant est que les niveaux d’éducation et d’alphabétisation y sont particulièrement faibles.

    Le nombre de francophones africains – plus de de 200 millions – y est donc en augmentation rapide, sauf dans les zones de guerre au Sahel où l’école recule.

    En effet, dans le monde entier, lorsque l’école n’est enseignée qu’en une seule langue et que cette dernière est différente de la ou des langues parlées ( comme c’était le cas en France jusqu’au début du XX e siècle où les langues locales étaient largement pratiquées), la langue de l’école s’impose en trois générations.

    Or, en Afrique francophone, si la scolarisation est loin d’être générale, il y a de plus en plus d’endroits où la troisième génération a été formée en français ; et à cela s’ajoute une croissance démographique rapide. Plusieurs mondes cohabitent donc, l’un « vraiment » francophone, l’autre multilingue et d’autres où le français est peu ou mal connu.

    La zone où le français est parlé à la maison touche ainsi surtout les zones de scolarisation ancienne, notamment la zone côtière de la Côte d’Ivoire au Gabon et la bourgeoisie des villes.

    Richard Marcoux, spécialiste en la matière, en déduit un plurilinguisme africain généralisé.

    Je vais plus loin : une langue parlée à la maison est une langue maternelle quelles que soient les autres langues connues. Le français est donc (aussi) une langue africaine.

    Les régions bilingues et parfois multilingues sont notamment celles de la zone du bambara au Mali ou du wolof au Sénégal.

    Et les régions où le français était peu implanté du fait de la faible scolarisation sont aussi celles des régions sahéliennes plus ou moins sous le contrôle de divers groupes djihadistes et d’où les représentants de l’État, notamment les instituteurs, sont souvent partis.

    Les djihadistes interdisent l’école aux filles et envoient les garçons à l’école coranique où l’on n’apprend ni la langue locale ni le français… ni aucune autre matière utile au développement du pays d’ailleurs.

    La République démocratique du Congo, ex Congo belge, mérite une place à part du fait de ses quelques 110 millions d’habitants.

    Le colonisateur belge a eu la sagesse de ne pas y introduire le flamand. Le français s’y diffuse et il y a maintenant une cinquantaine de millions de francophones d’après l’OIF.

    Enfin, la diffusion de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar a illustré la francophonie des équipes africaines auprès de 5 milliards de téléspectateurs.

    La francophonie n’empêche pas la francophobie

    Il y a une explosion, au moins apparente, de francophobie notamment au Mali et au Burkina.

    Je dis « au moins apparente » parce qu’une partie des manifestants et des intervenants sur les réseaux sociaux seraient largement payés par les Russes. Mais il est difficile d’en connaître la proportion.

    En tout cas ils noient les messages beaucoup plus réalistes de ceux qui alertent sur les dangers russes et sur les conséquences militaires et humanitaires d’une rupture avec la France. Et la propagande malienne se déchaîne, diffusée par la junte au pouvoir au Mali, appuyée par les mercenaires russes qui se payent sur la production d’or locale.

    Le charnier de Gossi proclamé comme provenant de l’armée française , s’est révélé être du fait des Russes comme les images aériennes l’ont prouvé, tandis qu’un ministre malien a proclamé à l’ONU que les djihadistes étaient armés par la France , nouvelle intox avérée.

    Vous pouvez lire par exemple les réactions sur « le ressentiment anti-français » dans Jeune Afrique ou la situation dégradée de la France au Sahel.

    Je publie mes articles sur des groupes Facebook africains pour voir les réactions du public et je constate une francophobie délirante et une idéalisation des Russes qui semble un peu artificielle, les « vive Poutine ! » apparaissant quel que soit le sujet de discussion.

    Quoi qu’il en soit, l’excès des propos est tel qu’il me paraît inévitable qu’il retombe, d’autant qu’il a de plus en plus de personnes sérieuses rappelant l’importance de la diaspora en France : « et si la France les renvoyait en Afrique ? » ou encore l’importance des ONG financées par la France… que le Mali vient justement d’interdire.

    À l’époque de la Françafrique, le régime malien aurait été balayé par la France ou par un parti soutenu par elle. Il est probable que certains Maliens demandent à la France de le faire mais elle ne veut pas retomber dans les accusations de néocolonialisme particulièrement exacerbées actuellement.

    Le reste du monde : de la culture à Internet

    Dans le reste du monde, le français qui était une langue de culture et à ce titre la deuxième langue des élites de nombreux pays, y compris l’empire ottoman, a perdu une partie de ce statut.

    En effet ces élites ont souvent été éliminées suite aux révolutions (URSS, Europe orientale, Turquie, Iran, Indochine…).

    Une autre raison est que la culture est devenue moins littéraire et davantage sociologique, économique, technique… Bref plus utilitaire.

    Mais on peut également remarquer l’absence de fortes personnalités françaises de réputation internationale.

    Certes, les deux derniers prix Nobel de littérature, Patrick Modiano en 2017 et Annie Ernaux en 2022 nous mettent encore en situation honorable ainsi que le grand succès de Guillaume Musso, peut-être le français le plus lu depuis onze ans avec 1 278 000 exemplaires vendus en 2021.

    Certes également le déclin relatif de la littérature française est en partie normal puisqu’au fur et à mesure de leur développement, les élites des pays concernés prennent leur place. Ce phénomène touche tous les pays occidentaux, pour la production littéraire comme pour l’économie en général.

    Certes encore, la culture française s’appuie sur son passé : Jules Verne est le deuxième auteur le plus traduit au monde, après Agatha Christie. D’autres disent que Le petit prince est le livre le plus traduit au monde après la Bible et le Coran.

    Mais la francophonie culturelle va maintenant probablement être relayée par une percée de l’élite africaine.

    Le phénomène a déjà joué dans le monde anglophone avec les succès des auteurs indiens, dont Salman Rushdie et d’innombrables écrivains africains et antillais. En langue française, citons Alain Mabankou, l’écrivain africain francophone le plus connu. Mais il enseigne aux États-Unis à l’UCLA (Los Angeles), et non dans un pays francophone… tout comme Souleymane Bachir Diagne, autre figure francophone internationalement connue, mais en histoire et sociologie cette fois.

    Le reste du monde, c’est aussi Internet.

    Dans ce domaine, citons Daniel Pimienta, le responsable de l’ Observatoire de la diversité linguistique et culturelle dans l’Internet qui nous donne les chiffres de 2022 : on y voit que l’anglais est maintenant très minoritaire sur Internet et a été rejoint par le mandarin (langue officielle de la Chine), avec 20 % des contenus de la Toile pour chacune de ces deux langues (moyenne des fourchettes ci-dessous). On constate également la grande diversité des langues de la Toile :

    Les langues dans l

    Après l’espagnol, le français est maintenant en 4ième place avec le russe, l’hindi, le portugais et l’arabe. Je pense que ces deux dernières langues, ainsi que peut-être le russe, seront bientôt distancées par le français pour des raisons démographiques et géopolitiques.

    Pour l’avenir, deux tendances contradictoires vont s’affronter : d’une part le raccordement Internet des populations indiennes s’exprimant en hindi (au moins 500 millions) ; et d’autre part le raccordement de l’Afrique francophone.

    Au-delà de ce classement, l’avenir de la francophonie se joue en partie dans les câbles et les satellites.

    En conclusion : l’Afrique et la dégradation de l’anglais

    Finalement on s’aperçoit d’un glissement du français du statut de langue de culture de tout l’Occident et d’une partie du reste du monde à celui d’ une langue de masse , notamment africaine. Et c’est ce volet africain qui devrait assurer son avenir !

    Mon éternel optimisme m’amène également à penser qu’un renouveau culturel est possible, forcément partiellement africain, du fait de la banalisation de l’anglais.

    Ce dernier pourrait souffrir de sa dégradation au rang de globish , une langue simplifiée et réduite à un rôle de communication basique. On peut alors rêver pour le français d’une place analogue à celle du grec de l’empire romain…

    Sur le web