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      Le tombeau de Lénine et le bunker de Poutine

      Pascal Avot · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 10 December, 2022 - 03:40 · 8 minutes

    S’il existe un centre du monde idéologique, c’est le mausolée de Lénine , à Moscou, sur la Place Rouge, devant les murailles du Kremlin . Une pyramide de marbre rouge abritant le corps embaumé du fondateur du premier régime totalitaire, leader intellectuel et politique à nul autre pareil, qui a eu des centaines de millions de disciples au XX e siècle, et dont la pensée et l’action ont provoqué les plus grandes catastrophes humaines jamais vues sur Terre. L’histoire de ce monument est étrange depuis sa conception, et son actualité ne l’est pas moins. Elle nous éclaire sur la nature du régime soviétique, sur le talent maléfique de Staline et, plus près de nous, sur l’âme de Vladimir Poutine.

    Le 21 janvier 1924, Vladimir Illitch Oulianov décède. Sa mort n’est pas une surprise : gravement malade depuis des années, paralysé, isolé dans sa datcha de Gorki, incapable d’exercer le pouvoir dans les derniers mois, il s’est éteint lentement. Il laisse derrière lui son grand-œuvre : un régime politique entièrement neuf, qui n’a que sept ans d’âge, mais qui a déjà traversé des bouleversements considérables. Révolution , nationalisations, collectivisation, guerre civile, famines, terreur, camps de concentration : en un temps record, le communisme, prodige en secousses effroyables, a failli s’effondrer plusieurs fois sous le poids de ses délires. Il n’a tenu bon que grâce à l’inconséquence de ses adversaires, à la brutalité de ses forces de l’ordre, à ses massacres et au magistral opportunisme de son chef. Le soviétisme doit désormais apprendre à vivre sans lui. La tâche est rude.

    Le temple du communisme

    Dans les heures qui suivent l’arrêt du cœur de Lénine, les dirigeants communistes ont une intuition : son enterrement doit être spectaculaire, à la hauteur de la destinée d’un obscur militant devenu, à la force de ses idées et de sa volonté, le centre de gravité du pays le plus vaste au monde. Les obsèques de Lénine doivent être celles d’un fondateur, d’un héros et d’un géant. Sa tombe doit exprimer toute la puissance du bolchévisme. Elle ne peut être comparable qu’à ce que l’humanité a produit de plus spectaculaire en matière funéraire. Or, depuis quatre mille ans, nul n’a jamais fait mieux que les pharaons. Ce sera une pyramide.

    Le projet est confié à Alexeï Chtchoussev, architecte cultivé qui maîtrise à la fois l’esthétique classique et le constructivisme révolutionnaire. Il est l’homme idéal pour imaginer un bâtiment à la fois intemporel et novateur. Il s’inspire du mausolée de Cyrus le Grand, fondateur de l’empire perse et conquérant accompli. Une pyramide de bois est construite sur la Place Rouge – ce n’est qu’en 1930 qu’elle sera remplacée par une nouvelle, en belle pierre rouge sombre. Un professeur d’anatomie et un biochimiste sont chargés d’embaumer le corps du défunt.

    Lénine meurt, une divinité naît

    À ce stade, Lénine n’est encore qu’un dirigeant athée mort dans un pays athée, auquel ses successeurs entendent rendre un impressionnant hommage. C’est l’intelligence politique de Staline qui va en faire un icône. De son vivant, Lénine faisait déjà l’objet d’un culte de la personnalité : dès les origines, la glorification du leader est inséparable du communisme (à l’exception de sa variante cambodgienne, où Pol Pot est inconnu, invisible et se fait appeler Frère Numéro Un), mais Staline va le sanctifier, le diviniser.

    Écoutons un extrait de l’éloge funèbre qu’il prononce une semaine après le décès du guide d’Octobre :

    « Lénine était né pour la révolution. Il fut véritablement le génie des explosions révolutionnaires et le plus grand maître dans l’art de diriger la révolution. Aux tournants révolutionnaires, il s’épanouissait littéralement, il acquérait le don de double vue, il devinait le mouvement des classes et les zigzags probables de la révolution, comme s’il les lisait dans les lignes de sa main. »

    Nous voyons ici se mettre en place un des coups tactiques les plus brillants de la carrière de Staline : en présentant Lénine comme un surhomme surplombant non seulement les masses, mais également l’Histoire, il se présente comme celui qui comprend le mieux le génie de Lénine. Il est donc son digne héritier, donc un génie lui-même. Avec ce discours, il invente le stalinisme. La pyramide sur la Place Rouge symbolise alors, à travers la personne de Staline, la pérennité du dogme, l’éternité du bolchévisme. Il n’y a de divinité que Lénine, mais Joseph est son grand-prêtre, son seul prophète : le nouveau corps de l’Esprit révolutionnaire. Lénine s’est dématérialisé, Staline l’incarne. Il est le Fils. Des dizaines de millions d’innocents seront sacrifiés sur l’autel de cette religion : la mégalomanie nihiliste fait des miracles.

    Les aventures de la momie

    Le mausolée sera le plus haut lieu de pèlerinage de l’empire soviétique. Six décennies durant, des dizaines de millions de communistes, russes et étrangers, défileront au pas dans ce sous-sol sombre et abstrait, pour apercevoir leur tortionnaire dans son cercueil de verre.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, Staline est épouvanté à l’idée que les nazis s’emparent de la momie de Lénine. Il le fait transporter à Tioumen, en Sibérie, sous haute garde militaire et scientifique. La sainte relique du bolchévisme doit être intouchable. À sa mort, momifié à son tour, Staline rejoint Lénine dans la pyramide, la boucle est bouclée. Toutefois, afin de doter la déstalinisation d’un symbole frappant, Krouchtchev exilera sa dépouille dans une tombe plus humaine, sous un buste, à quelques mètres du mausolée. Lénine sera de nouveau seul en son temple. Ni Krouchtchev, ni Brejnev, ni Andropov, ni Tchernenko, ni Gorbatchev n’oseront l’en déloger, et c’est bien normal, puisque toute la crédibilité du soviétisme repose sur la surhumanité de Lénine.

    Plus étonnamment, Eltsine, qui parvient pourtant à détruire l’URSS sans prendre de gants, ne touche pas à la dépouille de Lénine. Il la laisse dans son mystérieux antre géométrique, comme si l’en extraire pouvait porter malheur.

    Poutine et le fantôme

    Poutine le remplace. Lui non plus, ne déplace pas Lénine. De nombreuses voix chrétiennes s’élèvent pour exiger une inhumation en règle de la momie, et qu’on en finisse avec cette exposition macabre d’un assassin de masse sous les yeux des touristes.

    En décembre 2019, poutine leur répond :

    « Quant au corps de Lénine, je crois qu’il devrait rester où il est, du moins tant qu’il y aura – et il y a beaucoup de gens ici – qui y voient un lien avec leurs vies, leurs destins et certaines réalisations du passé, les réalisations de l’ère soviétique. »

    Cette phrase mérite d’être étudiée à la loupe. Que dit Poutine entre les lignes ?

    Que, tant qu’il y aura des nostalgiques du communisme, Lénine restera où il est. Et n’allons pas croire qu’il fait preuve de compassion pour les anciens combattants. C’est de lui qu’il parle. Poutine est un produit du KGB, de l’Union soviétique, donc du cerveau de Lénine. Il sait d’où il vient. Il n’est pas communiste, mais il est viscéralement attaché à la tyrannie du léninisme. Elle l’a fait. Elle lui a appris le cynisme, l’espionnage, la répression, la désinformation, la manipulation, l’arrogance, la menace, la corruption et le racket. Poutine n’a pas les dons de Lénine pour l’argumentation conceptuelle et pour l’improvisation dans le feu de l’action, mais il en imite avec application les pires manières. On dit qu’il a une sincère admiration pour Staline, ce qui est fort crédible. Mais, même s’il critique publiquement Lénine, qu’il accuse d’avoir démantelé l’empire et les traditions russes, c’est chez lui qu’il pioche la plupart de ses poisons.

    Le léninisme sans idéologie

    Quand on arrache à Lénine son costume de faux idéaliste et de vrai idéologue, il ne reste plus que du vice et du crime assumés. C’est chez ce Lénine pur, dégagé de toute théorie et de toute justification morale, que se ressource Poutine. Il n’est pas léniniste dans ses fantasmes, mais authentiquement léninien dans ses crimes. Sa froideur, son impersonnalité, son insensibilité, son ressentiment perpétuel, sa mentalité clanique, son élitisme écrasant tout sur son passage, sa prodigieuse capacité à berner ses proies, procèdent en droite ligne du léninisme. Pour Vladimir Vladimirovitch, enterrer Vladimir Illitch reviendrait à se suicider un peu.

    Quand elle offrira enfin à Lénine quatre planches, une parcelle dans un cimetière et quelques chants orthodoxes, la Russie pourra tourner la page maudite de son XX e siècle. En attendant, le fantôme totalitaire rôde toujours et, depuis neuf mois, Poutine vit dans un bunker, hanté par ses rêves d’omnipotence.

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      Holodomor : le communisme n’a rien à envier au nazisme

      Pascal Avot · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 1 December, 2022 - 04:00 · 8 minutes

    Holodomor. Le mot est enfin entré dans l’usage courant en Occident. La question est maintenant : doit-il faire l’objet de la même attention que Shoah ?

    Holodomor signifie « la famine ». Il est le nom de la catastrophe survenue en Ukraine en 1932 et 1933. Six millions d’innocents perdent la vie dans des conditions cauchemardesques. Cette catastrophe n’est pas le produit de conditions météorologiques défavorables. Elle n’est pas non plus le simple fruit d’une politique agricole aberrante. Elle est un crime totalitaire parfait. L’assassinat méthodique, implacable, terrifiant, dans le plus grand silence, d’un peuple, les Ukrainiens, par un tyran, Joseph Staline.

    L’Holodomor est la conséquence mécanique du communisme lorsqu’il atteint le point culminant de sa trajectoire prédatrice : 90 ans après les faits et en pleine guerre, six millions de cadavres sortent de terre pour se présenter à nos consciences et demander des comptes à l’humanité entière.

    Pour Vladimir Poutine , ce glas qui sonne soudain sur les cinq continents est une très mauvaise nouvelle.

    Que s’est-il passé en 1932 et 1933 ?

    On peut résumer l’événement en trois étapes majeures.

    Première étape : durant les années précédentes, Staline a collectivisé avec une brutalité inouïe les campagnes de toute l’URSS. C’est la plus grande entreprise de destruction des campagnes jamais vue sur Terre (en attendant celle opérée par Mao, pire encore, 45 ans plus tard).

    Deuxième étape : la collectivisation stalinienne a bien entendu été un échec complet : ses plans quinquennaux mènent droit à la pénurie. Pour continuer à nourrir son empire, Staline lance donc une politique de réquisitions sans pitié du blé ukrainien. Jusqu’à la moitié des récoltes sont arrachées manu militari aux paysans, provoquant des centaines de milliers de morts de disette. Dos au mur, Staline commence par lâcher un peu de lest mais fidèle à sa politique du pire il se ravise et frappe plus fort que jamais.

    Troisième étape : le stalinisme se déchaîne sur l’Ukraine. Réquisitions maximalistes, déportations de masse, exécutions sommaires à la chaîne et le dernier verrou de l’enfer, le plus décisif : les Ukrainiens n’ont plus le droit de quitter leur pays. Les frontières sont hermétiquement fermées, le piège se referme. L’Ukraine entière devient un camp d’extermination par la faim. Et mourir de faim, ce n’est pas s’endormir : c’est souffrir atrocement, des semaines durant, à devenir fou. L’Ukraine devient une chambre de torture.

    Au printemps 1933, la situation atteint des dimensions inimaginables. L’agonie de tous sous les yeux de tous, le typhus galopant, le cannibalisme, règnent en maîtres sur les vastes paysages ukrainiens.

    Une femme écrit :

    « Les bonnes personnes sont mortes en premier. Celles qui ont refusé de voler ou de se prostituer sont mortes. Celles qui ont donné de la nourriture à autrui sont mortes. Celles qui ont refusé de manger des cadavres sont mortes. Celles qui ont refusé de tuer leur prochain sont mortes. Les parents qui ont résisté à l’anthropophagie sont morts avant leurs enfants. »

    Le consul italien en poste à Kharkov, témoigne :

    « Les personnes enflées sont transportées en train de marchandises à la campagne et abandonnées à 50-60 kilomètres de la ville de sorte qu’elles meurent sans qu’on les voie. »

    Difficile de résumer en quelques citations, forcément trop brèves, l’ampleur de l’abomination traversée par les Ukrainiens. On se contentera de rappeler que chez ce peuple très chrétien le cannibalisme se généralise. On tue son voisin pour le manger. On tue ses propres enfants pour les manger. Des enfants tuent d’autres enfants pour les manger. Staline a rendu impossible l’humanité.

    Staline l’a-t-il voulu ?

    Oui. Il s’est vengé sur l’Ukraine de l’échec de la collectivisation. Staline est un communiste sincère : il ne croit pas que le communisme puisse échouer. Si quoi que ce soit lui résiste, un traître se cache derrière. Le peuple ukrainien est un traître. Le traître doit mourir. Et s’il meurt en rampant, en pleurant, en mangeant de la boue pour tenter de survivre et s’il crève d’avoir mangé de la boue, c’est aussi bien. On ne comprend pas Staline si l’on laisse de côté sa légendaire cruauté. Les témoins sont formels : quand il est en colère, les pupilles de ses yeux virent au jaune. Inutile de croire en Dieu pour penser que Staline est diabolique.

    Six millions de victimes, donc. Six millions de suppliciés. Autant que ceux de la Shoah, en un temps un peu plus bref. Ici, il convient d’examiner de près le parallèle entre communisme et nazisme, qui agite tant la communauté des historiens depuis un demi-siècle.

    La thèse communément admise par l’opinion mondiale est que rien n’est pire que le nazisme. Cette thèse est fausse car elle laisse entendre que le communisme est « moins pire ». Or, c’est un mensonge savamment et inlassablement entretenu par les gauches politiques, intellectuelles et juridiques dans le seul but d’échapper à l’accusation suprême, ô combien méritée : « Vous autres, les rouges et tous vos alliés, vous ne valez pas mieux que les hitlériens ». Cette censure, peut-être la plus grande de notre temps, pèse sur nos intelligences, sur nos sensibilités et sur nos actes et nous devons nous en débarrasser définitivement. 2022 est le bon moment idéal pour le faire.

    Jean-François Revel disait que pour se faire une opinion en politique le plus efficace est de « commencer par compter les cadavres. » Sur ce point, le communisme supplante sans conteste le nazisme. Rien que le maoïsme tue intramuros autant d’humains en temps de paix que le Troisième Reich en temps de guerre mondiale et c’est sans inclure les hécatombes de Staline, Castro, Ceaucescu, Pol Pot, la dynastie Kim et consorts. Si les fosses communes sont le critère d’appréciation, le débat est clos : victoire par K.O du communisme.

    La différence fondamentale entre l’épouvante du nazisme et celle du communisme réside dans les camps d’extermination-express. Ni le stalinisme ni le maoïsme ne présentent d’usines comparables à celles d’Heinrich Himmler : Auschwitz, Belzec, Chelmno, Majdanek, Sobibor, Treblinka. Au Goulag, on meurt différemment et plus lentement. Dans les camps communistes asiatiques – maoïstes et nord-coréens par exemple -, on subit toutefois des atrocités pouvant raisonnablement sembler plus repoussantes encore que le sort des juifs qui descendent des trains de marchandises dans le brouillard polonais.

    Pour le reste, la destruction de la société, de l’économie, de la famille, de la culture, l’anéantissement de la civilisation et de la vie du sol au plafond, il faut noter que le nazisme ne se hisse au niveau du totalitarisme communiste le plus pur qu’entre 1941 et 1945. Pendant ces quatre années, la dictature, la trépanation du peuple et sa militarisation sont absolues, il n’y a plus un interstice pour la liberté et l’individu. Auparavant, le totalitarisme nazi est allé crescendo sans jamais égaler les standards du stalinisme de la Grande Terreur , du maoïsme du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle, ou de la Corée du Nord depuis déjà plus de soixante ans.

    Rien ni personne ne nous fera croire que notre propos consiste à relativiser l’abjection nazie. Elle est absolue. Tout le mal dit à son sujet est mille fois justifié. Tout le rejet qu’elle inspire est sacré. Mais il n’en est pas moins vrai que le communisme a fait davantage de mal et que surtout il continue à faire ce mal tandis que le national-socialisme n’existe plus que de manière éparse, groupusculaire et qu’il coulera sans doute de l’eau sous les ponts avant qu’il ne reprenne, où que ce soit, le pouvoir qu’il a perdu lorsque son prophète s’est logé une balle dans le crâne.

    Tout ceci considéré, on comprend mieux la férocité de la résistance ukrainienne depuis neuf mois. Les Ukrainiens n’oublient pas davantage l’Holodomor que les juifs ne classent la Shoah par pertes et profits.

    Si Poutine ne revendiquait pas l’héritage de Staline et s’il n’exprimait pas ouvertement une haine tenace pour l’Ukraine, la question se poserait autrement. Or, il se revendique bel et bien de cet héritage et il exprime bel et bien cette haine. La question ne se pose donc aucunement. Kiev a un droit imprescriptible à redouter le retour de l’Holodomor et à vouloir l’empêcher à tout prix. Et l’Occidental qui minaude devant ce réflexe de survie manque d’intelligence, de cœur, de mémoire et d’imagination. Tel un thuriféraire de Robert Faurisson, il se déshonore.

    Faut-il, comme le propose Anne Genetet, élue Renaissance des Français de l’étranger, que soit officiellement reconnu l’Holodomor comme un crime contre l’humanité ? Oui, car cela a une vertu pédagogique mais il ne faut surtout pas s’en tenir là. Le crime contre l’humanité soviétique commence dans les îles Solovki, au début des années 1920, quand Lénine crée les premiers camps de concentration et d’extermination communistes. Et il recouvre de son ombre hurlante 70 ans d’histoire russe, ukrainienne, bulgare, biélorusse…

    L’Holodomor n’est pas une exception : il est un mètre-étalon et c’est la raison pour laquelle il faut le connaître, le comprendre et le dénoncer sans faillir, tant que des Nord-Coréens mourront de faim dans leur pays fermé à double tour, tels des Ukrainiens des années 1920. Les derniers cas de cannibalisme y ont été recensés en 2012. Rien n’indique qu’il n’y en ait plus au moment où vous lisez ces lignes. L’Holodomor n’est pas terminé.

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      Poutine : l’anticommuniste sanctifie le communisme

      Pascal Avot · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 30 November, 2022 - 03:40 · 4 minutes

    L’époque soviétique est le couteau suisse de Vladimir Poutine . D’un coté, elle lui permet d’idolâtrer l’impérialisme russe à travers la victoire sur le nazisme ; de l’autre, l’idéologie communiste lui sert de repoussoir : il se présente comme l’homme qui ne la laissera jamais reprendre le pouvoir au Kremlin. Enfin, elle lui lègue en sous-main toutes sortes de techniques de gouvernement, de manipulation, de corruption, dont il a besoin pour structurer sa tyrannie. Si bien que selon les moments il utilise le passé soviétique soit comme un totem, soit comme un tabou, soit comme un mode d’emploi.

    Poutine et Cuba

    La semaine dernière, il a sanctifié la révolution cubaine.

    À Moscou, lors de l’inauguration d’une statue de Fidel Castro flambant neuve, de trois mètres de haut et passablement laide, dans le quartier du Sokol, il a gratifié une poignée de militants d’un discours qui devrait faire bondir les derniers naïfs pensant encore que Poutine est sincèrement anticommuniste.

    Dans un pesant et glacial hommage au Lider Maximo , il a célébré « l’amitié traditionnelle » entre les peuples russe et cubain. Selon Vladimir, Fidel « a défendu sans relâche la souveraineté de sa patrie », « il a consacré sa vie entière au combat inconditionnel pour le triomphe du Bien, de la vérité et de la justice » et « c’est à juste titre qu’il est considéré comme un des leaders politiques les plus brillants et les plus charismatiques du XX e siècle ».

    Pourquoi tant de salamalecs contraires à la science historique à une époque où la fascination planétaire pour le Cuba socialiste, si puissant dans les années 1960-1970, semble à tout jamais révolue ? Poutine se sert de la figure de Castro afin de dorer sa propre image de leader téméraire, de héros luttant bec et ongles pour débarrasser le monde de l’impérialisme américain – quitte à se retrouver isolé, seul contre presque tous, au bord de l’affrontement nucléaire.

    Parallèlement à cette inauguration de statue, Poutine a reçu au Kremlin le président cubain, Miguel Diaz-Canel Bermudez .

    Il lui a confié :

    « Je me souviens très bien de nos rencontres personnelles. C’était un homme impressionnant. Je me rappelle que lors de notre première rencontre dans son bureau, alors que nous discutions librement de la situation mondiale, j’ai été stupéfait par son souci du détail et sa connaissance des nuances des événements en cours même s’ils se déroulaient très loin de Cuba. Il était au courant de tout et pouvait analyser ce qui se passait dans le monde entier. Il était très intéressant et utile pour moi d’avoir ces rencontres avec lui. »

    Voilà donc l’incarnation du communisme cubain, un tyran dont l’incompétence était proverbiale, métamorphosé en expert géopolitique !

    Mais l’essentiel est à venir.

    Poutine et le communisme

    Poutine a précisé :

    « Vous savez que l’Union soviétique et la Russie ont soutenu le peuple cubain dans sa lutte pour l’indépendance et la souveraineté. Nous nous sommes toujours opposés à toutes les restrictions, internationales, les embargos et les blocus. »

    La messe rouge est dite : la Russie est un nouveau Cuba et l’Amérique agresse le pays le plus vaste d’Europe exactement comme elle asphyxiait la petite île révolutionnaire des Caraïbes. Les sanctions d’aujourd’hui sont des échos de celles d’hier. Poutine est le Fidel 2.0. Le prédateur russe est une proie sans peur et sans reproche.

    Ainsi va la politique poutinienne : antibolchévique lorsqu’il s’agit de vanter l’éternité de la tradition impériale russe mais s’accouplant fièrement à son passé communiste dès qu’il s’agit de mettre à l’index l’Occident.

    Parfois, Poutine explique que Lénine a été une malédiction dans l’histoire russe et qu’il a « entièrement créé et construit l’Ukraine », cette nation artificielle, tantôt fantoche, tantôt nazie. Mais il n’oublie jamais les leçons tactiques de Lénine, prince de l’opportunisme, maître de la terreur et champion de la désinformation.

    Lénine qui écrivait en 1920 :

    « Les milieux cultivés occidentaux sont incapables de comprendre l’état des choses et le rapport des forces. Nous devons les considérer comme des sourds-muets et les traiter en conséquence […] Nous devons exprimer le désir d’un rétablissement immédiat des relations diplomatiques avec les États capitalistes sur la base de la non-immixtion complète dans leurs affaires intérieures. Les sourds-muets vont le croire. Ils vont même être très contents et nous ouvrir largement leurs portes, par lesquelles nos agents s’infiltreront, déguisés en diplomates, représentants culturels et commerciaux. »

    Poutine est un très bon élève de cette école du vice née en 1917.

    Lorsqu’il dit qu’il appartient à Zelensky de mettre fin à la guerre en acceptant les conditions russes, il n’est certes pas officiellement léniniste mais il est est dangereusement léninien. Il pioche à l’envi dans sa collection de masques, l’important étant de ne jamais laisser paraître son vrai visage, celui d’un homme qui n’est rien ni personne, sinon, comme le souligne Françoise Thom dans son dernier livre, L’obsession du Pouvoir.

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      Xi Jinping : les habits sales du président Mao lui vont si bien

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 15 November, 2022 - 04:15 · 7 minutes

    Quand Xi Jinping arriva à la tête du Parti communiste chinois (PCC) en 2012, puis à celle de l’État chinois en 2013, on pouvait facilement penser qu’il allait s’inscrire dans les pas réformistes de son illustre prédécesseur Deng Xiaoping.

    Et de fait, c’est à Shenzhen, haut lieu du développement économique de la Chine et de son ouverture sur le monde tels qu’encouragés par Deng dès 1978 qu’il emmena ses collègues du Comité permanent du PCC pour inaugurer symboliquement son premier mandat. À cette époque, on le vit même écumer la scène internationale jusqu’au Forum économique de Davos (janvier 2017), n’ayant à la bouche que les mots « libre-échange », « fin du protectionnisme » et « libéralisation du commerce et des investissements ». Vous imaginez le ravissement occidental. La Chine s’éveille enfin et elle nous ressemble !

    C’était oublier un peu vite que si Deng avait eu une influence décisive sur l’aspect économique du développement humain et s’il avait bien perçu à travers l’exemple de Mao que le pouvoir personnel illimité est facteur de corruption et de stagnation économique, au point d’avoir été l’auteur en 1982 de la réforme constitutionnelle limitant le mandat des présidents chinois à deux quinquennats, il fut aussi celui qui donna l’ordre d’envoyer les chars sur les étudiants contestataires de la place Tiananmen en 1989.

    Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire précédemment, il n’a jamais été prévu , ni par Mao, ni par Deng, et certainement pas par l’actuel président chinois que la modernisation de la Chine puisse s’étendre le moins du monde aux libertés individuelles.

    Dans la foulée de ses grandes déclarations sur les beautés du commerce international, Xi Jinping s’est empressé de faire annuler (en 2018) la limitation des mandats présidentiels afin de revenir à la présidence à vie voulue par Mao – ce qui lui permet maintenant d’entamer un troisième quinquennat triomphalement entériné à l’issue du XX e Congrès du PCC qui s’est tenu le mois dernier.

    De même, il s’est empressé de « continentaliser » Hong Kong, c’est-à-dire de dépouiller ses habitants de leurs intolérables libertés civiles et politiques et de museler l’opposition démocratique au mépris des accords de 1997 qui prévoyaient que le territoire continuerait à bénéficier de l’État de droit instauré par les Britanniques ainsi que d’une relative autonomie par rapport à la Chine communiste pendant encore au moins cinquante ans. Mais pour Xi, l’intervention chinoise a permis à Hong Kong de passer « du chaos à la gouvernance » – il l’a redit avec force dans son discours inaugural du XX e Congrès.

    Ah, la gouvernance ! C’est son grand mot. Et il l’applique non sans une gourmandise maladive à la gouvernance des masses. Les masses de Ouïghours , les masses religieuses, les masses des malades potentiels du covid – les masses chinoises, finalement. Aucun pays au monde n’exerce de contrôle plus étroit et plus terrifiant sur l’ensemble de ses citoyens.

    Nul besoin d’en passer par une répression de type Tiananmen pour domestiquer la population et faire rentrer dans le rang les éventuelles fortes têtes, puisque le développement technologique du big data et la multiplication hallucinante des caméras dans l’espace public permettent d’instaurer une surveillance de tous les instants sur tous les citoyens. Le contrôle social bat son plein en Chine avec l’objectif ultime d’éteindre toute velléité d’opposition politique via un subtil maniement de carotte et de bâton.

    Mais là aussi, toujours revenir à Mao. Dans les années 1960, ce dernier avait mis au point un modèle de surveillance aussi low tech que terriblement efficace appelé « modèle de Fengqiao » ( ici , ici ), du nom du village où le système en question avait donné des résultats exceptionnels. Il s’agissait de combattre les éléments réactionnaires de la société, les éléments hostiles à la brillante révolution maoïste… par appel à la délation des voisins. Concrètement, les familles sont placées par groupe de dix sous la surveillance d’un chef qui signale les comportements ou les discours inopportuns des uns et des autres aux autorités.

    Encore une tradition revitalisée par Xi qui l’a évoquée dans son discours du XX e Congrès comme permettant de redonner du pouvoir de gouvernance au niveau local ! Police numérique d’un côté, police citoyenne de proximité de l’autre – pas de doute, « la lumière brillante de la vérité », ainsi que Xi qualifie les théories de Karl Marx, et « la pensée de Xi Jinping » (oui, oui, vous avez bien lu, la sienne) qu’il a fait inscrire dans la Constitution en même temps que sa présidence à vie ne risquent pas de subir la moindre critique.

    Outre que la personnalisation du pouvoir atteint chez Xi un niveau de démesure quasiment pathologique, tout est en place pour le conformisme le plus étroit, l’identité de vue, l’acquiescement à tout, la fin de la réflexion personnelle, autrement dit la zombification de la population.

    Ajoutez à cela une lutte sans merci contre la corruption qui signifie surtout mise au pas ou élimination des ennemis du peuple dans la société civile comme dans les instances nationales et locales du PCC, et vous obtenez un nouveau Comité central plus verrouillé que jamais par Xi Jinping. À ce titre, le sketch de la sortie sous escorte de l’ancien président chinois Hu Jintao du XX e Congrès est incroyablement révélateur. Message probable de cet incident non élucidé : tout ce qui peut être assimilé de près ou de loin à des sympathies occidentales – et Hu est réputé plutôt ouvert à l’Occident – doit disparaître du paysage. Xi nous ferait-il sa petite Révolution culturelle ?

    Oh, bien sûr, le nouveau Bureau politique du PCC regorge d’ingénieurs en aérospatial ou en sûreté nucléaire. Cela tombe bien ; du quantique à l’intelligence artificielle, Xi a fixé des objectifs ambitieux à la Chine.

    Progrès fulgurants assurés ? C’est à voir. Il n’y a pas la prospérité économique garantie par un autocrate, présumé un peu vite omniscient, d’un côté ; et tout le reste, la liberté d’expression, d’opinion, d’information, la liberté de créer et d’expérimenter – ces folles lubies d’Occidentaux décadents – de l’autre. Il n’y aura jamais de réel bien-être économique et social s’il n’est pas possible de faire savoir à l’autocrate qui règne en distillant la crainte qu’il se trompe quand il se trompe.

    En attendant, alors que les perspectives de croissance se rétractent, que l’immobilier chinois est résolument entré en phase d’éclatement de bulle et que la politique zéro covid toujours en cours accentue le freinage économique et l’écrasement des libertés individuelles, Xi Jinping suit la pente Mao et le fait savoir. À votre avis, où a-t-il emmené son nouveau Comité permanent pour fêter sa réélection cette année ? À Yan’an, ville où Mao et ses compagnons ont achevé la Longue Marche de 1934 – 1935.

    Par parenthèse, encore un épisode glorieux du communisme chinois : d’après l’encyclopédie Larousse , « des 100 000 hommes du départ, il n’en restait plus que 8000 à l’arrivée » , du fait des combats contre les troupes nationaliste, certes, mais surtout en raison de la faim, de la fatigue, des maladies et des très nombreuses désertions. Pour Mao, cependant, opération très profitable puisqu’elle lui a permis de consolider définitivement son pouvoir sur le PCC avant de prendre le pouvoir à Pékin en 1949.

    Et pour Xi, déterminé comme jamais « à transmettre les gènes révolutionnaires » qui ont fondé le communisme chinois , une nouvelle occasion de se glisser avec délice dans les habits sales du président Mao. Je dérive ma formule du titre du livre de Simon Leys intitulé Les Habits neufs du président Mao (1971) dans lequel cet auteur soutient la thèse que la Révolution culturelle initiée en 1966 par Mao ne fut qu’une « gigantesque imposture ». Une affaire connue aujourd’hui, mais très mal reçue par la gauche et même une partie de la droite occidentale à l’époque.

    Quand on sait que ladite révolution était clairement destinée à purger les « traîtres » et les « capitalistes » prétendument infiltrés dans le PCC et à implanter l’idéologie socialiste dans toutes les têtes, on ne peut que s’alarmer du rapprochement toujours plus concret et toujours plus élogieusement revendiqué que Xi Jinping opère entre sa gouvernance et celle d’un idéologue irresponsable et meurtrier comme Mao. Pas tant en nombre de morts – je le soulignais plus haut, la menace constante d’un contrôle social intensif permet d’écarter une telle extrémité – mais précisément, par accentuation du contrôle social et élimination systématique de toute dissidence jusqu’à obtenir un peuple et des élites sans volonté propre. Ça promet.

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      Les péchés mortels de la politique

      Foundation for Economic Education · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 7 November, 2022 - 03:50 · 8 minutes

    Par Axel Weber et Dan Sanchez.

    Le philosophe du XIXe siècle Joseph de Maistre a écrit que « toute nation a le gouvernement qu’elle mérite. »

    C’est vrai dans un sens car, comme l’a écrit plus tard Ludwig von Mises, « l’opinion publique est en définitive responsable de la structure de l’État. »

    Les croyances et les valeurs d’un peuple déterminent les institutions qu’il embrasse ou accepte.

    L’influence s’exerce également dans l’autre sens. Des systèmes de gouvernement différents créent des incitations différentes. Certaines institutions encouragent la vertu, tandis que d’autres fomentent le vice.

    Examinons quelques idéologies politiques historiquement importantes et les qualités morales qu’elles reflètent et promeuvent.

    Le socialisme

    Pour Winston Churchill , le socialisme est « l’Évangile de l’envie » . Un peuple affligé d’envie et de ressentiment gravitera vers le socialisme.

    Le psychologue Jordan B. Peterson a évoqué le lien entre l’envie et le socialisme marxiste en particulier :

    « Il y a le côté sombre de la chose, qui signifie que tous ceux qui ont plus que vous l’ont obtenu en vous le volant. Et cela fait vraiment appel à l’élément de l’esprit humain qui ressemble à Caïn. Tous ceux qui ont plus que moi l’ont obtenu d’une manière corrompue, ce qui justifie non seulement mon envie mais aussi mes actions pour niveler le terrain, pour ainsi dire, et avoir l’air vertueux en le faisant. Il y a une énorme philosophie du ressentiment qui, je pense, est dirigée maintenant par une éthique anti-humaine très pathologique. »

    Les socialistes ont tort de penser que l’ égalitarisme va améliorer la situation des plus démunis. Mais même si on les détrompe de cette erreur économique, l’envie peut les pousser à s’accrocher quand même au socialisme par un désir malveillant de nuire aux nantis.

    Comme Mises l’a écrit à propos des socialistes :

    « Le ressentiment est à l’œuvre lorsque l’on déteste tellement quelqu’un pour son environnement plus favorable que l’on est prêt à supporter de lourdes pertes si seulement celui que l’on déteste pouvait aussi subir un préjudice. Beaucoup de ceux qui attaquent le capitalisme savent très bien que leur situation dans tout autre système économique sera moins favorable. Néanmoins, en pleine connaissance de ce fait, ils préconisent une réforme, par exemple le socialisme, parce qu’ils espèrent que les riches, qu’ils envient, souffriront aussi sous ce régime. »

    Tout comme l’envie fait progresser le socialisme, le socialisme stimule l’envie en invitant les masses à participer au « pillage légal » (selon l’expression de l’économiste français Frédéric Bastiat) des riches et des nantis.

    Le fascisme

    Au XXe siècle, de nombreux pays se sont tournés avec crainte vers le fascisme pour se protéger du communisme. Dans ces pays, nombreux étaient ceux qui pensaient que si les communistes et leurs idées étaient violemment réprimés, leur révolution serait étouffée dans l’œuf. La peur s’est transformée en colère, les fascistes anticommunistes réprimant violemment toute dissidence susceptible de déstabiliser l’État.

    Comme l’écrivait Mises :

    « Le grand danger qui menace la politique intérieure du côté du fascisme réside dans sa foi totale dans le pouvoir décisif de la violence. »

    La colère et la violence du fascisme sont finalement autodestructrices.

    Selon Mises :

    « La répression par la force brute est toujours une confession de l’incapacité à faire usage des meilleures armes de l’intellect – meilleures parce qu’elles seules promettent un succès final. C’est l’erreur fondamentale dont souffre le fascisme et qui causera finalement sa chute. »

    La colère anime le fascisme, mais le fascisme attise aussi la colère en fomentant le tribalisme et en invitant les membres de la société à recourir à la violence politique pour régler leurs différends.

    Le progressisme

    Le progressisme est séduisant pour ceux qui s’imaginent pouvoir « améliorer » les individus par l’ingénierie sociale.

    Mais comme l’a illustré Leonard E. Read dans son essai classique I, Pencil , la société est si complexe que c’est une chimère. Pour penser que l’on peut planifier la société de manière centralisée, il faut se croire doté d’une omniscience quasi-divine. En termes simples, le progressisme est une idéologie de fierté excessive.

    Comme l’a dit le sénateur Ron Johnson :

    « L’arrogance des progressistes libéraux est qu’ils sont tout simplement beaucoup plus intelligents et meilleurs que les Staline, les Chavez et les Castro du monde, et si nous leur donnons tout le contrôle et qu’ils contrôlent votre vie, ils vont faire du bon travail. Eh bien, ce n’est tout simplement pas vrai. »

    Les progressistes ont tort de croire qu’ils savent comment gérer la vie des autres mieux que ces derniers. Même s’ils étaient hypothétiquement plus intelligents et plus éthiques que n’importe quel membre du reste de la société, ils auraient toujours tort.

    La quantité d’informations qu’un expert peut traiter à un moment donné est infinitésimale par rapport à la somme des informations dont disposent tous les individus. En laissant ces derniers libres de coopérer par le biais du système de prix, on décentralise l’utilisation des connaissances et on obtient en fait une utilisation plus importante des informations qu’avec un système d’experts planifié de manière centralisée.

    Comme l’expliquait Friedrich Hayek :

    « La curieuse tâche de l’économie est de démontrer aux hommes combien ils en savent peu sur ce qu’ils s’imaginent pouvoir concevoir. Pour l’esprit naïf qui ne peut concevoir l’ordre que comme le produit d’un arrangement délibéré, il peut sembler absurde que dans des conditions complexes, l’ordre et l’adaptation à l’inconnu puissent être réalisés plus efficacement en décentralisant les décisions et qu’une division de l’autorité étende en fait la possibilité d’un ordre global. Pourtant, cette décentralisation conduit en fait à la prise en compte de plus d’informations. »

    Ainsi, la foi du progressiste dans le pouvoir technocratique découle d’une arrogance épistémique suprême.

    Mises écrivait :

    « Il est insolent de s’arroger le droit d’annuler les plans des autres personnes et de les forcer à se soumettre au plan du planificateur. »

    Non seulement le progressisme découle de l’orgueil, mais il le stimule, car l’outrecuidance a tendance à monter à la tête des gens.

    Une alternative ?

    Devons-nous choisir parmi les systèmes politiques qui sont affligés d’un vice ou d’un autre ? Heureusement non. Il existe une alternative vertueuse : le libéralisme classique . Alors que le socialisme, le fascisme et le progressisme sont dominés par les péchés capitaux que sont l’envie, la colère et l’orgueil, le libéralisme classique incarne les vertus capitales que sont la charité, la tempérance et l’humilité.

    Là où le socialisme est fondé sur l’envie, le libéralisme classique encourage la charité. Les libéraux classiques croient en l’échange volontaire de biens et de services, ce qui ouvre la voie à la philanthropie. On ne peut être charitable que lorsqu’on a le choix de donner ou d’aider les autres. La charité forcée n’est pas vraiment charitable car il n’y a jamais eu de choix, tout comme donner quelque chose que l’on ne possède pas n’est pas un signe d’altruisme.

    Comme l’a écrit Murray Rothbard :

    « Il est facile d’être ostensiblement compatissant lorsque les autres sont obligés d’en payer le prix. »

    Là où le fascisme est courroucé, le libéralisme classique a de la tempérance. Les fascistes considèrent la dissidence et la différence comme dangereuses. Les libéraux classiques considèrent que le débat et la concurrence pacifiques sont la clé du progrès. Le libéralisme classique incarne la tempérance dans la manière dont il défend les droits de chacun, même ceux qui sont illibéraux. Sous le fascisme, l’hostilité violente à l’égard des différences est la règle ; sous le libéralisme classique, la coopération volontaire pacifique pour un bénéfice mutuel est la règle.

    Là où le progressisme est orgueilleux, le libéralisme classique est humble parce qu’il ne présuppose pas ce que la société devrait valoriser. Il suppose que tous les individus ont des objectifs qu’ils sont les seuls à savoir comment atteindre. Le libéralisme classique connaît les limites de ce qu’un individu peut savoir et, par conséquent, ne trouve aucune raison de conférer à un expert un pouvoir sur le reste de la société.

    Comme l’a écrit Hayek :

    « Toutes les théories politiques supposent […] que la plupart des individus sont très ignorants. Ceux qui plaident pour la liberté diffèrent […] en ce qu’ils incluent parmi les ignorants eux-mêmes aussi bien que les plus sages. »

    Comme il est dit dans la Bible, « le salaire du péché, c’est la mort » . Et en effet, les idéologies du socialisme, du fascisme et du progressisme, entachées de péchés, ont entraîné un nombre impressionnant de morts. En revanche, les bienfaits de la liberté comprennent non seulement la paix et la prospérité, mais aussi l’encouragement et la liberté de mener une vie vertueuse.

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