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Holodomor : le communisme n’a rien à envier au nazisme
Pascal Avot · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 1 December, 2022 - 04:00 · 8 minutes
Holodomor. Le mot est enfin entré dans l’usage courant en Occident. La question est maintenant : doit-il faire l’objet de la même attention que Shoah ?
Holodomor signifie « la famine ». Il est le nom de la catastrophe survenue en Ukraine en 1932 et 1933. Six millions d’innocents perdent la vie dans des conditions cauchemardesques. Cette catastrophe n’est pas le produit de conditions météorologiques défavorables. Elle n’est pas non plus le simple fruit d’une politique agricole aberrante. Elle est un crime totalitaire parfait. L’assassinat méthodique, implacable, terrifiant, dans le plus grand silence, d’un peuple, les Ukrainiens, par un tyran, Joseph Staline.
L’Holodomor est la conséquence mécanique du communisme lorsqu’il atteint le point culminant de sa trajectoire prédatrice : 90 ans après les faits et en pleine guerre, six millions de cadavres sortent de terre pour se présenter à nos consciences et demander des comptes à l’humanité entière.
Pour Vladimir Poutine , ce glas qui sonne soudain sur les cinq continents est une très mauvaise nouvelle.
Que s’est-il passé en 1932 et 1933 ?
On peut résumer l’événement en trois étapes majeures.
Première étape : durant les années précédentes, Staline a collectivisé avec une brutalité inouïe les campagnes de toute l’URSS. C’est la plus grande entreprise de destruction des campagnes jamais vue sur Terre (en attendant celle opérée par Mao, pire encore, 45 ans plus tard).
Deuxième étape : la collectivisation stalinienne a bien entendu été un échec complet : ses plans quinquennaux mènent droit à la pénurie. Pour continuer à nourrir son empire, Staline lance donc une politique de réquisitions sans pitié du blé ukrainien. Jusqu’à la moitié des récoltes sont arrachées manu militari aux paysans, provoquant des centaines de milliers de morts de disette. Dos au mur, Staline commence par lâcher un peu de lest mais fidèle à sa politique du pire il se ravise et frappe plus fort que jamais.
Troisième étape : le stalinisme se déchaîne sur l’Ukraine. Réquisitions maximalistes, déportations de masse, exécutions sommaires à la chaîne et le dernier verrou de l’enfer, le plus décisif : les Ukrainiens n’ont plus le droit de quitter leur pays. Les frontières sont hermétiquement fermées, le piège se referme. L’Ukraine entière devient un camp d’extermination par la faim. Et mourir de faim, ce n’est pas s’endormir : c’est souffrir atrocement, des semaines durant, à devenir fou. L’Ukraine devient une chambre de torture.
Au printemps 1933, la situation atteint des dimensions inimaginables. L’agonie de tous sous les yeux de tous, le typhus galopant, le cannibalisme, règnent en maîtres sur les vastes paysages ukrainiens.
Une femme écrit :
« Les bonnes personnes sont mortes en premier. Celles qui ont refusé de voler ou de se prostituer sont mortes. Celles qui ont donné de la nourriture à autrui sont mortes. Celles qui ont refusé de manger des cadavres sont mortes. Celles qui ont refusé de tuer leur prochain sont mortes. Les parents qui ont résisté à l’anthropophagie sont morts avant leurs enfants. »
Le consul italien en poste à Kharkov, témoigne :
« Les personnes enflées sont transportées en train de marchandises à la campagne et abandonnées à 50-60 kilomètres de la ville de sorte qu’elles meurent sans qu’on les voie. »
Difficile de résumer en quelques citations, forcément trop brèves, l’ampleur de l’abomination traversée par les Ukrainiens. On se contentera de rappeler que chez ce peuple très chrétien le cannibalisme se généralise. On tue son voisin pour le manger. On tue ses propres enfants pour les manger. Des enfants tuent d’autres enfants pour les manger. Staline a rendu impossible l’humanité.
Staline l’a-t-il voulu ?
Oui. Il s’est vengé sur l’Ukraine de l’échec de la collectivisation. Staline est un communiste sincère : il ne croit pas que le communisme puisse échouer. Si quoi que ce soit lui résiste, un traître se cache derrière. Le peuple ukrainien est un traître. Le traître doit mourir. Et s’il meurt en rampant, en pleurant, en mangeant de la boue pour tenter de survivre et s’il crève d’avoir mangé de la boue, c’est aussi bien. On ne comprend pas Staline si l’on laisse de côté sa légendaire cruauté. Les témoins sont formels : quand il est en colère, les pupilles de ses yeux virent au jaune. Inutile de croire en Dieu pour penser que Staline est diabolique.
Six millions de victimes, donc. Six millions de suppliciés. Autant que ceux de la Shoah, en un temps un peu plus bref. Ici, il convient d’examiner de près le parallèle entre communisme et nazisme, qui agite tant la communauté des historiens depuis un demi-siècle.
La thèse communément admise par l’opinion mondiale est que rien n’est pire que le nazisme. Cette thèse est fausse car elle laisse entendre que le communisme est « moins pire ». Or, c’est un mensonge savamment et inlassablement entretenu par les gauches politiques, intellectuelles et juridiques dans le seul but d’échapper à l’accusation suprême, ô combien méritée : « Vous autres, les rouges et tous vos alliés, vous ne valez pas mieux que les hitlériens ». Cette censure, peut-être la plus grande de notre temps, pèse sur nos intelligences, sur nos sensibilités et sur nos actes et nous devons nous en débarrasser définitivement. 2022 est le bon moment idéal pour le faire.
Jean-François Revel disait que pour se faire une opinion en politique le plus efficace est de « commencer par compter les cadavres. » Sur ce point, le communisme supplante sans conteste le nazisme. Rien que le maoïsme tue intramuros autant d’humains en temps de paix que le Troisième Reich en temps de guerre mondiale et c’est sans inclure les hécatombes de Staline, Castro, Ceaucescu, Pol Pot, la dynastie Kim et consorts. Si les fosses communes sont le critère d’appréciation, le débat est clos : victoire par K.O du communisme.
La différence fondamentale entre l’épouvante du nazisme et celle du communisme réside dans les camps d’extermination-express. Ni le stalinisme ni le maoïsme ne présentent d’usines comparables à celles d’Heinrich Himmler : Auschwitz, Belzec, Chelmno, Majdanek, Sobibor, Treblinka. Au Goulag, on meurt différemment et plus lentement. Dans les camps communistes asiatiques – maoïstes et nord-coréens par exemple -, on subit toutefois des atrocités pouvant raisonnablement sembler plus repoussantes encore que le sort des juifs qui descendent des trains de marchandises dans le brouillard polonais.
Pour le reste, la destruction de la société, de l’économie, de la famille, de la culture, l’anéantissement de la civilisation et de la vie du sol au plafond, il faut noter que le nazisme ne se hisse au niveau du totalitarisme communiste le plus pur qu’entre 1941 et 1945. Pendant ces quatre années, la dictature, la trépanation du peuple et sa militarisation sont absolues, il n’y a plus un interstice pour la liberté et l’individu. Auparavant, le totalitarisme nazi est allé crescendo sans jamais égaler les standards du stalinisme de la Grande Terreur , du maoïsme du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle, ou de la Corée du Nord depuis déjà plus de soixante ans.
Rien ni personne ne nous fera croire que notre propos consiste à relativiser l’abjection nazie. Elle est absolue. Tout le mal dit à son sujet est mille fois justifié. Tout le rejet qu’elle inspire est sacré. Mais il n’en est pas moins vrai que le communisme a fait davantage de mal et que surtout il continue à faire ce mal tandis que le national-socialisme n’existe plus que de manière éparse, groupusculaire et qu’il coulera sans doute de l’eau sous les ponts avant qu’il ne reprenne, où que ce soit, le pouvoir qu’il a perdu lorsque son prophète s’est logé une balle dans le crâne.
Tout ceci considéré, on comprend mieux la férocité de la résistance ukrainienne depuis neuf mois. Les Ukrainiens n’oublient pas davantage l’Holodomor que les juifs ne classent la Shoah par pertes et profits.
Si Poutine ne revendiquait pas l’héritage de Staline et s’il n’exprimait pas ouvertement une haine tenace pour l’Ukraine, la question se poserait autrement. Or, il se revendique bel et bien de cet héritage et il exprime bel et bien cette haine. La question ne se pose donc aucunement. Kiev a un droit imprescriptible à redouter le retour de l’Holodomor et à vouloir l’empêcher à tout prix. Et l’Occidental qui minaude devant ce réflexe de survie manque d’intelligence, de cœur, de mémoire et d’imagination. Tel un thuriféraire de Robert Faurisson, il se déshonore.
Faut-il, comme le propose Anne Genetet, élue Renaissance des Français de l’étranger, que soit officiellement reconnu l’Holodomor comme un crime contre l’humanité ? Oui, car cela a une vertu pédagogique mais il ne faut surtout pas s’en tenir là. Le crime contre l’humanité soviétique commence dans les îles Solovki, au début des années 1920, quand Lénine crée les premiers camps de concentration et d’extermination communistes. Et il recouvre de son ombre hurlante 70 ans d’histoire russe, ukrainienne, bulgare, biélorusse…
L’Holodomor n’est pas une exception : il est un mètre-étalon et c’est la raison pour laquelle il faut le connaître, le comprendre et le dénoncer sans faillir, tant que des Nord-Coréens mourront de faim dans leur pays fermé à double tour, tels des Ukrainiens des années 1920. Les derniers cas de cannibalisme y ont été recensés en 2012. Rien n’indique qu’il n’y en ait plus au moment où vous lisez ces lignes. L’Holodomor n’est pas terminé.