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La droite ne se redressera que si elle redresse l’industrie
Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 2 December, 2022 - 03:40 · 7 minutes
Le débat du 21 septembre sur LCI entre les trois candidats à la présidence des Républicains a été fort décevant.
Comme à son habitude, Éric Ciotti a joué la carte de la fermeté en défendant une droite « qui ne s’excuse plus d’être elle-même » ; Bruneau Retailleau s’est fait le partisan d’une droite « fière de ses valeurs avec une ligne claire sur le régalien et l’économie » ; Aurélien Pradié n’a rien trouvé de mieux que de vanter son expérience de maire et de pompier.
Dans son éditorial du journal Le Figaro des 26 et 27 novembre dernier Yves Thréard déplore :
« Elle [la droite] ressasse, hésite et doute : il lui manque un projet solide et surtout quelqu’un pour l’incarner ».
Valérie Pécresse a fait le score désastreux de 4,8 % à l’élection présidentielle. Et ce n’est pas avec l’un de ces trois candidats que la droite va se redresser.
Pourquoi donc ce débat a-t-il été aussi décevant ? Parce qu’aucun des sujets importants concernant le redressement de notre pays n’a été abordé : rien sur la manière de procéder pour redresser l’économie du pays, rien sur l’Europe et la sauvegarde de notre autonomie de décision face aux oukases de la Commission de Bruxelles et rien sur la manière de faire face, demain, au déversement sur l’Europe de flux migratoires qui vont la submerger.
Il faut dire que les deux journalistes qui ont interrogé ces trois candidats n’ont pas été non plus très brillants en posant des questions chrono en main pour faire respecter les temps de parole.
Ce que nous aurions aimé entendre
Le redressement de l’économie française
Depuis des années, les clignotants sont au rouge :
- chômage excessif bien plus élevé que celui des autres pays européens,
- balance commerciale déficitaire depuis vingt ans,
- dépenses publiques et prélèvements obligatoires les plus élevés de tous les pays de l’OCDE,
- endettement extérieur croissant d’année en année.
Les trois candidats n’ont rien eu à dire sinon qu’il fallait réduire les dépenses publiques, ce qui est le discours habituel des libéraux, un propos de café du commerce formulé par des personnes qui n’ont pas compris que le mal dont souffre le pays est sa très grave désindustrialisation .
Le secteur industriel n’a pas cessé de fondre depuis la fin des Trente glorieuses. Ses effectifs sont passés de 6,5 millions de personnes à 2,7 millions aujourd’hui. Depuis Jean Fourastié , ce secteur désigné comme le « second secteur de l’économie » n’intervient plus que pour 10 % dans la formation du PIB au lieu de se situer à minimum 18 %. C’est donc en redressant le secteur industriel que l’économie du pays se redressera : il n’y aura plus de chômage, la balance commerciale redeviendra positive, les dépenses sociales pourront être réduites puisque le pays sera devenu beaucoup plus riche. Et l’économie ayant retrouvé sa vigueur l’endettement ne sera plus nécessaire.
Relations avec Bruxelles et construction d’une nouvelle Europe
La France doit-elle se fondre dans une vaste communauté européenne ou bien doit-elle conserver la maitrise de son destin ? Cette question est essentielle.
Emmanuel Macron n’a qu’un seul projet : dissoudre la France dans l’Union européenne et confier aux autorités de Bruxelles le destin du pays. Il plaide pour une Europe de la défense et la constitution d’une armée européenne : cela suppose qu’une autorité suprême à Bruxelles soit capable de décider de l’emploi de cette force, au lieu des décisions à prendre à l’unanimité dans 27 pays.
Du fait de la faiblesse de son économie la France ne peut pas s’extraire de la zone euro, mais doit-elle pour autant abandonner à une autorité étrangère la maitrise de son destin ? Il est curieux que sur une question de cette importance les trois candidats n’aient rien eu à dire.
Maitriser les flux migratoires
Ils ne vont pas manquer de se renforcer en direction de notre continent.
Il s’agit de s’attaquer à la racine du mal et de se donner les moyens de surmonter l’obstacle constitué par les refus systématiques des pays africains de récupérer leurs nationaux lorsque le pays souhaite renvoyer chez eux des migrants qu’il ne peut pas prendre en charge.
La coopération avec l’Afrique
La seule solution consiste à lancer un grand plan européen de coopération avec le continent africain visant à aider certains de ses pays à se développer économiquement. C’est indispensable puisque ces migrations sont l’expression de l’extrême pauvreté dans laquelle ils se trouvent. Par ailleurs, cela procurerait des moyens de négociation efficaces pour amener les pays qui font les sourds à rapatrier leurs nationaux.
Il s’agirait donc de modifier totalement la politique de coopération avec les pays africains en limitant cette aide aux trois objectifs suivants :
Grands travaux d’infrastructures
Ils seraient réalisés par les entreprises européennes et répondraient aux besoins de ces pays : routes, voies ferrées, réseaux d’électricité et de communication, ports, aéroports…
Alimentation d’un fonds d’indemnisation
Il serait alimenté par l’UE et destiné à couvrir les investissements contre les risques politiques africains.
Aide à la réinstallation dans leur pays d’origine
Elle concernerait les migrants faisant l’objet d’une procédure d’expulsion, comme par exemple les OQTF en France.
Actuellement, les aides à l’Afrique sont complètement dispersées et totalement inefficaces, chaque pays européen menant sa propre politique d’aide au développement. La Commission européenne intervenant elle aussi via le Fonds européen de développement devenu « Europe dans le Monde » en 2021.
Il faut renoncer à ce type d’aide. Avec cette nouvelle manière d’opérer, les pays européens renonceraient donc à procéder à de l’aide bilatérale, tous les moyens se trouvant dorénavant concentrés dans les mains de la Commission. L’Europe ne s’occuperait plus que des pays africains, et non plus, comme actuellement, de tous les pays sous-développés du monde.
La création d’un système d’assurance des investissements des entreprises dans les pays africains serait un élément essentiel de ce plan : en effet des pays en voie de développement ne peuvent pas évoluer sans le concours d’investissements étrangers, ce que les économistes nomment des investissements directs étrangers. Les entreprises étrangères apportent non seulement des capitaux pour créer des usines ou mettre des territoires en valeur mais aussi les know-how dont ces pays sont dépourvus, et elles forment sur place la main-d’œuvre. De surcroît, leur concours est indispensable car ce sont elles qui vont nourrir les exportations avec leurs réseaux de distribution dans les pays développés, là où précisément se trouvent les marchés.
C’est d’ailleurs de cette manière que s’est développée la Chine.
Selon une étude de la CNUCED, en 2007 les capitaux étrangers intervenaient en Chine pour 30,9 % dans la production industrielle du pays et pour 60 % dans les exportations.
Actuellement, l’Afrique bénéficie très peu des investissements directs étrangers car les entreprises redoutent d’être spoliées. D’où la nécessité d’un système d’assurance européen contre les risques politiques à l’exemple de la MIGA créée à Washington par la Banque mondiale.
L’Europe interviendrait donc dans tous ces pays en retard en termes de développement pour les doter des grandes infrastructures qui leur font défaut. Elle ouvrirait ainsi la voie à ses entreprises pour leur permettre d’agir en Afrique. On en serait à l’objectif OCDE de 0,7 % du revenu national brut de l’Europe, c’est-à-dire environ 100 milliards d’euros par an. On agirait sans intervenir dans les affaires internes de ces pays, la seule préoccupation étant d’être efficaces car il y a urgence.
Un sondage OpinionWay pour le Cevipof du 10 janvier 2022, indiquait que 32 % des Français se considèrent de droite.
Pour que le parti LR soit en mesure de les mobiliser, il faudrait qu’il puisse se doter d’un programme d’action bien structuré traitant des trois questions fondamentales qui conditionnent l’avenir du pays : le redressement économique, construire l’Europe de demain et éviter la submersion de flux migratoires incontrôlables.